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{{Infobox Biographie2
| œuvres principales = La*''[[Le descriptionLivre dude mondeMarco Polo]]''
}}
 
'''Marco Polo'''<ref group=n>Onou l'a francisé en ''Marc Pol'' (''Le Livre des merveilles'', ed. 1470).</ref> (né le {{date|15|septembre|1254}}, à [[Venise]], et mort auxprobablement alentoursen dujanvier {{date|9|janvier|1324}}, à [[Venise]] également)<ref>{{Lien web|auteur1=Philippe Ménard Professeur émérite Université Paris Sorbonne|titre=Marco Polo, un vénitien en Chine|url=https://www.canalacademiecanalacademies.com/Marcoemissions/au-Polofil-des-pages/marco-polo-un-Venitienvenitien-en-Chine.htmlchine|site=Canal Académie|périodiquedate=Lettre d'information 92 Canal Académie Courrier à voir tout en basfévrier de la page.|date=2008|consulté le=0211 janvier 20202023}}.</ref>) est un marchandcélèbre vénitien[[Marchand (actuellecommerce)|marchand]], [[ItalieExploration|explorateur]]), célèbre[[diplomate]], pour[[ethnologue]] sonet voyage[[écrivain]] en[[République de Venise|vénitien]], de la période des [[ChineGrandes découvertes#Prélude (1241-1438)|préludes des grandes découvertes]], devenu mondialement célèbre pour une des plus anciennes descriptions qu'il racontea dansdonnées unde livrel'[[Empire intitulémongol|empire sino-mongol]] du [[Khagan]] [[Kubilai Khan]], avec son ''[[DevisementLe duLivre mondede Marco Polo|Livre de Marco Polo]]'' (ou ''LivreLe desDevisement du merveillesMonde'' ou encore ''Livre dedes Marco Polo.Merveilles'') de 1298, recopié et traduit avec succès en de nombreuses langues.
 
À l'âge de 17 ans, Marco Polo part en 1271 avec sonses père et oncle, les frères [[Niccolò et Matteo Polo|Niccolò]], etretournant sonen oncleChine, en suivant les [[Niccolòroute de la soie]] et Matteo[[Histoire Polodu commerce des épices|Matteodes épices]] pourjusqu'à l’Asie[[Pékin]], pendant il3 seans metet demi, avecpour eux,retrouver aule serviceGrand deKhan [[Kubilai Khan]],qui l'[[Empireles mongol|empereuravait mongol]]missionnés auprès du pape. AprèsEn avoirChine, exercéMarco diversesPolo missionsdevient officielles« durantambassadeur-messager une» vingtainede dl'annéesempereur, ilc'est-à-dire entreprendémissaire impérial dans tout son voyageempire, pendant 17 ans. Puis il revient à Venise, après 24 ans de retourvoyages, chargé de « messages à tous les rois de l'occasion[[Occident d'une missionchrétien]] diplomatique».
 
Arrivé en 1295, à peine de retour, il est fait prisonnier par les [[République de Gênes|Génois]] (en guerre contre [[République de Venise|Venise]]), semble-t-il en 1298. Durant son emprisonnement au [[Palazzo San Giorgio (Gênes)|Palazzo San Giorgio]] de [[Gênes]], il rédige en français avec son compagnon de cellule-écrivain [[Rustichello de Pise]] ses souvenirs et descriptions de d'Asie et des États de Kubilai. Il n’était pas le premier Européen à se rendre à la cour de l'empereur mongol, mais il est le premier à décrire des réalités chinoises, tel le [[papier monnaie]]. Il décrit aussi des [[lamaserie]]s et mentionne le Japon ([[Cipango]]) jusqu'alors inconnu en Europe. Son récit a influencé [[Christophe Colomb]] et d'autres voyageurs-explorateurs. L'[[Atlas catalan]] et la [[carte de Fra Mauro]] sont établis en partie sur la foi de son récit.
Après un périple de 24 ans, il est de retour en Italie en 1295. L'année suivante, il participe à une guerre navale entre Venise et Gênes, au cours de laquelle il est fait prisonnier par les [[République de Gênes|Génois]]. Durant son emprisonnement, il dicte à un compagnon de cellule, [[Rustichello de Pise]], une description des États de Kubilaï et de l'Orient. Ce manuscrit ayant connu de nombreuses versions et traductions, il est pratiquement impossible d'en reconstruire l'état original. Il semble toutefois qu'il ait été d'abord rédigé en [[langue franco-vénitienne]].
 
Marié, père de trois filles, il meurt en 1324, à l'âge de 69 ans, et repose dans l’[[église San Lorenzo de Venise]].
Marco Polo n’était pas le premier Européen à se rendre à la cour de l'empereur mongol, mais il est le premier à décrire des réalités chinoises, tel le [[papier monnaie]]. Il décrit aussi les [[lamaserie|lamaseries]] du [[Tibet]] et mentionne l'existence du Japon (Cipango), jusqu'alors inconnu. Son récit a influencé [[Christophe Colomb]] et d'autres voyageurs. L'[[atlas catalan]] et la carte de [[Fra Mauro]] sont établis en partie sur la foi de son récit.
 
Marié, père de trois filles, il meurt en 1324 et est enterré dans l’[[Église San Lorenzo (Venise)|église de San Lorenzo]] à [[Venise]].
 
== Biographie ==
[[Fichier:Coat of arms of the House of Polo 01.svg|vignette|gauche|redresse|[[Héraldique|Armoiries]] de la [[Famille Polo (Venise)|famille Polo]], [[patricien]]ne de [[Venise]]<ref group=n>De gueules, à la bande d'or, chargée de trois corneilles de sable becquetées et onglées du champ.</ref>.]]
[[Fichier:MarcoPoloStatueInHangzhou.JPG|vignette|Statue de Marco Polo à [[Hangzhou]].]]
Marco Polo est né le {{date|15 septembre 1254}}, probablement à Venise, dans une famille [[patricien]]ne de la [[république de Venise]] ([[Famille Polo (Venise)|famille Polo]])<ref group=n>Le lieu exact de sa naissance n'est pas connu avec certitude et a fait l'objet de discussions, surtout de la part de quelques historiens croates qui soutiennent qu'il est né sur l'île de [[Korčula|Curzola]]. Lire sur cette question Olga Orlić, ''[http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212682113000140 The curious case of Marco Polo from Korčula: An example of invented tradition]'', ''Journal of Marine and Island Cultures'', Volume 2, Issue 1, June 2013, Pages 20–28.</ref>. Il n'est pas élevé par son père [[Niccolò Polo]], négociant vénitien spécialisé dans le [[route commerciale|grand commerce]] oriental et très souvent absent, mais par son grand-père Andréa Polo, lui aussi grand commerçant selon le modèle typique du capitalisme familial. Son père et son oncle [[Niccolò et Matteo Polo]] partent en effet en [[1260]] pour le quartier vénitien de [[Constantinople]] (capitale de l'[[Empire latin de Constantinople]]) où ils possèdent plusieurs [[Comptoirs italiens en mer Noire et en Méditerranée|comptoirs Vénitiens]]. Lorsque [[Siège de Constantinople (1260)|Constantinople est reprise en 1261]] par les forces de l'[[empire de Nicée]] de [[Michel VIII Paléologue]] qui chassent les Latins de la ville, Niccolò et Matteo Polo cherchent d'autres débouchés et [[Route commerciale|routes commerciales]] en [[Asie centrale]] en s'installant dans le petit comptoir de [[Soldaïa]], sur les bords de la [[mer Noire]], qui vient de s'ouvrir aux marchands européens avec la [[quatrième croisade]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=The New Encyclopædia Britannica Macropedia|titre=Marco Polo|éditeur=Britannica Editors|année=2002|passage=571|isbn=978-0-85229-787-2}}.</ref>.
 
[[File:NoccoloAndMaffeoPoloWithGregoryX.JPG|vignette|gauche|[[Niccolò et Matteo Polo]], avec le pape [[Grégoire X]], [[Le Livre de Jean de Mandeville]] de 1356.]]
Marco Polo est né le {{date|15 septembre 1254}} dans la [[République de Venise]], très probablement à Venise<ref group=n>Le lieu exact de sa naissance n'est pas connu avec certitude et a fait l'objet de discussions, surtout de la part de quelques historiens croates qui soutiennent qu'il est né sur l'île de [[Korčula|Curzola]]. Lire sur cette question Olga Orlić, ''[http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212682113000140 The curious case of Marco Polo from Korčula: An example of invented tradition]'', ''Journal of Marine and Island Cultures'', Volume 2, Issue 1, June 2013, Pages 20–28.</ref>. Il n'est pas élevé par son père [[Niccolò Polo]], négociant vénitien spécialisé dans le grand commerce oriental et très souvent absent, mais par son grand-père Andréa Polo, lui aussi grand commerçant selon le modèle typique du capitalisme familial. Son père et son oncle [[Niccolò et Matteo Polo]] partent en effet en [[1260]] pour le quartier vénitien de [[Constantinople]] où ils possèdent plusieurs [[Comptoirs italiens en mer Noire et en Méditerranée|comptoirs]]. Lorsque la capitale de l'[[empire latin de Constantinople]] est reprise en 1261 par les forces de l'[[empire de Nicée]] de [[Michel VIII Paléologue]] qui chassent les Latins de la ville, Niccolò et Matteo Polo cherchent d'autres débouchés commerciaux en [[Asie centrale]] en s'installant dans le petit comptoir de [[Soldaïa]], sur les bords de la [[mer Noire]], qui vient de s'ouvrir aux marchands occidentaux avec la [[quatrième croisade]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=The New Encyclopædia Britannica Macropedia|titre=Marco Polo|éditeur=Britannica Editors|année=2002|passage=571|isbn=978-0-85229-787-2}}.</ref>.
Marco Polo a quinze ans lorsque son père et son oncle reviennent en [[1269]] d'un long voyage en Asie centrale où ils ont rencontré en [[Chine]] le premier empereur mongol de la [[dynastie Yuan]], [[Kubilai Khan]], petit-fils de [[Gengis Khan]] (fondateur de l'[[Empire mongol]], le plus vaste empire continu de tous les temps) qui leur propose le [[monopole]] de toutes les transactions commerciales entre la Chine et la [[Occident chrétien|Chrétienté]] et demande en échange l'envoi d'une centaine de savants et artistes pouvant illustrer l'[[Occident chrétien]]. Ils sont porteurs d'un message de sympathie et de paix et de cette demande pour le [[pape]], qui voit dans ces tribus (appelées alors [[Tatars#Origines|tartares]] en Europe) depuis 1250 un possible allié dans la lutte des [[croisade]]s contre l'[[expansion de l'islam]]. Pendant deux années, les deux frères, Niccolò et Matteo, vont attendre l'élection d'un nouveau souverain pontife, [[Grégoire X]], le [[conclave]] s'éternisant depuis la mort de [[Clément IV]] en [[1268]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=John|nom1=Parker|titre=Marco Polo|éditeur=The World Book Encyclopedia|année=2004|pages totales=454|passage=648-649|isbn=978-0-7166-0104-3}}.</ref>.
 
[[File:Kublai Khan meeting Marco Polo.png|vignette|[[Kubilai Khan]] reçoit les [[Niccolò et Matteo Polo|frères Polo]] et Marco, à [[Shangdu]] en 1274, ''[[Le Livre de Marco Polo]]''.]]
Marco Polo a quinze ans lorsque son père et son oncle reviennent en [[1269]] d'un long voyage en Asie centrale où ils ont rencontré en [[Chine]] le premier empereur mongol de la [[dynastie Yuan]], [[Kubilai Khan]], petit-fils de [[Gengis Khan]], qui leur propose le [[monopole]] de toutes les transactions commerciales entre la Chine et la [[Chrétienté]] et demande en échange l'envoi d'une centaine de savants et artistes pouvant illustrer l'Empire des chrétiens. Ils sont porteurs d'un message de sympathie et de cette demande pour le [[pape]], qui voit dans ces tribus (appelées alors [[Tatars#Origines|tartares]] en Occident) depuis 1250 un possible allié dans la lutte contre l'[[Islam]]. Pendant deux années, les deux frères, Niccolò et Matteo, vont attendre l'élection d'un nouveau souverain pontife, [[Grégoire X]], le [[conclave]] s'éternisant depuis la mort de [[Clément IV]] en [[1268]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=John|nom1=Parker|titre=Marco Polo|éditeur=The World Book Encyclopedia|année=2004|pages totales=454|passage=648-649|isbn=978-0-7166-0104-3}}.</ref>.
[[File:Statue of Marco Polo.jpg|vignette|gauche|redresse|Buste de Marco Polo, des jardins de la [[Villa Borghèse]] de [[Rome]].]]
En [[1271]], à titre de commerçants mais aussi d'ambassadeurs, ils quittent à nouveau Venise pour retourner en Chine en suivant la [[route de la soie]] et [[Histoire du commerce des épices|des épices]], avec le jeune Marco. Ils sont accompagnés de deux [[Ordre des Prêcheurs|dominicains]] menant une mission diplomatique au nom du pape, Nicolas de Vincenza et [[Guillaume de Tripoli]], mais ceux-ci abandonneront l'expédition à [[Lajazzo]] par peur des rumeurs de guerre{{sfn|Yamashita|2004|p=46}}. À partir du comptoir vénitien de l'[[Yumurtalık|Ayas]], ils empruntent la plus septentrionale des [[Route de la soie|routes de la soie]]. Après trois ans de voyage, Marco Polo est reçu avec ses parents à la très fastueuse cour mongole, peut-être à [[Cambaluc]]. D'abord, semble-t-il, envoyé en légation avec son oncle dans la ville frontière de [[District de Ganzhou|Ganzhou]], à l'extrémité ouest de la [[Grande Muraille]], où il fait ses classes (apprenant probablement le [[ouïghour]]), il devient ensuite un enquêteur-messager du palais impérial suzerain de la Chine, de l'[[Empire perse]] et de la [[Horde d'or]]. À ce titre il accomplira diverses missions pour le grand khan, tant en Chine que dans l'[[océan Indien]] (voir [[#Fonctions de Marco Polo en Chine|fonctions de M.&nbsp;Polo]]) : [[Corée]], [[Birmanie]], [[Sumatra]], [[Cambodge]], [[Viêt Nam]] (par contre il ne mentionne l'île de [[Cypango]], le [[Japon]], que par ouï-dire)<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Pierre|nom1=Racine|titre=Marco Polo et ses voyages|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Perrin|Perrin]]|année=2012|pages totales=456|isbn=978-2-262-03132-9}}.</ref>.
 
[[File:Bust of Marco Polo. Panteon Veneto; Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti.jpg|vignette|redresse|Buste de Marco Polo, de l'{{Lien|langue= en|trad= Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti|fr= Institut vénitien des sciences, lettres et arts|texte= Institut vénitien des sciences, lettres et arts}} de [[Venise]].]]
En [[1271]], à titre de commerçants mais aussi d'ambassadeurs, ils quittent à nouveau Venise pour retourner en Chine avec le jeune Marco. Ils sont accompagnés de deux [[Ordre des Prêcheurs|dominicains]] menant une mission diplomatique au nom du pape, Nicolas de Vincenza et [[Guillaume de Tripoli]], mais ceux-ci abandonneront l'expédition à [[Lajazzo]] par peur des rumeurs de guerre{{sfn|Yamashita|2004|p=46}}. À partir du comptoir vénitien de l'[[Yumurtalık|Ayas]], ils empruntent la plus septentrionale des [[Route de la soie|routes de la soie]]. Après trois ans de voyage, Marco Polo est reçu avec ses parents à la très fastueuse cour mongole, peut-être à [[Cambaluc]]. D'abord, semble-t-il, envoyé en légation avec son oncle dans la ville frontière de [[District de Ganzhou|Ganzhou]], à l'extrémité ouest de la [[Grande Muraille]], où il fait ses classes (apprenant probablement le [[ouïghour]]), il devient ensuite un enquêteur-messager du palais impérial suzerain de la Chine, de l'[[Empire perse|empire Perse]] et de la [[Horde d'or]]. À ce titre il accomplira diverses missions pour le grand khan, tant en Chine que dans l'[[océan Indien]] (voir [[#Fonctions de Marco Polo en Chine|fonctions de M.&nbsp;Polo]]) : [[Corée]], [[Birmanie]], [[Sumatra]], [[Cambodge]], [[Viêt Nam]] (par contre il ne mentionne l'île de [[Cypango]], le [[Japon]], que par ouï-dire)<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Pierre|nom1=Racine|titre=Marco Polo et ses voyages|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Perrin|Perrin]]|année=2012|pages totales=456|isbn=978-2-262-03132-9}}.</ref>.
Vers la fin du règne de [[Kubilai Khan]], Marco Polo et ses parents obtiennent le droit de retourner dans leur pays contre un dernier service officiel : en 1291 ils embarquent à destination de la Perse, où ils accompagnent la princesse [[Kokejin]], promise par Kubilai Khan à l'ilkhan [[Arghoun]] d'Iran<ref group="n">L'ilkhan, qui par lettre conservée aux Archives de France avait donné rendez-vous au roi Philippe le Bel en février [[1291]] devant Damas : « Si tu tiens ta parole et envoies tes troupes à l'époque fixée, et que dieu nous favorise, lorsqu'à ce peuple nous aurons pris Jérusalem, nous te la donnerons » (le roi de France n'envoya pas d'armée ; l'ilkhan Argun est assassiné en mars [[1291]]).</ref>. Beaucoup d'incertitudes subsistent sur le trajet exact qu'il a suivi. En 1292, bloqué par la mousson d'hiver, il fait escale durant cinq mois à [[Perlak]] dans le nord de l'île de [[Sumatra]] (dans l'actuelle [[Indonésie]]). Il arrive à [[Ormuz]] au printemps 1293 et séjourne en Perse durant plusieurs mois{{sfn|Ménard 2001|loc=tome VI (2009)|p=VI}}. À [[Empire de Trébizonde|Trébizonde]], plus ou moins sous l'influence des Génois, il est dépouillé d'une partie de sa fortune<ref name="Racine">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pierre Racine|titre=Marco Polo et ses voyages|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Perrin|Perrin]]|année=2012|pages totales=456|isbn=978-2-262-03132-9}}.</ref>.
 
[[File:Memorials to Marco Polo - Casa Polo - Memorial plaque.jpg|vignette|gauche|Plaque commémorative sur l'emplacement de l'ancienne '' Casa Polo'' de Venise]]
Vers la fin du règne de [[Kubilai Khan]], Marco Polo et ses parents obtiennent le droit de retourner dans leur pays contre un dernier service officiel : en 1291 ils embarquent à destination de la Perse, où ils accompagnent la princesse [[Kokejin]], promise par Kubilai Khan à l'ilkhan [[Arghoun]] d'Iran<ref group="n">L'ilkhan, qui par lettre conservée aux Archives de France avait donné rendez-vous au roi Philippe le Bel en février [[1291]] devant Damas : « Si tu tiens ta parole et envoies tes troupes à l'époque fixée, et que dieu nous favorise, lorsqu'à ce peuple nous aurons pris Jérusalem, nous te la donnerons » (le roi de France n'envoya pas d'armée ; l'ilkhan Argun est assassiné en mars [[1291]]).</ref>. Beaucoup d'incertitudes subsistent sur le trajet exact qu'il a suivi. En 1292, bloqué par la mousson d'hiver, il fait escale durant cinq mois à Perlak dans le nord de l'île de [[Sumatra]] (dans l'actuelle [[Indonésie]]). Il arrive à [[Ormuz]] au printemps 1293 et séjourne en Perse durant plusieurs mois{{sfn|Ménard 2001|loc=tome VI (2009)|p=VI}}. À [[Empire de Trébizonde|Trébizonde]], plus ou moins sous l'influence des Génois, il est dépouillé d'une partie de sa fortune<ref name="Racine">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pierre Racine|titre=Marco Polo et ses voyages|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Perrin|Perrin]]|année=2012|pages totales=456|isbn=978-2-262-03132-9}}.</ref>.
Rentrés à Venise en [[1295]], Marco et ses parents sont méconnaissables après 24 ans d'absence. La légende veut que, pour frapper l'imagination, ils aient offert à leurs parents et amis un grand banquet à l'issue duquel Marco se serait saisi des misérables vêtements tartares dont il était habillé et en aurait défait les coutures pour en extraire des pierres précieuses en quantité{{sfn|Moule & Pelliot|p=583-584}}.
 
[[File:Genova - Palazzo San Giorgio visto dal Bigo.jpg|vignette|[[Palazzo San Giorgio (Gênes)|Palazzo San Giorgio]] de [[Gênes]], où emprisonné, il rédige ses mémoires.]]
Rentrés à Venise en [[1295]], Marco et ses parents sont méconnaissables après un quart de siècle d'absence. La légende veut que, pour frapper l'imagination, ils aient offert à leurs parents et amis un grand banquet à l'issue duquel Marco se serait saisi des misérables vêtements tartares dont il était habillé et en aurait défait les coutures pour en extraire des pierres précieuses en quantité{{sfn|Moule & Pelliot|p=583-584}}.
En 1296, la [[Guerre vénéto-byzantine (1296-1302)|guerre vénéto-byzantine]] ayant éclaté entre Venise et Gênes, Marco Polo fait armer une [[Galère (navire)|galère]] pourvue d'une [[pierrière]]<ref name="pierriere" group=n>Voir la gravure de la galère de M.&nbsp;Polo équipée d'une pierrière dans Yule, ''The Travels of Marco Polo'', Londres, 1870, réédité par Dover, New York, 1983).</ref> afin de participer au combat. Il est fait prisonnier, probablement lors d'une escarmouche, en [[1296]], au large de la [[Turquie]], entre [[Adana]] et le [[golfe d'Alexandrette]]<ref group=n>Selon [[Jacopo d'Aqui]], ''Chronica libri imaginis mundi''. Ce n'est pas lors de la [[Bataille de Curzola|bataille sur mer de Curzola]] sur la côte dalmate comme l'écrit Ramusio dans sa préface (citée dans {{harvsp|Moule & Pelliot|p=586}}), car celle-ci a eu lieu en septembre 1298 et le récit est daté de cette même année.</ref>. Au cours de ses trois années d'emprisonnement au [[Palazzo San Giorgio (Gênes)|Palazzo San Giorgio]] de [[Gênes]], devant l'intérêt que suscitent ses souvenirs d'Orient, il décide de les faire mettre par écrit par son compagnon de captivité, [[Rustichello de Pise]]. À cette fin, selon Ramusio, il aurait demandé à son père de lui faire parvenir les carnets de notes qu'il avait rapportés de son voyage{{sfn|Moule & Pelliot|p=586}}. Rustichello date son récit de 1298<ref name="Racine"/>.
 
[[File:Marco Polo's House.JPG|vignette|gauche|redresse|Reconstitution de la ''Casa Polo'' de Venise.]]
En 1296, la guerre ayant éclaté entre Venise et Gênes, Marco Polo fait armer une galère pourvue d'une [[pierrière]]<ref name="pierriere" group=n>Voir la gravure de la galère de M.&nbsp;Polo équipée d'une pierrière dans Yule, ''The Travels of Marco Polo'', Londres, 1870, réédité par Dover, New York, 1983).</ref> afin de participer au combat. Il est fait prisonnier, probablement lors d'une escarmouche, en [[1296]], au large de la [[Turquie]], entre [[Adana]] et le [[golfe d'Alexandrette]]<ref group=n>Selon [[Jacopo d'Aqui]], ''Chronica libri imaginis mundi''. Ce n'est pas lors de la [[Bataille de Curzola|bataille sur mer de Curzola]] sur la côte dalmate comme l'écrit Ramusio dans sa préface (citée dans {{harvsp|Moule & Pelliot|p=586}}), car celle-ci a eu lieu en septembre 1298 et le récit est daté de cette même année.</ref>. Au cours de ses trois années de prison, devant l'intérêt que suscitent ses souvenirs d'Orient, il décide de les faire mettre par écrit par son compagnon de captivité, [[Rustichello de Pise]]. À cette fin, selon Ramusio, il aurait demandé à son père de lui faire parvenir les carnets de notes qu'il avait rapportés de son voyage{{sfn|Moule & Pelliot|p=586}}. Rustichello date son récit de 1298<ref name="Racine"/>.
En 1299, avec la signature de la paix entre Gênes et Venise, Marco est libéré. Il épouse alors {{lien|Donata Badoer}}, dont il aura trois filles. Sans doute fut-il, comme [[patricien]], membre du [[Maggior Consiglio|Grand Conseil de Venise]], mais on ignore quel rôle il joua dans la création en [[1310]] du [[Conseil des Dix]] (institution secrète peu ordinaire qui ressemble au Tchoû-mi-Yuan, le conseil de sécurité de Kubilai). Marco Polo vit alors à Venise dans la ''Casa Polo'' (quartier de Cannaregio, maison familiale détruite par un incendie en [[1598]]<ref group="n">Le théâtre Malibran a été construit en [[1677]] sur ses fondations.</ref>) où il vit désormais comme un commerçant prospère mais prudent, bien loin de l'image du grand explorateur<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Olivier Germain-Thomas]]|titre=Marco Polo|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=2010|pages totales=219|isbn=978-2-07-030747-0}}.</ref>.
 
[[Fichier:Le campo San Lorenzo (Venise) (48313527506).jpg|vignette|[[Église San Lorenzo de Venise]].]]
En 1299, avec la signature de la paix entre Gênes et Venise, Marco est libéré. Il épouse alors Donata Badoer, dont il aura trois filles. Sans doute fut-il, comme patricien, membre du Grand Conseil de Venise, mais on ignore quel rôle il joua dans la création en [[1310]] du [[Conseil des Dix]] (institution secrète peu ordinaire qui ressemble au Tchoû-mi-Yuan, le conseil de sécurité de Kubilai). M.&nbsp;Polo vit alors à Venise dans la ''Casa Polo'' (quartier de Cannaregio, maison familiale détruite par un incendie en [[1598]]<ref group="n">Le théâtre Malibran a été construit en [[1677]] sur ses fondations.</ref>) où il vit désormais comme un commerçant prospère mais prudent, bien loin de l'image du grand explorateur<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Olivier Germain-Thomas]]|titre=Marco Polo|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=2010|pages totales=219|isbn=978-2-07-030747-0}}.</ref>.
Tombé malade, il dicte son testament le {{date-|8 janvier 1324}}. Le texte, qui en a été conservé, précise notamment qu'il lègue 5 lires à chacun des couvents installés sur le [[Rialto (Venise)|Rialto]] et 4 lires à chacune des [[guilde]]s dont il est membre. Il libère aussi Pierre, son « serviteur tartare », et veut qu'il lui soit payé 100 lires<ref group="n">Selon l'interprétation proposée par {{harvsp|Pauthier}}, le « serviteur tartare » était un esclave mongol qu'il avait ramené de ses voyages. Il semble toutefois que le terme « tartare » désignait alors à Venise la plupart des esclaves, ainsi que le précise {{harvsp|Yule-Cordier 1903|p=72 (203)}}.</ref>. Il est enterré comme son père à l'[[église San Lorenzo de Venise]], mais sa tombe a disparu à la suite de différentes restaurations de l'édifice<ref>[http://www.cosmovisions.com/Polo02.htm Marco Polo - De retour à Venise].</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=J. Polo Marco Masefoeld|titre=Travels of Marco Polo, the Venetian (1260-1295)|éditeur=Asian Educational Services|année=2003|passage=8|isbn=|lire en ligne={{Google livres|AP7pPgFfyB4C|page=8}}}}.</ref>. Son testament permet d'estimer la fortune qu'il laisse, soit {{unité|10000|ducats}}, ce qui ne le situe pas parmi les plus riches marchands de Venise<ref name="Racine"/>.
 
== ''Le Livre de Marco Polo'' ==
Tombé malade, il dicte son testament le {{date-|8 janvier 1324}}. Le texte, qui en a été conservé, précise notamment qu'il lègue 5 lires à chacun des couvents installés sur le Rialto et 4 lires à chacune des guildes dont il est membre. Il libère aussi Pierre, son « serviteur tartare », et veut qu'il lui soit payé 100 lires<ref group="n">Selon l'interprétation proposée par {{harvsp|Pauthier}}, le « serviteur tartare » était un esclave mongol qu'il avait ramené de ses voyages. Il semble toutefois que le terme « tartare » désignait alors à Venise la plupart des esclaves, ainsi que le précise {{harvsp|Yule-Cordier 1903|p=72 (203)}}.</ref>. Il est enterré comme son père à l'[[Église San Lorenzo (Venise)|église San Lorenzo]] mais sa tombe a disparu à la suite de différentes restaurations de l'édifice<ref>[http://www.cosmovisions.com/Polo02.htm Marco Polo - De retour à Venise].</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=J. Polo Marco Masefoeld|titre=Travels of Marco Polo, the Venetian (1260-1295)|éditeur=Asian Educational Services|année=2003|passage=8|isbn=|lire en ligne={{Google livres|AP7pPgFfyB4C|page=8}}}}.</ref>. Son testament permet d'estimer la fortune qu'il laisse, soit {{unité|10000|ducats}}, ce qui ne le situe pas parmi les plus riches marchands de Venise<ref name="Racine"/>.
{{Article détaillé|Le Livre de Marco Polo}}
 
<gallery mode="packed">
Memorials to Marco Polo - Casa Polo.jpg|La Casa Polo où a vécu Marco Polo à Venise.
Coat of arms of the House of Polo 01.svg|[[Héraldique|Armoiries]] des Polo<ref group=n>De gueules, à la bande d'or, chargée de trois corneilles de sable becquetées et onglées du champ.</ref>.
Memorials to Marco Polo - Casa Polo - Memorial plaque.jpg|La Plaque sur le théâtre Malibran.
Chiesa di San Lorenzo.jpg|[[Église San Lorenzo (Venise)|L'église San Lorenzo]].
</gallery>
 
== Le ''Devisement du monde'' ou ''Livre de Marco Polo'' ==
[[Fichier:Réception des Polo par le Khan à Boukhara.png|thumb|Arrivée des Polo à [[Boukhara]]. Miniature illustrant ''Le livre des voyages'' de Marco Polo (chap. 2), traduit par Robert Frescher (1475-1525).]]
{{Article détaillé|Devisement du monde}}
 
=== Les voyages du père de Marco Polo ===
[[FichierFile:Marco Polo, BNFIl manuscritMilione, 2810Chapter Porc-épicHystricidaeCXXIII and CXXIV.jpg|thumbvignette|Chasse au porc-épic près de la ville de Cassem ; ''[[Le livre des merveillesLivre de Marco Polo]]'', livre premier, enluminure conservée à la BNF (manuscrit 28101298).]]
Partis de Venise avant la naissance de Marco, [[Niccolò et Matteo Polo]] achètent vers [[1255]] des pierres précieuses à Constantinople (alors sous administration vénitienne) et en Crimée (où résidait leur frère), puis vont les vendre à la cour du [[khan]] de Russie, sur la [[Volga]], où ils restent un an. Ils poussent jusqu'à [[Boukhara]] (alors capitale perse d'[[Asie centrale]]) où ils restent trois ans. Un enquêteur-messager de [[Kubilai]] ou de l'[[ilkhan]] d'Iran les invite à se présenter au grand khan, en qualité d'Européens.
 
Partis de Venise avant la naissance de Marco, [[Niccolò et Matteo Polo]] achètent vers [[1255]] des pierres précieuses à Constantinople (alors sous administration vénitienne) et en Crimée (où résidait leur frère), puis vont les vendre à la cour du khan de Russie, sur la Volga, où ils restent un an. Ils poussent jusqu'à [[Boukhara]] (alors capitale perse d'Asie centrale) où ils restent trois ans. Un enquêteur-messager de [[Kubilai]] ou de l'[[ilkhan]] d'Iran les invite à se présenter au grand khan, en qualité d'Européens.
 
Compte tenu du contexte des croisades, l'historien Pierre Racine doute que le voyage des Polo ait été de simple nature commerciale : {{citation bloc|L’on doit alors s’interroger sur le but véritable des Polo lors de leur première expédition. Outre les intérêts commerciaux, n’y avait-il pas chez eux le désir d’approcher les Mongols à des fins politiques ? N’avait-il pas une sorte de mission à remplir ? Ils seraient en quelque sorte venus relayer des religieux qui, tels [[Jean de Plan Carpin]], [[Guillaume de Rubrouck]] et [[André de Longjumeau]], avaient été chargés de se renseigner sur ce peuple encore mal connu en Occident ? Le texte de Marco demeure fort silencieux à ce sujet. Ce qui transparaît cependant mérite d’être retenu. Les Occidentaux voulaient approcher les Mongols et nouer un accord avec eux, tout en constatant qu’il y avait chez ce peuple conquérant une culture à découvrir{{sfn|Racine 2011|p=21}}.}}
 
Compte tenu du contexte des [[croisade]]s et des prémices des [[grandes découvertes]], l'historien [[Pierre Racine (historien)|Pierre Racine]] doute que le voyage des Polo ait été de simple nature commerciale : {{citation bloc|L’on doit alors s’interroger sur le but véritable des Polo lors de leur première expédition. Outre les intérêts commerciaux, n’y avait-il pas chez eux le désir d’approcher les Mongols à des fins politiques ? N’avait-il pas une sorte de mission à remplir ? Ils seraient en quelque sorte venus relayer des religieux qui, tels [[Jean de Plan Carpin]], [[Guillaume de Rubrouck]] et [[André de Longjumeau]], avaient été chargés de se renseigner sur ce peuple encore mal connu en Europe ? Le texte de Marco demeure fort silencieux à ce sujet. Ce qui transparaît cependant mérite d’être retenu. Des Européens voulaient approcher les Mongols et nouer un accord avec eux, tout en constatant qu’il y avait chez ce peuple conquérant une culture à découvrir{{sfn|Racine 2011|p=21}}.}}
Ont-ils atteint Pékin quand ils rencontrent Kubilai en [[1265]] ou [[1266]] ? Il n'est pas nécessaire de le supposer, les affaires de l'ouest se traitaient souvent à sa résidence d'été en Mongolie, [[Shangdu (Yuan)|Shangdu]] aussi appelée Xanadu. Ils ne restent pas longtemps car ils sont chargés de plusieurs missions :
* Ambassade de l'Empire mongol auprès du pape. Quand ils regagnent la mer Méditerranée, le pape vient de mourir et il leur faut attendre trois ans pour qu'un nouveau pape soit élu (le plus long interrègne de l'histoire de la papauté, entre Clément IV et Grégoire X). Lorsqu'ils repartent vers l'Asie (avec Marco), à défaut des cent savants chrétiens que demandait Kubilai, ils emportent de l'huile sainte de Jérusalem qui tenait lieu de relique du Christ. On peut conjecturer que le jeune Marco portait sur lui cette huile. En tout cas, lorsque Kubilai « dépêcha des émissaires à leur rencontre, à bien quarante journées » (ch. 13), c'était peut-être pour honorer la chrétienté (de nombreux sujets de Kubilai étaient [[Église de l'Orient|chrétiens syriaques]], les femmes des descendants de Gengis khan l'étaient souvent).
 
[[Fichier:Réception des Polo par le Khan à Boukhara.png|thumb|gauche|Arrivée des Polo à [[Boukhara]]. Miniature illustrant ''Le livre des voyages'' de Marco Polo (chap. 2), traduit par Robert Frescher (1475-1525).]]
Ont-ils atteint Pékin quand ils rencontrent Kubilai en [[1265]] ou [[1266]] ? Il n'est pas nécessaire de le supposer, les affaires de l'ouest se traitaient souvent dans son palais d'été en Mongolie, [[Shangdu (Yuan)|Shangdu]] (aussi appelée Xanadu). Ils ne restent pas longtemps car ils sont chargés de plusieurs missions :
* Ambassade de l'Empire mongol auprès du pape. Quand ils regagnent la mer Méditerranée, le pape vient de mourir et il leur faut attendre trois ans pour qu'un nouveau pape soit élu (le plus long interrègne de l'histoire de la papauté, entre Clément IV et Grégoire X). Lorsqu'ils repartent vers l'Asie (avec Marco), à défaut des cent savants chrétiens que demandait Kubilai, ils emportent de l'[[Saint chrême|huile sainte]] de Jérusalem qui tenait lieu de relique du Christ. On peut conjecturer que le jeune Marco portait sur lui cette huile. En tout cas, lorsque Kubilai « dépêcha des émissaires à leur rencontre, à bien quarante journées » (ch. 13), c'était peut-être pour honorer la chrétienté (de nombreux sujets de Kubilai étaient [[Église syriaque orthodoxe|chrétiens syriaques orthodoxes]] ([[église de l'Orient]]), les femmes des descendants de Gengis khan l'étaient souvent).
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=== Un parcours incertain ===
[[FileFichier:Travels of Itinéraires-Marco -Polo.svg|vignette|redresse=2|alt=carte bicolore de l’Asie et d'une partie de l’Afrique et de l'Europe, comprenant des villes et deux itinéraires figurés en couleurs différentes.|Principales étapes dud'un parcours suiviprobable paret reconstruit à partir du texte de Marco Polo à l'aller (flèches rouges) et au retour (flèches vertes).]]
 
Le parcours exact est difficile à établir pour plusieurs raisons. D'abord, l'objectif du récit n'est pas de donner un journal de voyage mais une description (« devisement ») des choses vues susceptibles d'intéresser le lecteur par leur étrangeté. Dans un texte rédigé plus de vingt ans après les événements, les imprécisions sont parfaitement compréhensibles. Enfin, nombre de villes traversées peuvent avoir disparu ou ont vu leur nom modifié, parfois plusieurs fois, comme c'est souvent le cas en Chine : Quinsai s'appelle aujourd'hui [[Hangzhou]]; Campision est devenu Kan-tcheou puis [[Zhangye]]; Sacion s'est appelée Shachou puis [[Dunhuang]]; Carcan est devenue [[Shache]]; Ciarciam est aujourd'hui [[Qiemo]]; Quengianfu s'est appelée King-tchao avant de devenir [[Xi'an]]{{sfn|Ménard 2005|p=433}}.
 
Yamashita (2004) donne l'itinéraire suivant :
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=== Un récit centré sur Kūbilaï Khān ===
[[Fichier:Marco Polo Kubilai Khan.jpg|vignette|left|Le Khan donne aux Polo une tablette en or de [[sauf-conduit.]]<br>[[Maître de la Mazarine]] (1410-1412).]]
Le Livre de Marco Polo pourrait s'intituler le ''Livre de [[Kubilai Khan|Kūbilaï Khān]]'' car il décrit, non l'histoire de Marco, mais l'empire du plus puissant empereur de l'Histoire du monde. Quand le livre évoque la Russie, l'Asie centrale, l'Iran, l'Afghanistan, c'est parce que Kūbilaï était le suzerain de ces terres. Quand il parle du Japon (qu'il dénomme ''[[Noms du Japon|Cypango]]''), du Viêt Nam, de la Birmanie, c'est parce que Kūbilaï Khān y envoyait des armées. Quand il présente le [[Sri Lanka]], l'[[Inde]] du sud et jusqu'à Madagascar, c'est que Kūbilaï Khān y dépêchait des émissaires pour obtenir leur soumission. Quand il décrit les côtes de l'océan Indien, de l'Inde, de l'Arabie et de l'Afrique, c'est que les marchandises de la Chine y parvenaient.
 
Kūbilaï Khān est le sujet, le centre et l'unité du livre. Tout ce que M.&nbsp;Polo relate n'a de sens que par lui. Aussi est-il naturel que certains manuscrits aient donné pour titre à cet ouvrage ''Le livre du Grand Khan''{{sfn|Ménard 2001|p=96}}. Ce livre est aussi un condensé des histoires que Marco lui racontait, car il avait su le séduire par ses talents d'observateur et de narrateur<ref group="n">M. Polo « savait que l'empereur, qui envoyait ses messagers en différentes parties du monde, voyant qu'au retour ils ne savaient rien lui raconter d'autre que ce pourquoi ils étaient partis, les tenait tous pour légers et incapables. Il leur disait : « J'aimerais mieux entendre des nouvelles et les coutumes des diverses régions, que l'objet de ta mission. » Car il se complaisait beaucoup à écouter les choses étranges. Aussi, pour cela, à l'aller comme au retour, Marco Polo mit toute son attention à apprendre les diverses choses, selon les régions, afin de pouvoir à son retour les dire au grand khaân » (ch.&nbsp;15).</ref>. Certains historiens ont voulu y voir une encyclopédie, une géographie, d'autres une chronique du grand khaân, un [[miroir des princes]], un livre de marchand<ref>U. Tucci, ''{{Lang|it|texte=Venezia e l'Oriente}}'', Firenze, 1987, {{p.|323-337}}.</ref>{{,}}<ref>F. Borlandi, ''{{Lang|it|texte=Studi in onore dei Amintore Fanfani}}'', Milan, 1962, {{p.|107-142}}.</ref>, mais il correspond plus exactement à un reportage{{sfn|Racine 2011}}.
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=== Transfert de technologie militaire ? ===
[[File:Mosaic of the villa Hanbury.jpg|vignette|Mosaïque de Marco Polo, du [[jardin botanique Hanbury]] de [[Vintimille]].]]
Selon Pierre Racine (2011), il semble que, dans le ch. 145 sur le siège de Saianfu<ref group=n>Cette ville s'est ensuite appelée Xiangyang. Elle a fusionné avec Fancheng sous le nom actuel de Xiangfan.</ref>, Marco cherche à tromper le lecteur et
{{citation bloc
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}}
 
Selon les Annales chinoises, le siège de cette ville par les armées mongoles a duré six ans, de 1268 à 1273, et s'est terminé avant l'arrivée des Polo en Chine (1275). [[L'historien italien {{lien|Igor de Rachewiltz]]}} soutient que la phrase « et lor filz meser Marc » n'est pas présente dans tous les manuscrits et peut donc être un enjolivement successif<ref>Igor de Rachewiltz, Marco Polo Went to China, in «Zentralasiatische Studien», vol. 27, 1997, pp. 34-92.</ref>. Il est attesté que,
 
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{{sfn|Ménard 2001|loc=tome V|p=142}}.}}
 
Selon les Annales Yuan : « En réponse au khaân, l'ilkhan Abaqa envoya Alaowating et Isemayin avec leur famille jusqu'à Pékin, où une première [[pierrière]] fut montée devant les Cinq Portes et essayée ». En [[1273]], quand Xiangfan tombe aux mains des Mongols après un siège de cinq ans, c'est grâce à des pierrières : {{citation|Ensuite les pierrières furent utilisées dans chaque bataille avec un invariable succès<ref>''Yuan see'' (203/4-5, 128/3, 7/8, etc.).</ref>}}, notamment sur le fleuve Yangtze[[Yangtsé]] où la flotte Song fut anéantie. L'année suivante, l'[[Dynastie Song|empire Song]] se rend enfin aux Mongols.
 
Selon certaines interprétations, les parents de Marco {{incise|qui sont rentrés à Venise en 1269}} auraient proposé les [[Trébuchet|trébuchets]] à Kubilai, fait réserver des madriers, et été les messagers dépêchés à l'ilkan Abaqa, lequel fit réquisitionner les ingénieurs<ref group="n">Le texte simplifie, résume en deux phrases, concentre préparatifs et réalisation à la troisième année du siège (comme le ''Yuan sse''), mais en aucune façon n'affirme que les Polo se trouvaient en personne à Xiangfan, seulement qu'ils ont proposé et « fait faire » des pierrières, et que les techniciens étaient « de leur suite (''mesgnie'') ». Les dates concordent, ils sont dans le Moyen-Orient quand l'ilkan reçoit la demande d'ingénieurs en pierrières (ils pourraient même avoir accompagné le général A-Chu qui opère autour de Xiangfan dès septembre 1267). Quant à la mention de Marco (impossible, il était à Venise, avait 12 ans), c'est une erreur de Rusticello qui disparaît dans l'édition corrigée de 1307.</ref>.
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[[Fichier:Delli.jpeg|vignette|Carte de l'Inde dessinée par [[Abraham Cresques|Cresques]]. Portion inférieure du cinquième feuillet de l'[[Atlas catalan]] de 1375.]]
 
Voici ce que disent les annales officielles de la [[dynastie Yuan]] :
* en [[1277]], {{Citation|Po-lo nommé Enquêteur-privé Envoyé-adjoint}}<ref group="n">''Yuan sse'' (9/17). Textuellement : {{Citation|Œil discret bouche adjointe}}. Les idéogrammes évoquent un cadre sans uniforme qui, s'il montre sa carte, passe au-dessus de tous. Ce qu'on appelle un Œil de l'empereur. Éventuellement, comme dit Wieger, s.j., mouchard de confiance.</ref> ;
* en [[1282]], au lendemain de l'assassinat de son premier ministre {{lien|langue=en|Ahmad Fanakati|texte=Achmat}}, l'empereur {{Citation|transporté de colère se rendit le même jour à [[Xanadu (palais)|Chang-tou]] (Shangdu, sa capitale de [[Mongolie]]) et ordonna à Po-lo, enquêteur privé et envoyé adjoint, à Horh-khono-sse, surintendant des études, au conseiller d'administration A-li, et autres, de prendre des chevaux de poste et de se rendre immédiatement à Pékin pour instruire l'affaire et juger les coupables}} ;
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Il porte un intérêt particulier aux pierres précieuses : {{citation|il remarque en Perse les splendides turquoises (ch. 34, 6), dans le nord de l'Afghanistan les lapis-lazulis à la couleur bleue intense (ch. 46, 30) et les rubis (ch. 46, 10) au rouge brillant. Ceylan est la terre par excellence des pierres précieuse. On y trouve rubis (ch. 168, 27), saphirs (ch. 168, 29), topazes (ch. 168, 29), améthystes (ch. 168, 29-30). En Inde autres merveilles : les perles (ch. 169, 11){{sfn|Ménard 2012|p=40}}}}.
 
En marchand avisé, il est aussi intéressé par les épices[[épice]]s, mentionnant {{citation|tour à tour la [[cannelle]] (ch. 116, 68), le [[galanga]] (ch. 125, 13), la [[noix de muscade]] (ch. 162, 10), le [[Safran (épice)|safran]] (ch. 154, 15), surtout les diverses sortes de [[poivre]], poivre blanc, poivre noir, [[cubèbe]] (ch. 160, 44 ; ch. 174, 7 ; 162, 10), le [[gingembre]] (ch. 174, 7) et le [[clou de girofle]] (ch. 116, 64){{sfn|Ménard 2012|p=40}}}}. Il s'intéresse aussi aux divers types de tissus, qu'il désigne par les termes techniques locaux {{incise|''cendal'', ''bougueran'', ''moselin'', ''nach'', ''nasich''}} et signale au passage les endroits où l'on fabrique les soieries épaisses lamées d’or{{sfn|Ménard 2012|p=40}}.
 
On peut se demander avec Pierre Racine quel est son véritable visage : {{citation|marchand, ethnographe, homme d’État ?}} Selon Borlandi, ce serait d'abord un marchand qui écrit pour un public de marchands : {{citation|sur 234 chapitres, dont 19 pour le prologue, 67 sont consacrés à des légendes ou des faits historiques, 39 n’entrent dans aucune catégorie, mais 109, donc près de la moitié, décrivent une ville ou une région, avec un schéma rigide [...] : nombre de journées de marche ou de milles d’une ville ou d’une région à l’autre, les productions naturelles et artisanales, surtout les produits de luxe (soie et soieries, épices diverses, pierres précieuses), les monnaies, avec de temps à autre leur valeur par rapport à celles en cours à Venise. Toutes les fois qu’il aborde un chapitre concernant une ville, il tente d’informer ses lecteurs/ -auditeurs sur le nombre d’habitants et sur les revenus et les taxes{{sfn|Racine 2011|loc=6}}.}}
 
Si Marco Polo est observateur attentif, on ne sait pas souvent par quelles actions, par quelles introductions, il a pu les faire. Que ce soit par Rustichello ou par Marco Polo lui même, ces opérateurs ont été effacés du texte, pour ne livrer au lectorat qu'une description, une classification, un ''devisement'', des observations faites. [[Zrinka Stahuljak]], médiéviste, affirme que cette capacité directe à voir, sans intermédiaires, capacité donnée à qui lit, est une des mythes de l'OccidentEurope qui est en train de se créer. Il n'y a pas de médiation à la communication, communication qui dépend d'abord de la simple possession du livre. C'est l'argent qui est médiateur, comme dans ce que raconte Marco Polo au sujet du papier monnaie du Kubilai Khan. L'argent est la véritable langue de communication, et les diverses langues de l'empire deviennent similaires à des marchandises. Le monde que Marco Polo décrit à son lectorat est un monde où les merveilles sont des produits offerts, où tout est convertible. -<ref>{{Bibliographie|Q117309184|page=66}}</ref>.
 
=== Une attitude d'ethnologue ===
[[Fichier:The book of Ser Marco Polo - the Venetian concerning the kingdoms and marvels of the East (1903) (14582861790).jpg|vignette|left|Marco Polo relate les légendes entourant des merveilles naturelles, tel ''L'[[Arbre sec]]'' (chap. 39). « Il est grans et gros, et […] vide dedans. Il est jaunes comme bois et moult fort ; et n'a nul arbre près » (Chap. 39). C'est à cet endroit qu'aurait eu lieu la bataille d'[[Alexandre le Grand|Alexandre]] contre [[Darius III|Darius]].]]
 
Polyglotte, Marco Polo parlait vraisemblablement le [[mongol]], le [[Chinois écrit|chinois]], le [[persan]], le [[ouïgour]] et l'[[arabe]]<ref group="n">Au chapitre XV, il est écrit : {{citation|Car sachiez vraiement: il sot en poi de temps pluseurs languages, et sot de 4 lettres de leur escriptures.}} Selon l'édition Ménard, {{citation|On sait, par le chapitre 4 du ''Devisement du Monde'', que Marco Polo connaissait la langue tartaresque (le mongol) et par le chapitre 15 qu'il possédait quatre langues, les trois autres étant vraisemblablement le persan, le ouïgour (une langue turque qui était répandue en Asie centrale) et l'arabe, comme en témoignent des éléments de terminologie et de toponymie.}} ({{harvsp|Ménard 2001|p=75|loc=VI}}. Selon Pauthier : {{citation|On parlait plusieurs langues à la cour de Khoubilaï Khàn, entre autres la langue mongole, qui était celle des conquérants; la langue chinoise, qui était celle du peuple conquis ; la langue tarlare ouïgoure, la langue persane et même la langue arabe, qui étaient celles de nombreux étrangers attachés au service des conquérants. Ce sont sans doute ces différents langages qu’apprit le jeune Marc Pol, avec les coutumes barbares.}} ([https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k503889g/f182.image ''Le Devisement''...], chap. XV, note). Il est probable que Marco Polo avait acquis des rudiments de la langue arabe au cours des nombreux contacts qu'il a eus avec des locuteurs de celle-ci (guides, compagnons de voyage, aubergistes, marchands, etc.), notamment lors de son séjour à Saint-Jean d'Acre et Jérusalem et lors de sa traversée de l'Irak. Il s'agit toutefois d'une conjecture, comme le signale la page de discussion.</ref>. Il maîtrisait aussi quatre systèmes d'écriture<ref group=n>Selon [[Guillaume Pauthier|Pauthier]], {{citation|Les différentes langues usitées à la cour de Khoubilaï Khân avaient une écriture et des alphabets différents. Il y avait l'écriture chinoise, l’écriture ouïgoure, dérivée de l’écriture syriaque, introduite par les Nestoriens en Tartarie ; l'alphabet inventé par le Lama Passepa, sur l’ordre de Khoubilaï, et l’écriture arabe-persane. C’était vraisemblablement ces quatre espèces d’écritures que le jeune Marc Pol apprit en peu de temps.}}</ref>.
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À travers son récit, il fait preuve d'une grande sensibilité à la diversité des sociétés et {{citation|ne porte presque jamais de jugement négatif{{sfn|Ménard 2001|p=90}}}}. Loin d'opposer sa culture à celles qu'il découvre, il {{citation|décrit un monde pluriel fait de différences démultipliées, qui interdisent au Vénitien et à ses lecteurs de se tenir pour le centre du monde et de se targuer d’une identité irréductible{{sfn|Beck 2014|p=331}}}}.
 
Adoptant le ton neutre des encyclopédies, au lieu de donner des renseignements sur son voyage proprement dit, il accumule les observations factuelles sur les pays visités : géographie, distances, faune, alimentation, habillement, curiosités, grandes dimensions des jonques[[jonque]]s de mer chinoises, présence de pirates dans la mer de Java, etc.{{sfn|Ménard 2001|loc=tome VI (2009)|p=LXXV et LXXVII}}. Il marque volontiers son émerveillement devant la richesse de l'empereur, l'intense activité des ports, l'usage exclusif du papier monnaie, l'empereur ayant seul le droit d'accumuler or et argent{{sfn|Vogel 2012|p=xi}}.
 
En [[ethnologue]], il s'intéresse aux pratiques sociales et religieuses d'Extrême-Orient : [[bouddhisme]] lamaïste, [[taoïsme]] (ch. 74), islam, religions dérivées du christianisme ([[nestoriens]], [[Église syriaque orthodoxe|jacobites]], culte de saint Thomas) ainsi que les peuplades [[animistes]] qui adorent des idoles. Mais il s'arrête aux aspects extérieurs et {{citation|donne peu d'informations sur les croyances ou les doctrines{{sfn|Ménard 2001|loc=tome VI (2009)|p=LXXXII}}.}}
 
[[Fichier:MarcoPoloStatueInHangzhou.JPG|vignette|redresse|gauche|Statue de Marco Polo, à [[Hangzhou]] en [[Chine]].]]
Il porte rarement un jugement sauf dans des cas extrêmes. Ainsi, il est horrifié par la coutume d'une tribu de Sumatra où les malades que le sorciers jugent inguérissables sont étouffés, mis à cuire et mangés en famille, sans en rien laisser {{incise|{{citation|Et si vous di qu'ils en sucent les os si bien qu'il n'i demeure pas un grain de mouelle ne d'autre gresse dedenz}} (ch. 165)}}, ceci afin que l'âme du défunt ne se charge pas de vers morts<ref group=n>Cette pratique est relatée par divers explorateurs comme le signalent Boutet, Delcourt et James-Raoul dans {{harvsp|Ménard 2001|loc=tome VI (2009)|p=118-120}}.</ref>.
Il porte rarement un jugement sauf dans des cas extrêmes. Ainsi, il est horrifié par la coutume d'une tribu de Sumatra où les malades que les sorciers jugent inguérissables sont étouffés, mis à cuire et mangés en famille, sans en rien laisser {{incise|{{citation|Et si vous di qu'ils en sucent les os si bien qu'il n'i demeure pas un grain de mouelle ne d'autre gresse dedenz}} (ch. 165)}}, ceci afin que l'âme du défunt ne se charge pas de vers morts<ref group=n>Cette pratique est relatée par divers explorateurs comme le signalent Boutet, Delcourt et James-Raoul dans {{harvsp|Ménard 2001|loc=tome VI (2009)|p=118-120}}.</ref>.
 
En escale à [[Ceylan]] (« Selyam »), il mentionne le Pic[[pic d'Adam]], lieu de pèlerinage pour les musulmans, qui y vénèrent les reliques d'[[Adam]], ainsi que pour les bouddhistes, qui en font le lieu de naissance du Bouddha et y vénèrent ses cheveux, ses dents et son bol à aumônes (Ch. 168). Se basant sur la tradition chrétienne, Marco écarte l'hypothèse que ce serait le lieu de naissance d'Adam et ne retient que le récit du Bouddha. Il se pose ainsi en {{citation|destructeur de mythes{{sfn|Ménard 2001|loc=tome VI (2009)|p=LXXXVII}}}}.
 
Ce livre illustre également le monde de légendes que constituait l'[[Extrême-Orient]] chez les chrétiens : il croyait que [[Gog et Magog]] étaient les Mongols cruels ; l'[[arbreArbre sec]] marque la limite entre l'Orient et l'Occident ; la « Barrière d'Alexandre » que constitue le Caucase est une frontière dangereuse à franchir ; il imagine le [[Royaumeroyaume du prêtre Jean]] en [[Inde]], etc.<ref name="Racine"/>.
 
{{citation|Qui ne l'a pas vu ne pourrait le croire}} est un leitmotiv de son livre. « Incroyable mais vrai » est sa recette. Cependant il est douteux qu'il ait été accueilli avec scepticisme à son retour par les patriciens de Venise : la République avait les moyens de savoir qu'il n'affabulait pas. De même les Génois qui lui firent rédiger son mémoire (dont ils avaient besoin pour leurs expéditions), et le frère du roi de France qui dépêcha pour en obtenir copie.
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Paru en [[1298]], le livre de reportage qui a rendu Marco Polo célèbre est l'un des premiers ouvrages importants en langue vulgaire<ref group="n">Ouvrages importants avant Marco Polo : [[Geoffroi de Villehardouin|Villehardouin]], ''La conquête de Constantinople'', [[1213]] ; [[Brunetto Latini]], ''Le livre du trésor'', [[1265]]. Mais la ''Vie de saint Louis'' de [[Jean de Joinville|Joinville]], [[1309]], est postérieure, comme les ''Chroniques'' de [[Jean Froissart|Froissart]], [[1380]]. La ''Grande Chronique de France'' tenue à l'abbaye de [[Basilique Saint-Denis|Saint-Denis]] n'est traduite en français qu'à partir de [[1274]] et restera rédigée en latin jusqu'en [[1340]]. Quant aux « romans » courtois, c'étaient des épopées en vers et non en prose.</ref>. Le ''Devisement du monde<ref>Devisement signifie « description » en vieux français.</ref>'', que l'on trouve aussi sous d'autres dénominations comme ''Il Milione'' ou ''Le livre des merveilles'', est un des rares ouvrages manuscrits, avec ''[[La Légende dorée]]'' de [[Jacques de Voragine]] et [[Le Roman de la Rose (Guillaume de Lorris et Jean de Meung)]], à connaître un succès considérable avant même sa première impression à Nuremberg en 1477. Ce succès est en partie dû à sa rédaction initiale en français, langue de communication en vigueur à l'époque, que maîtrisait [[Rustichello de Pise]], l'écrivain qui a transcrit les mémoires de Marco Polo alors qu'il était son compagnon de détention durant les guerres opposant Venise à Gènes en [[1298]].
 
En dépit du succès rencontré, l'ouvrage était surtout lu comme un récit fantaisiste et ce n'est que cinquante ans après la mort de Marco que son livre commencera à avoir quelque influence sur la cartographie{{sfn|Marsden|p=X}}. L'[[atlasAtlas catalan]] de 1375 intègre les informations données par Marco Polo pour dessiner la carte de l'Asie centrale et de l'extrême Orient, ainsi que, partiellement, pour l'Inde : même si les noms sont déformés, Cathay est bien situé à la place de la Chine{{sfn|Yule-Cordier|p=134}}.
 
De même, la [[Mappemondes anciennes#Planisphère de Fra Mauro (1459)|mappemonde de Fra Mauro]] ([[carte de Fra Mauro]]) détaille la ''Via mongolica'', voie de Mongolie des épices et de la soie<ref group=n>L'achat en grande quantité de soie en Chine revenait moins cher que celle importée par des intermédiaires arabes et hindous.</ref>. Cet ouvrage servira de référence pour les explorateurs ultérieurs. Au {{XIVe}}, il inspire Andalò da Savignone, auteur de quatre voyages (1330, 1334, 1336 et 1339), {{Lien|fr=Galeotto II del Carretto|langue=it|trad=Galeotto II Del Carretto|texte=Galeotto Adorno}} et Gabriele Basso<ref>{{Article|auteur=Robert S. Lopez |titre=Nouveaux documents sur les marchands italiens en Chine à l'époque mongole|périodique=Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres|date=1977|volume=121|numéro=2|passage=445-458}}.</ref>. Au siècle suivant, il inspire [[Vasco de Gama]] et [[Christophe Colomb]]. Ce dernier, lors de [[Christophe Colomb#Le IIIetroisième voyage (1498-1500)|son troisième voyage]], avait emporté le ''Devisement'' et l'avait scrupuleusement annoté (son exemplaire en latin compte 366 notes de sa main)<ref>{{Lien web|url=http://www.lefigaro.fr/voyages/2010/07/09/03007-20100709ARTFIG00594-sur-les-traces-de-marco-polo.php|titre=Sur les traces de Marco Polo|auteur=Jean-Louis Tremblais|date=9 juillet 2010|site=[[lefigaro.fr]]}}.</ref>.
 
Marco Polo n'a pas laissé de carte de ses voyages. Toutefois, au milieu du {{s-|XX}}, Marcian Rossi, Américain d'ascendance italienne, a présenté une douzaine de parchemins contenant des cartes et de courts textes en prose censés avoir été réalisés par les trois filles de Marco Polo : Moreta, Fantina et Bellela. Le professeur Benjamin Olshin a décrit ces documents dans un ouvrage intitulé ''The Mysteries of the Marco Polo Maps'' (2014). Après analyse, toutefois, il est clair que ces documents sont tous largement postérieurs à Marco Polo, datant sans doute du {{s-|XVIII}}, comme le prouvent à la fois la datation au carbone 14, l'étude paléographique des textes en italien et les anachronismes flagrants en matière géographique et codicologique. Dans le compte rendu de cet ouvrage, {{lien|Suzanne Conklin Akbari}} démonte l'argumentation d'Olshin comme étant entachée d'illogismes récurrents et visant à créer un pseudo-mystère en misant sur l'attrait que continue à exercer le nom de l'explorateur sur l'imaginaire contemporain{{sfn|Conklin 2016}}.
 
=== Découvertes rapportées par Marco Polo en Europe ===
Marco Polo a joué un rôle important dans la transmission de connaissances entre l'Orient et l'Occident de son époque. Ses descriptions ont contribué à la fascination pour les innovations chinoises, avec entre autres :
* [[Papier-monnaie]] : il décrit l'usage de la monnaie en papier en Chine, alors inconnue en Europe.
* [[Porcelaine]] : il introduit en Europe la connaissance des techniques chinoises de sa fabrication.
* [[Charbon]] : il mentionne son utilisation comme combustible de chauffe et de cuisson des aliments en Chine, une nouveauté pour les Européens.
* [[Bureaucratie]] organisée : il décrit le système bureaucratique complexe de la Chine, plus avancé que ce que l'Europe de l'époque.
* [[Bouddhisme]] : il est un des premiers Européens à décrire le [[bouddhisme]] de [[Chine]] et du [[Tibet]], ses pratiques, ses [[Temple bouddhiste|temples bouddhistes]], ses [[Monachisme bouddhiste|moines]], de ses statues du [[Bouddha]].
* [[Cartographie]] : ses récits et descriptions de voyage inspirent les cartographes européens de l'époque pour élargir le monde géographique connu d'alors, avec en particulier l'''[[Atlas catalan]]'' de 1375 et la ''[[carte de Fra Mauro]]'' de 1459.
* [[Route de la soie]] : il contribue à une meilleure connaissance de la [[route commerciale]] de la [[soie]], entre l'Europe et l'Asie.
* [[Imprimerie]] ([[xylographie]]) et [[papier chinois]] : il décrit l'[[Histoire de l'imprimerie en Extrême-Orient|imprimerie chinoise]] à base de caractères mobiles en céramique ou en bois, bien avant celle de [[Johannes Gutenberg|Gutenberg]] du [[XVe siècle]] ([[histoire de l'imprimerie]]).
* [[Cerf-volant]] : il est un des premiers Européens à décrire son utilisation en Chine, contribuant ainsi à la diffusion de cette invention en Europe.
* [[Poudre à canon]] : déjà connue en Europe, il contribue à rapporter des connaissances sur ses usages en Chine.
* [[Pâtes alimentaires]] : il aurait rapporté des [[nouille]]s de Chine (sans preuve historique) les pâtes étant déjà bien implantées en Italie avant son retour.
* [[Épice]] : il contribue à faire mieux connaitre diverses variétés de plantes, épices et produits exotiques ([[histoire du commerce des épices]]) tels que la [[soie]] de [[Chine]] , le [[poivre noir]] d'[[Inde]] et d'[[Asie du Sud-Est]], la [[cannelle]] d'[[Inde]] et du [[Sri Lanka]], de la [[muscade]] et [[macis]], du [[clou de girofle]], du [[gingembre]] d'[[Inde]] et de [[Chine]], du [[Safran (épice)|safran]] d'[[Asie centrale]]...
* Ses récits de voyage en [[Asie]] inspirent de nombreuses [[grandes découvertes]] de grands navigateurs, dont la découverte du [[Nouveau Monde]] en 1492 par [[Christophe Colomb]], qui cherche une nouvelle route vers les [[Indes orientales]] en naviguant vers l'ouest de l'Europe, ou encore le contournement de l'[[Afrique]] par le [[cap de Bonne-Espérance]] de [[Vasco de Gama]] en 1498, la découverte du [[détroit de Magellan]] en 1502, au sud de l'[[Amérique]], par [[Fernand de Magellan]], ou encore la découverte du [[Canada]] par [[Jacques Cartier]] en 1534, alors qu'il recherche un passage au nord de l'Amérique...
 
== Débat sur la véracité du récit ==
[[Fichier:Caravane Marco Polo.jpg|vignette|La caravane de Marco Polo voyageant vers les Indes. Illustration d'[[Abraham Cresques]], [[Atlas catalan]].]]
[[file:(Venice) Marco Polo will - Biblioteca Nazinale Marciana.jpg|thumb|left|200px|''Testament de Marco Polo'', [[Biblioteca Marciana]] de Venise]]
Dès sa publication, le récit de Marco Polo suscite énormément d'intérêt et il est souvent recopié. Beaucoup le voient toutefois comme un récit inventé. Ce récit, qui témoigne de l’âge des premières explorations géographiques, décrit de façon émerveillée les richesses des traditions et coutumes asiatiques. Un passage célèbre consacré à la description enchanteresse de la résidence d’été du grand khan à [[Xanadu (palais)|Ciandu]] (maintenant [[Xian de Shangdu|Shangdu]]) en est un bon exemple. Ses récits au sujet de la richesse du [[Cathay]] (la [[Chine]]) sont d'abord accueillis avec scepticisme par les Vénitiens. Pourtant, plus d'un siècle plus tard, en 1430, un voyageur raconte que la ville de Venise avait installé un exemplaire de ce livre attaché par une chaîne dans un lieu public pour que chacun puisse le lire{{sfn|Gadrat 2010}}.
Dès sa publication, le récit de Marco Polo suscite énormément d'intérêt et il est souvent recopié. Beaucoup le voient toutefois comme un récit inventé. Ce récit, qui témoigne de l’âge des premières explorations géographiques et premières [[grandes découvertes]], décrit de façon émerveillée les richesses des traditions et coutumes asiatiques. Un passage célèbre consacré à la description enchanteresse de la résidence d’été du grand khan à [[Xanadu (palais)|Ciandu]] (maintenant [[Xian de Shangdu|Shangdu]]) en est un bon exemple. Ses récits au sujet de la richesse du [[Cathay]] (la [[Chine]]) sont d'abord accueillis avec scepticisme par les Vénitiens. Pourtant, plus d'un siècle plus tard, en 1430, un voyageur raconte que la ville de Venise avait installé un exemplaire de ce livre attaché par une chaîne dans un lieu public pour que chacun puisse le lire{{sfn|Gadrat 2010}}.
 
Son contemporain, le philosophe et médecin [[Pietro d'Abano]] décrit Marco Polo comme {{citation|le plus grand voyageur de tous les temps{{sfn|Guadalupi 2004|p=23}}}}. Il signale des curiosités dont le voyageur lui a fait part, notamment {{citation|une étoile d'une forme particulière dotée d'une grande queue visible dans l'hémisphère austral}} et raconte qu'il a rapporté de son voyage {{citation|du camphre, du bois d'aloès et un bois rouge nommé ''verzinus'' dans le texte latin (italien ''verzino''), [[brésil (bois)|bois de brésil]]{{sfn|Ménard 2001|p=97}}}}.
 
Même s'il a révélé l'existence du Japon (Cipangu), servi de base à des cartographes et inspiré l'expédition de Christophe Colomb{{sfn|Guadalupi 2004|p=23}}, l'ouvrage continuera longtemps à être controversé, notamment en raison d'omissions marquantes (rien sur la Grande murailleMuraille ni sur le [[Pieds bandés|bandage des pieds]] des femmes) ou d'exagérations. Il connaît un regain d'intérêt au {{s-|XIX}}, grâce aux récits de voyageurs britanniques, comme en témoigne le jugement de Baudelaire pour qui « les récits de Marco Polo, dont on s'est à tort moqué, comme de quelques autres voyageurs anciens, ont été vérifiés par les savants et méritent notre créance<ref>« [[s:Les_Paradis_artificiels/Le_Poème_du_haschisch/II|Qu’est-ce que le haschisch ?]] », ''Les Paradis artificiels'', [[Charles Baudelaire]], 1860.</ref> ».
 
À la fin du {{s-|XIX}}, [[Henry Yule]], grand connaisseur de l'Asie et ancien haut fonctionnaire en Inde, a retracé le parcours suivi par Marco Polo et a produit une édition abondamment commentée du ''Devisement du monde''{{sfn|Yule-Cordier}}, ne laissant aucun doute sur l'authenticité de ce voyage. En 1997, le voyageur {{lien|Michael Yamashita}} a entrepris à son tour de reprendre la route de Marco Polo au cours d'un voyage qui a donné lieu à un reportage du ''[[National Geographic]]'' en {{date-|mai 2001}}, suivi d'un livre en 2002. Au terme de cette expédition qui a duré quatre ans, il conclut : {{citation|Durant tout ce voyage, nous fûmes surpris de constater à quel point Marco avait été un témoin digne de foi{{sfn|Guadalupi 2004|p=10}}}}.
 
[[File:Palazzo San Giorgio Genoa 40.jpg|vignette|Plaque commémorative du [[Palazzo San Giorgio (Gênes)|Palazzo San Giorgio]] de [[Gênes]], prison où il rédige ses mémoires.]]
Pour l'historien [[Jacques Heers]], toutefois, cet ouvrage n'est pas un récit de voyage, mais un traité encyclopédique fait de souvenirs de {{citation|conversations avec les officiers de l'empire mongol [et] de lectures d'ouvrages inconnus en Occident{{sfn|Heers 1984|p=135}}}}. La question de la véracité est encore soulevée en 1995 par Frances Wood avec son livre ''[[Did Marco Polo go to China?]]'', qui suggère que Marco Polo n'a pas été en Chine. Ce qui a été aussitôt réfuté par plusieurs sinologues, dont Rachewiltz<ref>''A Critical Appraisal by I. de Rachewiltz'' ([https://openresearch-repository.anu.edu.au/bitstream/1885/41883/1/Marcopolo.html lire en ligne]).</ref>. Philippe Ménard reconnaît que les chiffres donnés par le voyageur {{citation|relèvent en partie du vraisemblable, en partie de la rhétorique de l'extraordinaire […] Mais (hormis le rôle prêté aux Polo à Xyangyang) point d'erreur grave dans le livre. Les sources chinoises corrigent parfois, et souvent confirment le texte de Marco Polo{{sfn|Ménard 2001|loc=tome V|p=8}}.}}
Pour l'historien [[Jacques Heers]], toutefois, cet ouvrage n'est pas un récit de voyage, mais un traité encyclopédique fait de souvenirs de {{citation|conversations avec les officiers de l'empire mongol [et] de lectures d'ouvrages inconnus en Europe{{sfn|Heers 1984|p=135}}}}. La question de la véracité est encore soulevée en 1995 par [[Frances Wood (bibliothécaire)|Frances Wood]] avec son livre ''[[Did Marco Polo go to China?]]'', qui suggère que Marco Polo n'a pas été en Chine. Ce qui a été aussitôt réfuté par plusieurs sinologues, dont Rachewiltz<ref>''A Critical Appraisal by I. de Rachewiltz'' ([https://openresearch-repository.anu.edu.au/bitstream/1885/41883/1/Marcopolo.html lire en ligne]).</ref>. Philippe Ménard reconnaît que les chiffres donnés par le voyageur {{citation|relèvent en partie du vraisemblable, en partie de la rhétorique de l'extraordinaire […] Mais (hormis le rôle prêté aux Polo à Xyangyang) point d'erreur grave dans le livre. Les sources chinoises corrigent parfois, et souvent confirment le texte de Marco Polo{{sfn|Ménard 2001|loc=tome V|p=8}}.}}
 
En 2012, évoquant la controverse sur la véracité du récit, l'historien Pierre Racine, tout en reconnaissant en Marco Polo certains traits de crédulité propres à un esprit médiéval, voit en lui {{citation|Un homme d’une curiosité universelle, observateur attentif des mœurs et des coutumes des hommes}} dont le récit {{citation|prend la forme d’un carnet de voyage{{sfn|Racine 2011|p=39}}.}} Pour cet historien, {{citation|Le reportage qu’a laissé Marco Polo de son expédition en Chine demeure de première importance pour l’histoire de l’empire mongol, un témoignage qu’aucun historien occidental ou oriental ne saurait négliger{{sfn|Racine 2011|p=40}}.}}
 
Cette même année, le sinologue Hans Ulrich Vogel, de l'[[université Eberhard Karl de Tübingen]], établit qu'on ne peut trouver dans aucune autre source de l'époque {{incise|occidentaleeuropéenne, arabe ou persane}} des renseignements aussi précis que ceux que donne Marco Polo, par exemple sur le format et la dimension du papier, l'utilisation des sceaux, les dénominations du papier monnaie (fabriqué à partir d'écorce de mûrier) ou l'utilisation des coquillages au Yunnan{{sfn|Vogel 2012}}. Pour Mark Elvin, professeur à Oxford, les recherches de Vogel établissent que {{citation|dans la très grande majorité des cas, Polo a décrit avec précision des objets matériels, tels les billets de papier monnaie imprimés par la dynastie mongole, qui n'ont que tout récemment été découverts par les archéologues{{sfn|Vogel 2012|loc=Préface|p=xviii}}}}. En conclusion, note Philippe Ménard, professeur à la Sorbonne, il apparait, à l'examen du ''Devisement'', que Marco Polo {{citation|est parfaitement informé}}, au point que l'on peut supposer qu'il a été {{citation|inspecteur et contrôleur […] pour le commerce du sel, des épices et de la soie. Nul ne peut inventer des chiffres pour étayer ses dires, sans avoir eu, au préalable, les comptes financiers sous les yeux{{sfn|Vogel 2012|loc=Préface|p=xxii}}.}}
 
[[File:Lire 1000 (Marco Polo).jpg|vignette|Billets de 1000 [[Lire italienne|lires italiennes]] (1982-1988)]]
== Postérité ==
[[File:Coin of Kazakhstan 100 MPolo reverse.jpg|vignette|gauche|redresse|Pièce de monnaie commémorative du [[Kazakhstan]].]]
Le ''[[Devisement du monde|Livre des Merveilles]]'' eut un succès immédiat et tout l'Occident, qui venait de perdre des positions en Orient avec l'échec de la dernière Croisade, fut fasciné par ce récit. [[Henri le Navigateur]], [[Vasco de Gama]] et [[Christophe Colomb]] lurent le livre au moment des [[Grandes découvertes|Grandes Découvertes]]. La curiosité scientifique, caractéristique de l'Occident, montre une grande vivacité à ce moment<ref>{{Ouvrage|auteur1=Emmanuel Huyghues Despointes|titre=Les Grandes Dates de l'Occident|lieu=Paris|éditeur=Dualpha Editions|année=2015|pages totales=394|passage=P.164|isbn=}}.</ref>.
''[[Le Livre de Marco Polo]]'' eut un succès immédiat et l'Europe, qui venait de perdre des positions en Orient avec l'échec de la dernière Croisade, fut fasciné par ce récit. [[Henri le Navigateur]], [[Vasco de Gama]] et [[Christophe Colomb]] lurent le livre au moment des [[Grandes découvertes|Grandes Découvertes]]. La curiosité scientifique, caractéristique de l'Europe, montre une grande vivacité à ce moment<ref>{{Ouvrage|auteur1=Emmanuel Huyghues Despointes|titre=Les Grandes Dates de l'Occident|lieu=Paris|éditeur=Dualpha Editions|année=2015|pages totales=394|passage=P.164|isbn=}}.</ref>.
 
En hommage à leur plus célèbre concitoyen, les Vénitiens ont baptisé de son nom leur aéroport international ([[Aéroport de Venise - Marco Polo]]), et les billets italiens de {{unité|1000|[[Lire italienne|lires]]}} ont longtemps porté son effigie. Le {{Lien|langue=en|trad=Marco Polo sheep|fr=mouton de Marco Polo}}, appelé aussi mouflon de Marco Polo, est une sous-espèce d’''[[Ovis aries]]''. Le personnage de Marco Polo est le héros de nombreux livres et films.
 
En hommage à leur plus célèbre concitoyen, les Vénitiens ont baptisé de son nom leur aéroport international ([[Aéroport de Venise-Marco-Polo]]), et les billets italiens de {{unité|1000|[[Lire italienne|lires]]}} ont longtemps porté son effigie. Le {{Lien|langue=en|trad=Marco Polo sheep|fr=mouton de Marco Polo}}, appelé aussi mouflon de Marco Polo, est une sous-espèce d’''[[Ovis aries]]''. Le personnage de Marco Polo est le héros de nombreux livres et films.
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=== Prédécesseurs ===
[[File:Ulaanbaatar 127 (25669564344).jpg|vignette|redresse|Statue de Marco Polo à [[Oulan-Bator]] en [[Mongolie]].]]
[[Relations entre l'Empire romain et la Chine]]
* [[Alexandre le Grand]], qui a été jusqu'en [[Asie]] et en [[Campagne indienne d'Alexandre le Grand|Inde]], aux portes de la Chine au [[IVe siècle av. J.-C.]] ([[époque hellénistique]], [[bilan du règne d'Alexandre le Grand]])
* [[Relations entre l'Empire romain et la Chine]]
* [[Européens en Chine médiévale]]
* [[Grandes découvertes]]
* [[Chronologie des explorations]]
 
=== Littérature ===
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==== Cinéma ====
* 1938 : ''[[Les Aventures de Marco Polo]] (The Adventures of Marco Polo)'', de [[Archie Mayo]], avec [[Gary Cooper]] dans le rôle de Marco Polo.
* 1962 : ''[[Marco Polo (film)|Marco Polo]] (L'avventura di un Italiano in Cina)'', de [[Piero Pierotti]].
* 1965 :
** ''Marco Polo'' de [[Christian-Jaque]], inachevé.
** ''[[La Fabuleuse Aventure de Marco Polo]]'', de [[Denys de La Patellière]] et [[Noël Howard]].
*1998 2001 : ''[[TheMarco IncrediblePolo: AdventuresReturn ofto Marco Polo]]Xanadu'', dessin animé de [[GeorgeRon ErschbamerMerk]].
*2001 2007 : ''{{lien|trad=Marco Polo: Return(2007 tofilm)|Marco XanaduPolo (téléfilm, 2007)|texte=Marco Polo}}'', de [[RonKevin Connor]], avec [[Ian MerkSomerhalder]].
*2007 2008 : ''{{lien|trad=MarcoThe PoloSilk (2007Road : The Adventures of film)|Marco Polo'' (téléfilm''La route de la soie, 2007)|texte=les Aventures de Marco Polo}}''), de [[KevinSergueï Connor]]Bodrov avec [[Ian(réalisateur)|Sergueï SomerhalderBodrov]].
*2008 : ''The Silk Road : The Adventures of Marco Polo'' de [[Sergueï Bodrov (réalisateur)|Sergueï Bodrov]]
 
==== Télévision ====
* 1955 : ''Marco Polo'', épisode de ''[[Captain Z-Ro]]''
* 1964 : [[Marco Polo (Doctor Who)|''Marco Polo'']], épisode de ''[[Doctor Who]]'' avec [[Mark Eden]]
* 1972 : ''Marco Polo épisode'', épisode 33 de ''[[The Wonderful Stories of Professor Kitzel]]''
* 1978 : ''Les Voyages de Marco Polo'', épisode de ''[[Il était une fois… l'Homme]]''
* 1982 : ''[[Marco Polo (série télévisée, 1982)|Marco Polo]]'', mini-série en huit épisodes réalisée par [[Giuliano Montaldo]]
 
*1982 1998 : ''[[MarcoThe PoloIncredible (sérieAdventures of télévisée)|Marco Polo]]'', mini-sérietéléfilm enaméricain huitde épisodes[[George réaliséeErschbamer]], paravec [[GiulianoDon MontaldoDiamont]]
*1998 2006 : ''[[TheLa IncredibleDynastie Adventuresdes of Marco Polodragons]]'', de [[George Erschbamer]]réalisé avecpar [[DonMatt DiamontCodd]]
*2006 : ''[[La Dynastie des dragons]]'', réalisé par [[Matt Codd]]
* 2014 : ''[[Marco Polo (série télévisée, 2014)|Marco Polo]]'', série en deux saisons de dix épisodes
 
=== Spectacle ===
* En 1989 : [[Jean-Louis Foulquier]] a adapté la vie de Marco Polo en version 'théâtrale' à [[Gennevilliers]].
 
=== Jeux vidéo ===
 
* Il apparaît notamment comme un grand explorateur dans le jeu vidéo ''[[Civilization Revolution]]'' en 2008<ref>{{en}} [http://www.civfanatics.com/civrev/great_people Civilization Revolution: Great People].</ref>.
* Il est mentionné dans la saga ''[[Assassin's Creed (série de jeux vidéo)|Assassin's Creed]]'', où il est membre de la confrérie des Assassins.
* Les voyages de Marco Polo en Asie, et notamment son séjour à la cour de [[Kubilai Khan]], servent de toile de fond au [[Uncharted 2: Among Thieves|second opus]] de la saga ''[[Uncharted]]''.
 
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* Marco Polo est le nom de l'une des plus célèbres compositions de thés parfumés réalisées par la maison [[Mariage Frères]], s'inspirant de senteurs de fleurs et de fruits de Chine et du Tibet.
 
=== OndonymieHommages ===
[[Fichier: Marco Polo Helsinki 2008-08-22.jpg |vignette|right|Le paquebot Marco Polo (1991-2021) ex. [[MS Aleksandr Pushkin]] ]]
* Le [[pont Marco-Polo]] du [[XIIe siècle]], près de [[Pékin]]
 
* L'[[Jardinaéroport desde GrandsVenise-Explorateurs Marco-Polo et Cavelier-de-la-Salle]] (Paris)
* Le [[jardin des Grands-Explorateurs Marco-Polo et Cavelier-de-la-Salle]] du [[6e arrondissement de Paris]]
* L'[[astéroïde]] {{PM1|29457|Marcopolo}} [[éponymie|porte son nom]].
* De nombreux navires portent son nom, dont le [[clipper]] [[trois-mâts carré]] canadien ''[[Marco Polo (navire)|Marco Polo]]'', le paquebot Marco Polo (ex [[MS Aleksandr Pushkin]]), ou le porte-conteneurs [[CMA CGM Marco Polo]].
*
* Le [[Cratère d'impact|cratère lunaire]] [[Marco Polo (cratère)]], de 1961.
* Le clipper canadien [[Marco Polo (navire)]] et deux autres navires ont porté ce nom, dont un célèbre paquebot et un porte-conteneurs, le [[CMA CGM Marco Polo]].
* L'[[astéroïde]] {{PM1|29457|Marcopolo}}, découvert en 1997.
 
== Notes et références ==
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== Annexes ==
{{Autres projets
| commons = Marco Polo
| wikisource = Marco Polo
}}
=== Bibliographie ===
==== Éditions ====
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=== Articles connexes ===
{{Autres projets
| commons = Marco Polo
| wikisource = Auteur:Marco Polo
}}
* [[Grandes découvertes]]
* [[Route de la soie]]
* [[Route commerciale]]
* [[Chronologie des explorations]]
* [[Histoire du commerce des épices]]
* [[Alexandre le Grand]], qui a été jusqu'en [[Asie]] et en [[Campagne indienne d'Alexandre le Grand|Inde]], aux portes de la Chine, au [[IVe siècle av. J.-C.]] ([[époque hellénistique]], [[bilan du règne d'Alexandre le Grand]])
* [[Rabban Bar Sauma]] un moine chrétien mongol qui fit le voyage Pékin - Paris à l'époque de Marco Polo
* [[Ibn Battûta]], le « Marco Polo » du monde arabe au {{s-|XIV|e}}
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Famille :
* [[Famille Polo (Venise)]]
* [[Niccolò et Matteo Polo]], père et oncle de Marco Polo
* [[Niccolò et Matteo Polo]], les frères Polo, père et oncle de Marco Polo.
 
=== Liens externes ===
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* [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81555h ''Deux voyages en Asie au {{s-|XIII|e}}'' par Guillaume de Rubruquis et Marco Polo édité par Eugène Muller, 1888]
* [http://www.canalacademie.com/ida3735-Le-sinologue-Paul-Pelliot-et-les.html Paul Pelliot sur les traces de Marco Polo]
* {{YouTube|RUMQGhjKMy8|Le livre des merveilles de Marco Polo}}
 
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