« Agroécologie » : différence entre les versions

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L’'''agroécologie''', ou '''agro-écologie''', est un ensemble de théories et de [[Bonne pratique agricole|pratiques agricoles]] nourries ou inspirées par les connaissances de l'[[écologie]], de la science agronomique et du monde agricole.
 
Ces idées et pratiques concernent donc l'[[agriculture]], l'[[écologie]], et l'[[agronomie]], les [[sciences sociales]], mais aussi des mouvements [[Mouvement social|sociaux]] ou [[mouvement politique|politiques]], notamment [[Écologisme|écologistes]]<ref>{{Lien web |titre=Agroécologie|url=https://mots-agronomie.inra.fr/index.php/Agro%C3%A9cologie |site=mots-agronomie.inra.fr |consulté le=2016-06-12}}</ref>{{,}}<ref name=":1">{{Article|langue=en|prénom1=A.|nom1=Wezel|prénom2=S.|nom2=Bellon|prénom3=T.|nom3=Doré|prénom4=C.|nom4=Francis|titre=Agroecology as a science, a movement and a practice. A review|périodique=Agronomy for Sustainable Development|volume=29|numéro=4|date=2009|issn=1774-0746|issn2=1773-0155|doi=10.1051/agro/2009004|lire en ligne=https://hal.science/file/index/docid/886499/filename/hal-00886499.pdf|consulté le=2017-03-02|pages=503–515}}</ref>.
 
Dans les faits, ces diverses dimensions de théorie, pratique et mouvements, s'expriment en interaction les unes avec les autres, mais de façon différente selon les milieux ou régions<ref name=":1" />.
 
== Histoire et définitions ==
L’agroécologie<ref>{{Lien web |auteur=Inrae |titre=dictionnaire d'agroécologie |url=https://dicoagroecologie.fr/dictionnaire/ |accès url=libre |date=2022}}</ref> comme science apparaît dans les champs de recherche de l’[[agronomie]] et de l’[[écologie]]. Au cours de son développement, elle mobilise largement toutes les [[sciences sociales]].
 
Le terme est utilisé pour la première fois en [[1928]] par Basil Bensin, un [[Ingénieur agronome|agronome]] américain d’origine [[Russie|russe]], pour décrire l'utilisation de méthodes écologiques appliquées à la recherche agronomique<ref name=":1" />{{,}}<ref>{{Lien web | url=http://www.franceculture.fr/emission-science-publique-qu-est-ce-que-l-agroecologie-2012-11-02|titre=Qu'est ce que l'agroécologie ?|site=France Culture.com Science publique |consulté le=6 juillet 2014}}</ref>. Dans les années 1950, l'écologue et zoologiste allemand Tischler utilise le terme pour décrire le résultat de ses recherches sur la régulation des [[Insecte ravageur|ravageurs]] par la gestion des interactions entre les composantes physiques, chimiques, biotiques et humaines des agrosystèmes<ref name=":1" />. Différents travaux de recherche, à ces époques, mobilisent des approches d'agroécologie, sans explicitement utiliser le terme<ref name=":1" />. C'est le cas des travaux du zoologiste allemand Friederichs sur la [[défense des cultures]] dans les années 1930, des travaux de l'agronome américain Klages sur les [[Système de culture|systèmes de culture]] dans les années 1920-1940, ou de la [[Agronomie#Origines du champ de l'agronomie et de la fonction d'agronome|définition de l'agronomie]] proposée par [[Stéphane Hénin]] dans les années 1960<ref name=":1" />.
 
L'agroécologie, en tant que science appliquant les principes de l'écologie à l'agriculture, continue à se développer aux cours des années 1960 et 1970. Une des évolutions importantes de cette période est la création du concept d'[[agroécosystème]], par l'écologue [[Eugene Odum]]<ref name=":1" />. Mais c'est dans les années 1980 que l'agroécologie émerge véritablement, dans les travaux d'agronomes et d'écologues étudiant les systèmes agricoles de l'[[Amérique latine]]. Ces chercheurs cherchent des alternatives au modèle de développement de la [[révolution verte]], dont ils observent les limites sur le terrain (dégradations environnementales, impacts sociaux, économiques et culturels)<ref name="Infos du cours 66001S02 | FUN">{{Lien web|langue=fr|titre=MOOC Agroécologie, Montpellier SupAgro|url=https://www.fun-mooc.fr/courses/Agreenium/66001S02/session02/info|site=fun-mooc.fr|consulté le=2017-02-22}}</ref>. Un événement marquant est la publication en 1983 du livre ''Agroécologie, les bases scientifiques d'une agriculture alternative'', par [[Miguel Altieri]], professeur à l’[[Université de Californie à Berkeley|université de Berkeley]]<ref name="Infos du cours 66001S02 | FUN" />. Ce livre est traduit en espagnol et en français dès 1986<ref>{{Lien web|titre=CV de Miguel Altieri|url=http://www3.uma.pt/isoplexis/consultores/CV_Miguel_Altieri.pdf|consulté le=12/06/16}}</ref>. Une des nouveautés des années 1980 et 1990 est l'application de l'agroécologie aux objectifs de [[Agriculture durable|durabilité de l'agriculture]]<ref name=":1" />. En 1995, Altieri définit l'agroécologie ainsi : « L'agro-écologie est la science de la gestion des ressources naturelles au bénéfice des plus démunis confrontés à un environnement défavorable »<ref>{{Lien web|nom1=(ENSAT).|prénom1=Par : Benjamin Baatard (AgroParisTech), Matthieu Carof (AGROCAMPUS OUEST), Cathy Clermont-Dauphin (IRD), Thierry Doré (AgroParisTech), Gérome Fitoussi (AgroParisTech), Antoine Gardarin (AgroParisTech), Catherine Herry (Inra) et Jean-Pierre Sarthou|titre=Qu'est-ce que l'agroécologie ? - * M. Altieri|url=https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/courses/INTROAGROECOLOGIE/document/uvae_agroecologie_intro/co/module_UVAE_-_Qu_est_ce_que_l_Agroecologie_20.html|site=tice.agroparistech.fr|consulté le=2016-06-09}}</ref>. Au-cours des années 1990 et 2000, l'agroécologie étend son champ d'étude, passant de l'échelle de l'[[agroécosystème]] à l'échelle de la ferme, du [[paysage]], puis du [[Agriculture comparée|système agraire]], c'est-à-dire à l'ensemble des composantes écologiques et sociales contribuant à la production, la distribution et la consommation de la nourriture<ref name=":1" />. L'agroécologie est définie par Francis, en 2003, comme "l'écologie des systèmes alimentaires"<ref name=":2">{{Article|langue=en|prénom1=C.|nom1=Francis|prénom2=G.|nom2=Lieblein|prénom3=S.|nom3=Gliessman|prénom4=T. A.|nom4=Breland|titre=Agroecology: The Ecology of Food Systems|périodique=Journal of Sustainable Agriculture|volume=22|numéro=3|date=2003-07-17|issn=1044-0046|doi=10.1300/J064v22n03_10|lire en ligne=https://dx.doi.org/10.1300/J064v22n03_10|consulté le=2017-03-02|pages=99–118}}</ref>.
 
Ces approches développées dans le cadre de la recherche scientifique ont rapidement rencontré les préoccupations de mouvements sociaux ruraux d'Amérique latine<ref name="Infos du cours 66001S02 | FUN" />, qui sont à l'origine du développement des pratiques agroécologiques, dans les années 1980, et de l'agroécologie comme mouvement social interrogeant les relations entre agriculture et société, dans les années 1990<ref name=":1" />.
[[Fichier:Agribusiness vs agroecology.jpg|vignette|gauche|[[Industrie agroalimentaire]] - agroécologie.]]
 
Ces approches développées dans le cadre de la recherche scientifique ont rapidement rencontré les préoccupations de mouvements sociaux ruraux d'Amérique latine<ref name="Infos du cours 66001S02 | FUN" />, qui sont à l'origine du développement des pratiques agroécologiques, dans les années 1980, et de l'agroécologie comme mouvement social interrogeant les relations entre agriculture et société, dans les années 1990<ref name=":1" />. Les pratiques agroécologiques apparaissent dans l'Amérique latine des années 1980, particulièrement au Mexique, comme alternatives aux pratiques agricoles promues par la [[révolution verte]]. Elles visent à augmenter la production agricole des petits producteurspaysans sans recours massif aux intrants issus de la synthèse chimique<ref name=":1" />. Le mouvement de l'[[Agriculture alternative (Brésil)|agriculture alternative]]<ref>{{Article|langue=fr|prénom1=Alfio|nom1=Brandenburg|titre=Mouvement agroécologique au Brésil : trajectoire, contradictions et perspectives*|périodique=Natures Sciences Sociétés|volume=16|numéro=2|date=2008-04-01|issn=1240-1307|issn2=1765-2979|doi=10.1051/nss:2008036|lire en ligne=http://www.nss-journal.org/10.1051/nss:2008036|consulté le=2017-03-02|pages=142–147}}</ref>, né au Brésil dans les années 1970, opposé aux politiques de modernisation de l'agriculture et défendant les intérêts des petits agriculteurs, est une des bases de l'agroécologie en tant que mouvement<ref name=":1" />. Les mouvements agroécologiques, très divers dans leurs formes, mettent en avant les questions de [[Souveraineté alimentaire|souveraineté]] et de [[sécurité alimentaire]], de [[développement rural]], et d'autonomie des agriculteurs<ref name=":1" />.
 
=== Agroécologie en France ===
En [[France]], à partir des [[années 1970]], des personnagespersonnalités emblématiques comme [[René Dumont]], [[Pierre Rabhi]]<ref name="Dam2012">{{Ouvrage|auteur=Denise Van Dam|titre=Agroécologie: entre pratiques et sciences sociales|url=https://books.google.com/books?id=Ur95acIe59UC&pg=PA308|année=2012|éditeur=Educagri Editions|isbn=978-2-84444-876-7|page=308}} : {{Citation|Pierre Rabhi, figure représentative du mouvement politique et scientifique de l'agroécologie en France}}</ref>, [[Georges Toutain]], [[Marc Dufumier]], [[Dominique Soltner]] ont suggéré ou évoqué explicitement un rapprochement entre [[Agroécosystème|agrosystèmes]] et [[écosystème]]s, prônant le respect de la nature, intégrant les dimensions économiques, sociales et politiques et visant à une meilleure intégration de l'agriculture dans la société. Néanmoins, le concept d'agroécologie a été utilisé tardivement en France, surtout à partir des années 2000. Selon Wezel, cela est dû d'une part à la dissociation des disciplines de l'agronomie et de l'écologie dans le système d'enseignement et de recherche français, et d'autre part au développement d'une approche [[Holisme|holistique]] propre à l'agronomie française, incluant les sciences sociales, qui a mené au développement d'approches similaires à celles de l'agroécologie sans nécessiter de changer le nom de la discipline<ref name=":1" />.
 
Dans les [[années 2000]], la notion de [[service écosystémique|services écosystémiques]] (parfois critiquée parce qu'[[utilitarisme|utilitariste]]), et celle d'[[Intensification écologique|agriculture écologiquement intensive]], introduites à la suite du [[Grenelle Environnement|Grenelle de l'environnement]], prennent de l'importance.
 
Dans les années 2000, la notion de [[service écosystémique|services écosystémiques]] (parfois critiquée parce qu'[[utilitarisme|utilitariste]]), et celle d'[[Intensification écologique|agriculture écologiquement intensive]], introduites à la suite du [[Grenelle Environnement|Grenelle de l'environnement]], prennent de l'importance. La pratique agroécologique est aussi devenue un mode de [[Agriculture|production agricole]] faisant l'objet d'études, à l'image des travaux menés dans ce domaine par le [[Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement|CIRAD]] et [[Institut national de la recherche agronomique|l'INRA]]<ref name=":1" />. En 2010, l'INRA fait de l'agroécologie un de ses deux axes de recherche prioritaires<ref name=":0">{{Article|langue=fr|prénom1=Angela|nom1=Bolis|titre=L'agroécologie est-elle l'avenir de l'agriculture française ?|périodique=Le Monde.fr|date=2013-04-24|issn=1950-6244|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/planete/article/2013/04/24/l-agroecologie-est-elle-l-avenir-de-l-agriculture-francaise_3152987_3244.html|consulté le=2017-03-03}}</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=fr|prénom1=Angela|nom1=Bolis|titre=L'agroécologie, un chantier prioritaire pour l'INRA|périodique=Le Monde.fr|date=2013-04-24|issn=1950-6244|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/planete/article/2013/04/24/l-agroecologie-un-chantier-prioritaire-pour-l-inra_3165681_3244.html|consulté le=2017-03-03}}</ref>.
 
En raison des enjeux économiques agricoles qui lui sont liés, il pèse sur elle d'importantes tensions liés à sa définition. Certains acteurs du monde agricole, de tradition productiviste, tendent à la définir comme un "verdissement" de l'agriculture industrielle ou à l'assimiler à d'autres notions comme l'[[Intensification écologique|Agriculture écologiquement intensive]]<ref>Bonny, S. (2011). [http://uniagro.fr/docs/crmqv23042013michelgriffonvf.pdf L’agriculture écologiquement intensive: nature et défis]. Cahiers Agricultures, 20(6), 451-462.</ref>{{,}}<ref>Griffon, M. (2013). [http://uniagro.fr/docs/crmqv23042013michelgriffonvf.pdf Qu'est ce que l'agriculture écologiquement intensive ?]. Éditions Quae.</ref>{{,}}<ref>Goulet, F. (2012). [https://www.researchgate.net/profile/Frederic_Goulet/publication/260145339_La_notion_d%27intensification_cologique_et_son_succs_auprs_d%27un_certain_monde_agricole_franais__une_radiographie_critique/links/0a85e52fbe7b1e6d94000000.pdf La notion d'intensification écologique et son succès auprès d'un certain monde agricole français : une radiographie critique]. Courrier de l’environnement de l’INRA, 62, {{p.|19-29}}.</ref> (adoptée dans les années 2010 en France comme axe stratégique par la coopérative [[Terrena (entreprise)|Terrena]] et comme orientation pour la [[Chambre d'agriculture en France|chambre d’agriculture]] de Bretagne<ref>Léger f (2014) L’agroécologie en sciences - AgroParisTech 28/11/2014 Séminaire Agroécologie ; Lycée agricole de Tilloy-les-Mofflaines ; voir - {{p.|21}}</ref>).
 
Le {{date-|5 septembre 2012}}, [[Stéphane Le Foll]], ministre socialiste de l'Agriculture, a commandé à [[Marion Guillou]] (ex-PDG de l'INRA) un rapport<ref>Marion Guillou (2013) [http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Agroecologie_-_Rapport_double_performance_pour_le_MAAF_-_note_principale_et_annexes_-_VF_cle899e18.pdf « Le projet agro-écologique : Vers des agricultures doublement performantes pour concilier compétitivité et respect de l’environnement »] ; PDF ([http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Agroecologie_-_Note_resumee_MG-_Mission_LeFoll_-_160513_cle0db917.pdf synthèse], PDF)</ref>{{,}}<ref>{{lien web |titre=Remise du rapport sur l’agro-écologie par Marion GUILLOU à Stéphane LE FOLL |url=http://agriculture.gouv.fr/Remise-du-rapport-sur-l-agro |site=gouv.fr |consulté le=17-10-2020}}.</ref> sur l'agro-écologie (AEF {{n°|14773}}), pour un modèle de production « plus économe en [[intrant]]s et en énergie, tout en assurant durablement leur compétitivité ». Marion Guillou, à partir des [[retour d'expérience|retours d'expériences]] pionnières (françaises ou étrangères), propose un modèle à la française, avec des accompagnements et des efforts de formation passant par une réforme de l'enseignement et de la formation agricoles et peut-être un « certificat d'économie d'intrants » (eau, engrais, produits phytosanitaires). Pour inciter à réduire l'utilisation d'intrants (qui a encore augmenté en 2012), Marion Guillou propose :
* de s'inspirer des [[certificat d'économie d'énergie|certificats d'économie d'énergie]] pour inciter les vendeurs de pesticides et d'engrais à en vendre moins, en rémunérant les efforts, plutôt qu'en taxant ;
* d'étudier (au cas par cas) des projets de [[Retenue collinaire|retenues collinaires]] ;
* avec éventuel relèvement du prix de l'eau d'irrigation afin de {{Citation|créer une séparation nette entre les activités de conseil et de vente}} (comme [[Delphine Batho]] l'avait proposé 3 mois plus tôt<ref>Delphine Batho, lors du congrès de [[France Nature Environnement]] en avril 2013</ref>).
 
En 2013, un rapport thématique intitulé « Lala thématique, « "biodiversité et agriculture »" dans les projets de recherche et développement français » (Rapport d’étude ACTA/FRB)<ref>[http://www.fondationbiodiversite.fr/images/stories/telechargement/MODELO/Rapport_ACTA_web.pdf La thématique « biodiversité et agriculture » dans les projets de recherche et développement français] (Étude ACTA/FRB 2013 ; PDF), et [http://www.fondationbiodiversite.fr/images/stories/telechargement/MODELO/ACTA_Depliant_web.pdf Dépliant] afférent</ref> a été produit par l'[[association de coordination technique agricole]] (ACTA) et la [[Fondation pour la recherche sur la biodiversité]] (FRB), afin d'aider à une mobilisation de tous les acteurs de la biodiversité pour notamment {{Citation|co-construire des projets de recherche à l’interface science / société}}. Ce rapport analyse des projets de R&D agricole « [[CASDAR]] » portant sur la biodiversité, pour faire un point sur :
- « l’évolution de la prise en compte de la biodiversité et des approches adoptées dans les projets »
- « les acteurs impliqués et leurs réseaux de collaborations », dans le monde de la recherche sur agriculture & biodiversité.
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L'agroécologie comme mouvement apparaît en Amérique latine, lorsque des mouvements sociaux commencent à s'intéresser aux pratiques agroécologiques. C'est le cas, au Brésil, du mouvement de l'[[Agriculture alternative (Brésil)|agriculture alternative]] et du [[mouvement des sans-terre]]s, qui constatent dans les années 1980-1990 l'incapacité des paysans à sortir de la misère, même après l'accès à la terre, en raison d'une production trop faible et d'une incapacité à acheter des intrants. Ils se tournent alors vers les pratiques agroécologiques<ref name=":3">{{Lien web|langue=fr|titre=Une alternative sociale - Brésil : l'agroécologie comme réponse à l'exclusion sociale|url=http://www.supagro.fr/ress-tice/MOOCAE/impact_socioeconomique/co/bresil.html|site=supagro.fr|consulté le=2017-03-03}}</ref>. MAELA (Movimiento Agroecológico de América Latina y el Caribe) fait également partie de ces mouvements<ref name=":3" />. En Europe, l'agroécologie comme mouvement social est portée par une diversité d'acteurs, parmi lesquels le mouvement paysan international [[Via Campesina|La Via Campesina]] et le mouvement Nyéléni (https://nyeleni.org/). A noter l'existence concomitante du mouvement de l'[[agriculture biologique]]<ref name=":4">{{Lien web|langue=fr|titre=Une alternative sociale - France : l'exception Pierre Rahbi (erratum - lire : « Rabhi »)|url=http://www.supagro.fr/ress-tice/MOOCAE/impact_socioeconomique/co/france_pierre_rahbit.html|site=supagro.fr|consulté le=2017-03-03}}</ref>. En Belgique, la plateforme d'organisations Agroecology In Action (https://www.agroecologyinaction.be/) milite dans les sphères agricoles, sociales, de santé, environnementale pour étoffer et amplifier l'approche agroécologique. [[Pierre Rabhi]] représente une exception notable en France, avec [[Terre et Humanisme]] et le [[Mouvement Colibris|mouvement des colibris]], un mouvement ayant la particularité de toucher plus les urbains que les agriculteurs<ref name=":4" />. Les [[Organisation non gouvernementale|ONG]] [[Agronomes et vétérinaires sans frontières|AVSF]] et [[Agrisud international|Agrisud International]] rejoindront ensuite cette mobilisation<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Une alternative sociale - La mobilisation des acteurs du développement international|url=http://www.supagro.fr/ress-tice/MOOCAE/impact_socioeconomique/co/la_mobilisation_des_acteurs_du_developpement_international.html|site=supagro.fr|consulté le=2017-03-03}}</ref>.
 
Ces mouvements développent une approche explicitement politique de l'agroécologie, comme dans la déclaration du Forum International sur l'Agroécologieagroécologie de 2015 : « L'agroécologie est politique ; elle nous demande de remettre en cause et de transformer les structures de pouvoir de nos sociétés. Nous devons placer le contrôle des semences, de la biodiversité, des terres et territoires, de l'eau, des savoirs, de la culture, des biens communs et des espaces communautaires entre les mains de celles et ceux qui nourrissent le monde »<ref>Déclaration du Forum International sur l’Agroécologie. Nyéléni, Mali - 27 février 2015</ref>.
 
Le « mouvement de l'agroécologie » est lié à la pratique agroécologique de terrain, puisque le mouvement s'enracine dans les pratiques locales et que les pratiques prennent du sens dans un mouvement global. En effet, les tenants de l'agroécologie se défendent d'une approche uniquement technique ou techniciste. Ils prônent une approche globale ([[holistique]]), la reconnaissance des [[savoir]]s et [[savoir-faire]] [[paysan]]s, et une valorisation des synergies<ref>INRA (2008), ''Agriculture et biodiversité – valoriser les synergies.'' Expertise scientifique collective INRA, synthèse du rapport d’expertise</ref>.
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Les {{refsou|principales}} pratiques agroécologiques sont :
* Accroissement de la [[biodiversité]] en évitant les [[monoculture]]s qui ont besoin d'[[Intrants agricoles|intrants]] en [[énergie]], [[pesticide]]s et [[engrais]]. Ceci inclut l'utilisation de [[Rotation culturale|rotations]] longues et de [[Culture associée|cultures associées]]<ref>C Marsden, L Bedoussac, 2017, Mise en œuvre en "Cultures associées", MOOC Agroécologie, MonpellierMontpellier Supagro.</ref>, qui permettent de profiter de la [[Facilitation écologique|facilitation]] ou de la complémentarité des [[Niche écologique|niches écologiques]] des différentes [[espèce]]s ([[Trois sœurs (agriculture)|milpa]], associations céréales-légumineuses, [[Jardin créole|jardins créoles]]…).
* Le non-travail du sol qui respecte sa [[Pédologie (géoscience)|structure]] et maintient les populations des divers [[micro-organisme]]s et animaux dans les [[Horizon (pédologie)|horizons]] du sol. Un [[couvert végétal]] quasi [[Couvert environnemental permanent|permanent]] est recherché pour limiter l'[[Régression et dégradation des sols|érosion]] et structurer le sol. Des techniques comme le [[Technique culturale simplifiée|non labour]] ou le [[paillis]] sont encouragées.
* La [[fertilisation]] obtenue au moyen des [[engrais vert]]s, de [[compostage (biologie)|compost]] ou de [[digestat]]. L'objectif est le maintien d'un taux d'[[humus]] élevé assurant une fertilité durable et garantissant une [[Évapotranspiration|alimentation hydrique]] plus régulière. Ces moyens, souvent peu coûteux, sont accessibles aux paysans les plus pauvres. L'[[agroforesterie]] peut s'inscrire dans ce processus comme le montrent les expériences pratiques utilisant le [[Gliricidia sepium]].
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L'agroécologie représente une vraie alternative aux [[Système de production agricole|systèmes de production]] dits conventionnels (industriels) dans les [[pays en développement]]. En effet, en mettant l'accent sur l'équilibre durable du système sol-culture, elle permet une réduction des apports d'intrants à long terme. Pour [[Olivier De Schutter]], rapporteur spécial pour le [[droit à l'alimentation]] du [[Conseil des droits de l'homme des Nations unies|Conseil des droits de l’homme]] à l'[[Organisation des Nations unies]], {{citation|il faut changer de cap, les recettes anciennes ne valent plus aujourd’hui. Les politiques de soutien à l'agriculture visaient à orienter l'agriculture vers l'agriculture industrielle ; il faut à présent qu'elles s'orientent vers l'agro-écologie partout où cela est possible}}<ref>[[Olivier De Schutter]] 'Agroecology: A Tool for the Realization of the Right to Food', in Lichthouse (ed.), Agroecology and strategies for climate change, Sustainable Agriculture Reviews, vol. 8, Springer Verlag, 2012, {{p.|1-16}}.</ref>{{,}}<ref>[[Olivier De Schutter]] Accounting for Hunger. The Right to Food in the Era of Globalisation, Hart Publishing, Oxford and Portland, Oregon, 2011 (with Kaitlin Cordes, co-editors), {{nobr|288 pages}}, [http://www.hartpublishingusa.com/books/details.asp?isbn=9781849462266] {{ISBN|9781849462266}}.</ref>.
 
La prise en compte de cet équilibre entraîne aussi une meilleure capacité de résistance des cultures aux conditions climatiques difficiles : épisodes de [[sécheresse]], pression des [[adventice]]s, sols appauvris, conditions fréquentes dans les pays en développement, notamment sur le [[Afrique|continent africain]]<ref>[http://agroecologie.cirad.fr/ Site réseau agroécologie du CIRAD].</ref>.
 
ExemplePar :exemple, Lele Programmeprogramme de Promotionpromotion des Revenusrevenus Rurauxruraux ou PPRR<ref>[http://www.pprr.mg/spip.php?article37 Les microprojets soutenus par le PPRR].</ref>, projet du FIDA à Madagascar, soutient à travers le financement de microprojets les exploitants ayant choisi d'appliquer les principes de l'agroécologie sur leur ferme (voir le témoignage vidéo d'un paysan malgache dans les liens externes).
 
Certaines associations de solidarité internationale ont fait le choix de poser l'agroécologie comme vecteur de développement local. Pour Patrice Burger, Directeur du CARI<ref>{{Lien web|titre = Centre d'Actions et de Réalisations Internationales|url = https://www.cariassociation.org}}.</ref> et Représentant de la Société civile dans le cadre de la Convention des Nations unies sur la Lutte Contre la Désertification (CNULCD)<ref>{{Lien web|langue = en+fr|titre = Convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la Désertification|url = http://www.unccd.int/en/Pages/default.aspx}}.</ref>, « l'agro-écologie, au-delà d'un ensemble de techniques, doit être considérée comme une véritable démarche »<ref>{{Ouvrage|langue = fr|auteur1 = CARI / GTD|titre = Agroécologie, une transition vers des modes de vie et de développement viables - Paroles d’acteurs|année = 2013|pages totales = 95|lire en ligne = http://www.gtdesertification.org/IMG/pdf/GTD_Agroecologie_Parole_d_acteurs.pdf}}.</ref>.
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=== Revitalisation des sols cultivés ===
[[Fichier:Soja sobre Trigo.JPG|vignette|upright=1.3|[[Semis direct]] ([[non labour]]) de [[soja]] sur une céréale.]]
Selon des études scientifiques, les sols cultivés présentent des signes de régression et de dégradation, essentiellement en conséquence de l'érosion, de l'acidification, du tassement, des baisses du niveau de matière organique. Les causes en sont diverses mais l'action de l'homme peut les favoriser. Dans les terrains agricoles en pente, en zones de montagne, les risques d'érosion sont encore plus importants<ref name="docu">[[Régression et dégradation des sols|Voir]] le documentaire [[Solutions locales pour un désordre global]].</ref>.
 
Pour endiguer cette dégradation des sols, le [[Compostage (biologie)|compost]] et le [[fumier]] peuvent être répandus sur les sols mais les [[Substance chimique|produits chimiques]] doivent être limités. Enfin, certaines variétés modernes, notamment [[Hybride F1|hybrides]], sont plus fragiles que des variétés traditionnelles, qui demandent moins d'[[irrigation]]. Celles-ci, bien associées avec d'autres plantes ou [[arbre]]s, [[légume]]s, [[Fruit (botanique)|fruits]] ou [[condiment]]s, sont parfaitement rentables et leur croissance est même plus forte que les hybrides. Les besoins en pesticides et en irrigation sont alors beaucoup moins importants.
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La recherche en agroécologie peut se mener à différentes échelles : [[parcelle]], [[exploitation agricole]], [[paysage]], [[système agraire]]<ref name=":1" />. Francis, en 2003, propose une définition de l'agroécologie à l'échelle des systèmes agraires ou systèmes alimentaires : {{citation|l'étude intégrative de l'écologie de l'ensemble du système alimentaire, comprenant les dimensions écologiques, économiques et sociales}}<ref name=":2" />. L'agroécologie se caractérise également par son approche [[Transdisciplinarité|transdisciplinaire]] (incluant l'agronomie, l'écologie, les sciences humaines et sociales), par la prise en compte des savoirs locaux et par l'[[Analyse systémique|analyse des systèmes]]<ref name=":1" />.
 
En raison de la multiplicité des thèmes de recherche pouvant s'inscrire dans l'agroécologie, et par conséquent des différences épistémologiques naissantes, certains auteurs tels que Van Dam et al. (2012) suggèrent de distinguer 3 branches au sein de l'agroécologie scientifique<ref>{{Ouvrage|langue = fr|auteur1 = VAN DAM Denise et al.|titre = Agroécologie, Entre pratiques et sciences sociales|éditeur = EducAgri Éditions|année = 2012|pages totales = 309|isbn = 978-2-84444-876-7|lire en ligne = https://books.google.fr/books?id=Ur95acIe59UC&lpg=PP1&dq=agro%C3%A9cologie%20entre%20pratiques%20et%20sciences%20sociales&hl=fr&pg=PP1#v=onepage&q=agro%C3%A9cologie%20entre%20pratiques%20et%20sciences%20sociales&f=false}}</ref> :
* l'agroécologie systémique qui traite de la dimension « bio-technique » en prenant largement appui sur l'écologie, les travaux de Miguel Altieri se sont par exemple inscrits dans cette branche dans un premier temps,
* l'agroécologie politique,
* l'agroécologie humaine pour rendre compte des organisations sociales impliquées dans les agroécosystèmes, les travaux de Victor M. Toledo ou ceux de Eduardo Sevilla Guzman sont une bonne illustration de ce que peut produire cette branche,
* enfin, l'agroécologie politique entend aborder la relation entre les mesures, configurations politiques et les agroécosystèmes, en relation avec les systèmes sociaux auxquels nous faisons référence ci-dessus, pour cette dernière branche, les travaux de Manuel Luis Gonzalez de Molina Navarro (MG de Molina) sont des références incontournables.
 
== Transition agroécologique ==
=== Verrous ===
Des [[verrouillage socio-technique|verrouillages socio-techniques]] peuvent empêcher, à plusieurs niveaux, la transition vers l'agroécologie<ref name=":5" />:
* Au niveau individuel, le manque de connaissances sur de [[Bonne pratique agricole|nouvelles pratiques agricoles]] ;, et l'absence de systèmes de conseil adaptés,
* Au niveau de l'[[exploitation agricole]], le manque de terres disponibles pour développer des pratiques alternatives ou l'importance des investissements déjà réalisés, qui doivent être rentabilisés dans un système technique donné ;
* Au niveau duorganisationnel territoiredes filières, l'absence de filière de collecte et de commercialisation de produits portant un label de qualité environnemental, l'absence de systèmes depour conseilcertaines adaptésproductions ;
* Au niveau organisationnel des territoires, les règles de gestion des ressources naturelles qui doivent se réadapter pour permettre certaines pratiques ( propriété de l'arbre, gestion de la vaine pâture,...)
* Au niveau national, le manque de connaissances scientifiques ou de soutien des politiques publiques.
 
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* [[Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture|IRSTEA]] ; qui travaille notamment sur la [[trame verte et bleue]], les économies d'eau pour l'irrigation<ref name=":7" />, et l'agriculture numérique de précision<ref>{{Lien web|titre=Agriculture de précision : traiter efficacement sans léser l’environnement|url=http://www.irstea.fr/nos-editions/dossiers/innovation-agriculture-performante-durable/produits-phytosanitaires|site=Irstea|date=2017|consulté le=15 novembre 2018}}</ref>.
* [[Solagro]], qui est spécialisé sur les infrastructures agroécologiques et anime un projet intitulé « Osez l'agroécologie » visant à faciliter la diffusion des savoirs des agriculteurs en matière d'agroécologie.
* De nombreux [[Institut technique agricole|instituts techniques agricoles]] (ITA) sont également concernés, dontparmi lesquels:
** ACTA ; intéressé par les pratiques agronomiques ''via'' notamment les CIPAN (en lien avec l’apiculture), l'écologie des agropaysages et ses liens avec la protection phytosanitaire (contre les nématode, taupins… notamment), les adventice, messicoles, la lutte biologique et la biodiversité des auxiliaires des cultures. D'autres thèmes d'intérêt sont le plan Écophyto, les bandes enherbées et les infrastructures agroécologiques au sein de la [[trame verte et bleue]]. L'ACTA se positionne aussi dans les interfilières (apiculture, grandes cultures, tournesol<ref name=rapportACTAFRB2014/>.
** [[ARVALIS - Institut du végétal]] ; intéressé par le rôle des associations végétales, assolement, CIPAN, effet précédent, légumineuse, rotation, taupins dans les pratiques agronomiques et phytosanitaires (Écophyto, gestion des adventices & messicoles, utilisation des auxiliaires des cultures, biofongicide, protection intégrée contre les ravageurs, lutte contre les résistances aux pesticides ou antibiorésistances. Rôle des infrastructures agroécologiques<ref name=rapportACTAFRB2014/> ;
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* [[Permaculture]]
* [[Agroforesterie]], [[Sylvopastoralisme]]
* [[Agroécologie au Cameroun|Agroécologie]]
* [[Métabolisme social]]
* [[Pédologie (géoscience)|Pédologie]], [[Humus]], [[Terra preta]]
* [[Bokashi (compostage agricole)|Bocashi]]
* [[Bande enherbée]], [[Trame verte]], [[Trame bleue]], [[Trame verte et bleue française]]
* [[Lutte intégrée]]
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* [[Régression et dégradation des sols]]
* [[Technique culturale simplifiée]] ([[Strip-till]])
* [[Glossaire de l'environnement et de l'écologie]]
 
==== Auteurs de référence ====
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[[Catégorie:Discipline agronomique]]
[[Catégorie:Discipline écologique]]
[[Catégorie:ÉcologieAgroécologie]]
[[Catégorie:Permaculture]]
[[Catégorie:Terminologie agricole]]
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