Muʿawiya Ier

calife omeyyade
(Redirigé depuis Mu'awiyya)

Muʿawiya Ier (Muawiya) ou ʾAbū ʿAbd Ar-Raḥmān Muʿāwiya ibn ʾAbī Sufyān (en arabe : أبو عبد الرحمن معاوية بن أبي سفيان), né en 602 à La Mecque et mort en 680 à Damas, est le premier calife et roi omeyyade. Il est le fils de ʾAbū Sufyān ibn Ḥarb, l'un des plus farouches adversaires du prophète de l'islam, Mahomet, devenu ensuite un de ses compagnons (sahaba) après sa conversion.

Muʿawiya Ier
Avers et revers d'un drahm en argent de type sassanide figurant Muʿawiya Ier, frappé à Bassorah en 56 AH (675-676).
Fonctions
Calife omeyyade
-
Governor of the Levant (d)
-
Al-Dahhak ibn Qays al-Fihri (en)
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Muʿāwiya ibn ʾAbī Sufyān
Activités
Famille
Père
Mère
Fratrie
Rumleh bint Abi-Sufyan
Ziyad ibn Abi Sufyan
أميمة بنت أبي سفيان (d)
هند بنت أبي سفيان (d)
عزة بنت أبي سفيان (d)
Juwayriyya bint Abi-Sufyan (d)
ʻAnbasah ibn aby sufyān (d)
حنظلة بن أبي سفيان (d)
Utba ibn Abi Sufyan (en)
عمرو بن أبي سفيان (d)
Yazid ben Abi SufyanVoir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Maysūn bint Baḥdal
Enfant
Autres informations
Religion

Muʿawiya, qui se convertit à l'islam avec sa famille lors de la conquête de la Mecque en 630, devient scribe du Prophète et combat aux côtés des musulmans. Sous le califat de ʿUmar ibn Al-Khaṭṭāb, Muʿawiya est nommé gouverneur de Syrie. Il refuse ensuite de prêter allégeance à Ali ibn Abi Talib, successeur de Uthmān ibn ʿAffān, déclenchant ainsi la Première Fitna. Après la bataille de Siffin (657), Ali accepte un arbitrage entre lui et son adversaire.

Jeunesse

modifier

Muʿawiya ibn ʾAbī Sufyān naît en 602 à La Mecque. Il fait partie d'un clan de Qurayš : les Banū ʾUmayya, parmi les clans les plus influents de La Mecque, descendants de ʾUmayya ibn ʿAbd Šams. La famille de Muʿawiya, opposée aux musulmans, finit par embrasser l'islam avec la conquête de la Mecque en 630. Mahomet accueille chaleureusement ses anciens opposants, Muʿāwiya devient son scribe. Après la mort du Prophète en [632], Muʿawiya rejoint l'armée musulmane aux côtés de son frère Yazīd et combat en Syrie contre l'Empire byzantin. Lorsque ce dernier est atteint de la peste, c'est Muʿawiya qui poursuit le siège de la ville de Césarée et finit par la capturer en 641, après sept années de siège, grâce à une ruse, les troupes musulmanes pénètrent dans la ville.

Gouverneur de Damas

modifier

A la mort de Mahomet, c’est Abu Bakr qui devient calife. Avec ses premiers successeurs, Omar ibn al-Khattâb, Othmân ibn Affân et Ali, ils sont connus comme les califes rashiduns, les distinguant des Omeyyades à venir. Abu Bakr est confronté à l’hostilité de Médine et à la défection de plusieurs tribus arabes et il s’appuie sur deux clans en particulier, les Banu Makhzum et les Banu Abd Shams. Parmi eux, il fait notamment appel au frère de Mu’awiya, Yazid, pour l’aider à réprimer les séditions. Ensuite, il est envoyé conquérir la Syrie byzantine à partir de 634. Mu’awiya est alors le commandant de son avant-garde, ce qui donne aux deux hommes une place prééminente dans la conquête syrienne.

ÀA la mort d’Abu Bakr en 634, Omar nomme Abu Ubayda ibn al-Jarrah comme chef suprême des armées musulmanes en Syrie, peu après la déroute des Byzantins à la bataille du Yarmouk en 636. En 637, Mu’awiya fait partie des officiers à rentrer dans Jérusalem conquise avec Omar. Par la suite, Abu Ubayda envoie Mu’awiya et Ali pour prendre les cités côtières de Sidon, Beyrouth et Byblos. Après la mort d’Abu Ubayda en 639, Omar confie à Yazid les provinces de Damas, de Jordanie et de Palestine, tandis qu’Iyad ibn Ghanm devient gouverneur d’Homs et de la Jézireh. Quand Yazid meurt peu après, c’est Mu’awiya qui prend sa suite comme gouverneur fiscal de Damas, voire de la Jordanie. En 640 ou 641, il prend Césarée puis Ascalon, achevant la conquête musulmane de la Palestine. Il pourrait avoir enchaîné par une campagne contre la Cilicie, pénétrant jusqu’à Euchaïta. En 644, il mène également un raid jusqu’à Amorium.

La promotion des fils d’Abu Sufyan donne une prééminence accrue aux Quraychite parmi les Musulmans, au détriment de l’autorité d’Omar. Selon Leone Caetani, ce traitement de faveur témoignerait du respect d’Omar envers les Omeyyades. Wilferd Madelung est plus sceptique, estimant qu’Omar n’a guère le choix, du fait de l’absence d’alternative viable à Mu’awiya en Syrie, alors que la peste fait rage.

Quoi qu’il en soit, quand Othman devient calife en 644, Mu’awiya contrôle la Palestine en plus de la Syrie, tandis qu’un compagnon de Mahomet, Umayr ibn Sa’d al-Ansari, reste à la tête de Homs et de la Jézireh. Vers 646-647, Othman rattache finalement cette région à Mu’awiya, renforçant son influence politique et militaire.

Mu’awiya en profite pour s’allier aux Banu Kalb, la tribu dominante de la Syrie désertique, notamment dans la région de Palmyre. Elle domine également la confédération de la Quda’a. C’est un mouvement décisif car les Banu Kalb sont restés neutres jusqu’alors, alors même qu’ils ont été courtisés par Médine, qui n’apprécie pas que des convertis plus récents comme les Omeyyades gagnent en influence. En outre, les Kalb et la Quda’a peuvent se prévaloir de leur expérience militaire comme auxiliaires des Byzantins lors des guerres avec les Sassanides. Ils sont également habitués à servir une puissance suzeraine et sont disciplinés. Pour affermir cette alliance, Mu’awiya épouse Maysun, la fille de Bahdal ibn Unayf, chef du clan principal des Banu Kalb.

Cette alliance avec les tribus arabes autochtones de Syrie est rendue nécessaire par l’impact de la peste sur les effectifs militaires des troupes musulmanes venues conquérir la Syrie. Il ne reste de cette armée que quelques milliers d’hommes, insuffisants pour constituer une force suffisante, ce qui nécessite de la compléter de troupes locales. Mu’awiya se montre très ouvert dans son recrutement, allant jusqu’à mobiliser de nombreux Chrétiens dans ses armées, notamment comme forces auxiliaires. Ainsi, les Tanoukhides ou la tribu partiellement convertie des Banu Tayy, sont enrôlés. Pour payer ces nouveaux soldats, Mu’awiya obtient du nouveau calife la propriété des anciennes propriétés impériales de l’Empire byzantin, d’abord considérées comme un bien de l’armée musulmane.

Si les Chrétiens de langue araméenne restent nombreux en Syrie, les éléments grecs de la population ont largement fui, contribuant à dépeupler les cités syriennes. Quant à ceux qui restent, ils sont encore favorables à l’Empire byzantin. A la différence d’autres provinces conquises par les Musulmans, où ces derniers fondent de nouvelles cités, en Syrie, ce sont les anciennes villes qui servent de lieux de garnison et de centres administratifs. Mu’awiya s’efforce donc de les repeupler et de les renforcer, notamment les villes côtières comme Antioche, Baldé, Tartous, Maraclée ou Baniyas. A Tripoli, il installe de nombreux Juifs. A Homs, Antioche ou Baalbek, ce sont des Perses qui sont installés, parfois issus de la brève occupation de la région par les Sassanides quelques décennies plus tôt. Sous la supervision d’Othman, il installe également des groupes nomades (les Banu Tamim, Banu Asad ou Qaysites) au nord de l’Euphrate et aux environs de Raqqa.

Une fois son autorité renforcée et son appareil militaire constitué, Mu’awiya peut reprendre ses actions contre l’Empire byzantin en Méditerranée orientale. Il restaure les ports de Tripoli, Beyrouth, Acre et Jaffa pour bâtir une marine. Si Omar l’a empêché de lancer une campagne contre Chypre, craignant la faiblesse des Musulmans sur les mers, Othman l’autorise à lancer l’assaut. Mu’awiya veut déloger les Byzantins de cet avant-poste qui risque de menacer la récente présence musulmane au Proche-Orient. L’année exacte du raid est incertaine, comprise entre 647 et 650, tandis que des inscriptions grecques mentionnent deux raids au cours de cette période.

Selon des historiens du IXe siècle comme al-Baladhuri, Mu’awiya mène le raid en eprsonne, accompagné de sa femme, Katwa. Celle-ci meurt sur l’île et Mu’awiya se remarie avec sa sœur, Fakhita. D’autres sources musulmanes plus proches de l’événement affirment que el raid est mené par l’amiral Abd Allah ibn Qays, qui débarque à Salamis pour lancer l’occupation de l’île. Dans tous les cas, les Chypriotes doivent payer un tribut équivalant aux taxes payées aux Byzantins. Pour garder la main, Mu’awiya installe une garnison et une mosquée sur l’île, qui devient une sorte de condominium aux marges des mondes byzantin et musulman, ce dont semble se satisfaire la population.

L’irruption des Musulmans sur les mers, due en bonne partie aux efforts de Mu’awiya, permet de lancer des raids sur la Crète et Rhodes en 653, qui permettent à Mu’awiya de constituer d’importants butins. En 654 ou 655, une expédition navale conjointe est lancée depuis Alexandrie et les ports syriens pour détruire la flotte byzantine de Constant II lors de la bataille des Mâts. Cette victoire navale ouvre la voie aux Musulmans pour menacer directement Constantinople lors des années suivantes, peut-être sous le commandement d’un lieutenant de Mu’awiya, Abou’l-Awar.

Dans le même temps, Mu’awiya progresse également sur le front arménien malgré deux tentatives de conquêtes infructueuses. En 650, il conclut une trêve de trois ans avec les Byzantins, avant d’obtenir la soumission du prince arménien Théodoros Rechtouni en 653, alors que les Byzantins se retirent d’Arménie. En 655, le commandant Habib ibn Maslama al-Fihri prend Théodosiopolis et déporte Rechtouni en Syrie, affirmant la domination musulmane sur l’Arménie.

Conflit avec ʿAlī ibn ʾAbī Ṭalib

modifier

Alors qu'il bataille avec les Byzantins, Mu'awiya jouit d'une paix relative sur les terres qu'il contrôle, tandis que la grogne monte dans d'autres régions du califat, en particulier à Médine ou en Egypte, contre Othman. Néanmoins, le calife finit par exiler à Damas Abu Dhar Al-Ghifari pour l'avoir critiqué publiquement. Seulement, Abu Dhar s'en prend désormais à Mu'awiya et aux sommes somptuaires qu'il aurait dépensées pour son palais à Damas, ce qui l'amène à être expulsé de Damas. En parallèle, la confiscation de terres irakiennes par Othman et le népotisme dont il ferait preuve lui aliène une part croissante des Musulmans, notamment les élites dépossédées.

En juin 656, le calife est assiégé par des rebelles égyptiens et il demande l'aide de Mu'awiya. Celui-ci envoie une armée vers Médine mais elle apprend en chemin la mort d'Othman. C'est Ali qui est reconnu comme son successeur à Médine mais Mu'awiya refuse de le reconnaître, ce qui provoque un conflit ouvert. Ali envoie un nouveau gouverneur pour la Syrie mais il ne peut rentrer dans la province. Toutefois, d'autres historiens comme Madelung estiment que cet épisode n'a pas existé et que les premiers mois du califat d'Ali ne voient aucune relation formelle s'ouvrir entre lui et Mu'awiya.

En revanche, Ali s'oppose vivement aux Quraych, menés par Zubayr ibn al-Awwam et Talha, deux compagnons de Mahomet soutenus par Aïcha, qui craignent de perdre leur influence. La guerre civile qui s'ensuit est connue comme la première Fitna. Ali vainc ce trio lors de la bataille du chameau et contraint Aïcha à se retirer à Médine. Après avoir repris le conrôle de l'Irak, de l'Arabie et de l'Egypte, Ali décide de renforcer son emprise sur la Syrie mais Mu'awiya dispose désormais d'une solide assise territoriale et demande justice pour Othman. S'il ne revendique pas le califat, il souhaite clairement maintenir son contrôle sur la Syrie.

Néanmoins, la position de Mu'awiya, coincé entre les provinces soumises par Ali et l'Empire byzantin, demeure fragile. En 657-658, il conclut avec une trêve avec ce dernier, pour sécuriser sa frontière nord. Après avoir échoué à gagner les faveurs du gouverneur d'Egypte, Qays ibn Sa'd, il se tourne vers le conquérant de cette région, Amr ibn al-As, avec qui il se résout à mettre un terme à la rivalité qui a pu l'opposer aux Omeyyades. Amr jouit d'une grande popularité auprès des troupes égyptiennes et obtient de devenir gouverneur à vie de l'Egypte si Mu'awiya l'emporte.

En outre, conseillé par al-Walid ibn Uqba, il décide de conclure des alliances avec les tribus yéménites d'Himyar, de Kinda et des Banu Hamdan, très présents autour d'Homs depuis la conquête. Il s'appuie notamment sur Shurahbil ibn Simt, très respecté parmi les Kinda. Ensuite, il se rapproche du chef des Banu Judham, Natil ibn Qays, présent en Palestine. Il lui permet notamment de conserver certains trésors de la région dont il s'est emparé sans permission. Grâce à tous ces soutiens, Mu'awiya est prêt à affronter Ali, dont l'émissaire, Jarir ibn Abd Allah, reçoit de Mu'awiya une lettre qui s'apparente à une déclaration de guerre.

Au début de juin 657, les armées de Mu'awiya et d'Ali se rencontrent à Siffin près de Rakka, lançant une série d'escarmouches conclues par une trêve d'un mois le 19 juin. Mu'awiya en profite pour envoyer Habib ibn Maslama comme message auprès d'Ali, lui demandant de livrer les assassins présumés d'Othman, d'abdiquer et de permettre la réunion d'un shura pour décider du nouveau calife. Ali refuse et, le 19 juillet s'ouvre une semaine de duels entre les principaux officiers des deux armées. Le 26 juillet, la bataille s'ouvre et les forces d'Ali approchent dangereusement de la tente de Mu'awiya qui fait donner sa troupe d'élite qui repousse l'adversaire. Le lendemain, les Syriens sont fragilisés par la mort des deux principaux généraux de Mu'awiya, Ubayd Allah et Samayfa ibn Nakur.

Certains conseillers de Mu'awiya lui conseille de défier Ali en duel singulier, ce qu'il refuse. Finalement, la bataille atteint son apogée lors de la « nuit de la Clameur », le . Les forces d'Ali prennent l'avantage alors que les pertes deviennent élevées. Selon le récit d'al-Zuhri, Amr ibn al-As conseille à Mu'awiya de faire attacher des feuilles du Coran aux lances de ses soldats, pour convaincre l'adversaire de trouver une issue négociée. Selon al-Sha'bi, un officier d'Ali, al-Ash'ath ibn Qays, craint que les Byzantins ou les Perses ne profitent de cette guerre civile pour attaquer. Quoi qu'il en soit, Mu'awiya fait brandir les feuilles du Coran, ce qui crée une certaine confusion dans les rangs d'Ali, dès lors que les Syriens semblent renoncer au sort des armes et à la vengeance contre les assassins d'Othman.

Ali accepte alors d'ouvrir des négociations, allant jusqu'à renoncer à se présenter sous son titre de amir al-mu'minin, soit le commandeur des croyants, désignant traditionnellement le calife. Selon Hugh Kennedy, cela place les deux rivaux sur un pied d'égalité, ce que Madelung voit comme un succès pour Mu'awiya, tout en semant le trouble chez les partisans d'Ali. Ainsi, quand celui-ci rentre à Koufa en septembre, une grande partie de ses troupes font défection, fondant le mouvement à venir des Kharidjites.

Fondation du Califat omeyyade

modifier

Dès l'année 660, Muʿawiya obtient l'allégeance (bayʿa) d'une assemblée de chefs arabes à Jérusalem[1]. En 661, les kharidjites assassinent ʿAlī[2]. Muʿawiya aurait dû être assassiné également au moment où il était en prière, mais il ne fut que blessé. À la suite de cette tentative avortée, il fit construire la première maqsura, de manière à pouvoir prier en sécurité[3]. La même année, Muʿawiya, à la tête d'une force importante, marche sur Koufa (que ʿAlī avait érigée auparavant comme capitale) et convainc ses habitants de le choisir en tant que calife au lieu de Al-Ḥasan ibn Ali, fils de ʿAlī.

Hassan ne disposant pas de forces militaires, il décide de contracter un traité avec Mu'awiya, lequel ne respecta pas les conditions émises.

Muʿawiya n'a plus aucun obstacle devant lui et se fait proclamer calife en 661, fondant ainsi le Califat omeyyade, avec Damas comme capitale.

Selon Tabari[4], peu de temps après son abdication, Al-Hasan meurt empoisonné par l'une de ses femmes (Asmâ) sous les directives de Muʿawiya qui lui promet en échange de la marier à son fils Yazīd. Cependant, ce récit est sujet à polémique parmi quelques oulémas sunnites.

Le Califat omeyyade étant vaste, Muʿawiya Ier s'appuie sur ses alliés, notamment Ziyād ibn ʾAbī Sufyān, son « frère adoptif », nommé gouverneur d'Irak et qui mate la rébellion de Ḥuǧr ibn ʿAdiyy à Koufa. La suite du règne de Muʿawiya Ier est marquée par une stabilité politique et une rapide expansion territoriale, avec la conquête de la Crète, ainsi qu'une partie de l'Afrique du Nord, où est fondée la ville de Kairouan, et de l'Asie centrale (Kaboul, Boukhara, Samarcande). Chios et Smyrne sont conquises en 672, et une base est établie à Cyzique. En 674, son fils Yazīd assiège Constantinople, sous le règne de Constantin IV, mais est repoussé par l'utilisation du feu grégeois. Le calife, qui vit la totalité de sa flotte se réduire en cendres, accepta de restituer les îles de la Méditerranée, et aussi de payer un tribut annuel à Constantinople.

Décès et succession

modifier

Muʿawiya Ier mourut le [citation nécessaire]à Damas, selon certaines sources d'un accident vasculaire cérébral.

Il substitua au système de l'élection, qui avait prévalu jusque-là lors de la désignation d'un nouveau calife, le principe d'une transmission héréditaire. C'est un des principaux reproches qui lui sont adressés dans la tradition musulmane : avoir substitué au califat un système proche de la royauté (« mulk » en arabe), bien que ni lui ni ses successeurs n'aient jamais employé le titre de « malik » (roi)[5]. Vers la fin de sa vie, en 679, il prépara soigneusement la chose et fit prêter serment d'allégeance à son fils Yazid, après avoir procédé à des consultations, où son pouvoir de persuasion fit merveille. Sa manière de procéder emporta l'adhésion de l'historien Ibn Khaldoun, qui devait la justifier ainsi au XIVe siècle :

« On doit rejeter les arguments de ceux qui disent qu'un imam est suspect quand il désigne son fils ou son père, ou quand il désigne son fils seulement, et non pas son père. Car aucun soupçon ne doit l'atteindre de ce chef. Surtout s'il est mû par le souci du bien public ou la crainte de quelque malheur : le soupçonner est hors de question. Tel fut, par exemple, le cas de Muʿāwiya nommant pour héritier son fils Yazid. Il le fit avec l'accord populaire, ce qui est déjà un argument en sa faveur. Mais, de plus, il préférait Yazid à tout autre, parce qu'il lui paraissait plus apte à maintenir l'unité et la concorde[6]. »

La chose finit pourtant par engendrer des troubles, tant sous le califat de Yazid qu'après sa mort.

Réalisations

modifier

Administration

modifier

Plusieurs postes importants au sein de l'administration sont confiés à des chrétiens, dont certains sont issus de familles de fonctionnaires byzantins.

L'emploi de chrétiens fait partie d'une large politique de tolérance religieuse, indispensable étant donné le grand nombre de chrétiens à travers le Califat. Cette politique rend Muʿawiya Ier populaire et renforce encore plus la base de son pouvoir : la Syrie, siège d'une importante population chrétienne. Muʿawiya Ier constitue une administration plus ou moins semblable à la bureaucratie byzantine.

Parmi les six « offices » centraux que connaît le Califat omeyyade, la création de deux d'entre eux est attribuée par les sources arabes à Muʿawiya Ier : Dīwān al-ḫātam (Office du sceau) et Dīwān al-barīd (Office de la poste), qui facilitent grandement la communication à travers le Califat.

Muʿāwiya Ier et les mawālī

modifier

La discrimination envers les musulmans non arabes (mawālī) est pratiquée par Muʿawiya Ier et son administration, ce qui est rapporté aussi bien par des sources sunnites que chiites, le calife privilégiant les Arabes sur de nombreux points (sociaux, politiques, etc.).

Héritage

modifier

Muʿawiya Ier embellit grandement la ville de Damas, la voulant semblable à Rome. Il développe également une cour capable de rivaliser avec la cour byzantine, et étend les frontières du Califat, allant jusqu'à assiéger Constantinople. Il est également crédité par de nombreux sunnites du sauvetage du monde musulman des dissensions qui suivirent la Première Fitna, contrairement aux chiites qui lui reprochent d'être l'instigateur principal de la guerre civile, d'affaiblir et diviser les musulmans, de faire couler le sang de la famille du Prophète, voire de développer un culte de la personnalité. Cependant, de nombreux oulémas sunnite lui reproche d'avoir institué une sunna, une tradition, qui consisterait à maudire 'Ali du haut des minbars (chaires) afin d'asseoir la légitimité de son pouvoir et celui des Banu Umayya au détriment de la famille du Prophète, les Banu Hashim[7]. L'une des principales controverses à l'encontre de Muʿāwiya Ier reste le choix de son fils pour lui succéder.

Muʿawiya ibn ʾAbī Sufyān est un personnage fondateur de l'empire arabo-musulman et comme le souligne Hichem Djaït dans son livre La Grande Discorde : « La faiblesse de sa précellence, reliée à son aristocratisme, ne pouvait que le gêner [...] Mais d'un autre côté et surtout, Muʿawiya a inauguré une manière de sécularisation dans la conception du pouvoir, parce qu'il a prouvé que le pouvoir était à celui qui savait le prendre, l'assumer et le garder, à celui qui en était politiquement digne. De fait et dans l'ensemble, Muʿawiya aura été un excellent dirigeant.»[8]

Références

modifier
  1. Hawting 2000, p. 30
  2. Tabarî (trad. Hermann Zotenberg), La Chronique : Histoire des prophètes et des rois [« تاريخ الرسل والملوك (Tārīḫ ar-rusul wal-mulūk) »], vol. II, Arles, Actes Sud, coll. « Sindbad »,‎ (ISBN 2-7427-3318-3).
  3. Atallah 2010, p. 112
  4. Tabarî, La chronique, Histoire des prophètes et des rois, volume II, Actes Sud/Sindbad, , 1300 p. (ISBN 978-2-7427-3318-7), p. 17 - Livre III
  5. Hawting 2000, p. 12-13
  6. cité dans Atallah 2010, p. 247-248
  7. Mohammed Abou Zahra (trad. de l'arabe), L'Imam Abou Hanifa. Sa vie et son époque, ses opinions et son fiqh, Paris, Al Qalam, , 504 p. (ISBN 978-2-909469-58-4), p. 107
  8. Hichem Djaït, La Grande Discorde. Religion et politique dans l'islam des origines, Gallimard, , 417 p. (ISBN 978-2-07-071732-3), p. 410 - 411

Voir aussi

modifier

Articles connexes

modifier

Bibliographie

modifier
  • Tabari, (trad. Hermann Zotenberg), La Chronique : Histoire des prophètes et des rois, [« تاريخ الرسل والملوك (Tārīḫ ar-rusul wal-mulūk) »], vol. II, Arles, Actes Sud, coll. « Sindbad »,‎ 2001, (ISBN 978-2-7427-3318-7 et 2-7427-3318-3).
  • Hichem Djaït, La Grande Discorde, Religion et politique dans l'islam des origines, Éditions Gallimard, coll. Bibliothèque des histoires, 2007.
  • Mohamed Abou Zahrâ, L'Imam Abu Hanifa : Sa vie et son époque, ses opinions et son fiqh, Éditions Al Qalam, Paris, 2010.
  • Wahib Atallah, Sunnites et chiites : La naissance de l'empire islamique, Infolio éditions, .
  • (en) G. R. Hawting, The First Dynasty of Islam : The Umayyad Caliphate AD 661-750, Routledge, , 2e éd.
  • (en) Wilfert Madelung, The Succession to Muhammad: A Study of the Early Caliphate, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-56181-7)
  • (en) Stephen Humphreys, Mu'awiya ibn Abi Sufyan: From Arabia to Empire, Oneworld, (ISBN 1-85168-402-6)
  • (en) Hugh Kennedy, The Armies of the Caliphs: Military and Society in the Early Islamic State, Routledge, (ISBN 0-415-25093-5)auteur
  • (en) Hugh Kennedy, The Prophet and the Age of the Caliphates: The Islamic Near East from the 6th to the 11th Century, Harlow: Longman, (ISBN 978-0-582-40525-7)

Liens externes

modifier