Conciles de Tolède

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Les conciles de Tolède sont une série de dix-huit assemblées politico-religieuses tenues à Tolède entre les années 400 et 702, toutes, excepté la première, datant de l'époque de la domination des Wisigoths.

Récarède Ier et les évêques au IIIe concile de Tolède (589), Codex Vigilanus, fol. 145.

Ces assemblées de la monarchie wisigothique sont convoquées par le roi et présidées d'abord par l'archevêque le plus ancien, puis, plus tard, par l'archevêque de Tolède.

La représentation est réduite aux hautes hiérarchies ecclésiastiques et à la noblesse.

Pendant ces conseils, des décisions ont parfois été prises en ce qui concerne les limites du pouvoir royal ; mais beaucoup ont été utilisés pour légaliser des coups de force et des usurpations.

Les conciles

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Année Remarque
Ier concile de Tolède 400 Présidé par Patruin de Merida :

Condamnation de toutes les hérésies, en particulier le priscillianisme (soumission de ses évêques), réaffirmation la foi nicéenne et ensemble de canons concernant le comportement des clercs[1]

IIe concile de Tolède 527/531 Présidé par Montan, métropolite de Tolède :

Règles de discipline ecclésiastique[2]

IIIe concile de Tolède 589 Présidé par Léandre de Séville :

Premier concile à avoir un caractère général ; condamnation de l'arianisme par les Wisigoths ; confirmation de la conversion au christianisme de Récarède Ier[3].

IVe concile de Toléde 633 Présidé par Isidore de Séville, en présence du roi Sisenando :

Décisions concernant les croyances religieuses, la discipline et l'administration de l'Église, sur les moines et les pénitents, sur le traitement des juifs et des esclaves de l'Église, sur le sort du roi criminel Suintila ; sanction du caractère électif de la monarchie wisigothe[4].

Ve concile de Tolède 636 Présidé par Isidore de Séville :

Décisions de nature politique dont excommunication des conspirateurs, ainsi que de ceux consultant des devins[5]

VIe concile de Tolède 638 Présidé par Selva, évêque de Narbonne :

Confirmation des décrets politiques pris lors du précédent concile ; décisions contre les juifs, au sujet des moines, des pénitents, des affranchis, des ordres sacrés, des bienfaits et des biens de l'Église, sur la sécurité de la famille royale[6]

VIIe concile de Tolède 646 Concile politique réprimant fermement les conspirateurs contre la royauté ; règles de discipline ecclésiastique ; enfermement des ermites vagabonds[7]
VIIIe concile de Tolède 653 Concile concernant la discipline ecclésiastique, les affaires de l'État et le gouvernement, en stipulant que l'élection du roi serait effectuée par les évêques et les grands du royaume, et que le roi serait un défenseur de la foi catholique contre les hérétiques et les juifs[8].
IXe concile de Tolède 655 Concile restreint : Promulgation des règles sur la discipline ecclésiastique, sur l'honnêteté du clergé, les propriétés de l'Église, le célibat ecclésiastique, le sort des enfants des clercs (devenant esclaves de l'Église) et règles pour les Juifs baptisés[9].
Xe concile de Tolède 656 Concile restreint à vocation politique et ecclésiastique : Sanctions pour manque de loyauté au serment au roi ; sanctions pour les ventes faites par les prêtres d'esclaves chrétiens aux juifs; destitution d'un évêque ayant violé le vœu de chasteté ; sanctions contre un évêque ayant affranchi des esclaves de l'Église ou les avoir vendus à vils prix, et avoir distribué aux pauvres les biens et les revenus de l'évêché[10].
XIe concile de Tolède 675 Présidé par Mgr Quirico :

Porte sur une réforme de la discipline ecclésiastique ; sur la simonie; condamnation des évêques ayant des relations avec des femmes de la noblesse palatine ; sanctions contre les évêques ayant séduit des femmes des magnats ; règlementation des châtiments sévères infligés par les évêques (sur hommes libres et esclaves) et sanctions ; méditations sur les patristiques liées à la Trinité et à l'Incarnation[11],[12] ; unification des chants des psaumes[13].

XIIe concile de Tolède 681 Légitimation de l'élection du roi Ervige ; Primauté du siège de Tolède au sein de l'Église hispanique ; suppression des évêchés créés par Wamba ; révision du Code Recesvinto (dont suppression des sanctions en cas de préjudice grave infligé aux esclave par les nobles) ; confirmation de 28 nouvelles lois restrictives à l'encontre des Juifs ; pratiques païennes condamnées[14]
XIIIe concile de Tolède 683 Présidé par Julien de Tolède :

Réhabilitation des rebelles (et de leurs biens) contre le roi Wamba ; interdiction des procès avec torture et des aveux forcés ; règlementation d'une limite maximale de détention[15].

XIVe concile de Tolède 684 Présidé par Julien de Tolède :

Approbation des résolutions du troisième concile de Constantinople (VIe Concile œcuménique)[16].

XVe concile de Tolède 688 Présidé par Julien de Tolède :

Confirmation de la position théologique de Julián de Toledo ; considérations sur le serment du roi Égica[17].

XVIe concile de Tolède 693 Adoption de mesures restrictives contre les Juifs et les pratiques hérétiques, la sodomie ou le suicide ; rattachement à une autre paroisse pour celles qui ont moins de dix esclaves ; élaboration du pain de messe ; sanctions contre tout fonctionnaire palatin conspirant pour assassiner le roi ou ruiner les Goths, ou incitant à une rébellion ; révision du Code Recesvinto (dont rétablissement de la loi contre la mutilation des esclaves) ; autorisations données aux juifs convertis[18].
XVIIe concile de Tolède 694 Adoption de mesures répressives contre les Juifs (pour mettre fin au « complot des Juifs contre les rois du monde entier ») ; réduction à l'esclavage avec impossibilité d'affranchissement des Juifs convertis et de leurs familles ayant conservé leur croyance première, avec confiscation de leurs enfants confiés à des familles chrétiennes, et de leurs biens dont leurs esclaves devenant leurs maîtres[19],[20].
XVIIIe concile de Tolède 702 Dernier concile avant l'invasion des Maures. Compte-rendu perdu.

Caractère et mode du développement des conciles

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On a beaucoup discuté sur le caractère et les modalités de ces assemblées qu'étaient les conciles généraux. Il n'existe un parallèle dans aucun pays et par conséquent la question est ouverte à de multiples interprétations. En général, par quelques indications, nous savons que les conciles constituaient une forme d'appui au roi ou à sa politique, mais on ne sait pas s'il s'agissait d'un appui simplement moral, d'un appui secondaire (la base du pouvoir royal étant dans l'appui des nobles et de l'armée) ou d'un appui décisif sans lequel le roi ne pouvait obtenir l'appui des nobles ou de la population, qui était très influencée par les autorités religieuses.

Les décisions du concile traitaient des demandes du roi (indépendamment des sujets de stricte discipline ecclésiastique) et étaient adoptées à la majorité (à partir du VIIIe concile, l'assistance de nobles palatins avait rapproché les Goths de la majorité, ou la leur avait peut-être même donnée). Les évêques qui défendaient les positions mises en échec étaient obligés d'assumer les décisions conciliaires sous peine d'excommunication.

Dans tous les cas, les décisions adoptées allaient dans la direction suggérée par le roi et ont rarement nui aux désirs de celui-ci (si tel était le cas, le roi pouvait ne pas confirmer les résultats du conseil). Le roi n'a été jamais critiqué par les évêques dans un conseil, bien qu'on ait critiqué parfois le roi précédent.

L'assistance au concile était obligatoire, sauf en cas de maladie ou sur ordre du roi ; l'absence était sanctionnée d'une année d'excommunication.

Les synodes provinciaux traitaient théoriquement de sujets ecclésiastiques et les décisions qui y étaient prises étaient étendues à d'autres provinces. Ils avaient lieu dans une église métropolitaine qui restait fermée aux fidèles, les participants devant entrer par une seule porte surveillée par les ostiarios (ostiarii = portiers).

Les évêques s'asseyaient en cercle par ordre d'ancienneté, et lorsqu'ils étaient placés, quelques prêtres pouvaient entrer et s'asseoir derrière eux pour assister à l'assemblée ; accédaient ensuite les diacres qui en avaient le droit, mais ils restaient debout ; entraient finalement les hôtes laïques, avec leurs secrétaires (notarii) qui rédigeraient les actes. Aucun membre du clergé inférieur ne pouvait assistait aux synodes.

Quand tout ce monde était installé dans ces lieux, on fermait la porte surveillée par les ostiarios. Une session protocolaire avec prières et préambules s'initiait alors. Ensuite, le métropolite sollicitait la présentation des sujets par ordre.

Une fois tous les sujets traités, on appelait les ecclésiastiques ou laïques qui étaient restés dehors pour savoir s'ils avaient quelque chose à dire car ils pouvaient présenter des plaintes contre des évêques, juges, nobles ou toute autre personne. L'archidiacre rassemblait alors les plaintes exprimées pour les présenter à la réunion et si le demandeur était d'accord, il était appelé pour parler. Si la demande ou la plainte était acceptée, elle était communiquée à un fonctionnaire royal (executor) pour faire comparaître la personne exigée devant le synode.

Lorsque tous les sujets étaient traités et clos, le concile se terminait avec des prières pour Dieu et le roi, et par la signature des actes, dont le premier signataire était le métropolite.

Le musée des conciles et de la culture wisigothe à Tolède

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Ce musée[21] a été ouvert en 1969 dans l'église San Román à Tolède. Il contient des codex en lettres wisigothiques et des exemples de découvertes archéologiques, orfèvrerie et bijouterie, en provenance tant de la ville de Tolède que de la province.

Notes et références

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  1. Tejada y Ramiro 1861, p. 159 et suiv..
  2. Tejada y Ramiro 1861.
  3. Tejada y Ramiro 1861, p. 213 et suiv..
  4. Tejada y Ramiro 1861, p. 261 et suiv..
  5. Tejada y Ramiro 1861, p. 318 et suiv..
  6. Tejada y Ramiro 1861, p. 325 et suiv..
  7. Tejada y Ramiro 1861, p. 350 et suiv..
  8. Tejada y Ramiro 1861, p. 361 et suiv..
  9. Tejada y Ramiro 1861, p. 396 et suiv..
  10. Tejada y Ramiro 1861, p. 407 et suiv..
  11. « La cristologia del concilio XI de Toledo », sur docplayer.es (consulté le ).
  12. « Dezinger, compendio », sur www.corazones.org (consulté le ).
  13. Tejada y Ramiro 1861, p. 430 et suiv..
  14. Tejada y Ramiro 1861, p. 453 et suiv..
  15. Tejada y Ramiro 1861, p. 494 et suiv..
  16. Tejada y Ramiro 1861, p. 518 et suiv..
  17. Tejada y Ramiro 1861, p. 528 et suiv..
  18. Tejada y Ramiro 1861, p. 553 et suiv..
  19. (es) Joaquim Pedro de Oliveira Martins (trad. du portugais), Historia de la civilización ibérica, Pamplona, Navarra, Urgoiti, d.l.2009, 248 p. (ISBN 978-84-937462-0-9 et 84-937462-0-7, OCLC 638803080, lire en ligne), p. 70
  20. Tejada y Ramiro 1861, p. 588 et suiv..
  21. Musée des Conciles et de la Culture Wisigothe

Liens externes

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  • (es) Juan Tejada y Ramiro, Colección de Cánones y todos los Concilios de la Iglesia de España y de América (en latín y castellano) con notas e ilustraciones, Pedro Montero, (lire en ligne)
  • (fr) Karl Joseph von Hefele (trad. de l'allemand par Dom H. Leclercq, bénédictin de l'abbaye de Farnborough), Histoire des Conciles, d'après les documents originaux (nouvelle traduction française faite sur la deuxième édition allemande corrigée et augmentée de notes critiques et bibliographique) [« Conciliengeschichte »], Paris, Librairie Letouzey et Ané (lire en ligne)
    • vol. 5 : Histoire des Conciles (Livre 14e : discussion sur les trois chapitres et Ve concile œcuménique - Livre 15e : depuis le Ve concile œcuménique jusqu'aux premières discussions sur le monothélisme - Livre 16e : le monothélisme et le VIe concile œcuménique : Livre 17e : depuis le VIe concile œcuménique jusqu'au début de l'iconoclasme), t. III, partie 1, , 600 p. (lire en ligne), p. 586-587.

Article connexe

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