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« Plasticité et endommagement d'un polymère » : différence entre les versions

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{{Sources à lier|date=avril 2018}}
{{Résumé introductif}}
{{Voir homonymes|Plasticité (homonymie)}}
{{À wikifier|date=mars 2008}}


Le comportement mécanique des [[polymère]]s se scinde en différents domaines. Lorsqu’ils sont peu sollicités, les polymères réagissent de manière [[Déformation élastique|élastique]] et [[Viscoélasticité|viscoélastique]]. Au-delà, les polymères suivent un comportement '''plastique''' et de l''''endommagement''' peut intervenir au sein de la matière, voire la mise en place d’un processus amenant à la ruine.
Les [[polymère]]s sont des matériaux complexes dont le comportement face à la pression varie : sous de faibles contraintes, ils réagissent en se déformant de manière [[Déformation élastique|élastique]] et [[Viscoélasticité|viscoélastique]] ; sinon, ils suivent un comportement '''plastique''' dont il résulte ce qu'on appelle de l''''endommagement'''. Au niveau macroscopique, les phénomènes de [[déformation plastique]] se traduisent principalement par l’apparition de bandes de [[contrainte de cisaillement|cisaillement]] et/ou de craquelures.


La [[plasticité]] n’est pas forcément néfaste pour les polymères, cependant lorsque l’on parle d’endommagement, ce sont des phénomènes sources de réduction des propriétés mécaniques (rigidité, résistance mécanique) et prémisses de la [[Rupture (matériau)|rupture]] du matériau.
La [[plasticité]] est influencée par divers paramètres que sont principalement la température et la vitesse de sollicitation. Elle n’est pas forcément néfaste pour les polymères, cependant au-delà du ''seuil de plasticité'' (défini par les échelles de Tresca ou de Von Mises), l’endommagement nuit aux propriétés mécaniques (rigidité, résistance mécanique) et peut mener à la [[Rupture (matériau)|rupture]] de la pièce.

Au niveau macroscopique, les phénomènes de [[déformation plastique]] se traduisent principalement par l’apparition de [[bande]]s de [[cisaillement]] et/ou de craquelures, dans des proportions aléatoires.

Pour définir le commencement de la plasticité, on définit un seuil de plasticité et on utilise des critères de plasticité adaptés aux polymères (Tresca, Von Mises).

La plasticité est influencée par divers paramètres que sont principalement la température et la vitesse de sollicitation.

== Présentation des observations sur une courbe contrainte-déformation ==


== Courbe contrainte-déformation ==
Pour comprendre le comportement d'un matériau [[polymère]] lors d'une sollicitation en traction par exemple, et donc prédire sa rupture, les polyméristes s'appuient sur des courbes décrivant l'évolution de la contrainte en fonction de la déformation. Ces courbes, décrivant le comportement mécanique, sont découpées en différents domaines.
Pour comprendre le comportement d'un matériau [[polymère]] lors d'une sollicitation en traction par exemple, et donc prédire sa rupture, les polyméristes s'appuient sur des courbes décrivant l'évolution de la contrainte en fonction de la déformation. Ces courbes, décrivant le comportement mécanique, sont découpées en différents domaines.


[[Image:HOOKE Robert.jpg|thumb|100px|right|Robert Hooke]]
[[Fichier:Jan_Baptist_van_Helmont_portrait.jpg|vignette|100px|right|Robert Hooke.]]
Pour des petites déformations, le polymère suit un comportement linéaire décrit par la [[loi de Hooke]] :
Pour des petites déformations, le polymère suit un comportement linéaire décrit par la [[loi de Hooke]] :
:<math> \sigma = E \cdot \epsilon \qquad(1.1) </math>
:<math> \sigma = E \cdot \epsilon \qquad(1.1) </math>.


C'est le domaine élastique.
C'est le domaine élastique.


Pour des déformations légèrement supérieures, on entre dans le domaine viscoélastique,
Pour des déformations légèrement supérieures, on entre dans le domaine viscoélastique.


Le seuil de plasticité, noté ''y'', représente la limite entre le domaine élastique et le domaine plastique. Typiquement, ce seuil intervient aux environs de 5 à 15 % de déformation.
Le seuil de plasticité, noté ''y'', représente la limite entre le domaine élastique et le domaine plastique. Typiquement, ce seuil intervient aux environs de 5 à 15 % de déformation.


Pour le domaine plastique, on distingue différentes zones :
Pour le domaine plastique, on distingue différentes zones :

* l'apparition de la striction, où la déformation plastique est instable du fait de la localisation des déformations. Cette striction est générée par les bandes de cisaillement ;
* l'apparition de la striction, où la déformation plastique est instable du fait de la localisation des déformations. Cette striction est générée par les bandes de cisaillement ;
* la zone d'étirage, qui s'étend sur de grandes déformations et qui correspond à l'allongement et à l'alignement des chaînes de polymère pour une valeur de contrainte constante ;
* la zone d'étirage, qui s'étend sur de grandes déformations et qui correspond à l'allongement et à l'alignement des chaînes de polymère à contrainte constante ;
* le durcissement final, étape durant laquelle les chaînes sont en extension ;
* le durcissement final, étape durant laquelle les chaînes sont en extension ;
* la rupture, où le polymère cède.
* la rupture, où le polymère cède.
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=== Les bandes de cisaillement ===
=== Les bandes de cisaillement ===
Lorsque l’on déforme un matériau polymère par cisaillement, ce dernier peut réagir de deux manières différentes. La déformation se répartit soit uniformément dans tout le polymère de manière homogène, comme c’est le cas avec la plupart des polymères [[thermoplastique]]s, soit elle est fortement localisée et alors on peut observer à l’œil nu cette déformation sous forme de fines bandes, appelées bandes de cisaillement. Leurs épaisseurs variant de quelques microns à 1 millimètre.
Lorsque l’on déforme un matériau polymère par cisaillement, ce dernier peut réagir de deux manières différentes. La déformation se répartit soit de manière homogène, comme c’est le cas avec la plupart des polymères [[thermoplastique]]s, soit elle est fortement localisée et visible sous forme de fines bandes, appelées [[bande de cisaillement|bandes de cisaillement]] (''{{lang|en|shear band}}'' en anglais). Leur épaisseur varie de quelques micromètres à un millimètre.

On remarque dans la plupart des cas que les bandes de cisaillement sont inclinées par rapport à la direction de traction d’un angle de 45° environ, car c’est dans ce plan que la contrainte de cisaillement est maximale ([[Facteur de Schmidt]]).


On remarque dans la plupart des cas que les bandes de cisaillement sont inclinées par rapport à la direction de traction d’un angle de {{nobr|45°}} environ, car c’est dans ce plan que la contrainte de cisaillement est maximale ({{Lien|lang=en|trad=Schmid's law|fr=Facteur de Schmid}}).
Non seulement le type de polymère conditionne l’apparition ou non de bandes de cisaillement, mais également la vitesse de déformation et la température à laquelle la déformation a lieu. Ainsi, pour des températures inférieures à 0,8.Tg, on a un comportement homogène et au-delà, les déformations deviennent localisées.


Le type de polymère conditionne à la fois l’apparition ou non de bandes de cisaillement, et la vitesse de déformation et la température à laquelle la déformation a lieu. Ainsi, pour des températures inférieures à 0,8.''Tg'', on a un comportement homogène ; au-delà, les déformations deviennent localisées.
D’autre part, ce mécanisme d’endommagement est souvent moins prépondérant pour des essais de traction. Comme nous le verrons par la suite, les bandes de cisaillement ne sont pas le seul phénomène d’endommagement et ce sont les craquelures qui sont prédominantes lors d’un [[essai de traction]].
À l’inverse, pour un [[essai]] de [[compression]], ce sont les bandes de cisaillement qui l’emportent.


Ce mécanisme d’endommagement est souvent plus faible pour des [[essai de traction|essais de traction]]. En effet, les craquelures sont alors prédominantes.
L’apparition des bandes de cisaillement s’accompagne d’un adoucissement, c’est-à-dire d’un ramollissement du matériau, ce qui se traduit par une chute de la contrainte,
À l’inverse, pour un [[essai de compression]], les bandes de cisaillement l’emportent.


Ensuite, plus la contrainte augmente et plus le nombre de bandes de cisaillement augmente et donc plus la déformation du matériau augmente.
L’apparition des bandes de cisaillement s’accompagne d’un adoucissement, c’est-à-dire d’un ramollissement du matériau, ce qui se traduit par une chute de la contrainte. Ensuite, plus la contrainte augmente et plus le nombre de bandes de cisaillement augmente, et donc la déformation du matériau.


=== Les craquelures ===
=== Les craquelures ===
Les craquelures, souvent plus connues sous le nom de « craze » ou « crazing », ont un rôle primordial dans la tenue à la rupture des polymères. Comme nous allons le voir, elles peuvent rendre le matériau plus fragile ou au contraire plus résistant.
Les craquelures (''{{lang|en|craze}}'' en anglais) définissent la tenue à la rupture des polymères. La formation de craquelures est appelée craquelage (''{{lang|en|crazing}}'' en anglais).


L’hypothèse isovolumique habituellement pratiquée dans les études de déformation des matériaux ([[Métal|métaux]]) n’est pas valable pour les [[polymère]]s. En effet, lors d’un essai de traction, il y a création de vide au sein des chaînes qui a pour conséquence une augmentation du volume total. Ceci fait la spécificité des polymères.
L’hypothèse isovolumique habituellement pratiquée dans les études de déformation des matériaux (comme les [[Métal|métaux]]) n’est pas valable pour les [[polymère]]s. En effet, lors d’un essai de traction sur ces derniers, du vide se forme au sein des chaînes, d'où une augmentation du volume total.


Une craquelure est constituée majoritairement de vacuoles (zones de vide pouvant atteindre 30 à 40 % du volume total) et autour desquelles on observe des fibrilles (chaînes macromoléculaires orientées).
Une craquelure est constituée majoritairement de [[vacuole]]s (zones de vide pouvant atteindre 30 à 40 % du volume total) et autour desquelles on observe des [[fibrille]]s (chaînes macromoléculaires orientées). Ces dernières ont un comportement mécanique particulier expliquant les phénomènes de rupture du matériau. On peut observer les craquelures par [[microscopie électronique à balayage]].
Ces dernières ont un comportement mécanique particulier expliquant les phénomènes de rupture du matériau. On peut observer les craquelures par Microscopie Electronique à Balayage (MEB). [[Microscopie électronique à balayage]]


Les craquelures sont le fruit d’un processus de transformation d’énergie. En effet, les deux surfaces de part et d’autre de la craquelure emmagasinent des énergies de surface de rupture ; énergie auparavant stockée sous forme élastique dans le matériau.
Les craquelures sont le fruit d’un processus de transformation d’énergie. En effet, les deux surfaces de part et d’autre de la craquelure emmagasinent des énergies de surface de rupture ; énergie auparavant stockée sous forme élastique dans le matériau. Donc les craquelures sont bénéfiques car elles absorbent l’énergie mécanique, renforçant ainsi le polymère et évitant parfois la rupture.
C’est ainsi que les craquelures sont bénéfiques car elles absorbent l’énergie mécanique, augmentant ainsi la ténacité du polymère et évitant parfois la rupture.


==== La nucléation ====
==== La nucléation ====
L’approche de la nucléation des craquelures est problématique. En effet, sur le plan physique, on constate une discontinuité des propriétés mécaniques (telle que la densité), ce qui pose problème. Il s’agit néanmoins d’un mécanisme de cavitation.
L’approche de la [[nucléation]] des craquelures est problématique. En effet, sur le plan physique, on constate une discontinuité des propriétés mécaniques (telle que la densité), ce qui pose problème. Il s’agit néanmoins d’un mécanisme de [[cavitation]].


La nucléation a toujours lieu dans une zone affaiblie, c’est-à-dire où il y a des impuretés, une densité d’enchevêtrements plus faible ou un défaut géométrique (fissure). Il s’agit donc souvent d’une zone de concentration de contraintes.
La nucléation a toujours lieu dans une zone affaiblie, c’est-à-dire où il y a des [[impureté]]s, une densité d’enchevêtrements plus faible ou un défaut géométrique (fissure). Il s’agit donc souvent d’une zone de concentration de contraintes.


Remarquons que pour les alliages de polymères, comme par exemple le polystyrène choc, le phénomène de craquelure est important compte tenu du nombre élevé de sites de nucléation. On remarque d’autre part, qu’expérimentalement la nucléation est plus faible pour des polymères fortement orientés, et que pour les résines [[thermodurcissable]]s, le réseau étant tellement [[Réticulation|réticulé]] que les craquelures ne peuvent pas apparaître.
Remarquons que pour les alliages de polymères, comme le [[polystyrène]] choc, le phénomène de craquelure est important compte tenu du nombre élevé de sites de nucléation. On remarque d’autre part, qu’expérimentalement la nucléation est plus faible pour des polymères fortement orientés ; pour les résines [[thermodurcissable]]s, le réseau est tellement [[Réticulation|réticulé]] que les craquelures ne peuvent pas apparaître.


Il y a également d’autres conditions pour l’apparition des craquelures comme le fait d’exercer une tension et non une compression car dans cette deuxième situation, la pression exercée empêche la création de vide. Enfin, ce phénomène ne se produit que pour des températures de l’ordre de 0,8.Tg.
Les craquelures sont également impossibles si l'on exerce une compression, car alors la pression exercée empêche la création de vide. Enfin, ce phénomène ne se produit que pour des températures de l’ordre de 0,8.''Tg''.


Il est bon de distinguer les craquelures extrinsèques des craquelures intrinsèques. Les premières apparaissent localement dans les zones affaiblies, parfois avant le seuil de plasticité, alors que les secondes apparaissent dans le volume tout entier pour des températures très proches de la [[température de transition vitreuse]].
Les craquelures extrinsèques naissent localement dans les zones affaiblies, parfois avant le seuil de plasticité ; les craquelures ''[[Propriétés intrinsèques et extrinsèques|intrinsèques]]'' apparaissent dans le volume tout entier pour des températures très proches de la [[température de transition vitreuse]] (''Tg'').


Numériquement, on peut établir une valeur limite d’apparition des craquelures.
Numériquement, on peut établir une valeur limite d’apparition des craquelures.


==== La croissance ====
==== La croissance ====
La croissance des craquelures s’explique plus facilement par deux mécanismes régissant l’allongement des fibrilles sous contraintes. Le premier est un mécanisme de [[fluage]] qui entraîne la croissance des craquelures selon un plan perpendiculaire à la direction d’étirement. Le deuxième repose sur l’approvisionnement de la matière située dans la masse totale du polymère.
La croissance des craquelures s’explique plus facilement par deux mécanismes régissant l’allongement des fibrilles sous contrainte. Le premier est un mécanisme de [[fluage]] qui entraîne la croissance des craquelures perpendiculairement à la direction d’étirement. Le deuxième repose sur l’approvisionnement de la matière située dans la masse totale du polymère.


Typiquement, l’allongement peut atteindre des valeurs de 500 %, le diamètre des fibrilles restant constant (10nm). Pour le taux de vide dans une craquelure, cela s’élève à 50 voire 80 %.
Typiquement, l’allongement peut atteindre des valeurs de 500 %, le diamètre des fibrilles restant constant ({{unité|10|[[nanomètre|nm]]}}). Pour le taux de vide dans une craquelure, cela s’élève à 50 voire 80 %.


Le mécanisme d’extraction de matière est le mécanisme prépondérant expliquant la croissance des craquelures, cependant le mécanisme minoritaire de fluage a une importance capitale dans la rupture finale du matériau.
Le mécanisme d’extraction de matière est prépondérant pour la croissance des craquelures, cependant le mécanisme minoritaire de fluage a une importance capitale dans la rupture finale du matériau.


D’un point de vue mécanique, un polymère infesté de craquelures n’est pas ruiné au contraire, la présence des fibrilles permet aux craquelures de soutenir une charge dans la direction perpendiculaire à leurs faces.
D’un point de vue mécanique, un polymère infesté de craquelures n’est pas ruiné ; au contraire, la présence des fibrilles permet aux craquelures de soutenir une charge dans la direction perpendiculaire à leurs faces.


==== Craquelures et rupture ====
==== Craquelures et rupture ====
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La rupture des fibrilles est liée au désenchevêtrement puis à la rupture des chaînes de polymères. Suivant la température, on distingue deux modes de rupture :
La rupture des fibrilles est liée au désenchevêtrement puis à la rupture des chaînes de polymères. Suivant la température, on distingue deux modes de rupture :


* à basse température (T<T{{ind|transition secondaire}}), la rupture se produit à n’importe quel endroit de la fibrille ;
* à basse température (''T'' < ''T''{{ind|transition secondaire}}), la rupture se produit à n’importe quel endroit de la fibrille ;
* à haute température (T>T{{ind|transition secondaire}}), la rupture a lieu au milieu des fibrilles.
* à haute température (''T'' > ''T''{{ind|transition secondaire}}), la rupture a lieu au milieu des fibrilles.


La craquelure devient alors une microfissure qui croît jusqu’à la rupture,
La craquelure devient alors une microfissure qui croît jusqu’à la rupture.


=== Compétition entre bandes de cisaillement et craquelures ===
=== Compétition entre bandes de cisaillement et craquelures ===
Suivant le type d’essai réalisé sur l’échantillon, on observe en traction majoritairement des craquelures et en compression des bandes de cisaillement.
Suivant le type d’essai réalisé sur l’échantillon, on observe en traction majoritairement des craquelures et en compression des bandes de cisaillement.


Sous l’effet de la pression exercée lors d’un essai de compression, les craquelures ne peuvent se former ; ce sont donc les bandes de cisaillement qui l’emportent et qui se développent. A contrario, en traction, les craquelures apparaissent pour des valeurs de déformations inférieures à 10 % ; ce qui limite le développement des bandes de cisaillement.
Lors d’un essai de compression, les craquelures ne peuvent se former ; ce sont donc les bandes de cisaillement qui l’emportent et qui se développent. ''A contrario'', en traction, les craquelures apparaissent pour des valeurs de déformations inférieures à 10 % ; ce qui limite le développement des bandes de cisaillement.


Le [[polystyrène]] est un bel exemple de cette compétition. En effet, il a un comportement fragile en traction (lié à la présence de crazes se transformant en fissures et amenant à la rupture) alors qu’il est ductile en compression (lié à la présence des bandes de cisaillement qui entraîne un ramollissement du matériau).
Le polystyrène est un bel exemple de cette compétition. En effet, il a un comportement fragile en traction (lié à la présence de crazes se transformant en fissures et amenant à la rupture) alors qu’il est ductile en compression (car les bandes de cisaillement entraînent un ramollissement du matériau).


On peut également assister à une osmose entre les phénomènes. En effet, des craquelures peuvent générer des bandes de cisaillement.
On peut également assister à une osmose entre les phénomènes. En effet, des craquelures peuvent générer des bandes de cisaillement.


=== Carte de résistance mécanique ===
=== Carte de résistance mécanique ===
Devant la diversité et l’interaction des phénomènes mis en jeu lors d’une déformation, il est très utile, pour un ingénieur, de pouvoir utiliser une «carte» afin de prévoir le comportement d’un polymère lors d’une sollicitation donnée, à une température donnée.
Devant la diversité et l’interaction des phénomènes mis en jeu lors d’une déformation, il est très utile, pour un ingénieur, de pouvoir utiliser une « carte » afin de prévoir le comportement d’un polymère pour une sollicitation donnée, à une température donnée. On peut déterminer alors facilement comment se comportera le matériau polymère après sa mise en œuvre, par exemple.
On peut déterminer alors facilement comment se comportera le matériau polymère après sa mise en œuvre, par exemple.


On peut trouver des exemples de carte de résistance comme pour le PMMA. Elle est généralisable à tous les polymères thermoplastiques amorphes.
On peut trouver des exemples de carte de résistance comme pour le [[Polyméthacrylate de méthyle|PMMA]]. Elle est généralisable à tous les polymères thermoplastiques amorphes.


Toutefois, cette carte n’est pas universelle et des mécanismes de rupture prématurée peuvent avoir lieu en présence de défauts indésirables, par exemple. Il faut donc l’utiliser avec parcimonie.
Toutefois, cette carte n’est pas universelle et des mécanismes de rupture prématurée peuvent avoir lieu en présence de défauts indésirables, par exemple. Il faut donc l’utiliser avec parcimonie.
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La définition de la contrainte de glissement au seuil de plasticité est générale et valable pour la majorité des matériaux. Comme nous l’avons évoqué précédemment, en dehors du domaine élastique, les déformations dues à la présence des plans de glissement deviennent irréversibles.
La définition de la contrainte de glissement au seuil de plasticité est générale et valable pour la majorité des matériaux. Comme nous l’avons évoqué précédemment, en dehors du domaine élastique, les déformations dues à la présence des plans de glissement deviennent irréversibles.


Intéressons nous plus en détail à l’aspect mécanique des déformations.
Pour mieux détailler l’aspect mécanique des déformations, on considérera un essai de traction uniaxial.
On considère un essai de traction uniaxial.


La force F, faisant un angle α avec la normale au plan de glissement et un angle θ avec la direction de glissement, alors sa composante dans la direction de glissement est F*cos(θ).
La force ''F'', faisant un angle α avec la normale au plan de glissement et un angle θ avec la direction de glissement, alors sa composante dans la direction de glissement est ''F''*cos(θ).


Ainsi, la contrainte exercée sur la surface A du plan, appelée contrainte de cisaillement ou de glissement, ou encore scission s’écrit :
Ainsi, la contrainte exercée sur la surface ''A'' du plan, appelée contrainte de cisaillement ou de glissement, ou encore scission s’écrit :


:σ =(F/A)*cos(θ)*cos(α) = σ{{ind|traction}}*cos(θ)*cos(α) (3.1)
:σ =(''F''/''A'')*cos(θ)*cos(α) = σ{{ind|traction}}*cos(θ)*cos(α) (3.1)


=== Seuil de plasticité ===
=== Seuil de plasticité ===
Si on augmente la force F à partir de zéro, la déformation plastique du [[cristal]] commence à se produire pour une valeur maximale de σc (scission critique de glissement). En général, on peut montrer que le début de la plasticité a lieu lorsque le seuil de plasticité vaut :
Si on augmente la force ''F'' à partir de zéro, la déformation plastique du [[cristal]] commence à se produire pour une valeur maximale de σc (''scission critique de glissement''). En général, on peut montrer que le début de la plasticité a lieu lorsque le seuil de plasticité vaut :


:σ{{ind|y}} = 2*σ{{ind|c}} (3.2)
:σ{{ind|y}} = 2*σ{{ind|c}} (3.2)


Certains polymères ne présentent pas de seuil de plasticité σy. C’est le cas des polymères fragiles où l’échantillon casse au stade viscoélastique, ou des élastomères dont le comportement est hyperélastique.
Certains polymères ne présentent pas de seuil de plasticité σy. C’est le cas des polymères fragiles où l’échantillon casse au stade viscoélastique, ou des élastomères dont le comportement est hyperélastique. Si ce seuil de plasticité σy n’existe pas, on montre que la déformation plastique débute pour des valeurs de l’ordre de 5 à 10 %.
Si ce seuil de plasticité σy n’existe pas, on montre que la déformation plastique débute pour des valeurs de l’ordre de 5 à 10 %.


=== Critères de plasticité généraux ===
=== Critères de plasticité généraux ===
{{Article détaillé|Critère de plasticité}}
On considère le cas d’une déformation uniaxiale (traction-compression), ce qui permet de définir un seuil de plasticité σy en traction ou compression.
On considère le cas d’une déformation uniaxiale (traction-compression), ce qui permet de définir un seuil de plasticité σy en traction ou compression.


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==== Le critère de Tresca ====
==== Le critère de Tresca ====
[[Image:Henri Tresca.JPG|thumb|100px|right|[[Henri Tresca]].]]
[[Image:69-Tresca.jpg|thumb|100px|right|[[Henri Tresca]].]]
Le critère de [[Henri Tresca|Tresca]], établi en 1867, spécifie qu'un matériau va se déformer plastiquement lorsque la contrainte de cisaillement maximale atteint une valeur critique σc.
Le critère de [[Henri Tresca|Tresca]], établi en 1867, spécifie qu'un matériau va se déformer plastiquement lorsque la contrainte de cisaillement maximale atteint une valeur critique σc.
Si les trois contraintes principales sont telles que σ1 >σ2 >σ3 , le critère de Tresca s’écrit :
Si les trois contraintes principales sont telles que σ1 >σ2 >σ3, le critère de Tresca s’écrit :


:(σ1-σ3)=2*σc=σy (3.4)
:(σ1-σ3)=2*σc=σy (3.4)
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:(σ1/σy)² + (σ2/σy)² - (σ1/σy)*(σ2/σy) = 1 (3.6)
:(σ1/σy)² + (σ2/σy)² - (σ1/σy)*(σ2/σy) = 1 (3.6)


Ceci est l’équation d’une ellipse.
Ceci est l’équation d’une [[Ellipse (mathématiques)|ellipse]].


De même, le critère de Tresca se traduit par six segments de droites :
De même, le critère de Tresca se traduit par six segments de droites :
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On peut ainsi tracer l’ensemble de ces courbes sur un même graphique :
On peut ainsi tracer l’ensemble de ces courbes sur un même graphique :


Sur cette figure, on remarque que les deux critères sont très proches et que les deux courbes coïncident pour chaque sommet de l’hexagone de Tresca, c’est-à-dire que les deux critères prédisent un seuil de plasticité identique en traction comme en compression.
sur cette figure, on remarque que les deux critères sont très proches et que les deux courbes coïncident pour chaque sommet de l’[[hexagone]] de Tresca, c’est-à-dire que les deux critères prédisent un seuil de plasticité identique en traction comme en compression.
Ce constat est observé en général pour tous les matériaux hormis pour les polymères car ces derniers sont sensibles à la pression hydrostatique.
Ce constat est observé en général pour tous les matériaux hormis pour les polymères car ces derniers sont sensibles à la [[pression hydrostatique]].


=== Effet de la pression hydrostatique sur le seuil de plasticité ===
=== Effet de la pression hydrostatique sur le seuil de plasticité ===
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* le seuil de plasticité σy en traction est plus faible que celui en compression uniaxiale. En effet, la contrainte de compression augmente fortement entre les unités constitutives du polymère et donc le glissement va être plus difficile ;
* le seuil de plasticité σy en traction est plus faible que celui en compression uniaxiale. En effet, la contrainte de compression augmente fortement entre les unités constitutives du polymère et donc le glissement va être plus difficile ;


* le seuil de plasticité σy varie fortement avec la pression hydrostatique car les polymères sont sensibles à la pression, du fait de l’existence du volume libre disponible entre les unités constitutives.
* le seuil de plasticité σy croît fortement avec la pression hydrostatique car les polymères sont sensibles à la pression, du fait de l’existence du volume libre disponible entre les unités constitutives.
Expérimentalement, on remarque que le seuil de plasticité croît avec la pression hydrostatique.


Les critères de Von Mises et de Tresca ne tenant pas compte de ces deux effets, nous allons désormais les modifier pour prendre en compte l’influence de pression sur le seuil de plasticité.
Les critères de Von Mises et de Tresca ne tenant pas compte de ces deux effets, nous allons désormais les modifier pour prendre en compte l’influence de pression sur le seuil de plasticité.


=== Critère de Tresca modifié ===
=== Critère de Tresca modifié ===
Pour rendre compte de l’effet hydrostatique dans le critère de Tresca, la valeur critique σc devient une fonction linéaire de la pression hydrostatique, notée P :
Pour rendre compte de l’effet hydrostatique dans le critère de Tresca, la valeur critique σc devient une fonction linéaire de la pression hydrostatique, notée ''P'' :


:σc=σc0 - µ*P (3.7)
:σc=σc0 - µ*''P'' (3.7)


où :
où :
* µ est le coefficient de frottement dépendant du matériau. En général pour les polymères, ce coefficient µ est positif ;
* µ est le coefficient de frottement dépendant du matériau. En général pour les polymères, ce coefficient µ est positif ;
* σc0 est la valeur de σc lorsque aucune pression n’est appliquée ;
* σc0 est la valeur de σc lorsqu'aucune pression n’est appliquée ;
* P est la moyenne des trois contraintes principales : P=(σ1+σ2+σ3)/3.
* ''P'' est la moyenne des trois contraintes principales : ''P''=(σ1+σ2+σ3)/3.
Remarquons que P en tension est positif et P en compression est négatif.
Remarquons que ''P'' en tension est positif et ''P'' en compression est négatif.


Cette formule indique que la valeur critique σyc augmente en compression (la pression P étant négative en compression), et σyt diminue en tension (pression positive). La plasticité en compression est donc plus difficile qu’en traction.
Cette formule indique que la valeur critique σyc augmente en compression (la pression ''P'' étant négative en compression), et σyt diminue en tension (pression positive). La plasticité en compression est donc plus difficile qu’en traction.


=== Critère de Von Mises modifié ===
=== Critère de Von Mises modifié ===
De même que le critère de Tresca, le critère de Von Mises peut se transformer en introduisant la pression hydrostatique P. P étant toujours défini comme la moyenne des trois contraintes principales. Pour la plupart des polymères solides, le critère de Von Mises modifié se formule par :
De même que le critère de Tresca, le critère de Von Mises peut se transformer en introduisant la pression hydrostatique ''P''. ''P'' étant toujours défini comme la moyenne des trois contraintes principales. Pour la plupart des polymères solides, le critère de Von Mises modifié se formule par :
:A*(σ1+σ2+σ3)+ B*((σ1-σ2)² + (σ2-σ3)² + (σ3-σ1)²)=1 (3.8)
:<math>A(\sigma_1+\sigma_2+\sigma_3)+ B((\sigma_1-\sigma_2)^2 + (\sigma_2-\sigma_3)^2 + (\sigma_3-\sigma_1)^2)=1\qquad\text{(3.8)}</math>


où A et B sont deux constantes dépendant de la pression hydrostatique.
''A'' et ''B'' sont deux constantes dépendant de la pression hydrostatique.


On peut déterminer A et B en mesurant les seuils de plasticité en traction uniaxiale σyc et en compression uniaxiale σyt, car dans ces deux cas σ1=σy et σ2=σ3=0.
On peut déterminer ''A'' et ''B'' en mesurant les seuils de plasticité en traction uniaxiale <math>\sigma_{yt}</math> et en compression uniaxiale <math>\sigma_{yc}</math>, car dans ces deux cas <math>\sigma_1=\sigma_y</math> et <math>\sigma_2=\sigma_3=0</math>.


Ainsi, le critère de Von Mises prend la forme suivante :
Ainsi, le critère de Von Mises prend la forme suivante :


:<math>2(\sigma_{yc}-\sigma_{yt})(\sigma_1+\sigma_2+\sigma_3)+(\sigma_1-\sigma_2)^2 + (\sigma_2-\sigma_3)^2 + (\sigma_3-\sigma_1)^2 = 2\sigma_{yc}\sigma_{yt}\qquad\text{(3.9)}</math>
:2*(σyc-σyt)*(σ1+σ2+σ3)+(σ1-σ2)² + (σ2-σ3)² + (σ3-σ1)² = 2*σyc*σyt (3.9)


=== Représentation graphique des critères de Tresca et Von Mises modifiés ===
=== Représentation graphique des critères de Tresca et Von Mises modifiés ===
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On montre alors que :
On montre alors que :


:σ1-ν*σ2 ≥ C + D/(σ1+σ2) (3.10)
:σ1-ν*σ2 ≥ ''C'' + ''D''/(σ1+σ2) (3.10)


avec ν le [[coefficient de Poisson]] et C et D deux constantes fonction du temps et de la température.
avec ν le [[coefficient de Poisson]] et ''C'' et ''D'' deux constantes fonction du temps et de la température.


La représentation graphique subit par conséquent une modification.
La représentation graphique subit par conséquent une modification.


== Paramètres influençant la plasticité ==
== Paramètres influençant la plasticité ==
Les polymères en général ont la capacité de réorienter leurs chaînes à l’instar des autres matériaux ([[Métal|métaux]], [[céramique]]s).
En général, les polymères ont la capacité de réorienter leurs chaînes à l’instar des autres matériaux ([[Métal|métaux]], [[céramique]]s).

Leur comportement mécanique est donc très sensibles à la température et à la vitesse de sollicitation, car ces paramètres influent sur la mobilité des chaînes. Ce sont ces deux paramètres principaux qui agissent par voie de conséquence sur la plasticité.
Leur comportement mécanique est donc très sensible à la température et à la vitesse de sollicitation, car ces paramètres influent sur la mobilité des chaînes. Ce sont ces deux paramètres principaux qui agissent par voie de conséquence sur la plasticité.

D’autre part, la structure des molécules joue également un rôle important sur les propriétés mécaniques. Par exemple, la longueur des chaînes et leurs enchevêtrements vont influer sur la mobilité moléculaire et donc sur la plasticité. Les conditions externes peuvent avoir aussi une influence sur le comportement mécanique.
D’autre part, la structure des molécules joue également un rôle important sur les propriétés mécaniques. Par exemple, la longueur des chaînes et leurs enchevêtrements vont influer sur la mobilité moléculaire et donc sur la plasticité. Les conditions externes peuvent avoir aussi une influence sur le comportement mécanique.


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La température est un paramètre essentiel sur le comportement mécanique. C’est ce paramètre qui est pris en compte pour le tracé des cartes de résistance mécanique. Une telle dépendance s’explique par le fait que la mobilité moléculaire augmente énormément avec la température. En revanche, la limite élastique diminue progressivement quand on augmente la température.
La température est un paramètre essentiel sur le comportement mécanique. C’est ce paramètre qui est pris en compte pour le tracé des cartes de résistance mécanique. Une telle dépendance s’explique par le fait que la mobilité moléculaire augmente énormément avec la température. En revanche, la limite élastique diminue progressivement quand on augmente la température.


Ainsi, le comportement mécanique des polymères à basse température (T<0,8Tg) est un comportement rigide et fragile.
Ainsi, le comportement mécanique des polymères à basse température (''T''< 0,8 ''Tg'') est un comportement rigide et [[fragilité|fragile]]. En revanche, le comportement des polymères est souple et [[ductilité|ductile]] à haute température (''T''> ''Tg''). Cela se traduit par l’absence de [[striction]], d’instabilité plastique et une déformation homogène sous contrainte faible.
En revanche, le comportement des polymères est souple et ductile à haute température (T>Tg).
Cela se traduit par l’absence de striction, d’instabilité plastique et une déformation homogène sous contrainte faible.


Dans la zone de transition ductile/fragile (T~0,8Tg), l’amorce de la plasticité est une cohabitation des deux modes. Pour le [[polycarbonate]], cela se manifeste par une instabilité plastique sans striction.
Dans la [[température de transition fragile-ductile|zone de transition ductile/fragile]] (''T''~0,8 ''Tg''), l’amorce de la plasticité est une cohabitation des deux modes. Pour le [[polycarbonate]], cela se manifeste par une instabilité plastique sans striction.


=== La vitesse de sollicitation ===
=== La vitesse de sollicitation ===
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On peut prendre l’exemple d’un polymère ayant des groupements latéraux encombrants comme des groupes [[phényle]]s et qui par conséquent aurait une mobilité plus faible qu’un polymère peu [[Encombrement stérique|encombré]]. Ainsi, les cinétiques des phénomènes d’endommagement seraient différentes.
On peut prendre l’exemple d’un polymère ayant des groupements latéraux encombrants comme des groupes [[phényle]]s et qui par conséquent aurait une mobilité plus faible qu’un polymère peu [[Encombrement stérique|encombré]]. Ainsi, les cinétiques des phénomènes d’endommagement seraient différentes.


Les conditions de mise en œuvre interviennent également car la présence de défauts, de contraintes internes et l’[[état de surface]] créent une certaine plasticité supplémentaire.
Les conditions de mise en œuvre interviennent également car la présence de défauts, de contraintes internes et l’[[État de surface (mécanique)|état de surface]] créent une certaine plasticité supplémentaire.


=== L’environnement extérieur ===
=== L’environnement extérieur ===
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=== Loi d’Eyring ===
=== Loi d’Eyring ===


Tous les paramètres précédemment cités influent sur la plasticité des polymères. Ces paramètres entrent également en jeu dans la loi d’Eyring.
Tous les paramètres précédemment cités influent sur la plasticité des polymères. Ces paramètres entrent également en jeu dans la loi d’Eyring qui permet, comme les critères de plasticité, de décrire le comportement des polymères amorphes en déformation.

Cette loi permet, tel que les critères de plasticité, de décrire le comportement des polymères amorphes en déformation.
Cette approche de Ree-Eyring date de 1958 et a été développée par Duckett et Bauwens par la suite.
Cette approche de Ree-Eyring date de 1958 et a été développée par Duckett et Bauwens par la suite.
Il s’agit essentiellement d’une loi phénoménologique qui traite la déformation plastique comme un processus d’écoulement visqueux, activé à la fois par la température et le travail des contraintes.
Il s’agit essentiellement d’une loi [[Phénoménologie (science)|phénoménologique]] traitant la déformation plastique comme un processus d’écoulement visqueux, activé à la fois par la température et le travail des contraintes.
Ainsi, les caractéristiques moléculaires de la chaîne polymère ne sont pas seules responsables du processus de déformation.
Ainsi, les caractéristiques moléculaires de la chaîne polymère ne sont pas seules responsables du processus de déformation.


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On montre alors que :
On montre alors que :


:<math> \frac{\sigma y}{T} = \frac{2*k}{V^*} * \ln(\frac{\epsilon'}{\epsilon_0'}) + \frac{2*\Delta G}{T*V^*} </math> (4.1)
:<math> \frac{\sigma_y}{T} = \frac{2k}{V^*} \ln\left(\frac{\epsilon'}{\epsilon_0'}\right) + \frac{2\Delta G}{TV^*} </math> (4.1)


La pression hydrostatique influence le temps de relaxation des chaînes, il convient donc d’en tenir compte dans le calcul. On montre ainsi que la vitesse de déformation devient :
La pression hydrostatique influence le temps de [[relaxation]] des chaînes, il convient donc d’en tenir compte dans le calcul. On montre ainsi que la vitesse de déformation devient :


: <math> \epsilon'= 2*\epsilon_0'*\exp(-\frac{\Delta G}{k*T})*\sinh(\frac{\sigma_c*V^*+p*\Delta v}{k*T}) </math> (4.2)
: <math> \epsilon'= 2\epsilon_0'\exp\left(-\frac{\Delta G}{kT}\right)\sinh\frac{\sigma_cV^*+p\Delta v}{kT} </math> (4.2)


D’après Bauwens-Crowet, on obtient pour le [[polycarbonate]] une série de droites parallèles pour diverses températures.
D’après Bauwens-Crowet, on obtient pour le [[polycarbonate]] une série de droites parallèles pour diverses températures.


L'évolution linéaire de σy/T en fonction de log() confirme la loi de Eyring. Cependant des mesures similaires sur le [[PMMA]] (ou le [[PVC]]), montre l’obtention de courbes et non de droites.
L'évolution linéaire de σ<sub>y</sub>/''T'' en fonction de log() confirme la loi de Eyring. Cependant, des mesures similaires sur le [[Polyméthacrylate de méthyle|PMMA]] (ou le [[Polychlorure de vinyle|PVC]]) montrent l’obtention de courbes et non de droites.


Cette différence peut s’expliquer par l’existence de transitions secondaires omis dans les hypothèses de la théorie de Eyring.
Cette différence peut s’expliquer par l’existence de transitions secondaires omis dans les hypothèses de la théorie de Eyring.
Cela revient à ne pas considérer le travail de la contrainte appliquée sur les groupements latéraux, ce qui est possible avec le PC qui possède des groupements latéraux relativement petits.
Cela revient à ne pas considérer le travail de la contrainte appliquée sur les groupements latéraux, ce qui est possible avec le PC qui possède des groupements latéraux relativement petits.

== Notes et références ==
{{Références}}
{{...}}


== Annexes ==
== Annexes ==
=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
* [[Microscopie électronique à balayage]]
* [[Microscopie électronique à balayage]]
* [[Dégradation d'un polymère]]

=== Liens externes ===
* {{pdf}} [http://www.lpm.u-nancy.fr/webperso/hiver.j/page4/assets/AF-19-001.pdf Endommagement plastique dans les mélanges de polymères]
* [http://irc.nrc-cnrc.gc.ca/pubs/cbd/cbd157_f.html Propriétés et comportement des matières plastiques]
* {{pdf}} [http://mms2.ensmp.fr/mat_paris/deformation/polycop/Ch_17_Cpt_Polymeres.pdf Comportement mécanique des polymères]


=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
* {{fr}} C. G’SELL, J-M. HAUDIN, ''Introduction à la mécanique des polymères'', p. 321-337 & p. 395-402, (1995).
* C. G’Sell, J-M. Haudin, ''Introduction à la mécanique des polymères'', {{p.|321-337 et 395-402}}, (1995).
* {{fr}} C. OUDET, ''Polymères Structure et Propriétés'', ''Introduction'', [[Éditions Masson|Masson]], p. 123-142, (1994).
* C. Oudet, ''Polymères Structure et Propriétés'', ''Introduction'', [[Éditions Masson|Masson]], {{p.|123-142}}, (1994).
* {{en}} E. MILLER, ''Introduction to Plastics and Composites - Mechanical Properties and Engineering Applications'', [[Marcel Dekker]], p. 192-214, (1996) {{ISBN|0-8247-9663-2}}.
* {{en}} E. Miller, ''Introduction to Plastics and Composites - Mechanical Properties and Engineering Applications'', [[Marcel Dekker]], {{p.|192-214}}, (1996) {{ISBN|0-8247-9663-2}}.
* {{fr}} M. FONTANILLE, Y. GNANOU, ''Chimie et physico-chimie des polymères'', [[Éditions Dunod|Dunod]], p. 426-427, (2002).
* M. Fontanille, Y. Gnanou, ''Chimie et physico-chimie des polymères'', [[Éditions Dunod|Dunod]], {{p.|426-427}}, (2002).
* {{fr}} G. EHRENSTEIN, F. MONTAGNE, ''Matériaux polymères - structure propriétés et applications'', [[Hermes Science Publishing]], p. 133-147, (2000).
* G. Ehrenstein, F. Montagne, ''Matériaux polymères - structure propriétés et applications'', Hermes Science Publishing, {{p.|133-147}}, (2000).
* {{fr}} H-H. KAUSCH, N. HEYMANS, C. J. PLUMMER, P.DECROLY, ''Matériaux polymères : propriétés mécaniques et physiques'', Traité des matériaux, tome 14, [[Presses Polytechniques et Universitaires Romandes]], p. 275-388, (2001).
* H-H. Kausch, N. Heymans, C.J. Plummer, P. Decroly, ''Matériaux polymères : propriétés mécaniques et physiques'', Traité des matériaux, tome 14, [[Presses Polytechniques et Universitaires Romandes]], {{p.|275-388}}, (2001).
* {{en}} H-H. KAUSCH, ''Intrinsic Molecular Mobility and Toughness of Polymers'', [[Springer Verlag]], p. 1-35, (2005).
* {{en}} H-H. Kausch, ''Intrinsic Molecular Mobility and Toughness of Polymers'', [[Springer Verlag]], {{p.|1-35}}, (2005).
* {{en}} I.M. WARD, J. SWEENEY, ''An introduction of the mechanical properties of solid polymers'', second edition, [[John Wiley & Sons]], p. 238-239 & p 281-295, (1984).
* {{en}} I.M. Ward, J. Sweeney, ''An introduction of the mechanical properties of solid polymers'', second edition, [[John Wiley & Sons]], {{p.|238-239 et 281-295}}, (1984).
* {{fr}} C. OUDET, ''Polymères, Structure et propriétés - Introduction'', p. 132-142, (1994).
* C. Oudet, ''Polymères, Structure et propriétés - Introduction'', {{p.|132-142}}, (1994).
* {{fr}} P. COMBETTE, I. ERNOUTT, ''Physique des polymères'', tome II, Propriétés mécaniques, [[Hermann (éditions)|Hermann]], Ch XI, p. 337-384, (2005).
* P. Combette, I. Ernoutt, ''Physique des polymères'', tome II, Propriétés mécaniques, [[Hermann (éditions)|Hermann]], Ch XI, {{p.|337-384}}, (2005).


=== Liens externes ===
* {{pdf}} [http://mms2.ensmp.fr/mat_paris/deformation/polycop/Ch_17_Cpt_Polymeres.pdf Comportement mécanique des polymères]


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Version du 6 janvier 2024 à 01:32

Les polymères sont des matériaux complexes dont le comportement face à la pression varie : sous de faibles contraintes, ils réagissent en se déformant de manière élastique et viscoélastique ; sinon, ils suivent un comportement plastique dont il résulte ce qu'on appelle de l'endommagement. Au niveau macroscopique, les phénomènes de déformation plastique se traduisent principalement par l’apparition de bandes de cisaillement et/ou de craquelures.

La plasticité est influencée par divers paramètres que sont principalement la température et la vitesse de sollicitation. Elle n’est pas forcément néfaste pour les polymères, cependant au-delà du seuil de plasticité (défini par les échelles de Tresca ou de Von Mises), l’endommagement nuit aux propriétés mécaniques (rigidité, résistance mécanique) et peut mener à la rupture de la pièce.

Courbe contrainte-déformation

Pour comprendre le comportement d'un matériau polymère lors d'une sollicitation en traction par exemple, et donc prédire sa rupture, les polyméristes s'appuient sur des courbes décrivant l'évolution de la contrainte en fonction de la déformation. Ces courbes, décrivant le comportement mécanique, sont découpées en différents domaines.

Robert Hooke.

Pour des petites déformations, le polymère suit un comportement linéaire décrit par la loi de Hooke :

.

C'est le domaine élastique.

Pour des déformations légèrement supérieures, on entre dans le domaine viscoélastique.

Le seuil de plasticité, noté y, représente la limite entre le domaine élastique et le domaine plastique. Typiquement, ce seuil intervient aux environs de 5 à 15 % de déformation.

Pour le domaine plastique, on distingue différentes zones :

  • l'apparition de la striction, où la déformation plastique est instable du fait de la localisation des déformations. Cette striction est générée par les bandes de cisaillement ;
  • la zone d'étirage, qui s'étend sur de grandes déformations et qui correspond à l'allongement et à l'alignement des chaînes de polymère à contrainte constante ;
  • le durcissement final, étape durant laquelle les chaînes sont en extension ;
  • la rupture, où le polymère cède.

Observations macroscopiques de l’endommagement

Les bandes de cisaillement

Lorsque l’on déforme un matériau polymère par cisaillement, ce dernier peut réagir de deux manières différentes. La déformation se répartit soit de manière homogène, comme c’est le cas avec la plupart des polymères thermoplastiques, soit elle est fortement localisée et visible sous forme de fines bandes, appelées bandes de cisaillement (shear band en anglais). Leur épaisseur varie de quelques micromètres à un millimètre.

On remarque dans la plupart des cas que les bandes de cisaillement sont inclinées par rapport à la direction de traction d’un angle de 45° environ, car c’est dans ce plan que la contrainte de cisaillement est maximale (Facteur de Schmid (en)).

Le type de polymère conditionne à la fois l’apparition ou non de bandes de cisaillement, et la vitesse de déformation et la température à laquelle la déformation a lieu. Ainsi, pour des températures inférieures à 0,8.Tg, on a un comportement homogène ; au-delà, les déformations deviennent localisées.

Ce mécanisme d’endommagement est souvent plus faible pour des essais de traction. En effet, les craquelures sont alors prédominantes. À l’inverse, pour un essai de compression, les bandes de cisaillement l’emportent.

L’apparition des bandes de cisaillement s’accompagne d’un adoucissement, c’est-à-dire d’un ramollissement du matériau, ce qui se traduit par une chute de la contrainte. Ensuite, plus la contrainte augmente et plus le nombre de bandes de cisaillement augmente, et donc la déformation du matériau.

Les craquelures

Les craquelures (craze en anglais) définissent la tenue à la rupture des polymères. La formation de craquelures est appelée craquelage (crazing en anglais).

L’hypothèse isovolumique habituellement pratiquée dans les études de déformation des matériaux (comme les métaux) n’est pas valable pour les polymères. En effet, lors d’un essai de traction sur ces derniers, du vide se forme au sein des chaînes, d'où une augmentation du volume total.

Une craquelure est constituée majoritairement de vacuoles (zones de vide pouvant atteindre 30 à 40 % du volume total) et autour desquelles on observe des fibrilles (chaînes macromoléculaires orientées). Ces dernières ont un comportement mécanique particulier expliquant les phénomènes de rupture du matériau. On peut observer les craquelures par microscopie électronique à balayage.

Les craquelures sont le fruit d’un processus de transformation d’énergie. En effet, les deux surfaces de part et d’autre de la craquelure emmagasinent des énergies de surface de rupture ; énergie auparavant stockée sous forme élastique dans le matériau. Donc les craquelures sont bénéfiques car elles absorbent l’énergie mécanique, renforçant ainsi le polymère et évitant parfois la rupture.

La nucléation

L’approche de la nucléation des craquelures est problématique. En effet, sur le plan physique, on constate une discontinuité des propriétés mécaniques (telle que la densité), ce qui pose problème. Il s’agit néanmoins d’un mécanisme de cavitation.

La nucléation a toujours lieu dans une zone affaiblie, c’est-à-dire où il y a des impuretés, une densité d’enchevêtrements plus faible ou un défaut géométrique (fissure). Il s’agit donc souvent d’une zone de concentration de contraintes.

Remarquons que pour les alliages de polymères, comme le polystyrène choc, le phénomène de craquelure est important compte tenu du nombre élevé de sites de nucléation. On remarque d’autre part, qu’expérimentalement la nucléation est plus faible pour des polymères fortement orientés ; pour les résines thermodurcissables, le réseau est tellement réticulé que les craquelures ne peuvent pas apparaître.

Les craquelures sont également impossibles si l'on exerce une compression, car alors la pression exercée empêche la création de vide. Enfin, ce phénomène ne se produit que pour des températures de l’ordre de 0,8.Tg.

Les craquelures extrinsèques naissent localement dans les zones affaiblies, parfois avant le seuil de plasticité ; les craquelures intrinsèques apparaissent dans le volume tout entier pour des températures très proches de la température de transition vitreuse (Tg).

Numériquement, on peut établir une valeur limite d’apparition des craquelures.

La croissance

La croissance des craquelures s’explique plus facilement par deux mécanismes régissant l’allongement des fibrilles sous contrainte. Le premier est un mécanisme de fluage qui entraîne la croissance des craquelures perpendiculairement à la direction d’étirement. Le deuxième repose sur l’approvisionnement de la matière située dans la masse totale du polymère.

Typiquement, l’allongement peut atteindre des valeurs de 500 %, le diamètre des fibrilles restant constant (10 nm). Pour le taux de vide dans une craquelure, cela s’élève à 50 voire 80 %.

Le mécanisme d’extraction de matière est prépondérant pour la croissance des craquelures, cependant le mécanisme minoritaire de fluage a une importance capitale dans la rupture finale du matériau.

D’un point de vue mécanique, un polymère infesté de craquelures n’est pas ruiné ; au contraire, la présence des fibrilles permet aux craquelures de soutenir une charge dans la direction perpendiculaire à leurs faces.

Craquelures et rupture

La présence de craquelures au sein d’un matériau polymère n’est pas néfaste comme nous venons de le voir. Cependant, si les fibrilles des craquelures se rompent, le polymère se dirige tout droit vers sa ruine.

La rupture des fibrilles est liée au désenchevêtrement puis à la rupture des chaînes de polymères. Suivant la température, on distingue deux modes de rupture :

  • à basse température (T < Ttransition secondaire), la rupture se produit à n’importe quel endroit de la fibrille ;
  • à haute température (T > Ttransition secondaire), la rupture a lieu au milieu des fibrilles.

La craquelure devient alors une microfissure qui croît jusqu’à la rupture.

Compétition entre bandes de cisaillement et craquelures

Suivant le type d’essai réalisé sur l’échantillon, on observe en traction majoritairement des craquelures et en compression des bandes de cisaillement.

Lors d’un essai de compression, les craquelures ne peuvent se former ; ce sont donc les bandes de cisaillement qui l’emportent et qui se développent. A contrario, en traction, les craquelures apparaissent pour des valeurs de déformations inférieures à 10 % ; ce qui limite le développement des bandes de cisaillement.

Le polystyrène est un bel exemple de cette compétition. En effet, il a un comportement fragile en traction (lié à la présence de crazes se transformant en fissures et amenant à la rupture) alors qu’il est ductile en compression (car les bandes de cisaillement entraînent un ramollissement du matériau).

On peut également assister à une osmose entre les phénomènes. En effet, des craquelures peuvent générer des bandes de cisaillement.

Carte de résistance mécanique

Devant la diversité et l’interaction des phénomènes mis en jeu lors d’une déformation, il est très utile, pour un ingénieur, de pouvoir utiliser une « carte » afin de prévoir le comportement d’un polymère pour une sollicitation donnée, à une température donnée. On peut déterminer alors facilement comment se comportera le matériau polymère après sa mise en œuvre, par exemple.

On peut trouver des exemples de carte de résistance comme pour le PMMA. Elle est généralisable à tous les polymères thermoplastiques amorphes.

Toutefois, cette carte n’est pas universelle et des mécanismes de rupture prématurée peuvent avoir lieu en présence de défauts indésirables, par exemple. Il faut donc l’utiliser avec parcimonie.

Apparition de la plasticité : seuil et critères de plasticité

La définition de la contrainte de glissement au seuil de plasticité est générale et valable pour la majorité des matériaux. Comme nous l’avons évoqué précédemment, en dehors du domaine élastique, les déformations dues à la présence des plans de glissement deviennent irréversibles.

Pour mieux détailler l’aspect mécanique des déformations, on considérera un essai de traction uniaxial.

La force F, faisant un angle α avec la normale au plan de glissement et un angle θ avec la direction de glissement, alors sa composante dans la direction de glissement est F*cos(θ).

Ainsi, la contrainte exercée sur la surface A du plan, appelée contrainte de cisaillement ou de glissement, ou encore scission s’écrit :

σ =(F/A)*cos(θ)*cos(α) = σtraction*cos(θ)*cos(α) (3.1)

Seuil de plasticité

Si on augmente la force F à partir de zéro, la déformation plastique du cristal commence à se produire pour une valeur maximale de σc (scission critique de glissement). En général, on peut montrer que le début de la plasticité a lieu lorsque le seuil de plasticité vaut :

σy = 2*σc (3.2)

Certains polymères ne présentent pas de seuil de plasticité σy. C’est le cas des polymères fragiles où l’échantillon casse au stade viscoélastique, ou des élastomères dont le comportement est hyperélastique. Si ce seuil de plasticité σy n’existe pas, on montre que la déformation plastique débute pour des valeurs de l’ordre de 5 à 10 %.

Critères de plasticité généraux

On considère le cas d’une déformation uniaxiale (traction-compression), ce qui permet de définir un seuil de plasticité σy en traction ou compression.

On établit alors un critère de plasticité attaché à une notion de valeur critique, à partir de laquelle se produit une déformation irréversible.

Deux des plus courants critères sont détaillés ici :

Pour simplifier les choses, on choisit les trois axes principaux orthogonaux, tels que les contraintes de cisaillement soient nulles. Le tenseur des contraintes devient :

(3.3)

Le critère de Tresca

Henri Tresca.

Le critère de Tresca, établi en 1867, spécifie qu'un matériau va se déformer plastiquement lorsque la contrainte de cisaillement maximale atteint une valeur critique σc. Si les trois contraintes principales sont telles que σ1 >σ2 >σ3, le critère de Tresca s’écrit :

(σ1-σ3)=2*σc=σy (3.4)

Le critère de Von Mises

Le critère de Von Mises, établi en 1913, prédit que la déformation plastique débute lorsque l’énergie de distorsion atteint une valeur critique ; il peut s’écrire par une relation entre les contraintes principales :

(σ1-σ2)² + (σ2-σ3)² + (σ3-σ1)² = 2*σy² (3.5)

Représentation graphique des critères de Tresca et de Von Mises

Représentation graphique des critères de Von Mises et de Tresca

Pour simplifier les calculs des deux critères, on annule la contrainte σ3. Le critère de Von Mises devient donc :

(σ1/σy)² + (σ2/σy)² - (σ1/σy)*(σ2/σy) = 1 (3.6)

Ceci est l’équation d’une ellipse.

De même, le critère de Tresca se traduit par six segments de droites :

  • Si σ1>σ2>0 → σ1=σy
  • Si σ1>0>σ2 → σ1-σ2=σy
  • Si 0>σ1>σ2 → σ2=-σy
  • Si σ2>σ1>0 → σ2=σy
  • Si σ2>0>σ1 → σ2-σ1=σy
  • Si 0>σ2>σ1 → σ1=-σy

On peut ainsi tracer l’ensemble de ces courbes sur un même graphique :

sur cette figure, on remarque que les deux critères sont très proches et que les deux courbes coïncident pour chaque sommet de l’hexagone de Tresca, c’est-à-dire que les deux critères prédisent un seuil de plasticité identique en traction comme en compression. Ce constat est observé en général pour tous les matériaux hormis pour les polymères car ces derniers sont sensibles à la pression hydrostatique.

Effet de la pression hydrostatique sur le seuil de plasticité

Expérimentalement, on constate pour la plupart des polymères que :

  • le seuil de plasticité σy en traction est plus faible que celui en compression uniaxiale. En effet, la contrainte de compression augmente fortement entre les unités constitutives du polymère et donc le glissement va être plus difficile ;
  • le seuil de plasticité σy croît fortement avec la pression hydrostatique car les polymères sont sensibles à la pression, du fait de l’existence du volume libre disponible entre les unités constitutives.

Les critères de Von Mises et de Tresca ne tenant pas compte de ces deux effets, nous allons désormais les modifier pour prendre en compte l’influence de pression sur le seuil de plasticité.

Critère de Tresca modifié

Pour rendre compte de l’effet hydrostatique dans le critère de Tresca, la valeur critique σc devient une fonction linéaire de la pression hydrostatique, notée P :

σc=σc0 - µ*P (3.7)

où :

  • µ est le coefficient de frottement dépendant du matériau. En général pour les polymères, ce coefficient µ est positif ;
  • σc0 est la valeur de σc lorsqu'aucune pression n’est appliquée ;
  • P est la moyenne des trois contraintes principales : P=(σ1+σ2+σ3)/3.

Remarquons que P en tension est positif et P en compression est négatif.

Cette formule indique que la valeur critique σyc augmente en compression (la pression P étant négative en compression), et σyt diminue en tension (pression positive). La plasticité en compression est donc plus difficile qu’en traction.

Critère de Von Mises modifié

De même que le critère de Tresca, le critère de Von Mises peut se transformer en introduisant la pression hydrostatique P. P étant toujours défini comme la moyenne des trois contraintes principales. Pour la plupart des polymères solides, le critère de Von Mises modifié se formule par :

A et B sont deux constantes dépendant de la pression hydrostatique.

On peut déterminer A et B en mesurant les seuils de plasticité en traction uniaxiale et en compression uniaxiale , car dans ces deux cas et .

Ainsi, le critère de Von Mises prend la forme suivante :

Représentation graphique des critères de Tresca et Von Mises modifiés

Graphiquement, le critère de Von Mises modifié s'apparente à une ellipse déformée au sein de laquelle s'inscrit toujours le critère de Tresca.

Les critères classiques prédisaient un seuil de plasticité identique en traction ou en compression, or il s’avère que les critères modifiés imposent un seuil de plasticité supérieur en compression qu’en traction.

Par analogie avec les critères de plasticité de Tresca et Von Mises, on peut établir un critère d’endommagement par craquelures étant donné que les craquelures apparaissent au-delà d’une déformation critique fonction de la pression hydrostatique. On peut ensuite relier cette déformation à la contrainte par la loi de Hooke (1.1). On montre alors que :

σ1-ν*σ2 ≥ C + D/(σ1+σ2) (3.10)

avec ν le coefficient de Poisson et C et D deux constantes fonction du temps et de la température.

La représentation graphique subit par conséquent une modification.

Paramètres influençant la plasticité

En général, les polymères ont la capacité de réorienter leurs chaînes à l’instar des autres matériaux (métaux, céramiques).

Leur comportement mécanique est donc très sensible à la température et à la vitesse de sollicitation, car ces paramètres influent sur la mobilité des chaînes. Ce sont ces deux paramètres principaux qui agissent par voie de conséquence sur la plasticité.

D’autre part, la structure des molécules joue également un rôle important sur les propriétés mécaniques. Par exemple, la longueur des chaînes et leurs enchevêtrements vont influer sur la mobilité moléculaire et donc sur la plasticité. Les conditions externes peuvent avoir aussi une influence sur le comportement mécanique.

La température

La température est un paramètre essentiel sur le comportement mécanique. C’est ce paramètre qui est pris en compte pour le tracé des cartes de résistance mécanique. Une telle dépendance s’explique par le fait que la mobilité moléculaire augmente énormément avec la température. En revanche, la limite élastique diminue progressivement quand on augmente la température.

Ainsi, le comportement mécanique des polymères à basse température (T< 0,8 Tg) est un comportement rigide et fragile. En revanche, le comportement des polymères est souple et ductile à haute température (T> Tg). Cela se traduit par l’absence de striction, d’instabilité plastique et une déformation homogène sous contrainte faible.

Dans la zone de transition ductile/fragile (T~0,8 Tg), l’amorce de la plasticité est une cohabitation des deux modes. Pour le polycarbonate, cela se manifeste par une instabilité plastique sans striction.

La vitesse de sollicitation

En ce qui concerne l’influence de la vitesse de sollicitation, l’évolution de comportement mécanique des polymères en vitesse de sollicitation est presque équivalente à l’évolution de comportement mécanique des polymères en température. Plus la vitesse de sollicitation est élevée, et plus les polymères sont rigides et fragiles. En revanche, ils sont souples et ductiles à vitesse de sollicitation lente.

La vitesse de sollicitation agit principalement sur la vitesse de déformation du polymère. Par conséquent au niveau des craquelures, plus la vitesse sera lente et plus les chaînes auront le temps de se réorienter au sein des craquelures pour créer des microcavités dans tout l’échantillon.

La pression hydrostatique

Entre les unités constitutives d’un polymère, il existe un volume, appelé volume libre, sur lequel l’exercice d’une pression modifie considérablement les propriétés mécaniques, en l’occurrence la contrainte critique.

La structure moléculaire

La nature et la structure d’un matériau polymère influent sur la plasticité. Par exemple, la longueur et la mobilité des chaînes, mais surtout les degrés d’enchevêtrement, de cristallinité et de réticulation agissent sur la faculté plus ou moins grande de pouvoir se déformer.

Également l’orientation moléculaire et la nature des renforts sont des paramètres influents. On peut prendre l’exemple d’un polymère ayant des groupements latéraux encombrants comme des groupes phényles et qui par conséquent aurait une mobilité plus faible qu’un polymère peu encombré. Ainsi, les cinétiques des phénomènes d’endommagement seraient différentes.

Les conditions de mise en œuvre interviennent également car la présence de défauts, de contraintes internes et l’état de surface créent une certaine plasticité supplémentaire.

L’environnement extérieur

Un autre paramètre pouvant influencer la plasticité des polymères est l’environnement dans lequel il est utilisé. En effet, la teneur en eau du milieu ainsi que la présence d’agents chimiques peuvent agir sur la résistance et la rigidité du matériau. Par exemple, la résistance et la rigidité diminue lorsque la teneur en eau augmente pour les polyamides.

De même, si le polymère est en contact avec un gaz ou s’il est irradié par des rayons α, rayons β ou rayons γ (radioactivité) ; cela aura des conséquences sur l’endommagement du polymère et le conduira à la ruine.

Loi d’Eyring

Tous les paramètres précédemment cités influent sur la plasticité des polymères. Ces paramètres entrent également en jeu dans la loi d’Eyring qui permet, comme les critères de plasticité, de décrire le comportement des polymères amorphes en déformation.

Cette approche de Ree-Eyring date de 1958 et a été développée par Duckett et Bauwens par la suite. Il s’agit essentiellement d’une loi phénoménologique traitant la déformation plastique comme un processus d’écoulement visqueux, activé à la fois par la température et le travail des contraintes. Ainsi, les caractéristiques moléculaires de la chaîne polymère ne sont pas seules responsables du processus de déformation.

Grâce à ce modèle, on est en mesure de calculer le seuil de plasticité en le reliant au temps de relaxation d’une portion de chaîne moléculaire ainsi qu’à la barrière d’énergie intermoléculaire.

On montre alors que :

(4.1)

La pression hydrostatique influence le temps de relaxation des chaînes, il convient donc d’en tenir compte dans le calcul. On montre ainsi que la vitesse de déformation devient :

(4.2)

D’après Bauwens-Crowet, on obtient pour le polycarbonate une série de droites parallèles pour diverses températures.

L'évolution linéaire de σy/T en fonction de log() confirme la loi de Eyring. Cependant, des mesures similaires sur le PMMA (ou le PVC) montrent l’obtention de courbes et non de droites.

Cette différence peut s’expliquer par l’existence de transitions secondaires omis dans les hypothèses de la théorie de Eyring. Cela revient à ne pas considérer le travail de la contrainte appliquée sur les groupements latéraux, ce qui est possible avec le PC qui possède des groupements latéraux relativement petits.

Notes et références

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

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Liens externes