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« Embuscade de Palestro » : différence entre les versions

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{{confusion|texte=Il ne faut pas confondre l'embuscade de Palestro de 1956 avec l'[[Révolte des Mokrani#Déroulement|Insurrection de Palestro]] de 1871 ni avec la [[bataille de Palestro]] (Italie) en 1859.}}
{{confusion|texte=Il ne faut pas confondre l'embuscade de Palestro de 1956 avec l'[[Révolte de Mokrani#Le déroulement de l'insurrection|Insurrection de Palestro]] de 1871 ni avec la [[bataille de Palestro]] (Italie) en 1859.}}
{{Infobox Conflit militaire
{{Infobox Conflit militaire
| image = Palestro ambush map-fr.svg
| image = Palestro ambush map-fr.svg
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| commandant1 = [[Sous-lieutenant]] Hervé Artur
| commandant1 = [[Sous-lieutenant]] Hervé Artur
| commandant2 = [[lieutenant (grade militaire)|Lieutenant]] [[Ali Khodja]]
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| forces1 = 21 [[Troupes de marine française|marsouins]] ([[9e régiment d'infanterie coloniale|2/9{{e}} RIC]])
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| forces2 = ~ 40 hommes<ref name="memo">[http://www.memoria.dz/avr-2013/guerre-liberation/un-succ-s-retentissant-commando-ali-khodja Un succès retentissant du commando Ali Khodja, Embuscade du 18 mai 1956 dans les gorges de Lakhdaria], site memoria.dz, consulté le 2 juin 2013.</ref>
| forces2 = ~ 40 hommes<ref name="memo">[http://www.memoria.dz/avr-2013/guerre-liberation/un-succ-s-retentissant-commando-ali-khodja Un succès retentissant du commando Ali Khodja, Embuscade du 18 mai 1956 dans les gorges de Lakhdaria], site memoria.dz, consulté le 2 juin 2013.</ref>
| pertes1 =17 morts<br />2 disparus<br />1 prisonnier tué accidentellement lors de sa libération<br />1 prisonnier libéré<ref name="Branche-2010-7">{{harvsp|Branche|2010|p=7}}.</ref></div>
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| géolocalisation = Algérie/Afrique
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L''''embuscade de Palestro''', ou '''embuscade de Djerrah''', est un engagement militaire qui a lieu le {{date|18|mai|1956}}, durant la [[guerre d’Algérie]], à proximité du village de Djerrah dans la région de [[Palestro (Algérie)|Palestro]] (aujourd'hui [[Lakhdaria]]) en [[Kabylie]] au cours duquel une section d'une quarantaine d'hommes de l’[[Armée de libération nationale (Algérie)|Armée de libération nationale]] (ALN), commandée par le lieutenant [[Ali Khodja]], tend une embuscade à une section de vingt-et-un hommes du [[9e régiment d'infanterie coloniale|{{9e|régiment}} d'infanterie coloniale]] de l'Armée française, commandée par le sous-lieutenant Hervé Artur.
L''''embuscade de Palestro''', ou '''embuscade de Djerrah''', est un engagement militaire qui a lieu le {{date|18|mai|1956}}, durant la [[guerre d’Algérie]], à proximité du village de Djerrah dans la région de Palestro (aujourd'hui [[Lakhdaria]]) en [[Kabylie]] au cours duquel une section d'une quarantaine d'hommes de l’[[Armée de libération nationale (Algérie)|Armée de libération nationale]] (ALN), commandée par le lieutenant [[Ali Khodja]], tend une embuscade à une section de vingt-et-un hommes du [[9e régiment d'infanterie de marine|{{9e|régiment}} d'infanterie coloniale]] de l'Armée française, commandée par le sous-lieutenant Hervé Artur.


L'affrontement se solde par l'anéantissement de presque toute l'unité française, un seul soldat ayant la vie sauve ; les pertes de l'unité algérienne, inconnues, sont estimées à un mort et éventuellement un blessé, peut-être quelques morts.
L'affrontement se solde par l'anéantissement de presque toute l'unité française, un seul soldat ayant la vie sauve ; les pertes de l'unité algérienne, inconnues, sont estimées à un mort et éventuellement un blessé, peut-être quelques morts.
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== Contexte historique ==
== Contexte historique ==


Depuis le {{1er|novembre}} 1954 et la [[Toussaint rouge]], l'Algérie est en guerre. Alors que l'insurrection armée menée par le [[Front de libération nationale (Algérie)|FLN]] prend de plus en plus d'ampleur, les effectifs de l'armée française baissent en raison du retour des troupes marocaines dans leur pays [[Histoire du Maroc#De l'idée d'indépendance à l'indépendance réelle|redevenu indépendant]], de la libération des soldats du contingents maintenus sous les drapeaux et de l'accroissement du nombre de désertions des spahis et tirailleurs algériens, le [[Président du Conseil (France)|président du Conseil]] [[Guy Mollet]] se résout au rappel des disponibles du contingent afin d'augmenter les effectifs militaires en Algérie de {{nombre|200000|soldats}}<ref name="Harbi-Stora">{{chapitre|prénom1=Jean-Charles|nom1=Jauffret|titre chapitre=Le mouvement des rappelés en 1955-1956 |auteurs ouvrage=[[Mohammed Harbi]] et [[Benjamin Stora]]|titre ouvrage=La Guerre d'Algérie|lieu=Paris|éditeur=Robert Laffont|lien éditeur=Éditions Robert Laffont|année=2004|collection=Pluriel|passage=202-203}}.</ref>. Élu depuis peu pour garantir la {{citation|paix en Afrique du nord}}, il planifie néanmoins une politique répressive et refuse toute négociation au sujet de l'indépendance avant l'obtention d'un cessez-le-feu ; et pour la première fois un gouvernement socialiste, soutenu par les communistes, décide l’envoi du contingent<ref>{{Chapitre|prénom1=François|nom1=Buton|titre chapitre=Quand les disponibles ne veulent pas l’être. Le « Mouvement des rappelés » pendant la guerre d’Algérie|auteurs ouvrage= André Loez et Nicolas Mariot|titre ouvrage=Obéir/désobéir : les Mutineries de 1917 en perspective|éditeur=La Découverte|lien éditeur= La Découverte|année=2008|pages totales=448|passage=2|isbn=978-2707156198|lire en ligne=http://www.cepel.univ-montp1.fr/IMG/pdf_Buton_2008_Obeir.pdf|consulté le=2 juin 2013}}.</ref>. En mai 1956, les premiers [[Appelé du contingent (guerre d'Algérie)|rappelés]] débarquent en Algérie<ref name="Harbi-Stora" />.
Depuis le {{date-|1|novembre|1954}} et la [[Toussaint rouge]], l'Algérie est en guerre. Alors que l'insurrection armée menée par le [[Front de libération nationale (Algérie)|FLN]] prend de plus en plus d'ampleur, les effectifs de l'armée française baissent en raison du retour des troupes marocaines dans leur pays [[Histoire du Maroc#De l'idée d'indépendance à l'indépendance réelle|redevenu indépendant]], de la libération des soldats du contingents maintenus sous les drapeaux et de l'accroissement du nombre de désertions des spahis et tirailleurs algériens, le [[Président du Conseil (France)|président du Conseil]] [[Guy Mollet]] se résout au rappel des disponibles du contingent afin d'augmenter les effectifs militaires en Algérie de {{nombre|200000|soldats}}<ref name="Harbi-Stora">{{chapitre|prénom1=Jean-Charles|nom1=Jauffret|titre chapitre=Le mouvement des rappelés en 1955-1956 |auteurs ouvrage=[[Mohammed Harbi]] et [[Benjamin Stora]]|titre ouvrage=La Guerre d'Algérie|lieu=Paris|éditeur=Robert Laffont|lien éditeur=Éditions Robert Laffont|année=2004|collection=Pluriel|passage=202-203}}.</ref>. Élu depuis peu pour garantir la {{citation|paix en Afrique du nord}}, il planifie néanmoins une politique répressive et refuse toute négociation au sujet de l'indépendance avant l'obtention d'un cessez-le-feu ; et pour la première fois un gouvernement socialiste, soutenu par les communistes, décide l’envoi du contingent<ref>{{Chapitre|prénom1=François|nom1=Buton|titre chapitre=Quand les disponibles ne veulent pas l’être. Le « Mouvement des rappelés » pendant la guerre d’Algérie|auteurs ouvrage= André Loez et Nicolas Mariot|titre ouvrage=Obéir/désobéir : les Mutineries de 1917 en perspective|éditeur=La Découverte|lien éditeur= La Découverte|année=2008|pages totales=448|passage=2|isbn=978-2707156198|lire en ligne=http://www.cepel.univ-montp1.fr/IMG/pdf_Buton_2008_Obeir.pdf|consulté le=2 juin 2013}}.</ref>. En mai 1956, les premiers [[Appelé du contingent lors de la guerre d'Algérie|rappelés]] débarquent en Algérie<ref name="Harbi-Stora" />.


Le FLN, pour sa part, organise en septembre 1955, très peu de temps après les [[Massacres du Constantinois en 1955|événements de Constantine]], l'une de ses premières opérations de propagande, [[Abane Ramdane]], responsable de la zone d'Alger invitant dans le maquis de Palestro le journaliste [[Robert Barrat (journaliste)|Robert Barrat]], à qui sont présentées les revendications du mouvement indépendantiste ; Barrat y rencontre également des ''djounoud'', ou soldats de l'ALN<ref name="Branche-2010-16-17">{{harvsp|Branche|2010|p=16-17}}.</ref>.
Le FLN, pour sa part, organise en septembre 1955, très peu de temps après les [[Massacres d'août 1955 dans le Constantinois|événements de Constantine]], l'une de ses premières opérations de propagande, [[Abane Ramdane]], responsable de la zone d'Alger invitant dans le maquis de Palestro le journaliste [[Robert Barrat (journaliste)|Robert Barrat]], à qui sont présentées les revendications du mouvement indépendantiste ; Barrat y rencontre également des ''djounoud'', ou soldats de l'ALN<ref name="Branche-2010-16-17">{{harvsp|Branche|2010|p=16-17}}.</ref>.


== Les protagonistes ==
== Protagonistes ==


L'embuscade met aux prises l'[[Armée française]] à l'[[Armée de libération nationale (Algérie)|Armée de libération nationale algérienne]] avec, du côté français, une [[Section (militaire)|section]] du {{2e|[[bataillon]]}} du [[9e régiment d'infanterie coloniale|{{9e|régiment}} d'infanterie coloniale]]<ref name="histoire-politique">{{Lien web
L'embuscade met aux prises l'[[Armée française]] à l'[[Armée de libération nationale (Algérie)|Armée de libération nationale algérienne]] avec, du côté français, une [[Section (militaire)|section]] du {{2e|[[bataillon]]}} du [[9e régiment d'infanterie de marine|{{9e|régiment}} d'infanterie coloniale]]<ref name="histoire-politique">{{Lien web |auteur=Andrea Brazzoduro |titre=Comptes-rendus : , Raphaëlle Branche, ''L’Embuscade de Palestro. Algérie 1956'' |url=http://www.histoire-politique.fr/index.php?numero=1&rub=comptes-rendus&item=300 |site=Histoire@Politique |en ligne le= |jour=18 |mois=mars |année=2011 |consulté le=}}.</ref> commandée par le [[sous-lieutenant]] Hervé Artur et du côté algérien, une partie du commando Ali Khodja, soit plusieurs groupes<ref group=note>Un groupe est composé de onze hommes, un sergent et deux caporaux ({{harvsp|Branche|2010|p=24}}).</ref> comptant au total une quarantaine de ''djounouds'' selon certaines sources<ref name="memo" />.
| auteur = Andrea Brazzoduro
| titre = Comptes-rendus : Raphaëlle Branche, ''L’Embuscade de Palestro. Algérie 1956''
| jour =18
| mois =mars
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| url = http://www.histoire-politique.fr/index.php?numero=1&rub=comptes-rendus&item=300
| site = Histoire@Politique
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}}.</ref> commandée par le [[sous-lieutenant]] Hervé Artur et du côté algérien, une partie du commando Ali Khodja, soit plusieurs groupes<ref group=note>Un groupe est composé de onze hommes, un sergent et deux caporaux ({{harvsp|Branche|2010|p=24}}).</ref> comptant au total une quarantaine de ''djounouds'' selon certaines sources<ref name="memo" />.


[[Fichier:État-major de la wilaya 4 de l'ALN, 1956-1957.jpg|thumb|left|État-major de la wilaya 4 de l'ALN, 1956-1957.]]
[[Fichier:État-major de la wilaya 4 de l'ALN, 1956-1957.jpg|thumb|left|État-major de la wilaya 4 de l'ALN, 1956-1957.]]
[[Ali Khodja]] est né à [[Alger]] le 12 janvier 1933, et en octobre 1955, ils sont trois à déserter de la caserne d'Hussein Dey, emportant avec eux plusieurs armes. Ayant rejoint le maquis de Palestro, dirigé par [[Amar Ouamrane]], Khodja se voit confier le commandement d’une section de l’ALN, forte de cent-dix hommes<ref name="Branche-2010-24">{{harvsp|Branche|2010|p=24}}.</ref>, qui se distinguera rapidement par ses actions<ref name="Branche-2010-20-21">{{harvsp|Branche|2010|p=20-21}}.</ref>, devenant plus tard sous le nom de [[commando Ali Khodja]] l'une des légendes de l'ALN<ref name="Stora">{{ouvrage|langue=|prénom1=Benjamin|nom1=Stora|lien auteur1=Benjamin Stora|titre=Les mots de la guerre d'Algérie|éditeur=Presses universitaires du [[Université Toulouse II-Le Mirail|Mirail]]|lien éditeur=|lieu=Toulouse|année=2005|pages totales=127|passage=38-39|isbn=978-2858167777|lire en ligne={{Google Livres|AnWDLE23YwQC|page=38}}|consulté le=14 août 2011}}.</ref>. Dans le but de récupérer armes et vêtements, l’unité de Khodja, comme toutes les autres unités de l'ALN à cette époque, privilégie les embuscades, qui sont exécutées conformément à la devise {{citation|Frappe, récupère et décroche<ref name="Branche-2010-23,25">{{harvsp|Branche|2010|p=23, 25}}.</ref>}}.
[[Ali Khodja]] est né à [[Alger]] le 12 janvier 1933, et en octobre 1955, ils sont trois à déserter de la caserne d'Hussein Dey, emportant avec eux plusieurs armes. Ayant rejoint le maquis de Palestro, dirigé par [[Amar Ouamrane]], Khodja se voit confier le commandement d’une section de l’ALN, forte de cent-dix hommes<ref name="Branche-2010-24">{{harvsp|Branche|2010|p=24}}.</ref>, qui se distinguera rapidement par ses actions<ref name="Branche-2010-20-21">{{harvsp|Branche|2010|p=20-21}}.</ref>, devenant plus tard sous le nom de [[commando Ali Khodja]] l'une des légendes de l'ALN<ref name="Stora">{{Ouvrage|prénom1=Benjamin|nom1=Stora|lien auteur1=Benjamin Stora|titre=Les mots de la guerre d'Algérie|éditeur=Presses universitaires du [[Université Toulouse-Jean-Jaurès|Mirail]]|lieu=Toulouse|année=2005|pages totales=127|passage=38-39|isbn=978-2-85816-777-7|lire en ligne={{Google Livres|AnWDLE23YwQC|page=38}}|consulté le=14 août 2011}}.</ref>. Dans le but de récupérer armes et vêtements, l’unité de Khodja, comme toutes les autres unités de l'ALN à cette époque, privilégie les embuscades, qui sont exécutées conformément à la devise {{citation|Frappe, récupère et décroche<ref name="Branche-2010-23,25">{{harvsp|Branche|2010|p=23, 25}}.</ref>}}.


Hervé Artur est né à [[Paris]] le {{nobr|17 septembre 1926}} ; après son service militaire en Algérie, il prépare une agrégation de philosophie qu'il abandonne pour un emploi dans une société de transports ; fin avril 1956, il est rappelé à sa demande sous les drapeaux et il est affecté avec le grade de sous-lieutenant au [[9e régiment d'infanterie coloniale|{{9e|régiment}} d'infanterie coloniale]] stationné en Kabylie<ref name="Branche-2010-44,239">{{harvsp|Branche|2010|p=44, 239}}.</ref>. Cet officier qui croit en l’œuvre de pacification de l’armée française assure le commandement d'une section de vingt fantassins composée de deux sergents, de deux caporaux-chefs, de deux caporaux et de quatorze soldats<ref group=note>Bigot et Chorliet, sergents, Galleux et Aurousseau, caporaux-chefs, Poitreau et Hecquet, caporaux, Desruet, Dufour, Caron, Dobœuf, Gougeon, Carpentier, Serreau, François, Villemaux, Chicandre, Nicolas, Daigneaux, David-Nillet et Dumas, soldats ({{harvsp|Branche|2010|p=239-242}}).</ref>, la plupart étant des ouvriers dans le civil<ref name="Branche-2010-44">{{harvsp|Branche|2010|p=44}}.</ref>. Le 18 mai au matin, il part en mission de reconnaissance dans les villages proches d'Ouled Djerrah.
Hervé Artur est né à [[Paris]] le {{nobr|17 septembre 1926}} ; après son service militaire en Algérie, il prépare une agrégation de philosophie qu'il abandonne pour un emploi dans une société de transports ; fin avril 1956, il est rappelé à sa demande sous les drapeaux et il est affecté avec le grade de sous-lieutenant au [[9e régiment d'infanterie de marine|{{9e|régiment}} d'infanterie coloniale]] stationné en Kabylie<ref name="Branche-2010-44,239">{{harvsp|Branche|2010|p=44, 239}}.</ref>. Cet officier qui croit en l’œuvre de pacification de l’armée française assure le commandement d'une section de vingt fantassins composée de deux sergents, de deux caporaux-chefs, de deux caporaux et de quatorze soldats<ref group=note>Bigot et Chorliet, sergents, Galleux et Aurousseau, caporaux-chefs, Poitreau et Hecquet, caporaux, Desruet, Dufour, Caron, Dobœuf, Gougeon, Carpentier, Serreau, François, Villemaux, Chicandre, Nicolas, Daigneaux, David-Nillet et Dumas, soldats ({{harvsp|Branche|2010|p=239-242}}).</ref>, la plupart étant des ouvriers dans le civil<ref name="Branche-2010-44">{{harvsp|Branche|2010|p=44}}.</ref>. Le 18 mai au matin, il part en mission de reconnaissance dans les villages proches d'Ouled Djerrah.


== Chronologie ==
== Chronologie ==
=== 18 mai 1956 : la section Artur en patrouille ===
=== 18 mai 1956 : section Artur en patrouille ===
{{...}}
{{...}}


=== 18 mai 1956 : l'engagement ===
=== 18 mai 1956 : engagement ===
L'embuscade a lieu le vendredi {{date|18|mai|1956}} et dure moins de vingt minutes. Elle se solde par la victoire de l'[[Armée de libération nationale (Algérie)|ALN]].
L'embuscade a lieu le vendredi {{date|18|mai|1956}} et dure moins de vingt minutes. Elle se solde par la victoire de l'[[Armée de libération nationale (Algérie)|ALN]].


Seuls cinq membres de la {{2e|section}} survivent à l'attaque. Il s'agit du [[sergent]] Alain Chorliet, du [[caporal-chef]] Louis Aurousseau, du marsouin Lucien Caron ; les trois sont blessés, ainsi que deux autres marsouins, Jean David-Nillet et Pierre Dumas. Grièvement blessé, Caron est laissé sur place avec les villageois [[kabyles]] du [[douar]], les autres survivants sont emmenés par les [[moudjahid]]in. Les deux blessés sont confiés aux villageois du douar voisin de Bou Zegza, David-Nillet et Dumas sont gardés comme prisonniers par Khodja qui poursuit sa retraite dans les montagnes.
Seuls cinq membres de la {{2e|section}} survivent à l'attaque. Il s'agit du [[sergent]] Alain Chorliet, du [[caporal-chef]] Louis Aurousseau, du marsouin Lucien Caron ; les trois sont blessés, ainsi que deux autres marsouins, Jean David-Nillet et Pierre Dumas. Grièvement blessé, Caron est laissé sur place avec les villageois [[kabyles]] du [[douar]], les autres survivants sont emmenés par les [[moudjahid]]in. Les deux blessés sont confiés aux villageois du douar voisin de Bou Zegza, David-Nillet et Dumas sont gardés comme prisonniers par Khodja qui poursuit sa retraite dans les montagnes.


=== Les mutilations ===
=== Mutilations ===


[[Fichier:Echo d'alger — 1956-05-20.jpg|vignette|Une de ''[[L'Écho d'Alger]]'' du 20 mai 1956 titrant : « 21 jeunes rappelés atrocement massacrés par la population d'un douar passé à la dissidence ».]]
[[Fichier:Echo d'alger — 1956-05-20.jpg|vignette|Une de ''[[L'Écho d'Alger]]'' du 20 mai 1956 titrant : « 21 jeunes rappelés atrocement massacrés par la population d'un douar passé à la dissidence ».]]
Au moment de quitter les lieux de l'embuscade, le soldat Pierre Dumas emmené comme prisonnier, voit arriver des civils du village voisin de Djerrah. La presse d'alors rapporte sans nuance que ces habitants commencèrent à mutiler les soldats. S'il est fait état d'{{Citation|atroces mutilations}}, le déroulement réel n'étant pas connu, elles n'ont pas l'ampleur évoquée. Le sous-lieutenant Artur est égorgé et ses hommes portent des traces de couteau un peu partout sur le corps ; les yeux de certains sont crevés. Tous les cadavres sont marqués au couteau sur les plantes des pieds des trois lettres de l'ALN qui signe le massacre. Les habitants de Djerrah achèvent les mourants et prennent le temps d'émasculer les militaires. Un soldat n'est pas mort, Lucien Caron, est transporté blessé puis abandonné sur le bord de la route<ref name=":0" />.
Au moment de quitter les lieux de l'embuscade, le soldat Pierre Dumas emmené comme prisonnier, voit arriver des civils du village voisin de Djerrah. La presse d'alors rapporte sans nuance que ces habitants commencèrent à mutiler les soldats. Si le déroulement réel des mutilations n’est pas connu, il est fait état d'{{Citation|atroces mutilations}}. Le sous-lieutenant Artur est égorgé et ses hommes portent des traces de couteau un peu partout sur le corps ; les yeux de certains sont crevés. Tous les cadavres sont marqués au couteau sur les plantes des pieds des trois lettres de l'ALN qui signe le massacre. Les habitants de Djerrah achèvent les mourants et prennent le temps d'émasculer les militaires. Un soldat n'est pas mort, Lucien Caron, est transporté blessé puis abandonné sur le bord de la route<ref name=":0" />.


Le détachement parti à leur recherche tombera sur leurs cadavres nus, dépecés, certains visages méconnaissables<ref name=":1" />. 15 cadavres sont retrouvés à {{unité|800|m}} de l'embuscade<ref name=":0">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Raphaëlle|nom1=BRANCHE|titre=L'embuscade de Palestro: Algérie 1956|éditeur=La Découverte|date=2018-01-18|isbn=9782707199904|lire en ligne=https://books.google.ch/books?id=2vVFDwAAQBAJ|consulté le=2019-08-14}}</ref>.
Le détachement parti à la recherche des militaires tombera sur leurs cadavres nus, dépecés, certains visages méconnaissables<ref name=":1" />. Quinze cadavres sont retrouvés à {{unité|800|m}} de l'embuscade<ref name=":0">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Raphaëlle|nom1=[[Raphaëlle Branche|Branche]]|titre=L'embuscade de Palestro|sous-titre=Algérie 1956|éditeur=La Découverte|date=2018-01-18|isbn=978-2-7071-9990-4|lire en ligne=https://books.google.ch/books?id=2vVFDwAAQBAJ|consulté le=2019-08-14}}.</ref>.


Selon [[Bernard Droz]] et [[Évelyne Lever]], {{citation|ces mutilations furent effectuées par les survivants de la population locale, au lendemain d'un ratissage particulièrement brutal<ref name="Droz-Lever">{{ouvrage|prénom1=Bernard|nom1=Droz|prénom2=Évelyne|nom2=Lever|lien auteur1=Bernard Droz|titre=Histoire de la guerre d'Algérie|sous-titre=1954-1962|éditeur=Seuil|lien éditeur=Éditions du Seuil|collection=|lieu=Paris|année=1988|pages totales=383|passage=126|isbn=978-2020061001}}.</ref>}}. Ce point de vue est partagé par [[Yves Courrière]], qui précise que les mutilations eurent lieu {{citation|après la mort des soldats français}}<ref name="Mauss-Copeaux">{{ouvrage|prénom1=Claire|nom1=Mauss-Copeaux|lien auteur1=|titre=Appelés en Algérie|sous-titre=la parole confisquée|éditeur=Hachette|lien éditeur=Hachette Livre|collection=Pluriel|lieu=Paris|année=1998|pages totales=333|passage=118|isbn=978-2012790520}}.</ref>. Certains auteurs concluent a contrario qu'il est difficile de savoir si les morts de Palestro ont été mutilés agonisants ou décédés<ref name=":0" />{{,}}<ref name=":1">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jean|nom1=Sévillia|titre=Les vérités cachées de la Guerre d'Algérie|éditeur=Fayard|date=2018-10-24|isbn=9782213674261|lire en ligne=https://books.google.ch/books?hl=de&id=mLpwDwAAQBAJ|consulté le=2019-08-14}}</ref>.
Selon [[Bernard Droz]] et [[Évelyne Lever]], {{citation|ces mutilations furent effectuées par les survivants de la population locale, au lendemain d'un ratissage particulièrement brutal<ref name="Droz-Lever">{{Ouvrage|prénom1=Bernard|nom1=Droz|lien auteur1=Bernard Droz|prénom2=Évelyne|nom2=Lever|titre=Histoire de la guerre d'Algérie|sous-titre=1954-1962|éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]]|lieu=Paris|année=1988|pages totales=383|passage=126|isbn=978-2-02-006100-1}}.</ref>}}. Ce point de vue est partagé par [[Yves Courrière]], qui précise que les mutilations eurent lieu {{citation|après la mort des soldats français}}<ref name="Mauss-Copeaux">{{Ouvrage|auteur=Claire Mauss-Copeaux|prénom1=Claire|nom1=Mauss-Copeaux|titre=Appelés en Algérie|sous-titre=la parole confisquée|éditeur=[[Hachette Livre|Hachette]]|collection=Pluriel|lieu=Paris|année=1998|pages totales=333|passage=118|isbn=978-2-01-279052-0}}.</ref>. Certains auteurs concluent a contrario qu'il est difficile de savoir si les morts de Palestro ont été mutilés agonisants ou décédés<ref name=":0" />{{,}}<ref name=":1">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jean|nom1=Sévillia|titre=Les vérités cachées de la Guerre d'Algérie|éditeur=Fayard|date=2018-10-24|pages totales=416|isbn=978-2-213-67426-1|lire en ligne=https://books.google.ch/books?hl=de&id=mLpwDwAAQBAJ|consulté le=2019-08-14}}.</ref>.
La chercheuse [[Raphaëlle Branche]] a rencontré des habitants du village qui ont expliqué les mutilations par le désir de vengeance de la [[Révolte de Mokrani|répression de 1870]]<ref name=":0" />.

La chercheuse Raphaëlle Branche a rencontré des habitants du village qui ont expliqué les mutilations par le désir de vengeance de la [[Révolte des Mokrani|répression de 1870]]<ref name=":0" />.
<!-- Les [[Marsouins (militaires)|marsouins]] de la {{6e|compagnie}} du lieutenant Pierre Poinsignon<ref name="jauffret">Jean-Charles Jauffret, ''Soldats en Algérie, 1954-1962 : expériences contrastées des hommes du contingent'', Éditions Autrement, 2000, {{p.|112}}.</ref>, arrivés en renfort, découvrirent les cadavres des soldats français mutilés{{refnec}}-->
<!-- Les [[Marsouins (militaires)|marsouins]] de la {{6e|compagnie}} du lieutenant Pierre Poinsignon<ref name="jauffret">Jean-Charles Jauffret, ''Soldats en Algérie, 1954-1962 : expériences contrastées des hommes du contingent'', Éditions Autrement, 2000, {{p.|112}}.</ref>, arrivés en renfort, découvrirent les cadavres des soldats français mutilés{{refnec}}-->


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Le 19 mai, sans nouvelle de la {{2e|section}}, l'armée française envoie trois bataillons et quatre hélicoptères pour la retrouver. Dans les hélicos, ce sont des éléments du {{4e|escadron}} du [[13e régiment de dragons parachutistes|{{13e|RDP}}]] basé à Dra El Mizan qui vont intervenir héliportés sur place, là où avait eu lieu l'embuscade. {{référence nécessaire|Il y aura des morts}}. Le {{nobr|23 mai}}, les parachutistes du [[1er régiment étranger de parachutistes|{{1er|REP}}]] et du {{référence nécessaire|[[20e bataillon de parachutistes coloniaux|{{20e|BPC}}]]}} retrouvent {{nobr|19 membres}} du commando Ali Khodja retranchés dans une grotte avec les deux prisonniers, près de Tifrène. Un combat s'ensuit au cours duquel {{nobr|16 moudjahidines}} sont tués et trois sont faits prisonniers ; Jean David-Nillet est tué accidentellement lors de l'assaut tandis que Pierre Dumas, blessé, est libéré.
Le 19 mai, sans nouvelle de la {{2e|section}}, l'armée française envoie trois bataillons et quatre hélicoptères pour la retrouver. Dans les hélicos, ce sont des éléments du {{4e|escadron}} du [[13e régiment de dragons parachutistes|{{13e|RDP}}]] basé à Dra El Mizan qui vont intervenir héliportés sur place, là où avait eu lieu l'embuscade. {{référence nécessaire|Il y aura des morts}}. Le {{nobr|23 mai}}, les parachutistes du [[1er régiment étranger de parachutistes|{{1er|REP}}]] et du {{référence nécessaire|[[20e bataillon de parachutistes coloniaux|{{20e|BPC}}]]}} retrouvent {{nobr|19 membres}} du commando Ali Khodja retranchés dans une grotte avec les deux prisonniers, près de Tifrène. Un combat s'ensuit au cours duquel {{nobr|16 moudjahidines}} sont tués et trois sont faits prisonniers ; Jean David-Nillet est tué accidentellement lors de l'assaut tandis que Pierre Dumas, blessé, est libéré.


[[Raphaëlle Branche]] précise en outre que dans l'après-midi qui suit la découverte des cadavres français {{Citation|quarante-quatre Algériens sont [[exécution sommaire|liquidés sommairement]]}} alors que {{Citation|la majorité, de l'aveu même des autorités militaires, sont des fuyards qui cherchent à échapper à l'encerclement organisé par les troupes françaises au nord de l'embuscade}}<ref name="Branche-2010-181">{{harvsp|Branche|2010|p=181}}.</ref> ; par ailleurs, le village de Djerrah, où sont retrouvées des caches d'armes<ref name=":0" />, est détruit en totalité{{refnec}}.
[[Raphaëlle Branche]] précise en outre que dans l'après-midi qui suit la découverte des cadavres français {{Citation|quarante-quatre Algériens sont [[exécution sommaire|liquidés sommairement]]}} alors que {{Citation|la majorité, de l'aveu même des autorités militaires, sont des fuyards qui cherchent à échapper à l'encerclement organisé par les troupes françaises au nord de l'embuscade}}<ref name="Branche-2010-181">{{harvsp|Branche|2010|p=181}}.</ref> ; par ailleurs, le village de Djerrah, où sont retrouvées des caches d'armes<ref name=":0" />, est détruit en totalité<ref>[[Jean Monneret]], « À propos du village de Ouled-Djerrah qui fut rasé », dans sa critique de l'ouvrage de [[Raphaëlle Branche]], [http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2014/01/11/28936026.html]</ref>.


Parfois, l'action de l'[[aspirant]] [[Henri Maillot (militant anticolonialiste)|Maillot]], un militant du [[Parti communiste algérien|PCA]], désertant quelques semaines auparavant avec un camion d'armes, a été mise en relation avec l'embuscade du {{nobr|18 mai 1956}}. Cette hypothèse n'est pas retenue par Raphaëlle Branche qui souligne l'hostilité du [[Front de libération nationale (Algérie)|FLN]] à l'égard de l'initiative de Maillot visant à constituer un maquis dans l'[[Ouarsenis]]<ref>{{citation|Les éléments communistes étaient recherchés par les autorités coloniales et par nous-mêmes : c'était à celui qui les découvrirait le premier. C'était une course de vitesse.}} (Belkacem Bouchafa, responsable des réseaux FLN d'Alger interviewé par [[Jean-Luc Einaudi]] dans ''Pour l’exemple, l’affaire [[Fernand Iveton]]'', [[éditions L’Harmattan]]), 1986 {{ISBN|2-85802-721-8}}, {{p.|72}}.</ref>.
Parfois, l'action de l'[[aspirant]] [[Henri Maillot (militant anticolonialiste)|Maillot]], un militant du [[Parti communiste algérien|PCA]], désertant quelques semaines auparavant avec un camion d'armes, a été mise en relation avec l'embuscade du {{nobr|18 mai 1956}}. Cette hypothèse n'est pas retenue par [[Raphaëlle Branche]] qui souligne l'hostilité du [[Front de libération nationale (Algérie)|FLN]] à l'égard de l'initiative de Maillot visant à constituer un maquis dans l'[[Ouarsenis]]<ref>{{citation|Les éléments communistes étaient recherchés par les autorités coloniales et par nous-mêmes : c'était à celui qui les découvrirait le premier. C'était une course de vitesse.}} (Belkacem Bouchafa, responsable des réseaux FLN d'Alger interviewé par [[Jean-Luc Einaudi]] dans ''Pour l’exemple, l’affaire [[Fernand Iveton]]'', [[éditions L'Harmattan|éditions L’Harmattan]]), 1986 {{ISBN|2-85802-721-8}}, {{p.|72}}.</ref>.


== Suites et conséquences ==
== Suites et conséquences ==
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[[Fichier:Plaque commémorative, monument aux morts, Crosne (Essonne).jpg|vignette|Plaque commémorative du monument aux morts de [[Crosne (Essonne)|Crosne]] comportant le nom de Jean David-Nillet, originaire de cette ville et mort lors de l'assaut donnée par l'armée française pour le libérer.]]
[[Fichier:Plaque commémorative, monument aux morts, Crosne (Essonne).jpg|vignette|Plaque commémorative du monument aux morts de [[Crosne (Essonne)|Crosne]] comportant le nom de Jean David-Nillet, originaire de cette ville et mort lors de l'assaut donnée par l'armée française pour le libérer.]]
Selon l'historien [[Benjamin Stora]] : {{citation|Palestro restera comme la plus célèbre embuscade de la guerre, le symbole de ce qui peut arriver de pire : l'attaque surprise, l'impossibilité de se défendre, la mutilation des cadavres. La hiérarchie militaire saura d'ailleurs utiliser ce traumatisme pour vaincre les réticences}}<ref>Benjamin Stora, ''Les Mots de la guerre d'Algérie'', Presses Universitaires du Mirail, 2005, {{p.|93}}.</ref>.
Selon l'historien [[Benjamin Stora]] : {{citation|Palestro restera comme la plus célèbre embuscade de la guerre, le symbole de ce qui peut arriver de pire : l'attaque surprise, l'impossibilité de se défendre, la mutilation des cadavres. La hiérarchie militaire saura d'ailleurs utiliser ce traumatisme pour vaincre les réticences}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|titre=Les mots de la guerre d'Algérie|prénom1=Benjamin|nom1=Stora|lieu=Toulouse|éditeur=Presses universitaires du Mirail-Toulouse|collection=Mots de|année=2005|pages totales=127|isbn=978-2-858-16777-7|url=https://books.google.fr/books?id=AnWDLE23YwQC&lpg=PP1&hl=fr&pg=PP1#v=onepage&q&f=false}}, {{p.|93}}.</ref>.


En tant que fait de guerre, l'embuscade n'a rien de particulier, se situant, tant du point de vue de la mortalité militaire générale que de la mortalité particulière de l'officier commandant la section, dans les moyennes constatées pour l'année 1956<ref name="Branche-2010-53">{{harvsp|Branche|2010|p=53}}.</ref>. L'événement prendra cependant, dans les jours qui suivent et pour très longtemps, une importance particulière<ref name="histoire-politique" />, intégrant dans l'imaginaire français, aux côtés des [[Massacres du Constantinois en 1955|massacres du Constantinois]] du {{nobr|20 août 1955}} et, un an plus tard, du [[massacre de Melouza]], un triptyque censé symboliser la violence et la sauvagerie des indépendantistes<ref name="Branche-2010-82-83">{{harvsp|Branche|2010|p=82-83}}.</ref>.
En tant que fait de guerre, l'embuscade n'a rien de particulier, se situant, tant du point de vue de la mortalité militaire générale que de la mortalité particulière de l'officier commandant la section, dans les moyennes constatées pour l'année 1956<ref name="Branche-2010-53">{{harvsp|Branche|2010|p=53}}.</ref>. L'événement prendra cependant, dans les jours qui suivent et pour très longtemps, une importance particulière<ref name="histoire-politique" />, intégrant dans l'imaginaire français, aux côtés des [[massacres d'août 1955 dans le Constantinois|massacres du Constantinois]] du {{nobr|20 août 1955}} et, un an plus tard, du [[massacre de Melouza]], un triptyque censé symboliser la violence et la sauvagerie des indépendantistes<ref name="Branche-2010-82-83">{{harvsp|Branche|2010|p=82-83}}.</ref>.


Les discours officiels ou médiatiques associeront ainsi aux « fellagha » des images de « sauvagerie » et de « fanatisme », les preuves du « caractère primitif » de l'Algérien étant données par l'embuscade elle-même et les mutilations qui l'accompagnent<ref name="Branche-2010-78">{{harvsp|Branche|2010|p=78}}.</ref>. Le mot « massacre » s'impose en lieu et place des mots « embuscade » ou « guet-apens » utilisés au départ<ref name="Branche-2010-78-79">{{harvsp|Branche|2010|p=78-79}}.</ref>. Finalement, le simple fait de guerre prend une tout autre signification : ce n'est plus une défaite de l'armée française, mais des violences ayant visé {{incise|par assimilation}} des « civils »<ref name="Branche-2010-79-80">{{harvsp|Branche|2010|p=79-80}}.</ref>.
Les discours officiels ou médiatiques associeront ainsi aux « fellagha » des images de « sauvagerie » et de « fanatisme », les preuves du « caractère primitif » de l'Algérien étant données par l'embuscade elle-même et les mutilations qui l'accompagnent<ref name="Branche-2010-78">{{harvsp|Branche|2010|p=78}}.</ref>. Le mot « massacre » s'impose en lieu et place des mots « embuscade » ou « guet-apens » utilisés au départ<ref name="Branche-2010-78-79">{{harvsp|Branche|2010|p=78-79}}.</ref>. Finalement, le simple fait de guerre prend une tout autre signification : ce n'est plus une défaite de l'armée française, mais des violences ayant visé {{incise|par assimilation}} des « civils »<ref name="Branche-2010-79-80">{{harvsp|Branche|2010|p=79-80}}.</ref>.


=== Violences et mémoires de l'insurrection de 1871 ===
=== Violences et mémoires de l'insurrection de 1871 ===
La création du village français de Palestro est décidée par [[Napoléon III]] en 1869 sur l'axe Alger-Constantine, au centre d'une plaine alluviale bordée de montagnes situées à {{unité|80|km}} au sud-est d'[[Alger]]. L'[[oued]] Isser débouche dans cette cuvette après un parcours de quatre kilomètres dans le défilé rocheux des gorges de Palestro. Il s'agit d'une région charnière entre la [[Kabylie]] et la plaine côtière de la [[Mitidja]]<ref>{{ouvrage|prénom1=Tarik|nom1=Bellahsene|titre=La Colonisation en Algérie|sous-titre=processus et procédures de création des centres de peuplement, institutions, intervenants et outils|lieu=Bibliothèque de l'[[Université Paris-VIII|université Paris 8]] (Saint-Denis, France)|collection=Fonds des thèses et mémoires, cote121310949|année=2006|tome=1|pages totales=619|passage=22, 93|lire en ligne=http://1.static.e-corpus.org/download/notice_file/849433/BellahseneThese1.pdf|consulté le=23 juin 2013}}.</ref>{{,}}<ref name="mefti">{{Lien web|auteur=Abderachid Mefti|url=http://www.memoria.dz/mai-2013/guerre-liberation/une-r-gion-farouchement-oppos-e-colonialisme-depuis-le-xixe-si-cle|titre=Une région farouchement opposée au colonialisme depuis le {{s-|XIX|e}}|jour=26|mois=mai|année=2013|site=memoria.dz|consulté le= 23 juin 2013}}.</ref>{{,}}<ref name="lancelot">{{Lien web|auteur=Lancelot Arzel|url=http://www.nonfiction.fr/article.htm?articleID=3286&categ=4&page=2|titre=Palestro ou la violence coloniale mise à nu|jour=7|mois=avril|année=2010|site=nonfiction.fr|consulté le=23 juin 2013}}.</ref>.
La création du village français de Palestro est décidée par [[Napoléon III]] en 1869 sur l'axe Alger-Constantine, au centre d'une plaine alluviale bordée de montagnes situées à {{unité|80|km}} au sud-est d'[[Alger]]. L'[[oued]] Isser débouche dans cette cuvette après un parcours de quatre kilomètres dans le défilé rocheux des gorges de Palestro. Il s'agit d'une région charnière entre la [[Kabylie]] et la plaine côtière de la [[Mitidja]]<ref>{{Ouvrage|prénom1=Tarik|nom1=Bellahsene|titre=La Colonisation en Algérie|sous-titre=processus et procédures de création des centres de peuplement, institutions, intervenants et outils|tome=1|éditeur=|collection=Fonds des thèses et mémoires, cote121310949|lieu=Bibliothèque de l'université Paris 8 (Saint-Denis, France)|année=2006|pages totales=619|passage=22, 93|isbn=|lire en ligne=http://1.static.e-corpus.org/download/notice_file/849433/BellahseneThese1.pdf|consulté le=23 juin 2013}}.</ref>{{,}}<ref name="mefti">{{Lien web|auteur=Abderachid Mefti|url=http://www.memoria.dz/mai-2013/guerre-liberation/une-r-gion-farouchement-oppos-e-colonialisme-depuis-le-xixe-si-cle|titre=Une région farouchement opposée au colonialisme depuis le {{s-|XIX|e}}|jour=26|mois=mai|année=2013|site=memoria.dz|consulté le= 23 juin 2013}}.</ref>{{,}}<ref name="lancelot">{{Lien web|auteur=Lancelot Arzel|url=http://www.nonfiction.fr/article.htm?articleID=3286&categ=4&page=2|titre=Palestro ou la violence coloniale mise à nu|jour=7|mois=avril|année=2010|site=nonfiction.fr|consulté le=23 juin 2013}}.</ref>.


Moins de trois ans après sa création, pendant la [[révolte des Mokrani]], le village est attaqué, le 21 avril 1871, par {{nombre|1500}} à {{nombre|1 800|hommes}} armés<ref name="mefti"/> une cinquantaine de colons sont tués en quelques instants : parmi eux se trouvent le maire de Palestro, Dominique Bassetti, le brigadier de gendarmerie, tué à coup de hache par trois détenus que les insurgés ont libérés<ref>http://www.memoria.dz/mai-2013/guerre-liberation/une-r-gion-farouchement-oppos-e-colonialisme-depuis-le-xixe-si-cle</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Montagnon|lien auteur1=Pierre Montagnon|titre=Histoire de l'Algérie|sous-titre=des origines à nos jours|éditeur=Pygmalion|lien éditeur=Pygmalion (maison d'édition)|collection=Rouge et blanche|année=1998|pages totales=399|passage=195-196|isbn=9782857045427}}.</ref>.
Moins de trois ans après sa création, pendant la [[révolte de Mokrani]], le village est attaqué, le 21 avril 1871, par {{nombre|1500}} à {{nombre|1 800|hommes}} armés<ref name="mefti"/> une cinquantaine de colons sont tués en quelques instants : parmi eux se trouvent le maire de Palestro, Dominique Bassetti, le brigadier de gendarmerie, tué à coup de hache par trois détenus que les insurgés ont libérés<ref>http://www.memoria.dz/mai-2013/guerre-liberation/une-r-gion-farouchement-oppos-e-colonialisme-depuis-le-xixe-si-cle</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Montagnon|lien auteur1=Pierre Montagnon|titre=Histoire de l'Algérie|sous-titre=des origines à nos jours|éditeur=[[Pygmalion (maison d'édition)|Pygmalion]]|collection=Rouge et blanche|année=1998|pages totales=399|passage=195-196|isbn=978-2-85704-542-7}}.</ref>.


En 1991, le [[Front islamique du salut]] (FIS), puis en 1992, le [[Groupe islamique armé]] (GIA) y installent leurs bases arrière. Selon l'historienne Raphëlle Branche, Djerrah ou Palestro restent le symbole d’un espace difficile à contrôler, où la violence semble presque trouver une certaine logique<ref>http://www.nonfiction.fr/article.htm?articleID=3286&categ=4&page=2</ref>.
En 1991, le [[Front islamique du salut]] (FIS), puis en 1992, le [[Groupe islamique armé]] (GIA) y installent leurs bases arrière. Selon l'historienne Raphëlle Branche, Djerrah ou Palestro restent le symbole d’un espace difficile à contrôler, où la violence semble presque trouver une certaine logique<ref>{{Ouvrage|langue=fr|titre=L'embuscade de Palestro : Algérie 1956|auteur1=[[Raphaëlle Branche]]|lieu=Paris|éditeur=Armand Colin|année=2018|pages totales=256|isbn=978-2-200-25607-4|isbn10=2-200-25607-8|présentation en ligne=https://www.nonfiction.fr/article.htm?articleID=3286&categ=4&page=2|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=2vVFDwAAQBAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false|passage=2}}.</ref>.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
=== Notes ===
=== Notes ===
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=== Références ===
=== Références ===
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== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
=== Sources et bibliographie ===
=== Sources et bibliographie ===
* {{ouvrage|prénom1=Raphaëlle|nom1=Branche|lien auteur1=Raphaëlle Branche|titre=L’Embuscade de Palestro|sous-titre=Algérie 1956|éditeur=Armand Colin|lien éditeur=Armand Colin|lieu=Paris|année=2010|pages totales=256|isbn=978-2200256074|présentation en ligne={{Google Livres|tmyOiK3jA0sC|couv=1}}}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|titre=L'embuscade de Palestro : Algérie 1956|auteur1=[[Raphaëlle Branche]]|lieu=Paris|éditeur=Armand Colin|année=2018|pages totales=256|isbn=978-2-200-25607-4|isbn10=2-200-25607-8|présentation en ligne=https://www.nonfiction.fr/article.htm?articleID=3286&categ=4&page=2|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=2vVFDwAAQBAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false}}.
* {{article|prénom1=François|nom1=Buton|titre=Peut-on dévoiler les imaginaires ? Questions sur l'interprétation d'un massacre|périodique=Le Mouvement Social|lien périodique=Le Mouvement social|volume=1|numéro=238|année=2012|pages=81-86}}.
* {{article|prénom1=François|nom1=Buton|titre=Peut-on dévoiler les imaginaires ? Questions sur l'interprétation d'un massacre|périodique=Le Mouvement Social|lien périodique=Le Mouvement social|volume=1|numéro=238|année=2012|pages=81-86}}.
* {{article|prénom1=Raphaëlle|nom1=Branche|titre=Le récit historique et les intentions des acteurs. Réponse à François Buton|périodique=Le Mouvement Social|lien périodique=Le Mouvement social|volume=1|numéro=238 |jour=|mois=|année=2012|pages=87-93}}.
* {{article|prénom1=Raphaëlle|nom1=[[Raphaëlle Branche|Branche]]|titre=Le récit historique et les intentions des acteurs. Réponse à François Buton|périodique=Le Mouvement Social|lien périodique=Le Mouvement social|volume=1|numéro=238 |jour=|mois=|année=2012|pages=87-93}}.
* {{chapitre|prénom1=Raphaëlle|nom1=Branche|titre chapitre=18 mai 1956 : l'embuscade de Palestro/Djerrah|auteurs ouvrage=Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour et Sylvie Thénault|titre ouvrage=Histoire de l'Algérie à la période coloniale|sous-titre ouvrage=1830-1962|lieu=Paris, Alger |éditeur=Éditions La Découverte et Éditions Barzakh|année=2012|page début chapitre=52|passage=514-519|pages totales=717|isbn=978-2707173263|id=Branche2012}}.
* {{chapitre|prénom1=Raphaëlle|nom1=Branche|titre chapitre=18 mai 1956 : l'embuscade de Palestro/Djerrah|auteurs ouvrage=Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour et Sylvie Thénault|titre ouvrage=Histoire de l'Algérie à la période coloniale|sous-titre ouvrage=1830-1962|lieu=Paris, Alger |éditeur=Éditions La Découverte et Éditions Barzakh|année=2012|page début chapitre=52|passage=514-519|pages totales=717|isbn=978-2707173263|id=Branche2012}}.
* Ugo Iannucci, ''Soldat dans les gorges de Palestro. Journal de guerre'', Aléas, 2
* Ugo Iannucci, ''Soldat dans les gorges de Palestro. Journal de guerre'', Aléas, 2
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=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
* [[Guerre d'Algérie]]
* [[Armée de libération nationale (Algérie)|Armée de libération nationale]]
* [[Appelé du contingent (guerre d'Algérie)]]
* [[Appelé du contingent (guerre d'Algérie)]]
* [[Embuscade d'Oued Fodda]] (16 mars 1958)
* [[Embuscade d'Oued Fodda]] (16 mars 1958)
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* {{Ina|CAB8101742701|Si Azzedine|éditeur=Antenne 2, journal télévisé 20 h|date=28 novembre 1981|consulté le=21 juin 2013}}.
* {{Ina|CAB8101742701|Si Azzedine|éditeur=Antenne 2, journal télévisé 20 h|date=28 novembre 1981|consulté le=21 juin 2013}}.
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Dernière version du 10 février 2024 à 19:50

Embuscade de Palestro
Description de l'image Palestro ambush map-fr.svg.
Informations générales
Date
Lieu Palestro, Haute Kabylie, Algérie
Issue Victoire de l'ALN
Belligérants
Armée française ALN
Commandants
Sous-lieutenant Hervé Artur Lieutenant Ali Khodja
Forces en présence
21 marsouins (2/9e RIC) ~ 40 hommes[1]
Pertes
17 morts
2 disparus
1 prisonnier tué accidentellement lors de sa libération
1 prisonnier libéré[2]
inconnues, généralement évaluées à un seul mort[3]

Guerre d'Algérie

Batailles

Du 1er novembre 1954 au 19 mars 1962
Du 19 mars 1962 au 5 juillet 1962
Coordonnées 36° 36′ 50″ nord, 3° 33′ 54″ est
Géolocalisation sur la carte : Algérie
(Voir situation sur carte : Algérie)
Embuscade de Palestro
Géolocalisation sur la carte : Afrique
(Voir situation sur carte : Afrique)
Embuscade de Palestro

L'embuscade de Palestro, ou embuscade de Djerrah, est un engagement militaire qui a lieu le , durant la guerre d’Algérie, à proximité du village de Djerrah dans la région de Palestro (aujourd'hui Lakhdaria) en Kabylie au cours duquel une section d'une quarantaine d'hommes de l’Armée de libération nationale (ALN), commandée par le lieutenant Ali Khodja, tend une embuscade à une section de vingt-et-un hommes du 9e régiment d'infanterie coloniale de l'Armée française, commandée par le sous-lieutenant Hervé Artur.

L'affrontement se solde par l'anéantissement de presque toute l'unité française, un seul soldat ayant la vie sauve ; les pertes de l'unité algérienne, inconnues, sont estimées à un mort et éventuellement un blessé, peut-être quelques morts.

Le sort subi par les appelés du contingent français déclenche une intense émotion en France. Les cadavres sont nus, émasculés et mutilés.

Contexte historique

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Depuis le et la Toussaint rouge, l'Algérie est en guerre. Alors que l'insurrection armée menée par le FLN prend de plus en plus d'ampleur, les effectifs de l'armée française baissent en raison du retour des troupes marocaines dans leur pays redevenu indépendant, de la libération des soldats du contingents maintenus sous les drapeaux et de l'accroissement du nombre de désertions des spahis et tirailleurs algériens, le président du Conseil Guy Mollet se résout au rappel des disponibles du contingent afin d'augmenter les effectifs militaires en Algérie de 200 000 soldats[4]. Élu depuis peu pour garantir la « paix en Afrique du nord », il planifie néanmoins une politique répressive et refuse toute négociation au sujet de l'indépendance avant l'obtention d'un cessez-le-feu ; et pour la première fois un gouvernement socialiste, soutenu par les communistes, décide l’envoi du contingent[5]. En mai 1956, les premiers rappelés débarquent en Algérie[4].

Le FLN, pour sa part, organise en septembre 1955, très peu de temps après les événements de Constantine, l'une de ses premières opérations de propagande, Abane Ramdane, responsable de la zone d'Alger invitant dans le maquis de Palestro le journaliste Robert Barrat, à qui sont présentées les revendications du mouvement indépendantiste ; Barrat y rencontre également des djounoud, ou soldats de l'ALN[6].

Protagonistes

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L'embuscade met aux prises l'Armée française à l'Armée de libération nationale algérienne avec, du côté français, une section du 2e bataillon du 9e régiment d'infanterie coloniale[7] commandée par le sous-lieutenant Hervé Artur et du côté algérien, une partie du commando Ali Khodja, soit plusieurs groupes[note 1] comptant au total une quarantaine de djounouds selon certaines sources[1].

État-major de la wilaya 4 de l'ALN, 1956-1957.

Ali Khodja est né à Alger le 12 janvier 1933, et en octobre 1955, ils sont trois à déserter de la caserne d'Hussein Dey, emportant avec eux plusieurs armes. Ayant rejoint le maquis de Palestro, dirigé par Amar Ouamrane, Khodja se voit confier le commandement d’une section de l’ALN, forte de cent-dix hommes[8], qui se distinguera rapidement par ses actions[9], devenant plus tard sous le nom de commando Ali Khodja l'une des légendes de l'ALN[10]. Dans le but de récupérer armes et vêtements, l’unité de Khodja, comme toutes les autres unités de l'ALN à cette époque, privilégie les embuscades, qui sont exécutées conformément à la devise « Frappe, récupère et décroche[11] ».

Hervé Artur est né à Paris le 17 septembre 1926 ; après son service militaire en Algérie, il prépare une agrégation de philosophie qu'il abandonne pour un emploi dans une société de transports ; fin avril 1956, il est rappelé à sa demande sous les drapeaux et il est affecté avec le grade de sous-lieutenant au 9e régiment d'infanterie coloniale stationné en Kabylie[12]. Cet officier qui croit en l’œuvre de pacification de l’armée française assure le commandement d'une section de vingt fantassins composée de deux sergents, de deux caporaux-chefs, de deux caporaux et de quatorze soldats[note 2], la plupart étant des ouvriers dans le civil[13]. Le 18 mai au matin, il part en mission de reconnaissance dans les villages proches d'Ouled Djerrah.

Chronologie

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18 mai 1956 : section Artur en patrouille

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18 mai 1956 : engagement

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L'embuscade a lieu le vendredi et dure moins de vingt minutes. Elle se solde par la victoire de l'ALN.

Seuls cinq membres de la 2e section survivent à l'attaque. Il s'agit du sergent Alain Chorliet, du caporal-chef Louis Aurousseau, du marsouin Lucien Caron ; les trois sont blessés, ainsi que deux autres marsouins, Jean David-Nillet et Pierre Dumas. Grièvement blessé, Caron est laissé sur place avec les villageois kabyles du douar, les autres survivants sont emmenés par les moudjahidin. Les deux blessés sont confiés aux villageois du douar voisin de Bou Zegza, David-Nillet et Dumas sont gardés comme prisonniers par Khodja qui poursuit sa retraite dans les montagnes.

Mutilations

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Une de L'Écho d'Alger du 20 mai 1956 titrant : « 21 jeunes rappelés atrocement massacrés par la population d'un douar passé à la dissidence ».

Au moment de quitter les lieux de l'embuscade, le soldat Pierre Dumas emmené comme prisonnier, voit arriver des civils du village voisin de Djerrah. La presse d'alors rapporte sans nuance que ces habitants commencèrent à mutiler les soldats. Si le déroulement réel des mutilations n’est pas connu, il est fait état d'« atroces mutilations ». Le sous-lieutenant Artur est égorgé et ses hommes portent des traces de couteau un peu partout sur le corps ; les yeux de certains sont crevés. Tous les cadavres sont marqués au couteau sur les plantes des pieds des trois lettres de l'ALN qui signe le massacre. Les habitants de Djerrah achèvent les mourants et prennent le temps d'émasculer les militaires. Un soldat n'est pas mort, Lucien Caron, est transporté blessé puis abandonné sur le bord de la route[14].

Le détachement parti à la recherche des militaires tombera sur leurs cadavres nus, dépecés, certains visages méconnaissables[15]. Quinze cadavres sont retrouvés à 800 m de l'embuscade[14].

Selon Bernard Droz et Évelyne Lever, « ces mutilations furent effectuées par les survivants de la population locale, au lendemain d'un ratissage particulièrement brutal[16] ». Ce point de vue est partagé par Yves Courrière, qui précise que les mutilations eurent lieu « après la mort des soldats français »[17]. Certains auteurs concluent a contrario qu'il est difficile de savoir si les morts de Palestro ont été mutilés agonisants ou décédés[14],[15]. La chercheuse Raphaëlle Branche a rencontré des habitants du village qui ont expliqué les mutilations par le désir de vengeance de la répression de 1870[14].

23 mai 1956 : riposte et représailles de l'armée française

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Le 19 mai, sans nouvelle de la 2e section, l'armée française envoie trois bataillons et quatre hélicoptères pour la retrouver. Dans les hélicos, ce sont des éléments du 4e escadron du 13e RDP basé à Dra El Mizan qui vont intervenir héliportés sur place, là où avait eu lieu l'embuscade. Il y aura des morts[réf. nécessaire]. Le 23 mai, les parachutistes du 1er REP et du 20e BPC[réf. nécessaire] retrouvent 19 membres du commando Ali Khodja retranchés dans une grotte avec les deux prisonniers, près de Tifrène. Un combat s'ensuit au cours duquel 16 moudjahidines sont tués et trois sont faits prisonniers ; Jean David-Nillet est tué accidentellement lors de l'assaut tandis que Pierre Dumas, blessé, est libéré.

Raphaëlle Branche précise en outre que dans l'après-midi qui suit la découverte des cadavres français « quarante-quatre Algériens sont liquidés sommairement » alors que « la majorité, de l'aveu même des autorités militaires, sont des fuyards qui cherchent à échapper à l'encerclement organisé par les troupes françaises au nord de l'embuscade »[18] ; par ailleurs, le village de Djerrah, où sont retrouvées des caches d'armes[14], est détruit en totalité[19].

Parfois, l'action de l'aspirant Maillot, un militant du PCA, désertant quelques semaines auparavant avec un camion d'armes, a été mise en relation avec l'embuscade du 18 mai 1956. Cette hypothèse n'est pas retenue par Raphaëlle Branche qui souligne l'hostilité du FLN à l'égard de l'initiative de Maillot visant à constituer un maquis dans l'Ouarsenis[20].

Suites et conséquences

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L'embuscade de Palestro donne l'occasion au gouvernement français de mettre en place un strict contrôle de l'information. Cinq jours après l'embuscade, le 21 mai 1956, Max Lejeune, secrétaire d'État aux Forces armées, adresse au général Lorillot une instruction interdisant la communication à la presse des chiffres de pertes de l'armée. En outre, quelques jours plus tard, un code de conduite vient régir de manière stricte l'information sur les opérations militaires en cours. Enfin, un communiqué de Robert Lacoste, ministre-résident, interdit à la presse, sauf autorisation, d'identifier les unités engagées, de divulguer les chiffres des pertes amies, les noms des victimes ou toute information « de nature d'angoisser les familles intéressées »[21].

Premières exécutions de condamnés à mort

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Le 19 juin 1956, un mois après l'embuscade, ont lieu les deux premières exécutions capitales de « rebelles » condamnés à mort, celles d'Ahmed Zabana et d'Abdelkader Ferradj. Si le choix de Zabana peut aisément s'expliquer par son rôle important au sein du mouvement indépendantiste algérien, celui de Ferradj ne semble s'expliquer que par son appartenance au commando Ali Khodja ; il est accusé par la presse et par le ministre-résident d'avoir participé à des attaques antérieures à l'embuscade de Palestro. Ces exécutions constituent « une réponse » à l'embuscade[22].

Exécution des deux soldats disparus

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Des indices semblent indiquer qu'Aurousseau et Serreau, les deux soldats disparus de la section Artur, sont toujours en vie début juin 1956, prisonniers de l'ALN et ils auraient été exécutés en représailles de la mort de Zabana et Ferradj[23].

Mémoires collectives des violences

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Plaque commémorative du monument aux morts de Crosne comportant le nom de Jean David-Nillet, originaire de cette ville et mort lors de l'assaut donnée par l'armée française pour le libérer.

Selon l'historien Benjamin Stora : « Palestro restera comme la plus célèbre embuscade de la guerre, le symbole de ce qui peut arriver de pire : l'attaque surprise, l'impossibilité de se défendre, la mutilation des cadavres. La hiérarchie militaire saura d'ailleurs utiliser ce traumatisme pour vaincre les réticences »[24].

En tant que fait de guerre, l'embuscade n'a rien de particulier, se situant, tant du point de vue de la mortalité militaire générale que de la mortalité particulière de l'officier commandant la section, dans les moyennes constatées pour l'année 1956[25]. L'événement prendra cependant, dans les jours qui suivent et pour très longtemps, une importance particulière[7], intégrant dans l'imaginaire français, aux côtés des massacres du Constantinois du 20 août 1955 et, un an plus tard, du massacre de Melouza, un triptyque censé symboliser la violence et la sauvagerie des indépendantistes[26].

Les discours officiels ou médiatiques associeront ainsi aux « fellagha » des images de « sauvagerie » et de « fanatisme », les preuves du « caractère primitif » de l'Algérien étant données par l'embuscade elle-même et les mutilations qui l'accompagnent[27]. Le mot « massacre » s'impose en lieu et place des mots « embuscade » ou « guet-apens » utilisés au départ[28]. Finalement, le simple fait de guerre prend une tout autre signification : ce n'est plus une défaite de l'armée française, mais des violences ayant visé — par assimilation — des « civils »[29].

Violences et mémoires de l'insurrection de 1871

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La création du village français de Palestro est décidée par Napoléon III en 1869 sur l'axe Alger-Constantine, au centre d'une plaine alluviale bordée de montagnes situées à 80 km au sud-est d'Alger. L'oued Isser débouche dans cette cuvette après un parcours de quatre kilomètres dans le défilé rocheux des gorges de Palestro. Il s'agit d'une région charnière entre la Kabylie et la plaine côtière de la Mitidja[30],[31],[32].

Moins de trois ans après sa création, pendant la révolte de Mokrani, le village est attaqué, le 21 avril 1871, par 1 500 à 1 800 hommes armés[31] une cinquantaine de colons sont tués en quelques instants : parmi eux se trouvent le maire de Palestro, Dominique Bassetti, le brigadier de gendarmerie, tué à coup de hache par trois détenus que les insurgés ont libérés[33],[34].

En 1991, le Front islamique du salut (FIS), puis en 1992, le Groupe islamique armé (GIA) y installent leurs bases arrière. Selon l'historienne Raphëlle Branche, Djerrah ou Palestro restent le symbole d’un espace difficile à contrôler, où la violence semble presque trouver une certaine logique[35].

Notes et références

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  1. Un groupe est composé de onze hommes, un sergent et deux caporaux (Branche 2010, p. 24).
  2. Bigot et Chorliet, sergents, Galleux et Aurousseau, caporaux-chefs, Poitreau et Hecquet, caporaux, Desruet, Dufour, Caron, Dobœuf, Gougeon, Carpentier, Serreau, François, Villemaux, Chicandre, Nicolas, Daigneaux, David-Nillet et Dumas, soldats (Branche 2010, p. 239-242).

Références

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  1. a et b Un succès retentissant du commando Ali Khodja, Embuscade du 18 mai 1956 dans les gorges de Lakhdaria, site memoria.dz, consulté le 2 juin 2013.
  2. Branche 2010, p. 7.
  3. Branche 2010, p. 25.
  4. a et b Jean-Charles Jauffret, « Le mouvement des rappelés en 1955-1956 », dans Mohammed Harbi et Benjamin Stora, La Guerre d'Algérie, Paris, Robert Laffont, coll. « Pluriel », , p. 202-203.
  5. François Buton, « Quand les disponibles ne veulent pas l’être. Le « Mouvement des rappelés » pendant la guerre d’Algérie », dans André Loez et Nicolas Mariot, Obéir/désobéir : les Mutineries de 1917 en perspective, La Découverte, , 448 p. (ISBN 978-2707156198, lire en ligne), p. 2.
  6. Branche 2010, p. 16-17.
  7. a et b Andrea Brazzoduro, « Comptes-rendus : , Raphaëlle Branche, L’Embuscade de Palestro. Algérie 1956 », sur Histoire@Politique, .
  8. Branche 2010, p. 24.
  9. Branche 2010, p. 20-21.
  10. Benjamin Stora, Les mots de la guerre d'Algérie, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, , 127 p. (ISBN 978-2-85816-777-7, lire en ligne), p. 38-39.
  11. Branche 2010, p. 23, 25.
  12. Branche 2010, p. 44, 239.
  13. Branche 2010, p. 44.
  14. a b c d et e Raphaëlle Branche, L'embuscade de Palestro : Algérie 1956, La Découverte, (ISBN 978-2-7071-9990-4, lire en ligne).
  15. a et b Jean Sévillia, Les vérités cachées de la Guerre d'Algérie, Fayard, , 416 p. (ISBN 978-2-213-67426-1, lire en ligne).
  16. Bernard Droz et Évelyne Lever, Histoire de la guerre d'Algérie : 1954-1962, Paris, Seuil, , 383 p. (ISBN 978-2-02-006100-1), p. 126.
  17. Claire Mauss-Copeaux, Appelés en Algérie : la parole confisquée, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », , 333 p. (ISBN 978-2-01-279052-0), p. 118.
  18. Branche 2010, p. 181.
  19. Jean Monneret, « À propos du village de Ouled-Djerrah qui fut rasé », dans sa critique de l'ouvrage de Raphaëlle Branche, [1]
  20. « Les éléments communistes étaient recherchés par les autorités coloniales et par nous-mêmes : c'était à celui qui les découvrirait le premier. C'était une course de vitesse. » (Belkacem Bouchafa, responsable des réseaux FLN d'Alger interviewé par Jean-Luc Einaudi dans Pour l’exemple, l’affaire Fernand Iveton, éditions L’Harmattan), 1986 (ISBN 2-85802-721-8), p. 72.
  21. Branche 2010, p. 68-69.
  22. Branche 2010, p. 73-74.
  23. Branche 2010, p. 74-75, 200 (note 120).
  24. Benjamin Stora, Les mots de la guerre d'Algérie, Toulouse, Presses universitaires du Mirail-Toulouse, coll. « Mots de », , 127 p. (ISBN 978-2-858-16777-7, lire en ligne), p. 93.
  25. Branche 2010, p. 53.
  26. Branche 2010, p. 82-83.
  27. Branche 2010, p. 78.
  28. Branche 2010, p. 78-79.
  29. Branche 2010, p. 79-80.
  30. Tarik Bellahsene, La Colonisation en Algérie : processus et procédures de création des centres de peuplement, institutions, intervenants et outils, t. 1, Bibliothèque de l'université Paris 8 (Saint-Denis, France), coll. « Fonds des thèses et mémoires, cote121310949 », , 619 p. (lire en ligne), p. 22, 93.
  31. a et b Abderachid Mefti, « Une région farouchement opposée au colonialisme depuis le XIXe siècle », sur memoria.dz, (consulté le ).
  32. Lancelot Arzel, « Palestro ou la violence coloniale mise à nu », sur nonfiction.fr, (consulté le ).
  33. http://www.memoria.dz/mai-2013/guerre-liberation/une-r-gion-farouchement-oppos-e-colonialisme-depuis-le-xixe-si-cle
  34. Pierre Montagnon, Histoire de l'Algérie : des origines à nos jours, Pygmalion, coll. « Rouge et blanche », , 399 p. (ISBN 978-2-85704-542-7), p. 195-196.
  35. Raphaëlle Branche, L'embuscade de Palestro : Algérie 1956, Paris, Armand Colin, , 256 p. (ISBN 978-2-200-25607-4, présentation en ligne, lire en ligne), p. 2.

Sources et bibliographie

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  • Raphaëlle Branche, L'embuscade de Palestro : Algérie 1956, Paris, Armand Colin, , 256 p. (ISBN 978-2-200-25607-4, présentation en ligne, lire en ligne).
  • François Buton, « Peut-on dévoiler les imaginaires ? Questions sur l'interprétation d'un massacre », Le Mouvement Social, vol. 1, no 238,‎ , p. 81-86.
  • Raphaëlle Branche, « Le récit historique et les intentions des acteurs. Réponse à François Buton », Le Mouvement Social, vol. 1, no 238,‎ , p. 87-93.
  • Raphaëlle Branche, « 18 mai 1956 : l'embuscade de Palestro/Djerrah », dans Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour et Sylvie Thénault, Histoire de l'Algérie à la période coloniale : 1830-1962, Paris, Alger, Éditions La Découverte et Éditions Barzakh, , 717 p. (ISBN 978-2707173263), p. 514-519.
  • Ugo Iannucci, Soldat dans les gorges de Palestro. Journal de guerre, Aléas, 2

Documentaires

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Articles connexes

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Liens externes

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