Laïka

chienne du programme spatial soviétique
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Laïka (du russe : Лайка, « petit aboyeur »[note 1] ; 1954 – ) est une chienne du programme spatial soviétique et le premier être vivant mis en orbite autour de la Terre. Elle a été lancée par l'URSS à bord de l'engin spatial Spoutnik 2 le , un mois après le lancement du premier satellite artificiel Spoutnik 1. Après le succès de Spoutnik 1, le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev exigea le lancement d'un second engin pour le afin de célébrer le 40e anniversaire de la révolution russe. Dans l'urgence, sans étude préalable, Spoutnik 2 est construit en quatre semaines.

Laïka
Détail d'un timbre roumain : « Laika, premier voyageur de l'espace ».
Informations
Espèce
Chien
Sexe
Date de naissance
Vers Voir et modifier les données sur Wikidata
Lieu de naissance
Pays d'origine
Date de décès
Lieu de décès
Cause de décès
Masse
6 kgVoir et modifier les données sur Wikidata
Occupation
Fait notable
Premier être vivant mis en orbite autour de la Terre

Laïka mourut environ 7 heures après le lancement, de stress et de surchauffe, probablement due à une défaillance du système de régulation de température. La vraie cause de sa mort ne fut révélée que plusieurs décennies après la mission. Les versions qui subsistèrent jusqu'aux révélations du docteur Dimitri Malachenkov en 2002 affirmaient qu'elle était morte en consommant de la nourriture empoisonnée — qui avait été préparée pour lui éviter de souffrir de la chaleur lors du retour de Spoutnik 2 dans l'atmosphère — ou d'asphyxie à l'épuisement de ses réserves d'oxygène. Par ailleurs, on pensait jusqu'alors que Laïka était restée vivante quatre jours dans l'habitacle de l'engin spatial. La capsule spatiale se consuma le en rentrant dans l'atmosphère terrestre.

Malgré la mort de Laïka, l'expérience prouva qu'un être vivant pouvait survivre à une mise en orbite autour de la Terre et subir les effets de l'impesanteur (Laïka n'étant morte qu'après cette étape). La mission Spoutnik 2 prépara le terrain pour le vol spatial de l'Homme en fournissant aux scientifiques les premières données sur les réactions des organismes vivants dans l'espace.

Contexte

Le succès de Spoutnik 1, premier satellite artificiel lancé le , avait eu un retentissement mondial auquel les dirigeants de l'URSS ne s'attendaient pas. Leur dirigeant, Nikita Khrouchtchev, décida de faire des succès soviétiques dans le domaine de l'astronautique un des piliers de la propagande du régime soviétique. Quelques jours après le lancement de Spoutnik 1, Khrouchtchev convoque Sergueï Korolev, le responsable du programme spatial soviétique, pour avoir des détails sur le déroulement du vol. Il lui demande incidemment si son équipe peut réaliser une nouvelle mission pour marquer avec éclat le quarantième anniversaire de la révolution d'Octobre qui doit avoir lieu le soit dans à peine un mois. Korolev répond que ses équipes peuvent à coup sûr placer en orbite à cette date un chien. Krouchtchev demande à Korolev de réaliser cette mission en lui donnant pour consigne impérative de respecter la date de lancement visée mais en lui accordant une priorité absolue pour tous les aspects logistiques. La décision est officialisée le . À la suite du succès de Spoutnik 1, Korolev avait accordé des congés à tous ses responsables qui n'avaient pas pris un seul jour de vacances depuis plusieurs années. À la suite de la décision de Krouchtchev il les fait rappeler en urgence pour travailler sur la nouvelle mission qui doit être lancée dans quatre semaines[1].

Spoutnik 2

Un satellite plus sophistiqué, baptisé objet D et pouvant emporter à son bord un être vivant, était à l'époque à l'étude, mais il ne pouvait être prêt avant décembre ; cet engin spatial sera lancé dans le cadre de la mission Spoutnik 3[2]. Pour respecter l'échéance imposée, un nouvel engin spatial, moins sophistiqué, est conçu à la hâte. En conséquence, Spoutnik 2 fut réalisé dans l'urgence, la plupart des éléments du vaisseau étant construits à partir de croquis approximatifs, sans essais préalables[3]. En plus de sa mission principale — envoyer un être vivant dans l'espace — Spoutnik 2 contenait une série d'instruments scientifiques, notamment des spectromètres pour étudier les radiations solaires et les rayons cosmiques[2].

Spoutnik 2 était pourvu d'un système de support de vie constitué par un générateur de dioxygène ainsi que de dispositifs permettant d'éviter l'hyperoxie et d'absorber le dioxyde de carbone. Un ventilateur, qui s'activait lorsque la température de la cabine dépassait 15 °C, fut ajouté pour maintenir la chienne au frais. Celle-ci était munie d'une combinaison et de sangles permettant de limiter ses mouvements dans l'étroite cabine capitonnée. Un réservoir de caoutchouc, destiné à recueillir ses urines et excréments était fixé à son bassin[3]. Un électrocardiogramme enregistrait la fréquence cardiaque et d'autres instruments surveillaient le taux respiratoire, la pression artérielle et les mouvements de la chienne[4],[5].

Entraînement

La chienne, qui plus tard serait appelée Laïka, avait été trouvée errante dans les rues de Moscou[6]. C'était une chienne bâtarde, âgée d'environ trois ans, et pesant près de 6 kg[6]. Le personnel soviétique qui l'a recueillie lui a donné plusieurs noms et surnoms, parmi lesquels Koudriavka (« petite bouclée »), Joutchka et Limontchik[6].

« Laïka », nom russe désignant des chiens bâtards ressemblant au husky sibérien, fut le nom popularisé à travers le monde. La presse américaine la surnommait Muttnik (« mutt » signifiant « chien bâtard » + le suffixe -nik), calembour de « Spoutnik »[7], ou l'appelait « Curly » (« Frisette » en français)[8]. Son pedigree est inconnu, bien qu'il soit couramment accepté qu'elle était probablement née d'un croisement d'un husky (ou d'une autre race nordique) et d'un terrier[9].

L'URSS et les États-Unis avaient précédemment envoyé des animaux en vols suborbitaux[10], notamment sur des missiles soviétiques R-1 en 1951 et 1952. Trois chiens ont été formés pour le vol de Spoutnik 2 : Albina, Mouchka et Laïka[11], les premiers êtres vivants envoyés dans l'espace étant des insectes à bord d'un V2 capturé et modifié par les États-Unis en 1947[12]. Ce fut le scientifique russe Oleg Gazenko qui sélectionna et entraîna Laïka[13]. Albina vola deux fois sur une fusée-sonde lors de tests en haute-altitude, et Mouchka fut utilisée pour tester l'instrumentation et l'équipement autonome de survie[5],[10].

Pour habituer les chiens au confinement dans la cabine exiguë de Spoutnik 2, ils furent maintenus dans des cages de plus en plus petites pendant des périodes pouvant dépasser 20 jours. Leur étroit confinement eut pour effet de faire cesser leurs besoins et de les rendre agités, détériorant leur état. Alors que l'utilisation de laxatifs n'améliorait pas leur état, les chercheurs constatèrent que seules de longues périodes de formation étaient efficaces. Les chiens furent placés dans une centrifugeuse, qui simulait l'accélération subie au lancement de la fusée, ainsi que dans des machines reproduisant les bruits à bord du vaisseau spatial. Ces conditions expérimentales avaient pour incidence le doublement de leur rythme cardiaque et l'augmentation de leur pression sanguine qui passa de 30 à 65 torr. On les habitua également à consommer un gel nutritif à base d'aliments en poudre et d'eau, leur seule nourriture dans l'espace[5].

Déroulement du vol

 
Maquette de la cabine de Laïka.

Selon un document de la NASA, Laïka fut placée dans le satellite le , trois jours avant le début de la mission[5]. Les températures à Tyuratam, près du cosmodrome de Baïkonour, étaient extrêmement froides à cette époque de l'année, si bien qu'un tuyau relié à un radiateur fut utilisé pour maintenir sa cabine au chaud. Deux assistants furent affectés à sa surveillance avant le lancement. Juste avant le décollage, le , le pelage de Laïka fut épongé à l'aide d'une solution faiblement alcoolisée et soigneusement toiletté. On enduisit d'iode les parties de son corps où des électrodes seraient implantées pour surveiller ses fonctions corporelles[14].

Au maximum d'accélération lors du lancement, le rythme respiratoire de Laïka grimpa jusqu'à trois à quatre fois son rythme normal[5]. Les sondes montrèrent que sa fréquence cardiaque était de 103 battements par minute (bpm) avant le lancement et avait atteint 240 bpm au début de l'accélération. Après que Spoutnik 2 eut atteint son orbite, la coiffe protectrice fut larguée avec succès. Cependant, le dernier étage du lanceur ne se sépara pas comme prévu, empêchant le système de régulation thermique de fonctionner correctement. Une partie de l'isolation thermique se déchira, ce qui éleva la température de la cabine à 40 °C[15]. Après trois heures en impesanteur, le pouls de Laïka était revenu à 102 bpm[16] ; le retour au rythme cardiaque « normal » prit trois fois plus de temps que lors des essais au sol, signe du stress enduré par la chienne. Les premiers relevés indiquèrent que Laïka était agitée mais qu'elle mangeait sa nourriture[15]. Cependant, au bout d'approximativement cinq à sept heures de vol, Laïka ne donna plus aucun signe de vie[5].

Les scientifiques soviétiques avaient prévu d'euthanasier Laïka avec une portion de nourriture empoisonnée[réf. nécessaire]. Pendant plusieurs années, l'URSS donna des versions contradictoires, certains affirmant que Laïka serait morte d'asphyxie à la décharge des batteries, d'autres qu'elle avait été euthanasiée. Beaucoup de rumeurs circulèrent sur les circonstances exactes de sa mort. En 1999, plusieurs sources russes avançaient qu'elle était morte au bout de quatre jours, de la surchauffe de la cabine[17]. En , le docteur Dimitri Malachenkov, l'un des scientifiques responsables de la mission, révéla que Laïka périt environ cinq à sept heures après le lancement, d'une défaillance dans le système de régulation de température et du stress. Selon un rapport qu'il présenta au World Space Congress à Houston (Texas), « il s'est avéré pratiquement impossible de créer un système de régulation de température fiable en si peu de temps »[4],[18]. Spoutnik 2 fut finalement détruit (avec la dépouille de Laïka) en rentrant dans l'atmosphère terrestre le au-dessus des Antilles[3], cinq mois plus tard, après avoir effectué 2 570 rotations autour de la Terre[19].

Réactions

En pleine guerre froide, la forte concurrence entre Soviétiques et Américains dans la conquête spatiale éclipsa un certain temps la question du sort de Laïka. Comme le montrent les coupures de journaux de 1957[20], la presse était davantage préoccupée par les perspectives politiques, alors que la possibilité d'une survie de l'animal était à peine mentionnée. Ce n'est que plus tard qu'eurent lieu des discussions sur le sort de Laïka. La mission Spoutnik 2 ne prévoyait aucune récupération de Laïka[17] ; la chienne était donc condamnée à mourir dans l'espace. L'expérience déclencha un débat international sur la question de la maltraitance à l'égard des animaux et de l'expérimentation animale en général pour les besoins de la science[13].

Au Royaume-Uni, la National Canine Defence League (depuis renommée Dogs Trust et travaillant pour le bien-être des chiens[21]) appela tous les propriétaires de chiens à observer une minute de silence par jour pendant le vol de Laïka, tandis que la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (RSPCA) reçut des protestations avant même que l'URSS ait fini d'annoncer le succès du lancement. Les associations de protection des animaux suggérèrent au public de venir manifester devant les ambassades soviétiques[22].

En France, le comité de direction de la Société protectrice des animaux, au nom de toutes les fédérations régionales de la SPA en France, envoya un communiqué à l'ambassade soviétique[réf. souhaitée]. Le communiqué fut repris par l'agence TASS ; les fédérations de la SPA y faisaient part de leurs « fortes émotions, et dégoût, devant le fait établi, qu'un être innocent, à savoir, un chien, le meilleur compagnon de l'homme, en qualité d'une chienne, jeune en âge, soit livré aux bas instincts de la science, et à la vindicte des hommes, pour justifier une guerre qui ne dit pas son nom, lâche et silencieuse [la guerre froide], pour aboutir à une mort certaine, et dénuée de sens, et scrupule, au nom de la science »[réf. souhaitée].

À l'époque, en France, la toute jeune Brigitte Bardot évoquera à plusieurs reprises le sort de Laïka[réf. nécessaire].

En URSS, la polémique était plus faible. Ni les médias, ni les livres des années suivantes, ni le public ne remirent en cause la décision d'envoyer mourir un chien dans l'espace[réf. souhaitée]. Ce n'est qu'en 1998, après l'effondrement du régime soviétique, qu'Oleg Gazenko, l'un des scientifiques responsables de la mission, exprima ses regrets d'avoir condamné la chienne à mourir : « Plus le temps passe, plus je suis désolé à son sujet. Nous n'aurions pas dû le faire… Nous n'avons pas appris suffisamment de cette mission pour justifier la mort de la chienne »[20],[23],[19].

Postérité

Hommages

 
Timbre-poste roumain de 1957.

La chienne Laïka figure sur le bas-relief du Monument des Conquérants de l'Espace de Moscou, érigé en 1964 et une statue, située près du complexe de recherche militaire où Laïka fut entraînée pour son vol dans l'espace, a été inaugurée à sa mémoire à Moscou en 2008[24],[25]. Laïka est un thème souvent représenté sur les timbres de nombreux pays notamment des pays du bloc soviétique : URSS, Tchécoslovaquie et Roumanie (1,20 Lei) (1957), Albanie (1962), Hongrie et Mongolie (1963), Pologne (1964), Émirats arabes unis (1971), Congo RD (50 F) (1992), Hongrie (350 ft) (2007). En France, un monument à Laïka (Frisette) fut érigé en 1958 au cimetière des animaux de Villepinte. On y lit « À Frisette et ses semblables, morts sans sépultures, martyrs de la science. »[26]

Représentations dans les arts

Plusieurs chanteurs et groupes musicaux évoquent Laïka et son aventure. Le groupe espagnol Mecano lui rend hommage dans son album Descanso dominical (1988) avec sa chanson Laïka. La phrase Laika Come Home (« Laïka, reviens chez toi ») a été donnée comme titre à un album de remixes de titres de Gorillaz par Spacemonkeyz sorti en 2002. Le chanteur et compositeur Will Wagner (du groupe de punk-rock australien The Smith Street Band) a écrit une chanson en hommage à Laïka sur l'album du même nom sorti en 2013. Le clip du titre « Moan » de l'artiste danois Trentemøller est dédié à Laïka.

Dans la bande dessinée américaine, le personnage de Marvel Comics Cosmo est inspiré de Laïka. En 2007, l'auteur indépendant américain Nick Abadzis consacre une bande dessinée, Laïka, à l'histoire de Laïka.

Le nom du studio Laika est également un hommage à la chienne[27].

Le dramaturge Scali Delpeyrat évoque le triste destin de Laïka, la Petite Aboyeuse, dans sa pièce Le Ménisque. [1]

Notes et références

Notes

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Laika » (voir la liste des auteurs).
  1. Лайка en russe est une appellation générique de chiens originaires du Grand Nord.

Références

  1. Siddiqi, p. 172-173 op. cit.
  2. a et b (en) James J. Harford, Korolev's Triple Play: Sputniks 1, 2, and 3, NASA, 1997.
  3. a b et c L'extraordinaire histoire de Laïka…, Espace des sciences.
  4. a et b (en) Malashenkov, D. C. , Abstract:Some Unknown Pages of the Living Organisms' First Orbital Flight, ADS, 2002.
  5. a b c d e et f (en) Sven Grahn, Sputnik-2, more news from distant history, .
  6. a b et c L'extraordinairehistoire de Laïka.
  7. (en) Tara Gray, A Brief History of Animals in Space, NASA, 1998.
  8. (en) Space Dog Lives, The British Library.
  9. (en) Andrew J. LePage, Sputnik 2: The First Animal in Orbit, 1997.
  10. a et b (en) Dogs in space, Space Today Online, 2004.
  11. (en) Dr David Whitehouse, First dog in space died within hours, BBC, .
  12. « Secrets d'insectes : 1 001 curiosités du peuple à 6 pattes », p. 271, extrait sur google book.
  13. a et b (en) Animals as Cold Warriors:Missiles, Medicine and Man's Best Friend, National Library of Medicine, .
  14. (en) Memorial to Laika.
  15. a et b (en) Sputnik 2, NASA, .
  16. (en) John B. West, Historical aspects of the early Soviet/Russian manned space program, Journal of Applied Psychology (en), , vol. 91, numéro 4, 1501-1511.
  17. a et b (en) Anatoly Zak, The True Story of Laika the Dog, .
  18. « It turned out that it was practically impossible to create a reliable temperature control system in such limited time constraints. », Dimitri Malachenkov.
  19. a et b (en) The Story of Laika.
  20. a et b (en) Message from the First Dog in Space Received 45 Years Too Late, Dogs in the News, .
  21. (en) Dogs Trust, article de la Wikipédia anglophone.
  22. (en) On this day, BBC, .
  23. (en) « The more time passes, the more I'm sorry about it. We shouldn't have done it… We did not learn enough from this mission to justify the death of the dog. », Oleg Gazenko.
  24. (en) Russia opens monument to space dog Laika, Associated Press, .
  25. (ru) Памятник четвероногому космонавту, NTV, .
  26. Cf. Le Journal de Tintin (édition française), no 506, , p. 23.
  27. (en) Tom McLean, « LAIKA Reflects on 10 Innovative Years », sur Animation Magazine,  : « named for the first dog launched into Earth orbit ».

Voir aussi

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Bibliographie

Articles connexes

Liens externes