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« Projet de réforme des retraites en France en 2020 » : différence entre les versions

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La '''Réforme des retraites de 2019 en France''' est une proposition de refonte en profondeur du [[Retraite en France|système de retraite français]] dont les principales caractéristiques sont d'une part l'institution d'un régime de retraite universel remplaçant des régimes parfois très différents appliqués par les 42 [[caisses de retraite]] existantes et d'autre part la mise en relation directe du montant de la retraite avec les cotisations versées (système à points). Elle propose également des mesures d'accompagnement visant notamment à améliorer les retraites des plus défavorisés.
La '''Réforme des retraites de 2019 en France''' est une proposition de refonte en profondeur du [[Retraite en France|système de retraite français]] dont les principales caractéristiques sont d'une part l'institution d'un régime de retraite universel remplaçant des régimes parfois très différents appliqués par les 42 [[caisses de retraite]] existantes et d'autre part la mise en relation directe du montant de la retraite avec les cotisations versées (système à points). Elle propose également des mesures d'accompagnement visant notamment à améliorer les retraites des plus défavorisés.


{{interprétation personnelle|Le projet est la plus ambitieuse des réformes du système de retraite français menées depuis deux décennies ([[Réforme Balladur des retraites de 1993|1993]], [[Loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites|2003]], [[Réforme des retraites en France en 2010|2010]], [[Réforme des retraites en France en 2013|2013]],) dans le but d'une part à rééquilibrer les comptes d'un système mis à mal par l'allongement de la durée de vie et la réduction du taux des cotisants par rapport à celui des bénéficiaires et d'autre part à rapprocher le mode de calcul des droits à la retraite des différents régimes de retraite. Contrairement aux réformes qui la précèdent, la réforme de 2019 vise à remettre à plat un système de retraite devenu inadapté.}} Inscrit dans le programme électoral de 2017 du [[président de la République française]] [[Emmanuel Macron]], le chantier est engagé avec la nomination en septembre 2017 de [[Jean-Paul Delevoye]] comme haut-commissaire à la réforme des retraites. Son rapport présentant des préconisations est remis au premier ministre en juillet 2019. Il doit inspirer un projet de loi qui sera soumis à l'[[Assemblée Nationale]] en 2020. Si la loi était votée, elle s'appliquerait à partir de 2025.
Le projet est la plus ambitieuse des réformes du système de retraite français menées depuis deux décennies ([[Réforme Balladur des retraites de 1993|1993]], [[Loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites|2003]], [[Réforme des retraites en France en 2010|2010]], [[Réforme des retraites en France en 2013|2013]],) dans le but d'une part à rééquilibrer les comptes d'un système mis à mal par l'allongement de la durée de vie et la réduction du taux des cotisants par rapport à celui des bénéficiaires et d'autre part à rapprocher le mode de calcul des droits à la retraite des différents régimes de retraite. Contrairement aux réformes qui la précèdent, la réforme de 2019 vise à remettre à plat un système de retraite devenu inadapté. Inscrit dans le programme électoral de 2017 du [[président de la République française]] [[Emmanuel Macron]], le chantier est engagé avec la nomination en septembre 2017 de [[Jean-Paul Delevoye]] comme haut-commissaire à la réforme des retraites. Son rapport présentant des préconisations est remis au premier ministre en juillet 2019. Il doit inspirer un projet de loi qui sera soumis à l'[[Assemblée Nationale]] en 2020. Si la loi était votée, elle s'appliquerait à partir de 2025.


L'objectif annoncé de la réforme est de simplifier un système complexe, de le rendre plus juste, de faciliter son adaptation aux changements structurels (croissance, rapport actifs/retraités, ...) afin de permettre dans le futur un équilibre des entrées et des sorties. Proche de l'équilibre en 2018 (déficit de 2,9 milliards €) les comptes pourraient se dégrader jusqu'à un montant plafond en 2030 compris entre 7,9 et 17,2 milliards €. La réforme, proposée dans un contexte social agité, rencontre une forte opposition de la part des principaux syndicats et des corps professionnels les plus touchés par son application. Sur le plan politique les partisans d'une rigueur budgétaire qui préconisent un maintien d'un certain équilibre des comptes des régimes des retraites s'opposent à ceux qui considèrent que le déficit de ceux-ci constitue une dépense de protection sociale parmi d'autres.
L'objectif annoncé de la réforme est de simplifier un système complexe, de le rendre plus juste, de faciliter son adaptation aux changements structurels (croissance, rapport actifs/retraités, ...) afin de permettre dans le futur un équilibre des entrées et des sorties. Proche de l'équilibre en 2018 (déficit de 2,9 milliards €) les comptes pourraient se dégrader jusqu'à un montant plafond en 2030 compris entre 7,9 et 17,2 milliards €. La réforme, proposée dans un contexte social agité, rencontre une forte opposition de la part des principaux syndicats et des corps professionnels les plus touchés par son application. Sur le plan politique les partisans d'une rigueur budgétaire qui préconisent un maintien d'un certain équilibre des comptes des régimes des retraites s'opposent à ceux qui considèrent que le déficit de ceux-ci constitue une dépense de protection sociale parmi d'autres.

Version du 10 décembre 2019 à 19:20

La Réforme des retraites de 2019 en France est une proposition de refonte en profondeur du système de retraite français dont les principales caractéristiques sont d'une part l'institution d'un régime de retraite universel remplaçant des régimes parfois très différents appliqués par les 42 caisses de retraite existantes et d'autre part la mise en relation directe du montant de la retraite avec les cotisations versées (système à points). Elle propose également des mesures d'accompagnement visant notamment à améliorer les retraites des plus défavorisés.

Le projet est la plus ambitieuse des réformes du système de retraite français menées depuis deux décennies (1993, 2003, 2010, 2013,) dans le but d'une part à rééquilibrer les comptes d'un système mis à mal par l'allongement de la durée de vie et la réduction du taux des cotisants par rapport à celui des bénéficiaires et d'autre part à rapprocher le mode de calcul des droits à la retraite des différents régimes de retraite. Contrairement aux réformes qui la précèdent, la réforme de 2019 vise à remettre à plat un système de retraite devenu inadapté. Inscrit dans le programme électoral de 2017 du président de la République française Emmanuel Macron, le chantier est engagé avec la nomination en septembre 2017 de Jean-Paul Delevoye comme haut-commissaire à la réforme des retraites. Son rapport présentant des préconisations est remis au premier ministre en juillet 2019. Il doit inspirer un projet de loi qui sera soumis à l'Assemblée Nationale en 2020. Si la loi était votée, elle s'appliquerait à partir de 2025.

L'objectif annoncé de la réforme est de simplifier un système complexe, de le rendre plus juste, de faciliter son adaptation aux changements structurels (croissance, rapport actifs/retraités, ...) afin de permettre dans le futur un équilibre des entrées et des sorties. Proche de l'équilibre en 2018 (déficit de 2,9 milliards €) les comptes pourraient se dégrader jusqu'à un montant plafond en 2030 compris entre 7,9 et 17,2 milliards €. La réforme, proposée dans un contexte social agité, rencontre une forte opposition de la part des principaux syndicats et des corps professionnels les plus touchés par son application. Sur le plan politique les partisans d'une rigueur budgétaire qui préconisent un maintien d'un certain équilibre des comptes des régimes des retraites s'opposent à ceux qui considèrent que le déficit de ceux-ci constitue une dépense de protection sociale parmi d'autres.

Contexte : Le système de retraite français

Une retraite par répartition

Le système de retraite en France est fondé pour l'essentiel sur le principe de la répartition, les cotisations sociales des actifs servant à payer les pensions versées aux retraités. La retraite par répartition met donc en œuvre un principe de solidarité intergénérationnelle. Le montant de la pension prend en compte principalement la durée d'activité, le niveau de revenus ainsi que d'autres facteurs)[1]. Le système de retraite par répartition s'oppose à la retraite par capitalisation, dominante dans d'autres pays et qui repose sur l'effort d'épargne individuelle (en France la retraite par capitalisation a un rôle très faible). Mais pour être équilibré un tel système nécessite que le montant de l'ensemble des cotisations versées par les actifs soit d'une manière ou une autre ajusté de manière continue au montant des pensions versées. Or plusieurs facteurs ont au cours des dernières décennies bouleversés ces équilibres : élévation du taux de chômage, ralentissement de la croissance économique, allongement de la durée de vie, faiblesse de la croissance démographique.

Des régimes de retraite multiples et aux caractéristiques hétérogènes

Le système de retraite par répartition français se caractérise par l'existence en 2019 de 42 caisses de retraite correspondant le plus souvent à un découpage par branche avec des régimes (modalités de financement et prestations) parfois très différents. On distingue trois grandes catégories de régimes[2] :

  • Les régimes généraux appliquent des règles communes pour le calcul des droits à la retraite. Ce sont le régime général des salariés du privé qui gère 80% des retraités (14,2 millions de retraités fin 2017), le régime des salariés agricoles (2,5 millions) et le régime des indépendants, artisans et commerçants (2 millions).
  • Les régimes spéciaux désignent les régimes existant avant la création de la Sécurité sociale (4 octobre 1945) qui appliquent des règles de calcul de droits à la retraite spécifiques et différents du régime général (age minimal de la retraite, base de calcul du montant de la retraite, durée de cotisation, ...). Ces régimes comprennent les régimes de la fonction publique de l’État (2,3 millions de retraités) et une dizaine d'autres régimes professionnels dont EDF, GDF, la SNCF, la RATP, le régime des mines, celui des marins et la Banque de France (1 million de retraités en tout)[3].
  • Enfin cinq caisses de retraite complémentaire correspondant à un découpage sectoriel (salariés du privés, salariés agricoles, fonctionnaires, ...) versent des retraites, calculées sur la base d'un système de points, qui viennent s'ajouter à la retraite du régime de base obligatoire[4].

97% des assurés sont affiliés à plus d'un régime de retraite de base ou complémentaire ce qui vient ajouter à la complexité de gestion et à l'absence de lisibilité du système : sont assurés à 2 régimes 36% des cotisants, 3 régimes 28%, 4 régimes 18%, 5 régimes 11%, 6 régimes ou plus 4%[5].

Une part importante de versements découlant d'une logique de solidarité

Les pensions versées ne reposent pas uniquement sur le montant des cotisations, l'age et la durée du travail : les pensions versées relevant d'une logique de solidarité, représentent un quart des dépenses[7].

Les dispositifs de solidarité individuels représentent 47 milliards annuels, soit 16 % du total des sommes versées, et concernent 93 % de tous les retraités. En font partie[8] :

  • les minima de pensions (7,7 milliards €),
  • les majorations pour 3 enfants et plus (8 milliards €),
  • la compensation des périodes non travaillées : chômage, maternité, maladie, invalidité, service militaire (10,1 milliards €),
  • les retraites anticipées : mères de 3 enfants dans la fonction publique, policiers, militaires et pompiers (10,3 milliards €),
  • les dispositifs pour carrières longues, 21 % des départs (1,3 milliards €).

Par ailleurs des transferts sont opérés entre le régime général excédentaire et les régimes généraux déficitaires du fait du déclin démographique des cotisants (7,9 milliards € en 2015) : Mutualité sociale agricole, Sécurité sociale des indépendants (commerçants, artisans, professions libérales), Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (salariés des mines)[9] .

Les régimes spéciaux : entre solidarité et subvention

Enfin les financements publics compensent de manière importante les déficits des régimes spéciaux : ils représentent ainsi en 2017 62% des ressources du régime de retraite de la SNCF, 59% des ressources de celui de la RATP et 28% de celui des IEG (EDF, GDF,...). Ces subventions relèvent en partie seulement de la solidarité (déséquilibre démographique) le solde correspondant à des droits spécifiques non financés par les cotisations (départ à la retraite précoce, niveau des pensions, ...) : la subvention pour déséquilibre démographique était en 2017 par exemple de 0,1 milliard € à la RATP (subvention totale 0,7 mds €), à la SNCF 2,2 mds€ (subvention totale 3,3 mds €) et à EDF/GDF de 0,8 mds € (1,5 mds €)[10].

L'évolution du système de retraite depuis sa création

La réforme proposée en 2019 est étroitement liée à la genèse et à l'évolution particulièrement complexe du système de retraite français.

Mise en place de l'assurance vieillesse

Texte des ordonnances de 1945 créant les trois branches de la Sécurité sociale avec ses trois branches : famille, maladie et retraite.

Généralisé au lendemain de la Seconde guerre mondiale le système de retraite français présente initialement un paysage particulièrement hétérogène. Le régime général de retraite (assurance vieillesse) mis en place par des ordonnances d'octobre 1945 qui crée la Sécurité sociale avec ses branches famille (allocations familiales), maladie et retraite, est un système par répartition. La pension versée est proportionnelle à la durée de cotisation avec toutefois une retraite minimum qui ne dépend pas du montant cotisé (allocation sous conditions de ressources). L'assurance vieillesse contrairement à la branche maladie et surtout la branche famille est très loin d'être générale et est assurée par une mosaïque de régimes pour différentes raisons. Les pensions versées sont très faibles et les salariés qui bénéficient de régimes de retraite plus anciens refusent de rentrer dans le régime général préférant leurs régimes dits spéciaux. La gestion de la retraite des salariés agricoles est confiée à la Mutualité Sociale Agricole. Les travailleurs indépendants (commerçant, artisans et professions libérales) qui souhaitent cotiser le moins possible créent des régimes particuliers. Finalement le principal impact de la création de l'assurance vieillesse est la généralisation du système de retraite et la création de caisses de retraite administrés par des conseils élus par les travailleurs[11].

Création et généralisation des régimes complémentaires

Les cadres souhaitent créer leur propre régime spécial de retraite mais ils n'obtiennent que la création d'un régime complémentaire du régime de base auquel ils doivent continuer à cotiser. Ce régime complémentaire, l'Agirc créé suite à l'accord du 14 mars 1947, innove à plus d'un titre : c'est un régime interprofessionnel (qui couvre des salariés de toutes les branches), il a recours à un système de points pour établir le montant des droits à la retraite et sa gestion est assurée de manière paritaire. Dès sa création il sert une retraite aux cadres retraités (bien qu'ils n'aient jamais cotisés) dont l'épargne retraite s'est volatilisée sous les coups de l'inflation qui avoisine les 50% entre 1945 et 1948. Ce régime de retraite devient une référence d'autant plus qu'il va bénéficier au cours de la période des Trente Glorieuses (1946-1975) de la hausse rapide des salaires, du gonflement des effectifs des cadres et de la poussée démographique (baby boom) qui lui permet de servir des pensions généreuses[11].

Le succès de l'Agirc suscite la création d'une multitude de régimes complémentaires au niveau des entreprises ou des branches professionnelles pour les salariés non cadres créant une situation dangereuse à moyen terme (évolution démographique des professions) et inégalitaire. Après une première tentative d'unification, un accord entre partenaires sociaux aboutit à la création en 1961 de l'Arrco qui a vocation à coordonner standardiser et piloter les régimes complémentaires des non cadres qui seront finalement fusionnés le 1er janvier 1999 dans un régime unique. Entre temps l'adhésion à un régime complémentaire est étendu à l'ensemble des salariés du régime général par une loi passée en 1972. Certains régimes de branche (Banques, assurances, personnels des organismes de Sécurité sociale, une partie des salariés agricoles, personnels au sol d’Air France) y échappent provisoirement mais ils s'intégreront finalement à l'Agirc/Arrco en 1994. L'IRCANTEC, régime complémentaire pour les employés du secteur public non titulaires, est créé en 1971 par fusion de deux régimes plus anciens. Les professions indépendantes créent leur propre régime complémentaire. Au final seuls les régimes spéciaux (SNCF, RATP, EDF, GDF, Banque de France, Marins,...) demeurent sans régime complémentaire[11].

Le petit paradis de la retraite

Les retraités formaient au lendemain de la Seconde guerre mondiale une classe de la population particulièrement défavorisée sur le plan des revenus. Par ironie,Pierre Perret, dans sa chanson Cuisses de mouche fleur de banlieue , écrit: "sa taille était mince comme la retraite des vieux". La mise en place progressive de la pension de base et des retraites complémentaires modifient progressivement cette situation. Ces versements sont complétés par différents dispositifs bénéficiant généralement aux populations les plus défavorisées : minimum vieillesse (1956), relèvement du montant de la retraite de base (loi Boulin 1971), cotisation obligatoire des cadres à l'Arrco aux retombées positives pour les non cadres (1973), alignement du régime de base des artisans/commerçants sur celui plus favorable du régime général (1973). L'élévation des revenus des retraités encore accru par la croissance économique et le boom démographique qui favorise l'accroissement des pensions combiné à l'allongement de l'espérance de vie en bonne santé ont transformé radicalement les conditions de vie de la majorité des retraités à l'issue des Trente Glorieuses (1946-1975)[11].

Le temps des réformes

Contexte : essoufflement de l'économie et infléchissement démographique

Pourcentage des plus de 65 ans par rapport au nombre d'actifs (projection de 2017)[12]
Pays 1950 1975 2000 2015 2025 2050 2075
Frankreich 19,5 24,5 27,3 33,3 40,9 52,3 55,8
Allemagne 16,2 26,5 26,5 34,8 41,4 59,2 63,1
Italie 14,3 21,6 29,2 37,8 45,6 72,4 67
Suède 16,8 26,3 29,5 33,8 38,2 45,5 51,6
Etats-Unis 14,2 19,7 20,9 24,6 32,9 40,3 49,3
Moyenne OCDE 13,9 19,5 22,5 27,9 35,2 53,2 58,6

Alors même que les conditions des retraités atteignent leur zénith l'essoufflement de la croissance économique commence à fragiliser à compter de 1973 (année du premier choc pétrolier) le système de répartition à la base du fonctionnement du système de retraite français. L'économie dirigée qui avait été efficace pour reconstruire le pays se révèle inadaptée dans une économie désormais ouverte à l'Europe et au monde. Les années 1980 et 1990 se caractérisent par une croissance plus faible et l'apparition du chômage qui pèsent sur les cotisations. Le déséquilibre est aggravé par des mesures favorisant les retraites anticipées dans l'espoir non concrétisé de favoriser l'emploi des jeunes puis par la décision d'abaisser l'age de la retraite à 60 ans (lois Auroux de 1982) dans le même objectif. A compter des années 2000 la proportion du nombre de retraités par rapport au nombre d'actifs augmente rapidement avec le départ à la retraite des premières générations du Baby Boom alors que des générations plus creuses arrivent sur le marché du travail. L'évolution du ratio actifs/retraités impose la recherche de nouvelles ressources ou l'évolution des conditions de calcul des cotisations[11].

Le système général de retraite mis en place est mal adapté à ce contexte car il n'incorpore pas de dispositifs automatiques permettant de l'ajuster aux évolutions structurelles économiques et démographiques. Les gouvernements successifs vont prendre au coup par coup des mesures pour faire face à cette dégradation du rapport entre cotisations et pensions en faisant appel à plusieurs leviers : l'élévation de l'age de départ à la retraite, l'accroissement de la durée de cotisations, l'augmentation des cotisations, la diminution des pensions réelles versées ou la prise en charge du déficit du régime général de retraite soit par l'emprunt soit par l'affectation de ressources fiscales indirectes.

Le rapport Rocard (1991)

En 1991 le Premier ministre Michel Rocard fait publier un livre blanc sur les retraites car le départ à la retraite des générations du baby boom (à compter de 2004) se profile et menace l'équilibre financier de l'assurance vieillesse. Le rapport comporte, pour la première fois, une projection à l’horizon 2040 de l’ensemble des régimes et qui fait apparaitre que le taux de cotisation devra progresser de plus de 50 % d'ici cette date pour prendre en compte l'évolution démographique. Pour maintenir les comptes à l'équilibre et ne pouvant toucher à l'âge de la retraite abaissé récemment, il préconise un allongement de la durée des cotisations, une indexation des pensions sur les prix et non sur les salaires et un calcul de la pension sur les 25 meilleurs années de revenu au lieu de 10[11],[13].

La réforme Balladur de 1993

En 1993 pour la première fois depuis le début de la Seconde guerre mondiale, la masse salariale se contracte. Toutes les réformes du système de retraite avaient jusque là contribuer à améliorer les pensions. Le premier ministre Édouard Balladur lance cette année là la première réforme qui inverse cette tendance. Les trois mesures prises ne touchent toutefois que le régime général des salariés du privé et s'imposent sans aucune agitation sociale[11]  :

  • la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein passe progressivement de 37,5 années à 40 années.
  • Le salaire moyen de référence, base du calcul de la pension est calculé sur les 25 meilleures années et non plus sur les 10 meilleures.
  • La revalorisation de la pension se fera à partir de l'évolution des prix et non plus à partir de l'évolution générale des salaires.

Le plan Juppé de 1995 tente d'étendre ces mesures au secteur public mais le Premier ministre renonce après plusieurs semaines de grève qui touchent les transports et les fonctionnaires.

Ajustements des cotisations et des droits (1993-1996)

Plusieurs mesures sont prises par les responsables paritaires des caisses complémentaires du régime général pour rétablir l'équilibre entre cotisations et pensions[11] :

  • En 1993 le taux de cotisation de l'ARRCO est relevé de 4 à 6%
  • En 1994 l'AGIRC gèle la revalorisation du point de retraite
  • En 1996 il est décidé que le nombre de points attribués par l'ARRCO et l'AGIRC diminuera chaque année entre 1996 à 2000.

Remise en cause du système

Les fragilités manifestes du système de répartition redonnent des arguments aux partisans du système de retraite par capitalisation mais celle-ci n'est pas populaire car l'effondrement des systèmes basés sur l'épargne capitalisée après la Seconde guerre mondiale a laissé des traces encore fraiches dans les esprits. Par contre le patronat demande le relèvement de l'age de la retraite et remet en cause les régimes spéciaux. L'Union européenne, qui a dès les années 1970 analysé les conséquences de l'évolution démographique (arrivée de générations creuses sur le marché du travail et départ à la retraite des générations du Baby Boom), préconise un allongement de la durée des cotisations et le développement des régimes complémentaires de retraite par capitalisation au niveau de l'entreprise, pour compenser la baisse des retraites de base.

Création du Fonds de réserve pour les retraites (1999)

La gauche, au pouvoir à partir de 1997 n'entreprend pas de vraie réforme à cause du répit accordé par une forte croissance économique. La loi de financement de la Sécurité sociale de 1999 créé néanmoins un fonds d'investissement, dénommé Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Ce dernier a pour mission d'engranger les surplus des années de forte croissance économique, de les mettre en réserve et les placer sur les marchés financiers, avec des règles de prudence renforcées par rapport à celles des fonds de pension, afin de combler les déficits en période de crise.

Réforme Fillon de 2003 et Sarkozy de 2008

Les réformes de 2003 alignent en partie le secteur public sur le secteur privé tandis que celles de 2008 procède de même pour les régimes spéciaux[13] :

  • La durée de cotisation des fonctionnaires et des employés des collectivités locales est allongé de 37,5 ans à 40 ans.
  • Une décote de 5% par année manquante est appliquée à la pension versée à l'horizon 2015 (maximum 25%) et une surcote de 3% par année au dela de l'année du taux plein.

En 2008 les régimes spéciaux sont à leur tour réformés :

  • La durée de cotisation des régimes spéciaux est progressivement alignée sur celle du régime général.

Pour les régimes spéciaux comme pour le secteur public le salaire de référence pour le calcul des pensions reste les 6 derniers mois de revenus (au lieu des 20 meilleurs années). Le dispositif carrière longue.. Par ailleurs un dispositif carrières longues est mis en place malgré un désaccord sur cette mesure au sein du gouvernement. Ce dispositif non financé va peser sur le déficit au cours des années suivantes[13].

Réforme de 2010

La réforme de 2010 a les conséquences suivantes :

  • le relèvement progressif en six ans, à raison de quatre mois par an, de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, à partir de 2011.
  • à partir de 2016 le relèvement progressif de 65 à 67 ans de l'âge à partir duquel ne s'applique plus le mécanisme de décote (dans le cas où le salarié n'a pas cotisé le nombre de trimestres requis pour obtenir une retraite à taux plein). Un salarié du privé de 65 ans à qui il manque quatre années, car il n'a cotisé que 37 ans et demi, devra travailler deux ans de plus, jusqu'à 67 ans, ou subir une décote de 10 %[13].

Accords AGIRC-ARRCO de 2015

L'accord du 30 octobre 2015, défini par partenaires sociaux gérant les régimes complémentaires AGIRC-ARRCO d'octobre 2015, pose les bases d'un régime unifié des deux régimes à compter du 1er janvier 2019 avec deux tranches de respectivement 6,2% jusqu'au plafond de la Sécurité sociale et 17% entre 1 et 8 plafonds SS. Les principales dispositions prises par ailleurs ont pour but d’améliorer nettement l'équilibre des comptes en augmentant le taux de cotisation et en réduisant les pensions. Le système de minoration/majoration mis en place et appliquable pour les cotisants nés à partir de 1957 incite à prolonger leur activité au delà du taux plein dans le régime général. Mais les mesures mises en place accroissent la complexité du système et sa lisibilité pour les futurs retraités[14].

Bilan des réformes passées et comparaisons internationales

Bilan des réformes

Les constats suivants peuvent être fait à l'issue des réformes entreprises au cours des dernières décennies  :

  • Les réformes effectuées ont été essentiellement paramétriques c'est à dire qu'elles ont consisté à faire évoluer les principaux paramètres - durée des cotisations, taux de cotisation, age de départ de la retraite, mode d'indexation des pensions - pour tenter de maintenir les équilibres financiers. Mais il n'y pas eu de réforme systémique visant à unifier les différents régimes[11].
  • La mise en place d'un système de pilotage du système de retraite permettant d'anticiper les évolutions et de prendre les mesures appropriées a échoué malgré la création du Conseil d'orientation des retraites en 2003 et d'un Comité de suivi des retraites en 2014[11].
  • Les réformes ont permis de rapprocher les comptes de l'assurance vieillesse de l'équilibre mais le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (financé par la CSG il prend en compte les dépenses de solidarité) tend à s'aggraver[11].
  • Les réformes sont intervenues tardivement alors que la situation démographique et économique avait déjà dégradé la situation des comptes. Le retard des réformes a produit des déficits qui se sont accumulés et pèsent encore sur l'équilibre des comptes[13].
  • Bien que la situation ait été rétablie la confiance dans le système de retraite de la part des assurés s'est fortement dégradée. Ce d'autant plus que le discours des hommes politiques remettant en cause la réforme précédente pour justifier la réforme suivante a décridibilisé la démarche. Pourtant toutes les réformes effectuées sont allées dans le même sens et constituent un enchainement logique[13].

Comparaison internationales

Le système de retraite français est généralement nettement plus favorable que les autres systèmes de retraite des pays de l'OCDE toutefois les réformes successives tendent à rapprocher ses caractéristiques de la moyenne de ces pays[15],[14]  :

  • Le taux de remplacement[Glossaire 1] place la France parmi les pays de l'OCDE ayant le taux est le plus élevé avec l'Espagne et l'Italie. Il est de 74% pour un salarié qui aurait pris sa retraite en 2018 après toute une carrière rémunérée au salaire moyen. Ce taux est en moyenne de 58 % parmi la quarantaine de pays de l’OCDE. Ce taux tend à diminuer.
  • La durée de cotisation permettant de toucher une retraite à taux plein, qui est de 41 ans en France, est moins élevée que la moyenne des pays de l'OCDE (42 ans) mais les réformes passées ont nettement allongé cette valeur. Un salarié entrant sur le marché du travail en 2018 à l'age de 22 ans devra partir en retraite à 66 ans pour toucher une retraite à taux plein (sans décote).
  • L'age effectif moyen [Glossaire 2] est le plus bas de tous les pays de l'OCDE (60,8 ans) avec la république slovaque. L'age effectif moyen des pays de l'OCDE est de 64 ans. Cet écart sera principalement du au nombre de salariés bénéficiant des régimes spéciaux bénéficiant d'un age de départ à la retraite anticipé.
  • Depuis la réforme de 1993 la base de calcul des droits de la retraite repose sur les 25 meilleures années de salaires. Dans les autres pays de l'OCDE la base de calcul est généralement l'ensemble des salaires (beaucoup moins favorable). Les régimes spéciaux en France prennent les 6 derniers mois de salaire.
  • Le régime de retraite français comporte des mécanismes de solidarité beaucoup plus favorables. Une période de 5 ans de chômage provoque une baisse de pension de 6% alors qu'elle aurait du être le double. Plusieurs dispositifs contribuent à une forte redistribution des pensions en faveur des plus démunis : plancher d'heures permettant de valider un trimestre (150 heures) et plancher salaire (6000 €) pour valider une année, existence d'un minimum retraite (minimum contributif).

Origine et chronologie de la réforme de 2019

Chronologie

Jean-Paul Delevoye chargé en 2017 de mener à bien la réforme des retraites.

Inscrit dans le programme électoral de 2017 du président de la République française Emmanuel Macron, le chantier est engagé avec la nomination en septembre 2017 de Jean-Paul Delevoye comme haut-commissaire à la réforme des retraites. En janvier 2018 le président Macron demande que l'ensemble des textes de la réforme des retraites soient finalisés d'ici l'été 2019.

Sur la base d'un rapport intitulé "Vers un système universel de retraite, principaux constats sur le système actuel, enjeux du système cible", Delevoye entame le 16 avril 2018 un cycle de consultation des représentants des syndicats et du patronat. Le calendrier de concertation sur la réforme du système de retraite prévoit deux réunions avec chaque organisation pour chacun des 6 thèmes définis au cours de l'été et de l'automne 2018. Une ébauche du nouveau système est présentée au partenaires sociaux le 10 octobre 2018[16]. Une deuxième phase de concertation avec les partenaires sociaux et les experts se déroule au cours du 1ème semestre 2019. Le rapport final, est remis au premier ministre le 18 juillet 2019[17].

Le rapport Delevoye doit inspirer un projet de loi qui sera soumis à l'Assemblée Nationale en 2020. Si la loi était votée, elle s'appliquerait à partir de 2025.

Le rapport du Conseil d'orientation des retraites de novembre 2019

Le rapport Delevoye préconise un retour à l'équilibre du régime de retraite en 2025. Pour déterminer les conséquences de ce choix le Premier Ministre a demandé début septembre au Conseil d'orientation des retraites (COR) de mesurer l'évolution des comptes entre aujourd'hui et 2030[18]. Selon ce rapport les comptes qui sont proches de l'équilibre en 2018 (déficit de 2,9 milliards €) devraient progressivement se dégrader jusqu'à un montant plafond en 2030 date à laquelle le déficit atteindrait entre 7,9 et 17,2 milliards €.

Principales préconisations du rapport Delevoye

En préambule Delevoye définit dans quel contexte s'inscrit la réforme[19] . :

  • Le système actuel, basé sur des solidarités professionnelles (agriculteurs, indépendants, fonctionnaires, régimes spéciaux,...), n'est pas adapté à l'évolution des secteurs d'activité.
  • Le fonctionnement du système actuel est fortement dépendant des hypothèses de croissance économique et d'emploi qui pour différentes raisons sont difficilement prévisibles.
  • Le vieillissement accéléré de la société, les tensions sociales alimentent un manque de confiance croissant vis à vis du système de retraite.

Uniformisation des modalités de cotisation et des prestations

Le système actuel caractérisé par des règles de constitution de droit à la retraite variables d'un régime de retraite à l'autre est remplacé par un système appliquant les mêmes règles à l'ensemble des cotisants et bénéficiaires qu'ils soient salariés du privé, fonctionnaires, indépendants, agriculteurs, etc... Les régimes spéciaux sont fermés.

Application d'un système universel de calcul par point

Le calcul des droits s'effectue par un système de points déjà en vigueur pour les retraites complémentaires AGIRC-ARRCO, ERAFP ou IRCANTEC. Les droits ouverts découlent directement des cotisations versées. 1 € cotisé vaudra les mêmes droits pour tous. Il est proposé au démarrage du système que la valeur d'acquisition d'un point soit égal à 10 € de cotisations versées. La valeur de service, c'est à dire le montant de retraite annuel servi pour un point, pourrait être sur la base des hypothèses actuelles de 0,55 €. Le rendement d'équilibre du système serait fixé à 5,5% : pour 100 € cotisés, une retraite de 5,5 € serait versée pendant toute la durée de la retraite. Les éléments de solidarité existant se matérialiseront dans le nouveau système par l'attribution de points par exemple pour les périodes de congé maladie, congés maternité, invalidité ou de chômage indemnisés sur la base revenus ou dans le cas du chômage de l'allocation chômage. La valeur des points ne sera pas valorisée en fonction de l'indice des prix comme dans le système existant mais en fonction du revenu moyen par tête plus favorable. Après le départ de la retraite, le montant de celle-ci sera revalorisée en fonction de l'inflation comme dans l'existant. Le dispositif laisse la possibilité aux partenaires sociaux en charge de la gouvernance du système d'opter pour une indexation sur l'évolution des salaires[20].

Le système à points s'oppose au système des annuités qui est celui utilisé par exemple pour le régime de base actuel. Le montant de la pension versée se calcule de la manière suivante : Salaire de référence × taux de liquidation × coefficient de proratisation[21] :

  • Le salaire de référence est selon le régime de retraite la moyenne des 25 meilleures années (régime des salariés du privé) ou les 6 derniers mois (régimes spéciaux).
  • Le taux de liquidation est la proportion du salaire qui est reversée en pension. Dans le régime de base des salariés du privé, le taux est de 50% (s'y ajoutent les retraites complémentaires).
  • Le coefficient de proratisation reflète la durée validée ramenée à la durée de référence pour le régime et la génération de l'assuré. C'est un coefficient qui prend au maximum la valeur 1 dans le cas où l'assuré dépend d'un seul régime et qu'il a part en retraite après avoir accumulé les annuités du taux plein.

Assouplissement des conditions de départ en retraite

L'âge minimal légal de départ à la retraite reste fixé à 62 ans mais le départ à taux plein est repoussé de 62 à 64 ans. Entre ces deux âges le rendement du point de retraite est plus faible (-10 % à 62 ans, -5% à 64 ans). L'age du taux plein calculé pour la génération née en 1963 correspond à l'équilibre du système. Cet age évoluera donc dans le futur en fonction de l'espérance de vie.

Pour les personnes ayant eu des carrières courtes ou hachées, l'age du taux plein qui pouvait aller jusqu'à 67 ans est ramené à 64 ans.

Le départ à 60 ans pour carrière longue est maintenu.

Mécanismes de solidarité

  • Le minimum retraite (minimum contributif) est relevé à 85 % du Smic net. En 2019 ce taux est fixé à 81% pour les salariés et à 75% pour les agriculteurs[22].
  • Une majoration de 5 % est appliquée dès le premier enfant au lieu de s'appliquer uniquement aux parents de trois enfants et plus.
  • Le dispositif de reversion[Glossaire 3] garantit 70 % de la retraite du couple. Il remplacerait des taux très variables selon les régimes avec des conditions de ressources, d'age ou de non remariage qui ne seraient pas reconduits : 50 % de la pension du disparu dans la fonction publique, 54 % dans le privé et 60 % pour les complémentaires Agirc-Arrco. Les nouvelles dispositions s'appliqueront aux personnes arrivant à la retraite à compter du 1 janvier 2025[23].
  • Le dispositif mis en place pour prendre en compte la pénibilité (compte C2P) est ouvert aux fonctionnaires et aux salariés des régimes spéciaux qui en étaient exclus jusque là. Ils doivent remplacer les dispositifs de départ anticipés à la retraite existants[24].

Mécanismes d'équilibrage des comptes dans un contexte économique et sociétal changeant

Réorganisation des organismes de retraite autour d'une caisse nationale

Le rapport de Jean-Paul Delevoye propose de créer une Caisse Nationale de Retraite Universelle dont le rôle sera de gérer l'ensemble du système de retraite. Cet établissement public sera créé dès le vote de la loi (projeté en 2020) et aura pour rôle dans un premier temps de piloter le chantier chargé d'aboutir à la mise en place du régime universel. A compter du 1er janvier 2025 la caisse nationale se substituera aux caisses nationales gérant la retraite des assurés (CNAV, AGIRC-ARRCO, IRCANTEC, CNAVPL). Les organismes gestionnaires (caisses ou établissements publics), qui assurent la couverture d'autres risques sociaux, seront conservés mais fonctionneront dans le cadre d'une délégation de gestion aux modalités négociées avec la caisse nationale. Un réseau unifié de structures territoriale piloté au niveau national, se substituant aux caisses d’assurance retraite du régime général (CARSAT) et aux entités rattachées à l’AGIRC-ARRCO (institutions de retraite complémentaires ainsi que les centres d’information conseil et accueil de salariés ou CICAS) sera mis en place à l'échéance 2030[25].

Application progressive de la réforme

La transition vers le nouveau système de retraite doit être progressif. Le système universel s'appliquera au plus tôt aux personnes nées en 1963. Les droits acquis au 1er janvier 2025 seront garantis à 100%. Ils seront comptabilisés selon les règles des anciens régimes et transformés en points à l'euro près.

Accueil de la proposition de réforme

Position des syndicats

Les syndicats CFDT, CFTC et UNSA sont favorables sous certaines conditions à l'instauration du système universel. Ils sont par contre opposés à des mesures d'économie préalable à l'entrée en vigueur de la réforme. La CGT, FO, l'SUD et la CFE-CGC sont opposés au principe de la création d'un système universel à points.

La question du retour à l'équilibre des comptes

Pour le président de la République française Emmanuel Macron l'objectif de la réforme est de simplifier, rendre plus juste et plus lisible le système actuel dispersé entre 42 régimes de retraite organisés par professions et comprenant les régimes spéciaux. La réforme n'a pas pour objectif de faire des économies par des mesures comme le recul de l'age de la retraite ou de nouvelles incitations à travailler le plus longtemps[26].

Toutefois le Premier ministre Édouard Philippe ajoute à ces objectifs le retour à l'équilibre en 2025 des comptes du système de retraite, à la grande contrariété des concepteurs de la réforme qui ne souhaitent pas décrédibiliser leur réforme en donnant l'impression aux français que l'objectif est de faire des économies à leur détriment. D'autant que selon le Conseil d'orientation des retraites, les dépenses de retraite ne sont plus sur une dynamique non contrôlée aussi bien à 10 ans qu'à 50 ans grâce aux réformes passées. La part des dépenses de retraite devrait rester stable à 13,8% du PIB d'ici 2030[26].

L'allongement de l'âge de départ de la retraite

L'allongement de progressif de l'âge de départ de la retraite est déjà programmé dans le système actuel et dans ce domaine la réforme proposée n'apporte pas de modification importante. Toutefois Édouard Philippe souhaite accélérer cette évolution ce à quoi la CFDT, le seul syndicat important soutenant la réforme, est opposé[26].

Perdants et gagnants

Selon Jean-Paul Delevoye la réforme des retraites n'entraine aucune baisse de l'effort global en faveur des retraités. Les syndicats CGT et FO, hostiles à la réforme, affirment de leur côté que tous les assurés seront perdants car le calcul de la pension se fait sur la totalité de la carrière et non sur les 25 dernières années (ou les 6 derniers mois pour certains régimes spéciaux)[26].

En fait à enveloppe constante il y aura des perdants et des gagnants. Parmi les perdants figurent les cadres qui bénéficient généralement d'augmentations régulières de salaire jusqu'à la fin de leur carrière, les groupes professionnels très organisés (RATP, avocats, ...). Les parents de trois enfants ou plus qui bénéficiaient d'une enveloppe de points supplémentaires et qui devront la partager avec les parents de un ou deux enfants. Les gagnants seront notamment les femmes aux carrières hachées, les salariés modestes, ... [26].

Mobilisations contre la reforme

En décembre, l’exécutif doit faire face à une forte contestation de son projet de réforme des retraites, avec une forte mobilisation syndicale le et les jours suivants[27].

Sondages d'opinion sur la réforme

Plusieurs instituts de sondages ont réalisé des enquêtes sur la perception de la réforme par la population.

Sondage Elabe - Attitude à l'égard de la réforme (en %)
Date Très favorable Assez favorable Indécis Assez opposé Très opposé Favorable Opposé
4/07/19[28] 6 21 25 23 24   27 47
5/09/19[29] 8 25 22 20 24 33 44
3/10/19[30] 8 24 24 20 23 32 43
7/11/19[31] 7 22 23 21 26 29 47

Selon les études menées par Elabe, les craintes anticipées par les Français du fait de la réforme sont un départ en retraite plus tardif et des pensions moins élevées[28],[30]. Ils considèrent également, à 61%, que la période de concertation n'est pas utile car « tout est déjà décidé »[30]. Les opportunités perçues du fait de la réforme sont plus hétérogènes[28]. Une majorité considère que le système actuel n'est pas soutenable financièrement et est favorable au principe d'un système universel de retraite par point[32].

Sondage Harris interactive : Attentes à l'égard du gouvernement concernant le projet (en %)
Date Le conserve Le modifie
un peu
Le modifie
fortement
L'annule
29/11/19[33] 13 37 31 19
4/12/19[33] 11 33 33 23
8/12/19[33] 13 36 29 22


Sondages IFOP : Souhait que le gouvernement aille au bout de la réforme (en %)
Date Oui tout à fait Oui plutôt Non plutôt pas Non pas du tout Oui Non
20/11/19[34] 20 27 31 22   47 53
27/11/19[34] 20 26 30 24 46 54

Différentes enquêtes menées par l'Ifop en novembre et décembre 2019 mesurent l'adhésion des Français à l'idée qu'il faut réformer le système des retraites[35], une large majorité estimant que le gouvernement mènera son projet sans céder aux manifestations et aux grèves[36], bien qu'une courte majorité ne le souhaite pas[34] et que environ deux-tiers des personnes interrogées ne fasse pas confiance au Président et au gouvernement sur ce sujet[35].

Selon une enquête réalisée par Odoxa le 28 novembre 2019, la fin des régimes spéciaux de la fonction publique est favorablement accueillie[37].

Notes et références

Références

  1. Adrien Sénécat , Agathe Dahyot , Léa Sanchez et Assma Maad, « Réforme des retraites : 48 questions pour comprendre le débat », Le Monde, .
  2. Les retraités et les retraites, p. 7.
  3. Les retraités et les retraites, p. 7.
  4. a et b Pour un système universel de retraite - Préconisations de Jean-Paul Delevoye Annexes, p. 158
  5. Pour un système universel de retraite - Préconisations de Jean-Paul Delevoye Annexes, p. 159
  6. (en) Luc Peillon, « Combien y a-t-il, en France, de régimes spéciaux de retraites et combien de bénéficiaires ? », Libération,
  7. Pour un système universel de retraite - Préconisations de Jean-Paul Delevoye, Haut-Commissaire à la réforme des retraites, p. 7.
  8. « Retraites et retraités en France : derniers éléments connus », sur Les clés du social, .
  9. Franck von Lennep, « La diversité des ressources et les liens financiers entre régimes de retraite - 14e colloque du COR Le financement du système de retraite français », , p. 5.
  10. Cour des comptes, Les régimes spéciaux de retraite de la RATP, de la SNCF et des industries électriques et gazières, , 141 p. (lire en ligne), p. 9.
  11. a b c d e f g h i j et k « Histoire de la retraite en France », sur Observatoire des retraites, Agirc-Arrco (consulté le ).
  12. Panorama des pensions 2017 Les indicateurs de l'OCDE et du G20, p. 131
  13. a b c d e et f Dominique Libault, « Bilan des réformes des retraites - Conférence de Dominique Libault », sur Observatoire des retraites, Agirc-Arrco, .
  14. a et b Hervé Boulhol, « Panorama de pensions 2017Oùse situe la France? », OCDE,
  15. Mathieu Castagnet, « Retraites : la France a-t-elle un meilleur système ? », La Croix,
  16. « Chronologie des évènements de la mise en œuvre de la réforme des retraites Année 2018, », sur Les clés du social, .
  17. « Chronologie des évènements de la mise en œuvre de la réforme des retraites Année 2019 », sur Les clés du social, .
  18. Conseil d'orientation des retraites, « Rapport du COR novembre 2019 - Perspectives des retraites en France à l’horizon 2030 », .
  19. Pour un système universel de retraite - Préconisations de Jean-Paul Delevoye, Haut-Commissaire à la réforme des retraites, p. 4.
  20. Pour un système universel de retraite - Préconisations de Jean-Paul Delevoye, Haut-Commissaire à la réforme des retraites, p. 16-24
  21. Les retraités et les retraites, p. 255-257
  22. « Le minimum de la retraite sera fixé à 85 % du Smic », sur legifiscal, .
  23. « Réforme des retraites : ce qui va changer pour les pensions de réversion », sur Dossier familial, .
  24. « Comment la pénibilité sera prise en compte dans le futur système universel de retraite ? », sur Dossier familial,
  25. Pour un système universel de retraite - Préconisations de Jean-Paul Delevoye, Haut-Commissaire à la réforme des retraites, p. 98-101.
  26. a b c d et e Emmanuelle Réju et Michel Waintrop, « Réforme des retraites, pourquoi c’est si compliqué ? », La Croix,
  27. Ellen Salvi, « Le mouvement social donne le tournis au pouvoir », sur mediapart.fr, (consulté le )
  28. a b et c Les Français et la réforme des retraites (Elabe pour Institut Montaigne et Radio Classique ; 4/07/19)
  29. Les Français et les mobilisations sociales (Elabe pour Institut Montaigne et Radio Classique ; 5/09/19)
  30. a b et c Les Français et la mobilisation contre la réforme des retraites (Elabe pour BFMTV ; 3/10/19)
  31. Les Français et les mobilisations sociales (Elabe pour Institut Montaigne et Radio Classique ; 7/11/19)
  32. Les Français et la réforme des retraites (Elabe pour Institut Montaigne et Radio Classique ; 1/12/19)
  33. a b et c Observatoire de la mobilisation contre la réforme des retraites (Harris Interactive pour RTL et AEF info) 2ème vague
  34. a b et c Les Français et le mouvement de grève du 5 décembre (Ifop-Fiducial pour CNews et Sud Radio ; 27/11/19)
  35. a et b Les Français et la réforme des retraites (Ifop pour Le Journal du Dimanche ; 28/11/19)
  36. Les Français et le mouvement de grève du 5 décembre (Ifop-Fiducial pour CNews et Sud Radio ; 4/12/19)
  37. La perspective du mouvement de grève le 5 décembre (Odoxa pour Le Figaro et France Info)

Documents de référence

  • Cour des Comptes, Les régimes spéciaux de retraite de la RATP, de la SNCF et des industries électriques et gazières, , 141 p. (lire en ligne) — Rapport de la Cour des Comptes sur trois des principaux régimes spéciaux.
  • OCDE, Panorama des pensions 2017 Les indicateurs de l'OCDE et du G20, OCDE, , 141 p. (ISBN 978-92-6430468-0, lire en ligne)
  • Franck von Lennep, Gérard Cornilleau, Anthony Marino, Jean-Jacques Marette, Philippe Desfossés, Anne Lavigne, Patrice Ract Madoux, Le financement du système de retraite français, Conseil d'orientation des retraites, , 141 p. (lire en ligne) — Actes d'un colloque de décembre 2016 sur le système de retraite français.
  • Franck von Lennep, Gérard Cornilleau, Anthony Marino, Jean-Jacques Marette, Philippe Desfossés, Anne Lavigne, Patrice Ract Madoux, Le financement du système de retraite françai, Conseil d'orientation des retraites, , 26 p. (lire en ligne) — Synthèse du colloque de décembre 2016.
  • JL Corre, J. Sitbon, A. d'Yvoire, C. de Boisrouvray, P. Chaperon, M. Chabert-Desnots, P. Trelhou, E. Prats, J.L. Corre, L. Roberts et al., « La technique de retraite par points », La Lettre de l’Observatoire des Retraites, no 14,‎ , p. 1-32 (lire en ligne)
  • Sénat, -108- Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2019 - Tome 1 - Assurance vieillesse, Conseil d'orientation des retraites, , 21 p. (lire en ligne) — Projet de budget 2019 Assurance vieillesse.

Glossaire

Source : Annexes du rapport Delevoye (pages 135-140)

  1. Taux de remplacement : Pourcentage que représente la retraite (de base et complémentaire) par rapport au dernier revenu perçu
  2. Age effectif moyen : Âge moyen de départ à la retraite pour l'ensemble des retraités sur une période donnée. Il dépend des comportements des individus, qui peuvent retarder leur départ en retraite au delà de l'âge légal afin de pouvoir bénéficier du taux plein.
  3. Pension de reversion : En cas de décès, une partie de la retraite de la personne défunte peut être versée, sous certaines conditions, au conjoint survivant et aux éventuels ex-conjoints. C’est le principe de la pension de réversion, dont les conditions d’attribution et de calcul varient fortement selon les régimes de retraite.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes