Droit d'interpellation

Le droit d'interpellation est le droit d'adresser une demande à une autorité et d'en obtenir une réponse. Ainsi, les parlementaires ont un droit d'interpellation parlementaire vis-à-vis du gouvernement , et les citoyens ont un droit d'interpellation citoyenne vis-à-vis des responsables des institutions publiques.

Droit d'interpellation parlementaire

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Il s'agit ici qu'a un droit un parlementaire d'adresser une demande d'explication à un ministre du gouvernement.

L'interpellation se développe au cours des décennies, d'abord sous la monarchie de Juillet et la Deuxième République, avant d'être interdite sous le Second Empire dans sa première phase autoritaire. L'Empire libéral la rétablit, et ce droit est perpétué sous la Troisième République.

Depuis l'adoption de la Constitution de 1958 le droit d'interpellation ne permet plus de provoquer la démission du gouvernement comme sous la Troisième République, cette possibilité étant encadrée par l'article 49 qui impose le dépôt d'une motion de censure.

En Suisse, l'interpellation existe à l'Assemblée fédérale[1] et dans les parlements cantonaux et communaux.

Autres pays

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Dans certains pays, par exemple en Finlande et en Slovénie, les interpellations des parlementaires sont plus ou moins synonymes de motion de censure car elles sont automatiquement liées à un vote de confiance et leur but est de déterminer la confiance dont jouit le gouvernement ou un ministre.

Droit d'interpellation citoyenne

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Il s'agit ici du droit pour des citoyens d'adresser aux décideurs publics une interpellation, qui peut aller d'une question posée par un citoyen lors d'un conseil municipal, jusqu'à des référendums d'initiative citoyenne ou d'initiative populaire (procédures de démocratie directe).

Principes et différentes formes d'interpellations citoyennes

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Les interpellations citoyennes sont des prises de paroles publiques individuelles ou collectives (association, syndicat…) visant des personnes en responsabilité (élu, responsable d'administration…) ou des institutions au niveau local ou national. Elles peuvent aussi viser les candidats à des élections[2].

Elles peuvent prendre la forme d'une simple expression écrite (courrier, lettre ouverte, pétition, publication de rapport d'enquêtes) ou orale (prise de parole dans un conseil, conférence de presse). Elles peuvent aussi être constituées par l’organisation de rassemblements, de manifestations, ou d’actions non-violentes[3]. Elles peuvent également s'organiser sous forme d'assemblées d'interpellations[4].

Démocratisation par les interpellations citoyennes

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Les interpellations sont des formes de participation populaire extra-institutionnelle ou "non-invitée"[5]. Alors que la démocratie représentative a une dimension aristocratique[6] et que la démocratie participative reste souvent une offre publique de participation contrôlée par les élus[7], les dynamiques d'interpellations citoyenne introduisent un élément supplémentaire de pouvoir populaire dans la gouvernance de la cité. La démocratie d'interpellation se situe entre la démocratie représentative et une démocratie directe où le peuple prend les décisions par referendum ou en assemblée.

Interpellation citoyenne par les usagers des services publics

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Ces interpellations peuvent s'inscrire dans le cadre du droit des usagers et leur participation au service public. Cest le cas quand des usagers des transports interpellent la SNCF au sujet de la fréquence des trains[8], des locataires interpellent leur bailleur social sur les montants des charges[9] ou sur la gestion des logements[10], ou quand des parents d'élèves interpellent le Ministre sur l'accès à l'école pour les sourds[11].

Dans son ouvrage Exit, Voice & Loyalty, Hirschman définit l'interpellation (voice) des usagers comme suit :

« Toute tentative visant à modifier un état de fait jugé insatisfaisant, que ce soit en adressant des lettres individuelles ou des pétitions collectives à la direction en place ou en ayant recours à divers types d’action collective, notamment celles qui ont pour but de mobiliser l’opinion publique[12]. »

Hirschman décrit l'interpellation comme une alternative à la défection. La possibilité de changer de prestataire (exit) et le recours à la concurrence n'est pas possible face à des services publics en situation de monopole. Les usagers sont captifs et peuvent être en colère face aux défaillances des institutions. Les dynamiques d'interpellation transforment ces mécontentements en une pression correctrice sur l'institution pour améliorer le service[12].

Dispositifs d'interpellation citoyenne en France

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Cadre légal

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Le droit d’interpellation citoyenne décrit la procédure par laquelle des citoyens d'un territoire ou des usagers d'un service public peuvent faire remonter une demande aux responsables de l'institution pour déclencher un débat et éventuellement une décision qui fait l'évoluer l'action publique.

Il correspond notamment au droit de pétition inscrit dans l'article 72-1 de la Constitution créé lors de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003.

« Les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l'exercice du droit de pétition, demander l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de cette collectivité d'une question relevant de sa compétence »

— Article 72-1 de la Constitution du 4 octobre 1958

Expérimentations locales

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Plusieurs collectivités territoriales ont expérimenté des formes locales de droit d'interpellation[13]. Plusieurs communes ont mis en place des dispositifs organisant ce droit au cours de la dernière décennie. Parmi elles, la ville de Grenoble[14], la ville de Cachan[15], la ville de Saint Nazaire[16], la ville de Nancy[17] ou encore la charte du droit d'interpellation des citoyens à Granville[18].

À Grenoble par exemple, si une pétition sur un sujet de la compétence de la ville recueille plus de 2 000 signatures, elle est débattue en conseil municipal. Celui-ci peut alors entériner la décision ou décider de la faire passer à la votation par les habitants. Si elle obtient un minimum de 20 000 votes favorables – nombre de voix ayant permis à la majorité d’être élue –, alors la ville est obligée d’appliquer la décision. Depuis son lancement en 2016, trois pétitions – sur dix initiées – sont parvenues à recueillir les 2 000 signatures nécessaires. Une pétition demandant à la municipalité de revenir sur une décision augmentant le prix du stationnement a donné lieu à une votation remporté par les pétitionnaires, mais avec une participation insuffisante pour atteindre le seuil[19]. La campagne précédant la votation a mis en lumière une inégalité de moyens de communication entre la majorité municipale et l’association porteuse de l'interpellation[20].

Des collectivités ont également mis en place un droit d'interpellation au niveau départemental ou régionale, avec par exemple le département d'Ille-et-Vilaine[21], la région Île-de-France[22] ou la région Occitanie[23].

Propositions et plaidoyers pour renforcer le droit d'interpellation

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En 1998, à l'occasion des 50 ans de la Déclaration universelle des droits de l'homme, Barcelone a initié une conférence des "Villes pour les droits de l'homme". En 2000, la Charte Européenne des Droits de l’Homme dans la Ville issue de cette initiative reconnait le droit d'interpellation.

« En marge des élections périodiques, la participation démocratique est encouragée. À cet effet, les citoyens et leurs associations peuvent (…) interpeller les autorités municipales sur les enjeux concernant l'intérêt de la collectivité locale et exprimer leurs opinions, soit de façon directe par “référendum municipal”, soit à travers les réunions publiques et l'action populaire. »

— Article VIII.3. de la Charte européenne des droits humains dans la ville[24]

En 2013, le rapport du Ministère de la Ville "Pour une réforme radicale de la politique de la ville" par Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache décrit la nécessité de renforcer "le droit d’interpellation citoyenne comme une dimension à part entière du fonctionnement démocratique de la République" et propose la création d'un Fonds pour l'interpellation citoyenne[25]. Pour corriger l'asymétrie de moyens entre institutions et collectifs interpellant, ce fonds pourrait financer les campagnes d'interpellation en fonction du nombre de signataires des pétitions ou des résultats des votation sur le modèle du financement public des campagnes électorales. Le rapport cite, à la suite de cette proposition, l'expérience de l'Alliance Citoyenne comme exemple de la démocratie d'interpellation en pratique.

Le 1er juin 2018, dans une tribune dans Libération, un collectif d'élus et universitaires demandent un renforcement du droit d'interpellation citoyenne. Avec notamment le droit pour les collectivités d'expérimenter l’abaissement des seuils permettant à des initiatives citoyennes d’aboutir ou l'’abaissement du seuil rendant obligatoire le résultat du référendum local[26].

Le 6 octobre 2020, un rapport "Une citoyenneté réprimée" coordonné par Julien Talpin et l'Institut Alinsky et porté par une coalition d'associations[27] (Ligue des Droits de l'Homme, France Nature Environnement…) pointe les différentes formes de répression visant les personnes et associations porteuses d'interpellations citoyennes avec notamment la mise à l'écart ou les coupes-sanction de subvention[28]. Il propose 12 "mesures pour construire un environnement favorable à la démocratie d'interpellation"[29].

Dispositifs d'interpellation citoyenne en Belgique

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Wallonie

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Le droit d'interpellation citoyenne en conseil communal permet aux habitants de prendre la parole pour poser une question en séance publique du conseil communal. Ce droit a été mis en place par le décret du Parlement Wallon du 26 avril 2012 . Il est décrit dans l'article L1122-14 du Code de la démocratie et de la décentralisation. L'interpellation doit être introduite par une seule personne, mais à portée générale, ne pas porter sur une question de personne, ni constituer des demandes de documentation, de statistique ou d'avis juridique. Elle doit être formulée sous forme de question ne prenant pas plus de dix minutes, sur un objet relevant de la compétence de décision du collège ou du conseil communal. Le texte intégral de l’interpellation proposée est adressé par écrit au collège communal, s'il est déclaré recevable, l'interpellation se déroule comme suit :

« L’interpellant expose sa question en séance publique à l’invitation du président du conseil dans le respect des règles organisant la prise de parole au sein de l’assemblée et [en moins de dix minutes].

Le collège communal répond aux interpellations.

L’interpellant dispose de deux minutes pour répliquer à la réponse, avant la clôture définitive du point de l’ordre du jour[30]. »

Bruxelles

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L'ordonnance du 20 juillet 2006 de Ministère de la région de Bruxelles-capitale a consacré le droit d'interpellation des habitants d'une commune avec un seuil de 20 personnes signataires d'une demande pour pouvoir inscrire un point à l'ordre du jour.

« 20 personnes, domiciliées dans la commune, âgées de 16 ans au moins, peuvent introduire, auprès du conseil communal une demande d'interpellation à l'attention du collège. L'interpellation doit être relative à un sujet d'intérêt communal, ne pas revêtir un intérêt exclusivement particulier et être rédigée en français ou en néerlandais. La liste des demandes d'interpellation est communiquées aux membres du conseil communal avant chaque séance[31]. »

En 2018, ce dispositif a été utilisé à quatre reprises[32].

Notes et références

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  1. Interventions parlementaires, www.parlament.ch (page consultée le 2 novembre 2020).
  2. « Act Up interpelleles candidats », sur L'Obs (consulté le ).
  3. « Une association interpelle le maire de Toulouse contre l'exploitation des animaux dans les cirques », sur actu.fr (consulté le ).
  4. Hélène Balazard, Agir en démocratie, Paris, Éditions de l'atelier, , 155 p. (ISBN 9782708243156), p. 130
  5. Luigi Bobbio et Patrice Melé, « Les relations paradoxales entre conflit et participation », Participations,‎ , p. 7-33 (ISSN 2034-7650, lire en ligne)
  6. Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Calmann-Lévy, , 319 p.
  7. Guillaume Gourgues, Les politiques de démocratie participative, Grenoble, PUG Presses Universitaires de Grenoble, , 150 p. (ISBN 9782706118067)
  8. « MIRAUMONT Des arrêts qui ne passent pas », sur Courrier picard (consulté le ).
  9. « Vallons : les locataires interpellent la Semivim », sur LaProvence.com, (consulté le ).
  10. Jeanne Demoulin, La gestion du logement social. L'impératif participatif, Paris, Broché, , 276 p. (ISBN 978-2-7535-5023-0), p 180
  11. « L?école pour les sourds : le parcours du combattant en streaming direct et replay sur CANAL+ », sur myCANAL (consulté le ).
  12. a et b Albert O. Hirschman, Exit, Voice, Loyalty: défection et prise de parole, Bruxelles, Université de Bruxelles Eds, , 160 p. (ISBN 9782800416250), p. 38
  13. « L’interpellation, une forme d’expression citoyenne », sur La Gazette des Communes (consulté le ).
  14. Ville de Grenoble, « Interpellation et votation d’initiative citoyenne »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur grenoble.fr (consulté le ).
  15. « Droit d'interpellation populaire », sur ville-cachan.fr (consulté le ).
  16. « Droit d'interpellation citoyenne - Saint-Nazaire », sur saintnazaire.fr (consulté le ).
  17. Alexandre POPLAVSKY, « Nancy : le droit d’interpeller les élus », sur estrepublicain.fr, (consulté le ).
  18. « Granville. Les citoyens ont la parole… et une charte », Ouest France,‎ (lire en ligne)
  19. Raul Magni Berton, « Référendum local d’initiative populaire. Récit d’une première expérience en France », Participations,‎ , p 85 à 110 (ISSN 2034-7650, lire en ligne)
  20. « A Grenoble, la démocratie participative a fait pschit », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. « Droit d'interpellation : de nouvelles modalités à compter du 1er janvier 2020 », sur ille-et-vilaine.fr, (consulté le ).
  22. « Le droit d'interpellation populaire, droit de pétition à destination des Franciliens de plus de 16 ans »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur iledefrance.fr (consulté le ).
  23. « Charte régionale de la citoyenneté active - Art 9 », sur laregion.fr (consulté le ).
  24. « Charte Européenne des droits de l'homme dans la ville Partie II - Droits civils politiques de la citoyenneté locale », sur uclg-cisdp.org (consulté le ).
  25. « Pour une reforme radicale de la politique de la ville », sur vie-publique.fr (consulté le ).
  26. Un groupe de médecins et Collectif d'intellectuels, de militants d'élus, « Donnons aux citoyens le droit d'interpellation ! », sur Libération.fr, (consulté le ).
  27. « Présentation de l'Observatoire - L.A. Coalition », sur lacoalition.fr (consulté le ).
  28. « Des associations dénoncent la multiplication d’entraves à leurs activités », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  29. « Citoyenneté réprimée »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur Institut Alinsky (consulté le ).
  30. Article L1122-14 §4 du Code de la démocratie et de la décentralisation de Wallonie. Décrit sur le site du Parlement de Wallonie
  31. « Moniteur Belge - Belgisch Staatsblad », sur ejustice.just.fgov.be (consulté le ).
  32. « L'interpellation citoyenne: un outil peu utilisé lors des conseils communaux », sur RTBF Info, (consulté le ).

Voir aussi

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Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

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  • Julien Talpin, Paula Cossart, Lutte urbaine, Participation et démocratie d'interpellation à l'Alma-Gare, Éditions du Croquant, 2015, 346 p.
  • [Lauvaux 2008] Philippe Lauvaux, « Sur une décision fondatrice du Conseil constitutionnel », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, no 25 : « 50e anniversaire »,‎ (lire en ligne).
  • [Mellet 2010] Caroline Mellet, « L'interpellation : genre de discours et statut illocutoire », Corela, no HS 8 : « L'interpellation : prédication, récurrences discursives et variation »,‎ (DOI 10.4000/corela.1719, résumé, lire en ligne).
  • [Choisel 2008] Francis Choisel, « La procédure de révision constitutionnelle (1852-1870) », Parlement[s] : revue d'histoire politique, no HS 4 : « Second Empire »,‎ , p. 50-68 (résumé, lire en ligne).