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« Kourgane » : différence entre les versions

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précision : il n'existe pas de "peuples indo-européens", mais des populations qui parlent une langue indo-européenne. Les résultats de la recherche génétique montre les métissages qui ont eu lieu suite à l'arrivée des populations indo-européennes originaires des steppes russes
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[[Fichier:Kurgan.png|vignette|Coupe d'un kourgane.]]
[[Fichier:Царський курган 007.jpg|redresse|vignette|Intérieur du [[kourgane Tsarsky]], {{-s-|IV|e}}, Crimée.]]


[[Fichier:Kurgan.png|vignette|redresse=1.25|Coupe d'un kourgane.]]
Un '''kourgane''', '''kourgan''' ou '''kurgan''', (terme russe ''курган'' d'origine [[tatare]]) est un [[tumulus]] des [[steppes]] d'[[Asie centrale]]. Il s'agit donc de monticules, de [[Tertre funéraire|tertres]], voire de collines artificielles, recouvrant une tombe. La ''culture kourgane'' est la civilisation qui a laissé ces vestiges et [[Hypothèse kourgane|est considérée par la majorités des chercheurs]] comme l'origine des populations qui parlent une langue qui appartiennent au groupe [[indo-européens]].
[[Fichier:Царський курган 007.jpg|vignette|redresse=1|Intérieur du [[kourgane Tsarsky]], {{-s|IV}}, Crimée.]]


Un '''kourgane''' (''курган'' en [[russe]], mot d'origine [[Tatars|tatare]]) est un [[tumulus]] funéraire que l'on trouve principalement dans la [[steppe pontique]] et dans la [[steppe eurasienne]], en [[Ukraine]] et en [[Russie]]. Il s'agit d'un monticule, d'un tertre, voire d'une colline artificielle, recouvrant une [[tombe]]. Les kourganes ont été édifiés par des peuples aujourd'hui considérés par la plupart des chercheurs, selon l'[[hypothèse kourgane]], comme étant les premiers [[Indo-Européens]].
== Recherches archéologiques ==
=== Localisation ===
Les kourganes sont particulièrement nombreux au nord de la [[mer Noire]] ([[Russie]] méridionale et en [[Ukraine]]), mais on en trouve également dans tout l'est de l'Europe. Ils ont été laissés par une population qui vivait dans cette région au [[Néolithique]], entre les {{-mi2-|V|e|III|e}}.


[[Image:Kurgan map.png|vignette|redresse=1.5|Carte de l'expansion des populations à kourganes.]]
=== Travaux archéologiques ===


== Localisation ==
À partir du début du {{XXe siècle}}, les fouilles mettent au jour des tombes à tumulus ou à kourganes<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=C. Gras|titre=Anthracite|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Stock|Stock]]|nature ouvrage=Roman|date=août 2016|pages totales=335|isbn=978-2-234-07978-6|titre chapitre=Les soirées du hameau}}</ref>, dans lesquels peu de mobilier a été découvert; en revanche, les archéologues ont mis au jour des ossements de chevaux, des objets de [[cuivre]] et des petites maquettes de chariots en argile, renforçant ainsi non seulement l'origine steppique de la civilisation des kourganes mais aussi un mode de vie et des croyances proches pour l'ensemble des populations de la civilisation des tombes à kourganes<ref name="Dem387">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=387|id=Dem}}</ref>.
Les kourganes sont particulièrement nombreux au nord de la [[mer Noire]] et de la [[mer Caspienne]] (en [[Russie]] méridionale et en [[Ukraine]]), mais on en trouve également dans l'est de l'Europe. Ils ont été édifiés dans les steppes par une population qui vivait dans cette région du [[Néolithique]] à l'[[Âge du fer]], du {{IVe}} au {{-m|I}}


=== Chronologie ===
== Historique ==
À partir du {{s-|XIX}}, les fouilles ont mis au jour des tombes à tumulus ou à kourgane<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=C. Gras|titre=Anthracite|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Stock|Stock]]|nature ouvrage=Roman|date=août 2016|pages totales=335|isbn=978-2-234-07978-6|titre chapitre=Les soirées du hameau}}</ref>, dans lesquelles les archéologues ont découvert des ossements de chevaux, des objets de [[cuivre]] et des petites maquettes de chariots en [[argile]], appuyant l'origine steppique de la culture des kourganes et montrant son unité culturelle sur un vaste espace géographique<ref name="Dem387">{{harvsp|Demoule|2015|p=387|id=Dem}}</ref>.
[[Image:Kurgan map.png|200px|vignette|Carte synthétique de l'expansion de la civilisation des populations à kourganes.]]


Découvertes lorsque l'Ukraine et le Caucase faisaient partie de l'[[Empire russe]], les tombes de type kourgane ont été décrites par des archéologues russes, notamment Vassily Gorodcov<ref name="Dem206">{{harvsp|Demoule|2015|p=206|id=Dem}}</ref>. Ceux-ci ont à l'époque émis l'opinion que les populations de la culture des kourganes étaient différentes de celles de la [[culture de la céramique cordée]]<ref name="Ren116">{{harvsp|texte=Renfrew, 1990|p=116|id=Ren}}.</ref>.
Une chronologie est établie, grâce aux premières études menées à partir de la fin du {{XVIIIe siècle}}, basée sur l'observation des différentes pratiques funéraires. Une première période, celle des Tombes à fosses, une seconde période, celle des tombes à catacombes, puis une troisième période, celle des tombes à charpente, sont ainsi identifiées<ref name="Dem206" />.


Cependant, dès 1890, le [[Philologie|philologue]] allemand {{Lien|langue=de|trad=Otto Schrader (Indogermanist)|fr=Otto Schrader (Indogermanist)|texte=Otto Schrader}} avance que la [[culture de la céramique cordée]] est le résultat d'une population plus pastorale venue du sud de la Russie, celle des Kourganes<ref>Otto Schrader, ''Prehistoric antiquities of the Aryan peoples'', Londres, 1890.</ref>. Cette hypothèse sera développée par la suite par {{Lien|langue=en|trad=Sigmund Feist|fr=Sigmund Feist|texte=Sigmund Feist}}<ref>Sigmund Feist, ''Kultur, Ausbreitung und Herkunft der Indo-Germanen'', 1913.</ref>, [[Vere Gordon Childe]]<ref>Vere Gordon Childe, ''The Aryans : A Study of Indo-European Origins'', Londres, Kegan Paul, 1926.</ref> qui fonde sa thèse de l'origine steppique des populations indo-européennes sur l'étude des kourganes<ref name="Dem235" />, {{lien|trad=Tadeusz Sulimirski|texte=Tadeusz Sulimirski|lang=en}}<ref>Tadeusz Sulimirski, ''Die schnurkeramischen Kulturen und das indoeuropaische Problem''. La Pologne au VII-e Congrès International des Sciences Historiques, Varsovie 1933.</ref> et Georges Poisson<ref>Georges Poisson, ''Les Aryens : Étude linguistique, ethnologique et préhistorique'', Payot, Paris, 1934.</ref>.
L'étude des kourganes permet de mettre en place une chronologie, chaque période se distinguant de la précédente par des pratiques funéraires spécifiques : ainsi, le Kurgan I est caractérisée par le saupoudrage d'[[ocre]] sur les corps des défunts, le Kurgan II et III se singularisant du Kurgan I par l'extension géographique du Kurgan I, tout en donnant naissance à la [[culture de Maïkop]], du nom d'une brillante sépulture princière. Le Kurgan IV se caractérise par le développement des tombes à fosses<ref name="Dem403" />.


L'archéologue australien [[Vere Gordon Childe]] (1892-1957), à partir des années 1920, s'appuie sur la paléolinguistique pour établir des liens de parenté entre les populations usant des tombes à kourganes et d'autres populations plus récentes, notamment les populations [[Sumer|sumériennes]] et [[Babylone (civilisation)|babyloniennes]]<ref name="Dem235">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=235|id=Dem}}.</ref>.
Selon [[Marija Gimbutas]] et ses continuateurs qui constituent la très vaste majorité des chercheurs, qui a formulé en premier l'hypothèse du peuple des tombes à kourganes, au {{Ve}} millénaire, des populations de chasseurs cueilleurs se sédentarisent dans les steppes du Nord de la [[Mer Caspienne]] et commencent à domestiquer non seulement le chien, le porc, le bœuf, le mouton et la chèvre<ref group=N>toutes les sociétés proche-orientales et européennes de la même période domestiquent ces espèces durant cette période</ref>, mais aussi le cheval, utilisé pour sa viande, pour sa force de traction et comme monture; cette première phase, le Kurgan I, est marquée par le développement de la [[culture de Samara]]<ref name="Dem402" />.


Le débat sur les usagers des tombes à kourgane s'est longtemps organisé autour de l'origine de cette population et de sa structure sociale. Dès les années 1920, les premières synthèses érudites sont publiées, d'abord en 1921 par le préhistorien allemand {{Lien|langue=de|trad=Max Ebert|fr=Max Ebert|texte=Max Ebert}} (1879-1929) puis en 1926 par l'archéologue finlandais Aarne Michaël Tallgreen (1885-1945)<ref name="Dem206" />.
Dans un second temps, les populations de la culture de Samara se seraient répandues sur les steppes pontiques, jusqu'au [[Dniepr]], entrant ainsi en contact avec la [[Culture de Cucuteni-Trypillia|culture balkanique de Cucuteni-Trypillia]]. Les éléments entrés en contact avec les cultures balkaniques auraient formé le Kurgan II, s'étendant du Caucase ([[culture de Maïkop]]) au Danube<ref name="Dem403">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=403|id=Dem}}</ref>.


Après la [[Seconde Guerre mondiale]], l'archéologue [[Marija Gimbutas]] (1921-1994) reprend l'hypothèse selon laquelle cette population serait indo-européenne et parlerait la langue mère de toutes les [[langues indo-européennes]]. Quand elles ont commencé à se disperser, ces tribus connaissaient déjà la métallurgie du [[cuivre]], et elles comptaient parmi les plus anciens éleveurs de chevaux du monde. Elles ont laissé un grand nombre de [[tumulus]] dans lesquels les fouilles archéologiques contemporaines ont pu mettre au jour de nombreux objets et autres témoignages de leur société.
Puis, au contact des civilisations danubiennes, la [[culture d'Usatovo]] s'individualise à la fin du {{IVe}} millénaire, après la destruction des cultures danubiennes, et forme le Kurgan III. Cette courte période se caractérise par l'essor de la civilisation des tombes à kourganes jusqu'en Allemagne, la culture de Baden aurait connu, selon Gimbutas, une forme de {{citation|kourganisation}}, tout en s'individualisant, avec une quatrième période, le Kurgan IV ou [[culture des tombes à fosses]], étendue du Caucase au bouches du Danube. Par la suite, cette culture connaît progressivement une extension vers l'Est, permettant ainsi l'émergence de la [[culture d'Afanasievo]]<ref name="Dem403" />.


Marija Gimbutas développe sa théorie de la culture des kourganes. Selon elle, les premières traces de cette culture, correspondant au Kourgane I, se trouvent dans les régions forestières de l'Est de la Russie d'Europe, entre la [[Volga]] et l'[[Oural]]<ref name="Dem402">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=402|id=Dem}}.</ref>. Elle avait d'abord localisé l'aire d'origine de la culture des kourganes à l'est du [[Don (fleuve)|Don]], avant de modifier sa théorie<ref name="Dem405">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=405|id=Dem}}.</ref>. À partir des années 1960, sous l'influence de Marija Gimbutas, les archéologues avancent que l'étude de la culture des tombes à kourgane permet d'observer un processus de mélange entre plusieurs cultures<ref name="Dem400">{{harvsp|Demoule|2015|p=400|id=Dem}}</ref>.
=== Les sciences auxiliaires de l'Histoire ===


L'anthropologue américain [[Ward Goodenough]] (1919-2013) a de son côté défendu l'hypothèse de l'origine européenne de la culture des kourganes<ref name="Ren239">{{harvsp|texte=Renfrew, 1990|p=239|id=Ren}}.</ref>. Selon lui, la conquête et la maîtrise de la steppe ont permis l'afflux dans ces régions peu peuplées d'immigrants originaires de régions plus peuplées<ref name="Ren122" />, et la mise en place de sociétés moins ostensiblement inégalitaires que celles qui s'organisent alors en Europe occidentale et dans les Balkans<ref name="Dem401">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=401|id=Dem}}.</ref>.
Pour entrevoir la civilisation des tombes à kourganes, les chercheurs ont rapidement fait appel aux sciences auxiliaires de l'Histoire, comme la [[paléolinguistique]].


À partir des années 1980, les squelettes trouvés dans les kourganes ont été étudiés au moyen des techniques modernes<ref>{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|auteur1=Colin Thubron|traducteur=K. Holmes|titre=En Sibérie|titre original=In Siberia|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|date=mars 2012|pages totales=471|isbn=978-2-07-044616-2|numéro chapitre=4|titre chapitre=Régions frontières}}</ref>.
À partir des années 1980, d'autres artefacts sont étudiés dans le cadre de l'étude des civilisations des tombes à kourganes.


== Chronologie ==
Ainsi, dans les années 1980, le squelettes trouvés dans les kourganes sont étudiés au moyen des techniques modernes<ref>{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|auteur1=Colin Thubron|traducteur=K. Holmes|titre=En Sibérie|titre original=In Siberia|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|date=mars 2012|pages totales=471|isbn=978-2-07-044616-2|numéro chapitre=4|titre chapitre=Régions frontières}}</ref>. Ainsi, Roland Menek, de l'université de Genève, s'intéresse aux squelettes découverts dans les kourganes. Les résultats obtenus semblent remettre en cause l'idée d'une migration de masse.
Les études menées au {{s-|XX}}, basées sur l'observation des différentes pratiques funéraires, ont permis d'établir une chronologie. Une première période, celle des tombes à fosse, une seconde période, celle des tombes à catacombe, puis une troisième période, celle des tombes à charpente, ont ainsi été identifiées<ref name="Dem206" />.


Chaque période se distingue de la précédente par des pratiques funéraires spécifiques. La période dite Kourgane I est caractérisée par le saupoudrage d'[[ocre]] sur le corps des défunts. Les périodes dites Kourganes II et III se distinguent par leur expansion géographique par rapport au foyer initial, tout en donnant naissance à la [[culture de Maïkop]], du nom d'une sépulture princière du [[Kouban]] (Russie du Sud). Le Kourgane IV se caractérise par le développement des tombes à fosse<ref name="Dem403" />.
== La civilisation des tombes à kourganes ==


Au {{-m|V}}, des populations de [[Chasseur-cueilleur|chasseurs-cueilleurs]] adoptent une économie semi-pastorale dans la région du cours moyen de la [[Volga]], basée en partie sur l'élevage d'animaux domestiques. Cette première phase, le Kourgane I, correspond au développement de la [[culture de Samara]]<ref name="Dem402" />.
Découvert lorsque l'Ukraine et le Caucase faisaient partie de l'[[Empire russe]], le ou les peuples utilisant des tombes de type kourgane est décrit par les archéologues amateurs russes, notamment Vassily Gorodcov<ref name="Dem206">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=206|id=Dem}}</ref>. Les archéologues formulent l'idée que les populations composant la civilisation des kourganes sont fondamentalement différentes des populations appartenant à la [[culture de la céramique cordée]]<ref name="Ren116">{{harvsp|texte=Renfrew, 1990|p=116|id=Ren}}</ref>. À partir des années 1960, sous l'influence de l'archéologue Marija Gimbutas, les archéologues avancent que l'étude de la civilisation des peuples des tombes à kourganes permet d'observer un processus d'hybridation, entraînant le mélange de plusieurs cultures<ref name="Dem400">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=400|id=Dem}}</ref>.


Dans un second temps, les populations de la culture de Samara se seraient répandues dans la [[steppe pontique]], jusqu'au [[Dniepr]], entrant ainsi en contact avec la [[culture de Cucuteni-Trypillia]], constituée de fermiers néolithiques. L'échange de traits culturels aurait conduit au Kourgane II, s'étendant du [[Caucase]] ([[culture de Maïkop]]) jusqu'aux [[Delta du Danube|bouches du Danube]]<ref name="Dem403">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=403|id=Dem}}.</ref>.
=== Une population indo-européenne de pasteurs nomades ===


Puis, au contact de la [[culture rubanée]] du [[Danube]], la [[culture d'Usatovo]] s'individualise à la fin du {{-m|IV}} et forme le Kourgane III. Au cours de la quatrième période, le Kourgane IV, la culture des kourganes poursuit son expansion. Par la suite, cette culture connaît une extension progressive vers l'est, conduisant à l'émergence de la [[culture d'Afanasievo]]<ref name="Dem403" />.
Dès 1890, le philologue allemand {{Lien|langue=de|trad=Otto Schrader (Indogermanist)|fr=Otto Schrader (Indogermanist)|texte=Otto Schrader}} avance que la [[culture de la céramique cordée]] est le résultat d'une population plus pastorale venue du sud de la Russie, celle des Kourganes<ref>Otto Schrader, ''Prehistoric antiquities of the Aryan peoples'', Londres, 1890.</ref>. Cette hypothèse sera développée par la suite par {{Lien|langue=en|trad=Sigmund Feist|fr=Sigmund Feist|texte=Sigmund Feist}}<ref>Sigmund Feist, ''Kultur, Ausbreitung und Herkunft der Indo-Germanen'', 1913.</ref>, [[Gordon Childe]]<ref>Vere Gordon Childe, ''The Aryans : A Study of Indo-European Origins'', Londres, Kegan Paul, 1926.</ref> qui fonde sa thèse de l'origine steppique des populations indo-européennes sur l'étude des kourganes<ref name="Dem235" />, {{lien|trad=Tadeusz Sulimirski|texte=Tadeusz Sulimirski|lang=en}}<ref>Tadeusz Sulimirski, ''Die schnurkeramischen Kulturen und das indoeuropaische Problem''. La Pologne au VII-e Congrès International des Sciences Historiques, Varsovie 1933</ref> et Georges Poisson<ref>Georges Poisson, ''Les Aryens : Étude linguistique, ethnologique et préhistorique'', Payot, Paris, 1934.</ref>.


Au cours de la première moitié du {{-m|III}}, la culture des tombes à kourgane se répand dans toute l'Europe du Nord, jusqu'à la [[mer du Nord]], formant la [[culture de la céramique cordée]]. Le cheval est alors utilisé pour sa viande, pour sa force de traction et comme monture. La [[culture de Baden]], formée par les fermiers néolithiques d'Europe centrale, disparait.
Après la [[Seconde Guerre mondiale]], l'archéologue [[Marija Gimbutas]] reprendra cette hypothèse selon laquelle cette population serait indo-européenne et parlerait la langue mère de toutes les [[langues indo-européennes]]. Quand elles ont commencé à se disperser, ces tribus connaissaient déjà la métallurgie du [[cuivre]], et elles comptaient parmi les plus anciens éleveurs de chevaux du monde. Elles ont laissé un grand nombre de [[tumulus]] dans lesquels les fouilles archéologiques contemporaines ont pu mettre au jour de nombreux objets et autres témoignages de leur société.


[[Fichier:SalbykKurgan221201683.jpg|vignette|redresse=1.2|Kourgane de Salbyk, dans la [[Steppe eurasienne|steppe]] de Sibérie russe datant du {{-s|VIII}}]]
Des kourganes ont également été laissés dans cette même région par les populations héritières de ces [[Indo-Européens]], qui étaient notamment proto-indo-iraniennes, puis iraniennes et en particulier [[scythes]]. Les tumulus de grande dimension étaient ceux de rois. Plus à l'est, au [[Kazakhstan]], ils pouvaient atteindre {{Unité|200|mètres}} de diamètre. Ces imposantes tombes datent du {{Ier millénaire av. J.-C.}}. Selon les procédés funéraires mis en œuvre, les morts sont déposés en [[position fœtale]]<ref group=N>comme tous les morts datant de la période néolithique mis au jour en Europe.</ref>, et abondamment saupoudrés d'[[ocre]]<ref group=N>de là découle la désignation de « tombes à ocre ».</ref>{{,}}<ref name="Dem233">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=233|id=Dem}}</ref>.


== Scythes ==
Marija Gimbutas développe sa propre vision de la dispersion de la civilisation des peuples à kourganes. Selon elle, les premières traces de cette civilisation, correspondant au Kurgan I, se trouvent dans les steppes forestières du Nord de la [[mer Caspienne]], entre la [[Volga]] et l'[[Oural]]<ref name="Dem402">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=402|id=Dem}}</ref>. Elle localise tout d'abord l'aire d'origine de la civilisation des kourganes à l'Est du [[Don (fleuve)|Don]], et fait ensuite évoluer sa théorie<ref name="Dem405">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=405|id=Dem}}</ref>.
Des kourganes ont été laissés dans la [[steppe eurasienne]] par les populations héritières des premiers [[Indo-Européens]], qui étaient notamment [[Indo-Iraniens|proto-indo-iraniennes]], puis iraniennes et en particulier [[scythes]]. Les tumulus de grande dimension étaient ceux de rois. Plus à l'est, au [[Kazakhstan]], ils pouvaient atteindre {{Unité|200|mètres}} de diamètre. Ces imposantes tombes datent du {{-m|I}} Selon les procédés funéraires mis en œuvre, les morts étaient déposés en [[position fœtale]]<ref group="N">Comme tous les morts datant de la période néolithique mis au jour en Europe.</ref>, et abondamment saupoudrés d'[[ocre]]<ref group=N>de là découle la désignation de « tombes à ocre ».</ref>{{,}}<ref name="Dem233">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=233|id=Dem}}.</ref>.


== Société ==
De même, Ward Goodenough défend l'hypothèse de l'origine européenne de la civilisation des tombes à kourganes<ref name="Ren239">{{harvsp|texte=Renfrew, 1990|p=239|id=Ren}}</ref>.
S'appuyant sur les théories de [[Georges Dumézil]], certains tenants de l'[[hypothèse kourgane]] ont affirmé que la population utilisant les tombes de type kourgane appartenait aux sociétés à État, nommées en anthropologie {{citation|sociétés stratifiées}}. Dans son essai ''L'énigme indo-européenne : Archéologie et langage'' (1987), l'archéologue [[Colin Renfrew]] avance notamment que les traces laissées par la population des kourganes ne permettent pas d'affirmer à coup sûr que ces populations étaient organisées en [[chefferie]]s<ref name="Ren299">{{harvsp|texte=Renfrew, 1990|p=299|id=Ren}}.</ref>{{,}}<ref name="Ren177">{{harvsp|texte=''L'énigme indo-européenne''|p=177|id=Ren}}</ref>{{,}}<ref name="Dem404">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=404|id=Dem}}.</ref>. Selon lui, la mise en place des premières [[Indo-européen commun|langues]] constitue une phase terminale de l'évolution régionale<ref name="Ren240">{{harvsp|texte=Renfrew, 1990|p=240|id=Ren}}.</ref>. Les différentes thèses de Colin Renfrew ont été contestées par [[Bernard Sergent]]<ref name="Sergent">[[Bernard Sergent]], « [http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1992_num_47_2_279053_t1_0388_0000_001 Colin Renfrew, L'énigme indo-européenne, archéologie et langage un compte rendu] », ''[[Annales ESC]]'', 1992, p. 388-394.</ref>, parmi d'autres.


L'archéologue et spécialiste des études indo-européennes [[James Patrick Mallory]], a défendu l'idée de l'existence d'une élite parmi les peuples à tombe de type kourgane, avec des réserves<ref name="Dem423">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=423|id=Dem}}.</ref>.
S'appuyant sur les théories de [[Georges Dumézil]], certains tenants de l'[[hypothèse kourgane]] ont affirmé que la population utilisant les tombes de type kourgane appartenait aux sociétés à État, nommées en anthropologie {{citation|sociétés stratifiées}}. Dans son essai ''L'énigme indo-européenne : Archéologie et langage'' (1987), l'archéologue [[Colin Renfrew]] remettra en cause une grande partie des conclusions de Marija Gimbutas. Il avance notamment que les traces laissées par la population des kourganes ne permettent d'affirmer à coup sûr que ces populations étaient organisées en [[chefferie]]s<ref name="Ren299">{{harvsp|texte=Renfrew, 1990|p=299|id=Ren}}</ref>, réfute la thèse de la dispersion linguistique durant le {{IVe}} millénaire en affirmant qu'elle n'est pas réaliste en raison des traces laissées par cette civilisation<ref name="Ren177" />{{,}}<ref name="Dem404">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=404|id=Dem}}</ref>. Selon lui, la mise en place des premières [[Indo-européen commun|langues]] constitue une phase terminale de l'évolution régionale<ref name="Ren240">{{harvsp|texte=Renfrew, 1990|p=240|id=Ren}}</ref>. Les différentes thèses de Colin Renfrew seront contestées par [[Bernard Sergent]]<ref name="Sergent">[[Bernard Sergent]], « [http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1992_num_47_2_279053_t1_0388_0000_001 Colin Renfrew, L'énigme indo-européenne, archéologie et langage un compte rendu] », ''[[Annales ESC]]'', 1992, p. 388-394.</ref> parmi d'autres.


Pour l'archéologue britannique {{Lien|langue=en|trad=Andrew Sherratt|fr=Andrew Sherratt|texte=Andrew Sherratt}}, la spécialisation néolithique de l'économie européenne a incité ces populations à étendre l'ampleur des parcours de transhumance de leurs troupeaux<ref name="Ren121" /> et à pratiquer non seulement l'élevage nomade, afin d'exploiter au mieux les possibilités du milieu dans lequel cette société évolue, mais aussi des formes d'agriculture<ref name="Ren122">{{harvsp|texte=Renfrew, 1990|p=122|id=Ren}}.</ref>.
L'archéologue et spécialiste des études indo-européennes [[James Patrick Mallory|J. P. Mallory]], défend l'idée de l'existence d'une élite parmi les peuples à tombe de type kourgane, en dépit des réserves qu'il formule quant à cette hypothèse<ref name="Dem423">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=423|id=Dem}}</ref>.

Pour l'archéologue britannique {{Lien|langue=en|trad=Andrew Sherratt|fr=Andrew Sherratt|texte=Andrew Sherratt}}, la spécialisation néolithique de l'économie européenne a incité ces populations à étendre l'ampleur des parcours de transhumance de leurs troupeaux<ref name="Ren121" /> et à pratiquer non seulement l'élevage nomade, afin d'exploiter au mieux les possibilités que le milieu dans lequel cette société évolue, mais aussi des formes d'agriculture<ref name="Ren122">{{harvsp|texte=Renfrew, 1990|p=122|id=Ren}}</ref>.


=== Une société hiérarchisée ===
=== Une société hiérarchisée ===
La richesse des tombes à kourgane laisse à penser que les populations les ayant érigées ont mis en place une société organisée, hiérarchisée<ref name="Mar51" />.<br>En effet, les chefs enterrés dans ces sépultures sont accompagnés de nombreux serviteurs et épouses<ref name="Mar51" />.

La richesse des tombes à kourgane laisse à penser que les populations les ayant érigées ont mis en place une société organisée, hiérarchisée<ref name="Mar51" />.

En effet, les chefs enterrés dans ces sépultures sont accompagnés de nombreux serviteurs et épouses<ref name="Mar51" />.


=== Une population guerrière ===
=== Une population guerrière ===
En dépit des divergences d'analyse entre chercheurs, nombreux sont ceux qui insistent sur le fait que, parmi la population enterrée dans les kourganes, on comptait de nombreux guerriers. Cependant, comme peu d'indices attestent de l'utilisation militaire du cheval durant cette période<ref name="Ren121">{{harvsp|texte=Renfrew, 1990|p=121|id=Ren}}.</ref>, ces guerriers ne semblaient pas combattre à cheval<ref name="Ren120">{{harvsp|texte=Renfrew, 1990|p=120|id=Ren}}.</ref>.


En dépit des divergences d'analyse entre chercheurs, nombreux sont ceux qui insistent sur le fait que, parmi la population enterrée dans les kourganes, on comptait de nombreux guerriers. Cependant, comme peu d'indices attestent de l'utilisation militaire du cheval durant cette période<ref name="Ren121">{{harvsp|texte=Renfrew, 1990|p=121|id=Ren}}</ref>, ces guerriers ne semblaient pas combattre à cheval<ref name="Ren120">{{harvsp|texte=Renfrew, 1990|p=120|id=Ren}}</ref>.
Les résultats des fouilles menées dans les années 1950 et 1960 montrent la disparition des cultures [[néolithique]]s établies sur le pourtour de la [[mer Noire]]. Ces cultures, ayant adopté la métallurgie de l'or et du cuivre, auraient été balayées au cours du {{-m|IV}} par les peuples des tombes à kourgane<ref name="Dem26">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=26|id=Dem}}.</ref>. En effet, les tombes à kourgane sont toutes richement pourvues en objets en or, plus probablement le fruit de rapines que des résultats de la maîtrise des techniques de la métallurgie<ref name="Mar51">{{harvsp|texte=Martinet, 1986|p=51|id=Mar}}.</ref>.


Cette population guerrière aurait rapidement connu une organisation hiérarchisée, patriarcale et guerrière, selon Marija Gimbutas<ref name="Dem402" />, et c'est par la conquête des territoires néolithiques que les peuples des kourganes ont pu répandre leur culture<ref name="Dem403" />.
Les résultats des fouilles menées dans les [[années 1950]] et [[Années 1960|1960]] attestent de l'écroulement des brillantes civilisations de la fin du [[Néolithique]] établies sur le pourtour de la [[mer Noire]]; ces civilisations, ayant découvert les procédés de la métallurgie de l'or et du cuivre, auraient été balayées au cours du {{IVe}} millénaire par des invasions lancées par des peuples ayant domestiqué le cheval, les peuples des tombes à kourganes<ref name="Dem26">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=26|id=Dem}}</ref>. En effet, les tombes à Kourgane sont toutes richement pourvues en objets en or, plus probablement le fruit de rapines que des résultats de la maîtrise des techniques de la métallurgie<ref name="Mar51">{{harvsp|texte=Martinet, 1986|p=51|id=Mar}}</ref>.


== Études génétiques ==
Cette population guerrière aurait rapidement connu une organisation hiérarchisée, patriarcale et guerrière, selon Marija Gimbutas<ref name="Dem402" /> et c'est par la conquête des groupes humains rencontrés sur leur chemin que les populations de la civilisation des kourganes auraient pu étendre l'emprise territoriale de leur culture<ref name="Dem403" />.
Des études génétiques ont été réalisées en 2009 sur des ossements issus de 26 sépultures de la région de [[Krasnoïarsk]], datées entre {{date-|-1800}} et le tout début de notre ère, par Eric Crubézy, anthropobiologiste et professeur à l'[[Université Toulouse-III-Paul-Sabatier|université Paul-Sabatier]] de [[Toulouse]]. Pour celui-ci, « les marqueurs génétiques que nous y avons détectés correspondent à ceux que l'on retrouve actuellement dans les populations d'Europe centrale et orientale, et en particulier en Ukraine. Nos données correspondent de manière parfaite avec le modèle imaginé par Marija Gimbutas. »<ref name="Foucart"/>.


En 2015, la première étude systématique paléogénétique de l'ADN des populations préhistoriques européennes incluant 96 individus semble confirmer pleinement l'[[hypothèse kourgane]]. Une migration très importante s'est produite depuis les steppes pontiques vers le centre de l'Europe puis les autres parties de l'Europe à partir d'environ {{date-|-2800}}, en particulier de la [[culture Yamna]] vers le centre de l'Europe, ce qui a donné naissance à la [[culture de la céramique cordée]]<ref name="Balter">{{en}} [http://www.sciencemag.org/news/2015/02/mysterious-indo-european-homeland-may-have-been-steppes-ukraine-and-russia Mysterious Indo-European homeland may have been in the steppes of Ukraine and Russia], Michael Balter, sciencemag.org, 13 février 2015.</ref>. Ces deux cultures jouent un rôle central dans l'hypothèse kourgane<ref>Massive migration from the steppes is à source for Indo-European langages in Europe, W. Haas et al., ''Nature'', 2015, doi:10.1038/nature14317.</ref>. Cette étude est considérée comme un tournant majeur dans l'étude de la préhistoire européenne<ref>Car Zimmer, ''The New York Times'', 10 juin 2015.</ref>{{,}}<ref>Ann Gibbons, Revolution in human evolution, Science, 24 juillet 2015, Vol. 349, {{p.|362-366}}.</ref>. Une étude menée par Morten Allentoft et Eske Willerslev du Natural History Museum au [[Danemark]] avance des conclusions similaires et suppose également que « la migration Yamna fut au moins partiellement responsable de la propagation des langues indo-européennes en Europe occidentale. »<ref> {{en}} [http://www.nature.com/news/dna-data-explosion-lights-up-the-bronze-age-1.17723 DNA data explosion lights up the Bronze Age], nature.com, 10 juin 2015.</ref>.
=== Attraction de la civilisation des tombes à kourganes ===


== Contre la thèse indo-européenne ==
Les succès rencontrés par cette civilisation a permis un certain attrait pour les populations vivant dans son voisinage immédiat{{ref nec}}.
Dans différents articles et essais depuis 1980, l'archéologue [[Jean-Paul Demoule]] s'est opposé à l'idée « qu'un peuple ancestral ait diffusé sa langue à partir d'un berceau unique »<ref name="Sergent"/>{{,}}<ref name="Foucart">[https://www.lemonde.fr/planete/article/2009/06/19/sur-la-piste-controversee-des-indo-europeens_1208911_3244.html Sur la piste controversée des Indo-Européens], Stéphane Foucart, lemonde.fr, 19 juin 2009.</ref>. Il défendait l'hypothèse que ces cultures auraient connu une forte instabilité que la moindre fluctuation aurait accentuée jusqu'à la rupture<ref name="Dem421">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=421|id=Dem}}.</ref>. Les thèses de Jean-Paul Demoule sont devenues marginales au sein de la recherche et ont été réfutées par l'accumulation des résultats génétiques obtenus depuis 2015{{Référence nécessaire|date={{#time: F Y}}}}.


== Notes et références ==
Selon l'anthropologue américain [[Ward Goodenough]], la conquête et la maîtrise de la steppe permet l'afflux dans ces régions peu peuplées d'immigrants originaires de régions plus peuplées<ref name="Ren122" /> et la mise en place de sociétés moins ostensiblement inégalitaires que celles qui s'organisent alors en Europe occidentales et dans les Balkans<ref name="Dem401">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=401|id=Dem}}</ref>.
=== Notes ===
{{Références|groupe=N}}


=== Études génétiques ===
=== Références ===
{{Références}}
Des études génétiques ont été réalisées en 2009 sur des ossements issus de 26 sépultures de la région de [[Krasnoïarsk]], datées entre 1 800 avant J.-C.et le tout début de notre ère par Eric Crubézy, anthropobiologiste et professeur à l'université Paul-Sabatier de Toulouse. Pour celui-ci, « les marqueurs génétiques que nous y avons détectés correspondent à ceux que l'on retrouve actuellement dans les populations d'Europe centrale et orientale, et en particulier en Ukraine. Nos données correspondent de manière parfaite avec le modèle imaginé par Marija Gimbutas. »<ref name="Foucart"/>

En 2015, la première étude systématique paléogénétique de l'ADN des populations préhistoriques européennes incluant 96 individus semble confirmer pleinement l'hypothèse de l'origine des Kourganes. Une migration très importante s'est produite depuis les steppes pontiques vers le centre de l'Europe puis les autres parties de l'Europe autour de [[-3000]], en particulier de la [[culture Yamna]] vers le centre de l'Europe ce qui a donné la naissance de la [[culture de la céramique cordée]]<ref name="Balter">{{en}} [http://www.sciencemag.org/news/2015/02/mysterious-indo-european-homeland-may-have-been-steppes-ukraine-and-russia Mysterious Indo-European homeland may have been in the steppes of Ukraine and Russia], Michael Balter, sciencemag.org, 13 février 2015</ref>. Ces deux cultures jouent un rôle central dans l'hypothèse kourgane<ref>Massive migration from the steppes is à source for Indo-European langages in Europe, W. Haas et al., ''Nature'', 2015, doi:10.1038/nature14317.</ref>. Cette étude est considérée comme un tournant majeur dans l'étude de la préhistoire européenne<ref>Car Zimmer, ''The New York Times'', 10 juin 2015.</ref>{{,}}<ref>Ann Gibbons, Revolution in human evolution, Science, 24 juillet 2015, Vol. 349, {{p.|362-366}}.</ref>. Une étude menée par Morten Allentoft et Eske Willerslev du Natural History Museum au Danemark avance des conclusions similaires et suppose également que « la migration Yamna fut au moins partiellement responsable de la propagation des langues indo-européennes en Europe occidentale. »<ref> {{en}} [http://www.nature.com/news/dna-data-explosion-lights-up-the-bronze-age-1.17723 DNA data explosion lights up the Bronze Age], nature.com, 10 juin 2015</ref>

== Débats autour des kourganes ==
{{Article détaillé|hypothèse kourgane}}

Le débat sur les usagers des tombes à kourganes s'est longtemps organisé autour de l'origine de cette population et de sa structure sociale. Dès les années 1920, les premières synthèses érudites sont publiées, d'abord en 1921 par le préhistorien allemand {{Lien|langue=de|trad=Max Ebert|fr=Max Ebert|texte=Max Ebert}} (1879-1929) puis en 1926 par l'archéologue finlandais Aarne Michaël Tallgreen (1885-1945)<ref name="Dem206" />.

=== Débats linguistiques ===
Les débats linguistiques sont aussi constitutifs de la formulation de ce que l'on a appelé l'[[hypothèse kourgane]]. Ainsi, selon les tenants de cette hypothèse, la dispersion [[Famille de langues|linguistique]] s'est opérée dans la seconde moitié du {{IVe}} millénaire avant notre ère<ref name="Ren177">{{harvsp|texte=''L'énigme indo-européenne''|p=177|id=Ren}}</ref>, Ainsi, l'archéologue australien [[Gordon Childe]], à partir des années 1920, s'appuie sur la [[paléolinguistique]] pour établir des liens de parenté entre les populations usant des tombes à kourganes et d'autres populations plus récentes, notamment les populations [[Sumériens|sumériennes]] et [[Babyloniens|babyloniennes]]<ref name="Dem235">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=235|id=Dem}}</ref>.

==== Contre la thèse de la dispersion linguistique ====
Dans différents articles et essais depuis 1980, l'archéologue [[Jean-Paul Demoule]] s'est opposé à l'idée « qu'un peuple ancestral ait diffusé sa langue à partir d'un berceau unique »<ref name="Sergent"/>{{,}}<ref name="Foucart">[https://www.lemonde.fr/planete/article/2009/06/19/sur-la-piste-controversee-des-indo-europeens_1208911_3244.html Sur la piste controversée des Indo-Européens], Stéphane Foucart, lemonde.fr, 19 juin 2009</ref>. Il défend l'hypothèse que ces cultures brillantes auraient connu une forte instabilité que la moindre fluctuation accentue jusqu'à la rupture<ref name="Dem421">{{harvsp|texte=Demoule, 2015|p=421|id=Dem}}</ref>.

Néanmoins, les thèses de Demoule sont minoritaires au sein de la recherche.


== Bibliographie ==
== Bibliographie ==
* {{en}} Kacper Jachimowicz, Danuta Żurkiewicz, ..., [http://archeo.edu.pl/bps/BPS22.pdf Podolia ‘barrow culture’ communities:4th/3rd-2nd mill. BC the Yampil barrow complex: interdisciplinary studies], ''Baltic-Pontic Studies'', volume 22, 2017, 290 p.
* {{en}} Kacper Jachimowicz, Danuta Żurkiewicz, etc., [http://archeo.edu.pl/bps/BPS22.pdf Podolia ‘barrow culture’ communities:4th/3rd-2nd mill. BC the Yampil barrow complex: interdisciplinary studies], ''Baltic-Pontic Studies'', volume 22, 2017, 290 p.
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Jean-Paul |nom1=Demoule |lien auteur1=Jean-Paul Demoule |titre=Mais où sont passés les Indo-Européens ? |sous-titre=Le mythe d'origine de l'Occident |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]] |collection=La librairie du XXI<sup>e</sup> siècle |année=2015 |pages totales=742 |isbn=978-2-02-029691-5 |id=Dem}} {{plume}}
* {{Ouvrage|prénom1=Jean-Paul |nom1=Demoule |lien auteur1=Jean-Paul Demoule |titre=Mais où sont passés les Indo-Européens ? |sous-titre=Le mythe d'origine de l'Occident |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]] |collection=La librairie du {{s-|XXI}} |année=2015 |pages totales=742 |isbn=978-2-02-029691-5 |id=Dem}} {{plume}}.
* {{de}} [[Marija Gimbutas]], ''Die Ethnogenese der europäischen Indogermanen'', Innsbruck, Institut für Sprachwissenschaft der Universität Innsbruck, 1992, 313 p.
* {{de}} [[Marija Gimbutas]], ''Die Ethnogenese der europäischen Indogermanen'', Innsbruck, Institut für Sprachwissenschaft der Universität Innsbruck, 1992, 313 p.
* {{de}} Marija Gimbutas, ''Das Ende Alteuropas: Der Einfall von Steppennomaden aus Südrussland und die Indogermanisierung Mitteleuropas'', Innsbruck, Institut für Sprachwissenschaft der Universität Innsbruck, 1994, 135 p.
* {{de}} Marija Gimbutas, ''Das Ende Alteuropas: Der Einfall von Steppennomaden aus Südrussland und die Indogermanisierung Mitteleuropas'', Innsbruck, Institut für Sprachwissenschaft der Universität Innsbruck, 1994, 135 p.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jean|nom1=Haudry|lien auteur1=Jean Haudry|titre=Les Indo-Européens|lieu=Paris|éditeur=[[Presses universitaires de France|PUF]]|collection=Que sais-je ?|année=1992|année première édition=1981|pages totales=127|isbn=2-13-037090-X}}
* {{Ouvrage|prénom1=Jean|nom1=Haudry|lien auteur1=Jean Haudry|titre=Les Indo-Européens|lieu=Paris|éditeur=[[Presses universitaires de France|PUF]]|collection=Que sais-je ?|année=1992|année première édition=1981|pages totales=127|isbn=2-13-037090-X}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Iaroslav|nom1=Lebedynsky|lien auteur1=Iaroslav Lebedynsky|titre=Les Indo-Européens|sous-titre=Faits, débats, solutions|lieu=Paris|éditeur=Errance|année=2009|pages totales=221|isbn=978-2-87772-396-1}}
* {{Ouvrage|prénom1=Iaroslav|nom1=Lebedynsky|lien auteur1=Iaroslav Lebedynsky|titre=Les Indo-Européens|sous-titre=Faits, débats, solutions|lieu=Paris|éditeur=Errance|année=2009|pages totales=221|isbn=978-2-87772-396-1}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|prénom1=James Patrick|nom1=Mallory|titre=À la recherche des indo-européens|sous-titre=langue, archéologie, mythe|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]]|année=1998|pages totales=358|isbn=2-02-014390-9}}
* {{Ouvrage|langue originale=en|prénom1=James Patrick|nom1=Mallory|titre=À la recherche des indo-européens|sous-titre=langue, archéologie, mythe|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]]|année=1998|pages totales=358|isbn=2-02-014390-9}}.
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=André |nom1=Martinet |titre=Des steppes aux océans |sous-titre=L'indo-européen et les "Indo-européens |lieu=Paris |éditeur=[[Payot (éditions)|Payot]] |année=1986 |pages totales=274 |isbn=2-228-88804-4 |id=Mar}} {{Plume}}
* {{Ouvrage|prénom1=André |nom1=Martinet |titre=Des steppes aux océans |sous-titre=L'indo-européen et les "Indo-européens |lieu=Paris |éditeur=[[Payot (éditions)|Payot]] |année=1986 |pages totales=274 |isbn=2-228-88804-4 |id=Mar}} {{Plume}}.
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Colin |nom1=Renfrew |lien auteur1=Colin Renfrew |titre=L'énigme indo-européenne |sous-titre=Archéologie et langage. |lieu=Paris |éditeur=[[groupe Flammarion|Flammarion]] |collection=Champs Flammarion |année=1990 (édition française) |pages totales=399 |isbn=978-2-08-081303-9 |id=Ren}} {{Plume}}
* {{Ouvrage|prénom1=Colin |nom1=Renfrew |lien auteur1=Colin Renfrew |titre=L'énigme indo-européenne |sous-titre=Archéologie et langage. |lieu=Paris |éditeur=[[groupe Flammarion|Flammarion]] |collection=Champs Flammarion |année=1990 (édition française) |pages totales=399 |isbn=978-2-08-081303-9 |id=Ren}} {{Plume}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Bernard|nom1=Sergent|lien auteur1=Bernard Sergent|titre=Les Indo-Européens|sous-titre=Histoire, langues, mythes|lieu=Paris|éditeur=[[Payot (éditions)|Payot]]|année=1995|pages totales=536|isbn=2-228-88956-3}}
* {{Ouvrage|prénom1=Bernard|nom1=Sergent|lien auteur1=Bernard Sergent|titre=Les Indo-Européens|sous-titre=Histoire, langues, mythes|lieu=Paris|éditeur=[[Payot (éditions)|Payot]]|année=1995|pages totales=536|isbn=2-228-88956-3}}.


== Notes et références ==
== Voir aussi ==
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=== Notes ===
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=== Références ===
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== Annexes ==
=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
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{{colonnes|nombre=2|
* [[Indo-Européens|Indo-européen]]
* [[Indo-Européens]]
* [[Hypothèse Kourgane]]
* [[Hypothèse kourgane]]
* [[Marija Gimbutas]]
* [[Marija Gimbutas]]
* [[Colin Renfrew]]
* [[Statue-menhir]]
* [[Tombeau thrace de Svechtari]]
* [[Tombe thrace de Kazanlak]]
* [[Kourgane de Salbyk]]
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Version du 13 août 2024 à 10:42

Coupe d'un kourgane.
Intérieur du kourgane Tsarsky, IVe siècle av. J.-C., Crimée.

Un kourgane (курган en russe, mot d'origine tatare) est un tumulus funéraire que l'on trouve principalement dans la steppe pontique et dans la steppe eurasienne, en Ukraine et en Russie. Il s'agit d'un monticule, d'un tertre, voire d'une colline artificielle, recouvrant une tombe. Les kourganes ont été édifiés par des peuples aujourd'hui considérés par la plupart des chercheurs, selon l'hypothèse kourgane, comme étant les premiers Indo-Européens.

Carte de l'expansion des populations à kourganes.

Localisation

Les kourganes sont particulièrement nombreux au nord de la mer Noire et de la mer Caspienne (en Russie méridionale et en Ukraine), mais on en trouve également dans l'est de l'Europe. Ils ont été édifiés dans les steppes par une population qui vivait dans cette région du Néolithique à l'Âge du fer, du IVe au Ier millénaire av. J.-C.

Historique

À partir du XIXe siècle, les fouilles ont mis au jour des tombes à tumulus ou à kourgane[1], dans lesquelles les archéologues ont découvert des ossements de chevaux, des objets de cuivre et des petites maquettes de chariots en argile, appuyant l'origine steppique de la culture des kourganes et montrant son unité culturelle sur un vaste espace géographique[2].

Découvertes lorsque l'Ukraine et le Caucase faisaient partie de l'Empire russe, les tombes de type kourgane ont été décrites par des archéologues russes, notamment Vassily Gorodcov[3]. Ceux-ci ont à l'époque émis l'opinion que les populations de la culture des kourganes étaient différentes de celles de la culture de la céramique cordée[4].

Cependant, dès 1890, le philologue allemand Otto Schrader (de) avance que la culture de la céramique cordée est le résultat d'une population plus pastorale venue du sud de la Russie, celle des Kourganes[5]. Cette hypothèse sera développée par la suite par Sigmund Feist (en)[6], Vere Gordon Childe[7] qui fonde sa thèse de l'origine steppique des populations indo-européennes sur l'étude des kourganes[8], Tadeusz Sulimirski (en)[9] et Georges Poisson[10].

L'archéologue australien Vere Gordon Childe (1892-1957), à partir des années 1920, s'appuie sur la paléolinguistique pour établir des liens de parenté entre les populations usant des tombes à kourganes et d'autres populations plus récentes, notamment les populations sumériennes et babyloniennes[8].

Le débat sur les usagers des tombes à kourgane s'est longtemps organisé autour de l'origine de cette population et de sa structure sociale. Dès les années 1920, les premières synthèses érudites sont publiées, d'abord en 1921 par le préhistorien allemand Max Ebert (de) (1879-1929) puis en 1926 par l'archéologue finlandais Aarne Michaël Tallgreen (1885-1945)[3].

Après la Seconde Guerre mondiale, l'archéologue Marija Gimbutas (1921-1994) reprend l'hypothèse selon laquelle cette population serait indo-européenne et parlerait la langue mère de toutes les langues indo-européennes. Quand elles ont commencé à se disperser, ces tribus connaissaient déjà la métallurgie du cuivre, et elles comptaient parmi les plus anciens éleveurs de chevaux du monde. Elles ont laissé un grand nombre de tumulus dans lesquels les fouilles archéologiques contemporaines ont pu mettre au jour de nombreux objets et autres témoignages de leur société.

Marija Gimbutas développe sa théorie de la culture des kourganes. Selon elle, les premières traces de cette culture, correspondant au Kourgane I, se trouvent dans les régions forestières de l'Est de la Russie d'Europe, entre la Volga et l'Oural[11]. Elle avait d'abord localisé l'aire d'origine de la culture des kourganes à l'est du Don, avant de modifier sa théorie[12]. À partir des années 1960, sous l'influence de Marija Gimbutas, les archéologues avancent que l'étude de la culture des tombes à kourgane permet d'observer un processus de mélange entre plusieurs cultures[13].

L'anthropologue américain Ward Goodenough (1919-2013) a de son côté défendu l'hypothèse de l'origine européenne de la culture des kourganes[14]. Selon lui, la conquête et la maîtrise de la steppe ont permis l'afflux dans ces régions peu peuplées d'immigrants originaires de régions plus peuplées[15], et la mise en place de sociétés moins ostensiblement inégalitaires que celles qui s'organisent alors en Europe occidentale et dans les Balkans[16].

À partir des années 1980, les squelettes trouvés dans les kourganes ont été étudiés au moyen des techniques modernes[17].

Chronologie

Les études menées au XXe siècle, basées sur l'observation des différentes pratiques funéraires, ont permis d'établir une chronologie. Une première période, celle des tombes à fosse, une seconde période, celle des tombes à catacombe, puis une troisième période, celle des tombes à charpente, ont ainsi été identifiées[3].

Chaque période se distingue de la précédente par des pratiques funéraires spécifiques. La période dite Kourgane I est caractérisée par le saupoudrage d'ocre sur le corps des défunts. Les périodes dites Kourganes II et III se distinguent par leur expansion géographique par rapport au foyer initial, tout en donnant naissance à la culture de Maïkop, du nom d'une sépulture princière du Kouban (Russie du Sud). Le Kourgane IV se caractérise par le développement des tombes à fosse[18].

Au Ve millénaire av. J.-C., des populations de chasseurs-cueilleurs adoptent une économie semi-pastorale dans la région du cours moyen de la Volga, basée en partie sur l'élevage d'animaux domestiques. Cette première phase, le Kourgane I, correspond au développement de la culture de Samara[11].

Dans un second temps, les populations de la culture de Samara se seraient répandues dans la steppe pontique, jusqu'au Dniepr, entrant ainsi en contact avec la culture de Cucuteni-Trypillia, constituée de fermiers néolithiques. L'échange de traits culturels aurait conduit au Kourgane II, s'étendant du Caucase (culture de Maïkop) jusqu'aux bouches du Danube[18].

Puis, au contact de la culture rubanée du Danube, la culture d'Usatovo s'individualise à la fin du IVe millénaire av. J.-C. et forme le Kourgane III. Au cours de la quatrième période, le Kourgane IV, la culture des kourganes poursuit son expansion. Par la suite, cette culture connaît une extension progressive vers l'est, conduisant à l'émergence de la culture d'Afanasievo[18].

Au cours de la première moitié du IIIe millénaire av. J.-C., la culture des tombes à kourgane se répand dans toute l'Europe du Nord, jusqu'à la mer du Nord, formant la culture de la céramique cordée. Le cheval est alors utilisé pour sa viande, pour sa force de traction et comme monture. La culture de Baden, formée par les fermiers néolithiques d'Europe centrale, disparait.

Kourgane de Salbyk, dans la steppe de Sibérie russe datant du VIIIe siècle av. J.-C.

Scythes

Des kourganes ont été laissés dans la steppe eurasienne par les populations héritières des premiers Indo-Européens, qui étaient notamment proto-indo-iraniennes, puis iraniennes et en particulier scythes. Les tumulus de grande dimension étaient ceux de rois. Plus à l'est, au Kazakhstan, ils pouvaient atteindre 200 mètres de diamètre. Ces imposantes tombes datent du Ier millénaire av. J.-C. Selon les procédés funéraires mis en œuvre, les morts étaient déposés en position fœtale[N 1], et abondamment saupoudrés d'ocre[N 2],[19].

Société

S'appuyant sur les théories de Georges Dumézil, certains tenants de l'hypothèse kourgane ont affirmé que la population utilisant les tombes de type kourgane appartenait aux sociétés à État, nommées en anthropologie « sociétés stratifiées ». Dans son essai L'énigme indo-européenne : Archéologie et langage (1987), l'archéologue Colin Renfrew avance notamment que les traces laissées par la population des kourganes ne permettent pas d'affirmer à coup sûr que ces populations étaient organisées en chefferies[20],[21],[22]. Selon lui, la mise en place des premières langues constitue une phase terminale de l'évolution régionale[23]. Les différentes thèses de Colin Renfrew ont été contestées par Bernard Sergent[24], parmi d'autres.

L'archéologue et spécialiste des études indo-européennes James Patrick Mallory, a défendu l'idée de l'existence d'une élite parmi les peuples à tombe de type kourgane, avec des réserves[25].

Pour l'archéologue britannique Andrew Sherratt (en), la spécialisation néolithique de l'économie européenne a incité ces populations à étendre l'ampleur des parcours de transhumance de leurs troupeaux[26] et à pratiquer non seulement l'élevage nomade, afin d'exploiter au mieux les possibilités du milieu dans lequel cette société évolue, mais aussi des formes d'agriculture[15].

Une société hiérarchisée

La richesse des tombes à kourgane laisse à penser que les populations les ayant érigées ont mis en place une société organisée, hiérarchisée[27].
En effet, les chefs enterrés dans ces sépultures sont accompagnés de nombreux serviteurs et épouses[27].

Une population guerrière

En dépit des divergences d'analyse entre chercheurs, nombreux sont ceux qui insistent sur le fait que, parmi la population enterrée dans les kourganes, on comptait de nombreux guerriers. Cependant, comme peu d'indices attestent de l'utilisation militaire du cheval durant cette période[26], ces guerriers ne semblaient pas combattre à cheval[28].

Les résultats des fouilles menées dans les années 1950 et 1960 montrent la disparition des cultures néolithiques établies sur le pourtour de la mer Noire. Ces cultures, ayant adopté la métallurgie de l'or et du cuivre, auraient été balayées au cours du IVe millénaire av. J.-C. par les peuples des tombes à kourgane[29]. En effet, les tombes à kourgane sont toutes richement pourvues en objets en or, plus probablement le fruit de rapines que des résultats de la maîtrise des techniques de la métallurgie[27].

Cette population guerrière aurait rapidement connu une organisation hiérarchisée, patriarcale et guerrière, selon Marija Gimbutas[11], et c'est par la conquête des territoires néolithiques que les peuples des kourganes ont pu répandre leur culture[18].

Études génétiques

Des études génétiques ont été réalisées en 2009 sur des ossements issus de 26 sépultures de la région de Krasnoïarsk, datées entre et le tout début de notre ère, par Eric Crubézy, anthropobiologiste et professeur à l'université Paul-Sabatier de Toulouse. Pour celui-ci, « les marqueurs génétiques que nous y avons détectés correspondent à ceux que l'on retrouve actuellement dans les populations d'Europe centrale et orientale, et en particulier en Ukraine. Nos données correspondent de manière parfaite avec le modèle imaginé par Marija Gimbutas. »[30].

En 2015, la première étude systématique paléogénétique de l'ADN des populations préhistoriques européennes incluant 96 individus semble confirmer pleinement l'hypothèse kourgane. Une migration très importante s'est produite depuis les steppes pontiques vers le centre de l'Europe puis les autres parties de l'Europe à partir d'environ , en particulier de la culture Yamna vers le centre de l'Europe, ce qui a donné naissance à la culture de la céramique cordée[31]. Ces deux cultures jouent un rôle central dans l'hypothèse kourgane[32]. Cette étude est considérée comme un tournant majeur dans l'étude de la préhistoire européenne[33],[34]. Une étude menée par Morten Allentoft et Eske Willerslev du Natural History Museum au Danemark avance des conclusions similaires et suppose également que « la migration Yamna fut au moins partiellement responsable de la propagation des langues indo-européennes en Europe occidentale. »[35].

Contre la thèse indo-européenne

Dans différents articles et essais depuis 1980, l'archéologue Jean-Paul Demoule s'est opposé à l'idée « qu'un peuple ancestral ait diffusé sa langue à partir d'un berceau unique »[24],[30]. Il défendait l'hypothèse que ces cultures auraient connu une forte instabilité que la moindre fluctuation aurait accentuée jusqu'à la rupture[36]. Les thèses de Jean-Paul Demoule sont devenues marginales au sein de la recherche et ont été réfutées par l'accumulation des résultats génétiques obtenus depuis 2015[réf. nécessaire].

Notes et références

Notes

  1. Comme tous les morts datant de la période néolithique mis au jour en Europe.
  2. de là découle la désignation de « tombes à ocre ».

Références

  1. C. Gras, Anthracite (Roman), Paris, Aktie, , 335 p. (ISBN 978-2-234-07978-6), « Les soirées du hameau »
  2. Demoule 2015, p. 387
  3. a b et c Demoule 2015, p. 206
  4. Renfrew, 1990, p. 116.
  5. Otto Schrader, Prehistoric antiquities of the Aryan peoples, Londres, 1890.
  6. Sigmund Feist, Kultur, Ausbreitung und Herkunft der Indo-Germanen, 1913.
  7. Vere Gordon Childe, The Aryans : A Study of Indo-European Origins, Londres, Kegan Paul, 1926.
  8. a et b Demoule, 2015, p. 235.
  9. Tadeusz Sulimirski, Die schnurkeramischen Kulturen und das indoeuropaische Problem. La Pologne au VII-e Congrès International des Sciences Historiques, Varsovie 1933.
  10. Georges Poisson, Les Aryens : Étude linguistique, ethnologique et préhistorique, Payot, Paris, 1934.
  11. a b et c Demoule, 2015, p. 402.
  12. Demoule, 2015, p. 405.
  13. Demoule 2015, p. 400
  14. Renfrew, 1990, p. 239.
  15. a et b Renfrew, 1990, p. 122.
  16. Demoule, 2015, p. 401.
  17. Colin Thubron (trad. de l'anglais par K. Holmes), En Sibérie [« In Siberia »], Paris, Gallimard, , 471 p. (ISBN 978-2-07-044616-2), chap. 4 (« Régions frontières »)
  18. a b c et d Demoule, 2015, p. 403.
  19. Demoule, 2015, p. 233.
  20. Renfrew, 1990, p. 299.
  21. L'énigme indo-européenne, p. 177
  22. Demoule, 2015, p. 404.
  23. Renfrew, 1990, p. 240.
  24. a et b Bernard Sergent, « Colin Renfrew, L'énigme indo-européenne, archéologie et langage un compte rendu », Annales ESC, 1992, p. 388-394.
  25. Demoule, 2015, p. 423.
  26. a et b Renfrew, 1990, p. 121.
  27. a b et c Martinet, 1986, p. 51.
  28. Renfrew, 1990, p. 120.
  29. Demoule, 2015, p. 26.
  30. a et b Sur la piste controversée des Indo-Européens, Stéphane Foucart, lemonde.fr, 19 juin 2009.
  31. (en) Mysterious Indo-European homeland may have been in the steppes of Ukraine and Russia, Michael Balter, sciencemag.org, 13 février 2015.
  32. Massive migration from the steppes is à source for Indo-European langages in Europe, W. Haas et al., Nature, 2015, doi:10.1038/nature14317.
  33. Car Zimmer, The New York Times, 10 juin 2015.
  34. Ann Gibbons, Revolution in human evolution, Science, 24 juillet 2015, Vol. 349, p. 362-366.
  35. (en) DNA data explosion lights up the Bronze Age, nature.com, 10 juin 2015.
  36. Demoule, 2015, p. 421.

Bibliographie

Voir aussi

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Articles connexes

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