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« Alexandre le Grand » : différence entre les versions

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<center>'''Campagne des Balkans'''<br /></center>{{Campagne d'Alexandre dans les Balkans}}<br /><center>'''Conquête de la Perse'''<br /></center>{{Campagnes perses d'Alexandre}}<br /><center>'''Campagne d'Inde'''<br /></center>{{Campagne indienne d'Alexandre}}
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'''Alexandre le Grand''' (en [[grec ancien]] : {{Grec ancien|Ἀλέξανδρος ὁ Μέγας}} / {{Lang |grc-Latn |''Aléxandros ho Mégas''}} ou {{grec ancien|Μέγας Ἀλέξανδρος}} / {{Lang |grc-Latn |''Mégas Aléxandros''}}) ou '''{{souverain-|Alexandre III}} de Macédoine''' ({{grec ancien|Ἀλέξανδρος Γ' ὁ Μακεδών}} / ''{{souverain-|Aléxandros III}} ho Makedốn)'', né le {{date de naissance|21|juillet|-356}} à [[Pella]] et mort le {{date de décès|11|juin|-323}} à [[Babylone]], est un roi de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] et l'un des personnages les plus célèbres de l'[[Antiquité]]. Fils de {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}, élève d'[[Aristote]] et roi de Macédoine à partir de [[336 av. J.-C.|336]], il devient l'un des plus grands conquérants de l'histoire en prenant possession de l'immense [[Achéménides|Empire perse]] et en s'avançant jusqu'aux rives de l'[[Indus]].


'''Alexandre le Grand''' (en [[grec ancien]] : {{Grec ancien|Ἀλέξανδρος ὁ Μέγας|Aléxandros ho Mégas}} ou {{grec ancien|Μέγας Ἀλέξανδρος|Mégas Aléxandros}}) ou '''{{noble-|Alexandre III}}''' ({{grec ancien|Ἀλέξανδρος Γ'|Aléxandros III}}), né le {{date de naissance|21|juillet|-356}} à [[Pella (cité antique)|Pella]] et mort le {{date de décès|11|juin|-323}} à [[Babylone]], est un roi de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] et l'un des personnages les plus célèbres de l'[[Antiquité]]. Fils de {{noble|Philippe II (roi de Macédoine)}}, élève d'[[Aristote]] et roi de Macédoine à partir de {{date|-336}}, il [[Bilan du règne d'Alexandre le Grand|devient l'un des plus grands conquérants de l'histoire]] en prenant possession de l'immense [[Empire perse]] et en s'avançant jusqu'aux rives de l'[[Indus]].
Après l'assassinat de Philippe, Alexandre hérite d'un royaume puissant et d'une [[armée macédonienne|armée expérimentée]]. Reprenant le projet [[Panhellénisme|panhellénique]] de son père, il réunit la Macédoine et des cités grecques dans une coalition afin d'envahir l'Empire perse. En [[334 av. J.-C.|334]], il débarque en Asie, démarrant une campagne qui durera dix ans. Il remporte une première victoire contre les [[satrape]]s [[perses]] au [[Bataille du Granique|Granique]] qui lui offre l'[[Anatolie]]. Puis en [[333 av. J.-C.|333]], il défait le roi {{souverain2|Darius III}} à [[Bataille d'Issos|Issos]]. Il entreprend la conquête de la [[Phénicie]] et marche jusqu'en [[Egypte antique|Égypte]] où il est proclamé [[pharaon]]. La victoire à [[Bataille de Gaugamèles|Gaugamèles]] en [[331 av. J.-C.|331]] lui offre la totalité de l'Empire perse. Il mène ensuite une campagne contre les généraux perses insoumis et s'avance jusqu'au pays des [[Scythes]]. Il dirige enfin une dernière campagne au [[Pendjab (Pakistan)|Pendjab]] et dans la vallée de l'[[Indus]] (Pakistan actuel) durant laquelle il remporte la [[bataille de l'Hydaspe]] ; mais en [[326 av. J.-C.|326]] ses soldats refusent d'avancer plus loin. Il meurt en [[323 av. J.-C.|323]] à [[Babylone]] probablement de maladie, à l'âge de trente-deux ans, avant d'avoir pu mener ses projets de conquête de la [[Arabie|péninsule arabique]].


Après l'assassinat de Philippe, Alexandre hérite d'un royaume puissant et d'une [[armée macédonienne|armée expérimentée]]. Reprenant le projet [[Panhellénisme|panhellénique]] de son père, il réunit la Macédoine et des cités grecques dans une coalition afin d'envahir l'empire perse. En {{date|-334}}, il débarque en Asie, démarrant une [[Chronologie des campagnes d'Alexandre le Grand|campagne qui dure dix ans]]. Il remporte une première victoire contre les [[satrape]]s perses au [[Bataille du Granique|Granique]] qui lui offre l'[[Anatolie]]. Puis en 333, il défait le roi {{noble|Darius III}} à [[Bataille d'Issos|Issos]]. Il entreprend la conquête de la [[Phéniciens|Phénicie]] et marche jusqu'en [[Égypte antique|Égypte]] où il est proclamé [[pharaon]]. La victoire à [[Bataille de Gaugamèles|Gaugamèles]] en 331 lui offre la totalité de l'empire perse. Il mène ensuite une campagne contre les généraux perses insoumis et s'avance jusqu'au pays des [[Scythes]]. Il dirige enfin une dernière campagne au [[Pendjab (Pakistan)|Pendjab]] et dans la vallée de l'[[Indus]] (Pakistan actuel) durant laquelle il remporte la [[bataille de l'Hydaspe]] ; mais en 326 ses soldats refusent d'avancer plus loin. Il meurt en 323 à [[Babylone]] probablement de maladie, à l'âge de {{nobr|32 ans}}, avant d'avoir pu mener à bien ses projets de conquête de l'[[Arabie préislamique|Arabie]].
Roi-bâtisseur, Alexandre a [[Villes fondées par Alexandre le Grand|fondé près d'une vingtaine de cités]], la plus importante étant [[Alexandrie|Alexandrie d'Égypte]], et a implanté des [[Colonisation grecque|colonies]] jusqu'aux confins de l'Asie, étendant notablement l'influence de l'[[hellénisme]]. Il se place dans la continuité des souverains [[achéménides]] et cherche à assimiler les élites asiatiques avec pour objectif d'assurer la pérennité de l'empire qu'il a créé, comme en témoigne son mariage avec une princesse de [[Bactriane]], [[Roxane]]. Son empire est partagé à sa mort entre ses principaux généraux, les [[Diadoque]]s, qui forment à la fin du {{-s-|IV}} les différents royaumes de la [[Époque hellénistique|période hellénistique]].


Roi-bâtisseur, Alexandre a [[Villes fondées par Alexandre le Grand|fondé une vingtaine de cités]], la plus importante étant [[Alexandrie|Alexandrie d'Égypte]], et a implanté des [[Colonisation grecque|colonies]] jusqu'aux confins de l'Asie, étendant notablement l'influence de l'[[hellénisme]]. Il se place dans la continuité des souverains [[achéménides]] et cherche à assimiler les élites asiatiques avec pour objectif d'assurer la pérennité de l'empire qu'il a créé, comme en témoigne notamment son mariage avec une princesse de [[Bactriane]], [[Roxane]]. Son empire est partagé à sa mort entre ses principaux généraux, les [[Diadoque]]s, qui forment à la fin du {{-s-|IV}} les différents royaumes de la [[Époque hellénistique|période hellénistique]].
L'immense postérité d'Alexandre à travers l'histoire, les cultures et les religions s'explique par l'ampleur de ses victoires militaires, par sa volonté de conquête de l'ensemble du monde connu et par sa personnalité empreinte de philosophie mais aussi de démesure. Son épopée suscite dès l'Antiquité de nombreuses publications littéraires. Néanmoins les écrits des historiens contemporains des événements ont tous disparu ; seuls subsistent de nos jours leurs abréviateurs, dont certains sont à l'origine des légendes le concernant. Parmi ses récits légendaires, le ''[[Roman d'Alexandre]]'' occupe une place à part ; issu des écrits du [[Pseudo-Callisthène]], il mêle l'histoire et le fantastique pour devenir l'un des ouvrages non religieux les plus lus au [[Moyen Âge]], en Occident comme en Orient.


La postérité d'Alexandre à travers l'histoire, les cultures et les religions s'explique par l'ampleur de ses victoires militaires, par sa volonté de conquête de l'ensemble du monde connu et par sa personnalité empreinte de philosophie mais aussi de démesure. Son épopée suscite dès l'Antiquité de nombreuses publications littéraires. Néanmoins les écrits des historiens contemporains des événements ont tous disparu ; seuls subsistent de nos jours leurs abréviateurs, dont certains sont à l'origine des légendes le concernant. Parmi ses récits légendaires, le ''[[Roman d'Alexandre]]'' occupe une place à part ; issu des écrits du [[Pseudo-Callisthène]], il mêle l'histoire et le fantastique pour devenir l'un des ouvrages non religieux les plus lus au [[Moyen Âge]], en Occident comme en Orient.
Dès le règne d'Alexandre se construit un mythe qui le présente comme un [[Culte héroïque grec|héros divinisé]]. Cette renommée, malgré des critiques eu égard à ses excès ou à sa cruauté, dépasse ensuite les frontières du monde grec pour prendre place parmi les écrits des religions monothéistes. Dans la [[Rome antique]], il est considéré comme un modèle pour nombre de généraux et d'[[Liste des empereurs romains|empereurs]]. Dans l'[[Empire byzantin]], il bénéficie d'une grande popularité dans tous les milieux sociaux et représente l'idéal du souverain, tout en connaissant une forme de [[Christianisme|christianisation]]. Dans l'Europe médiévale, il est vu comme un exemple de vertus [[Chevalerie|chevaleresques]] au travers du ''Roman d'Alexandre''. À l'[[époque moderne]], il est un temps un modèle pour {{souverain2|Louis XIV}}. Au [[siècle des Lumières]], il apparaît comme celui qui a étendu la civilisation européenne et ouvert le commerce entre l'Europe et l'Asie. À l'[[époque contemporaine]], il inspire la volonté d'[[Guerre d'indépendance grecque|indépendance des Grecs]] et devient le modèle du « conquérant-civilisateur » pour les promoteurs de la [[Empire colonial|colonisation]] européenne. En Orient, il bénéficie d'une grande postérité sous le nom d'Iskandar (ou Iskander). Enfin, il est [[Alexandre le Grand dans l'art|représenté dans de nombreuses œuvres d'art]] de l'Antiquité jusqu'à nos jours.


Dès le règne d'Alexandre se construit un mythe qui le présente comme un [[Culte héroïque grec|héros divinisé]]. Cette renommée, malgré des critiques eu égard à ses excès ou à sa cruauté, dépasse ensuite les frontières du monde grec pour prendre place parmi les écrits des religions monothéistes. Dans la [[Rome antique]], il est considéré comme un modèle pour nombre de généraux et d'[[Liste des empereurs romains|empereurs]]. Dans l'[[Empire byzantin]], il bénéficie d'une grande popularité dans tous les milieux sociaux et représente l'idéal du souverain, tout en connaissant une forme de [[Christianisme|christianisation]]. Dans l'Europe médiévale, il est vu comme un exemple de vertus [[Chevalerie|chevaleresques]] au travers du ''Roman d'Alexandre''. À l'[[époque moderne]], il est un temps un modèle pour {{noble|Louis XIV}}. Au [[siècle des Lumières]], il apparaît comme celui qui a étendu la civilisation européenne et ouvert le commerce entre l'Europe et l'Asie. À l'[[époque contemporaine]], il inspire la volonté d'[[Guerre d'indépendance grecque|indépendance des Grecs]] et devient le modèle du « conquérant-civilisateur » pour les promoteurs de la colonisation européenne. En Asie, il bénéficie d'une grande postérité sous le nom d'Iskandar (ou Iskander). Enfin, il est [[Alexandre le Grand dans l'art|représenté dans de nombreuses œuvres d'art]] de l'Antiquité jusqu'à nos jours.
== Les sources de l'histoire d'Alexandre ==

=== Les sources directes ===


== Sources ==
=== Sources directes ===
[[Fichier:AlexanderCoin.jpg|vignette|alt=pièce de monnaie en argent à l'effigie d'Héraclès coiffé de la peau de lion, avec au revers Zeus sur un trône tenant un aigle et un sceptre|Monnaie de l'époque d'Alexandre, à l'effigie d'[[Héraclès]] coiffé de la peau de lion, avec au revers [[Zeus]] sur un trône tenant un aigle et un sceptre, [[British Museum]].]]
[[Fichier:AlexanderCoin.jpg|vignette|alt=pièce de monnaie en argent à l'effigie d'Héraclès coiffé de la peau de lion, avec au revers Zeus sur un trône tenant un aigle et un sceptre|Monnaie de l'époque d'Alexandre, à l'effigie d'[[Héraclès]] coiffé de la peau de lion, avec au revers [[Zeus]] sur un trône tenant un aigle et un sceptre, [[British Museum]].]]


Il ne subsiste de nos jours aucun témoignage écrit datant du règne d'Alexandre. Le récit de [[Callisthène]], neveu d'[[Aristote]] et historiographe officiel jusque vers [[328 av. J.-C.]]<ref>{{ouvrage |auteur1=P. Pédech |titre=Historiens compagnons d'Alexandre |éditeur=CEA |année=1984 |passage=40}}.</ref>{{,}}<ref group=N>Le dernier événement mentionné dans les fragments de Callisthène (''[[Fragmente der griechischen Historiker]]'', 124, F 14) est la [[bataille de Gaugamèles]] en [[331 av. J.-C.|331]] ; mais [[Strabon]] (''Géographie'', {{XI}}, 14, 13) évoque d'après Callisthène le fleuve [[Syr-Daria|Iaxarte]] atteint en [[328 av. J.-C.|328]]. Callisthène est exécuté en 327.</ref>, est réduit à l'état de fragments. Il semble avoir été largement utilisé dans l'[[Antiquité]] bien que son impartialité soit douteuse<ref name="GOU249">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=249}}.</ref>. Les écrits des compagnons d'Alexandre qui ont participé à la conquête, dont principalement [[Ptolémée Ier|Ptolémée]], [[Aristobule de Cassandréia|Aristobule]], [[Néarque]], [[Onésicrite]] et [[Charès de Mytilène|Charès]] ont également tous disparu{{sfn|Battistini|2018|p=291}}{{,}}<ref group=N>Leurs rares fragments ont été publiés et traduits par {{ouvrage |auteur1=Janick Auberger |titre=Historiens d'Alexandre |éditeur=Les Belles Lettres |année=2001}}.</ref>. Ptolémée, l'un des plus grands généraux d'Alexandre et fondateur de la [[dynastie lagide|dynastie ptolémaïque]], s'est intéressé dans ses ''Mémoires'' davantage au fait militaire{{sfn|Battistini|2018|p=291}} ; Aristobule a exposé les aspects géographiques et scientifiques du périple{{sfn|Battistini|2018|p=291}} ; Néarque, explorateur des côtes de l'Océan Indien, a tenu un journal de bord{{sfn|Battistini|2018|p=291}} ; Onésicrite, philosophe [[Cynisme|cynique]] et second de Néarque, a composé une ''Éducation d'Alexandre'' qui décrit les mœurs et la géographie des régions conquises{{Sfn|Heckel|2006|p=184}} ; Charès, chambellan d'Alexandre, s'est intéressé à la vie privée du roi{{sfn|Battistini|2018|p=327}}. Quant à l{{,}}''Histoire d'Alexandre'' de [[Clitarque d'Alexandrie|Clitarque]]{{sfn|Battistini|2018|p=291}}, rédigée peu de temps après la mort du conquérant, elle est réduite à l'état de fragments. Clitarque n'a pas participé directement à la conquête mais s'appuie sur des archives officielles et des témoignages directs{{Sfn|Heckel|2006|p=18}}. Ces auteurs contemporains des événements ont été utilisés par [[Diodore de Sicile]], [[Arrien]], [[Plutarque]] et [[Quinte-Curce]]{{Sfn|Battistini|2018|p=291-303}}.
Il ne subsiste aujourd'hui aucun témoignage littéraire datant du règne d'Alexandre{{sfn|Auberger|2001|p=12}}. Le récit de [[Callisthène]], neveu d'[[Aristote]] et historiographe officiel jusque vers {{date|-328}}<ref>{{ouvrage |auteur1=P. Pédech |titre=Historiens compagnons d'Alexandre |éditeur=CEA |année=1984 |passage=40}}.</ref>{{,}}<ref group=N>Le dernier événement mentionné dans les fragments de Callisthène (''[[Fragmente der griechischen Historiker]]'', 124, F 14) est la [[bataille de Gaugamèles]] en 331 ; mais [[Strabon]] (''Géographie'', {{XI}}, 14, 13) évoque d'après Callisthène le fleuve [[Syr-Daria|Iaxarte]] atteint en 328. Callisthène est exécuté en 327.</ref>, est réduit à l'état de fragments. Il semble avoir été largement utilisé dans l'[[Antiquité]] bien que sa fiabilité soit douteuse<ref name="GOU249">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=249}}.</ref>. Les écrits des [[Compagnon (cavalerie)|Compagnons]] d'Alexandre qui ont participé à la conquête, principalement [[Ptolémée Ier|Ptolémée]], [[Aristobule de Cassandréia|Aristobule]], [[Néarque]], [[Onésicrite]] et [[Charès de Mytilène|Charès]], [[Pertes de livres pendant l'Antiquité tardive|ont tous disparu]]{{sfn|Battistini|2018|p=291}}{{,}}<ref group=N>Leurs rares fragments ont été publiés et traduits par {{ouvrage |auteur1=Janick Auberger |titre=Historiens d'Alexandre |éditeur=Les Belles Lettres |année=2001}}.</ref>. Dans ses ''Mémoires'', Ptolémée, l'un des plus grands généraux d'Alexandre et fondateur de la [[dynastie lagide|dynastie ptolémaïque]], s'est d'abord intéressé au fait militaire{{sfn|Battistini|2018|p=291}} ; Aristobule a lui exposé les aspects géographiques et scientifiques du périple{{sfn|Battistini|2018|p=291}} ; Néarque, explorateur des côtes de l'Océan Indien, a tenu un journal de bord{{sfn|Battistini|2018|p=291}} ; Onésicrite, philosophe [[Cynisme|cynique]] et second de Néarque, a composé une ''Éducation d'Alexandre'' qui décrit les mœurs et la géographie des régions conquises{{Sfn|Heckel|2006|p=184}} ; Charès, chambellan d'Alexandre, s'est intéressé à la vie privée du roi{{sfn|Battistini|2018|p=327}}. Quant à l{{'}}''Histoire d'Alexandre'' de [[Clitarque d'Alexandrie|Clitarque]]{{sfn|Battistini|2018|p=291}}, rédigée peu de temps après la mort du conquérant, elle est réduite à l'état de fragments. Clitarque n'a pas participé directement à la conquête mais s'appuie sur des archives officielles et des témoignages directs{{Sfn|Heckel|2006|p=18}}. Ces auteurs contemporains des événements ont été largement utilisés par [[Diodore de Sicile]], [[Arrien]], [[Plutarque]] et [[Quinte-Curce]]{{Sfn|Battistini|2018|p=291-303}}. Certains auteurs antiques, dont Arrien et [[Strabon]]<ref group=A>Arrien, {{I}}, 2 ; Strabon, {{II}}, 1, 6 ; {{XI}}, 5, 5 ; {{XV}}, 1, 28. La critique contemporaine des historiens d'Alexandre est compilée dans ''[[FGrHist]]'', 153.</ref>, reprochent aux historiens contemporains leurs récits fictifs ou divergents ainsi que la flatterie envers Alexandre{{sfn|Auberger|2001|p=496-498}}.
Les archives royales contemporaines ont elles aussi disparu. C'est notamment le cas des ''Éphémérides'', chroniques rédigées par le chancelier [[Eumène de Cardia]]{{Sfn|Battistini|2018|p=123}}, à partir de [[330 av. J.-C.|330]] au moment où Alexandre prend la succession de {{souverain2|Darius III}}. Le récit de [[Callisthène]] prenant fin vers 328, Alexandre aurait choisi un nouveau type de biographie au moment où il introduit les usages [[perses]] à la cour. Cette tradition des chroniques, qui s'apparentent à un compte rendu journalier des faits et gestes du roi et à une compilation de ses correspondances{{Sfn|Battistini|2018|p=291}}, remonte chez les [[Achéménides]] à {{souverain2|Xerxès Ier}}<ref group=A>''Livre d'Esther'', 2, 23 ; 6, 1-2 ; 10, 2</ref>. Les ''Éphémérides'' semblent avoir été rapidement inaccessibles après la mort d'Alexandre<ref name="GOU249"/>. Ptolémée et Aristobule les auraient néanmoins utilisés{{sfn|Battistini|2018|p=291}}. Les auteurs antiques plus tardifs y font allusion quand ils exposent les circonstances de la mort d'Alexandre<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 25-26 ; Plutarque, ''Alexandre'', 76, 1 ; 77, 1 ; Élien, ''Histoires variées'', 3, 23.</ref>{{,}}<ref group=N>Seul Plutarque (''Quæstionnes Convivialum'', 23, 4) mentionne les ''Éphémérides'' à propos d'un autre fait que la mort d'Alexandre, soit son goût pour la chasse.</ref>. Il est d'ailleurs envisageable qu'une partie des ''Éphémérides'' ait disparu du vivant d'Alexandre dans un incendie comme l'affirme Plutarque<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 2, 5-7.</ref>.


Les archives royales contemporaines ont elles aussi disparu. C'est notamment le cas des ''Éphémérides'', chroniques rédigées par le chancelier [[Eumène de Cardia]]{{Sfn|Battistini|2018|p=123}}, à partir de 330 au moment où Alexandre prend la succession de {{noble|Darius III}}. Le récit de [[Callisthène]] s'achevant vers 328, Alexandre aurait choisi un nouveau type de biographie officielle au moment où sont introduits les usages [[perses]] à la cour. Cette tradition des chroniques, qui s'apparentent à un compte rendu journalier des faits et gestes du roi et à une compilation de ses correspondances{{Sfn|Battistini|2018|p=291}}, remonte chez les [[Achéménides]] à {{noble|Xerxès Ier}}<ref group=A>''Livre d'Esther'', 2, 23 ; 6, 1-2 ; 10, 2.</ref>. Les ''Éphémérides'' semblent avoir été rapidement inaccessibles après la mort d'Alexandre<ref name="GOU249"/>. Ptolémée et Aristobule les auraient néanmoins utilisés{{sfn|Battistini|2018|p=291}}. Les auteurs antiques plus tardifs y font allusion quand ils exposent précisément les circonstances de la mort d'Alexandre<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 25-26 ; Plutarque, ''Alexandre'', 76, 1 ; 77, 1 ; Élien, ''Histoires variées'', 3, 23.</ref>{{,}}<ref group=N>Seul Plutarque (''Quæstionnes Convivialum'', 23, 4) mentionne les ''Éphémérides'' à propos d'un autre fait que la mort d'Alexandre, soit son goût pour la chasse.</ref>. Il est d'ailleurs envisageable qu'une partie des ''Éphémérides'' ait disparu du vivant d'Alexandre dans un incendie comme l'affirme Plutarque<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 2, 5-7.</ref>. Selon Diodore<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 4.</ref>, [[Perdiccas (général)|Perdiccas]] a publié en 323 des ''Hypomnemata'', c'est-à-dire une compilation des plans de bataille et des projets d'Alexandre{{Sfn|Auberger|2001|p=13}}. Plusieurs auteurs antiques, dont Plutarque et le [[Pseudo-Callisthène]]<ref>{{article|auteur= E. Feuillatre |titre= Sur la Vie d'Alexandre du Pseudo-Callisthène|périodique= Revue des Études Grecques|tome= 69|date= Janvier-juin 1956|passage= 199-203|lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1956_num_69_324_3433}}.</ref>, ont utilisé un recueil de la correspondance d'Alexandre. Les philologues sont divisés sur le statut de ces lettres, à savoir si elles sont authentiques ou [[Apocryphe (littérature et art)|apocryphes]], bien qu'elles correspondent à des événements historiques. La [[forgerie]] d'[[Épistolier (littérature)|épistoliers]] à partir de personnages historiques est une pratique courante durant toute l'Antiquité<ref group=N>Düring (''RE'', 1968) indique que la correspondance date d'[[Andronicos de Rhodes]] ; Robert Flacelière et Émile Chambry la considèrent comme authentique. La pratique des lettres forgées concernant Alexandre a été pratiquée tardivement jusqu'aux Arabes ({{article|auteur= Grignaschi|titre= La figure d'Alexandre chez les Arabes et sa genèse|périodique= Arabie Sciences and Philosophy 3|année= 1994|passage= 205-234}}).</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|auteur= Pierre Chiron|titre= Apocryphité, Histoire d'un concept transversal aux religions du Livre|année= 2002|passage= 66-67.|titre chapitre= L'épître dédicatoire de la Rhétorique à Alexandre : un faux si impudent ?|isbn= 978-2-503-51349-2|commentaire= Sa source est {{ouvrage|auteur= R. Merkelbach|titre= Die Quellen des griechischen Alexanderromans|lieu= Munich|année= 1954}}.}}</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|auteur= Plutarque|traducteur= Robert Flacelière et Émile Chambry|titre= Vies parallèles|tome = {{IX}} |sous-titre = Alexandre-César|éditeur= Les Belles Lettres|collection= Collection des Universités de France|passage= 20-21|année= 1975|titre chapitre= Introduction à la vie d'Alexandre}}.</ref>{{,}}{{sfn|Auberger|2001|p=12}}.
Parmi les documents officiels, seuls subsistent de rares inscriptions [[Épigraphie|épigraphiques]] émises dans des [[Polis|cités grecques]], comme celle datant du règne de {{souverain2|Philippe II de Macédoine}} relative aux conditions d'entrée dans la [[ligue de Corinthe]] ([[338 av. J.-C.|338]]) qui restent valables du temps d'Alexandre{{sfn|Battistini|2018|p=292}}, ou celle de [[Chios]] en [[Anatolie|Asie Mineure]] qui retranscrit une lettre d'Alexandre rédigée après la contre-attaque [[Achéménides|perse]] en [[332 av. J.-C.|332]] définissant les conditions du retour de l'île sous l'hégémonie [[Royaume de Macédoine|macédonienne]]{{sfn|Battistini|2018|p=292}}. Une autre inscription contemporaine d'Alexandre retranscrit une décision prise au sujet de la cité de [[Philippes]] en Macédoine<ref name="BRI11">{{Harvsp|Briant|2018|p=11|id=A15ans}}.</ref>.


Parmi les documents officiels, seules subsistent de rares inscriptions [[Épigraphie|épigraphiques]] émises dans des [[Polis|cités grecques]], comme celle datant du règne de {{noble|Philippe II (roi de Macédoine)|-}} relative aux conditions d'entrée dans la [[ligue de Corinthe]] (338) qui restent valables du temps d'Alexandre{{sfn|Battistini|2018|p=292}}, ou celle de [[Chios]] en [[Anatolie|Asie Mineure]] qui retranscrit une lettre d'Alexandre rédigée après la contre-attaque perse en 332 définissant les conditions du retour de l'île sous l'hégémonie [[Royaume de Macédoine|macédonienne]]{{sfn|Battistini|2018|p=292}}. Une autre inscription contemporaine d'Alexandre retranscrit une décision prise au sujet de la cité de [[Philippes]] en Macédoine<ref name="BRI11">{{Harvsp|Briant|2018|p=11|id=A15ans}}.</ref>.
Les sources [[numismatique]]s fournissent d'importantes données politiques et économiques, une masse considérable de monnaies ayant été frappées sous le règne d'Alexandre<ref name="DUY317">{{Harvsp|Duyrat|2004|p=317}}.</ref>, même si les monnaies à l'effigie d'Alexandre ont été émises par les [[Diadoque]]s, dont [[Ptolémée Ier|Ptolémée]]<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=250}}.</ref>. Les premiers [[Drachme (Grèce antique)|tétradrachmes]] aux types d'Alexandre (tête d'[[Héraclès]] coiffée de la peau de lion / Zeus trônant un aigle dans la main droite) auraient été frappés après la [[bataille d'Issos]] ([[333 av. J.-C.|333]]), les premiers [[statère]]s d'or (tête d'[[Athéna]] casquée / [[Niké]] debout) après la [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|prise de Tyr]] en [[332 av. J.-C.|332]]<ref name="DUY317"/>. La datation des « monnaies à l’éléphant », qui pourraient dater de l'[[Séleucides|époque séleucide]], reste quant à elle sujette à caution<ref name="BRI18">{{Harvsp|Briant|2018|p=18|id=A15ans}}.</ref>.


Les sources [[numismatique]]s fournissent d'importantes données politiques et économiques, une masse considérable de monnaies ayant été frappées du vivant d'Alexandre<ref name="DUY317">{{Harvsp|Duyrat|2004|p=317}}.</ref>, même si les monnaies à l'effigie d'Alexandre ont été émises par les [[Diadoque]]s, dont [[Ptolémée Ier|Ptolémée]]<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=250}}.</ref>. Les premiers [[Drachme (Grèce antique)|tétradrachmes]] aux types d'Alexandre (tête d'[[Héraclès]] coiffée de la peau de lion / Zeus trônant un aigle dans la main droite) auraient été frappés après la [[bataille d'Issos]] (333), les premiers [[statère]]s d'or (tête d'[[Athéna]] casquée / [[Niké]] debout) après la [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|prise de Tyr]] en 332<ref name="DUY317"/>. La datation des « monnaies à l’éléphant », qui pourraient dater de l'[[Séleucides|époque séleucide]], reste quant à elle sujette à caution<ref name="BRI18">{{Harvsp|Briant|2018|p=18|id=A15ans}}.</ref>.
=== Les sources indirectes ===

=== Sources indirectes ===
[[Fichier:Curtius Rufus, Budapest.jpg|vignette|alt=Page du manuscrit en latin de l'Histoire d'Alexandre le Grand par Quinte-Curce|Folio de l{{'}}''Histoire d'Alexandre le Grand'' de [[Quinte-Curce]], manuscrit de 1467.]]
[[Fichier:Curtius Rufus, Budapest.jpg|vignette|alt=Page du manuscrit en latin de l'Histoire d'Alexandre le Grand par Quinte-Curce|Folio de l{{'}}''Histoire d'Alexandre le Grand'' de [[Quinte-Curce]], manuscrit de 1467.]]


Seuls subsistent de nos jours les abréviateurs des auteurs contemporains d'Alexandre, tous vivants au temps du [[Haut-Empire romain]]. Le récit, complet, le plus ancien qui nous est parvenu est celui de [[Diodore de Sicile]] dans la ''[[Bibliothèque historique]]'', livre {{XVII}}, écrit au {{-s-|I}}<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=247}}.</ref>. On peut néanmoins ajouter les ''[[Histoires (Polybe)|Histoires]]'' de [[Polybe]], écrites au {{-s-|II}}, qui évoquent quelques faits ayant trait aux conquêtes d'Alexandre{{sfn|Battistini|2018|p=293}}{{,}}<ref group=N>Parmi ces faits on peut citer : les causes de l'expédition en Asie, la [[Bataille de Thèbes|destruction de Thèbes]], la [[bataille d'Issos]], les sièges de [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|Tyr]] et de [[Gaza]], la fondation de cités, le rôle des Compagnons, l'exécution de [[Callisthène]].</ref>.
Seuls subsistent de nos jours les abréviateurs des auteurs contemporains d'Alexandre, tous vivants au temps du [[Haut-Empire romain]]. Le récit complet le plus ancien parvenu jusqu'à nous est celui de [[Diodore de Sicile]] dans la ''[[Bibliothèque historique]]'', livre {{XVII}}, écrit au {{-s-|I}}<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=247}}.</ref>. On peut néanmoins ajouter les ''[[Histoires (Polybe)|Histoires]]'' de [[Polybe]], écrites au {{-s-|II}}, qui évoquent quelques faits ayant trait aux conquêtes d'Alexandre{{sfn|Battistini|2018|p=293}}{{,}}<ref group=N>Parmi ces faits on peut citer : les causes de l'expédition en Asie, la [[Bataille de Thèbes|destruction de Thèbes]], la [[bataille d'Issos]], les [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|sièges de Tyr]] et de [[Gaza]], la fondation des cités, le rôle des [[Compagnon (cavalerie)|Compagnons]], l'exécution de [[Callisthène]].</ref>.


Il convient parmi les compilateurs tardifs de distinguer deux traditions historiques. La première tradition, jugée la plus fiable par les historiens modernes<ref name="BRI12">{{Harvsp|Pierre Briant|2018|p=12|id=A15ans}}.</ref>, est celle représentée par [[Arrien]] (L’[[Anabase (Arrien)|''Anabase'']] et dans une moindre mesure ''L’Inde'') et [[Plutarque]] (''Vies parallèles des hommes illustres''). Pour raconter l’œuvre d'Alexandre, ces deux auteurs puisent dans les ''Mémoires'' de [[Ptolémée Ier|Ptolémée]] et d'[[Aristobule de Cassandréia|Aristobule]]<ref name="BRI12"/>. Dans la ''Vie d'Alexandre'' composée au début du {{s-|II}}, Plutarque, biographe et moraliste de [[Grec ancien|langue grecque]], s'intéresse à travers de nombreuses anecdotes au caractère d'Alexandre, mis en parallèle avec [[Jules César]], car pour Plutarque les paroles disent plus que les actions{{sfn|Battistini|2018|p=298}}. Il rédige par ailleurs, parmi ses ''Œuvres morales'', ''Sur la fortune d'Alexandre'', un exposé dans lequel il démontre toute sa fascination pour le Conquérant{{sfn|Battistini|2018|p=296}}. Mettre en avant les hauts faits d'Alexandre, et des Grecs en général, est pour lui un moyen de faire revivre un monde désormais dominé par [[Rome antique|Rome]], bien qu'il se réjouisse aussi des bienfaits de la [[Pax Romana]]{{sfn|Battistini|2018|p=296}}. Dans L’''Anabase'', écrite en grec au {{s-|II}}, Arrien, officier impérial de haut rang, insiste sur les faits militaires avec sobriété et précision, tout en montrant une grande admiration pour Alexandre. Selon lui, nul parmi les Grecs et les barbares n'a réalisé de telles prouesses{{sfn|Battistini|2018|p=301}}. Il annonce dès la préface utiliser comme source les récits de Ptolémée et d'Aristobule tout en s'efforçant de les critiquer par moment{{sfn|Battistini|2018|p=301}}.
Il convient parmi les compilateurs tardifs de distinguer deux traditions historiques. La première tradition, jugée la plus fiable par les historiens modernes<ref name="BRI12">{{Harvsp|Pierre Briant|2018|p=12|id=A15ans}}.</ref>, est celle représentée par [[Arrien]] (l'[[Anabase (Arrien)|''Anabase'']] et dans une moindre mesure ''L'Inde'') et [[Plutarque]] (''[[Vies parallèles|Vies parallèles des hommes illustres]]''). Pour raconter l'épopée d'Alexandre, ces deux auteurs puisent dans les ''Mémoires'' de [[Ptolémée Ier|Ptolémée]] et d'[[Aristobule de Cassandréia|Aristobule]]<ref name="BRI12"/>. Dans la ''Vie d'Alexandre'' composée au début du {{s-|II}}, Plutarque, biographe et moraliste de [[Grec ancien|langue grecque]], s'intéresse à travers de nombreuses anecdotes au caractère d'Alexandre, mis en parallèle avec [[Jules César]], car pour Plutarque les paroles disent plus que les actions{{sfn|Battistini|2018|p=298}}. Son portrait est plutôt favorable et admiratif, comme Arrien<ref>{{ouvrage|auteur= Plutarque|traducteur= Robert Flacelière et Émile Chambry|titre= Vies parallèles. Tome {{IX}} : Alexandre-César|éditeur= Les Belles Lettres|collection= Collection des Universités de France|passage= 5-11|année= 1975|titre chapitre= Introduction à la vie d'Alexandre}}.</ref>. Ses sources sont principalement les ''Éphémérides'', un recueil de la correspondance d'Alexandre et une vingtaine d'auteurs antiques<ref>{{ouvrage|auteur= Plutarque|traducteur= Robert Flacelière et Émile Chambry|titre= Vies parallèles. Tome {{IX}} : Alexandre-César|éditeur= Les Belles Lettres|collection= Collection des Universités de France|passage= 20-22|année= 1975|titre chapitre= Introduction à la vie d'Alexandre}}.</ref>. Il rédige par ailleurs, parmi ses ''[[Œuvres morales]]'', ''Sur la fortune d'Alexandre'', un exposé dans lequel il démontre toute sa fascination pour le conquérant{{sfn|Battistini|2018|p=296}}. Mettre en avant les hauts faits d'Alexandre, et des Grecs en général, est pour lui un moyen de faire revivre un monde désormais dominé par les [[Rome antique|Romains]], bien qu'il se réjouisse aussi des bienfaits de la ''[[Pax Romana]]''{{sfn|Battistini|2018|p=296}}. Dans l{{'}}''Anabase'', écrite en grec au {{s-|II}}, Arrien, officier impérial de haut rang, insiste sur les faits militaires avec sobriété et précision, tout en montrant une grande admiration pour Alexandre. Selon lui, nul parmi les Grecs et les barbares n'a réalisé de telles prouesses{{sfn|Battistini|2018|p=301}}. Il annonce dès la préface utiliser comme source les récits de Ptolémée et d'Aristobule tout en s'efforçant de les critiquer par moments{{sfn|Battistini|2018|p=301}}.


La seconde tradition, jugée moins fiable par endroit, est celle représentée par [[Diodore de Sicile|Diodore]], [[Quinte-Curce]] et [[Justin (historien)|Justin]], les auteurs de la [[Vulgate d'Alexandre le Grand|vulgate d'Alexandre]], qui fondent leurs récits en grande partie sur l’''Histoire d'Alexandre'' de [[Clitarque d'Alexandrie|Clitarque]], rédigée quelques années après la mort du souverain<ref name="GOU249"/>. Ces auteurs présentent une vision [[apologétique]] du règne d'Alexandre et émaillent leurs récits de quelques affabulations. Diodore offre dans la ''[[Bibliothèque historique]]'', écrite en grec au {{-s-|I}}, un témoignage détaillé qui permet de mettre en lumière des sources aujourd'hui disparues{{sfn|Battistini|2018|p=293}}. Le livre {{XVII}} est considéré comme son plus abouti{{sfn|Battistini|2018|p=294}}. Alexandre y apparait tel un héros ; mais ses excès ne sont pas cachés, bien que Diodore les explique par des raisons politiques ou par l'intervention des dieux{{sfn|Battistini|2018|p=299}}. Quinte-Curce, qui a vécu au {{-s-|I}}, a composé une ''Histoire d'Alexandre le Grand'' en [[latin]], dont il ne subsiste que huit des dix livres originels, les deux premiers ainsi que quelques passages éparses étant manquants{{sfn|Battistini|2018|p=303-304}}. L'œuvre est en grande partie puisée dans ''L'Histoire d'Alexandre'' de Clitarque et dans le récit de [[Callisthène]]. Elle s'inspire également des mémoires de Ptolémée et d'Aristobule, ce qui explique les quelques concordances avec l’''Anabase'' d'Arrien{{sfn|Battistini|2018|p=304}}. Bien qu'il expose quelques fables dans la continuité de Clitarque, Quinte-Curce propose une pensée rigoureuse{{sfn|Battistini|2018|p=304}}. Son texte est le seul récit historique concernant Alexandre disponible en Occident au [[Moyen Âge]]<ref name="HL131">{{Harvsp|Harf-Lancner|2018|p=131|id=A15ans}}.</ref>. Justin, qui a peut-être vécu au milieu du {{s-|II}}, est l'abréviateur des ''Histoires philippiques'', aujourd'hui disparues, du [[Culture gallo-romaine|Gallo-Romain]] [[Trogue Pompée]] composées sous le règne d'[[Auguste]] parmi une ''Histoire universelle''. Trogue Pompée utilise des sources grecques inconnues, dont peut-être [[Hiéronymos de Cardia]], contemporain des [[Diadoques]]{{sfn|Battistini|2018|p=304}}. Ces sources, qui offrent une interprétation anti-romaine, ont pour intérêt de mettre en avant des peuples non latins ([[Royaume de Macédoine|Macédoniens]], [[Parthes]], [[Civilisation carthaginoise|Carthaginois]], etc.){{sfn|Battistini|2018|p=304}}. Son récit n'en reste pas moins émaillé d'erreurs historiques et d'approximations chronologiques{{sfn|Battistini|2018|p=304}}. Justin, qui a résumé l'œuvre de Trogue Pompée (les livres {{XI}} à {{XLIV}} concernent Alexandre et le [[Période hellénistique|monde hellénistique]]), insiste sur les aspects moralisants et dramatiques, tout en proposant une narration animée{{sfn|Battistini|2018|p=305}}.
La seconde tradition, jugée moins fiable par endroits, est celle représentée par [[Diodore de Sicile|Diodore]], [[Quinte-Curce]] et [[Justin (historien)|Justin]], les auteurs de la [[Vulgate d'Alexandre le Grand|vulgate d'Alexandre]], qui fondent leurs récits en grande partie sur l{{'}}''Histoire d'Alexandre'' de [[Clitarque d'Alexandrie|Clitarque]], rédigée quelques années après la mort du souverain<ref name="GOU249"/>. Ces auteurs présentent une vision [[apologétique]] du règne d'Alexandre et émaillent leurs récits de quelques affabulations. Diodore offre dans la ''[[Bibliothèque historique]]'', écrite en grec au {{-s-|I}}, un témoignage détaillé qui permet de mettre en lumière des sources aujourd'hui disparues{{sfn|Battistini|2018|p=293}}, même si sa principale source est probablement Clitarque qu'il déforme pour ses besoins moralistes<ref>{{ouvrage|auteur1=Paul Goukowsky |titre chapitre= Notice |titre=Diodore de Sicile, Bibliothèque historique |collection= Collection des Universités de France|volume= {{XVII}} |éditeur=Les Belles Lettres| année=1976 |passage= {{XXXIII}}}}.</ref>. Le livre {{XVII}} est considéré comme le plus abouti et le plus long de la ''Bibliothèque historique''{{sfn|Battistini|2018|p=294}}{{,}}<ref>{{ouvrage|auteur1=Paul Goukowsky |titre chapitre= Notice |titre=Diodore de Sicile, Bibliothèque historique |collection= Collection des Universités de France|volume= {{XVII}} |éditeur=Les Belles Lettres| année=1976 |passage= {{XXXVIII}}}}.</ref>. Alexandre y apparaît tel un héros, mêlant grandeur et fortune, louant le souverain bon, sensible et stratège ; mais ses excès ne sont pas cachés, bien que Diodore les explique par des raisons politiques ou par l'intervention des dieux{{sfn|Battistini|2018|p=299}}{{,}}<ref>{{ouvrage|auteur1=Paul Goukowsky |titre chapitre= Notice |titre=Diodore de Sicile, Bibliothèque historique |collection= Collection des Universités de France|volume= {{XVII}} |éditeur=Les Belles Lettres| année=1976 |passage= {{XXXIV}}-{{XLIII}}|commentaire= Par exemple, Diodore trouve des circonstances atténuantes pour Alexandre lors des destructions de Thèbes et Persépolis ou des meurtres de Parménion et Cleitos ou insiste sur le fait qu'Alexandre résiste au luxe. Goukowsky indique que cette vision est très éloignée de Trogue Pompée. Cependant, il reconnaît un défaut colérique à Alexandre.}}</ref>. Quinte-Curce, qui a vécu au {{-s-|I}}, a composé une ''Histoire d'Alexandre le Grand'' en [[latin]], dont il ne subsiste que huit des dix livres originels, les deux premiers ainsi que quelques passages éparses étant manquants{{sfn|Battistini|2018|p=303-304}}. L'œuvre est en grande partie puisée dans ''L'Histoire d'Alexandre'' de Clitarque et dans le récit de [[Callisthène]]. Elle s'inspire également des mémoires de Ptolémée et d'Aristobule, ce qui explique les quelques concordances avec l{{'}}''Anabase'' d'Arrien{{sfn|Battistini|2018|p=304}}. Bien qu'il expose quelques fables dans la continuité de Clitarque, Quinte-Curce propose une pensée rigoureuse{{sfn|Battistini|2018|p=304}}. Son texte est le seul récit historique concernant Alexandre disponible en Occident au [[Moyen Âge]]<ref name="HL131">{{Harvsp|Harf-Lancner|2018|p=131|id=A15ans}}.</ref>. Justin, qui a peut-être vécu au milieu du {{s-|II}}<ref group=N>La datation n'est pas certaine, aucune hypothèse ne fait consensus ; il peut avoir vécu au {{s-|V}} : {{ouvrage|titre= Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée : Livres {{I}}-{{X}}|auteur= Justin|traducteur= Bernard Mineo et Giuseppe Zecchini|année= 2016|éditeur= Les Belles Lettres|collection= Collection des Universités de France|tome=1|passage={{LI}}-{{LX}}}}.</ref>, est l'abréviateur des ''Histoires philippiques'', aujourd'hui disparues, du [[Culture gallo-romaine|Gallo-Romain]] [[Trogue Pompée]] composées sous le règne d'[[Auguste]] parmi une ''Histoire universelle''. Trogue Pompée utilise des sources grecques peu connues. Il est assez probable qu'il ait utilisé Clitarque pour la vie d'Alexandre<ref>{{ouvrage|titre= Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée : Livres {{I}}-{{X}}|auteur= Justin|traducteur= Bernard Mineo et Giuseppe Zecchini|année= 2016|éditeur= Les Belles Lettres|collection= Collection des Universités de France|tome=1|passage={{LXIII}}-{{LXVI}}}}.</ref>, dont peut-être [[Hiéronymos de Cardia]], contemporain des [[Diadoque]]s{{sfn|Battistini|2018|p=304}}. Ces sources, qui offrent une interprétation anti-romaine, ont pour intérêt de mettre en avant des peuples non latins ([[Royaume de Macédoine|Macédoniens]], [[Parthes]], [[Civilisation carthaginoise|Carthaginois]], etc.){{sfn|Battistini|2018|p=304}}{{,}}<ref>{{ouvrage|titre= Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée : Livres {{I}}-{{X}}|auteur= Justin|traducteur= Bernard Mineo et Giuseppe Zecchini|année= 2016|éditeur= Les Belles Lettres|collection= Collection des Universités de France|tome=1|passage={{LXVIII}}-{{LXIX}}}}.</ref>. Son récit n'en reste pas moins émaillé d'erreurs historiques et d'approximations chronologiques{{sfn|Battistini|2018|p=304}}. Les problèmes chronologiques, comme Diodore, viennent des décalages entre les années macédoniennes et athéniennes ainsi que des compagnons d'Alexandre dont le calendrier se base sur les années régnantes<ref>{{ouvrage|auteur1=Paul Goukowsky |titre chapitre= Notice |titre=Diodore de Sicile, Bibliothèque historique |collection= Collection des Universités de France|volume= {{XVII}} |éditeur=Les Belles Lettres| année=1976 |passage= {{XLIV}}-{{XLVI}}}}.</ref>. Trogue Pompée a une opinion plutôt négative sur Alexandre mais reconnaît un grand souverain<ref name="Trogue147148">{{ouvrage|titre= Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée : Livres {{I}}-{{X}}|auteur= Justin|traducteur= Bernard Mineo et Giuseppe Zecchini|année= 2016|éditeur= Les Belles Lettres|collection= Collection des Universités de France|tome=1|titre chapitre= Notes historiques de Giuseppe Zecchini|passage=147-148}}.</ref>. Justin, qui a résumé l'œuvre de Trogue Pompée (les livres {{XI}} et {{XII}} concernent spécifiquement Alexandre mais inséré dans une histoire universelle, ce n'est une biographie comme Diodore), également influencé par les populaires ''romans d'Alexandre'' de son époque, insiste sur les aspects moralisants et dramatiques (surtout les moments de cruautés et les rapports avec {{noble-|Philippe II}}), tout en proposant une narration animée{{sfn|Battistini|2018|p=305}}{{,}}<ref name="Trogue147148" />, les digressions trop savantes ne sont pas retranscrites<ref group=N>Plusieurs manuscrits des ''Histoires philippiques'' ont transmis des « prologues », des sommaires permettant d'apprécier dans une certaine mesure ce que Justin a choisi dans son abrégé. Ainsi, d'après une comparaison entre les prologues des livres {{XI}} et {{XII}}, il est probable que Trogue Pompée a abordé les origines de la [[Carie (satrapie)|Carie]], les origines des [[peuples italiques]], l'expédition d'{{noble|Archidamos III}} de [[Sparte]] et [[Alexandre le Molosse]].</ref>.


Les comptes rendus (''stathmoi'' ou « étapes ») des [[bématiste]]s<ref group=N>Baitôn (''Les Étapes de l'expédition d'Alexandre'') et Amyntas (''les Étapes de l'Asie''), Diodote (ou Diognète) d'Érythrée qui collabore avec [[Eumène de Cardia]] à la rédaction des ''Éphémérides'' : {{sfn|Battistini|2018|p=291}}.</ref>, les arpenteurs ayant pour mission de calculer les distances et de décrire les régions traversées par Alexandre, ont été repris par des auteurs antiques, dont [[Ératosthène]], [[Strabon]], [[Athénée de Naucratis]], [[Pline l'Ancien]], [[Claude Élien|Élien]] et [[Eusèbe de Césarée]]{{sfn|Battistini|2018|p=291}}.
Les comptes rendus (''stathmoi'' ou « étapes ») des [[bématiste]]s{{note|groupe=N|texte=Baitôn (''Les Étapes de l'expédition d'Alexandre'') et [[Amyntas le bématiste|Amyntas]] (''les Étapes de l'Asie''), Diodote (ou Diognète) d'Érythrée qui collabore avec [[Eumène de Cardia]] à la rédaction des ''Éphémérides''{{sfn|Battistini|2018|p=291}}.}}, les arpenteurs ayant pour mission de calculer les distances et de décrire les régions traversées par Alexandre, ont été repris par des auteurs antiques, dont [[Ératosthène]], [[Strabon]], [[Athénée de Naucratis]], [[Pline l'Ancien]], [[Claude Élien|Élien]] et [[Eusèbe de Césarée]]{{sfn|Battistini|2018|p=291}}.


Finalement les auteurs antiques n'ont pas délivré un récit historique impartial mais plutôt un exposé des hauts faits d'Alexandre ponctués d'appréciations moralisantes<ref name="BRI13">{{Harvsp|Briant|2018|p=13|id=A15ans}}.</ref>. Ils ont aussi en commun d'avoir trop délaissé les adversaires d'Alexandre ou ce qui ne concerne pas directement ses conquêtes<ref name="GOU249"/>.
Finalement les auteurs antiques n'ont pas délivré un récit historique impartial mais plutôt un exposé des hauts faits d'Alexandre ponctués d'appréciations moralisantes<ref name="BRI13">{{Harvsp|Briant|2018|p=13|id=A15ans}}.</ref>. Ils ont aussi en commun d'avoir trop délaissé les adversaires d'Alexandre ou ce qui ne concerne pas directement ses conquêtes<ref name="GOU249"/>.


=== Les sources archéologiques ===
=== Sources archéologiques ===
{{article connexe|Alexandre le Grand dans l'art}}
{{article connexe|Alexandre le Grand dans l'art}}
[[Fichier:Deer hunt mosaic from Pella.jpg|vignette|alt=Mosaïque représentant probablement Alexandre et Héphaistion chassant le cerf|''Mosaïque de la chasse au cerf'' représentant probablement Alexandre et [[Héphestion|Héphaistion]], {{-s-|IV|e}}, [[musée archéologique de Pella]].]]
[[Fichier:Deer hunt mosaic from Pella.jpg|vignette|alt=Mosaïque représentant probablement Alexandre et Héphaistion chassant le cerf|''Mosaïque de la chasse au cerf'' représentant probablement Alexandre et [[Héphestion|Héphaistion]], {{-s-|IV}}, [[musée archéologique de Pella]].]]


Les témoignages archéologiques datant du règne d'Alexandre demeurent très rares. Son règne ayant été relativement bref, il est difficile de dater une couche archéologique de cette époque<ref name="BRI14">{{Harvsp|Briant|2018|p=14|id=A15ans}}.</ref>. La plupart des [[Villes fondées par Alexandre le Grand|Alexandrie]] qu'il a fondées ont disparu, mise à part [[Alexandrie|Alexandrie d’Égypte]] ; mais sa construction a été achevée sous {{souverain2|Ptolémée II}}<ref name="WILL1993p570">{{Ouvrage | auteur1= [[Édouard Will]] | titre = Le monde grec et l'Orient | sous-titre = Le monde hellénistique | collection = Peuples et Civilisations | éditeur = PUF | année première édition = 1975 | année = 1993 | tome = 2 | passage = 570}}.</ref>. Le site actuel d'[[Aï Khanoum]] correspond peut-être à Alexandrie de l'[[Amou-Daria|Oxus]] mais la documentation découverte est plus tardive. La [[Tombe de Philippe II de Macédoine|tombe de {{souverain-|Philippe II}}]] mise au jour dans la nécropole royale de l'antique [[Æges|Aigéai]] montre une scène de chasse sur une fresque ; il pourrait s'agir du jeune Alexandre aux côtés de son père<ref name="BRI14"/>.
Les témoignages archéologiques datant du règne d'Alexandre demeurent très rares. Son règne ayant été relativement bref, il est difficile de dater une couche archéologique de cette époque<ref name="BRI14">{{Harvsp|Briant|2018|p=14|id=A15ans}}.</ref>. La plupart des [[Villes fondées par Alexandre le Grand|Alexandrie]] qu'il a fondées ont disparu, mise à part [[Alexandrie|Alexandrie d'Égypte]], même si sa construction a été achevée sous {{noble|Ptolémée II}}<ref name="WILL1993p570">{{Ouvrage | auteur1= [[Édouard Will]] | titre = Le monde grec et l'Orient | sous-titre = Le monde hellénistique | collection = Peuples et Civilisations | éditeur = PUF | année première édition = 1975 | année = 1993 | tome = 2 | passage = 570}}.</ref>. Le site actuel d'[[Aï Khanoum]] correspond peut-être à Alexandrie de l'[[Amou-Daria|Oxos]] mais la documentation découverte est plus tardive. La [[Tombe de Philippe II de Macédoine|tombe de {{noble-|Philippe II}}]], mise au jour dans la nécropole royale de l'antique [[Aigai|Aigéai]], montre une scène de chasse sur une fresque ; il pourrait s'agir du jeune Alexandre aux côtés de son père<ref name="BRI14"/>.


La plupart des [[Alexandre le Grand dans l'art|œuvres d'art contemporaines]] du règne d'Alexandre, dont celle des sculpteurs [[Lysippe]] et [[Léocharès]] ou du peintre [[Apelle]], ont disparu, même si de nombreuses copies ont été réalisées à l'[[Rome antique|époque romaine]]. Il subsiste quelques œuvres originales de l'[[Période hellénistique|époque hellénistique]]. Les mosaïques de la chasse au lion et de la chasse au cerf qui représentent vraisemblablement Alexandre datent du dernier quart du {{-s-|IV}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=R.|nom1=Ginouvès|et al.=oui|titre=La Macédoine|éditeur=CNRS Éditions|année=1993|passage=118-122}}.</ref> ; elles ont été mises dans des maisons à [[Pella]]<ref>{{Ouvrage|prénom1=R.|nom1=Ginouvès|et al.=oui|titre=La Macédoine|éditeur=CNRS Éditions|année=1993|passage=95-98}}.</ref>. Le [[sarcophage d'Alexandre]] retrouvé à [[Sidon]] date de la fin du {{-s-|IV}} ; il glorifie le Conquérant tout en montrant sa capacité à s'allier avec les élites [[perses]] sur le panneau de la chasse<ref name="BRI14"/>. La célèbre [[mosaïque d'Alexandre]] provenant de [[Pompéi]] daterait de la fin du {{-s-|II}}, même si la peinture originale qui a servi de modèle date de la deuxième moitié du {{-s-|III}} selon l'hypothèse dominante<ref name="PANORAMA">[https://www.panoramadelart.com/bataille-alexandre-pompei « La bataille d'Alexandre », sur panoramadelart.com]</ref>. Elle montre Alexandre combattant {{souverain2|Darius III}} à la [[bataille d'Issos]] selon la théorie traditionnelle, soit selon une autre théorie à la [[bataille de Gaugamèles]]<ref name="PANORAMA"/>, ou alors il s'agit d'un archétype des victoires d'Alexandre<ref>{{en}} Margarete Bieber, ''Alexander the Great in Greek and Roman Art'', Heinemann, 1964, {{p.|46-49}}.</ref>.
La plupart des [[Alexandre le Grand dans l'art|œuvres d'art contemporaines]] du règne d'Alexandre, dont celle des sculpteurs [[Lysippe]] et [[Léocharès]] ou du peintre [[Apelle]], ont disparu, même si de nombreuses copies ont été réalisées à l'[[Rome antique|époque romaine]]. Il subsiste quelques œuvres originales de l'[[époque hellénistique]]. Les mosaïques de la chasse au lion et de la chasse au cerf qui représentent vraisemblablement Alexandre datent du dernier quart du {{-s-|IV}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=R.|nom1=Ginouvès|et al.=oui|titre=La Macédoine|éditeur=CNRS Éditions|année=1993|passage=118-122}}.</ref> ; elles ont été mises dans des maisons à [[Pella (cité antique)|Pella]]<ref>{{Ouvrage|prénom1=R.|nom1=Ginouvès|et al.=oui|titre=La Macédoine|éditeur=CNRS Éditions|année=1993|passage=95-98}}.</ref>. Le [[sarcophage d'Alexandre]] retrouvé à [[Sidon]] date de la fin du {{-s-|IV}} ; il glorifie le conquérant tout en montrant sa capacité à s'allier avec les élites [[perses]] sur le panneau de la chasse<ref name="BRI14"/>. La célèbre [[mosaïque d'Alexandre]] provenant de [[Pompéi]] daterait de la fin du {{-s-|II}}, même si la peinture originale qui a servi de modèle date de la deuxième moitié du {{-s-|III}} selon l'hypothèse dominante<ref name="PANORAMA">[https://www.panoramadelart.com/bataille-alexandre-pompei « La bataille d'Alexandre », sur panoramadelart.com].</ref>. Elle montre Alexandre combattant {{noble|Darius III}} à la [[bataille d'Issos]] selon la théorie traditionnelle, soit selon une autre théorie à la [[bataille de Gaugamèles]]<ref name="PANORAMA"/>, ou alors il s'agit d'un archétype des victoires d'Alexandre<ref>{{en}} Margarete Bieber, ''Alexander the Great in Greek and Roman Art'', Heinemann, 1964, {{p.|46-49}}.</ref>.


=== Les découvertes récentes ===
=== Découvertes récentes ===
[[Fichier:Babylonian astronomical diary recording the death of Alexander the Great (British Museum).jpg|vignette|alt=Tablette en argile écrite en cunéiformes babyloniens mentionnant la mort d'Alexandre|Tablette astronomique [[Babylonie tardive|babylonienne]] mentionnant la mort d'Alexandre le 11 juin [[323 av. J.-C.]], [[British Museum]].]]
[[Fichier:Babylonian astronomical diary recording the death of Alexander the Great (British Museum).jpg|vignette|alt=Tablette en argile écrite en cunéiformes babyloniens mentionnant la mort d'Alexandre|Tablette astronomique [[Babylonie tardive|babylonienne]] mentionnant la mort d'Alexandre le 11 juin {{date|-323}}, [[British Museum]].]]


Des découvertes plus récentes, ou des publications proposant de nouvelles interprétations, apportent un regard neuf sur les conquêtes d'Alexandre en mettant en lumière les territoires de l'[[Achéménides|Empire perse]]. Ainsi des tablettes astronomiques [[Babylonie tardive|babyloniennes]] datant des époques achéménide et hellénistique ont été publiées en 1988. L'une d'entre elles, portant la mention {{citation|le roi est mort}}, a permis de dater précisément la mort d'Alexandre dans la nuit du 10 au 11 juin [[323 av. J.-C.]] Une autre, datée du {{1er}} octobre [[331 av. J.-C.|331]], évoque la [[bataille de Gaugamèles]], la fuite de {{souverain2|Darius III}} en [[Mèdes|Médie]] et l'entrée d'Alexandre à [[Babylone]] probablement le 21 octobre 331<ref name="BRI15">{{Harvsp|Briant|2018|p=15|id=A15ans}}.</ref>.
Des découvertes plus récentes, ou des publications proposant de nouvelles interprétations, apportent un regard neuf sur les conquêtes d'Alexandre en mettant en lumière les territoires de l'[[Achéménides|Empire perse]]<ref name="BRI15">{{Harvsp|Briant|2018|p=15|id=A15ans}}.</ref>. Ainsi des tablettes astronomiques [[Babylonie tardive|babyloniennes]] datant des époques achéménide et hellénistique ont été publiées en 1988. L'une d'entre elles, portant la mention {{citation|le roi est mort}}, a permis de dater précisément la mort d'Alexandre dans la nuit du 10 au 11 juin {{date|-323}} Une autre, datée du {{date|01/10/-331}}, évoque la [[bataille de Gaugamèles]], la fuite de {{noble|Darius III}} en [[Mèdes|Médie]] et l'entrée d'Alexandre à [[Babylone]] probablement le 21 octobre 331<ref name="BRI15"/>.


Des papyrus rédigés en [[araméen]], découverts en 1962 près de [[Jéricho]]<ref>Publiés par Jan Dušek, ''Les manuscrits araméens du Wadi Daliyeh et la Samarie vers 450–332 av. J.-C.'', Brill, 2007.</ref>, témoignent de la fuite de [[Samarie|Samaritains]] face à l'avancée d'Alexandre en 331<ref name="BRI16">{{Harvsp|Briant|2018|p=16|id=A15ans}}.</ref>{{,}}<ref group=N>Ces papyrus sont des documents juridiques, principalement des actes de vente d'esclaves.</ref>. Des documents écrits en araméen sur bois et parchemin, pas encore publiés (en 2018), ont été découverts en [[Bactriane]] ([[Afghanistan]] actuelle) ; l'une de ses lettres, qui concerne une distribution alimentaire, témoigne d'une continuité administrative entre l'empire d'Alexandre et celui des Achéménides<ref name="BRI17">{{Harvsp|Briant|2018|p=17|id=A15ans}}.</ref>.
Des papyrus rédigés en [[araméen]], découverts en 1962 près de [[Jéricho]]<ref>Publiés par Jan Dušek, ''Les manuscrits araméens du Wadi Daliyeh et la Samarie vers 450–{{date|-332}}'', Brill, 2007.</ref>, témoignent de la fuite de [[Samarie|Samaritains]] face à l'avancée d'Alexandre en 331<ref name="BRI16">{{Harvsp|Briant|2018|p=16|id=A15ans}}.</ref>{{,}}<ref group=N>Ces papyrus sont des documents juridiques, principalement des actes de vente d'esclaves.</ref>. Des documents écrits en araméen sur bois et parchemin, pas encore publiés (en 2018), ont été découverts en [[Bactriane]] ([[Afghanistan]] actuelle) ; l'une de ses lettres, qui concerne une distribution alimentaire, témoigne d'une continuité administrative entre l'empire d'Alexandre et celui des Achéménides<ref name="BRI17">{{Harvsp|Briant|2018|p=17|id=A15ans}}.</ref>.


Un trésor monétaire a été mis au jour en Afghanistan en 1992. Il consiste en une monnaie d'or correspondant à un double [[darique]], avec au [[Avers (numismatique)|droit]] la tête d'Alexandre couverte d'un scalp d'éléphant et portant les cornes d'[[Ammon (dieu)|Ammon]] et au [[Revers (numismatique)|revers]] un éléphant avec au-dessus les lettres « BA », signifiant peut-être ''Basiléôs Alexandrou'' (« De Roi Alexandre »). Cette monnaie, frappée après la victoire contre [[Poros (roi)|Poros]] à la [[bataille de l'Hydaspe]], peut être rapprochée des « monnaies à l'éléphant » postérieures. Elle serait pour certains chercheurs, malgré les incertitudes, le seul portrait contemporain d'Alexandre<ref name="BRI18"/>.
Un trésor monétaire a été mis au jour en Afghanistan en 1992. Il consiste en une monnaie d'or correspondant à un double [[darique]], avec au [[Avers (numismatique)|droit]] la tête d'Alexandre couverte d'un scalp d'éléphant et portant les cornes d'[[Ammon (dieu)|Ammon]] et au [[Revers (numismatique)|revers]] un éléphant avec au-dessus les lettres « BA », signifiant peut-être ''Basiléôs Alexandrou'' (« De Roi Alexandre »). Cette monnaie, frappée après la victoire contre [[Poros (roi)|Poros]] à la [[bataille de l'Hydaspe]], peut être rapprochée des « monnaies à l'éléphant » postérieures. Elle serait pour certains chercheurs, malgré les incertitudes, le seul portrait contemporain d'Alexandre<ref name="BRI18"/>.


L'oasis d'[[Al-Bahariya]], située en Égypte sur la route empruntée par Alexandre en [[332 av. J.-C.|332]] entre [[Memphis (Égypte)|Memphis]] et l'oasis de [[Siwa (oasis)|Siwa]], abrite les vestiges d'un sanctuaire dit d'Alexandre, mis au jour en 1938, qui comporte un piédestal sur lequel est gravée une inscription en [[Écriture hiéroglyphique égyptienne|écriture hiéroglyphe]]. Celle-ci confirme qu'Alexandre aurait bien reçu le [[Titulature d'Alexandre le Grand en tant que pharaon d'Égypte|protocole pharaonique]] complet<ref name="BRI19">{{Harvsp|Briant|2018|p=19|id=A15ans}}.</ref>. Une deuxième inscription en [[Grec ancien|grec]], récemment publiée, porte la dédicace « Le roi Alexandre à son père Amon »<ref name="BRI20">{{Harvsp|Briant|2018|p=20|id=A15ans}}.</ref>.
L'oasis d'[[Al-Bahariya]], située en Égypte sur la route empruntée par Alexandre en 332 entre [[Memphis (Égypte)|Memphis]] et l'oasis de [[Siwa (oasis)|Siwa]], abrite les vestiges d'un sanctuaire dit d'Alexandre, mis au jour en 1938, qui comporte un piédestal sur lequel est gravée une inscription en [[Écriture hiéroglyphique égyptienne|écriture hiéroglyphe]]. Celle-ci confirme qu'Alexandre aurait bien reçu le protocole pharaonique complet<ref name="BRI19">{{Harvsp|Briant|2018|p=19|id=A15ans}}.</ref>. Une deuxième inscription en [[Grec ancien|grec]], récemment publiée, porte la dédicace « Le roi Alexandre à son père Amon »<ref name="BRI20">{{Harvsp|Briant|2018|p=20|id=A15ans}}.</ref>.


Des archéologues du [[British Museum]] pensent avoir découvert les vestiges d'une cité fortifiée, Qalatga Darband, qu'Alexandre a fondée après la [[bataille de Gaugamèles]] en [[331 av. J.-C.|331]]. Ils se référent à des photographies prises dans le [[Kurdistan irakien]] par la [[Central Intelligence Agency]] pendant la [[guerre froide]], déclassifiées en 1996{{sfn|Battistini|2018|p=291}}. En fouillant le site, les archéologues ont notamment mis au jour les vestiges d'un mur d'enceinte et les fondations de divers bâtiments. Les fouilles se poursuivent à l'heure actuelle (2018){{sfn|Battistini|2018|p=291}}.
Des archéologues du [[British Museum]] pensent avoir découvert les vestiges d'une cité fortifiée, [[Qalatga Darband]], qu'Alexandre a fondée après la [[bataille de Gaugamèles]] en 331. Ils se référent à des photographies prises dans le [[Kurdistan irakien]] par la [[Central Intelligence Agency]] pendant la [[guerre froide]], déclassifiées en 1996{{sfn|Battistini|2018|p=291}}. En fouillant le site, les archéologues ont notamment mis au jour les vestiges d'un mur d'enceinte et les fondations de divers bâtiments. Les fouilles se poursuivent à l'heure actuelle (2018){{sfn|Battistini|2018|p=291}}.


=== L'évolution de l'historiographie ===
=== Évolution de l'historiographie ===
Au [[Moyen Âge]] et à la [[Renaissance]], le genre biographique reste conforme au modèle antique érigé notamment par [[Plutarque]], tandis que le ''[[Roman d'Alexandre]]'', très largement diffusé depuis le {{s-|XII}}, a fait entrer Alexandre dans la légende<ref name="HL133">{{Harvsp|Harf-Lancner|2018|p=133|id=A15ans}}.</ref>. Durant ces époques, il est vu comme le modèle du prince vertueux et du roi-conquérant<ref name="laviedesidées">[https://laviedesidees.fr/La-mondialisation-selon-Alexandre.html ''La mondialisation selon Alexandre'' dans la « vie des idées » (Collège de France)].</ref>. La première biographie [[Époque moderne|moderne]] d'Alexandre est rédigée par Samuel Clarke en [[1665]] dans une [[Royaume d'Angleterre|Angleterre]] marquée par la [[Première révolution anglaise|Première révolution]]. Il y apparait comme l'incarnation de la démesure et du despotisme<ref name="laviedesidées"/>. En France, au [[siècle des Lumières]], Plutarque, [[Arrien]] et [[Quinte-Curce]] connaissent un nouvel examen critique grâce aux travaux de [[Pierre Bayle]], [[Voltaire]], [[Jean-François Marmontel]] et [[Guillaume de Sainte-Croix]]<ref name="laviedesidées"/>. Dans ''[[De l'esprit des lois|L'Esprit des lois]]'' ([[1748]]), [[Montesquieu]] évoque Alexandre comme celui qui a permis une « révolution du commerce ». Il fait suite aux travaux de l'érudit [[Pierre-Daniel Huet]] qui a publié une ''Histoire du commerce'' ([[1716]]) qui met en valeur l'œuvre fondatrice d'Alexandre<ref name="laviedesidées"/>. Cette vision se retrouve dans ''Recherches historiques sur l'Inde'' ([[1790]]) de l'[[Écosse|écossais]] [[William Robertson (historien)|William Robertson]] qui fait d'Alexandre un modèle car il aurait associé conquête militaire, échanges commerciaux et diffusion de la civilisation européenne<ref name="15ans158">{{Harvsp|Briant|2018|p=158|id=A15ans}}.</ref>. Pour autant au {{s-|XVIII}}, il existe très peu de textes entièrement consacrés à Alexandre<ref name="laviedesidées"/>. Au début du {{s-|XIX}}, dans une [[Royaume de Prusse|Prusse]] traumatisée par la défaite d'[[Bataille d'Iéna|Iéna]], l'historien [[Barthold Georg Niebuhr]] condamne l'œuvre d'Alexandre, incapable selon lui de consolider le royaume dont il a hérité et exalte au contraire l'unification de la [[Grèce antique|Grèce]] conduite par {{noble|Philippe II de Macédoine|-}}<ref name="laviedesidées"/>.


L{{'}}''Histoire d'Alexandre le Grand'' de [[Johann Gustav Droysen]], publiée en [[1833]], marque le début d'un véritable examen scientifique de l'œuvre d'Alexandre<ref name="laviedesidées"/>{{,}}<ref group=N>La première traduction en langue française date de 1981 aux [[Éditions Complexe]], avec une préface de [[Jacques Benoist-Méchin]].</ref>. L'historien, élève de [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]] et créateur du terme « [[Époque hellénistique|hellénistique]] »<ref>Johann Gustav Droysen, ''Geschichte des Hellenismus'', 1836-1843.</ref>, fait de lui un héros de l'histoire universelle<ref name="HOFFMAN1">{{Harvsp|Hoffmann|loc=''Le mythe d'Alexandre le Grand en Grèce du Roman à nos jours''|2003|id=METIS2003}}.</ref>. Droysen envisage les aspects culturels de la politique d'Alexandre, qui consiste, selon lui, à fusionner « la vitalité ardente de la Grèce » et « les masses inertes de l'Asie »<ref name="HOFFMAN1"/>. Il loue la politique économique et les fondations de cité qui auraient mis en valeur les « immenses trésors autrefois stériles » de l'Asie<ref name="15ans163">{{Harvsp|Briant|2018|p=163|id=A15ans}}.</ref>. Il affirme qu'Alexandre a préparé l'émergence d'une « religion mondiale » et qu'il est le fondateur d'une ère nouvelle à l'origine d'une civilisation qui perdure jusqu'à la chute de l'[[Empire byzantin]] en [[1453]]<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=459-460}}.</ref>. Finalement aux yeux de Droysen, la [[Royaume de Macédoine|Macédoine antique]] ressemble à la [[Royaume de Prusse|Prusse]] contemporaine dont la mission est d'unifier le peuple allemand comme Philippe et Alexandre l'ont fait pour la Grèce<ref name="HATZOp9">{{Harvsp|Hatzopoulos|1997|p=9|id=HATZO1997}}.</ref>. Dans le monde anglo-saxon, le premier représentant de cette vision idéalisée est [[William Woodthorpe Tarn|William W. Tarn]], dont la biographie d'Alexandre publiée en 1948, le décrit comme un héros civilisateur<ref>{{en}} W. W Tarn, ''Alexander the Great'', Cambridge University Press, 1948.</ref>. Pour l'historien britannique, Alexandre « a été le pionnier d'une des plus grandes révolutions dans l'histoire du monde » en initiant l'union matrimoniale entre Macédoniens et Perses dans une volonté de fraternité universelle<ref name="BRI94p119"/>. [[Peter Green (historien)|Peter Green]], dans ''Alexander of Macedon, 356-323 B.C.: A Historical Biography'' (1970, rééditée en 1991) cherche notamment à étudier la psychologie d'Alexandre ; il insiste sur son « génie militaire » tout en notant son absence de véritable projet au départ de l'expédition. Il reprend finalement à son compte l'idéologie du « héros » véhiculée par l'historiographie ancienne<ref>{{Article |auteur1=[[Pierre Briant]] |titre=Peter Green, Alexander of Macedon 356-323 Β. C. A Historical Biography, 1974. Compte-rendu |périodique= Revue des Études Anciennes|numéro=81 |date=1975 |pages=365-366 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1975_num_77_1_3997_t1_0365_0000_2 |consulté le=9 février 2019}}.</ref>. Les ouvrages de [[Robin Lane Fox]], qui ont inspiré [[Oliver Stone]] pour son film ''[[Alexandre (film)|Alexandre]]'' ([[2004 au cinéma|2004]]), présentent une vision apologétique du règne d'Alexandre tout en insistant sur la supposée décadence de l'[[Achéménides|Empire perse]]<ref>{{Ouvrage |titre= Ancient Persia in Western History |auteur1=Sasan Samiei |année=2014 |éditeur=I.B Tauris|passage=14| lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=yR2DBAAAQBAJ&pg=PR14&lpg=PR14&dq=peter+green+oliver+stone&source=bl&ots=c6C4UhctdG&sig=ACfU3U0tB3Rd6yLol17p8KyHQ44ni5mUrA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiV8Y-zo6_gAhUtxYUKHXC9AaAQ6AEwE3oECAgQAQ#v=onepage&q&f=false}}.</ref>.
Au [[Moyen Âge]] et à la [[Renaissance]], le genre biographique reste conforme au modèle antique érigé notamment par [[Plutarque]], tandis que le ''[[Roman d'Alexandre]]'', très largement diffusé depuis le {{s-|XII}}, a fait entrer Alexandre dans la légende<ref name="HL133">{{Harvsp|Harf-Lancner|2018|p=133|id=A15ans}}.</ref>. Durant ces époques, il est vu comme le modèle du prince vertueux et du roi-conquérant<ref name="laviedesidées">[https://laviedesidees.fr/La-mondialisation-selon-Alexandre.html ''La mondialisation selon Alexandre'' dans la « vie des idées » (Collège de France)].</ref>. La première biographie [[Époque moderne|moderne]] d'Alexandre est rédigée par Samuel Clarke en [[1665]] dans une [[Royaume d'Angleterre|Angleterre]] marquée par la [[Première révolution anglaise|Première révolution]]. Il y apparait comme l'incarnation de la démesure et du despotisme<ref name="laviedesidées"/>. En France, au [[siècle des Lumières]], les auteurs antiques de l'histoire d'Alexandre (Plutarque, [[Arrien]], [[Quinte-Curce]]) connaissent un nouvel examen critique grâce à [[Pierre Bayle]], [[Voltaire]], [[Jean-François Marmontel]] et [[Guillaume de Sainte-Croix]]<ref name="laviedesidées"/>. Dans ''[[De l'esprit des lois|L'Esprit des lois]]'' ([[1748]]), [[Montesquieu]] évoque Alexandre comme celui qui a permis une révolution du commerce. Il fait suite aux travaux de l'érudit [[Pierre-Daniel Huet]] qui a publié une ''Histoire du commerce'' ([[1716]]) qui met en valeur l'œuvre Alexandre<ref name="laviedesidées"/>. Cette vision se retrouve dans ''Recherches historiques sur l'Inde'' ([[1790]]) de l'[[Écosse|Écossais]] [[William Robertson]] qui fait d'Alexandre un modèle car il aurait associé conquête militaire, échanges commerciaux et diffusion de la civilisation européenne<ref name="15ans158">{{Harvsp|Briant|2018|p=158|id=A15ans}}.</ref>. Pour autant au {{s-|XVIII}}, il existe très peu de textes entièrement consacrés à Alexandre<ref name="laviedesidées"/>. Au début du {{s-|XIX}}, dans une [[Royaume de Prusse|Prusse]] traumatisée par la défaite d'[[Bataille d'Iéna|Iéna]], l'historien [[Barthold Georg Niebuhr]] condamne l'œuvre d'Alexandre, incapable selon lui de consolider le royaume dont il a hérité et exalte au contraire l'unification de la [[Grèce antique|Grèce]] conduite par {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}<ref name="laviedesidées"/>.


Cette évaluation élogieuse contraste avec celle résolument plus négative qui reprend des critiques datant de l'Antiquité, dont celles émises par les philosophes [[Stoïcisme|stoïciens]], à savoir qu'Alexandre serait un « prédateur » aux qualités avant tout militaires car politiquement il aurait échoué du fait de son impulsivité et de son irrationalité, finissant par s'isoler à cause de « purges » parmi ses officiers<ref>{{de}} Ernst Badian, ''Der Neue Pauly. Enzyklopädie der Antike'', vol. 1, Gebundenes Buch, 1996, {{p.|468-474}}.</ref>. Le premier représentant de cette école critique est [[Karl Julius Beloch]] dans ''Griechische Geschichte'' (réédition 1912-1917) qui considère Alexandre comme un tyran<ref name="ROISMAN">Joseph Roisman, ''Oxford Bibliographies'', « Alexandre », 2016, [http://www.oxfordbibliographies.com/view/document/obo-9780195389661/obo-9780195389661-0114.xml lire en ligne].</ref>. Dans ''Alexander der Grosse: Das Problem seiner Persönlichkeit und seines Wirkens'' (1949, rééditée en 1973), [[Fritz Schachermeyr]], historien proche du [[nazisme]], se montre également critique envers Alexandre<ref name="ROISMAN"/>. Cette analyse se retrouve chez Albert B. Bosworth dans ''Conquest and empire: The reign of Alexander the Great'' (1988), un ouvrage qui fait encore autorité de nos jours, et chez Peter Green dans ''Alexander of Macedon, 356–323 BC. : A Historical Biography, University of California Press'' (1992, réédité en 2013)<ref name="ROISMAN"/>. Le génie militaire d'Alexandre, auparavant unanimement reconnu, est aussi relativisé par la critique moderne. Ernst Badian dans ''Der Neue Pauly. Enzyklopädie der Antike'' (1996) qualifie le retour d'Inde de « catastrophe militaire » ; Waldemar Heckel, dans ''The Conquests of Alexander the Great'' (2008) souligne les capacités stratégiques d'Alexandre mais s'oppose à une conception trop romantique de son règne. Face à ces critiques, l'historien Frank Holt met en garde contre une « nouvelle orthodoxie » qui ferait balancer le pendule du culte héroïque d'Alexandre d'un extrême à l'autre<ref>{{en}} Frank Holt, « Alexander the Great today: In the Interests of Historical Accuracy ? », ''The Ancient History Bulletin'', {{n°|13}}, 1999, {{p.|111-117}}.</ref>.
L’''Histoire d'Alexandre le Grand'' de [[Johann Gustav Droysen]], publiée en [[1833]], marque le début d'un véritable examen scientifique de l'œuvre d'Alexandre<ref name="laviedesidées"/>{{,}}<ref group=N>La première traduction en langue française date de 1981 aux [[Éditions Complexe]], avec une préface de [[Jacques Benoist-Méchin]].</ref>. L'historien, élève de [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]] et créateur du terme « [[Époque hellénistique|hellénistique]] »<ref>Johann Gustav Droysen, ''Geschichte des Hellenismus'', 1836-1843.</ref>, fait de lui un héros de l'histoire universelle<ref name="HOFFMAN1">{{Harvsp|Hoffmann|loc=''Le mythe d'Alexandre le Grand en Grèce du Roman à nos jours''|2003|id=METIS2003}}.</ref>. Droysen envisage les aspects culturels de la politique d'Alexandre, qui consiste, selon lui, à fusionner « la vitalité ardente de la Grèce » et « les masses inertes de l’Asie »<ref name="HOFFMAN1"/>. Il loue la politique économique et les fondations de cité qui auraient mis en valeur les « immenses trésors autrefois stériles » de l'Asie<ref name="15ans163">{{Harvsp|Briant|2018|p=163|id=A15ans}}.</ref>. Il affirme qu'Alexandre a préparé l'émergence d'une « religion mondiale » et qu'il est le fondateur d'une ère nouvelle à l'origine d'une civilisation qui perdure jusqu'à la chute de l'[[Empire byzantin]] en [[1453]]<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=459-460}}.</ref>. Finalement aux yeux de Droysen, la [[Royaume de Macédoine|Macédoine antique]] ressemble à la [[Royaume de Prusse|Prusse]] contemporaine dont la mission est d'unifier le peuple allemand comme Philippe et Alexandre l'ont fait pour la Grèce<ref name="HATZOp9">{{Harvsp|Hatzopoulos|1997|p=9|id=HATZO1997}}.</ref>. Dans le monde anglo-saxon, le premier représentant de cette vision idéalisée est [[William Woodthorpe Tarn|William W. Tarn]], dont la biographie d'Alexandre publiée en 1948, le décrit comme un héros civilisateur<ref>{{en}} W. W Tarn, ''Alexander the Great'', Cambridge University Press, 1948.</ref>. Pour l'historien britannique, Alexandre « a été le pionnier d'une des plus grandes révolutions dans l'histoire du monde » en initiant l'union matrimoniale entre Macédoniens et Perses dans une volonté de fraternité universelle<ref name="BRI94p119"/>. [[Peter Green (historien)|Peter Green]], dans ''Alexander of Macedon, 356-323 B.C.: A Historical Biography'' (1970, rééditée en 1991) cherche notamment à étudier la psychologie d'Alexandre ; il insiste sur son « génie militaire » tout en notant son absence de véritable projet au départ de l'expédition. Il reprend finalement à son compte l'idéologie du « héros » véhiculée par l'historiographie ancienne<ref>{{Article |langue= |auteur1=[[Pierre Briant]] |titre=Peter Green, Alexander of Macedon 356-323 Β. C. A Historical Biography, 1974. Compte-rendu |périodique= Revue des Études Anciennes|volume= |numéro=81 |date=1975 |pages=365-366 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1975_num_77_1_3997_t1_0365_0000_2 |consulté le=09 février 2019}}.</ref>. Les ouvrages de Robin Lane Fox, qui ont inspiré [[Oliver Stone]] pour son film ''[[Alexandre (film)|Alexandre]]'' (2004), présentent une vision apologétique du règne d'Alexandre tout en insistant sur la supposée décadence de l'[[Achéménides|Empire perse]]<ref>{{Ouvrage |titre= Ancient Persia in Western History |auteur1=Sasan Samiei |année=2014 |éditeur=I.B Tauris|passage=14| lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=yR2DBAAAQBAJ&pg=PR14&lpg=PR14&dq=peter+green+oliver+stone&source=bl&ots=c6C4UhctdG&sig=ACfU3U0tB3Rd6yLol17p8KyHQ44ni5mUrA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiV8Y-zo6_gAhUtxYUKHXC9AaAQ6AEwE3oECAgQAQ#v=onepage&q&f=false}}.</ref>.


Les recherches récentes s'abstiennent de chercher à comprendre totalement la personnalité d'Alexandre ou de porter un jugement moral. Elles cherchent plutôt à examiner l'expression de la royauté, sa transformation ainsi que les conséquences politiques des conquêtes. La thèse de [[Paul Goukowsky]], ''Essai sur les origines du mythe d’Alexandre'' (1978-1981), a renouvelé l'étude en posant la question du pouvoir, de l'éthique et du merveilleux<ref name="HOFFMAN1"/>. Les travaux de l'historien grec Miltiade Hatzopoulos, dont ''Macedonian Institutions Under the Kings : A historical and epigraphic study'' (1996), ont étendu la vision de l'histoire d'Alexandre à travers une étude de l'État macédonien des [[Argéades]] aux [[Antigonides]]. Parmi les historiens contemporains, se distinguent Edward M. Anson qui propose dans ''Alexander the Great: Themes and issues'' (2013) une étude des enjeux politiques et culturels du règne d'Alexandre, ainsi qu'Ian Worthington dans ''By the spear: {{noble-|Philip II}}, Alexander the Great, and the rise and fall of the Macedonian Empire'' (2014) qui met en parallèle les règnes de {{noble|Philippe II de Macédoine|-}} et de son fils<ref name="ROISMAN"/>. Enfin, grâce notamment aux travaux de [[Pierre Briant]] et [[Paul Bernard (archéologue)|Paul Bernard]], l'héritage [[Achéménides|achéménide]] est désormais envisagé dans sa pleine mesure : les peuples conquis, longtemps « sans histoire », sont davantage pris en compte dans l'étude de l'empire fondé par Alexandre<ref name="A15p88">{{Harvsp|Briant|2018|p=88|id=A15ans}}.</ref>.
Cette évaluation élogieuse contraste avec celle résolument plus négative qui reprend des critiques datant de l'Antiquité, notamment celles émises par les philosophes [[Stoïcisme|stoïciens]], à savoir qu'Alexandre serait un « prédateur » aux qualités avant tout militaires, et que politiquement il aurait échoué à cause d'erreurs commises du fait de son impulsivité et de son irrationalité, finissant par s'isoler à cause de « purges » parmi ses officiers<ref>{{de}} Ernst Badian, ''Der Neue Pauly. Enzyklopädie der Antike'', vol. 1, Gebundenes Buch, 1996, {{p.|468-474}}.</ref>. Le premier représentant de cette école est [[Karl Julius Beloch]] dans ''Griechische Geschichte'' (réédition 1912-1917) qui considère Alexandre comme un tyran<ref name="ROISMAN">Joseph Roisman, ''Oxford Bibliographies'', « Alexandre », 2016, [http://www.oxfordbibliographies.com/view/document/obo-9780195389661/obo-9780195389661-0114.xml lire en ligne].</ref>. Dans ''Alexander der Grosse: Das Problem seiner Persönlichkeit und seines Wirkens'' (1949, rééditée en 1973), [[Fritz Schachermeyr]], historien proche du [[nazisme]], se montre également critique envers Alexandre<ref name="ROISMAN"/>. Cette analyse se retrouve chez Albert B. Bosworth dans ''Conquest and empire: The reign of Alexander the Great'' (1988), un ouvrage qui fait encore autorité de nos jours, et chez Peter Green dans ''Alexander of Macedon, 356–323 BC. : A Historical Biography, University of California Press'' (1992, réédité en 2013)<ref name="ROISMAN"/>. Le génie militaire d'Alexandre, auparavant unanimement reconnu, est aussi relativisé par la critique moderne. Ernst Badian dans ''Der Neue Pauly. Enzyklopädie der Antike'' (1996) qualifie le retour d'Inde de « catastrophe militaire » ; Waldemar Heckel, dans ''The Conquests of Alexander the Great'' (2008) souligne les capacités stratégiques d'Alexandre mais s'oppose à une conception trop romantique de son règne. Face à ces critiques, l'historien Frank Holt met en garde contre une « nouvelle orthodoxie » qui ferait balancer le pendule du culte héroïque d'Alexandre d'un extrême à l'autre<ref>{{en}} Frank Holt, « Alexander the Great today: In the Interests of Historical Accuracy ? », ''The Ancient History Bulletin'', {{n°|13}}, 1999, {{p.|111-117}}.</ref>.


== Jeunesse et éducation ==
Les recherches récentes s'abstiennent d'essayer de comprendre la personnalité d'Alexandre ou de porter un jugement de valeur. Elles cherchent plutôt à examiner l'expression de la royauté, sa transformation ainsi que les conséquences politiques des conquêtes. La thèse de [[Paul Goukowsky]], ''Essai sur les origines du mythe d’Alexandre'' (1978-1981), a renouvelé l'étude au sujet d'Alexandre en posant la question du pouvoir, de l'éthique et du merveilleux<ref name="HOFFMAN1"/>. Les travaux de l'historien grec Miltiade Hatzopoulos, dont ''Macedonian Institutions Under the Kings : A historical and epigraphic study'' (1996), ont modifié la vision de l'histoire d'Alexandre à travers une étude de l'État macédonien des [[Argéades]] aux [[Antigonides]]. Parmi les historiens contemporains, se distinguent Edward M. Anson qui propose dans ''Alexander the Great: Themes and issues'' (2013) une étude des enjeux du règne d'Alexandre et de ses origines gréco-macédoniennes, ainsi que Ian Worthington dans ''By the spear: Philip II, Alexander the Great, and the rise and fall of the Macedonian Empire'' (2014) qui met en parallèle les règnes de {{souverain2|Philippe II de Macédoine}} et d'Alexandre<ref name="ROISMAN"/>. Enfin l'héritage des structures [[achéménides]] dans l'administration de l'empire, dans la lignée des travaux de [[Pierre Briant]] et [[Paul Bernard (archéologue)|Paul Bernard]], est désormais envisagé dans sa pleine mesure : les peuples conquis, longtemps « sans histoire », sont davantage pris en compte dans l'étude de l'empire d'Alexandre<ref name="A15p88">{{Harvsp|Briant|2018|p=88|id=A15ans}}.</ref>.
=== Naissance et filiation ===
[[Fichier:DSCF4090 Paris Louvre buste Alexandre Ma436 rwk.jpg|vignette|Pilier hermaïque d'Alexandre connu sous le nom d'« Hermès Azara », copie romaine d'époque impériale d'une sculpture en bronze de [[Lysippe]]. Inscription : « Alexandre [le Grand], fils de Philippe, [roi de] Macédoine » .]]


Alexandre est né à [[Pella (cité antique)|Pella]], la capitale du [[royaume de Macédoine]], le 20 ou le {{date|21|juillet|-356}}<ref group=N>Soit la première année de la {{100e}} [[olympiade]]. D'après [[Plutarque]] (''Alexandre'', 4), il serait né le six du mois d'[[hécatombéon|hécatombeion]], appelé loüs par les Macédoniens.</ref>. Il est le fils aîné du [[Liste des rois de Macédoine|roi de Macédoine]] {{noble|Philippe II (roi de Macédoine)}}, de la dynastie des [[Argéades]], et d'[[Olympias]], sa troisième épouse, princesse [[Éacides|éacide]] d’[[Épire]] de la tribu des [[Molosses (Épire)|Molosses]]{{sfn|Battistini|2018|p=90}}. Il a pour sœur [[Cléopâtre de Macédoine|Cléopâtre]] née en 355<ref>{{Harvsp|Battistini|2018|p=113}}.</ref>. Par son père, il prétend descendre de [[Téménos (Héraclide)|Téménos]] d'[[Argos (ville)|Argos]]<ref group=N>C'est la raison pour laquelle la dynastie macédonienne est appelée [[Argéades|argéade]] ou plus rarement téménide : {{Harvsp|Faure|1985|p=31}}.</ref>, lui-même supposément descendant d'[[Héraclès]], fils de [[Zeus]]. Par sa mère, il affirme descendre de [[Néoptolème]], fils d’[[Achille]]<ref group=A name="Plutarque 2.1">Plutarque, ''Alexandre'', 2, 1.</ref>.
== La jeunesse et l'éducation d'Alexandre ==


Une légende, connue dès l'Antiquité, dit qu'Olympias n'aurait pas conçu Alexandre avec Philippe, qui a peur d'elle et de son habitude de dormir en compagnie de serpents<ref>{{ouvrage|auteur1=Joyce E. Salisbury|titre=Encyclopedia of Women in the Ancient World|éditeur=ABC-CLIO|date={{1er}} janvier 2001 |pages totales=385| passage=256-257}}.</ref>, mais avec Zeus. Alexandre se sert de ces contes populaires à des fins politiques, faisant parfois référence au dieu plutôt qu'à Philippe quand il évoque son père. Une autre légende datant du {{sap-|III}}, d'origine [[Alexandrie|alexandrine]] et attribuée au [[Pseudo-Callisthène]], veut qu'Alexandre soit le fils du dernier [[pharaon]] d’Égypte de la {{XXXe dynastie égyptienne}}, {{noble|Nectanébo II}}, chassé du pouvoir par {{noble|Artaxerxès III}} et réfugié à la cour de Philippe<ref>{{Harvsp|Battistini|2018|p=171}}. L'historien confond ici {{noble-|Artaxerxès III}} et {{noble-|Darius III}}.</ref>.
=== Naissance et filiation ===
[[Fichier:Philip-ii-of-macedon.jpg|vignette|alt=Sculpture représentant Philippe II de Macédoine|Portait de {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}, copie romaine d'un original de l'[[époque hellénistique]].]]


Selon une affirmation rapportée entre autres par Plutarque, Alexandre serait né la nuit même où [[Érostrate]] a incendié le [[temple d'Artémis à Éphèse]], l'une des [[Sept Merveilles du monde|sept merveilles]] du monde antique<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 2, 3 ; 3, 5-7.</ref>. Alexandre utilisera plus tard cette coïncidence pour renforcer son aura politique en proposant de financer la restauration du temple, qui est cependant refusée par les Éphésiens<ref>''[http://7merveilles.free.fr/index.php?rub=temple2 Le temple d’Artémis]'', Les sept merveilles.</ref>. Plutarque indique également que Philippe et Olympias ont rêvé de la future naissance de leur fils. Après avoir consulté [[Aristandre de Telmessos]], celui-ci détermine qu'Olympias est enceinte et que l’enfant aura le caractère d’un lion<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 2, 2–3.</ref>.
Alexandre est né à [[Pella]], la capitale du [[royaume de Macédoine]], le [[20 juillet|20]] ou le {{date|21|juillet|356|av. J.-C.}}<ref group=N>Soit la première année de la {{100e}} [[olympiade]]. D'après Plutarque (''Alexandre'', 4), il serait né le six du mois d'[[hécatombeion]], appelé loüs par les Macédoniens.</ref>. Il est le fils du [[Liste des rois de Macédoine|roi de Macédoine]] {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}, de la dynastie des [[Argéades]], et d'[[Olympias]], sa troisième épouse, princesse d’[[Épire]] de la dynastie des [[Éacides]]{{sfn|Battistini|2018|p=90}}. Par sa mère, il est donc le neveu d'[[Alexandre Ier d'Épire|Alexandre le Molosse]], roi d'Épire. Sa mère donnera naissance en [[355 av. J.-C.|355]] à une fille [[Cléopâtre de Macédoine|Cléopâtre]]<ref>{{Harvsp|Battistini|2018|p=113}}.</ref>. Par son père, Alexandre prétend descendre de [[Téménos (Héraclide)|Téménos]] d'[[Argos (ville)|Argos]]<ref group=N>Raison pour laquelle la dynastie macédonienne est appelée [[argéades]] ou plus rarement téménide : {{Harvsp|Faure|1985|p=31}}.</ref>, lui-même supposément descendant d'[[Héraclès]], fils de [[Zeus]]. Par sa mère, Alexandre affirme descendre de [[Néoptolème]], fils d’[[Achille]]<ref group="A" name="Plutarque 2.1">Plutarque, ''Alexandre'', 2, 1.</ref>.


À l'âge de 10 ans, si l'on en croit [[Eschine]]<ref group=A>Eschine, ''Contre Timarque'', 166-169.</ref>, Alexandre aurait joué de la [[lyre]] et récité des tirades tragiques devant des ambassadeurs athéniens conduits par [[Démosthène]], qui l'aurait raillé<ref>Pascal Charvet, « Démosthène », dans {{Harvsp|Battistini|Charvet|2004|p=669|id=AlexDico}}.</ref>.
Une légende, connue dès l'Antiquité, dit qu'Olympias n'aurait pas conçu Alexandre avec Philippe, qui a peur d'elle et de son habitude de dormir en compagnie de serpents<ref>{{ouvrage|auteur1=Joyce E. Salisbury|titre=Encyclopedia of Women in the Ancient World|éditeur=ABC-CLIO|date={{1er}} janvier 2001 |pages totales=385| passage=256-257}}.</ref>, mais avec [[Zeus]]. Alexandre se sert de ces contes populaires à des fins politiques, faisant parfois référence au dieu plutôt qu'à Philippe quand il évoque son père. Une autre légende datant du {{s-|III}} ap. J.-C., d'origine [[Alexandrie|alexandrine]] celle-là et attribuée au [[Pseudo-Callisthène]], veut qu'Alexandre soit le fils du dernier [[pharaon]] d’Égypte de la {{XXXe dynastie égyptienne}}, {{souverain2|Nectanébo II}}, chassé du pouvoir par {{souverain2|Artaxerxès III}} et réfugié à la cour de Philippe<ref>{{Harvsp|Battistini|2018|p=171}}. L'historien confond ici Artaxerxès III et Darius III.</ref>.


=== Influences culturelles d'Alexandre ===
Selon une affirmation rapportée entre autres par [[Plutarque]], Alexandre serait né la nuit même où [[Érostrate]] a incendié le [[temple d'Artémis à Éphèse]], l'une des [[Sept Merveilles du monde|sept merveilles]] du monde antique<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 2, 3 ; 3, 5-7.</ref>. Alexandre utilisera plus tard cette coïncidence pour renforcer son aura politique en proposant de financer la restauration du temple, qui est cependant refusée par les Éphésiens<ref>''[http://7merveilles.free.fr/index.php?rub=temple2 Le temple d’Artémis]'', Les sept merveilles.</ref>. Plutarque indique également que Philippe et Olympias ont rêvé de la future naissance de leur fils. Après avoir consulté [[Aristandre de Telmessos]], celui-ci détermine qu'Olympias est enceinte et que l’enfant aura le caractère d’un lion<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 2, 2–3.</ref>.
[[Fichier:Achilles_fighting_against_Memnon_Leiden_Rijksmuseum_voor_Oudheden.jpg|vignette|gauche|[[Achille]] pendant la [[guerre de Troie]], [[Céramique grecque antique|céramique]] de la fin du {{-s-|IV}}]]


Les Macédoniens sont généralement considérés comme un peuple essentiellement grec<ref>{{Chapitre | auteur1 = Miltiade Hatzopoulos | titre chapitre = Macédoine | titre = Dictionnaire de l'Antiquité | éditeur = PUF | auteurs ouvrage= Jean Leclant | collection = Quadrige | année = 2005 | passage = 1308}} ; {{en}} R. M. Errington, ''A History of Macedonia'', University of California Press 1990, {{p.|3-4}} ; {{en}} N. G. L. Hammond, ; F. W. Walbank, ''A History of Macedonia: 336–167 B.C'', vol. 3, Clarendon, Oxford University Press, 2001, {{p.|11}} ; {{en}} I. Worthington ; ''Philip II of Macedonia'', Yale University Press, 2008, {{p.|8}}.</ref>. Cependant, l'appartenance culturelle exacte des Macédoniens fait encore l'objet d'un débat historique<ref>{{article |prénom=Miltiade |nom=Hatzopoulos |titre=Royaume de Macédoine et colonies grecques |sous-titre=langue et institutions |périodique=Cahiers du Centre Gustave Glotz |numéro=7 |année=1996 |pages={{1re|partie}} : « Contacts et échanges dans les sociétés antiques », {{art.}}2, {{p.|27-29}} |doi=10.3406/ccgg.1996.1396 |lire en ligne=http://www.persee.fr/doc/ccgg_1016-9008_1996_num_7_1_1396 Lire en ligne| issn=1016-9008 }}.</ref>. Aux yeux des Grecs de l'[[époque classique]], dont [[Aristote]]<ref group=A>Aristote, ''Politique''{{refinc}}.</ref> et [[Démosthène]]<ref group=A>Démosthène, ''Philippiques''{{refinc}}.</ref>, les Macédoniens sont, pour des raisons politiques, considérés comme des [[barbare]]s. [[Platon]] les considère lui comme des semi-Grecs et des « demi-barbares » (''mixobarbaroi'')<ref group=A>Platon, ''Ménexène'', 245 d.</ref>, tandis qu' [[Hérodote]], [[Euripide]], et plus tard [[Polybe]] et [[Strabon]] les considèrent comme entièrement Grecs<ref group=A>Hérodote, ''Histoires'', {{VIII}}, 43 ; Euripide, ''Archélaos''{{refinc}} ; Polybe, ''Histoires'', {{VII}}, 9, 9 ; {{XXXV}}, 9, 37 ; Strabon, ''Géographie'', {{X}}, 2, 23.</ref>. Chez [[Arrien]], Alexandre se considère comme un fier Grec<ref>Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 16, 7 ; {{II}} , 7, 4 ; {{II}}, 14, 4.</ref>.
=== Les influences culturelles d'Alexandre ===
[[Fichier:Achilles_fighting_against_Memnon_Leiden_Rijksmuseum_voor_Oudheden.jpg|vignette|[[Achille]] pendant la [[guerre de Troie]], [[Céramique grecque antique|céramique]] de la fin du {{-s-|IV|e}}]]


La question de l'appartenance culturelle des [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]], et donc d'Alexandre en particulier, reste l'objet d'un débat historiographique<ref>{{article |prénom=Miltiade |nom=Hatzopoulos |titre=Royaume de Macédoine et colonies grecques |sous-titre=Langue et institutions |périodique=Cahiers du Centre Gustave Glotz |numéro=7 |année=1996 |pages={{1re|partie}} : « Contacts et échanges dans les sociétés antiques », {{art.}}2, {{p.|27-29}} |doi=10.3406/ccgg.1996.1396 |lire en ligne=http://www.persee.fr/doc/ccgg_1016-9008_1996_num_7_1_1396 Lire en ligne}}.</ref>. Aux yeux des Grecs de l'[[époque classique]], dont [[Aristote]]<ref group=A>Aristote, ''Politique''.</ref> et [[Démosthène]]<ref group=A>Démosthène, ''Philippiques''.</ref>, les Macédoniens sont, pour des raisons politiques, considérés comme des [[barbare]]s. [[Platon]] les considère lui comme des « demi-barbares » (''mixobarbaroi'')<ref group=A>Platon, ''Ménexène'', 245 d.</ref>. Quoi qu'il en soit, la plupart des historiens modernes, qui s'appuient sur de récentes découvertes archéologiques, contestent une vision trop « athénocentrique » de la civilisation hellénique qui considèrerait comme « barbares » tous les peuples vivant au nord et à l'ouest de [[Delphes]]. Aujourd'hui, il est attesté que les Macédoniens parlent un [[Dialectes du grec ancien|dialecte grec]], l'[[ancien macédonien]], dont la forme écrite s'avère proche de celle des dialectes de [[Thessalie]] et d'[[Épire]]<ref>M. Hatzopoulos, « Le parler des anciens Macédoniens », La Macédoine, Géographie historique, Langue, Cultes et croyances, Institutions, De Boccard, Paris, 2006, {{p.|35-51}}.</ref>. Ils vénèrent par ailleurs les [[divinités olympiennes]]<ref>M.B. Hatzopoulos, L.Kahil, ''Cultes et Mythes dans La Macédoine de Philippe II à la conquête romaine'', Paris, 1993, {{p.|106-116}}</ref>.
La plupart des historiens modernes, qui s'appuient sur de récentes découvertes archéologiques, contestent une vision trop « athénocentrique » de la civilisation hellénique qui considèrerait comme « barbares » tous les peuples vivant au nord et à l'ouest de [[Delphes]]. Aujourd'hui, il est attesté que les Macédoniens parlent un [[Dialectes du grec ancien|dialecte grec]], l'[[ancien macédonien]], dont la forme écrite s'avère proche de celle des dialectes de [[Thessalie]] et d'[[Épire]]<ref>M. Hatzopoulos, « Le parler des anciens Macédoniens », La Macédoine, Géographie historique, Langue, Cultes et croyances, Institutions, De Boccard, Paris, 2006, {{p.|35-51}}.</ref>. Ils vénèrent par ailleurs les [[divinités olympiennes]]<ref>M.B. Hatzopoulos, L.Kahil, ''Cultes et Mythes dans La Macédoine de {{noble-|Philippe II}} à la conquête romaine'', Paris, 1993, {{p.|106-116}}.</ref>.


Alexandre apparait donc profondément influencé par la culture [[Hellénisme|hellénique]]. Dès l'époque d'{{souverain2|Archélaos Ier de Macédoine}} (fin du {{-s-|V}}), la langue officielle de la cour et de la chancellerie macédonienne devient l'[[Attique (dialecte)|attique]]. {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}, qui a séjourné comme otage à [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]] entre [[368 av. J.-C.|368]] et [[365 av. J.-C.|365]]{{sfn|Battistini|2018|p=64}}, parle couramment attique. Selon [[Plutarque]], Alexandre ne parle l'[[ancien macédonien]] que sous le coup d'une forte émotion<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 51.</ref>. Il connait par cœur des citations de l’''[[Iliade]]'' d'[[Homère]], dont il emporte un exemplaire en Asie annoté de la main d'[[Aristote]], son précepteur{{sfn|Battistini|2018|p=62}}. Ayant pour modèle héroïque [[Achille]]{{sfn|Battistini|2018|p=136.}}, il considère cette œuvre comme la « meilleure provision pour l'art militaire »<ref group=A name="PLU10">Plutarque, ''Alexandre'', 10.</ref>. Il y puise la « doctrine homérique de la guerre » : le chef doit exalter le courage des combattants, chercher les moyens de vaincre en préservant la vie de ses hommes et profiter des points faibles de l'ennemi<ref>{{Harvsp|Battistini|2004|loc=''Iliade''|id=DICO}}.</ref>. Il a aussi lu les ''[[Histoires]]'' d'[[Hérodote]] ainsi que l’''[[Anabase (Xénophon)|Anabase]]'' et la ''[[Cyropédie]]'' de [[Xénophon]], auteurs qu'il saura exploiter durant ses conquêtes{{sfn|Battistini|2018|p=58-59}}. Ces auteurs lui ont en effet appris que le principe de la bataille rangée l'emporte sur la « multitude des barbares » et que la victoire est offerte, non par le nombre, mais par la bravoure et l'obéissance au chef. Il est aussi familier des [[Tragédie grecque|tragédies]] d'[[Eschyle]], [[Sophocle]] et [[Euripide]]<ref name="DUC51">{{Harvsp|Duchêne|2018|p=51|id=A15ans}}</ref> dont il se fait amener les œuvres alors qu'il est en Haute Asie<ref group=A name="PLU10"/>. Il possède également des notions de médecine, théoriques et pratiques{{sfn|Battistini|2018|p=62}}. Enfin, la chasse est un élément prépondérant de son éducation conformément aux idées de [[Xénophon]] et d'[[Isocrate]]{{sfn|Battistini|2018|p=34}}.
Alexandre apparait donc profondément influencé par la culture [[Hellénisme|hellénique]]. Dès l'époque d'{{noble|Archélaos Ier de Macédoine|-}} (fin du {{-s-|V}}), la langue officielle de la cour et de la chancellerie macédonienne devient l'[[Attique (dialecte)|attique]]. {{noble|Philippe II de Macédoine|-}}, qui a séjourné comme otage à [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]] entre 368 et 365{{sfn|Battistini|2018|p=64}}, parle couramment l'attique. Selon [[Plutarque]], Alexandre ne parle l'[[ancien macédonien]] que sous le coup d'une forte émotion<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 51.</ref>. Il connaît par cœur des citations de l’''[[Iliade]]'' d'[[Homère]], dont il emporte un exemplaire en Asie annoté de la main d'[[Aristote]], son précepteur{{sfn|Battistini|2018|p=62}}. Ayant pour modèle héroïque [[Achille]]{{sfn|Battistini|2018|p=136}}, il considère cette œuvre comme la « meilleure provision pour l'art militaire »<ref group=A name="PLU10">Plutarque, ''Alexandre'', 10.</ref>. Il y puise la « doctrine homérique de la guerre » : le chef doit exalter le courage des combattants, chercher les moyens de vaincre en préservant la vie de ses hommes et profiter des points faibles de l'ennemi<ref>{{Harvsp|Battistini|2004|loc=''Iliade''|id=AlexDico}}.</ref>. Il a aussi lu les ''[[Histoires]]'' d'[[Hérodote]] ainsi que l’''[[Anabase (Xénophon)|Anabase]]'' et la ''[[Cyropédie]]'' de [[Xénophon]], auteurs qu'il saura exploiter durant ses conquêtes{{sfn|Battistini|2018|p=58-59}}. Ces auteurs lui ont en effet appris que le principe de la bataille rangée l'emporte sur la « multitude des barbares » et que la victoire est offerte, non par le nombre, mais par la bravoure et l'obéissance au chef. Il se montre aussi familier des [[Tragédie grecque|tragédies]] d'[[Eschyle]], [[Sophocle]] et [[Euripide]]<ref name="DUC51">{{Harvsp|Duchêne|2018|p=51|id=A15ans}}.</ref> dont il se fait amener les œuvres alors qu'il conquiert l'Asie<ref group=A name="PLU10"/>. Il possède également des notions de médecine, théoriques et pratiques{{sfn|Battistini|2018|p=62}}. Enfin, la chasse parait être un élément prépondérant de son éducation conformément aux idées de [[Xénophon]] et d'[[Isocrate]]{{sfn|Battistini|2018|p=34}}.


=== L'influence d'Aristote ===
=== Influence d'Aristote ===
[[Fichier:Aristoteles Louvre.jpg|vignette|droite|alt=Portrait sculpté d'Aristote|Portrait d'[[Aristote]], copie romaine d'après un original en bronze de [[Lysippe]], [[musée du Louvre]].]]
[[Fichier:Aristoteles Louvre.jpg|vignette|droite|alt=Portrait sculpté d'Aristote|Portrait d'[[Aristote]], copie romaine d'après un original en bronze de [[Lysippe]], [[musée du Louvre]].]]


À partir de l'âge de {{unité|7|ans}}{{sfn|Battistini|2018|p=89}}, Alexandre reçoit une éducation (la ''[[paideia]]'') « à la dure » dispensée par [[Léonidas d'Épire|Léonidas]], un parent d'[[Olympias]] de mœurs austères, et par [[Lysimaque d'Acarnanie]], qui l'accompagnera en Asie{{sfn|Battistini|2018|p=27}}. Ses maîtres lui enseignent, en plus des exercices physiques, la littérature, la musique et de manière plus générale la piété et la frugalité{{sfn|Battistini|2018|p=27}}. Mais {{souverain2|Philippe II de Macédoine}} a d'autres ambitions pour son fils et il décide de lui donner pour précepteurs les philosophes [[Ménechme]], également mathématicien, et surtout [[Aristote]] de [[342 av. J.-C.|342]] à [[340 av. J.-C.]]{{Sfn|Faure|1985|p=34-35}}. Ce dernier est le fils de [[Nicomaque (père d'Aristote)|Nicomaque]], médecin d'{{souverain2|Amyntas III de Macédoine}}, lui-même grand-père d'Alexandre. Philippe mandate le philosophe dans le cadre d'un accord politique passé avec [[Hermias d'Atarnée|Hermias]], tyran d'[[Atarnée]], chez qui Aristote a séjourné après son exil d'[[Athènes antique|Athènes]]{{sfn|Battistini|2018|p=24}}. Philippe assigne au philosophe un lieu d'enseignement, un sanctuaire consacré aux [[nymphe]]s probablement à côté de [[Pella]]{{sfn|Battistini|2018|p=28}}. Alexandre y reçoit des leçons en compagnie de ses futurs compagnons d'armes : [[Héphestion|Héphaistion]], [[Ptolémée Ier|Ptolémée]], [[Perdiccas (général)|Perdiccas]], [[Eumène de Cardia|Eumène]], [[Séleucos Ier|Séleucos]], [[Philotas]] et [[Callisthène]]{{sfn|Battistini|2018|p=33}}. À la même époque, il suit un entraînement militaire et sportif intensif{{Sfn|Faure|1985|p=34}}. Cette cohésion très forte entre Alexandre et ses amis (''philoi'') trouve ses sources dans la tradition macédonienne qui veut que les fils de rois et les fils de nobles soient élevés ensemble pour former un véritable clan, celui des ''hetairoi'' (ou Compagnons){{sfn|Battistini|2018|p=32}}.
À partir de l'âge de {{unité|7|ans}}{{sfn|Battistini|2018|p=89}}, Alexandre reçoit une éducation (la ''[[paideia]]'') « à la dure » dispensée par [[Léonidas d'Épire|Léonidas]], un parent d'[[Olympias]] de mœurs austères, et par [[Lysimaque d'Acarnanie]], qui l'accompagnera en Asie{{sfn|Battistini|2018|p=27}}. Ses maîtres lui enseignent, en plus des exercices physiques, la littérature, la musique et de manière plus générale la piété et la frugalité{{sfn|Battistini|2018|p=27}}. Mais {{noble|Philippe II de Macédoine|-}} a d'autres ambitions pour son fils et il décide de lui donner pour précepteurs les philosophes [[Ménechme]], également mathématicien, et surtout [[Aristote]] de 342 à {{date|-340}}{{Sfn|Faure|1985|p=34-35}}. Ce dernier est le fils de [[Nicomaque (père d'Aristote)|Nicomaque]], médecin d'{{noble|Amyntas III|-}}, lui-même grand-père d'Alexandre. Philippe mandate le philosophe dans le cadre d'un accord politique passé avec [[Hermias d'Atarnée|Hermias]], tyran d'[[Atarnée]], chez qui Aristote a séjourné après son exil d'[[Athènes antique|Athènes]]{{sfn|Battistini|2018|p=24}}. Philippe assigne au philosophe un lieu d'enseignement, un sanctuaire consacré aux [[nymphe]]s à côté de [[Pella (cité antique)|Pella]]{{sfn|Battistini|2018|p=28}}, probablement le [[Miéza (Macédoine)|Nympheion de Miéza]]. Alexandre y reçoit des leçons en compagnie de ses futurs compagnons d'armes : [[Héphestion|Héphaistion]], [[Ptolémée Ier|Ptolémée]], [[Perdiccas (général)|Perdiccas]], [[Eumène de Cardia|Eumène]], [[Séleucos Ier|Séleucos]], [[Philotas]] et [[Callisthène]]{{sfn|Battistini|2018|p=33}}. À la même époque, il suit un entraînement militaire et sportif intensif{{Sfn|Faure|1985|p=34}}. Cette cohésion très forte entre Alexandre et ses amis (''philoi'') trouve ses sources dans la tradition macédonienne qui veut que les fils de rois et les fils de nobles soient élevés ensemble pour former un véritable clan, celui des [[Compagnon (cavalerie)|Compagnons]] (''hétaires''){{sfn|Battistini|2018|p=32}}.


Il est difficile d'évaluer pleinement le rôle joué par Aristote auprès d'Alexandre, certains modernes ayant eu tendance à le surévaluer<ref>{{Harvsp|Briant|1977|p=5|id=PUF1994}}.</ref>, quand bien même Alexandre a proclamé qu'il doit à son père de vivre, mais qu'il doit à son précepteur de vivre bien<ref>J.G, Droysen, ''Histoire d'Alexandre le Grand'', rééd. 1883, {{p.|86}}.</ref>. À cet égard, [[Johann Gustav Droysen|Droysen]] affirme qu'Alexandre est comme homme d'État ce qu'Aristote est comme penseur<ref name="Droysen1883_p439">J.G, Droysen, ''Histoire d'Alexandre le Grand'', rééd. 1883, {{p.|439}}.</ref>. Il parait néanmoins évident que le philosophe ne se contente pas du rôle de précepteur privé. Il rédige pour son élève une édition annotée de l{{'}}''[[Iliade]]'', récit guerrier de l'éloignement par excellence, qu'Alexandre emporte avec lui en Asie et dont il tire sa ligne de conduite<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 12.</ref>{{,}}{{sfn|Battistini|2018|p=62}}. Aristote entend faire dépasser les limites étroites de la ''[[polis]]''. Il forge chez son élève la conviction que la Grèce peut être unifiée sous l'égide de la Macédoine pour faire triompher l'[[hellénisme]] à travers le monde, si la personnalité remarquable d'un individu supérieur, arrive à l'incarner<ref>[[Werner Jaeger]], ''Aristote, Fondements pour une histoire de son évolution'', L'Éclat, 1997, {{p.}}120-121.</ref>. C'est ce type de roi qu'Aristote cherche en Alexandre, et l'influence décisive du philosophe se mesure au sentiment qu'a Alexandre, en maintes occasions, d'être investi d'une mission historique qui consiste à unifier l'Occident et l'Orient{{sfn|Battistini|2018|p=26}}. Par ailleurs, Aristote montre de virulents sentiments anti-perses depuis son séjour à la cour d'Hermias, exécuté sur l'ordre d'{{souverain2|Artaxerxès III}} en [[341 av. J.-C.|341]]{{sfn|Battistini|2018|p=25}}. Il appellera plus tard Alexandre à traiter les barbares perses comme des plantes ou des animaux, mais sans être entendu{{sfn|Battistini|2018|p=24}}. Enfin, le philosophe enseigne au futur roi les vertus de l'amitié (''philia'') qui est selon lui « la chose la plus nécessaire à l'existence<ref group=A>Aristote, ''Éthique à Nicomaque'', {{IX}}, 1436 b 8.</ref> ; elle assure la cohésion dans la pensée politique et dans la bataille{{Sfn|Battistini|2018|p=32}}.
Il est difficile d'évaluer pleinement le rôle joué par Aristote auprès d'Alexandre, certains modernes ayant eu tendance à le surévaluer<ref>{{Harvsp|Briant|1994|p=5|id=PUF1994}}.</ref>, quand bien même Alexandre a proclamé qu'il doit à son père de vivre, mais qu'il doit à son précepteur de vivre bien<ref>J.G. Droysen, ''Histoire d'Alexandre le Grand'', rééd. 1883, {{p.|86}}.</ref>. À cet égard, [[Johann Gustav Droysen|Droysen]] affirme qu'Alexandre est comme homme d'État ce qu'Aristote est comme penseur<ref name="Droysen1883_p439">J.G, Droysen, ''Histoire d'Alexandre le Grand'', rééd. 1883, {{p.|439}}.</ref>. Il paraît néanmoins évident que le philosophe ne se contente pas du rôle de précepteur privé. Il rédige pour son élève une édition annotée de l{{'}}''[[Iliade]]'', récit guerrier de l'éloignement par excellence, qu'Alexandre emporte avec lui en Asie et dont il tire sa ligne de conduite<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 12.</ref>{{,}}{{sfn|Battistini|2018|p=62}}. Aristote entend faire dépasser les limites étroites de la ''[[polis]]''. Il forge chez son élève la conviction que la Grèce peut être unifiée sous l'égide d'un monarque absolu macédonien mais n'ayant rien d'un [[tyran]]<ref>Jean Aubonnet, ''Introduction à la Politique d'Aristote'', Les Belles Lettres, 1968, {{p.}}{{LI}}.</ref>, afin de faire triompher l'[[hellénisme]] à travers le monde, si la personnalité remarquable d'un individu supérieur arrive à l'incarner<ref>[[Werner Jaeger]], ''Aristote, Fondements pour une histoire de son évolution'', L'Éclat, 1997, {{p.}}120-121.</ref>. C'est ce type de roi qu'Aristote cherche en Alexandre, et l'influence décisive du philosophe se mesure au sentiment qu'a Alexandre, en maintes occasions, d'être investi d'une mission historique qui consiste à unifier l'Occident et l'Orient{{sfn|Battistini|2018|p=26}}. Par ailleurs, Aristote montre de virulents sentiments anti-perses depuis son séjour à la cour d'[[Hermias d'Atarnée]], exécuté sur l'ordre d'{{noble|Artaxerxès III}} en 341{{sfn|Battistini|2018|p=25}}. Il appellera plus tard Alexandre à traiter les barbares perses comme des plantes ou des animaux, mais sans être entendu{{sfn|Battistini|2018|p=24}}. Enfin, le philosophe enseigne au futur roi les vertus de l'amitié (''[[philia]]'') qui est selon lui « la chose la plus nécessaire à l'existence<ref group=A>Aristote, ''Éthique à Nicomaque'', {{IX}}, 1436 b 8.</ref> ; elle assure la cohésion dans la pensée politique et dans la bataille{{Sfn|Battistini|2018|p=32}}.


== Le règne d'Alexandre ==
== Règne ==
=== Roi de Macédoine ===
==== Association au pouvoir (340-336) ====
[[Fichier:Map Macedonia 336 BC-fr.svg|upright=3|vignette|center|alt=Carte représentant le royaume de Macédoine à la mort de Philippe II|Le [[royaume de Macédoine]] à la mort de {{noble|Philippe II de Macédoine|-}}.]]


Sous le règne de {{noble|Philippe II (roi de Macédoine)}}, le [[royaume de Macédoine]] a triplé sa surface et étendu son hégémonie sur la [[Grèce antique|Grèce]]. Après avoir soumis les peuples voisins ([[Illyriens]], [[Péonie|Péoniens]] et [[Thraces]]), Philippe défait les [[Phocide|Phocidiens]] en {{date|-352}} durant la troisième [[Guerres sacrées|guerre sacrée]] puis soumet la [[Ligue chalcidienne]]. Surtout, il triomphe d'une coalition réunissant [[Athènes]] et [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]] à la [[Bataille de Chéronée (338 av. J.-C.)|bataille de Chéronée]] en [[338 av. J.-C.|338]]<ref name="dico881">Alexandre Casanova, « {{noble-|Philippe II}} », dans {{Harvsp|Battistini|Charvet|2004|p=881-884|id=AlexDico}}.</ref>. Alexandre y fait ses preuves en commandant la cavalerie de l'aile gauche et en taillant en pièces le [[bataillon sacré]] des Thébains contre lequel il se jette en premier selon une tradition historique{{sfn|Battistini|2018|p=109}}. Il est chargé, en compagnie d'[[Antipater (général)|Antipater]], de ramener à Athènes les cendres des soldats tués à la bataille{{Sfn|Briant|1994|p=6|id=PUF1994}}. Après cette retentissante victoire, Philippe fonde la [[ligue de Corinthe]] qui rassemble sous son commandement toutes les [[Polis|cités grecques]], à l'exception de [[Sparte]]. La ligue a un double objectif : assurer l'hégémonie de la Macédoine en Grèce et porter la guerre contre l'[[Empire perse]]{{sfn|Battistini|2018|p=85}}.
=== Le roi de Macédoine ===
==== Un prince associé au pouvoir (340-336) ====
[[Fichier:Map Macedonia 336 BC-fr.svg|upright=3|vignette|center|alt=Carte représentant le royaume de Macédoine à la mort de Philippe II|Le [[royaume de Macédoine]] à la mort de {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}.]]


En 340, Alexandre, âgé de 16 ans et élève d'[[Aristote]], est appelé par Philippe à la cour de [[Pella (cité antique)|Pella]] afin d'apprendre le fonctionnement de l'État{{Sfn|Faure|1985|p=35}}. C'est à cette époque qu'il aurait dompté [[Bucéphale]]{{Sfn|Faure|1985|p=35}}. Puis, son père étant parti assiéger [[Marmaraereğlisi|Périnthe]] et [[Byzance]], il se voit confier la régence de Macédoine{{sfn|Battistini|2018|p=11}}, même s'il est entouré de conseillers expérimentés tel [[Antipater (général)|Antipater]]{{Sfn|Faure|1985|p=35}}. En 339, il reçoit son premier commandement militaire lors d'une campagne contre des tribus [[thraces]] dans la région du [[Strymon]], avec pour objectif d'assurer le contrôle des frontières de la Macédoine{{Sfn|Faure|1985|p=37}}. Cette campagne victorieuse, qui s'apparente davantage à un raid, aboutit à l'installation d'une garnison dans une ville appelée Alexandropolis dans le massif de la [[Rila]], en actuelle [[Bulgarie]]{{Sfn|Faure|1985|p=38}}. Il profite de cette expédition pour entrer en contact avec une tribu [[péonie]]nne qui lui fournit des [[peltaste]]s d'élite, les [[Agrianes]]{{Sfn|Faure|1985|p=38}}.
Sous le règne de {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}, le [[royaume de Macédoine]] a étendu son hégémonie sur la [[Grèce antique|Grèce]]. Philippe a vaincu les [[Histoire d'Athènes|Athéniens]] aux [[Thermopyles]] en [[352 av. J.-C.]] ; il est intervenu dans le conflit entre [[Thèbes (Grèce)|Thébains]] et les [[Phocide|Phocidiens]] et a surtout triomphé d'une coalition d'Athènes et de Thèbes à la [[Bataille de Chéronée (338 av. J.-C.)|bataille de Chéronée]] en [[338 av. J.-C.|338]]. Alexandre y fait ses preuves en commandant la cavalerie de l'aile gauche et en taillant en pièces le [[bataillon sacré]] des Thébains contre lequel il se jette en premier{{sfn|Battistini|2018|p=109}}. Il est chargé, en compagnie d'[[Antipater (général)|Antipater]], de ramener à Athènes les cendres des soldats tués à la bataille<ref name="BRI74p6">{{Harvsp|Briant|1994|p=6|id=PUF1994}}.</ref>. Après cette retentissante victoire, Philippe fonde la [[ligue de Corinthe]] qui rassemble sous son commandement toutes les [[Polis|cités grecques]], à l'exception de [[Sparte]]. La ligue a un double objectif : assurer l'hégémonie de la Macédoine en Grèce et porter la guerre contre l'[[Achéménides|Empire perse]]{{sfn|Battistini|2018|p=85}}.


En 339, intervient une intrigue concernant [[Pixodaros]], [[satrape]] de [[Satrapie de Carie|Carie]]{{Sfn|Faure|1985|p=40}}. Celui-ci tente en effet de marier sa fille à [[Philippe III (roi de Macédoine)|Arrhidée]], le deuxième fils de Philippe ; mais son projet est contrecarré par Alexandre et quelques-uns de ses amis proches, [[Ptolémée Ier|Ptolémée]], [[Néarque]], [[Harpale (Macédoine)|Harpale]], [[Laomédon de Mytilène|Laomédon]] et [[Érigyios]]. En représailles, ces derniers sont condamnés à l'exil et n'en reviendront qu'après la mort de Philippe{{Sfn|Faure|1985|p=40}}.
En [[340 av. J.-C.|340]], Alexandre, âgé de seize ans et élève d'[[Aristote]], est appelé par Philippe à la cour de [[Pella]] afin d'apprendre le fonctionnement de l'État{{Sfn|Faure|1985|p=35}}. C'est à cette époque qu'il aurait dompté [[Bucéphale]]{{Sfn|Faure|1985|p=35}}. Puis, son père étant parti assiéger [[Marmaraereğlisi|Périnthe]] et [[Byzance]], il se voit confier la régence de Macédoine{{sfn|Battistini|2018|p=11}}, même s'il est entouré de conseillers expérimentés tel [[Antipater (général)|Antipater]]{{Sfn|Faure|1985|p=35}}. En [[339 av. J.-C.|339]], il reçoit son premier commandement militaire lors d'une campagne contre des tribus [[thraces]] dans la région du [[Strymon]], avec pour objectif d'assurer le contrôle des frontières de la Macédoine{{Sfn|Faure|1985|p=37}}. Cette campagne victorieuse, qui s'apparente davantage à un raid, aboutit à l'installation d'une garnison dans une ville appelée Alexandropolis dans le massif de la [[Rila]], en actuel [[Bulgarie]]{{Sfn|Faure|1985|p=38}}. Il profite de cette expédition pour entrer en contact avec une tribu thrace qui lui fournira des [[peltaste]]s d'élite, les [[Agrianes]]{{Sfn|Faure|1985|p=38}}.


En [[336 av. J.-C.|336]], une violente dispute oppose le père et le fils quand ce dernier prend le parti de sa mère [[Olympias]], alors que Philippe souhaite imposer comme seconde épouse légitime [[Cléopâtre (épouse de Philippe II)|Cléopâtre]], nièce du puissant général [[Attale (général)|Attale]], et dont il a bientôt un fils{{sfn|Battistini|2018|p=91}}. Alexandre doit se réfugier dans la famille de sa mère en [[Épire]]. La brouille ne dure pas, Alexandre sauvant la vie de son père lors d'une confrontation avec les [[Triballes]]{{sfn|Battistini|2018|p=11}}. En [[339 av. J.-C.|339]], intervient une intrigue concernant [[Pixodaros]], [[satrape]] de [[Satrapie de Carie|Carie]]{{Sfn|Faure|1985|p=40}}. Celui-ci tente en effet de marier sa fille à [[Philippe III de Macédoine|Arrhidée]], le deuxième fils de Philippe ; mais son projet est contrecarré par Alexandre et quelques-uns de ses amis proches, [[Ptolémée Ier|Ptolémée]], [[Néarque]], [[Harpale (Macédoine)|Harpale]], [[Laomédon de Mytilène|Laomédon]] et [[Érigyios]]. En représailles, ces derniers sont condamnés à l'exil et n'en reviendront qu'après la mort de Philippe{{Sfn|Faure|1985|p=40}}.
En 336, une violente dispute oppose le père et le fils quand ce dernier prend le parti de sa mère [[Olympias]], alors que Philippe souhaite imposer comme seconde épouse légitime [[Cléopâtre (épouse de Philippe II)|Cléopâtre]], nièce du puissant général [[Attale (général)|Attale]], et dont il a bientôt un enfant{{sfn|Battistini|2018|p=91}}. Alexandre doit se réfugier dans la famille de sa mère en [[Épire]]. La brouille ne dure pas, Alexandre sauvant la vie de son père lors d'une confrontation avec les [[Triballes]]{{sfn|Battistini|2018|p=11}}.


==== L'accession au pouvoir (été 336) ====
==== Accession au pouvoir (été 336) ====
[[Fichier:Portrait_of_Alexander_the_Great,_most_likely_of_the_sculptor_Leochares,_340-330_BC,_New_Arcropolis_Museum,_Athens_(14053483565).jpg|vignette|alt=Sculpture d'Alexandre jeune|Portrait juvénile d'Alexandre, copie d'un original attribué à [[Léocharès]] ou [[Lysippe]], [[musée de l'Acropole d'Athènes]].]]
[[Fichier:Portrait_of_Alexander_the_Great,_most_likely_of_the_sculptor_Leochares,_340-330_BC,_New_Arcropolis_Museum,_Athens_(14053483565).jpg|vignette|alt=Sculpture d'Alexandre jeune|Portrait juvénile d'Alexandre attribué à [[Léocharès]] ou à [[Lysippe]], [[musée de l'Acropole d'Athènes]].]]


Au cours de l’été [[336 av. J.-C.]], {{souverain2|Philippe II de Macédoine}} est assassiné pendant la cérémonie de mariage de sa fille [[Cléopâtre de Macédoine|Cléopâtre]] avec le roi d'[[Épire]], [[Alexandre Ier d'Épire|Alexandre le Molosse]], frère d’[[Olympias]]. L'assassin est un jeune noble et garde du corps ([[Sômatophylaques|sômatophylaque]]), [[Pausanias d'Orestide]], qui garde une rancune envers le roi après avoir subi un viol<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur1=Paul Doherty|titre=Alexander the Great|sous-titre=The Death of a God|éditeur=Hachette UK|date=6 juin 2013|pages totales=223|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=VxTyls3c9AcC&pg=PT35}}</ref>. Certains auteurs antiques ont cru que le meurtre de Philippe est une machination impliquant [[Olympias]], et peut-être Alexandre ; mais d'autres auteurs<ref group=A>Diodore, {{XVI}}, 94, 4.</ref> penchent pour un mobile personnel<ref>J.B. Fears, ''Pausanias, the assassin of {{souverain-|Philipp II}}'', ''Athenaeum'', 1975, {{LXIII}}, {{p.|111-135}}.</ref>. Peu d'historiens contemporains<ref>À l'exception notable d'E. Badian, ''The death of {{souverain-|Philipp II}}'', Phœnix, 1963.</ref> considèrent qu'Alexandre est impliqué dans le meurtre de son père alors que toute la conduite de Philippe montre qu'il entend en faire son successeur<ref>{{Harvsp|Briant|1994|p=7|id=PUF1994}}.</ref>. Une autre hypothèse met en cause {{souverain2|Darius III}}, roi de [[Achéménides|Perse]] depuis 336. [[Arrien]] mentionne ainsi une lettre virulente d'Alexandre adressée à Darius, après la [[bataille d'Issos]] ([[333 av. J.-C.|333]]), qui le blâme pour le meurtre de son père<ref group=A>Arrien, ''Anabase'' II, 6.</ref>. Alexandre aurait également demandé à l'oracle d'[[Amon]] à [[Siwa (oasis)|Siwa]] s'il avait bien puni tous les assassins de son père<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 38.</ref>.
Au cours de l’été {{date|-336}}, {{noble|Philippe II (roi de Macédoine)}} est assassiné pendant la cérémonie de mariage de sa fille [[Cléopâtre de Macédoine|Cléopâtre]] avec le roi d'[[Épire]], [[Alexandre Ier d'Épire|Alexandre le Molosse]], frère d’[[Olympias]]. L'assassin est un jeune noble et garde du corps ([[Sômatophylaques|sômatophylaque]]), [[Pausanias d'Orestide]], qui garde une rancune envers le roi après avoir subi un viol<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur1=Paul Doherty|titre=Alexander the Great|sous-titre=The Death of a God|éditeur=Hachette UK|date=6 juin 2013|pages totales=223|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=VxTyls3c9AcC&pg=PT35}}.</ref>. Certains auteurs antiques ont cru que le meurtre de Philippe est une machination impliquant [[Olympias]], et peut-être Alexandre ; mais d'autres auteurs<ref group=A>Diodore, {{XVI}}, 94, 4.</ref> penchent pour un mobile personnel<ref>J.B. Fears, ''Pausanias, the assassin of {{noble-|Philipp II}}'', ''Athenaeum'', 1975, {{LXIII}}, {{p.|111-135}}.</ref>. Peu d'historiens contemporains<ref>À l'exception notable d'E. Badian (''The death of {{noble-|Philipp II}}'', Phœnix, 1963).</ref> considèrent qu'Alexandre est impliqué dans le meurtre de son père alors que toute la conduite de Philippe montre qu'il entend en faire son successeur<ref>{{Harvsp|Briant|1994|p=7|id=PUF1994}}.</ref>. Une autre hypothèse met en cause {{noble|Darius III}}, roi de [[Achéménides|Perse]] depuis 336. [[Arrien]] mentionne ainsi une lettre virulente d'Alexandre adressée à Darius, après la [[bataille d'Issos]] (333), qui le blâme pour le meurtre de son père<ref group=A>Arrien, ''Anabase'' {{II}}, 6.</ref>. Alexandre aurait également demandé à l'oracle d'[[Amon]] à [[Siwa (oasis)|Siwa]] s'il a bien puni tous les assassins de son père<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 38.</ref>.


Après l'assassinat de Philippe à l'été 336, l’[[Assemblée des Macédoniens]] proclame, avec le concours d'[[Antipater (général)|Antipater]], Alexandre, alors âgé de vingt ans, nouveau roi des Macédoniens<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=252}}.</ref>{{,}}<ref group=N>Le titre officiel des souverains [[argéades]] est « roi des Macédoniens », et non « roi de Macédoine ».</ref>. Les cités grecques, en premier lieu [[Histoire d'Athènes|Athènes]] et [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]], qui ont prêté allégeance à Philippe, ne souhaitent pas renouveler leur alliance avec le nouveau roi. Alexandre ordonne immédiatement l’exécution de tous ses rivaux potentiels<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=252-253}}.</ref>. Ainsi, il fait tuer son cousin {{souverain2|Amyntas IV}}, roi vers [[360 av. J.-C.|360]]-[[359 av. J.-C.|359]] que {{souverain-|Philippe II}} a renversé alors qu’il n’était qu’un enfant<ref>[[Michel Mourre]], ''Dictionnaire encyclopédique d'histoire'', édition [[Éditions Bordas|Bordas]], {{t.|1}}, 1996</ref>. [[Olympias]], profitant d'une absence de son fils parti guerroyer au nord, fait tuer [[Cléopâtre (épouse de Philippe II)|Cléopâtre]] en contraignant cette dernière à se pendre après avoir vu sa fille, [[Europa (fille de Philippe II)|Europa]], égorgée dans ses bras<ref>{{Harvsp|Battistini|2018|p=95}}.</ref>. L'oncle de Cléopâtre, [[Attale (général)|Attale]], alors en campagne en [[Anatolie|Asie Mineure]] avec [[Parménion]], est assassiné, sans que l'on sache si la reine-mère a agi avec l'assentiment d’Alexandre<ref name="FAURE45">{{Harvsp|Faure|1985|p=45}}.</ref>. Alexandre, sous les conseils de sa mère, fait également exécuter Caranos, un fils de Philippe et de [[Phila d'Élimée|Phila]], ainsi que deux princes de [[Lyncestide]]<ref name="FAURE45"/>. À cette date le nouveau roi de Macédoine n’a plus de rival capable de lui contester le trône.
Après l'assassinat de Philippe à l'été 336, l’[[Assemblée des Macédoniens]] proclame, avec le concours d'[[Antipater (général)|Antipater]], Alexandre, alors âgé de {{nobr|20 ans}}, nouveau roi des Macédoniens<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=252}}.</ref>{{,}}<ref group=N>Le titre officiel des souverains [[argéades]] est « roi des Macédoniens », et non « roi de Macédoine ».</ref>. Les cités grecques, en premier lieu [[Histoire d'Athènes|Athènes]] et [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]], qui ont prêté allégeance à Philippe, ne souhaitent pas renouveler leur alliance avec le nouveau roi. Alexandre ordonne immédiatement l’exécution de tous ses rivaux potentiels<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=252-253}}.</ref>. Ainsi, il fait tuer son cousin {{noble|Amyntas IV}}, roi vers 360-359 que {{noble-|Philippe II}} a renversé alors qu’il n’était qu’un enfant<ref>[[Michel Mourre]], ''Dictionnaire encyclopédique d'histoire'', édition [[Éditions Bordas|Bordas]], {{t.|1}}, 1996.</ref>. [[Olympias]], profitant d'une absence de son fils parti guerroyer au nord, fait tuer [[Cléopâtre (épouse de Philippe II)|Cléopâtre]] en contraignant cette dernière à se pendre après avoir vu sa fille, [[Europa (fille de Philippe II)|Europa]], égorgée dans ses bras<ref>{{Harvsp|Battistini|2018|p=95}}.</ref>. L'oncle de Cléopâtre, [[Attale (général)|Attale]], alors en campagne en [[Anatolie|Asie Mineure]] avec [[Parménion]], est assassiné, sans que l'on sache si la reine-mère a agi avec l'assentiment d’Alexandre<ref name="FAURE45">{{Harvsp|Faure|1985|p=45}}.</ref>. Alexandre, sous les conseils de sa mère, fait également exécuter Caranos, un fils de Philippe et de [[Phila d'Élimée|Phila]], ainsi que deux princes de [[Lyncestide]]<ref name="FAURE45"/>. À cette date le nouveau roi de Macédoine n’a plus de rival capable de lui contester le trône.


==== Les expéditions septentrionales (hiver 336-été 335) ====
==== Expéditions septentrionales (hiver 336-été 335) ====
[[Fichier:Map of ancient Epirus and environs (Français).svg|vignette|Les peuplades voisines de la Macédoine au {{-s-|IV}}]]
[[Fichier:Map of ancient Epirus and environs (Français).svg|vignette|Les peuplades voisines de la Macédoine au {{-s-|IV}}]]


Alexandre n'est pas seulement roi des [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]], mais aussi, comme son père {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}, [[archonte]] à vie des [[Thessalie]]ns, ''hégémôn'' (« commandant ») et stratège de la [[ligue de Corinthe]]. De ce fait, il entreprend une rapide tournée diplomatique en Grèce afin que le réseau constitué patiemment par son père ne se délite pas. L'allégeance thessalienne est renouvelée tandis que les [[Histoire d'Athènes|Athéniens]] prêtent serment au nouvel ''hègémôn''<ref name="GOU253">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=253}}.</ref>.
Alexandre n'est pas seulement roi des [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]], mais aussi, comme son père {{noble|Philippe II de Macédoine|-}}, [[archonte]] à vie des [[Thessalie]]ns, ''hégémôn'' (« commandant ») et stratège de la [[ligue de Corinthe]]. De ce fait, il entreprend une rapide tournée diplomatique en Grèce afin que le réseau constitué patiemment par son père ne se délite pas. L'allégeance thessalienne est renouvelée tandis que les [[Histoire d'Athènes|Athéniens]] prêtent serment au nouvel ''hègémôn''<ref name="GOU253">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=253}}.</ref>.


Cependant, avant de porter la guerre contre les [[Achéménides|Perses]] en Asie, Alexandre doit assurer la sécurité du royaume par deux expéditions contre les [[Barbare|barbares]] du nord, l’une jusqu’au [[Danube]], l’autre en [[Illyrie]] révoltée<ref name="GOU253"/>. En effet, escomptant profiter de la mort de Philippe, des tribus [[thraces]] et [[gètes]] menacent la Macédoine. Au printemps [[335 av. J.-C.]], alors qu'[[Antipater (général)|Antipater]] exerce la régence, Alexandre vainc les [[Gètes]], puis traverse le pays des [[Odryses]]<ref name="FAURE50">{{Harvsp|Faure|1985|p=50}}.</ref>. Il défait les [[Triballes]] du roi [[Syrmos]] sur les bords du fleuve [[Grand Balkan|Hémos]]<ref name="FAURE50"/>, près du [[delta du Danube]]. Syrmos a perdu près de {{nombre|3000}} guerriers, poussant les autres tribus à la paix. Alexandre désigne [[Zopyrion]] gouverneur de la [[Thrace]]. Des émissaires [[celtes]], probablement des [[Scordiques]], rencontrent à cette occasion Alexandre sur le Danube<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', I, 4 ; Strabon, {{VII}}, 3, 8.</ref>. La frontière septentrionale du royaume est dès lors fixée le long du Danube<ref name="GOU253" />.
Cependant, avant de porter la guerre contre les [[Achéménides|Perses]] en Asie, Alexandre doit assurer la sécurité du royaume par deux expéditions contre les [[barbare]]s du nord, l’une jusqu’au [[Danube]], l’autre en [[Illyrie]] révoltée<ref name="GOU253"/>. En effet, escomptant profiter de la mort de Philippe, des tribus [[thraces]] et [[gètes]] menacent la Macédoine. Au printemps {{date|-335}}, alors qu'[[Antipater (général)|Antipater]] exerce la régence, Alexandre vainc les [[Gètes]], puis traverse le pays des [[Odryses]]<ref name="FAURE50">{{Harvsp|Faure|1985|p=50}}.</ref>. Il défait les [[Triballes]] du roi [[Syrmos]] sur les bords du fleuve [[Grand Balkan|Hémos]]<ref name="FAURE50"/>, près du [[delta du Danube]]. Syrmos a perdu près de {{nombre|3000 guerriers}}, poussant les autres tribus à la paix. Alexandre désigne [[Zopyrion]] gouverneur de la [[Thrace]]. Des émissaires [[celtes]], probablement des [[Scordiques]], rencontrent à cette occasion Alexandre sur le Danube<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 4 ; Strabon, {{VII}}, 3, 8.</ref>. La frontière septentrionale du royaume est dès lors fixée le long du Danube<ref name="GOU253" />.


Mais dans le même temps, des peuplades [[illyrie]]nnes font une incursion en Macédoine, avec à leur tête [[Clitos]], roi des [[Dardanie (Balkans)|Dardaniens]], qui parvient à rallier les [[Taulantiens]] du roi [[Glaucias]] et les [[Autariates]] du roi Pleuras<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 1.</ref>. En juillet 335, Alexandre marche avec ses troupes vers le territoire des [[Agrianes]] en [[Péonie]], dont le roi Langaros lui vient en aide<ref group=N>Les [[Agrianes]] fournissent à l'[[armée macédonienne]] des [[peltaste]]s d'élite : {{Harvsp|Faure|1985|p=38}}.</ref>. Victorieux au [[siège de Pélion]] en décembre 335<ref name="FAURE50"/>, Alexandre contraint les Illyriens au repli. Clitos retrouve néanmoins son trône, devenant vassal du royaume de Macédoine<ref>{{en}} James R. Ashleyn ''The Macedonian Empire: The Era of Warfare Under Philip II and Alexander the Great, 359-323 B.C'', McFarland, 2004, {{p.|171}}.</ref>.
Mais dans le même temps, des peuplades [[illyrie]]nnes font une incursion en Macédoine, avec à leur tête [[Clitos]], roi des [[Dardanie (Balkans)|Dardaniens]], qui parvient à rallier les [[Taulantiens]] du roi [[Glaucias (roi)|Glaucias]] et les [[Autariates]] du roi Pleuras<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 1.</ref>. En juillet 335, Alexandre marche avec ses troupes vers le territoire des [[Agrianes]] en [[Péonie]], dont le roi Langaros lui vient en aide<ref group=N>Les [[Agrianes]] fournissent à l'[[armée macédonienne]] des [[peltaste]]s d'élite : {{Harvsp|Faure|1985|p=38}}.</ref>. Victorieux au [[siège de Pélion]] en décembre 335<ref name="FAURE50"/>, Alexandre contraint les Illyriens au repli. Clitos retrouve néanmoins son trône, devenant vassal du royaume de Macédoine<ref>{{en}} James R. Ashleyn ''The Macedonian Empire: The Era of Warfare Under {{noble-|Philip II}} and Alexander the Great, 359-323 B.C'', McFarland, 2004, {{p.|171}}.</ref>.


==== La révolte des cités grecques (automne-hiver 335) ====
==== Révolte des cités grecques (automne-hiver 335) ====
{{article détaillé|Bataille de Thèbes}}
{{article détaillé|Bataille de Thèbes}}


Tandis qu'Alexandre est occupé au nord contre les [[Triballes]], des [[Polis|cités grecques]] décident se révolter contre les [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]]. C'est le résultat de la politique de {{souverain2|Darius III}} qui, grâce à [[Memnon de Rhodes]], a reconquis les territoires pris par [[Parménion]] à la fin du règne de {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}, et tente de susciter une révolte en Grèce en envoyant des fonds aux cités{{sfn|Goukowsky|1993|p=254}}. La rumeur de la mort d'Alexandre sur le [[Danube]] déclenche la rébellion de [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]], qui abrite une garnison macédonienne depuis sa défaite à [[Bataille de Chéronée (338 av. J.-C.)|Chéronée]] en [[338 av. J.-C.]], alors qu'[[Histoire d'Athènes|Athènes]] et [[Sparte]] promettent de l'aider.
Tandis qu'Alexandre est occupé au nord contre les [[Triballes]], des [[Polis|cités grecques]] décident se révolter contre les [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]]. C'est le résultat de la politique de {{noble|Darius III}} qui, grâce à [[Memnon de Rhodes]], a reconquis les territoires pris par [[Parménion]] à la fin du règne de {{noble|Philippe II de Macédoine|-}}, et tente de susciter une révolte en Grèce en envoyant des fonds aux cités{{Sfn|Goukowsky|1993|p=254}}. La rumeur de la mort d'Alexandre sur le [[Danube]] déclenche la rébellion de [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]], qui abrite une garnison macédonienne depuis sa défaite à [[Bataille de Chéronée (338 av. J.-C.)|Chéronée]] en [[338 av. J.-C.]], alors qu'[[Histoire d'Athènes|Athènes]] et [[Sparte]] promettent de l'aider.


La riposte d'Alexandre est foudroyante. Il aurait d'ailleurs déclaré selon [[Plutarque]]<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 9.</ref> : {{Citation|Démosthène me traitait d'enfant quand j'étais en Illyrie et chez les Triballes, puis d'adolescent quand je suis entré en Thessalie ; je veux lui faire voir devant les murs d'Athènes, que je suis un homme}}. Alexandre traverse la Grèce à marche forcée avec son armée au complet<ref group=N>L'armée macédonienne parcourt environ {{unité|500|km}} en {{unité|15|jours}}.</ref> et franchit les [[Thermopyles]] surprenant les Thébains alors occupés à assiéger la garnison macédonienne installée dans l'acropole de la Cadmée<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 8, 3.</ref>. À l'issue de la [[bataille de Thèbes]] et malgré une vive résistance<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 12, 1-3 ; Plutarque, ''Alexandre'', 9</ref>, la cité tombe aux mains des Macédoniens à l'automne 335, d'autant que les Athéniens et les Spartiates ne lui sont pas venus en aide<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 8, 6.</ref>. Conformément aux directives de la [[ligue de Corinthe]] où les Thébains comptent de nombreux ennemis{{sfn|Goukowsky|1993|p=254}}, la cité est entièrement rasée ; seuls sont épargnés la citadelle de la [[Thèbes (Grèce)#Cadmée|Cadmée]], la maison natale de [[Pindare]] par égard pour ses relations avec les [[Argéades]], ainsi que les temples. Sa population, soit {{nombre|30000}} personnes, est réduite en esclavage et les terres partagées entre les vainqueurs<ref>{{ouvrage|prénom1=Johann Gustav|nom1=Droysen|titre=Alexandre le Grand|éditeur=Editions Complexe|année=1991|passage=99|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=QN3OaIMcl8MC&pg=PA99}}</ref>. Manifestant un repentir après la destruction de Thèbes, Alexandre cherchera tout au long de son règne à se prémunir contre le courroux de [[Dionysos]]<ref group=A name="PLU13">Plutarque, ''Alexandre'', 13.</ref>, dont la mère [[Sémélé]] est la fille de [[Cadmos]], fondateur de la cité, en l'honorant par de nombreux sacrifices.
La riposte d'Alexandre est foudroyante. Il aurait d'ailleurs déclaré selon [[Plutarque]]<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 9.</ref> : {{Citation|Démosthène me traitait d'enfant quand j'étais en Illyrie et chez les Triballes, puis d'adolescent quand je suis entré en Thessalie ; je veux lui faire voir devant les murs d'Athènes, que je suis un homme}}. Alexandre traverse la Grèce à marche forcée avec son armée au complet<ref group=N>L'armée macédonienne parcourt environ {{unité|500|km}} en {{unité|15|jours}}.</ref> et franchit les [[Thermopyles]] surprenant les Thébains alors occupés à assiéger la garnison macédonienne installée dans l'acropole de la Cadmée<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 8, 3.</ref>. À l'issue de la [[bataille de Thèbes]] et malgré une vive résistance<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 12, 1-3 ; Plutarque, ''Alexandre'', 9.</ref>, la cité tombe aux mains des Macédoniens en décembre 335, d'autant que les Athéniens et les Spartiates ne lui sont pas venus en aide<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 8, 6.</ref>. Conformément aux directives de la [[ligue de Corinthe]] où les Thébains comptent de nombreux ennemis{{sfn|Goukowsky|1993|p=254}}, la cité est entièrement rasée ; seuls sont épargnés la citadelle de la [[Thèbes (Grèce)#Cadmée|Cadmée]], la maison natale de [[Pindare]] par égard pour ses relations avec les [[Argéades]], ainsi que les temples. Sa population, soit {{nombre|30000 personnes}}, est réduite en esclavage et les terres partagées entre les vainqueurs<ref>{{ouvrage|prénom1=Johann Gustav|nom1=Droysen|titre=Alexandre le Grand|éditeur=Éditions Complexe|année=1991|passage=99|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=QN3OaIMcl8MC&pg=PA99}}.</ref>. Manifestant un repentir après la destruction de Thèbes, Alexandre cherchera tout au long de son règne à se prémunir contre le courroux de [[Dionysos]]<ref group=A name="PLU13">Plutarque, ''Alexandre'', 13.</ref>, dont la mère [[Sémélé]] est la fille de [[Cadmos]], fondateur de la cité, en l'honorant par de nombreux sacrifices.


Alexandre épargne néanmoins Athènes<ref group=A name="PLU13"/>, trop heureuse de se soumettre à moindre mal. Cette générosité exprime peut-être une volonté de préserver le principal centre intellectuel de la Grèce alors que cette cité est faite selon lui « pour donner la loi au reste de la Grèce » quand il sera en Asie<ref group=A name="PLU13"/> ; ou bien il faut y voir l'influence de son ancien précepteur [[Aristote]] qui s'installe cette même année à Athènes pour y fonder le [[Lycée (école philosophique)|Lycée]]. Il est aussi envisageable que les talents de négociateurs de [[Phocion]] et surtout de [[Démade]] aient convaincu le roi de ne pas détruire la cité<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 15, 1-4.</ref>. Alexandre réclame en vain que lui soient livrés [[Démosthène]], [[Lycurgue (orateur)|Lycurgue]] et [[Hypéride]]<ref group=N>C'est à ce propos que Démosthène expose sa parabole sur les moutons livrant leurs chiens au loup (Plutarque, ''Démosthène'', 36).</ref>.
Alexandre épargne néanmoins Athènes. Cette générosité peut s'expliquer par le fait que le roi ne peut se permettre de détruire le principal centre intellectuel de la Grèce à la veille d'une expédition panhellénique{{Sfn|Goukowsky|1993|p=254}}, alors que cette cité est faite selon lui « pour donner la loi au reste de la Grèce » quand il sera en Asie<ref group=A name="PLU13"/> ; son ancien précepteur [[Aristote]] s'installe d'ailleurs cette même année à Athènes pour y fonder le [[Lycée (école philosophique)|Lycée]]. Il est aussi envisageable que les talents de négociateurs de [[Phocion]] et surtout de [[Démade]] aient convaincu le roi de ne pas détruire la cité<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 15, 1-4.</ref>. Alexandre réclame en vain que lui soient livrés [[Démosthène]], [[Lycurgue (orateur)|Lycurgue]] et [[Hypéride]]<ref group=N>C'est à ce propos que Démosthène expose sa parabole sur les moutons livrant leurs chiens au loup (Plutarque, ''Démosthène'', 36).</ref>.


Alexandre décide ensuite de visiter la Grèce en vainqueur. C'est à [[Corinthe antique|Corinthe]] qu'il rencontre à l'hiver 335 [[Diogène de Sinope]], le philosophe [[Cynisme|cynique]], qui clame : {{Citation|Ôte-toi de mon soleil}}, Alexandre répliquant alors à ses officiers : {{Citation|Si je n'étais Alexandre, je voudrais être Diogène}}<ref group=A name="PLU14">Plutarque, ''Alexandre'', 14.</ref>. À la même période, Alexandre se rend également à [[Delphes]]. Comme la [[Pythie]] ne peut émettre de prophétie, [[Apollon]] passant pour être absent pendant les mois d'hiver, Alexandre, selon la légende, l'aurait prise par le bras pour la mener malgré elle au [[trépied sacrificiel]]. Elle s'écrie alors : {{Citation|Ô mon fils, tu es irrésistible !}}, Alexandre considérant cette exclamation comme un oracle<ref name="Droysen1883_p439"/>.
Alexandre décide ensuite de visiter la Grèce en vainqueur. C'est à [[Corinthe antique|Corinthe]] qu'il rencontre, à l'hiver 335, [[Diogène de Sinope]] le philosophe [[Cynisme|cynique]], qui clame : {{Citation|Ôte-toi de mon soleil}}, Alexandre répliquant alors à ses officiers : {{Citation|Si je n'étais Alexandre, je voudrais être Diogène}}<ref group=A name="PLU14">Plutarque, ''Alexandre'', 14.</ref>. À la même période, Alexandre se rend également à [[Delphes]]. Comme la [[Pythie]] ne peut émettre de prophétie, [[Apollon]] passant pour être absent pendant les mois d'hiver, Alexandre, selon la légende, l'aurait prise par le bras pour la mener malgré elle au [[trépied sacrificiel]]. Elle s'écrie alors : {{Citation|Ô mon fils, tu es irrésistible !}}, Alexandre considérant cette exclamation comme un oracle<ref name="Droysen1883_p439"/>.


=== Le conquérant ===
=== Alexandre le conquérant ===
==== Objectifs de l'expédition en Asie ====
Alexandre reprend à son compte le projet [[Panhellénisme|panhellénique]] de son père {{noble|Philippe II de Macédoine|-}}, fidèle à la pensée d'[[Isocrate]]<ref name="ISOCRATE1" group=A>Isocrate, ''Philippe'', 120.</ref> qui appelle à l'union des [[Grèce antique|Grecs]] autour du [[royaume de Macédoine]] contre l'ennemi héréditaire que représentent les [[Perses]]{{Sfn|Goukowsky|1993|p=254}}. La guerre contre l'[[Achéménides|Empire achéménide]] semble inévitable depuis qu'{{noble|Artaxerxès III}} est venu en aide à [[Byzance]] et à [[Marmaraereğlisi|Périnthe]] en {{date|-340}} avec pour objectif de réduire cette expansion macédonienne qui remet en cause la « [[Paix d'Antalcidas|Paix du Roi]] »{{Sfn|Goukowsky|1993|p=255}}. Philippe n'a pas envisagé la conquête de l'ensemble de l'Empire perse, mais plutôt d'en détacher les provinces [[Mer Égée|égéennes]] où l'influence grecque est forte, au contraire du [[Anatolie|plateau anatolien]] fortement [[Peuples iraniens|iranisé]]{{Sfn|Goukowsky|1993|p=255}}. Il cherche aussi à fédérer les Grecs contre les Perses, avant que ceux-ci ne s'allient contre lui{{Sfn|Goukowsky|1993|p=255}} ; d'ailleurs certains Grecs espèrent que cette expédition affaiblira la Macédoine et correspondent secrètement avec les Perses{{Sfn|Goukowsky|1993|p=255}}.


À l'automne {{date|-335}}, l'assemblée de la [[ligue de Corinthe]] fixe les modalités de l'expédition en Asie{{Sfn|Goukowsky|1993|p=254-255}}, où une tête de pont strictement macédonienne, commandée par [[Parménion]] et [[Attale (général)|Attale]], est déjà installée depuis 336 en [[Troade]]. Alexandre accélère l'expédition car cette tête de pont reste fragile. Il entend aussi s'affranchir de la tutelle d'[[Antipater (général)|Antipater]], qu'il a désigné régent de Macédoine, et acquérir un prestige militaire qui lui permettrait de supplanter Parménion et son encombrante famille{{Sfn|Goukowsky|1993|p=256}}. Les deux généraux estiment par ailleurs qu'Alexandre doit se marier avant de lancer cette expédition afin d'éviter une crise dynastique s'il mourrait sans héritier{{Sfn|Goukowsky|1993|p=265}}. À cette date, malgré sa jeunesse, Alexandre a déjà montré sa force de décision, son sens politique et son talent militaire. La campagne contre les peuples septentrionaux a dépassé ce que son père a accompli, tandis que la [[Bataille de Thèbes|destruction de Thèbes]] a calmé les velléités de révolte des Grecs{{Sfn|Goukowsky|1993|p=256}}. Pour autant, il reprend à son compte la politique de son père et l'instrument militaire qu'il a forgé, tout en s'appuyant sur des officiers fidèles à sa mémoire{{Sfn|Goukowsky|1993|p=256}}.
==== Les objectifs de l'expédition en Asie ====


==== Armée d'Alexandre ====
Alexandre reprend à son compte le projet [[Panhellénisme|panhellénique]] de son père {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}, fidèle à la pensée d'[[Isocrate]]<ref name="ISOCRATE1" group=A>Isocrate, ''Philippe'', 120.</ref> qui appelle à l'union des [[Grèce antique|Grecs]] autour du [[royaume de Macédoine]] contre l'ennemi héréditaire que représentent les [[Perses]]{{Sfn|Goukowsky|1993|p=254}}. La guerre contre l' [[Achéménides|Empire achéménide]] semble inévitable depuis qu'{{souverain2|Artaxerxès III}} est venu en aide à [[Byzance]] et à [[Périnthe]] en [[340 av. J.-C.]] dans l'objectif de réduire l'expansion macédonienne qui remet en cause la « [[Paix d'Antalcidas|Paix du Roi]] »{{Sfn|Goukowsky|1993|p=255}}. Philippe n'a pas envisagé la conquête de l'ensemble de l'Empire perse, mais plutôt d'en détacher les provinces [[Mer Égée|égéennes]] où l'influence grecque est forte, au contraire du [[Anatolie|plateau anatolien]] fortement [[Peuples iraniens|iranisé]]{{Sfn|Goukowsky|1993|p=255}}. Il cherche aussi à fédérer les Grecs contre les Perses, avant que ceux-ci ne s'allient contre lui{{Sfn|Goukowsky|1993|p=255}} ; d'ailleurs certains Grecs espèrent que cette expédition affaiblira la Macédoine et correspondent secrètement avec les Perses{{Sfn|Goukowsky|1993|p=255}}.
{{Article détaillé|Armée macédonienne|Phalange (Antiquité)|Sarisse|Compagnon (cavalerie)|Tactique militaire utilisée par Alexandre le Grand}}
[[Fichier:Macedonian Army Pezetairos.jpg|vignette|alt=Détail du sarcophage d'Alexandre montrant un phalangite macédonien combattant un Perse à la bataille d'Issos|Un [[Phalange (Antiquité)|phalangite]] macédonien (à droite) combattant un [[Perses|Perse]] à la [[bataille d'Issos]], détail du [[sarcophage d'Alexandre]].]]


Dans le prolongement de {{noble|Philippe II de Macédoine|-}} qui a forgé l'outil de la conquête<ref name="GOU326">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=326}}.</ref>, Alexandre bénéficie de nombreux atouts militaires, qui vont au-delà de son charisme personnel ou de son courage dans la bataille. Il dispose d'abord, au départ de l'expédition, d'une armée aguerrie par les guerres de Philippe<ref name="BRI15ans71">{{Harvsp|Briant|2018|p=71|id=A15ans}}.</ref>. Cette armée est formée d'une [[Phalange (Antiquité)|phalange]], à la fois puissante et mobile, d'une cavalerie lourde, véritable force d'assaut, d'une cavalerie légère, rapide à la manœuvre, de tirailleurs, utiles pour le harcèlement, et d'engins de siège, efficaces pour la prise des places fortes<ref name="BRI15ans76">{{Harvsp|Briant|2018|p=76|id=A15ans}}.</ref>. Il s'appuie aussi sur la loyauté de ses [[Compagnon (cavalerie)|Compagnons]] (''hétaires''), dont un escadron de {{nombre|300 cavaliers}} forme sa garde (ou [[agéma]]), et peut compter sur les ''épigones'' (« héritiers ») [[perses]] recrutés à partir de {{date|-330}} Enfin, il tire avantage d'une bonne connaissance du terrain grâce à l'emploi systématique d'éclaireurs avant les grandes batailles<ref name="BRI15ans76"/>.
À l'automne [[335 av. J.-C.|335]], l'assemblée de la [[ligue de Corinthe]] fixe les modalités de l'expédition en Asie{{Sfn|Goukowsky|1993|p=254-255}}, où une tête de pont strictement macédonienne, commandée par [[Parménion]] et [[Attale (général)|Attale]], est déjà installée depuis [[336 av. J.-C.|336]] en [[Troade]]. Alexandre accélère cette expédition car cette tête de pont reste fragile. Il entend aussi s'affranchir de la tutelle d'[[Antipater (général)|Antipater]], qu'il a désigné régent de Macédoine, et acquérir un prestige militaire qui lui permettrait de supplanter Parménion et son encombrante famille{{Sfn|Goukowsky|1993|p=256}}. Les deux généraux estiment par ailleurs qu'Alexandre doit se marier avant de lancer cette expédition afin d'éviter une crise dynastique s'il mourrait sans héritier{{Sfn|Goukowsky|1993|p=265}}. À cette date, malgré sa jeunesse, Alexandre a montré sa force de décision, son grand sens politique et son génie militaire. La campagne contre les peuples septentrionaux a dépassé ce que son père a accompli, tandis que la [[Bataille de Thèbes|destruction de Thèbes]] a calmé les velléités de révolte des Grecs{{Sfn|Goukowsky|1993|p=256}}. Pour autant, il reprend à son compte la politique de son père et l'instrument militaire qu'il a forgé, tout en s'appuyant sur des officiers fidèles à sa mémoire{{Sfn|Goukowsky|1993|p=256}}.


L'armée d'Alexandre dispose d'une grande supériorité tactique et technique sur ses adversaires<ref name="BRI15ans71"/>. La cuirasse de {{unité|15|kg}} et le bouclier de {{unité|1|mètre}} de diamètre, qui alourdissent les [[hoplite]]s grecs, ont été abandonnés à l'initiative de {{noble|Philippe II de Macédoine|-}}. Les [[Phalange (Antiquité)|phalangites]] macédoniens (Compagnons à pieds ou ''pézétaires'') portent un équipement défensif allégé et sont principalement armés d'une longue pique de {{unité|5.5|mètres}}, la [[sarisse]]<ref group=A>Polybe, {{XVIII}}, 29-30.</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|prénom1=Johann Gustav|nom1=Droysen|titre=Alexandre le Grand|éditeur=Editions Complexe|année=1991|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=QN3OaIMcl8MC&pg=PA114}}.</ref>. Durant les phases défensives, les phalangites forment une muraille de boucliers dont jaillissent une forêt de piques permettant de soutenir la puissance des charges adverses. Dans les phases offensives, les masses et les énergies cinétiques des phalangites se cumulent, rendant le choc tel qu'il peut renverser plusieurs rangs d'infanterie adverse. Cet allègement permet également d'équiper un plus grand nombre d'hommes. La cavalerie lourde des Compagnons compense le manque de maniabilité des phalanges en protégeant leurs flancs vulnérables et en attaquant dans une formation « en coin » ceux de l'adversaire. Alexandre utilise donc la [[Tactique militaire utilisée par Alexandre le Grand|tactique]] dite du « marteau » (la cavalerie) et de « l'enclume » (l'infanterie) pour remporter les batailles rangées<ref name="BRI15ans76"/>.
==== L'armée d'Alexandre ====
{{Article connexe|Armée macédonienne |Phalange (Antiquité) |Sarisse |Tactique militaire utilisée par Alexandre le Grand}}
[[Fichier:Makedonische phalanx.png|vignette|droite|upright=1.5|alt=Une unité de la phalange macédonienne|Une unité (''syntagma'') de la [[Phalange (Antiquité)|phalange]] macédonienne.]]


Les effectifs au départ de l'expédition d'Asie sont d'environ {{unité|40000|fantassins}} et {{unité|1800|cavaliers}} macédoniens, auxquels s’ajoutent un chiffre équivalent de cavaliers [[thessalie]]ns et {{nobr|600 autres}} recrutés dans les États grecs de la [[ligue de Corinthe]]{{Sfn|Goukowsky|1993|p=255}}. Ces effectifs, relativement faibles, sont à comparer aux {{formatnum:50000}} mercenaires grecs combattant dans l'[[Armée perse sous Darius III|armée perse]]{{Sfn|Goukowsky|1993|p=255}}. Les [[barbare]]s du Nord ([[Thraces]], [[Péonie]]ns, [[Triballes]], [[Agrianes]]), motivés par l'appât du gain, fournissent de nombreuses troupes<ref name="GOU256" />. Les fantassins de la [[Phalange (Antiquité)|phalange]], au nombre de {{unité|32000}}, sont recrutés parmi la classe des propriétaires terriens. À ces troupes, il convient probablement d'ajouter les survivants du corps expéditionnaire envoyé par Philippe en Asie Mineure sous le commandement de [[Parménion]] et d'[[Attale (général)|Attale]]<ref name="BRI15ans72">{{Harvsp|Briant|2018|p=72|id=A15ans}}.</ref>, soit au départ environ {{unité|10000|hommes}}. Alexandre ne laisse pas la Macédoine totalement dégarnie. Il laisse à [[Antipater (général)|Antipater]], désigné régent en l'absence du roi, la moitié de la cavalerie, soit environ {{unité|1500|hommes}} et {{unité|12000|fantassins}}. Au fil des conquêtes des renforts parviennent d'Europe, tandis que des troupes indigènes sont intégrées comme les {{unité|30000|[[Perses]]}} intégrés à la phalange. De manière plus anecdotique, [[Plutarque]] écrit qu'Alexandre commande à ses généraux de raser leur barbe et celles des soldats pour qu'elle ne puisse pas servir de prise aux mains des ennemis<ref group=A>Plutarque, ''Thésée'', 4.</ref>.
Dans le prolongement de {{souverain2|Philippe II de Macédoine}} qui a forgé l'outil de la conquête<ref name="GOU326">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=326}}.</ref>, Alexandre bénéficie de nombreux atouts militaires, qui vont au-delà de son charisme et de son courage dans la bataille. Il dispose d'abord, du moins au départ de l'expédition, d'une armée aguerrie par les guerres de Philippe<ref name="BRI15ans71">{{Harvsp|Briant|2018|p=71|id=A15ans}}.</ref>. Cette armée est formée d'une [[Phalange (Antiquité)|phalange]], à la fois puissante et mobile grâce aux longues [[sarisse]]s et à un équipement allégé, d'une cavalerie lourde, véritable force d'assaut, d'une cavalerie légère, rapide à la manœuvre, de tirailleurs, utiles pour le harcèlement, et d'engins de siège, efficaces pour la prise des places fortes<ref name="BRI15ans76">{{Harvsp|Briant|2018|p=76|id=A15ans}}.</ref>. Il s'appuie aussi sur la loyauté absolue de ses Compagnons (''hetairoi'') à pied ou à cheval, et peut compter sur les ''épigones'' (« héritiers ») [[perses]] recrutés à partir de [[330 av. J.-C.]] Enfin, il tire avantage d'une bonne connaissance du terrain grâce à l'emploi systématique d'éclaireurs avant les grandes batailles<ref name="BRI15ans76"/>.


Les sources anciennes sont lacunaires, voire contradictoires, concernant les grandes batailles<ref name="BRI15ans71"/>. Les montants des effectifs de l'[[Armée perse sous Darius III|armée perse]], souvent surévalués de manière invraisemblable, sont généralement à prendre avec précaution<ref name="BRI15ans71"/>.
L'armée d'Alexandre dispose d'une grande supériorité tactique et technique sur ses adversaires<ref name="BRI15ans71"/>. La cuirasse de {{unité|15|kg}} et le bouclier de {{unité|1|mètre}} de diamètre (''[[hoplon]]''), qui alourdissent les [[hoplite]]s, ont été abandonnés à l'initiative de {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}. Les phalanges sont allégées et leurs [[sarisse]]s, de longues piques de {{unité|5.5|mètres}}, dont la base peut être fichée dans le sol, capables de briser les charges de cavalerie, sont allongées, augmentant ainsi leur vitesse de charge, de sorte qu'avec des formations très serrées, les masses et les énergies cinétiques des phalangites se cumulent, rendant le choc lors du contact tel qu’il peut renverser plusieurs rangs d’infanterie adverse<ref group=A>Polybe, {{XVIII}}, 29-30.</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|prénom1=Johann Gustav|nom1=Droysen|titre=Alexandre le Grand|éditeur=Editions Complexe|année=1991|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=QN3OaIMcl8MC&pg=PA114}}</ref>. Cet allègement permet également d'équiper un plus grand nombre d'hommes. La cavalerie lourde des Compagnons compense le manque de maniabilité des phalanges en protégeant leurs flancs vulnérables et en attaquant dans une formation « en coin » ceux de l’adversaire afin de les rendre vulnérables à l’impact des phalanges. Alexandre utilise donc la [[Tactique militaire utilisée par Alexandre le Grand|tactique]] dite du « marteau » (la cavalerie) et de « l’enclume » (l'infanterie) pour remporter les batailles rangées<ref name="BRI15ans76"/>. De manière plus anecdotique, [[Plutarque]] écrit qu’Alexandre commande à ses généraux de raser leur barbe et celles des soldats pour qu’elle ne puisse pas servir de prise aux mains des ennemis<ref group=A>Plutarque, ''Thésée'', 4.</ref>.


==== Débarquement en Asie (printemps 334) ====
Les effectifs au départ de l’expédition d’Asie sont d’environ {{unité|40000|fantassins}} et {{unité|1800|cavaliers}} macédoniens, auxquels s’ajoutent un chiffre équivalent de cavaliers [[Thessalie|thessaliens]] et {{unité|600|autres}} recrutés dans les États grecs de la [[ligue de Corinthe]]{{Sfn|Goukowsky|1993|p=255}}. Ces effectifs, relativement faibles, sont à comparer aux {{formatnum:50000}} mercenaires grecs combattant dans l'[[Armée perse sous Darius III|armée perse]]{{Sfn|Goukowsky|1993|p=255}}. Les [[Barbare|barbares]] du Nord ([[Thraces]], [[Péonie|Péoniens]], [[Triballes]], [[Agrianes]]), motivés par l’appât du gain, fournissent de nombreuses troupes<ref name="GOU256" />. Les fantassins de la [[Phalange (Antiquité)|phalange]], au nombre de {{unité|32000|}}, sont recrutés parmi la classe des propriétaires terriens. À ces troupes, il convient probablement d'ajouter les survivants du corps expéditionnaire envoyé par Philippe en Asie Mineure sous le commandement de [[Parménion]] et d'[[Attale (général)|Attale]]<ref name="BRI15ans72">{{Harvsp|Briant|2018|p=72|id=A15ans}}.</ref>, soit au départ environ {{unité|10000|hommes}}. Alexandre ne laisse pas la Macédoine totalement dégarnie. Il laisse à [[Antipater (général)|Antipater]], désigné régent en l'absence du roi, la moitié de la cavalerie, soit environ {{unité|1500|hommes}} et {{unité|12000|fantassins}}. Au fil des conquêtes des renforts parviennent d'Europe, tandis que des troupes indigènes sont intégrées comme les {{unité|30000|[[Perses]]}} intégrés à la phalange.
{{Article détaillé |Bataille du Granique}}
[[Fichier:Alexander III conquest from Pella to Halicarnasse-fr.svg|vignette|redresse=3|centre|alt=Carte de l'itinéraire d’Alexandre dans la partie occidentale de l'Asie Mineure en 334|Itinéraire d'Alexandre dans la partie occidentale de l'[[Anatolie|Asie Mineure]] en {{date|-334}}]]


En {{date|mai -334}}, à la tête des forces coalisées réunissant [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]] et [[Grèce antique|Grecs]] de la [[ligue de Corinthe]], Alexandre part de [[Pella (cité antique)|Pella]] et, en vingt jours, atteint [[Sestos]] en [[Péninsule de Gallipoli|Chersonèse de Thrace]]. Lorsqu'il débarque en [[Asie]], il plante sa lance dans le sol, signifiant qu'il compte faire des domaines du [[Grand Roi]] [[Achéménides|perse]] la « terre conquise par la lance » (''gè doriktétos'')<ref name="GOU256">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=256}}.</ref>{{,}}<ref group=A>Les principales sources pour le début de la conquête sont : Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 1 et {{II}}, 12 ; Diodore de Sicile, {{XVII}}, 16-38 ; Plutarque, ''Alexandre'' (15-23) ; Justin, {{XI}} (5, 1-9).</ref>. Tandis que [[Parménion]] est chargé de transporter l'[[armée macédonienne]] à [[Abydos (Asie Mineure)|Abydos]] au-delà de l'[[Dardanelles|Hellespont]]<ref group=N>[[Abydos (Asie Mineure)|Abydos]] est une tête de pont conquise sous {{noble|Philippe II de Macédoine|-}}.</ref>, Alexandre se dirige à la tête de {{unité|37000|hommes}} vers [[Éléonte]], en Chersonèse, où il honore par un sacrifice le héros [[Protésilas]], premier [[Achéens|Achéen]] tombé lors de la [[guerre de Troie]]. Ce geste<ref group=N>La réalité de ce geste a longtemps été discutée, mais G. Radet (''Notes critiques sur l'histoire d'Alexandre'', Bordeaux, 1925, {{p.|119}} et suivantes) en établit la réalité.</ref> est le premier d'une longue liste qui illustre la volonté du roi de frapper les imaginations en se faisant passer pour le nouvel [[Achille]], sans qu'il soit possible de savoir s'il est sincèrement pénétré de la fierté d'appartenir à la race du [[Culte héroïque grec|héros]] ou s'il s'agit d'une simple gestuelle théâtrale à destination de ses soldats et des peuples d'Asie Mineure et de Grèce.
Les sources anciennes sont lacunaires, voire contradictoires, concernant les grandes batailles<ref name="BRI15ans71"/>. Les montants des effectifs de l'[[Armée perse sous Darius III|armée perse]], souvent surévalués de manière invraisemblable, sont à prendre avec précaution<ref name="BRI15ans71"/>.


Alexandre débarque ensuite en Asie près de l'emplacement supposé de [[Troie]] (ou Ilion). Il dresse des autels dans le temple d'[[Athéna]], puis dépose une couronne sur le tombeau d'[[Achille]], le proclamant bienheureux d'avoir eu ses exploits narrés par [[Homère]]<ref group="A">Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 12, 1-2 ; Cicéron, ''Pro Archia'', 24.</ref> tandis qu'[[Héphestion|Héphaistion]], son favori, fait de même sur celui de [[Patrocle]]<ref group="A">Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 11, 6-12.</ref>. Ce « pèlerinage » à Troie peut sembler tout aussi romantique que publicitaire<ref name="GOU257">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=257}}.</ref>. Alexandre rejoint ensuite son armée à [[Arisbé]] en quatre jours, en contournant par le nord le massif du [[Pitsounda|Pityos]].
==== Le débarquement en Asie (printemps 334) ====
{{Article détaillé |Bataille du Granique}}
[[Fichier:Alexander III conquest from Pella to Halicarnasse-fr.svg|vignette|redresse=3|centre|alt=Carte de l'itinéraire d’Alexandre dans la partie occidentale de l'Asie Mineure en 334|Itinéraire d’Alexandre dans la partie occidentale de l’[[Anatolie|Asie Mineure]] en [[334 av. J.-C.]]]]


Le principal chef mercenaire grec de {{noble|Darius III}}, [[Memnon de Rhodes]], est partisan de la politique de la terre brûlée face aux Macédoniens, dont il estime la valeur. Il propose donc d'entraîner vers l'intérieur du pays, sans combattre, les troupes d'Alexandre, tandis que la flotte perse porterait la guerre jusqu'en [[Royaume de Macédoine|Macédoine]]. Memnon peut légitimement espérer une révolte des cités grecques, s'appuyant sur l'or de Darius et sur le ressentiment contre Alexandre à la suite du saccage de [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]]. Mais les [[satrape]]s perses se méfient des conseils d'un étranger et ne tiennent aucunement compte de son avis. [[Arsitès]], le satrape de [[Phrygie]], déclare qu'il ne laissera pas brûler une seule maison de sa satrapie<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 12, 10.</ref>.
En mai [[334 av. J.-C.]], à la tête des forces coalisées réunissant Macédoniens et Grecs de la [[ligue de Corinthe]], Alexandre part de [[Pella]] et, en vingt jours, atteint [[Sestos]] en [[Péninsule de Gallipoli|Chersonèse de Thrace]]. Lorsqu'il débarque en Asie, il plante sa lance dans le sol, signifiant qu'il compte faire des domaines du [[Grand Roi]] la « terre conquise par la lance » (''gè doriktétos'')<ref name="GOU256">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=256}}.</ref>{{,}}<ref group=A>Les principales sources pour le début de la conquête sont : Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 1 et {{II}}, 12 ; Diodore de Sicile, {{XVII}}, 16-38 ; Plutarque, ''Alexandre'' (15-23) ; Justin, {{XI}} (5, 1-9).</ref>. Tandis que [[Parménion]] est chargé de transporter l’[[Armée macédonienne|armée]] à [[Abydos (Asie Mineure)|Abydos]], une tête de pont fondée par {{souverain2|Philippe II de Macédoine}} sur l’[[Dardanelles|Hellespont]], Alexandre se dirige à la tête de {{unité|37000|hommes}} vers [[Éléonte]], en Chersonèse, où il honore par un sacrifice le héros [[Protésilas]], premier [[Achéens|Achéen]] tombé lors de la [[guerre de Troie]]. Ce geste<ref group=N>La réalité de ce geste a longtemps été discutée, mais l’étude de G. Radet, (''Notes critiques sur l’histoire d’Alexandre'', {{2e}} série, 8, {{p.|119}} et suivantes) établit la réalité du pèlerinage d’Alexandre.</ref> est le premier d’une longue liste qui illustre la volonté du roi de frapper les imaginations en se faisant passer pour le nouvel [[Achille]], sans qu’il soit d’ailleurs possible de savoir s’il est sincèrement pénétré de la fierté d’appartenir à la race du héros ou s’il s’agit d’une simple gestuelle théâtrale à destination de ses soldats et des peuples d’Asie Mineure et de Grèce. Alexandre débarque ensuite en Asie près de l’emplacement supposé de [[Troie]] (ou Ilion), dresse des autels dans le temple d’[[Athéna]], puis dépose une couronne sur le tombeau d’[[Achille]], tandis qu'[[Héphestion|Héphaistion]], son favori, fait de même sur celui de [[Patrocle]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 11, 6-12.</ref>. Ce « pèlerinage » à Troie peut sembler tout aussi romantique que publicitaire<ref name="GOU257">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=257}}.</ref>. Alexandre rejoint ensuite son armée à [[Arisbé]] en quatre jours, en contournant par le nord le massif du [[Pitsounda|Pityos]].


Constatant que les cités d'Asie ne l'accueillent pas en libérateur, Alexandre décide d'avancer vers l'adversaire installé le long du fleuve [[Biga Çayı|Granique]]<ref name="GOU257"/>. Contre les conseils de prudence de [[Parménion]], il charge et défait la cavalerie adverse alors que les mercenaires grecs au service des Perses ne sont pas encore à pied d'œuvre ; ces derniers sont impitoyablement massacrés. La victoire à la [[bataille du Granique]] décapite un temps l'état-major perse<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 4, 20.</ref> : [[Spithridatès]] et [[Arsitès]] figurent notamment au nombre des victimes. Elle laisse à Alexandre la [[Phrygie hellespontique]] et la [[Lydie]] ainsi que le bénéfice d'immenses trésors<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=258}}.</ref>.
Le principal chef mercenaire grec de {{souverain2|Darius III}}, [[Memnon de Rhodes]], est partisan de la politique de la terre brûlée face aux Macédoniens, dont il estime la valeur. Il propose donc d'entraîner vers l’intérieur du pays, sans combattre, les troupes d’Alexandre, tandis que la flotte perse porterait la guerre jusqu'en [[Royaume de Macédoine|Macédoine]]. Memnon peut légitimement espérer une révolte des cités grecques, s’appuyant sur l’or de Darius et sur le ressentiment contre Alexandre à la suite du saccage de [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]]. Mais les [[satrape]]s perses se méfient des conseils d’un étranger et ne tiennent aucunement compte de son avis. [[Arsitès]], le satrape de [[Phrygie]], déclare qu’il ne laissera pas brûler une seule maison de sa satrapie<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 12, 10.</ref>.


==== Prise des cités côtières (printemps-automne 334) ====
Constatant que les cités d'Asie ne l'accueillent pas en libérateur, Alexandre décide d'avancer vers l'adversaire installé le long du fleuve [[Biga Çayı|Granique]]<ref name="GOU257"/>. Contre les conseils de prudence de [[Parménion]], il charge la cavalerie adverse alors que les mercenaires grecs de {{souverain2|Darius III}} ne sont pas encore à pied d’œuvre ; ces derniers sont impitoyablement massacrés. La victoire à la [[bataille du Granique]] décapite l'état-major perse<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 4, 20.</ref> : [[Spithridatès]] et [[Arsitès]] figurent notamment au nombre des victimes. Elle laisse à Alexandre la [[Phrygie hellespontique]] et la [[Lydie]] ainsi que le bénéfice d'immenses trésors<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=258}}.</ref>.
{{article détaillé|Siège de Milet|Siège d'Halicarnasse}}


La victoire d’Alexandre au [[bataille du Granique|Granique]] a une conséquence importante : jusqu’à la [[bataille d'Issos]], il n’y a que de simples garnisons laissées dans les cités pour s'opposer à son avancée<ref group=A>Plutarque, ''Camille'', 19, 6.</ref>. [[Sardes]], la capitale de [[Lydie]], se rend sans coup férir<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=59}}.</ref>, tandis que [[Parménion]] s'empare de [[Dascylion]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 4.</ref>. [[Éphèse]], en proie à des luttes de factions, où Memnon s’est réfugié après la bataille, voit le parti démocratique favorable à Alexandre l’emporter. Celui-ci s’attire habilement la sympathie des habitants de la cité en confiant au temple d’[[Artémis]] le tribut que la cité paye jusqu’alors à Darius et en rappelant les bannis<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 5.</ref>.
==== La prise des cités côtières (printemps-automne 334) ====


Les adversaires d’Alexandre se sont réfugiés à [[Milet]], où Memnon, qui vient de quitter Éphèse, reprend les choses en main après les velléités de trahison d'Hégésistrate, le chef des mercenaires grecs au service de {{noble|Darius III}}. Cependant Milet est rapidement prise en juillet 334, à l'issue d'un [[siège de Milet|siège]], après qu'Alexandre a empêché la flotte perse de mouiller sur la côte en prenant le [[cap Mycale]]. Toutefois, [[Memnon de Rhodes|Memnon]] parvient à se réfugier à [[Halicarnasse]] dont le roi [[Pixodaros]], frère de [[Mausole]], s'est rangé du côté des Perses. La cité devient alors le centre de la résistance perse<ref>{{Harvsp|Will|1993|p=260}}.</ref>. Memnon est assisté du [[satrape]] Orontabès et du [[Thèbes (Grèce)|Thébain]] Ephialtès, qui a juré la mort d'Alexandre depuis la destruction de sa ville d'origine. Celui-ci joue sur les rivalités internes à la cité et se fait une alliée en la personne d'[[Ada de Carie|Ada]], la sœur de Pixodaros, que celui-ci a auparavant renversée. À l'automne 334, Alexandre interrompt le règne de Pixodaros et restaure Ada au gouvernement de la [[satrapie de Carie]]. Elle adopte Alexandre comme son fils, faisant de lui son héritier. Reste cependant à s’emparer de la cité, qui comporte deux citadelles, dont l'une se trouve juchée sur une île. À l'issue du [[siège d'Halicarnasse]], Alexandre ne peut s'emparer que de la ville basse, tandis que les deux acropoles restent aux mains des mercenaires grecs de [[Darius III|Darius]] ; il poursuit alors sa route, laissant sous le commandement de [[Ptolémée Ier|Ptolémée]] une troupe de {{unité|3000|fantassins}} et {{unité|200|cavaliers}} poursuivre le siège<ref>Pierre Jouget, ''L'Impérialisme macédonien et l’hellénisation de l’Orient'', Éditions Albin Michel, 1972, {{p.|31}}.</ref>.
La victoire d’Alexandre au [[bataille du Granique|Granique]] a une conséquence importante : jusqu’à la [[bataille d'Issos]], il n’y a que de simples garnisons laissées dans les cités pour s'opposer à son avancée<ref group=A>Plutarque, ''Camille'', 19, 6.</ref>. [[Sardes]], la capitale de [[Phrygie]], se rend sans coup férir<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=59}}.</ref>, tandis que [[Parménion]] s'empare de [[Dascylion]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', I, 4.</ref>. [[Éphèse]], en proie à des luttes de factions, où Memnon s’est réfugié après la bataille, voit le parti démocratique favorable à Alexandre l’emporter. Celui-ci s’attire habilement la sympathie des habitants de la cité en confiant au temple d’[[Artémis]] le tribut que la cité paye jusqu’alors à Darius et en rappelant les bannis<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', I, 5.</ref>.


Après la [[Siège de Milet|prise de Milet]] en juillet 334, Alexandre licencie sa flotte de guerre, essentiellement composée de mercenaires grecs. Longtemps les historiens ont considéré cette décision comme une erreur stratégique, voire comme un signe de méfiance envers les alliés grecs, mais le motif semble essentiellement financier<ref name="DUY317"/>. Il s'agirait en effet d'une mesure d'économie afin d'éviter les frais d'entretien d'une flotte qui n'est pas, pour le moment, indispensable à sa conquête. Il faut d'ailleurs attendre la prise du trésor de [[Sardes]] pour qu'Alexandre connaisse une aisance matérielle qui deviendra l'un des facteurs de sa réussite.
Les adversaires d’Alexandre se sont réfugiés à [[Milet]], où Memnon, qui vient de quitter Éphèse, reprend les choses en main après les velléités de trahison d'Hégésistrate, le chef des mercenaires grecs au service de {{souverain2|Darius III}}. Cependant Milet est rapidement prise en juillet [[334 av. J.-C.|334]], à l'issue d'un [[siège de Milet|siège]], après qu'Alexandre a empêché la flotte perse de mouiller sur la côte en prenant le [[cap Mycale]]. Toutefois, [[Memnon de Rhodes|Memnon]] parvient à se réfugier à [[Halicarnasse]] dont le roi [[Pixodaros]], frère de [[Mausole]], s'est rangé du côté des Perses. La cité devient alors le centre de la résistance perse<ref>{{Harvsp|Will|1993|p=260}}.</ref>. Memnon est assisté du [[satrape]] Orontabès et du [[Thèbes (Grèce)|Thébain]] Ephialtès, qui a juré la mort d'Alexandre depuis la destruction de sa ville d'origine. Celui-ci joue sur les rivalités internes à la cité et se fait une alliée en la personne d'[[Ada de Carie|Ada]], la sœur de Pixodaros, que celui-ci a auparavant renversée. À l'automne [[334 av. J.-C.|334]], Alexandre interrompt le règne de Pixodaros et restaure Ada au gouvernement de la [[satrapie de Carie]]. Elle adopte Alexandre comme son fils, faisant de lui son héritier. Reste cependant à s’emparer de la cité, qui comporte deux citadelles, dont l'une se trouve juchée sur une île. À l'issue du [[siège d'Halicarnasse]], Alexandre ne peut s'emparer que de la ville basse, tandis que les deux acropoles restent aux mains des mercenaires grecs de [[Darius III|Darius]] ; il poursuit alors sa route, laissant sous le commandement de [[Ptolémée Ier|Ptolémée]] une troupe de {{unité|3000|fantassins}} et {{unité|200|cavaliers}} poursuivre le siège<ref>Pierre Jouget, ''L'Impérialisme macédonien et l’hellénisation de l’Orient'', Éditions Albin Michel, 1972, {{p.|31}}.</ref>.


==== Conquête de la Pamphylie et de la Pisidie (hiver 334-printemps 333) ====
Après la prise de [[Siège de Milet|Milet]] en juillet 334, Alexandre licencie sa flotte de guerre, essentiellement composée de mercenaires grecs. Longtemps les historiens ont considéré cette décision comme une erreur stratégique, voire comme un signe de méfiance envers les alliés grecs, mais le motif semble essentiellement financier<ref name="DUY317"/>. Il s'agirait en effet d'une mesure d'économie afin d'éviter les frais d'entretien d'une flotte qui n'est pas, pour le moment, indispensable à sa conquête. Il faut d'ailleurs attendre la prise du trésor de [[Sardes]] pour qu'Alexandre connaisse une aisance matérielle qui deviendra l'un des facteurs de sa réussite.
[[Fichier:Alexander III conquest from Halicarnasse to Issos-fr.svg|vignette|redresse=3|centre|alt=Carte de l'itinéraire d’Alexandre en Asie Mineure au cours de l’année 333|Itinéraire d’Alexandre en [[Anatolie|Asie Mineure]] au cours de l’année {{date|-333}}]]


Au cours de l'hiver {{date|-334}}, Alexandre se dirige vers la [[Lycie]] dont il s'empare sans grande résistance<ref name="GOU260">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=260}}.</ref>. Puis, à la fin de l'année, il pénètre en [[Pamphylie]] et en [[Pisidie]]. Ces régions n’appartiennent que nominalement à l’[[Achéménides|empire achéménide]]. Le plus souvent les cités de ces régions sont autonomes et rivales entre elles. De ces rivalités, Alexandre joue et reçoit la soumission d’[[Aspendos]] et de [[Sidé]]<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=61}}.</ref>. Puis il remonte vers la [[Phrygie]] et gagne sa capitale [[Kelainai]]. Désirant gagner [[Gordion]] au plus vite, il ne prend pas le temps d'assiéger la citadelle, confiant cette tâche à [[Antigone le Borgne]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 29, 3.</ref>, le stratège en chef des alliés grecs. Le contrôle de la Phrygie est stratégique car cette région centrale, grande étape de caravanes, est le point d'aboutissement des routes arrivant de l'Orient et le point de départ vers la [[mer Égée]]<ref>{{ouvrage | auteur1 = [[Pierre Briant]] | titre=Antigone le Borgne | sous-titre=les débuts de sa carrière et les problèmes de l'assemblée macédonienne | éditeur=Université de Franche-Comté | année=1973 | passage=49-52 | collection=Annales littéraires de l'Université de Besançon | numéro dans collection=152 |url=http://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1973_mon_152_1}}.</ref>.
==== La conquête de la Pamphylie et de la Pisidie (hiver 334-printemps 333) ====
[[Fichier:Alexander III conquest from Halicarnasse to Issos-fr.svg|vignette|redresse=3|centre|alt=Carte de l'itinéraire d’Alexandre en Asie Mineure au cours de l’année 333|Itinéraire d’Alexandre en [[Anatolie|Asie Mineure]] au cours de l’année [[333 av. J.-C.]]]]


Alexandre s'avance ensuite vers la [[Pisidie]]. Il attaque [[Termessos]] sans réussir à prendre la cité et traite avec bienveillance leurs ennemis de [[Selge]]. Puis il s’empare de [[Sagalassos]] et parvient au printemps 333 à [[Gordion]], située sur la « route royale » reliant [[Éphèse]] à la Haute-Asie<ref name="GOU260" />. Il y trouve des renforts venus à la fois de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] et de [[Grèce antique|Grèce]] ainsi que [[Parménion]] qui a hiverné à [[Sardes]]. Le gouvernement de la Pamphilie et de la Pisidie est confié à [[Néarque]], celui de la Phrygie à Antigone<ref name="GOU260" />.
Au cours de l'hiver [[334 av. J.-C.]], Alexandre se dirige vers la [[Lycie]] dont il s'empare sans grande résistance<ref name="GOU260">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=260}}.</ref>. Puis, à la fin de l'année, il pénètre en [[Pamphylie]] et en [[Pisidie]]. Ces régions n’appartiennent que nominalement à l’[[Achéménides|empire achéménide]]. Le plus souvent les cités de ces régions sont autonomes et rivales entre elles. De ces rivalités, Alexandre joue et reçoit la soumission d’[[Aspendos]] et de [[Sidé]]<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=61}}.</ref>. Puis il remonte vers la [[Phrygie]] et gagne sa capitale [[Kelainai]]. Désirant gagner [[Gordion]] au plus vite, il ne prend pas le temps d'assiéger la citadelle, confiant cette tâche à [[Antigone le Borgne]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', I, 29, 3.</ref>, le stratège en chef des alliés grecs. Le contrôle de la Phrygie est stratégique car cette région centrale, grande étape de caravanes, est le point d'aboutissement des routes arrivant de l'Orient et le point de départ vers la [[mer Égée]]<ref>{{ouvrage | auteur1 = [[Pierre Briant]] | titre=Antigone le Borgne | sous-titre=Les débuts de sa carrière et les problèmes de l'assemblée macédonienne | éditeur=Université de Franche-Comté | année=1973 | passage=49-52 | collection=Annales littéraires de l'Université de Besançon | numéro collection=152 |url=http://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1973_mon_152_1}}.</ref>.


==== Contre-offensive perse (hiver 334-333) ====
Alexandre s'avance ensuite vers la [[Pisidie]]. Il attaque [[Termessos]] sans réussir à prendre la cité et traite avec bienveillance leurs ennemis de [[Selge]]. Puis il s’empare de [[Sagalassos]] et parvient au printemps [[333 av. J.-C.|333]] à [[Gordion]], située sur la « route royale » reliant [[Éphèse]] à la Haute-Asie<ref name="GOU260" />. Il y trouve des renforts venus à la fois de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] et de [[Grèce antique|Grèce]] ainsi que [[Parménion]] qui a hiverné à [[Sardes]]. Le gouvernement de la Pamphilie et de la Pisidie est confié à [[Néarque]], celui de la Phrygie à Antigone<ref name="GOU260" />.
[[Fichier:Giovanni Paolo Panini - Alexander the Great Cutting the Gordian Knot - Walters 37516.jpg|vignette|alt=Peinture représentant Alexandre tranchant le nœud gordien|''Alexandre tranchant le nœud gordien'', [[Giovanni Paolo Panini]], vers 1718, [[Walters Art Museum]].]]


Bien qu'Alexandre ait remporté de grands succès, la situation reste indécise. Pour certains membres de son entourage, dont [[Parménion]] est le représentant, l'objectif de {{noble|Philippe II de Macédoine|-}}, théorisé par [[Isocrate]]<ref name="ISOCRATE1" group=A/>, à savoir la conquête de l’Asie jusqu’aux rives de l’[[Kızılırmak (fleuve)|Halys]], est atteint<ref name="GOU260" />. Un vaste territoire a été conquis, mais Isocrate envisage une seconde solution : l’anéantissement de l'[[Achéménides|empire perse]]. C'est cet objectif que souhaite désormais atteindre Alexandre. Il ne reste donc que peu de temps à [[Gordion]], où l’épisode du [[nœud gordien]], s'il est authentique, lui promet l'Asie<ref name="GOU261">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=261}}.</ref> : Alexandre se voit ainsi présenter le nœud gordien. Il est dit que la personne qui arrivera à dénouer ce nœud acquerra l'empire de l'Asie. Alexandre tranche le fameux nœud d'un coup de son épée.
==== La contre-offensive perse (hiver 334-333) ====
[[File:Giovanni Paolo Panini - Alexander the Great Cutting the Gordian Knot - Walters 37516.jpg|vignette|alt=Peinture représentant Alexandre tranchant le nœud gordien|''Alexandre tranchant le nœud gordien'', [[Giovanni Paolo Panini]], vers 1718, [[Walters Art Museum]].]]


La situation n'est pas sans risque sur ses arrières. En effet, lors de l’hiver 334, {{noble|Darius III}} confie le commandement de sa flotte à [[Memnon de Rhodes]]. Celui-ci envisage de porter la guerre en Macédoine en débarquant en [[Eubée]] et en organisant une révolte générale<ref name="GOU261" />. Le sentiment anti-macédonien demeure vivace dans de nombreuses cités. L'idée d’une guerre de revanche contre les [[empire perse|Perses]] ne rend pas acceptable à leurs adversaires l'hégémonie macédonienne, tandis que des Grecs combattent dans les deux camps. Memnon reprend [[Chios]], qui lui est livrée par le parti [[Oligarchie|oligarchique]] ; puis, il rétablit le tyran [[Aristonicos (Lesbos)|Aristonicos]] à [[Méthymne]] et met le siège devant [[Mytilène]] sur l'île de [[Lesbos]]. Mais, à la fin de l’été 333, Memnon meurt de maladie et est remplacé par [[Pharnabaze III|Pharnabaze]], neveu de Darius. Confiant dans ses capacités de stratège, Darius décide de prendre lui-même la tête de son armée contre Alexandre<ref name="GOU261" />. Pharnabaze reprend [[Milet]] et [[Halicarnasse]] mais doit se séparer de ses mercenaires grecs qui vont rejoindre par mer l'armée que Darius rassemble<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=63}}.</ref>.
Bien qu'Alexandre ait remporté de grands succès, la situation reste indécise. Pour certains membres de son entourage, dont [[Parménion]] est le représentant, l'objectif de {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}, théorisé par [[Isocrate]]<ref name="ISOCRATE1" group=A/>, à savoir la conquête de l’Asie jusqu’aux rives de l’[[Kızılırmak (fleuve)|Halys]], est atteint<ref name="GOU260" />. Un vaste territoire a été conquis, mais Isocrate envisage une seconde solution : l’anéantissement de l'[[Achéménides|empire perse]]. C'est cet objectif que souhaite désormais atteindre Alexandre. Il ne reste donc que peu de temps à [[Gordion]], où l’épisode du [[nœud gordien]], s'il est authentique, lui promet l'Asie<ref name="GOU261">{{Harvsp|Goukosky|1993|p=261}}.</ref> : Alexandre se voit ainsi présenter le nœud gordien. Il est dit que la personne qui arrivera à dénouer ce nœud acquerra l'empire de l'Asie. Alexandre tranche le fameux nœud d'un coup de son épée.


Alexandre estime nécessaire de reconstituer sa flotte afin de contrôler les détroits de l'[[Dardanelles|Hellespont]] et du [[Bosphore]] et de protéger les [[Cyclades]] des Perses mais aussi des pirates. Il demande alors aux Grecs de la [[Ligue de Corinthe]] d'armer une flotte<ref name="GOU261"/>, confiée à deux [[navarque]]s, [[Hégélochos]] et [[Amphotéros (officier)|Amphotéros]], le frère de [[Cratère (général)|Cratère]]. Ces derniers parviennent à libérer [[Ténédos]], [[Chios]], [[Kos (Dodécanèse)|Cos]] et [[Lesbos]]<ref group=A>Arrien, {{III}}, 1 ; Quinte-Curce, {{III}}, 31, 1.</ref>. Il s'en faut de peu qu’un conflit éclate avec [[Athènes]], dont les navires venus du [[Mer Noire|Pont-Euxin]] sont interceptés par Hégélochos. Celui-ci doit faire face à une menace d'intervention de la flotte athénienne et relâche les navires. Cet épisode illustre la nécessité pour Alexandre d'une victoire en Asie pour empêcher toute tentative de révolte en Grèce. Ainsi, quand il apprend au début de l’été 333 que Darius marche sur la [[Cilicie]], Alexandre quitte [[Gordion]] pour aller à sa rencontre<ref name="GOU262"/>.
La situation n'est pas sans risque sur ses arrières. En effet, lors de l’hiver [[334 av. J.-C.]], {{souverain2|Darius III}} confie le commandement de sa flotte à [[Memnon de Rhodes]]. Celui-ci envisage de porter la guerre en Macédoine en débarquant en [[Eubée]] et en organisant une révolte générale<ref name="GOU261" />. Le sentiment anti-macédonien demeure vivace dans de nombreuses cités. L'idée d’une guerre de revanche contre les [[Perse]]s ne rend pas acceptable à leurs adversaires l'hégémonie macédonienne, tandis que des Grecs combattent dans les deux camps. Memnon reprend [[Chios]], qui lui est livrée par le parti [[Oligarchie|oligarchique]] ; puis, il rétablit le tyran [[Aristonicos (Lesbos)|Aristonicos]] à [[Méthymne]] et met le siège devant [[Mytilène]] sur l'île de [[Lesbos]]. Mais, à la fin de l’été [[333 av. J.-C.|333]], Memnon meurt de maladie et est remplacé par [[Pharnabaze]], neveu de Darius. Confiant dans ses capacités de stratège, Darius décide de prendre lui-même la tête de son armée contre Alexandre<ref name="GOU261" />. Pharnabaze reprend [[Milet]] et [[Halicarnasse]] mais doit se séparer de ses mercenaires grecs qui vont rejoindre par mer l'armée que Darius rassemble<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=63}}</ref>.

Alexandre estime nécessaire de reconstituer sa flotte afin de contrôler les détroits de l'[[Dardanelles|Hellespont]] et du [[Bosphore]] et de protéger les [[Cyclades]] des Perses mais aussi des pirates. Il demande alors aux Grecs de la [[ligue de Corinthe]] d'armer une flotte<ref name="GOU261"/>, confiée à deux [[navarque]]s, Hégéloque et Amphotère, le frère de [[Cratère (général)|Cratère]]. Hégéloque est chargé de délivrer [[Lesbos]], [[Chios]] et [[Kos (Dodécanèse)|Cos]], tandis qu'Amphotère reçoit le commandement de la flotte de l'Hellespont<ref group=A>Arrien, {{III}}, 1 ; Quinte-Curce, {{III}}, 31, 1.</ref>. Il s'en faut de peu qu’un conflit éclate avec [[Histoire d'Athènes|Athènes]], dont les navires venus du [[Mer Noire|Pont-Euxin]] sont interceptés par Hégéloque. Celui-ci doit faire face à une menace d'intervention de la flotte athénienne et relâche les navires. Cet épisode illustre la nécessité pour Alexandre d'une victoire en Asie pour empêcher toute tentative de révolte en Grèce. Ainsi, quand il apprend au début de l’été 333 que Darius marche sur la [[Cilicie]], Alexandre quitte [[Gordion]] pour aller à sa rencontre<ref name="GOU262"/>.


=== D’Issos à Gaugamèles ===
=== D’Issos à Gaugamèles ===

==== Vers la bataille d'Issos (été-automne 333) ====
==== Vers la bataille d'Issos (été-automne 333) ====
{{Article détaillé |Bataille d'Issos}}
{{Article détaillé |Bataille d'Issos}}
[[Fichier:Alexander III conquest from Issos to Babylon-fr.svg|redresse=3|centre|vignette|alt=Carte de l'Itinéraire d'Alexandre au cours des années 332 et 331|Itinéraire d'Alexandre au cours des années [[332 av. J.-C.|332]] et [[331 av. J.-C.]]]]
[[Fichier:Alexander III conquest from Issos to Babylon-fr.svg|redresse=3|centre|vignette|alt=Carte de l'Itinéraire d'Alexandre au cours des années 332 et 331|Itinéraire d'Alexandre au cours des années 332 et {{date|-331}}]]


Après avoir quitté [[Gordion]], Alexandre se rend dans un premier temps à [[Ancyre]] ; puis il reçoit la soumission, de pure forme car il n'a pas eu le temps de les conquérir, de la [[Paphlagonie]] et de la [[Cappadoce]] jusqu’à l’[[Kızılırmak (fleuve)|Halys]]<ref name="GOU262">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=262}}.</ref>. Il pousse ensuite vers le sud, pénétrant en [[Cilicie]] par le passage des [[Portes de Cilicie|Portes ciliciennes]], gardé par le satrape [[Arsamès (Cilicie)|Arsamès]] . Parti de [[Soles (Cilicie)|Soles]], il fait étape à [[Tarse (ville)|Tarse]] et y tombe malade plusieurs semaines, probablement des suites d’une hydrocution après une baignade dans le fleuve Cydnos<ref>{{Harvsp|Briant|2005|p=48| id=BRI2005}}.</ref>. Cependant, [[Parménion]], second du roi au début de l’expédition, occupe les passes qui permettent le passage de la Cilicie à la plaine d’[[Issos (ville)|Issos]] (col de Karanluk-Kapu) puis celles qui au-delà contrôlent le passage vers la [[Syrie (région)|Syrie]] (passes de Merkès et de Baïlan). En [[333 av. J.-C.]], Alexandre soumet les populations montagnardes de Cilicie et s'empare de Soles, où il rétablit la démocratie après avoir installé une garnison et condamné la cité à une indemnité de {{unité|200|talents}}<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=64}}.</ref>. Il apprend à ce moment la pacification de ses arrières avec les victoires de [[Ptolémée Ier|Ptolémée]] en [[Carie (Antiquité)|Carie]] sur le satrape Orontobatès et la chute d'[[Halicarnasse]], de [[Myndos]] et la soumission de [[Kos (Dodécanèse)|Cos]]. Mais, peu de temps après, en 333, le satrape [[Pharnabaze]], à la tête de la flotte perse, soumet [[Bozcaada|Ténédos]] et [[Sigée]] et s'entend avec le roi de [[Sparte]], {{souverain2|Agis III}}<ref name="GOU262" />, qui tente de soulever la Grèce en lui fournissant de l'argent et quelques navires. La situation reste donc délicate d'autant que l'arrivée imminente de {{souverain2|Darius III}} se précise. Le souverain [[Achéménides|achéménide]] s'est installé dans une étroite plaine côtière près d'[[Issos (ville)|Issos]] avec pour objectif de couper Alexandre de ses arrières et de le contraindre à la bataille. Alexandre est en [[Syrie (région)|Syrie]] mais fait demi-tour, car il a besoin d'une victoire. Il reprend le chemin des passes syriennes déjà emprunté, s'aventure dans la plaine d'Issos et y organise sa ligne de bataille face à l'[[Armée perse sous Darius III|armée perse]]. La [[bataille d'Issos]] ({{1er}} novembre 333) voit la déroute des Perses malgré la combativité de leurs mercenaires grecs. Darius s'enfuit tandis que la famille royale est capturée<ref name="GOU262" />.
Après avoir quitté [[Gordion]], Alexandre se rend dans un premier temps à [[Ancyre]] ; puis il reçoit la soumission, de pure forme car il n'a pas eu le temps de les conquérir, de la [[Paphlagonie]] et de la [[Cappadoce]] jusqu’à l’[[Kızılırmak (fleuve)|Halys]]<ref name="GOU262">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=262}}.</ref>. Il pousse ensuite vers le sud, pénétrant en [[Cilicie]] par le passage des [[Portes de Cilicie|Portes ciliciennes]], gardé par le satrape [[Arsamès (Cilicie)|Arsamès]]. Parti de [[Soles (Cilicie)|Soles]], il fait étape à [[Tarse (ville)|Tarse]] et y tombe malade plusieurs semaines, probablement des suites d’une hydrocution après une baignade dans le fleuve [[Tarsus Çayı|Cydnos]]<ref>{{Harvsp|Briant|2005|p=48| id=BRI2005}}.</ref>. Cependant, [[Parménion]], second du roi au début de l’expédition, occupe les passes qui permettent le passage de la Cilicie à la plaine d’[[Issos (ville)|Issos]] (col de Karanluk-Kapu) puis celles qui au-delà contrôlent le passage vers la [[Syrie (région)|Syrie]] (passes de Merkès et de Baïlan). En {{date|-333}}, Alexandre soumet les populations montagnardes de Cilicie et s'empare de Soles, où il rétablit la démocratie après avoir installé une garnison et condamné la cité à une indemnité de {{nobr|200 talents}}<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=64}}.</ref>. Il apprend à ce moment-là la pacification de ses arrières avec les victoires de [[Ptolémée Ier|Ptolémée]] en [[Carie (Antiquité)|Carie]] sur le satrape Orontobatès et la chute d'[[Halicarnasse]], de [[Myndos]] et la soumission de [[Kos (Dodécanèse)|Cos]]. Mais, peu de temps après, à l'automne 333, le satrape [[Pharnabaze III|Pharnabaze]], à la tête de la flotte perse, soumet [[Bozcaada|Ténédos]] et [[Sigée]] et s'entend avec le roi de [[Sparte]], {{noble|Agis III}}<ref name="GOU262" />, qui tente de soulever la Grèce en lui fournissant de l'argent et quelques navires. La situation reste donc délicate d'autant que l'arrivée imminente de {{noble|Darius III}} se précise. Le souverain [[Achéménides|achéménide]] s'est installé dans une étroite plaine côtière près d'[[Issos (ville)|Issos]] avec pour objectif de couper Alexandre de ses arrières et de le contraindre à la bataille. Alexandre est en [[Syrie (région)|Syrie]] mais fait demi-tour, car il a besoin d'une victoire. Il reprend le chemin des passes syriennes déjà emprunté, s'aventure dans la plaine d'Issos et y organise sa ligne de bataille face à l'[[Armée perse sous Darius III|armée perse]]. La [[bataille d'Issos]] ({{date|1 novembre 333}}) voit la déroute des Perses malgré la combativité de leurs mercenaires grecs. Darius s'enfuit tandis que la famille royale est capturée<ref name="GOU262" />.


==== La conquête de la Phénicie (hiver 333) ====
==== Conquête de la Phénicie (hiver 333) ====
[[Fichier:Napoli BW 2013-05-16 16-24-01.jpg|vignette|droite|alt=détail de la mosaïque d'Alexandre de Pompéi représentant Alexandre|Détail de la [[mosaïque d'Alexandre]], [[musée archéologique national de Naples|musée archéologique de Naples]].]]
[[Fichier:Napoli BW 2013-05-16 16-24-01.jpg|vignette|droite|alt=détail de la mosaïque d'Alexandre de Pompéi représentant Alexandre|Détail de la [[mosaïque d'Alexandre]], [[musée archéologique national de Naples|musée archéologique de Naples]].]]


La déroute de l'[[Armée perse sous Darius III|armée perse]] après sa défaite à [[bataille d'Issos|Issos]] est totale. {{souverain2|Darius III}}, avec quelques milliers d’hommes à peine, s'enfuit vers [[Thapsaque]], en [[Syrie (région)|Syrie]] sur l'[[Euphrate]], tandis que les autres fuyards sont dispersés ; certains d'entre eux se réfugient en [[Phénicie]] puis de là gagnent l'[[Égypte antique|Égypte]] ou [[Chypre (île)|Chypre]]. Alexandre a mis la main sur la famille de Darius, dont sa mère [[Sisygambis]] et son épouse [[Stateira (épouse de Darius)|Stateira]], ce qui explique pourquoi Darius cherche à traiter avec le vainqueur en lui proposant, en vain, de céder toutes les terres à l'ouest de l'[[Kızılırmak (fleuve)|Halys]]<ref name="GOU263">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=263}}.</ref>.
La déroute de l'[[Armée perse sous Darius III|armée perse]] après sa défaite à [[bataille d'Issos|Issos]] est totale. {{noble|Darius III}}, avec quelques milliers d’hommes à peine, s'enfuit vers [[Thapsaque]], en [[Syrie (région)|Syrie]] sur l'[[Euphrate]], tandis que les autres fuyards sont dispersés ; certains d'entre eux se réfugient en [[Phénicie]] puis de là gagnent l'[[Égypte antique|Égypte]] ou [[Chypre (île)|Chypre]]. Alexandre a mis la main sur la famille de Darius, dont sa mère [[Sisygambis]] et son épouse [[Stateira (épouse de Darius)|Stateira]], ce qui explique pourquoi Darius cherche à traiter avec le vainqueur en lui proposant, en vain, de céder toutes les terres à l'ouest de l'[[Kızılırmak (fleuve)|Halys]]<ref name="GOU263">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=263}}.</ref>.


L'une des conséquences de la victoire à Issos est que les cités grecques, dont [[Histoire d'Athènes|Athènes]] et [[Sparte]], dirigée par {{souverain2|Agis III}}, décident de se rapprocher de Darius en envoyant des délégations<ref name="FAURE68">{{Harvsp|Faure|1985|p=68}}.</ref>. La situation d'Alexandre reste donc périlleuse. Un des meilleurs officiers perses, [[Nabarzanès]] s'est retiré avec d'importantes forces de cavalerie en [[Cappadoce]] et [[Paphlagonie]] et recrute de nouvelles troupes (fin [[333 av. J.-C.|333]]-début [[332 av. J.-C.|332]])<ref name="FAURE68"/>. Il existe un risque réel sur les arrières d'Alexandre et ses lignes d'approvisionnement en [[Anatolie|Asie Mineure]]. De plus, en [[Thrace]], Memnon de Thrace, un stratège macédonien envoyé pour contenir une révolte, prend le parti des populations insurgées. Par ailleurs, il apparaît que Darius lève une nouvelle armée. Enfin la flotte perse représente un grand danger en [[mer Égée]]. La maîtrise de la côte phénicienne, pouvant servir de base arrière, est donc indispensable à Alexandre<ref name="FAURE69">{{Harvsp|Faure|1985|p=69}}.</ref>. C'est pourquoi, délaissant la poursuite de Darius, il prend la route du sud vers [[Arouad|Arados]] (au nord de la Phénicie) tandis que Parménion est envoyé à [[Damas]], où il s’empare du trésor de guerre de Darius<ref name="GOU263"/>. Dans le même temps, Alexandre désigne un de ses officiers les plus énergiques, [[Antigone le Borgne]], au commandement de toutes les forces présentes en Asie Mineure<ref name="GOU263"/>.
L'une des conséquences de la victoire à Issos est que les cités grecques, dont [[Histoire d'Athènes|Athènes]] et [[Sparte]], dirigée par {{noble|Agis III}}, décident de se rapprocher de Darius en envoyant des délégations<ref name="FAURE68">{{Harvsp|Faure|1985|p=68}}.</ref>. La situation d'Alexandre reste donc périlleuse. Un des meilleurs officiers perses, [[Nabarzanès]] s'est retiré avec d'importantes forces de cavalerie en [[Cappadoce]] et [[Paphlagonie]] et recrute de nouvelles troupes (fin 333-début 332)<ref name="FAURE68"/>. Il existe un risque réel sur les arrières d'Alexandre et ses lignes d'approvisionnement en [[Anatolie|Asie Mineure]]. De plus, en [[Thrace]], Memnon de Thrace, un stratège macédonien envoyé pour contenir une révolte, prend le parti des populations insurgées. Par ailleurs, il apparaît que Darius lève une nouvelle armée. Enfin la flotte perse représente un grand danger en [[mer Égée]]. La maîtrise de la côte phénicienne, pouvant servir de base arrière, est donc indispensable à Alexandre<ref name="FAURE69">{{Harvsp|Faure|1985|p=69}}.</ref>. C'est pourquoi, délaissant la poursuite de Darius, il prend la route du sud vers [[Arouad|Arados]] (au nord de la Phénicie) tandis que Parménion est envoyé à [[Damas]], où il s’empare du trésor de guerre de Darius<ref name="GOU263"/>. Dans le même temps, Alexandre désigne un de ses officiers les plus énergiques, [[Antigone le Borgne]], au commandement de toutes les forces présentes en Asie Mineure<ref name="GOU263"/>.


La période [[Achéménides|achéménide]] pour les [[Phénicien]]s a été une période prospère car, en leur laissant une véritable autonomie, les souverains achéménides ont permis aux cités phéniciennes de reprendre en partie la maîtrise de nombreuses routes commerciales face à leurs adversaires traditionnels : les Grecs. Les Phéniciens constituent par exemple une grande part des marins de la flotte perse à la [[bataille de Salamine]]<ref group=A>Hérodote, ''Histoires'', {{VIII}}</ref>. Mais, divisées entre elles, ces cités n’adoptent pas une attitude commune face à l’arrivée d'Alexandre. Le roi d’Arastos, Gérostrate, estime qu’il n’a pas les moyens de résister et surtout que sa cité, plus riche de son commerce terrestre (avec la [[Perse]] et la [[Mèdes|Médie]] surtout) que de son commerce maritime, n’a aucun intérêt à un siège destructeur. Arastos se rend ainsi que les cités de Marathos, [[Sigôn]] et [[Byblos]]. Quant à [[Sidon]], elle se soumet d’autant plus facilement que ses habitants n’ont pas oublié les représailles d’{{souverain2|Artaxerxès II}} lorsque la cité a participé à la révolte des [[satrape]]s sous le règne de ce prince<ref name="GOU263"/>.
La période [[Achéménides|achéménide]] pour les [[Phénicien]]s a été une période prospère car, en leur laissant une véritable autonomie, les souverains achéménides ont permis aux cités phéniciennes de reprendre en partie la maîtrise de nombreuses routes commerciales face à leurs adversaires traditionnels : les Grecs. Les Phéniciens constituent par exemple une grande part des marins de la flotte perse à la [[bataille de Salamine]]<ref group=A>Hérodote, ''Histoires'', {{VIII}}.</ref>. Mais, divisées entre elles, ces cités n’adoptent pas une attitude commune face à l’arrivée d'Alexandre. Le roi d'Arastos, Gérostrate, estime qu’il n’a pas les moyens de résister et surtout que sa cité, plus riche de son commerce terrestre (avec la [[empire perse|Perse]] et la [[Mèdes|Médie]] surtout) que de son commerce maritime, n’a aucun intérêt à un siège destructeur. Arastos se rend ainsi que les cités de [[Marathos]], [[Sigôn]] et [[Byblos]]. Quant à [[Sidon]], elle se soumet d’autant plus facilement que ses habitants n’ont pas oublié les représailles d’{{noble|Artaxerxès II}} lorsque la cité a participé à la révolte des [[satrape]]s sous le règne de ce prince<ref name="GOU263"/>.


==== Le siège de Tyr (janvier-août 332) ====
==== Siège de Tyr (janvier-août 332) ====
{{article détaillé | Siège de Tyr (332 av. J.-C.)}}
{{article détaillé | Siège de Tyr (332 av. J.-C.)}}
[[Fichier:A naval action during the siege of Tyre by Andre Castaigne (1898-1899).jpg|vignette|alt=Illustration représentant le siège de Tyr|Le [[siège de Tyr (332 av. J.-C.)|siège de Tyr]], [[André Castaigne]], 1888-1889.]]
[[Fichier:A naval action during the siege of Tyre by Andre Castaigne (1898-1899).jpg|vignette|alt=Illustration représentant le siège de Tyr|Le [[siège de Tyr (332 av. J.-C.)|siège de Tyr]], [[André Castaigne]], 1888-1889.]]


À la fin de l’année [[333 av. J.-C.]], Alexandre prend possession de la [[Judée]] et de la [[Samarie]]<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=69-70}}.</ref>. Alors qu'il est à [[Sidon]], des négociations s’engagent avec le roi de [[Tyr]], [[Ozmilk|Azemilcos]], lequel souhaite rester neutre dans le conflit. Mais Alexandre refuse de négocier alors qu'il désire offrir un sacrifice dans le temple d'[[Héraclès]]-[[Melkart]], dieu tutélaire de Tyr<ref group=A name="ARRII24">Arrien, II, 24.</ref>{{,}}<ref name="GOU263"/>. Les Tyriens décèlent le piège : faire entrer Alexandre en vainqueur dans le temple revient à lui donner pouvoir sur la cité<ref>{{Ouvrage|auteur=Maurice Sartre|titre=D'Alexandre à Zénobie, Histoire du Levant antique, {{-s-|IV|e}} - {{s-|III|e}} {{Ap JC}}|éditeur=Fayard|année=2001|passage=73-74|isbn=9782213-609218}}.</ref>. Quant à Alexandre, il ne lui sert à rien de tenir la côte phénicienne si Tyr, avec ses deux ports, reste en dehors de son contrôle. C'est pourquoi commence en janvier 332 le long [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|siège de Tyr]]. La cité neuve est bâtie sur l'île d'[[Ancharadus]] qu’Alexandre compte atteindre en construisant une digue, avec les débris de la vieille ville continentale d’environ {{unité|60|m}} de long. Mais les difficultés s’accroissent quand la digue atteint des eaux plus profondes, d’autant que les Tyriens effectuent des raids meurtriers avec leurs navires, dont des [[Brûlot (navire)|brûlots]], et des plongeurs. Cependant, Alexandre conserve un atout. En tenant les autres cités phéniciennes, il a dispersé la flotte perse (début 332) dont les équipages phéniciens rentrent progressivement dans leurs ports d'attache. Les rois de [[Sidon]], de [[Byblos]], d'[[Arouad|Arados]] et de [[Soles (Chypre)|Soles]] à [[Chypre (île)|Chypre]] offrent ces navires, peut-être une centaine, à Alexandre qui ainsi peut constituer une flotte suffisante pour assiéger Tyr. Dans le même temps, selon [[Flavius Josèphe]]<ref name="FLAJO11" group=A>Flavius Josèphe, ''Antiquités judaïques'', {{XI}}, 8.</ref>, Alexandre demande en vain au [[Grand prêtre de Jérusalem]], Jaddus, de lui fournir une aide militaire ainsi que le tribut dû auparavant aux [[Achéménides]]<ref name="FABRE6">{{Harvsp|Fabre|2009|p=6}}</ref>.
À la fin de l’année {{date|-333}}, Alexandre prend possession de la [[Judée]] et de la [[Samarie]]<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=69-70}}.</ref>. Alors qu'il est à [[Sidon]], des négociations s’engagent avec le roi de [[Tyr]], [[Ozmilk|Azemilcos]], lequel souhaite rester neutre dans le conflit. Mais Alexandre refuse de négocier alors qu'il désire offrir un sacrifice dans le temple d'[[Héraclès]]-[[Melkart]], dieu tutélaire de Tyr<ref group=A name="ARRII24">Arrien, {{II}}, 24.</ref>{{,}}<ref name="GOU263"/>. Les Tyriens décèlent le piège : faire entrer Alexandre en vainqueur dans le temple revient à lui donner pouvoir sur la cité<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Maurice Sartre|titre=D'Alexandre à Zénobie, Histoire du Levant antique, {{-s-|IV}}|sous-titre={{sap-|III}}|éditeur=Fayard|année=2001|pages totales=1194|isbn=978-2-213-60921-8|passage=73-74}}.</ref>. Quant à Alexandre, il ne lui sert à rien de tenir la côte phénicienne si Tyr, avec ses deux ports, reste en dehors de son contrôle. C'est pourquoi commence en janvier 332 le long [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|siège de Tyr]]. La cité neuve est bâtie sur l'île d'[[Ancharadus]] qu’Alexandre compte atteindre en construisant, avec les débris de la vieille ville continentale, une digue d’environ {{unité|60|m}} de long. Mais les difficultés s’accroissent quand la digue atteint des eaux plus profondes, d’autant que les Tyriens effectuent des raids meurtriers avec leurs navires, dont des [[Brûlot (navire)|brûlots]], et des plongeurs. Cependant, Alexandre conserve un atout. En tenant les autres cités phéniciennes, il a dispersé la flotte perse (début 332) dont les équipages phéniciens rentrent progressivement dans leurs ports d'attache. Les rois de [[Sidon]], de [[Byblos]], d'[[Arouad|Arados]] et de [[Soles (Chypre)|Soles]] à [[Chypre (île)|Chypre]] offrent ces navires, peut-être une centaine, à Alexandre qui ainsi peut constituer une flotte suffisante pour assiéger Tyr. Dans le même temps, selon [[Flavius Josèphe]]<ref name="FLAJO11" group=A>Flavius Josèphe, ''Antiquités judaïques'', {{XI}}, 8.</ref>, Alexandre demande en vain au [[Grand prêtre d'Israël|Grand prêtre de Jérusalem]], Jaddus, de lui fournir une aide militaire ainsi que le tribut dû auparavant aux [[Achéménides]]<ref name="FABRE6">{{Harvsp|Fabre|2009|p=6}}.</ref>.


Après un raid d'une dizaine de jours pour soumettre les populations des montagnes du [[Liban]] actuel, Alexandre constate que sa nouvelle flotte est prête et apprend l'arrivée de [[Cléandre de Macédoine|Cléandre]] à la tête d'un corps de {{unité|4000|mercenaires}}, pour la plupart venus du [[Péloponnèse]]. Isolée par mer depuis la défaite de sa flotte<ref group=A name="ARRII24"/>, la cité résiste jusqu'en août. La prise de la ville donne lieu à des actes d'une grande violence tant les Tyriens se défendent avec acharnement. Ils utilisent notamment des tridents, ressemblant à des sortes d'hameçons, pour arracher les boucliers des assiégeants et déversent sur eux du sable brûlant<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 7, 44.</ref>. Face à cette résistance, et après avoir songé un temps à lever le siège, Alexandre ordonne une attaque conjointe par mer et par terre. Une fois les tours de siège et les béliers approchés des murs, Alexandre dirige en personne l'assaut victorieux<ref group=A name="DIO7-46">Diodore, {{XVII}}, 7, 46.</ref>. Entre {{nombre|6000}} et {{unité|8000|défenseurs}} sont tués. {{unité|2000|jeunes hommes}} sont crucifiés immédiatement après la prise de la ville, le reste de la population, soit {{nombre|30000|personnes}}, est réduit en esclavage<ref group=A>Arrien, II, 24, 5.</ref>, une partie de la population dont beaucoup de femmes et d'enfants s'étant auparavant enfuie à [[Carthage]].
Après un raid d'une dizaine de jours pour soumettre les populations des montagnes du [[Liban]] actuel, Alexandre constate que sa nouvelle flotte est prête et apprend l'arrivée de [[Cléandre de Macédoine|Cléandre]] à la tête d'un corps de {{unité|4000|mercenaires}}, pour la plupart venus du [[Péloponnèse]]. Isolée par mer depuis la défaite de sa flotte<ref group=A name="ARRII24"/>, la cité résiste jusqu'en août. La prise de la ville donne lieu à des actes d'une grande violence tant les Tyriens se défendent avec acharnement. Ils utilisent notamment des tridents, ressemblant à des sortes d'hameçons, pour arracher les boucliers des assiégeants et déversent sur eux du sable brûlant<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 7, 44.</ref>. Face à cette résistance, et après avoir songé un temps à lever le siège, Alexandre ordonne une attaque conjointe par mer et par terre. Une fois les tours de siège et les béliers approchés des murs, Alexandre dirige en personne l'assaut victorieux<ref group=A name="DIO7-46">Diodore, {{XVII}}, 7, 46.</ref>. Entre {{nombre|6000 et 8000|défenseurs}} sont tués. {{unité|2000|jeunes hommes}} sont crucifiés immédiatement après la prise de la ville, le reste de la population, soit {{nombre|30000|personnes}}, est réduit en esclavage<ref group=A>Arrien, {{II}}, 24, 5.</ref>, une partie de la population dont beaucoup de femmes et d'enfants s'étant auparavant enfuie à [[Carthage]].


Ce succès permet à Alexandre d'assurer sa mainmise sur l'ensemble de la Phénicie. Le gouverneur de [[Samarie]], {{souverain-|Sanballatès}}, présente sa soumission. Selon Flavius Josèphe<ref name="FLAJO11" group=A/>, ce dernier obtient la permission de construire un temple sur le [[mont Garizim]] en faveur de son gendre Manassès, frère du [[Grand prêtre d'Israël|Grand-prêtre]] juif de [[Jérusalem]], Jaddus<ref name="FABRE6"/>. En retour, {{unité|8000|[[Samaritains]]}} s'engagent dans l'[[armée macédonienne]].
Ce succès permet à Alexandre d'assurer sa mainmise sur l'ensemble de la Phénicie. Le gouverneur de [[Samarie]], {{noble-|Sanballatès}}, présente sa soumission. Selon Flavius Josèphe<ref name="FLAJO11" group=A/>, ce dernier obtient la permission de construire un temple sur le [[mont Garizim]] en faveur de son gendre Manassès, frère du [[Grand prêtre d'Israël|Grand-prêtre]] juif de [[Jérusalem]], Jaddus<ref name="FABRE6"/>. En retour, {{unité|8000|[[Samaritains]]}} s'engagent dans l'[[armée macédonienne]].


==== Le pharaon d’Égypte (automne 332-printemps 331) ====
==== Pharaon d’Égypte (automne 332-printemps 331) ====
[[Fichier:Granite statue of Alexander the Great as Pharaoh, Greco-Egyptian, c. 300 BC, Liebieghaus museum, Frankfurt (8395491458).jpg|vignette|alt=Statue représentant Alexandre en Pharaon|Statue d'Alexandre en [[pharaon]], [[Royaume lagide|Égypte ptolémaïque]], {{-s-|III}}, Liebieghaus, [[Francfort-sur-le-Main]].]]
[[Fichier:Granite statue of Alexander the Great as Pharaoh, Greco-Egyptian, c. 300 BC, Liebieghaus museum, Frankfurt (8395491458).jpg|vignette|alt=Statue représentant Alexandre en Pharaon|Statue d'Alexandre en [[pharaon]], [[Royaume lagide|Égypte ptolémaïque]], vers {{date|-300}}, [[Liebieghaus]], [[Francfort-sur-le-Main]].]]


Après le [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|siège de Tyr]] achevé en août [[332 av. J.-C.]], Alexandre prend le chemin de l'[[Égypte antique|Égypte]] alors sous domination des [[Achéménides]]. À cette époque, il repousse, malgré l'avis favorable de [[Parménion]], une proposition de paix avantageuse émise par {{souverain2|Darius III}}<ref name="GOU264">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=264}}.</ref>. Celui-ci propose en effet qu'Alexandre épouse sa fille [[Stateira (fille de Darius)|Stateira]] et reçoive toute la région située entre l'Europe et le fleuve [[Kızılırmak (fleuve)|Halys]] en [[Anatolie]]<ref group=N>C'est à ce moment qu'a lieu probablement le fameux échange rapporté par [[Quinte-Curce]] (''Histoire d'Alexandre'', {{IV}}, 11, 13.) entre [[Parménion]] qui, parlant des offres de paix de Darius, affirme : « Je les accepterais si j'étais Alexandre », ce qui entraîne immédiatement la réplique du roi : « Et moi aussi, si j'étais Parménion ».</ref>. Par ailleurs, après qu'Alexandre a franchi l'[[Euphrate]] à l'été [[331 av. J.-C.|331]], Darius lui propose les territoires jusqu'à l'Euphrate<ref name="BRI94p48">{{harvsp|Briant|1994|p=48|ID=PUF1994}}.</ref>. Pour autant il se pourrait que ces propositions de paix soit une invention de la propagande macédonienne<ref name="BRI94p48"/>, car Darius, bien qu'il cherche à récupérer sa famille capturée après [[Bataille d'Issos|Issos]], semble bien décider à se battre jusqu'au bout<ref group=N>Selon [[Diodore de Sicile|Diodore]], Alexandre a déjà produit de fausses lettres de Darius : {{harvsp|Briant|1994|p=48|ID=PUF1994}}.</ref>.
Après le [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|siège de Tyr]] achevé en août {{date|-332}}, Alexandre prend le chemin de l'[[Égypte antique|Égypte]] alors sous domination des [[Achéménides]]. À cette époque, il repousse, malgré l'avis favorable de [[Parménion]], une proposition de paix avantageuse émise par {{noble|Darius III}}<ref name="GOU264">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=264}}.</ref>. Celui-ci propose en effet qu'Alexandre épouse sa fille [[Stateira (fille de Darius)|Stateira]] et reçoive toute la région située entre l'Europe et le fleuve [[Kızılırmak (fleuve)|Halys]] en [[Anatolie]]<ref group=N>C'est à ce moment qu'a lieu probablement le fameux échange rapporté par [[Quinte-Curce]] (''Histoire d'Alexandre'', {{IV}}, 11, 13.) entre [[Parménion]] qui, parlant des offres de paix de Darius, affirme : {{citation|Je les accepterais si j'étais Alexandre}}, ce qui entraîne immédiatement la réplique du roi : {{citation|Et moi aussi, si j'étais Parménion}}.</ref>. Par ailleurs, après qu'Alexandre a franchi l'[[Euphrate]] à l'été 331, Darius lui propose les territoires jusqu'à l'Euphrate<ref name="BRI94p48">{{harvsp|Briant|1994|p=48|id=PUF1994}}.</ref>. Pour autant il se pourrait que ces propositions de paix soit une invention de la propagande macédonienne<ref name="BRI94p48"/>, car Darius, bien qu'il cherche à récupérer sa famille capturée après [[Bataille d'Issos|Issos]], semble bien décidé à se battre jusqu'au bout<ref group=N>Selon [[Diodore de Sicile|Diodore]], Alexandre a déjà produit de fausses lettres de Darius : {{harvsp|Briant|1994|p=48|id=PUF1994}}.</ref>.


Il est indéniable qu'Alexandre cherche avec la prise de l'Égypte à enlever aux Perses leur dernière façade maritime et la possibilité de rallier les mercenaires grecs. Il aurait par ailleurs choisi de laisser le temps à Darius de mobiliser une nouvelle armée dans les provinces orientales afin d'anéantir les forces perses en une seule bataille<ref name="GOU264"/>. Sur la route de l'Égypte, Alexandre rencontre pendant deux mois une forte résistance à [[Gaza]] sous la conduite de l’eunuque [[Batis]]<ref name="Faure p73">{{Harvsp|Faure|1985|p=73}}.</ref>. Fin [[332 av. J.-C.]], après avoir été blessé à deux reprises, il prend la ville dont la garnison est massacrée et la population vendue en esclavage<ref name="Faure p73" />. Il s'empare alors d'un énorme butin surtout en aromates<ref group=A>Pline, ''Histoire Naturelle'', XII, 32, 62.</ref>. En sept jours depuis Gaza il atteint alors [[Péluse]]. Quand Alexandre entre en Égypte en décembre 332, il semble être accueilli en libérateur, sachant que les Égyptiens se sont révoltés de nombreuses fois contre la domination [[Achéménides|achéménide]]. Le [[satrape]] perse Mazaces remet à Alexandre la souveraineté d'Égypte sans combattre en lui laissant un trésor de 800 [[Talent (unité)|talents]]<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=266}}, {{harvsp|Shaw|2003|p=385}}.</ref>. Alexandre est proclamé [[pharaon]] à [[Memphis (Égypte)|Memphis]] en [[331 av. J.-C.|331]]. Il sacrifie au [[Apis|taureau Apis]], gage de respect des traditions égyptiennes<ref name="GOU267">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=267}}.</ref>, et honore les autres dieux. Il se dirige ensuite vers la côte méditerranéenne où il choisit en janvier 331 l'emplacement de la future [[Histoire d'Alexandrie à l'époque hellénistique|Alexandrie]]<ref name="GOU267"/>, dont la construction n'est complètement achevée que sous {{souverain2|Ptolémée II}}, avec notamment l'édification du [[phare d'Alexandrie|phare]], du [[Mouseîon d'Alexandrie|musée]] et de la [[Bibliothèque d'Alexandrie|bibliothèque]]<ref name="WILL1993p570"/>.
Il est indéniable qu'Alexandre cherche avec la prise de l'Égypte à enlever aux Perses leur dernière façade maritime et la possibilité de rallier les mercenaires grecs. Il aurait par ailleurs choisi de laisser le temps à Darius de mobiliser une nouvelle armée dans les provinces orientales afin d'anéantir les forces perses en une seule bataille<ref name="GOU264"/>. Sur la route de l'Égypte, Alexandre rencontre pendant deux mois une forte résistance à [[Gaza]] sous la conduite de l’eunuque [[Batis]]<ref name="Faure p73">{{Harvsp|Faure|1985|p=73}}.</ref>. Fin 332, après avoir été blessé à deux reprises, il prend la ville dont la garnison est massacrée et la population vendue en esclavage<ref name="Faure p73" />. Il s'empare alors d'un énorme butin surtout en aromates<ref group=A>Pline, ''Histoire Naturelle'', {{XII}}, 32, 62.</ref>. En sept jours depuis Gaza il atteint alors [[Péluse]]. Quand Alexandre entre en Égypte en décembre 332, il semble être accueilli en libérateur, sachant que les Égyptiens se sont révoltés de nombreuses fois contre la domination [[Achéménides|achéménide]]. Le [[satrape]] perse Mazaces remet à Alexandre la souveraineté d'Égypte sans combattre en lui laissant un trésor de 800 [[Talent (unité)|talents]]<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=266}}, {{harvsp|Shaw|2003|p=385}}.</ref>. Alexandre est proclamé [[pharaon]] à [[Memphis (Égypte)|Memphis]] en 331. Il sacrifie au [[Apis|taureau Apis]], gage de respect des traditions égyptiennes<ref name="GOU267">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=267}}.</ref>, et honore les autres dieux. Il se dirige ensuite vers la côte méditerranéenne où il choisit en janvier 331 l'emplacement de la future [[Histoire d'Alexandrie à l'époque hellénistique|Alexandrie]]<ref name="GOU267"/>, dont la construction n'est complètement achevée que sous {{noble|Ptolémée II}}, avec notamment l'édification du [[phare d'Alexandrie|phare]], du [[Mouseîon d'Alexandrie|musée]] et de la [[Bibliothèque d'Alexandrie|bibliothèque]]<ref name="WILL1993p570"/>.


Alexandre se rend ensuite en pèlerinage dans l'oasis de [[Siwa (oasis)|Siwa]] où il rencontre l’oracle de [[Zeus Ammon]] qui le confirme comme descendant direct du dieu [[Amon]]<ref name="GOU268">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=268}}.</ref>. Cette salutation, conforme à l’étiquette égyptienne, est très largement exploitée par la propagande du Conquérant. Cette anecdote est rapportée ainsi par [[Plutarque]]<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre '', 46.</ref> :
Alexandre se rend ensuite en pèlerinage dans l'oasis de [[Siwa (oasis)|Siwa]] où il rencontre l’oracle de [[Zeus Ammon]] qui le confirme comme descendant direct du dieu [[Amon]]<ref name="GOU268">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=268}}.</ref>. Cette salutation, conforme à l’étiquette égyptienne, est très largement exploitée par la propagande du conquérant. Cette anecdote est rapportée ainsi par [[Plutarque]]<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre '', 46.</ref> :
{{Citation bloc |Quelques-uns affirment que le prophète, voulant le saluer en grec d’un terme d’affection, l’avait appelé « mon fils » ({{Grec ancien |παιδίον}} / {{Lang |grc-Latn |païdion}}), mais que, dans sa prononciation barbare, il achoppa sur la dernière lettre et dit, en substituant au nu ({{Grec ancien |ν}}) un sigma ({{grec ancien|ς}}) : « fils de Zeus » ({{Grec ancien|παῖς Διός}} / {{Lang |grc-Latn|païs dios}}) ; ils ajoutent qu’Alexandre goûta fort ce lapsus et que le bruit se répandit qu’il avait été appelé « fils de Zeus » par le dieu.}}
{{Citation bloc|Quelques-uns affirment que le prophète, voulant le saluer en grec d’un terme d’affection, l’avait appelé « mon fils » ({{Grec ancien |παιδίον}} / {{Langue |grc-Latn |païdion}}), mais que, dans sa prononciation barbare, il achoppa sur la dernière lettre et dit, en substituant au nu ({{Grec ancien |ν}}) un sigma ({{grec ancien|ς}}) : « fils de Zeus » ({{Grec ancien|παῖς Διός}} / {{Langue |grc-Latn|païs dios}}) ; ils ajoutent qu’Alexandre goûta fort ce lapsus et que le bruit se répandit qu’il avait été appelé « fils de Zeus » par le dieu.}}


De retour à [[Memphis (Égypte)|Memphis]], Alexandre se fait officiellement couronner dans le [[Temple de Ptah (Memphis)|temple de Ptah]]. Cette cérémonie n'est rapportée que par le [[Pseudo-Callisthène]] mais parait vraisemblable<ref name="GOU267"/>. Il réorganise le pays avant de repartir à la conquête de l'Orient. Il préfère ne pas désigner de nouveau satrape, se méfiant des ambitions personnelles étant donné la richesse de l’Égypte<ref name="GOU267"/>. Les finances sont confiées au Grec [[Cléomène de Naucratis]] qui connait déjà bien le pays<ref name="GOU267"/>.
De retour à [[Memphis (Égypte)|Memphis]], Alexandre se fait officiellement couronner dans le [[Temple de Ptah (Memphis)|temple de Ptah]]. Cette cérémonie n'est rapportée que par le [[Pseudo-Callisthène]] mais parait vraisemblable<ref name="GOU267"/>. Il réorganise le pays avant de repartir à la conquête de l'Orient. Il préfère ne pas désigner de nouveau satrape, se méfiant des ambitions personnelles étant donné la richesse de l’Égypte<ref name="GOU267"/>. Les finances sont confiées au Grec [[Cléomène de Naucratis]] qui connaît déjà bien le pays<ref name="GOU267"/>.


C'est durant son séjour en Égypte qu'Alexandre apprend la déroute définitive de ce qui reste de la flotte perse et la capture de ses derniers adversaires en [[mer Égée]] dont le satrape [[Pharnabaze]]<ref name="GOU269">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=269}}.</ref>. Fait prisonnier, celui-ci parvient à s’échapper mais l’un des amiraux d’Alexandre, Hégélochos, apporte à son maître de nombreux prisonniers qui sont exilés dans la ville égyptienne d'[[Île Éléphantine|Éléphantine]]. Cela laisse toute latitude à [[Antipater (général)|Antipater]], le régent de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]], pour s'occuper du toujours remuant [[Rois de Sparte|roi de Sparte]], {{souverain2|Agis III}}<ref name="GOU269"/>. La situation en Europe inquiète Alexandre tout au long de l'année 331, même après l'écrasement des Perses à [[Bataille de Gaugamèles|Gaugamèles]]. Il multiplie d'ailleurs les faveurs aux cités grecques pour les inciter à rester loyales<ref group=N>Ainsi il libère les mercenaires athéniens faits prisonniers au Granique. Il renvoie à Athènes, à une époque où la victoire d'Antipater contre {{souverain-|Agis III}} ne lui est pas parvenue, les statues des Tyrranoctones que {{souverain2|Xerxès Ier}} a fait enlever en [[480 av. J.-C.|480]] : {{harvsp|Briant|1994|p=29|ID=PUF1994}}.</ref>. Il n'est pas impossible que l'incendie de [[Persépolis]], une des capitales des [[Achéménides]], ait pour objectif de prouver à la Grèce que l'objectif de la [[ligue de Corinthe]] est atteint et, ainsi, d'éviter des troubles en Europe<ref name="GOU274">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=274}}.</ref>.
C'est durant son séjour en Égypte qu'Alexandre apprend la déroute définitive de ce qui reste de la flotte perse et la capture de ses derniers adversaires en [[mer Égée]] dont le satrape {{noble|Pharnabaze III}}<ref name="GOU269">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=269}}.</ref>. Fait prisonnier, celui-ci parvient à s’échapper mais l’un des amiraux d’Alexandre, [[Hégélochos]], apporte à son maître de nombreux prisonniers qui sont exilés dans la ville égyptienne d'[[Île Éléphantine|Éléphantine]]. Cela laisse toute latitude à [[Antipater (général)|Antipater]], le régent de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]], pour s'occuper du toujours remuant [[Rois de Sparte|roi de Sparte]], {{noble|Agis III}}<ref name="GOU269"/>. La situation en Europe inquiète Alexandre tout au long de l'année 331, même après l'écrasement des Perses à [[Bataille de Gaugamèles|Gaugamèles]]. Il multiplie d'ailleurs les faveurs aux cités grecques pour les inciter à rester loyales<ref group=N>Ainsi il libère les mercenaires athéniens faits prisonniers au Granique. Il renvoie à Athènes, à une époque où la victoire d'Antipater contre {{noble-|Agis III}} ne lui est pas parvenue, les statues des Tyrranoctones que {{noble|Xerxès Ier}} a fait enlever en 480 : {{harvsp|Briant|1994|p=29|id=PUF1994}}.</ref>. Il n'est pas impossible que l'incendie de [[Persépolis]], une des capitales des [[Achéménides]], ait pour objectif de prouver à la Grèce que l'objectif de la [[ligue de Corinthe]] est atteint et, ainsi, d'éviter des troubles en Europe<ref name="GOU274">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=274}}.</ref>.


==== Vers la bataille décisive (printemps 331-octobre 331) ====
==== Vers la bataille décisive (printemps 331-octobre 331) ====
{{article détaillé |Bataille de Gaugamèles}}
{{article détaillé |Bataille de Gaugamèles}}
[[Fichier:Charles le Brun - Bataille d'Arbélès (Louvre, INV 2895) Alexander and eagle.jpg|vignette|Détail de la ''Bataille d'Arbèles'', [[Charles Le Brun]], 1669, [[musée du Louvre]].]]
[[Fichier:Charles le Brun - Bataille d'Arbélès (Louvre, INV 2895) Alexander and eagle.jpg|vignette|gauche|Détail de la ''Bataille d'Arbèles'', [[Charles Le Brun]], 1669, [[musée du Louvre]].]]


Alexandre quitte l'[[Égypte antique|Égypte]] au printemps [[331 av. J.-C.]] afin de débuter la campagne asiatique, rassuré par la défaite de [[Pharnabaze]] et confiant dans la capacité d'[[Antipater (général)|Antipater]] à vaincre les [[Sparte|Spartiates]] d'{{souverain2|Agis III}}<ref name="GOU269"/>. Lors d'un nouveau passage à [[Tyr]], Alexandre reçoit une délégation [[Histoire d'Athènes|athénienne]] qui obtient du roi la libération des mercenaires qui ont combattu à la [[bataille du Granique]] dans les rangs de l’[[Armée perse sous Darius III|armée perse]]. Il en profite pour réorganiser les finances des territoires conquis qu'ils confient à [[Harpale (Macédoine)|Harpale]] sous le nom de « caisse militaire »<ref name="GOU269" />. Puis à la fin du printemps, l'[[armée macédonienne]] se met en marche vers l'[[Euphrate]], qui est traversé fin juillet à [[Thapsaque]] sur un pont de bateaux. Le satrape [[Mazaios]] s'est replié à l’arrivée de son adversaire. Les ''[[prodromoi]]'' (éclaireurs) d’Alexandre repèrent l'armée de {{souverain2|Darius III}} plus au nord. Aussi, le roi de Macédoine, au lieu de marcher sur [[Babylone]] selon son plan initial, remonte au nord, vers [[Nusaybin|Nisibe]], et franchit le [[Tigre (fleuve)|Tigre]] vers le 20 septembre 331 (aux environs de Djésireh en [[Irak]] actuel) contournant son adversaire<ref name="GOU270">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=270}}.</ref>. Alexandre reprend alors la direction du sud avec le Tigre sur sa droite. Au bout de quatre jours de marche, il apprend que l’[[Armée perse sous Darius III|armée perse]], bien supérieure en nombre, l’attend dans la plaine de [[Bataille de Gaugamèles|Gaugamèles]], non loin d’Arbèles (actuelle [[Erbil]] dans le [[Kurdistan]] irakien) en [[Adiabène]]. Alexandre remporte la victoire après une charge de cavalerie sur le centre perse. Darius s'enfuit à [[Ecbatane]] en [[Mèdes|Médie]]<ref name="GOU270"/>.
Alexandre quitte l'[[Égypte antique|Égypte]] au printemps {{date|-331}} afin de commencer la campagne asiatique, rassuré par la défaite de Pharnabaze et confiant dans la capacité d'[[Antipater (général)|Antipater]] à vaincre les [[Sparte|Spartiates]] d'{{noble|Agis III}}<ref name="GOU269"/>. Lors d'un nouveau passage à [[Tyr]], Alexandre reçoit une délégation [[Histoire d'Athènes|athénienne]] qui obtient du roi la libération des mercenaires qui ont combattu à la [[bataille du Granique]] dans les rangs de l'[[Armée perse sous Darius III|armée perse]]. Il en profite pour réorganiser les finances des territoires conquis qu'il confie à [[Harpale (Macédoine)|Harpale]] sous le nom de « caisse militaire »<ref name="GOU269" />.
À la fin du printemps, l'[[armée macédonienne]] se met en marche vers l'[[Euphrate]], qui est traversé fin juillet à [[Thapsaque]] sur un pont de bateaux. Le satrape [[Mazaios]] s'est replié à l'arrivée de son adversaire. Les ''[[prodromoi]]'' (éclaireurs) macédoniens repèrent l'armée de {{noble|Darius III}} plus au nord. Aussi, le roi de Macédoine, au lieu de marcher sur [[Babylone]] selon son plan initial, remonte au nord, vers [[Nusaybin|Nisibe]], et franchit le [[Tigre (fleuve)|Tigre]] vers le 20 septembre 331 (aux environs de Djésireh en [[Irak]] actuelle) contournant son adversaire<ref name="GOU270">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=270}}.</ref>. Alexandre reprend alors la direction du sud avec le Tigre sur sa droite. Au bout de quatre jours de marche, il apprend que l'armée perse, bien supérieure en nombre, l'attend dans une immense plaine près d'[[Erbil|Arbèles]] en [[Adiabène]] ([[Kurdistan]] irakien)<ref name="GOU270"/>. Alexandre remporte la [[bataille de Gaugamèles]] ({{date|1er|octobre}} 331) après une charge de cavalerie sur le centre perse ; mais les pertes dans l'infanterie macédonienne sont importantes. Darius s'enfuit à [[Ecbatane]] en [[Mèdes|Médie]]{{Sfn|Goukowsky|1993|p=272}}.

Début octobre 331, à l'issue d'une cérémonie fastueuse à Arbèles, Alexandre se fait proclamer [[roi d'Asie]] (''Kyrios tes Asias''), répondant à la citation attribuée à Alexandre par [[Plutarque]] : « La Terre ne peut tolérer deux soleils, ni l'Asie deux rois »<ref group=A>Plutarque, ''Œuvres morales'', 3.</ref>.


=== À la poursuite de Darius ===
=== À la poursuite de Darius ===
==== Entrée dans Babylone et Suse (octobre-décembre 331) ====
La victoire d'Alexandre à [[Bataille de Gaugamèles|Gaugamèles]] ouvre la route vers [[Babylone]] qui se rend sans combattre grâce à [[Mazaios]], ancien [[Satrapie de Cilicie|satrape de Cilicie]] et commandant de la cavalerie perse à Gaugamèles{{Sfn|Heckel|2006|p=157}}. Les prêtres babyloniens de [[Marduk]] sont par ailleurs traditionnellement hostiles aux Perses<ref name="GOU272">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=272}}.</ref>. Alexandre s'évite de la sorte un long siège qui aurait laissé la possibilité à son adversaire de se ressaisir. Les trois semaines entre la bataille de Gaugamèles et l'entrée d'Alexandre dans la ville (fin {{date|octobre -331}}) sont désormais mieux connues grâce à la découverte d'une tablette [[cunéiforme]] [[Babylonie tardive|babylonienne]] qui, bien que détériorée, fait une nette allusion à la chronologie de la bataille de Gaugamèles et à ses suites<ref name="BRI15"/>. Cette tablette évoque en effet la fuite de {{noble|Darius III}} « vers le pays de Guti » (la [[Mèdes|Médie]]) et indique que les autorités de Babylone ont négocié avec le vainqueur, qui garantit le maintien des traditions religieuses. Alexandre donne ainsi l'ordre de rebâtir le sanctuaire de Marduk, qui tombe en ruine. Mazaios est alors désigné de [[Satrapie de Babylonie|satrape de Babylonie]]<ref name="GOU272"/>{{,}}<ref group=N>Une hypothèse voudrait qu'il se soit rapproché d'Alexandre lors du séjour de celui-ci à [[Tarse (ville)|Tarse]] en 333.</ref>. Alexandre inaugure ainsi sa politique de ralliement de l'aristocratie perse. Il maintient néanmoins une forte garnison à Babylone, montrant davantage de prudence qu'envers les [[Égypte antique|Égyptiens]]<ref name="GOU273">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=273}}.</ref>.


Tandis que Darius, en fuite, tente de réunir une nouvelle armée royale dans les Hautes satrapies<ref name="GOU272"/>, Alexandre prend la direction de la [[Susiane]], laquelle se rallie à son tour. Il a auparavant dépêché à [[Suse (Iran)|Suse]] [[Philoxène (général)|Philoxène]], auparavant administrateur des finances en Asie Mineure<ref name="GOU306">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=306}}.</ref>, afin de s'assurer du contrôle de l'immense trésor qui s’y trouve<ref name="GOU273"/>, soit près de {{unité|50000|[[Talent (unité)|talents]] d'argent}}<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=87}}.</ref>. Il laisse à son poste le satrape Aboulitès en récompense de son ralliement, qui plus est dans une région difficile à administrer pour un Grec étant donné la barrière linguistique<ref name="GOU273"/>. Une partie de ce trésor, soit {{unité|3000|talents}}, est envoyée à [[Antipater (général)|Antipater]] afin qu'il l'utilise dans sa lutte contre [[Sparte]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{III}}, 6.</ref>.
==== L’entrée dans Babylone et Suse (novembre-décembre 331) ====
[[Fichier:Charles Le Brun - Entry of Alexander into Babylon.JPG|vignette|alt=Tableau représenant l'entrée d'Alexandre à Babylone|''Entrée d'Alexandre le Grand dans Babylone'', [[Charles Le Brun]], [[1665]].]]


==== Difficultés d'Antipater en Grèce (331) ====
La victoire d'Alexandre à [[Bataille de Gaugamèles|Gaugamèles]] ouvre la route de [[Babylone]], dont les prêtres de [[Marduk]] sont hostiles aux Perses<ref name="GOU272">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=272}}.</ref>. Les trois semaines entre la bataille et l'entrée d'Alexandre dans la ville (fin octobre [[331 av. J.-C.]]) sont désormais mieux connues grâce à la découverte d'une tablette [[cunéiforme]] [[Babylonie tardive|babylonienne]] qui, bien que détériorée, fait une nette allusion à la chronologie de la bataille de Gaugamèles et à ses suites<ref name="BRI15"/>. Cette tablette évoque en effet la fuite de {{souverain2|Darius III}} « vers le pays de Guti » (la [[Mèdes|Médie]]) et indique que les autorités de Babylone ont négocié avec le vainqueur, qui garantit le maintien des traditions religieuses. Alexandre donne ainsi l'ordre de rebâtir le sanctuaire de Marduk, qui tombe en ruine. [[Mazaios]], le satrape de [[Syrie (région)|Syrie]] qui s'est replié à Babylone, est désigné de [[Satrapie de Babylonie|satrape de Babylonie]]<ref name="GOU272"/>{{,}}<ref group=N>Une autre hypothèse voudrait qu’il se soit rallié à Alexandre dès 333 lors du séjour de celui-ci à [[Tarse (ville)|Tarse]].</ref>. Alexandre s’évite de la sorte un long siège qui aurait laissé la possibilité à son ennemi de se ressaisir. Il inaugure ainsi sa politique de ralliement à sa personne par l’aristocratie [[Achéménides|achéménide]] ; néanmoins il maintient une forte garnison à Babylone, davantage prudent qu'envers les [[Égypte antique|Égyptiens]]<ref name="GOU273">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=273}}.</ref>.
L'année {{date|-331}} s'avère une année difficile pour [[Antipater (général)|Antipater]], à qui Alexandre a confié le gouvernement de la [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] et de la [[Grèce antique|Grèce]] en son absence. Apparemment, la dispersion de la flotte [[Perses|perse]], à la suite de la [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|prise de Tyr]], n'attise plus les désirs de révolte des [[Grèce antique|Grecs]], sauf à [[Sparte]] où le roi {{noble|Agis III}} s’assure le concours des pirates [[Crète|crétois]] puis de l'ensemble des peuples du [[Péloponnèse]] ([[Élée]]ns, [[Arcadie]]ns et la quasi-totalité de l'[[Achaïe]] à l'exception de Pellènè)<ref group=N>{{noble|Agis III}} a déjà tenté d'agir en collaboration avec les [[Achéménides]] en {{date|-333}} mais la défaite de {{noble|Darius III}} à [[Bataille d'Issos|Issos]] a ruiné ses espoirs de mener une action concertée contre Alexandre.</ref>. [[Mégalopolis]] et [[Messène]] sont les seules cités importantes à refuser d'entrer dans la coalition anti-macédonienne. Dans un premier temps, Agis est vainqueur d'un corps expéditionnaire macédonien dirigé par Corragos et assiège Mégalopolis. Le reste de la Grèce cependant ne bouge pas ; même [[Démosthène]] à [[Démocratie athénienne|Athènes]] conseille de ne rien faire. Il est vrai que les gestes habiles d’Alexandre, comme celui de renvoyer de [[Suse (Iran)|Suse]] vers Athènes la statue des [[Tyrannoctones]] ou la libération des prisonniers athéniens de la [[bataille du Granique]], lui concilient provisoirement une partie des habitants de la cité [[attique]]<ref name="PUF77p29">{{Harvsp|Briant|1994|p=29|id=PUF1994}}.</ref>. Dans le même temps, au printemps 331, Memnon, gouverneur de [[Thrace]], se révolte contre la tutelle macédonienne probablement avec le soutien d'{{noble-|Agis III}}.


Antipater réagit, suivant les ordres d'Alexandre, en dirigeant la quasi-totalité de ses forces, entre {{nombre|35000 et 40000|hommes}}, vers le Péloponnèse. Agis ne dispose que d'environ {{unité|20000|hommes}} et {{unité|2000|cavaliers}}. Il est battu et tué à la [[Bataille de Mégalopolis (331 av. J.-C.)|bataille de Mégalopolis]] à l'automne 331<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 62-63.</ref>. Sous l'impulsion de la [[ligue de Corinthe]], Sparte négocie la paix directement avec Alexandre<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 18, 73.</ref>. La nouvelle de la victoire de [[Bataille de Gaugamèles|Gaugamèles]], qui parvient en Europe après la victoire d'Antipater sur Sparte<ref group=N>La nouvelle de la victoire d'Antipater met cependant plusieurs mois à parvenir à Alexandre ; ce qui explique que pendant la période allant de la fin 331 au début 330, il multiplie les gestes de bonne volonté à l'égard des Grecs d'Europe.</ref>, assure avec plus de force la souveraineté macédonienne en Grèce.
Tandis que Darius, en fuite, tente de réunir une nouvelle armée royale dans les Hautes [[Satrape|satrapies]]<ref name="GOU272"/>, Alexandre prend la direction de la [[Suse (Iran)|Susiane]], laquelle se rallie à son tour. Il a auparavant dépêché à Suse Philoxène, administrateur des finances en Asie Mineure<ref name="GOU306">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=306}}.</ref>, afin de s'assurer du contrôle de l'immense trésor qui s’y trouve<ref name="GOU273"/>, soit près de {{unité|50000|[[Talent (unité)|talents]] d'argent}}<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=87}}.</ref>. Il laisse à son poste le satrape Aboulitès en récompense de son ralliement, qui plus est dans une région difficile à administrer pour un Grec étant donné la barrière linguistique<ref name="GOU273"/>. Une partie de ce trésor, soit {{unité|3000|talents}}, est envoyée à [[Antipater (général)|Antipater]] afin qu'il l'utilise dans sa lutte contre [[Sparte]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{III}}, 6.</ref>.


Par ailleurs, les relations sont difficiles entre Antipater et [[Olympias]], la mère d'Alexandre<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 12, 6-7 ; Plutarque, ''Alexandre'', 39, 7.</ref>. Celle-ci provoque des difficultés quand, après la mort de son frère {{noble|Alexandre Ier d'Épire|-}}, roi d’[[Épire]], tué durant une expédition en Italie, elle montre ses prétentions au trône de ce pays. Elle en assure finalement la régence pour l’un de ses petits-enfants, fils du roi précédent et de sa fille [[Cléopâtre de Macédoine|Cléopâtre]], la sœur d'Alexandre.
==== Les difficultés d’Antipater en Grèce (331) ====
L’année [[331 av. J.-C.]] s'avère une année difficile pour [[Antipater (général)|Antipater]], à qui Alexandre a confié le gouvernement de la [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] et de la [[Grèce antique|Grèce]] en son absence. Apparemment, la dispersion de la flotte perse, à la suite de la prise de [[Tyr]], n’attise plus les désirs de révolte des [[Grèce antique|Grecs]], sauf à [[Sparte]] où le roi {{souverain2|Agis III}} s’assure le concours des pirates crétois puis de l’ensemble des peuples du [[Péloponnèse]] ([[Élée]]ns, [[Arcadie]]ns et la quasi-totalité de l’[[Achaïe]] à l’exception de Pellènè)<ref group=N>Agis a déjà tenté d'agir en collaboration avec les [[Perses]] en [[333 av. J.-C.|333]] mais la défaite de Darius à [[Bataille d'Issos|Issos]] a ruiné ses espoirs de mener une action concertée contre Alexandre.</ref>. [[Mégalopolis]] et [[Messène]] sont les seules cités importantes à refuser d’entrer dans la coalition anti-macédonienne. Dans un premier temps, Agis est vainqueur d’un corps expéditionnaire macédonien dirigé par Korragos et assiège Mégalopolis. Le reste de la Grèce cependant ne bouge pas et même [[Démosthène]] à [[Démocratie athénienne|Athènes]] conseille de n’en rien faire. Il est vrai que les gestes habiles d’Alexandre, comme celui de renvoyer de [[Suse (Iran)|Suse]] vers Athènes la statue d’[[Tyrannoctones|Aristogiton]] et d’[[Tyrannoctones|Harmodios]] ou la libération des prisonniers athéniens de la [[bataille du Granique]], lui concilient provisoirement une partie des habitants de la cité attique<ref name="PUF77p29">{{Harvsp|Briant|1994|p=29|id=PUF1994}}</ref>.


==== Campagne en Perside et l’incendie de Persépolis (janvier-mai 330) ====
[[Antipater (général)|Antipater]] a des relations difficiles avec [[Olympias]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 12, 6-7 ; Plutarque, ''Alexandre'', 39, 7.</ref>, la mère d'Alexandre. Celle-ci provoque des difficultés quand, après la mort de son frère {{souverain2|Alexandre Ier d'Épire}}, roi d’[[Épire]], tué durant une expédition en Italie, elle montre ses prétentions au trône de ce pays. Elle en assure finalement la régence pour l’un de ses petits-enfants, fils du roi précédent et de sa fille [[Cléopâtre de Macédoine|Cléopâtre]], la sœur d'Alexandre. Antipater réagit, suivant les ordres d'Alexandre, en traitant avec [[Memnon de Rhodes]] pour le neutraliser et en dirigeant la quasi-totalité de ses forces, entre {{unité|35000|}} et {{unité|40000|hommes}}, vers le Péloponnèse. Agis ne dispose que d'environ {{unité|20000|hommes}} et {{unité|2000|cavaliers}}. Il est battu et tué à la [[Bataille de Mégalopolis (331 av. J.-C.)|bataille de Mégalopolis]] à l’automne 331. Sous l'impulsion de la [[ligue de Corinthe]], Sparte négocie la paix directement avec Alexandre<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 18, 73.</ref>. La nouvelle de la victoire de [[Bataille de Gaugamèles|Gaugamèles]] en Asie, qui arrive après la victoire d'Antipater sur Sparte<ref group=N>Nouvelle qui met cependant plusieurs mois à arriver à Alexandre ; ce qui explique que pendant la période allant de la fin 331 au début 330, il multiplie les gestes de bonne volonté à l'égard des Grecs d'Europe.</ref>, assure avec plus de force la souveraineté macédonienne en Grèce.
{{Article connexe|Bataille des Portes persiques}}

==== La campagne en Perse et l’incendie de Persépolis (janvier-mai 330) ====
[[Fichier:persepolis iran.jpg|vignette|Vestiges des palais [[achéménides]] à [[Persépolis]].]]
[[Fichier:persepolis iran.jpg|vignette|Vestiges des palais [[achéménides]] à [[Persépolis]].]]


La campagne se poursuit en direction de la [[Perse]] proprement dite. Alexandre emprunte la « route royale » qui passe à travers le pays des [[Ouxiens]] (sud-ouest de l’[[Iran]] actuel). Il soumet, par une campagne foudroyante, les montagnards de ces régions, qui s’engagent à payer un tribut en chevaux et bêtes de somme dont a besoin l’armée. Après avoir été un temps arrêté par la résistance du [[satrape]] Ariobarzanes aux [[bataille des Portes persiques|Portes persiques]]<ref name="GOU274"/>, il parvient en janvier [[330 av. J.-C.]] dans la ville la plus symbolique du pouvoir [[Achéménides|achéménide]], [[Persépolis]].
La campagne contre {{noble|Darius III}} se poursuit en direction de la [[empire perse|Perse]] proprement dite. Alexandre emprunte la « [[voie royale perse|voie royale]] » et atteint [[Suse (Iran)|Suse]]. En vue de marcher sur [[Persépolis]], il divise son armée en deux corps : la majorité des troupes, dirigée par [[Parménion]], emprunte la voie royale, et l'autre, commandée par Alexandre lui-même, prend la direction de la [[Fars|Perside]]. Il soumet par une campagne foudroyante le pays des [[Ouxiens]] (sud-ouest de l’[[Iran]] actuel). Les montagnards de ces régions s’engagent à payer un tribut en chevaux et bêtes de somme. Dans les [[monts Zagros]], il est arrêté pendant plus d'un mois par la résistance acharnée du [[satrape]] [[Ariobarzane (satrape de Perside)|Ariobarzane]] aux [[bataille des Portes persiques|Portes persiques]]<ref name="GOU274"/>, baroud d'honneur des Perses. Puis il parvient, fin janvier {{date|-330}}, dans la ville la plus symbolique du pouvoir [[Achéménides|achéménide]], Persépolis.


La ville est livrée au pillage, puis, quelques mois après, les palais sont la proie des flammes (mai 330). Cet incendie est souvent interprété comme volontaire, bien qu’il aille à l’encontre de la politique d’intégration aux coutumes locales du conquérant. Alexandre aurait ainsi effectué un geste symbolique mûrement réfléchi, à la fois en direction des Perses et des Grecs de la [[ligue de Corinthe]]<ref name="GOU274"/>. L'incendie, revanche de l'incendie d'[[Histoire d'Athènes|Athènes]] par {{souverain2|Xerxès Ier}} en [[480 av. J.-C.|480]], pourrait être une opération de propagande envers les Grecs à un moment où la situation est tendue en Grèce et où l'annonce de la victoire d'Antipater sur Sparte n'est peut-être pas encore parvenue à Alexandre. Il est possible qu’Alexandre ait voulu affirmer son pouvoir face à une population peu encline à se rallier à lui. Une autre interprétation veut qu’Alexandre ait provoqué l’incendie dans un état d’ivresse, poussé en cela par une jeune courtisane athénienne, [[Thaïs (hétaïre)|Thaïs]]. Quoi qu’il en soit, Alexandre regrette par la suite cet acte très mal perçu par les Perses mais accompli avec joie par les troupes macédoniennes qui pensent, bien à tort, qu'Alexandre trahit son regret du pays natal et manifeste par cet incendie sa volonté de ne pas se fixer en Asie<ref group=A>Plutarque, ''Vie d'Alexandre'', 38 ; Quinte-Curce, {{VI}}, 3, 15-16.</ref>.
La capitale est livrée au pillage, puis, quelques mois après, les palais sont la proie des flammes (mai 330). Cet incendie est souvent interprété comme volontaire, bien qu’il aille à l’encontre de la politique d’intégration aux coutumes locales du conquérant. Alexandre aurait ainsi effectué un geste symbolique mûrement réfléchi, à la fois en direction des Perses et des Grecs de la [[ligue de Corinthe]]<ref name="GOU274"/>. L'incendie, revanche de l'incendie d'[[Histoire d'Athènes|Athènes]] par {{noble|Xerxès Ier}} en 480, pourrait être une opération de propagande envers les Grecs à un moment où la situation est tendue en Grèce et où l'annonce de la victoire d'[[Antipater (général)|Antipater]] sur Sparte n'est peut-être pas encore parvenue à Alexandre. Il est possible qu’Alexandre ait voulu affirmer son pouvoir face à une population peu encline à se rallier à lui. Une autre interprétation veut qu’Alexandre ait provoqué l’incendie dans un état d’ivresse, poussé en cela par une jeune courtisane athénienne, [[Thaïs (hétaïre)|Thaïs]]. Quoi qu’il en soit, Alexandre regrette par la suite cet acte très mal perçu par les Perses mais accompli avec joie par les troupes macédoniennes qui pensent, bien à tort, qu'Alexandre trahit son regret du pays natal et manifeste par cet incendie sa volonté de ne pas se fixer en Asie<ref group=A>Plutarque, ''Vie d'Alexandre'', 38 ; Quinte-Curce, {{VI}}, 3, 15-16.</ref>.


==== La mort de Darius (été 330) ====
==== Mort de Darius (été 330) ====
[[Fichier:Darius III of Persia.jpg|vignette|alt=Détail de la mosaïque d'Alexandre de Pompéi montrant Darius III|{{souverain2|Darius III}} sur la [[mosaïque d'Alexandre]], [[musée archéologique national de Naples|musée archéologique de Naples]].]]
[[Fichier:Darius III of Persia.jpg|vignette|alt=Détail de la mosaïque d'Alexandre de Pompéi montrant Darius III|{{noble|Darius III}} sur la [[mosaïque d'Alexandre]], [[musée archéologique national de Naples|musée archéologique de Naples]].]]


Durant l'été [[330 av. J.-C.]], {{souverain2|Darius III}} se réfugie en [[Mèdes|Médie]] ; puis, face à l'avancée d'Alexandre, il décide de prendre le chemin de l'[[Hyrcanie]] au sud-est de la [[mer Caspienne]]. Il est rejoint à [[Ecbatane]] par Ariobarzane, [[Bessos]] avec des cavaliers originaires de [[satrapie de Bactriane|Bactriane]] et un corps d'environ {{unité|2000|mercenaires}} [[Grèce antique|grecs]]<ref name="GOU275">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=275}}.</ref>. Darius envoie son [[harem]], ce qui reste de son trésor aux Portes Caspiennes (à l'est de [[Téhéran]]), clefs de l'Hyrcanie et faciles à défendre. Alexandre pénètre en Paratécène (actuelle région d'[[Ispahan]]), soumet la population et fonce sur Ecbatane pour y apprendre que Darius vient de s'enfuir trois jours plus tôt avec environ {{unité|9000|hommes}} dont {{unité|3000|cavaliers}}. À Ecbatane, Alexandre licencie ses cavaliers [[thessalie]]ns, lance [[Parménion]] vers l'Hyrcanie et [[Cleitos (compagnon d'Alexandre)|Cleitos]] vers la [[Parthie]] (à l’est de l'Hyrcanie). Lui-même se lance avec des troupes rapides à la poursuite du monarque en fuite. En onze jours, il parcourt la route qui va d'Ecbatane à [[Ray (Téhéran)|Rhagæ]] (au sud de Téhéran), où il est obligé de laisser souffler ses hommes et chevaux cinq jours. Il apprend par des transfuges que Darius est prisonnier de Bessos et Barsaentès et qu'il se dirige vers [[Shahr-e Qumis|Hécatompyles]] (près de l'actuel [[Shahroud]]). En apprenant cette nouvelle, Alexandre confie ses troupes à [[Cratère (général)|Cratère]], tandis qu'avec ses éléments les plus rapides il marche pendant une journée et demie sans relâche. Un jour plus tard, après une marche nocturne, il atteint le camp de Darius, que celui-ci vient d'abandonner. Le soir même, Alexandre impose à ses hommes une nouvelle marche de nuit pour aboutir à un campement de nouveau abandonné. Finalement, Alexandre, avec quelques cavaliers et fantassins montés, rejoint le convoi de Darius. Mais celui-ci a été assassiné par Bessos<ref group=N>Selon Quinte-Curce ({{VII}}, 4, 4), Bessos reproche à Darius ses choix stratégiques calamiteux.</ref>, Barsaentès et Satibarzane, qui viennent de s'enfuir avec quelques centaines de cavaliers. Bessos, tente de prendre les rênes du pouvoir perse, sous le nom d'{{souverain-|Artaxerxès V}}<ref name="GOU276">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=276}}.</ref>, mais Alexandre tient fermement l'Empire perse.
Durant l'été {{date|-330}}, {{noble|Darius III}} se réfugie en [[Mèdes|Médie]] ; puis, face à l'avancée d'Alexandre, il décide de prendre le chemin de l'[[Hyrcanie]] au sud-est de la [[mer Caspienne]]. Il est rejoint à [[Ecbatane]] par [[Bessos]] avec des cavaliers originaires de [[satrapie de Bactriane|Bactriane]] et un corps d'environ {{unité|2000|mercenaires}} [[Grèce antique|grecs]]<ref name="GOU275">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=275}}.</ref>. Darius envoie son [[harem]], ce qui reste de son trésor aux Portes Caspiennes (à l'est de [[Téhéran]]), clefs de l'Hyrcanie et faciles à défendre. Alexandre pénètre en Paraitacène (actuelle région d'[[Ispahan]]), soumet la population et fonce sur Ecbatane pour y apprendre que Darius vient de s'enfuir trois jours plus tôt avec environ {{unité|9000|hommes}} dont {{unité|3000|cavaliers}}. À Ecbatane, Alexandre licencie ses cavaliers [[thessalie]]ns, lance [[Parménion]] vers l'Hyrcanie et [[Cleitos (compagnon d'Alexandre)|Cleitos]] vers la [[Parthie]] (à l’est de l'Hyrcanie). Lui-même se lance avec des troupes rapides à la poursuite du monarque en fuite. En onze jours, il parcourt la route qui va d'Ecbatane à [[Ray (Téhéran)|Rhagæ]] (au sud de Téhéran), où il est obligé de laisser souffler ses hommes et chevaux cinq jours. Il apprend par des transfuges que Darius est prisonnier de Bessos et Barsaentès et qu'il se dirige vers [[Shahr-e Qumis|Hécatompyles]] (près de l'actuel [[Shahroud]]). En apprenant cette nouvelle, Alexandre confie ses troupes à [[Cratère (général)|Cratère]], tandis qu'avec ses éléments les plus rapides il marche pendant une journée et demie sans relâche. Un jour plus tard, après une marche nocturne, il atteint le camp de Darius, que celui-ci vient d'abandonner. Le soir même, Alexandre impose à ses hommes une nouvelle marche de nuit pour aboutir à un campement de nouveau abandonné. Finalement, Alexandre, avec quelques cavaliers et fantassins montés, rejoint le convoi de Darius. Mais celui-ci a été assassiné par Bessos<ref group=N>Selon Quinte-Curce ({{VII}}, 4, 4), Bessos reproche à Darius ses choix stratégiques calamiteux.</ref>, Barsaentès et Satibarzane, qui viennent de s'enfuir avec quelques centaines de cavaliers. Bessos, tente de prendre les rênes du pouvoir perse, sous le nom d'{{noble-|Artaxerxès V}}<ref name="GOU276">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=276}}.</ref>, mais Alexandre tient fermement l'Empire perse.


=== Toujours plus à l’Est ===
=== Toujours plus à l’Est ===
==== Conséquences de la mort de Darius (été 330) ====

==== Les conséquences de la mort de Darius (été 330) ====
[[Fichier:Alexander III conquest from Babylon to Indus and back-fr.svg|vignette|redresse=3|centre|alt=Carte de l'itinéraire d’Alexandre dans les satrapies orientales, puis le long de la vallée de l'Indus jusqu’à retour à Babylone|Itinéraire d’Alexandre dans les [[satrape|satrapies]] orientales, puis le long de la vallée de l'[[Indus]] jusqu’à retour à [[Babylone]].]]
[[Fichier:Alexander III conquest from Babylon to Indus and back-fr.svg|vignette|redresse=3|centre|alt=Carte de l'itinéraire d’Alexandre dans les satrapies orientales, puis le long de la vallée de l'Indus jusqu’à retour à Babylone|Itinéraire d’Alexandre dans les [[satrape|satrapies]] orientales, puis le long de la vallée de l'[[Indus]] jusqu’à retour à [[Babylone]].]]


Alexandre rend les honneurs royaux à {{souverain2|Darius III}} et se présente comme son successeur légitime en faisant courir la rumeur que Darius, agonisant, l'aurait appelé à le venger de ses assassins, dont le satrape [[Bessos]]<ref name="GOU276"/>. Alexandre peut désormais se montrer généreux avec sa famille et le fait ensevelir dans les tombes royales de [[Persépolis]]. Les [[satrape]]s restés fidèles à Darius sont récompensés, tel [[Artabaze (satrape)|Artabaze]] qui reçoit la [[Satrapie de Bactriane|Bactriane]]<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=286}}.</ref>. La mort de Darius amène par ailleurs la noblesse perse à se rallier massivement à Alexandre<ref name="GOU276"/>. Cette collaboration des élites vaincues lui est nécessaire car les premières manifestations de lassitude parmi certains contingents obligent le roi à licencier une partie de ses troupes, dont les [[Thessalie]]ns. Or les besoins en hommes augmentent au fur et à mesure que l'armée pénètre en Asie. Ainsi, rien que pour garder les trésors royaux, Alexandre laisse {{unité|6000|hommes}} à [[Ecbatane]].
Alexandre rend les honneurs royaux à {{noble|Darius III}} et se présente comme son successeur légitime en faisant courir la rumeur que Darius, agonisant, l'aurait appelé à le venger de ses assassins, dont le satrape [[Bessos]]<ref name="GOU276"/>. Alexandre peut désormais se montrer généreux avec sa famille et le fait ensevelir dans les tombes royales de [[Persépolis]]. Les [[satrape]]s restés fidèles à Darius sont récompensés, tel [[Artabaze (satrape)|Artabaze]] qui reçoit la [[Satrapie de Bactriane|Bactriane]]<ref name="GOU286" />. La mort de Darius amène par ailleurs la noblesse perse à se rallier massivement à Alexandre<ref name="GOU276"/>. Cette collaboration des élites vaincues lui est nécessaire car les premières manifestations de lassitude parmi certains contingents obligent le roi à licencier une partie de ses troupes, dont les [[Thessalie]]ns. Or les besoins en hommes augmentent au fur et à mesure que l'armée pénètre en Asie. Ainsi, rien que pour garder les trésors royaux, Alexandre laisse {{unité|6000|hommes}} à [[Ecbatane]].

La mort de Darius amène une profonde réorganisation de l'empire et l'abandon des coutumes royales [[Royaume de Macédoine|macédoniennes]] : Alexandre, devenu le « roi Alexandre », et non plus le « roi des Macédoniens », possède un pouvoir personnel selon l'[[étiquette (code)|étiquette]] perse<ref group=N>Alexandre voudra faire adopter le rituel de la [[proskynèse]] en [[327 av. J.-C.|327]] : {{Harvsp|Briant|p=110|id=PUF1994}}.</ref>, suscitant des résistances parmi les tenants de la tradition<ref name="GOU277">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=277}}.</ref>. Il confie les postes clés à ses proches compagnons<ref name="GOU277"/> : [[Héphestion|Héphaistion]] devient [[chiliarque]], soit le deuxième dans la hiérarchie ; [[Harpale (Macédoine)|Harpale]] est désigné trésorier de l'empire.


La mort de Darius amène une profonde réorganisation de l'empire et l'abandon des coutumes royales [[Royaume de Macédoine|macédoniennes]] : Alexandre, devenu le « roi Alexandre », et non plus le « roi des Macédoniens », possède un pouvoir personnel selon l'[[étiquette (code)|étiquette]] perse<ref group=N>Alexandre voudra faire adopter le rituel de la [[proskynèse]] en 327 : {{Harvsp|Briant|1994|p=110|id=PUF1994}}.</ref>, suscitant des résistances parmi les tenants de la tradition<ref name="GOU277">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=277}}.</ref>. Il confie les postes clés à ses proches [[Compagnon (cavalerie)|Compagnons]] : [[Héphestion|Héphaistion]] devient [[chiliarque]], soit le deuxième dans la hiérarchie ; [[Harpale (Macédoine)|Harpale]] est désigné trésorier de l'empire<ref name="GOU277"/>.
==== La soumission de l’Arie (automne 330) ====
Avant de poursuivre [[Bessos]], l'assassin de {{souverain2|Darius III}}, et ses complices, Alexandre doit soumettre l’[[Hyrcanie]] et les populations montagnardes de la région (actuelles montagnes du [[Khorassan|Khurāsān]] à la frontière entre l’[[Iran]] et le [[Turkménistan]]), les Tapouriens et les [[Mardes]], qui se sont rebellées. L'[[armée macédonienne]], dont les effectifs ont été réduits par le retour des alliés [[Grèce antique|grecs]], s'est en effet avancée dans des régions hostiles<ref name="GOU278">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=278}}.</ref>. Il doit donc incorporer à son armée des mercenaires auparavant au service des [[Achéménides]] et commence à faire appel à des [[Perses]]<ref name="GOU277"/>.


==== Soumission de l’Arie (automne 330) ====
Il rassemble ses troupes à [[Sari (Iran)|Zadracarta]] dont une partie renvoyée à [[Ecbatane]] protéger le trésor<ref name="GOU278"/>, sous le commandement de [[Parménion]] en qui il est plausible qu’il n’ait plus qu’une confiance limitée, tandis qu’il se prépare à poursuivre les [[satrape]]s en fuite. Il apprend que ceux-ci se sont séparés et que Bessos, qui s'est proclamé roi sous le nom d’{{souverain-|Artaxerxès V}}, s’est réfugié en [[Satrapie de Sogdiane|Bactriane]] alors que Satibarzane est retourné en [[Arie]] (actuelle région d’[[Hérat]] à l’ouest de l’[[Afghanistan]]) et Barsaentès en [[Drangiane]] (sud de l’Afghanistan). Avec seulement près de {{nombre|20000|hommes}}, Alexandre s’empare difficilement de l’[[Arie]], en remontant la vallée de l’Atrek, et maintient Satibarzane à son poste en lui adjoignant un stratège macédonien Anaxippos. Mais, alors qu’il se prépare à remonter vers la Bactriane, Satibarzane se révolte (automne [[330 av. J.-C.|330]]), assassine Anaxippos et massacre les troupes macédoniennes laissées en Arie avant de s’enfuir<ref name="GOU279">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=279}}.</ref>. Afin de maintenir l’ordre dans cette province, Alexandre y fonde une cité, [[Hérat|Alexandrie d’Arie]] (actuelle [[Hérat]]), puis se dirige vers la [[Drangiane]] où le rebelle Barsaentès lui est livré et mis à mort. En octobre ou novembre 330, Satibarzane se révolte à nouveau en Arie. Il est tué dans un affrontement contre le corps expéditionnaire dirigé par [[Artabaze (satrape)|Artabaze]], [[Érigyios]] et [[Caranos (fils de Philippe II)|Caranos]]<ref name="GOU282/" />.
Avant de poursuivre [[Bessos]], l'assassin de {{noble|Darius III}}, et ses complices, Alexandre doit soumettre l’[[Hyrcanie]] et les populations montagnardes de la région (actuelles montagnes du [[Khorassan|Khurāsān]] à la frontière entre l’[[Iran]] et le [[Turkménistan]]), les Tapouriens et les [[Mardes]], qui se sont rebellées. L'[[armée macédonienne]], dont les effectifs ont été réduits par le retour des alliés [[Grèce antique|grecs]], s'est en effet avancée dans des régions hostiles<ref name="GOU278">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=278}}.</ref>. Il doit donc incorporer à son armée des mercenaires auparavant au service des [[Achéménides]] et commence à faire appel à des [[Perses]]<ref name="GOU277"/>.


Il rassemble ses troupes à [[Sari (Iran)|Zadracarta]] dont une partie renvoyée à [[Ecbatane]] protéger le trésor<ref name="GOU278"/>, sous le commandement de [[Parménion]] en qui il est plausible qu’il n’ait plus qu’une confiance limitée, tandis qu’il se prépare à poursuivre les [[satrape]]s en fuite. Il apprend que ceux-ci se sont séparés et que Bessos, qui s'est proclamé roi sous le nom d’{{noble-|Artaxerxès V}}, s’est réfugié en [[Satrapie de Sogdiane|Bactriane]] alors que [[Satibarzanès]] est retourné en [[Arie]] (ouest de l'[[Afghanistan]]) et Barsaentès en [[Drangiane]] (sud de l'Afghanistan). Avec seulement près de {{nombre|20000|hommes}}, Alexandre s’empare difficilement de l’[[Arie]], en remontant la vallée de l’Atrek, et maintient Satibarzanès à son poste en lui adjoignant un stratège macédonien Anaxippos. Mais, alors qu’il se prépare à remonter vers la Bactriane, Satibarzanès se révolte (automne {{date|-330}}), assassine Anaxippos et massacre les troupes macédoniennes laissées en Arie avant de s’enfuir<ref name="GOU279">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=279}}.</ref>. Afin de maintenir l’ordre dans cette province, Alexandre y fonde une cité, [[Hérat|Alexandrie d'Arie]] (actuel [[Hérat]]), puis se dirige vers la [[Drangiane]] où le rebelle Barsaentès lui est livré et mis à mort. En octobre ou novembre 330, Satibarzane se révolte à nouveau en Arie. Il est tué dans un affrontement contre le corps expéditionnaire dirigé par [[Artabaze (satrape)|Artabaze]], [[Érigyios]] et [[Caranos (fils de Philippe II de Macédoine)|Caranos]]<ref name="GOU282/" />.
==== Les exécutions de Parménion et Philotas (automne 330) ====


==== Exécutions de Parménion et Philotas (automne 330) ====
À l'automne [[330 av. J.-C.]], alors que l'armée séjourne dans la capitale de [[Drangiane]], Phrada-Prophtasia (au sud de [[Hérat]]), [[Philotas]], fils de [[Parménion]] et [[Hipparque (cavalerie)|hipparque]] de la cavalerie, est emprisonné et jugé pour complot, ou plus exactement pour avoir eu vent d’un complot contre le roi sans rien faire pour le dénoncer. Déjà au printemps [[331 av. J.-C.|331]], [[Asandros]], le frère de Parménion, a été démis de ses fonctions de [[satrape]] de [[Lydie]], tandis que le récit officiel de la [[bataille de Gaugamèles]] minore le rôle joué par Parménion<ref name="GOU279"/>. Il est probable que les critiques de Philotas sur le cérémonial perse adopté par le roi aient fortement indisposé ce dernier, alors que Parménion ne semble pas freiner les velléités de retour en Europe des troupes stationnées à [[Ecbatane]]. Philotas est jugé par l'[[Assemblée des Macédoniens]] sous l'accusation de [[Cratère (général)|Cratère]] qui y voit sans doute un moyen d'éliminer un rival ; il est lapidé selon la coutume après que des aveux lui ont été extorqués<ref name="GOU281">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=281}}.</ref>. Quant à Parménion, Alexandre ignore s'il se trouve impliqué dans la conjuration, mais il envoie des officiers le mettre à mort. Il s'en faut de peu que les troupes de [[Mèdes|Médie]] se soulèvent à cause de ce meurtre.
À l'automne {{date|-330}}, alors que l'armée séjourne dans la capitale de [[Drangiane]], Phrada-Prophtasia (au sud de [[Hérat]]), [[Philotas]], fils de [[Parménion]] et [[Hipparque (cavalerie)|hipparque]] de la cavalerie, est emprisonné et jugé pour complot, ou plus exactement pour avoir eu vent d’un complot contre le roi sans rien faire pour le dénoncer. Déjà au printemps 331, [[Asandros]], le frère de Parménion, a été démis de ses fonctions de [[satrape]] de [[Lydie]], tandis que le récit officiel de la [[bataille de Gaugamèles]] minore le rôle joué par Parménion<ref name="GOU279"/>. Il est probable que les critiques de Philotas sur le cérémonial perse adopté par le roi aient fortement indisposé ce dernier, alors que Parménion ne semble pas freiner les velléités de retour en Europe des troupes stationnées à [[Ecbatane]]. Philotas est jugé par l'[[Assemblée des Macédoniens]] sous l'accusation de [[Cratère (général)|Cratère]] qui y voit sans doute un moyen d'éliminer un rival ; il est lapidé selon la coutume après que des aveux lui ont été extorqués<ref name="GOU281">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=281}}.</ref>. Les Macédoniens obtiennent également qu'[[Alexandre le Lynceste]], en captivité depuis 333 après que {{noble|Darius III}} a voulu le soudoyer, subisse le même sort<ref group="A">Diodore, {{XVII}}, 80, 2 ; Quinte-Curce, {{VII}}, 1, 5-9 ; Justin, {{XII}}, 14, 1.</ref>. Quant à Parménion, Alexandre ignore s'il se trouve impliqué dans la conjuration, mais il envoie des officiers le mettre à mort. Il s'en faut de peu que les troupes de [[Mèdes|Médie]] se soulèvent à cause de ce meurtre.


Cet épisode dramatique est révélateur des réticences de plus en plus fortes de l'entourage du roi, à l’exception notable d'[[Héphestion|Héphaistion]] et de [[Cratère (général)|Cratère]], sur cette épopée qui les voit s'enfoncer de plus en plus en Asie, loin de leurs bases, de leur pays, à la poursuite d’un but et d’un rêve qui leur échappent. Les maladresses de Philotas, affirmant volontiers qu’Alexandre n’aurait pas remporté ses victoires sans l’aide de son père et la sienne, et qui se moque des prétentions du roi à être considéré comme le fils de [[Zeus Ammon]], expliquent aussi sans doute qu'Alexandre ne tente rien pour sauver sa vie. La royauté macédonienne connaît des rapports conflictuels fréquents entre aristocratie et monarchie. L'exécution de Philotas, apprécié par la troupe, est un moyen pour le roi de se débarrasser d’un officier jugé trop puissant<ref name="GOU281"/>. Dans ce contexte, Alexandre procède à des réformes au sein du commandement de l'armée : Héphaistion et [[Cleitos (compagnon d'Alexandre)|Cleitos]] deviennent [[Hipparque (cavalerie)|hipparques]], les fidèles [[Perdiccas (général)|Perdiccas]], [[Cratère (général)|Cratère]] et [[Ptolémée Ier|Ptolémée]] sont eux aussi promus<ref name="GOU282/">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=282}}.</ref>.
Cet épisode dramatique est révélateur des réticences de plus en plus fortes de l'entourage du roi, à l’exception notable d'[[Héphestion|Héphaistion]] et de [[Cratère (général)|Cratère]], sur cette épopée qui les voit s'enfoncer de plus en plus en Asie, loin de leurs bases, de leur pays, à la poursuite d’un but et d’un rêve qui leur échappent. Les maladresses de Philotas, affirmant volontiers qu’Alexandre n’aurait pas remporté ses victoires sans l’aide de son père et la sienne, et qui se moque des prétentions du roi à être considéré comme le fils de [[Zeus Ammon]], expliquent aussi sans doute qu'Alexandre ne tente rien pour sauver sa vie. La royauté macédonienne connaît des rapports conflictuels fréquents entre aristocratie et monarchie. L'exécution de Philotas, apprécié par la troupe, est un moyen pour le roi de se débarrasser d’un officier jugé trop puissant<ref name="GOU281"/>. Dans ce contexte, Alexandre procède à des réformes au sein du commandement de l'armée : Héphaistion et [[Cleitos (compagnon d'Alexandre)|Cleitos]] deviennent [[Hipparque (cavalerie)|hipparques]], les fidèles [[Perdiccas (général)|Perdiccas]], [[Cratère (général)|Cratère]] et [[Ptolémée Ier|Ptolémée]] sont eux aussi promus<ref name="GOU282/">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=282}}.</ref>.


==== À la poursuite de Bessos (hiver 330-hiver 329) ====
==== À la poursuite de Bessos (hiver 330-hiver 329) ====
Lancé à la poursuite de [[Bessos]], le successeur proclamé de {{noble|Darius III}}, Alexandre passe de [[Drangiane]] en [[Arachosie]] (sud-ouest de l'[[Afghanistan]]) vers la fin {{date|-330}}<ref name="GOU284"/>. Alexandre fonde une [[Vieux Kandahar|Alexandrie]] qui correspond à l'actuel [[Kandahar]], laissant Memnon comme [[satrape]]. Puis il remonte vers la [[satrapie de Bactriane|Bactriane]] à la poursuite de Bessos. La traversée des monts Paraponisades ([[Hindou Kouch]]), que les [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]] et les [[Grèce|Grecs]] confondent apparemment avec le [[Caucase]], s’effectue au printemps 329. Dans sa fuite, Bessos ravage les vallées entre les Paraponisades et l'Oxos ([[Amou-Daria]]) afin de limiter les possibilités de ravitaillement de ses poursuivants. Alexandre s'empare de [[Bactres]] et passe ensuite l'Oxos sur un pont flottant fait de tentes de peaux remplies de diverses matières séchées pour parvenir en [[Satrapie de Sogdiane|Sogdiane]].


Lancé à la poursuite de [[Bessos]], le successeur proclamé de {{souverain2|Darius III}}, Alexandre passe de [[Drangiane]] en [[Arachosie]] (sud-ouest de l’[[Afghanistan]]) vers la fin [[330 av. J.-C.]]<ref name="GOU284"/>. Alexandre fonde une [[Vieux Kandahar|Alexandrie]] qui correspond à l’actuelle [[Kandahar]], laissant Memnon comme [[satrape]]. Puis il remonte vers la [[Bactriane]] à la poursuite de Bessos. La traversée des monts Paraponisades ([[Hindou Kouch|Hindū-Kūsh]]), que les [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]] et les [[Grèce|Grecs]] confondent apparemment avec le [[Caucase]], s’effectue au printemps [[329 av. J.-C.|329]]. Dans sa fuite, Bessos ravage les vallées entre les Paraponisades (actuel [[Hindou Kouch]]) et l’Oxos (actuel [[Amou-Daria]]) afin de limiter les possibilités de ravitaillement de ses poursuivants. Alexandre s'empare de [[Bactres]] (actuelle [[Balkh]]). Il passe ensuite l’Oxos sur un pont flottant fait de tentes de peaux remplies de diverses matières séchées et parvient en [[Satrapie de Sogdiane|Sogdiane]]. Les nobles [[Spitaménès]] et [[Oxyartès]], craignant qu’Alexandre n'occupe le cœur de leur province<ref name="GOU286">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=286}}</ref>, décident alors de livrer Bessos à Alexandre. [[Ptolémée Ier|Ptolémée]] est chargé de cette capture qui intervient au début de [[329 av. J.-C.|329]]. Bessos est emmené à Bactres où, à la façon des [[Perses]], son nez et ses oreilles sont coupés, puis il est envoyé à [[Ecbatane]] pour être exécuté<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 43, 6 ; Arrien, IV, 7 ; Quinte-Curce, VII, 5, 40-43.</ref>.
Les nobles [[Spitaménès]] et [[Oxyartès]], craignant qu'Alexandre n'occupe le cœur de leur province<ref name="GOU286">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=286}}.</ref>, décident finalement de livrer Bessos. [[Ptolémée Ier|Ptolémée]] est chargé de cette capture qui intervient au début de 329. Bessos est emmené à Bactres où, à la façon des [[Perses]], son nez et ses oreilles sont coupés ; puis il est envoyé à [[Ecbatane]] pour être exécuté<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 43, 6 ; Arrien, {{IV}}, 7 ; Quinte-Curce, {{VII}}, 5, 40-43.</ref>.


==== La conquête des Hautes satrapies (hiver 329-printemps 327) ====
==== Conquête des Hautes satrapies (hiver 329-printemps 327) ====
[[Fichier:AlexanderConquestsInIndia.jpg|vignette|alt=Carte de l'expédition d'Alexandre dans les Hautes satrapies|L'expédition d'Alexandre dans les Hautes satrapies.]]
[[Fichier:AlexanderConquestsInIndia.jpg|vignette|alt=Carte de l'expédition d'Alexandre dans les Hautes satrapies|L'expédition d'Alexandre dans les Hautes satrapies.]]


Les Hautes [[Satrape|satrapies]] ([[Arie]], [[Satrapie de Bactriane|Bactriane]], [[Satrapie de Sogdiane|Sogdiane]], [[Drangiane]], [[Margiane]]) sont le carrefour entre les peuples [[scythes]] nomades, jaloux de leur indépendance, et les [[Peuples iraniens|Iraniens]] sédentaires ; les souverains [[achéménides]] n'y ont exercé qu'une souveraineté relative et Alexandre éprouve des difficultés pour y imposer son autorité<ref name="GOU284">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=284}}.</ref>. Pendant près de deux ans, Alexandre lutte, sans gloire, en Sogdiane et en Bactriane contre les satrapes révoltés. [[Spitaménès]], qui a livré Bessos, se révolte et massacre plusieurs garnisons macédoniennes en Sogdiane<ref name="GOU286"/>. Il inflige un cuisant échec militaire à des officiers d’Alexandre sur le fleuve Polytimetos ([[Zeravchan]] dans l’actuel [[Ouzbékistan]]). La réaction d'Alexandre après cette défaite est significative du profond désarroi de l'armée puisqu'il interdit aux rescapés, sous peine de mort, de divulguer la réalité de ce désastre<ref group=A>Quinte-Curce, {{VII}}, 7, 39.</ref>. La répression à l'encontre des Sogdiens est implacable : [[Cyropolis]] est détruite, la population est massacrée ou asservie<ref name="GOU286"/>. Alexandre fonde, à proximité du [[Syr-Daria|Iaxarte]], limite orientale de l'empire perse, une Alexandrie Eschatè (actuelle [[Khodjent]]), ou « Alexandrie la plus lointaine »<ref name="GOU287">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=287}}.</ref>. Cette fondation, qu'il compte peupler de mercenaires grecs et de Sogdiens ralliés, marque le point le plus au nord de son périple.
Les Hautes [[Satrape|satrapies]] ([[Arie]], [[Satrapie de Bactriane|Bactriane]], [[Satrapie de Sogdiane|Sogdiane]], [[Drangiane]], [[Margiane]]) sont le carrefour entre les peuples [[scythes]] nomades, jaloux de leur indépendance, et les [[Peuples iraniens|Iraniens]] sédentaires. Les souverains [[achéménides]] n'y ont exercé qu'une souveraineté relative et Alexandre a éprouvé des difficultés pour y imposer son autorité<ref name="GOU284">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=284}}.</ref>. Pendant près de deux ans, Alexandre lutte, sans gloire, en Sogdiane et en Bactriane contre les satrapes révoltés. [[Spitaménès]], qui a livré Bessos, se révolte et massacre plusieurs garnisons macédoniennes en Sogdiane<ref name="GOU286"/>. Il inflige une cuisante défaite à la [[bataille du Polytimète]] aux officiers envoyés contre lui. La réaction d'Alexandre est significative de son profond désarroi puisqu'il interdit aux rescapés, sous peine de mort, de divulguer la réalité de ce désastre<ref group=A>Quinte-Curce, {{VII}}, 7, 39.</ref>. La répression contre les Sogdiens est implacable : [[Cyropolis]] est détruite, la population est massacrée ou asservie<ref name="GOU286"/>. Alexandre fonde, à proximité du [[Syr-Daria|Iaxarte]], limite orientale de l'empire perse, une Alexandrie Eschatè (actuel [[Khodjent]]), ou « Alexandrie la plus lointaine »<ref name="GOU287">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=287}}.</ref>. Cette fondation, qu'il compte peupler de mercenaires grecs et de Sogdiens ralliés, marque le point le plus au nord de son périple.


Alexandre entend faire une démonstration de puissance à l'encontre des [[Sakas]], un peuple [[scythes|scythe]], et fait traverser le fleuve [[Syr-Daria|Iaxarte]], contraignant les Sakas à fuir dans la steppe. Par la suite, une ambassade permet de conclure un pacte de non-agression<ref name="GOU287"/>. Alexandre, accompagné de [[Cratère (général)|Cratère]], marche ensuite contre Spitamémès, qui assiège la garnison de [[Samarcande]] et lève aussitôt le siège<ref name="GOU287"/>. Alexandre cherche alors à se concilier l’aristocratie sogdienne en leur accordant des honneurs. Il repasse l'[[Amou-Daria|Oxos]] et suit la route caravanière jusqu'à l'oasis de [[Merv]], où il fonde une Alexandrie de [[Margiane]]. Après avoir hiverné ([[329 av. J.-C.|329]]-[[328 av. J.-C.|328]]) à [[Bactres]], Alexandre, qui a reçu {{nombre|20000|hommes}} en renforts venus d'Europe, surtout des mercenaires [[Grèce antique|grecs]] et [[thraces]], lance la campagne contre Spitaménès. Il conclut au début du printemps 328 un accord avec Pharasmanès, le roi des [[Khwarezmiens|Chorasmiens]], qui reconnait sa suzeraineté, privant Spitaménès d'alliés potentiels<ref name="GOU288">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=288}}.</ref>. Il atteint ensuite la Sogdiane, où il fonde une Alexandrie de l'Oxos. Dans la région, il met la main sur la famille d'[[Oxyartès]], dont il obtient le ralliement et épouse la fille, [[Roxane]]. Dans le même temps, [[Cratère (général)|Cratère]] pacifie la Bactriane. Spitaménès succombe finalement, en décembre 328, après la trahison des [[Massagètes]], qui envoient sa tête à Alexandre. Pour remplacer [[Artabaze (satrape)|Artabaze]], satrape de Bactriane qui demande à être relevé de son commandement en raison de son grand âge, Alexandre désigne son ami [[Cleitos (compagnon d'Alexandre)|Cleitos]]<ref name="GOU288"/>.
Alexandre entend faire une démonstration de puissance à l'encontre des [[Sakas]], un peuple [[scythes|scythe]], et fait traverser le fleuve [[Syr-Daria|Iaxarte]], contraignant les Sakas à fuir dans la steppe. Par la suite, une ambassade permet de conclure un pacte de non-agression<ref name="GOU287"/>. Alexandre, accompagné de [[Cratère (général)|Cratère]], marche ensuite contre Spitamémès, qui assiège la garnison de [[Samarcande]] et lève aussitôt le siège<ref name="GOU287"/>. Alexandre cherche alors à se concilier l’aristocratie sogdienne en leur accordant des honneurs. Il repasse l'[[Amou-Daria|Oxos]] et suit la route caravanière jusqu'à l'oasis de [[Merv]], où il fonde une Alexandrie de [[Margiane]]. Après avoir hiverné (329-328) à [[Bactres]], Alexandre, qui a reçu {{nombre|20000|hommes}} en renfort venus d'Europe, surtout des mercenaires [[Grèce antique|grecs]] et [[thraces]], lance la campagne contre Spitaménès. Il conclut au début du printemps 328 un accord avec Pharasmanès, le roi des [[Khwarezmiens|Chorasmiens]], qui reconnaît sa suzeraineté, privant Spitaménès d'alliés potentiels<ref name="GOU288">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=288}}.</ref>. Il atteint ensuite la Sogdiane, où il fonde une Alexandrie de l'Oxos. Dans la région, il met la main sur la famille d'[[Oxyartès]], dont il obtient le ralliement et épouse la fille, [[Roxane]]. Dans le même temps, [[Cratère (général)|Cratère]] pacifie la Bactriane. Spitaménès succombe finalement, en décembre 328, après la trahison des [[Massagètes]], qui envoient sa tête à Alexandre. Pour remplacer [[Artabaze (satrape)|Artabaze]], satrape de Bactriane qui demande à être relevé de son commandement en raison de son grand âge, Alexandre désigne son ami [[Cleitos (compagnon d'Alexandre)|Cleitos]]<ref name="GOU288"/>.


Le printemps [[327 av. J.-C.|327]] est occupé à réduire les derniers îlots de résistance, tâche dont s'acquitte [[Cratère (général)|Cratère]] au [[Badakhchan (Afghanistan)|Badakhchan]] actuel. Alexandre entreprend de pacifier la Paraitacène, région située au nord-est de la [[Suse (Iran)|Susiane]]. Grâce à [[Oxyartès]], le père de [[Roxane]]<ref group=N>C'est à ce moment là qu'Alexandre épouse Roxane.</ref>, il rallie à sa cause le souverain local, Sisimithrès, qui accepte que de jeunes soldats intègrent l'armée royale<ref name="GOU289">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=289}}.</ref>. Puis, il retourne à [[Bactres]], où il est rejoint par Cratère à l'été 327, pour repasser ensuite l'[[Hindou Kouch]] en vue d'hiverner avant la campagne d'Inde.
Le printemps 327 est occupé à réduire les derniers îlots de résistance, tâche dont s'acquitte [[Cratère (général)|Cratère]] au [[Badakhchan (Afghanistan)|Badakhchan]] actuel. Alexandre entreprend de pacifier la Paraitacène, région située au nord-est de la [[Suse (Iran)|Susiane]]. Grâce à [[Oxyartès]], le père de [[Roxane]]<ref group=N>C'est à ce moment-là qu'Alexandre épouse Roxane.</ref>, il rallie à sa cause le souverain local, Sisimithrès, qui accepte que de jeunes soldats intègrent l'armée royale<ref name="GOU289">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=289}}.</ref>. Puis, il retourne à [[Bactres]], où il est rejoint par Cratère à l'été 327, pour repasser ensuite l'[[Hindou Kouch]] en vue d'hiverner avant la campagne d'Inde.


==== La montée des contestations (hiver 328-été 327) ====
==== Montée des contestations (hiver 328-été 327) ====
Début {{date|-328}} en [[Satrapie de Sogdiane|Sogdiane]], lors d’un banquet fortement alcoolisé, Alexandre tue son ami d'enfance et fidèle compagnon [[Cleitos (compagnon d'Alexandre)|Cleitos]], qui a eu le tort de porter les exploits de {{noble|Philippe II de Macédoine|-}} au-dessus de ceux de son fils. Alexandre ne le supporte pas, et, dans un accès de rage, tue Cleitos de ses propres mains. Dégrisé, il pleure longuement son ami et l'honore avec des funérailles grandioses. Mais ce crime crée un profond malaise parmi l'entourage du roi<ref name="GOU288"/>. Cleitos est remplacé par Amyntas à la tête de la [[satrapie de Bactriane]]<ref name="GOU288"/>.


Le séjour dans les provinces orientales de l'ancien [[Achéménides|empire achéménide]] pèse fortement sur l'entourage du roi. Quand Alexandre tente d'imposer l'étiquette perse aux [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]], en particulier le fait de se prosterner devant lui selon le rituel de la [[proskynèse]]<ref name="BRI94p110">{{Harvsp|Briant|1994|p=110|id=PUF1994}}.</ref>, la protestation portée par [[Callisthène]], neveu d'[[Aristote]] et historiographe officiel, semble approuvée par de nombreux compagnons du roi<ref name="GOU290">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=290}}.</ref>. Alexandre cède en ne maintenant cette étiquette que pour ses sujets asiatiques, mais la part qu'il donne à ces derniers dans l'armée et l'administration suscite des mécontentements. En effet, Alexandre enrôle {{formatnum:30000}} jeunes Asiatiques (les ''épigones'') pour être armés à la macédonienne afin de prendre le relais des troupes en voie de démobilisation<ref name="GOU289" />. Par ailleurs, son mariage avec [[Roxane]] montre qu'il ne compte plus considérer les Perses comme des vaincus, tandis qu'il désigne plusieurs Perses à des fonctions de commandement, dont [[Atropatès]] et [[Phrataphernès]]<ref name="GOU290"/>.
Début [[328 av. J.-C.]] en [[Satrapie de Sogdiane|Sogdiane]], lors d’un banquet fortement alcoolisé, Alexandre tue son ami d'enfance et fidèle compagnon [[Cleitos (compagnon d'Alexandre)|Cleitos]], qui a eu le tort de porter les exploits de {{souverain2|Philippe II de Macédoine}} au-dessus de ceux de son fils. Alexandre ne le supporte pas, et, dans un accès de rage, tue Cleitos de ses propres mains. Dégrisé, il pleure longuement son ami et l'honore avec des funérailles grandioses. Mais ce crime crée un profond malaise parmi l'entourage du roi<ref name="GOU288"/>. Cleitos est remplacé par Amyntas à la tête de la [[satrapie de Bactriane]]<ref name="GOU288"/>.


À l'été 327, la conjuration des [[Page (serviteur)|pages]], qui aurait eu pour finalité l'assassinat d'Alexandre, est née du désir de vengeance personnelle d'un de ces jeunes gens, Hermolaos, qui s'estime injustement puni après une partie de chasse durant laquelle il a tué la proie destinée au roi{{Sfn|Faure|1985|p=105}}. Elle révèle que parmi l'[[armée macédonienne]] certains jugent insupportables ses nouvelles exigences et commencent à le considérer comme un tyran<ref name="GOU290"/>. Sept pages sont donc suppliciés et exécutés{{Sfn|Faure|1985|p=105}}. [[Callisthène]], fort influent parmi les pages et qui a raillé les prétentions d'Alexandre à la divinité, est jeté en prison à [[Bactres]] ; il y meurt quelques mois plus tard{{Sfn|Faure|1985|p=106}}. Callisthène aurait par ailleurs reçu une lettre d'[[Aristote]], peut-être apocryphe, condamnant les dérives absolutistes d'Alexandre inspirées par le philosophe [[Anaxarque]]<ref name="GOU291" />. Le commandement et la troupe montrent dans cette affaire un attachement à la figure royale<ref name="GOU290"/>. Alexandre fait écrire au régent [[Antipater (général)|Antipater]] qu'il compte châtier ceux qui ont inspiré Callisthène en Grèce<ref name="GOU291" />.
Le séjour dans les provinces orientales de l’ancien [[Achéménides|empire achéménide]] pèse fortement sur l’entourage du roi. Quand Alexandre tente d'imposer l’étiquette perse aux [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]], en particulier le fait de se prosterner devant lui selon le rituel de la [[proskynèse]]<ref name="BRI94p110">{{Harvsp|Briant|1994|p=110|id=PUF1994}}.</ref>, la protestation portée par [[Callisthène]], neveu d'[[Aristote]] et historiographe du roi, semble approuvée par de nombreux compagnons du roi<ref name="GOU290">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=290}}.</ref>. Alexandre d’ailleurs cède en ne maintenant cette étiquette que pour ses sujets asiatiques, mais la part qu’il donne à ces derniers dans l’armée et l’administration suscite des mécontentements dans son entourage proche. En effet, Alexandre enrôle {{formatnum:30000}} jeunes Asiatiques (les ''épigones'') pour être armés à la macédonienne afin de prendre le relais des troupes en voie de démobilisation<ref name="GOU289" />. Par ailleurs, son mariage avec [[Roxane]] montre qu'il ne compte plus considérer les Perses comme des vaincus, tandis qu'il désigne plusieurs Perses à des fonctions de commandement, dont [[Atropatès]] et [[Phrataphernès]]<ref name="GOU290"/>.


=== Fin du périple en Inde ===
À l'été [[327 av. J.-C.|327]], la conjuration des [[Page (serviteur)|pages]], qui aurait eu pour finalité l'assassinat d'Alexandre, est née du désir de vengeance personnelle d'un de ces jeunes gens, Hermolaos, qui s'estime injustement puni après une partie de chasse durant laquelle il a tué la proie destinée au roi{{Sfn|Faure|1985|p=105}}. Elle révèle que parmi l'[[armée macédonienne]] certains jugent insupportables ses nouvelles exigences et commencent à le considérer comme un tyran<ref name="GOU290"/>. Sept pages sont donc suppliciés et exécutés{{Sfn|Faure|1985|p=105}}. [[Callisthène]], fort influent parmi les pages et qui a raillé les prétentions d'Alexandre à la divinité, est jeté en prison à [[Bactres]] ; il y meurt quelques mois plus tard{{Sfn|Faure|1985|p=106}}. Callisthène aurait par ailleurs reçu une lettre d'[[Aristote]], peut-être apocryphe, condamnant les dérives absolutistes d'Alexandre inspirées par le philosophe [[Anaxarque]]<ref name="GOU291" />. Le commandement et la troupe montrent dans cette affaire un attachement à la figure royale<ref name="GOU290"/>. Alexandre fait écrire au régent [[Antipater (général)|Antipater]] qu'il compte châtier ceux qui ont inspiré Callisthène en Grèce<ref name="GOU291" />.
{{Article détaillé|Campagne indienne d'Alexandre le Grand}}


=== L’Inde et la fin du périple ===
==== Objectifs d'Alexandre en Inde ====

==== Les objectifs d'Alexandre en Inde ====
[[Fichier:AlexanderIndiaMap.jpg|vignette|alt=Carte de l'Inde pendant la conquête d'Alexandre|L'Inde pendant la conquête d'Alexandre.]]
[[Fichier:AlexanderIndiaMap.jpg|vignette|alt=Carte de l'Inde pendant la conquête d'Alexandre|L'Inde pendant la conquête d'Alexandre.]]


L'[[Inde]] est pour les [[Grèce antique|Grecs]] une contrée mystérieuse connue par les textes d'[[Hécatée de Milet]] et d'[[Hérodote]] ainsi que ceux de [[Ctésias]]<ref name="GOU294">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=294}}.</ref>, médecin à la cour d’{{souverain2|Artaxerxès II}}. Ces auteurs ont sans doute utilisé la relation du voyage de [[Scylax de Caryanda]], effectué sur ordre de {{souverain2|Darius Ier}}. La vallée de l'[[Indus]] est théoriquement sous le contrôle de l’empire [[Achéménides|achéménide]] depuis cette époque, mais, en réalité, la frontière du pouvoir perse se limite aux Paraponisades ([[Hindou Kouch]] actuel). Quant à la vallée du [[Gange]] et au plateau du [[Deccan]], ils sont encore inconnus des Grecs<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=292}}.</ref>. Cependant, des relations existent puisque l'on trouve dans l'[[armée perse sous Darius III]] quelques [[Éléphant de guerre|éléphants]] et des contingents indiens<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{III}}, 4.</ref>.
L'[[Inde]] est pour les [[Grèce antique|Grecs]] une contrée mystérieuse connue par les textes d'[[Hécatée de Milet]] et d'[[Hérodote]] ainsi que ceux de [[Ctésias]]<ref name="GOU294">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=294}}.</ref>, médecin à la cour d’{{noble|Artaxerxès II}}. Ces auteurs ont sans doute utilisé la relation du voyage de [[Scylax de Caryanda]], effectué sur ordre de {{noble|Darius Ier}}. La vallée de l'[[Indus]] est théoriquement sous le contrôle de l’empire [[Achéménides|achéménide]] depuis cette époque, mais, en réalité, la frontière du pouvoir perse se limite aux Paraponisades ([[Hindou Kouch]] actuel). Quant à la vallée du [[Gange]] et au plateau du [[Deccan]], ils sont encore inconnus des Grecs<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=292}}.</ref>. Cependant, des relations existent puisque l'on trouve dans l'[[armée perse sous Darius III|armée perse sous {{noble-|Darius III}}]] quelques [[Éléphant de guerre|éléphants]] et des contingents indiens<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{III}}, 4.</ref>.


Il ne fait guère de doute que le but premier d'Alexandre est de restaurer à son profit les limites de l'empire de {{souverain2|Darius Ier}} et d'en tirer les profits commerciaux inhérents. Ce qui semble probable est qu'il a été aisément convaincu, alors qu’il guerroie encore en [[Sogdiane]], par [[Taxilès]], l’un des roitelets de la vallée septentrionale de l’Indus, d’intervenir contre son ennemi [[Poros (roi)|Pôros]] qui règne sur le royaume de [[Paurava]] à l’est de l’[[Jhelum (rivière)|Hydaspe]] et qui menace le [[Pendjab|Panjâb]]<ref name="GOU294" />. Alexandre est conseillé aussi par un prince indien, Sisicottos, qui après avoir suivi la fortune de [[Bessos]] s'est rallié au conquérant<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{V}}, 5.</ref>. Le projet d'Alexandre est probablement plus ancien, puisqu'au printemps [[329 av. J.-C.]] il a fondé une [[Villes fondées par Alexandre le Grand|Alexandrie-du-Caucase]] (au nord de l'actuel [[Kaboul]]), illustrant sa volonté de disposer d'une base arrière pour son expédition<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=98}}.</ref>.
Il ne fait guère de doute que le but premier d'Alexandre est de restaurer à son profit les limites de l'empire de {{noble|Darius Ier}} et d'en tirer les profits commerciaux inhérents. Il semble avoir été aisément convaincu, alors qu’il combat en [[Sogdiane]], par [[Taxilès]], l’un des roitelets de la vallée septentrionale de l’Indus, d’intervenir contre son ennemi [[Poros (roi)|Pôros]] qui règne sur le royaume de [[Paurava]] à l’est de l’[[Jhelum (rivière)|Hydaspe]] et qui menace le [[Pendjab|Panjâb]]<ref name="GOU294" />. Alexandre est conseillé aussi par un prince indien, Sisicottos, qui après avoir suivi la fortune de [[Bessos]] s'est rallié au conquérant<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{V}}, 5.</ref>. Le projet d'Alexandre est peut-être plus ancien, puisqu'au printemps {{date|-329}} il a fondé une [[Villes fondées par Alexandre le Grand|Alexandrie-du-Caucase]] (au nord de l'actuel [[Kaboul]]), illustrant sa volonté de disposer d'une base arrière pour son expédition<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=98}}.</ref>.


Certains historiens contemporains<ref>F. Schachermeyr, ''Alexander der Grosse. Das Problem seiner Persönlichkeit und seines Werkes'', 1973.</ref> ont défendu l'idée qu'Alexandre aurait souhaité continuer son périple au-delà de l'Indus et qu'il aurait eu une ambition « mondiale ». D'autres estiment que son expédition vers le [[Gange]], seulement interrompue par la sédition de ses soldats sur l'[[Beas (rivière)|Hyphase]], a pour objectif de s'emparer des bases commerciales indiennes<ref name="BRI94p81">{{Harvsp|Briant|1994|p=81|id=PUF1994}}.</ref>, de la même façon qu'en [[323 av. J.-C.|323]], il prépare une expédition vers les ports arabes du [[golfe Persique]]. L'itinéraire prévu passerait bien par la vallée de l'Indus, pour atteindre ensuite l'océan et le golfe Persique. Tout conduit par conséquent à admettre que, dans la droite ligne de son refus des propositions de paix faites par {{souverain2|Darius III}} en [[332 av. J.-C.|332]] et [[331 av. J.-C.|331]], Alexandre semble avoir déjà une idée relativement précise de ses objectifs globaux, c'est-à-dire devenir le maître de l'ensemble des territoires qui ont été un jour achéménides et contrôler l'ensemble des grandes routes commerciales<ref name="BRI94p81"></ref>.
Certains historiens contemporains ont défendu l'idée qu'Alexandre aurait souhaité continuer son périple au-delà de l'Indus et qu'il aurait eu une ambition « mondiale »<ref>F. Schachermeyr, ''Alexander der Grosse. Das Problem seiner Persönlichkeit und seines Werkes'', 1973.</ref>. D'autres estiment que son expédition vers le [[Gange]], seulement interrompue par la sédition de ses soldats sur l'[[Beas (rivière)|Hyphase]], a pour objectif de s'emparer des bases commerciales indiennes<ref name="BRI94p81">{{Harvsp|Briant|1994|p=81|id=PUF1994}}.</ref>, de la même façon qu'en 323, il prépare une expédition vers les ports arabes du [[golfe Persique]]. L'itinéraire prévu passerait bien par la vallée de l'Indus, pour atteindre ensuite l'océan et le golfe Persique. Tout conduit par conséquent à admettre que, dans la droite ligne de son refus des propositions de paix faites par {{noble|Darius III}} en 332 et 331, Alexandre semble avoir déjà une idée relativement précise de ses objectifs globaux, c'est-à-dire devenir le maître de l'ensemble des territoires qui ont été un jour achéménides et contrôler l'ensemble des grandes routes commerciales<ref name="BRI94p81"/>.


==== La conquête du Pendjab (été 327-été 326) ====
==== Conquête du Pendjab (été 327-été 326) ====
{{article détaillé|Bataille de l'Hydaspe}}
{{article détaillé|Bataille de l'Hydaspe}}
[[Fichier:Porus_alexander_coin.png|vignette|alt=Monnaie représentant Alexandre à cheval chargeant Poros monté sur un éléphant|Monnaie frappée vers [[322 av. J.-C.]] avec au revers Alexandre chargeant [[Poros (roi)|Poros]], [[British Museum]].]]
[[Fichier:Porus_alexander_coin.png|vignette|alt=Monnaie représentant Alexandre à cheval chargeant Poros monté sur un éléphant|Monnaie frappée vers {{date|-322}} avec au revers Alexandre chargeant [[Poros (roi)|Poros]], [[British Museum]].]]


Au printemps [[327 av. J.-C.]], Alexandre quitte [[Bactres]] à la tête de {{unité|120000|personnes}}, combattants et non-combattants inclus<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=106}}.</ref>. Les [[Grèce antique|Gréco]]-[[Macédonien]]s ne représentent guère que la moitié des effectifs combattants. De nombreux Asiatiques (les ''épigones'' ou héritiers) ont en effet été recrutés pour être armés sur le modèle macédonien. L'armée compte également des cavaliers des Hautes satrapies, des marins [[Égypte antique|égyptiens]], [[phénicie]]ns, [[Chypre (île)|chypriotes]] pour la descente de l'Indus déjà envisagée<ref name="GOU291">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=291}}.</ref>. Alexandre repasse donc les monts [[Hindou Kouch|Paraponisades]] et se rend à [[Villes fondées par Alexandre le Grand|Alexandrie-du-Caucase]] (actuelle [[Begrâm]] près de [[Kaboul]]). Il y reçoit le renfort de [[Taxilès]], [[raja]] de [[Taxila]], qui appelle à lutter contre son puissant voisin [[Poros (roi)|Pôros]], qui cherche à soumettre tout le [[Pendjab]]<ref name="GOU294"/>{{,}}<ref group=N>Taxilès lui offre à cette occasion quelques [[Éléphant de guerre|éléphants de guerre]].</ref>. Puis il charge [[Héphestion|Héphaistion]] et [[Perdiccas (général)|Perdiccas]] de soumettre les peuples de la rive sud du Cophen, une rivière qui descend de la vallée de l’actuelle Kaboul vers l'[[Indus]], tandis qu'il s'occupe de la rive septentrionale (été 327). Si la conquête de la rive sud se déroule sans trop d’encombre, ses deux généraux atteignant le fleuve avant lui, Alexandre est confronté dans le [[Gandhara]] à la résistance des [[Assacènes]], une peuplade apparentée aux [[Sakas]] et aux [[Massagètes]], qui ont levé une grande armée<ref name="GOU295">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=295}}.</ref>. Leur capitale, Massaga, est prise à l'issue d'un siège durant lequel Alexandre est blessé. La place forte d'[[Aornos]], réputée inexpugnable, est prise difficilement en avril [[326 av. J.-C.|326]]<ref>{{Harvsp|Briant|1994|p=18|id="PUF94"}}.</ref>. Le pays est alors érigé en satrapie sous la responsabilité de Nicanor, mais celui-ci est rapidement tué lors d'une insurrection<ref name="GOU295"/>.
Au printemps {{date|-327}}, Alexandre quitte [[Bactres]] à la tête de {{unité|120000|personnes}}, combattants et non-combattants inclus<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=106}}.</ref>. Les [[Grèce antique|Gréco]]-[[Macédonien]]s ne représentent guère que la moitié des effectifs militaires. De nombreux Asiatiques (les ''épigones'' ou héritiers) ont en effet été recrutés pour être armés sur le [[Armée macédonienne|modèle macédonien]]. L'armée compte également des cavaliers des Hautes satrapies, des marins [[Égypte antique|égyptiens]], [[phénicie]]ns, [[Chypre (île)|chypriotes]] pour la descente de l'Indus déjà envisagée<ref name="GOU291">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=291}}.</ref>. Alexandre repasse donc les monts [[Hindou Kouch|Paraponisades]] et se rend à [[Villes fondées par Alexandre le Grand|Alexandrie-du-Caucase]] (actuel [[Begrâm]] près de [[Kaboul]]). Il y reçoit le renfort de [[Taxilès]], [[raja]] de [[Taxila]], qui appelle à lutter contre son puissant voisin [[Poros (roi)|Pôros]], qui cherche à soumettre tout le [[Pendjab]]<ref name="GOU294"/>{{,}}<ref group=N>Taxilès lui offre à cette occasion quelques [[Éléphant de guerre|éléphants de guerre]].</ref>. Puis il charge [[Héphestion|Héphaistion]] et [[Perdiccas (général)|Perdiccas]] de soumettre les peuples de la rive sud du Cophen, une rivière qui descend de la vallée de l'actuel Kaboul vers l'[[Indus]], tandis qu'il s'occupe de la rive septentrionale (été 327). Si la conquête de la rive sud se déroule sans trop d’encombre, ses deux généraux atteignant le fleuve avant lui, Alexandre est confronté dans le [[Gandhara]] à la résistance des [[Assacènes]], une peuplade apparentée aux [[Sakas]] et aux [[Massagètes]], qui ont levé une grande armée<ref name="GOU295">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=295}}.</ref>. Leur capitale, Massaga, est prise à l'issue d'un siège durant lequel Alexandre est blessé. La place forte d'[[Aornos]], réputée inexpugnable, est prise difficilement en {{date|avril -326}}<ref>{{Harvsp|Briant|1994|p=18|id=PUF1994}}.</ref>. Le pays est alors érigé en satrapie sous la responsabilité de Nicanor, mais celui-ci est rapidement tué lors d'une insurrection<ref name="GOU295"/>.


Au cours du printemps 326, Alexandre franchit l'Indus grâce au pont construit par Héphaistion et Perdiccas. L'armée séjourne ensuite à [[Taxila]], la capitale du roi [[Taxilès]], qui appelle à lutter contre son voisin menaçant, [[Poros (roi)|Pôros]]. Peu après, l'armée s'ébranle pour combattre Pôros, qui surveille l'[[Jhelum (rivière)|Hydaspe]]<ref name="GOU295" />, l’un des affluents de l’Indus. Pôros, qui attend des renforts en provenance du Cachemire, dispose d'une armée déjà si nombreuse<ref group=N>Armée forte d'au moins 200 [[Éléphant de guerre|éléphants de guerre]].</ref> qu'Alexandre décide de l'attaquer immédiatement<ref name="GOU296">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=296}}.</ref>. Il manœuvre avec habileté, car, laissant [[Cratère (général)|Cratère]] avec le gros des troupes, il traverse avec sa cavalerie et ses [[hypaspistes]] le fleuve, pourtant gonflé par la fonte des neiges, dans une région boisée environ {{unité|150|stades}} en amont (environ {{unité|30|km}}), afin de prendre Pôros à revers. La victoire est acquise, mais la [[bataille de l'Hydaspe]] est d’une grande violence. Les cavaliers asiatiques ont montré leur efficacité, confortant Alexandre à poursuivre sa politique d'intégration des peuples vaincus<ref name="GOU296"/>. [[Bucéphale]] meurt durant la bataille et, en son honneur, Alexandre fonde sur son tombeau la cité de [[Bucéphalie]]. Peu après, Alexandre perd son chien [[Péritas]], et il lui construit également une cité en hommage<ref group="A" name="PLU61" />.
Au cours du printemps 326, Alexandre franchit l'Indus grâce au pont construit par Héphaistion et Perdiccas. L'armée séjourne ensuite à [[Taxila]], la capitale du roi [[Taxilès]], qui appelle à lutter contre son voisin menaçant, [[Poros (roi)|Pôros]]. Peu après, l'armée s'ébranle pour combattre Pôros, qui surveille l'[[Jhelum (rivière)|Hydaspe]]<ref name="GOU295" />, l’un des affluents de l’Indus. Pôros, qui attend des renforts en provenance du Cachemire, dispose d'une armée déjà si nombreuse<ref group=N>Armée forte d'au moins 200 [[Éléphant de guerre|éléphants de guerre]].</ref> qu'Alexandre décide de l'attaquer immédiatement<ref name="GOU296">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=296}}.</ref>. Il manœuvre avec habileté, car, laissant [[Cratère (général)|Cratère]] avec le gros des troupes, il traverse avec sa cavalerie et ses [[hypaspistes]] le fleuve, pourtant gonflé par la fonte des neiges, dans une région boisée environ {{unité|150|stades}} en amont (environ {{unité|30|km}}), afin de prendre Pôros à revers. La victoire est acquise, mais la [[bataille de l'Hydaspe]] est d'une grande violence. Les cavaliers asiatiques ont montré leur efficacité, confortant Alexandre à poursuivre sa politique d'intégration des peuples vaincus<ref name="GOU296"/>. [[Bucéphale]] meurt au cours de la bataille, Alexandre fonde en son honneur la cité de [[Bucéphalie]]. Peu après, Alexandre perd son chien [[Péritas]], il lui dédie également une cité<ref group="A" name="PLU61" />.


Poursuivant sa politique d’intégration des chefs locaux, Alexandre laisse Pôros en place, qui abandonne ses prétentions au-delà de l'[[Jhelum (rivière)|Hydaspe]]<ref name="GOU296"/>, avec un territoire plus vaste que celui d’origine. Une révolte des Assacènes sur ses arrières l’oblige à envoyer des troupes dirigées par [[Philippe (satrape)|Philippe]] et Tyriaspès. En guise de compensation après le ralliement de Pôros, qui semble-t-il a pour but de conquérir la plaine du [[Gange]] aux dépens de la dynastie des Nanda de [[Patna]], Alexandre décide de soumettre des peuplades à l'est du [[Pendjab]]<ref name="GOU296"/>. Mais cette campagne nécessite d'âpres combats contre de petites « républiques », comme celle des Arattas. Alexandre pense alors franchir l’Hyphase (actuelle rivière [[Beas (rivière)|Beâs]]) pour une simple démonstration de force, comprenant que les Nanda seraient de puissants adversaires<ref name="GOU297">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=297}}.</ref>.
Poursuivant sa politique d’intégration des chefs locaux, Alexandre laisse Pôros en place, qui abandonne ses prétentions au-delà de l'[[Jhelum (rivière)|Hydaspe]]<ref name="GOU296"/>, avec un territoire plus vaste que celui d’origine. Une révolte des Assacènes sur ses arrières l’oblige à envoyer des troupes dirigées par [[Philippe (satrape)|Philippe]] et Tyriaspès. En guise de compensation après le ralliement de Pôros, qui semble-t-il a pour but de conquérir la plaine du [[Gange]] aux dépens de la dynastie des Nanda de [[Patna]], Alexandre décide de soumettre des peuplades à l'est du [[Pendjab]]<ref name="GOU296"/>. Mais cette campagne nécessite d'âpres combats contre de petites « républiques », comme celle des Arattas. Alexandre pense alors franchir l'Hyphase (actuel [[Beas (rivière)|Beâs]]) pour une simple démonstration de force, comprenant que les Nanda seraient de puissants adversaires<ref name="GOU297">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=297}}.</ref>.


À l’automne 326, sur les rives de l'Hyphase, Alexandre doit affronter une levée de boucliers des Grecs et des Macédoniens<ref name="GOU297"/>, dont [[Coénos (général)|Coénos]] se fait le porte-parole<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', V, 27, 5.</ref>. Après s'être enfermé trois jours sous sa tente, il est obligé de se plier à la volonté de ses soldats et donne l’ordre du retour. Il fait ériger douze autels monumentaux pour chacun des douze principaux dieux de l'[[Mont Olympe|Olympe]], ainsi qu’un camp artificiellement agrandi jusqu'au triple de ses dimensions normales afin d'intimider d'éventuels envahisseurs<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=113}}.</ref>, marquant le point extrême de sa progression à l'est<ref name="GOU297"/>. Cette sédition est révélatrice de la coupure qui s'est créée entre le roi et ses troupes. Certains de ses officiers, les épisodes de la mort de [[Philotas]] et de [[Cleitos (compagnon d'Alexandre)|Cleitos]] le rappellent, sont hostiles à un mode de gouvernement de plus en plus personnel et autocratique sur le modèle asiatique. Les soldats sont quant à eux physiquement exténués<ref group=N>Un simple soldat de l’expédition qui a quitté la Macédoine en 334 et atteint l’Inde a parcouru environ {{unité|20000|kilomètres}}.</ref>. Ils expriment par ailleurs la volonté de revoir leur famille et de jouir du butin accumulé<ref>{{Harvsp|Briant|1994|p=60|id=PUF1994}}.</ref>.
À l’automne 326, sur les rives de l'Hyphase, Alexandre doit affronter une levée de boucliers des Grecs et des Macédoniens<ref name="GOU297"/>, dont [[Coénos (général)|Coénos]] se fait le porte-parole<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{V}}, 27, 5.</ref>. Après s'être enfermé trois jours sous sa tente, il est obligé de se plier à la volonté de ses soldats et donne l’ordre du retour. Il fait ériger [[Autels d'Alexandre|douze autels monumentaux]] pour chacun des douze principaux dieux de l'[[Mont Olympe|Olympe]], ainsi qu’un camp artificiellement agrandi jusqu'au triple de ses dimensions normales afin d'intimider d'éventuels envahisseurs<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=113}}.</ref>, marquant le point extrême de sa progression à l'est<ref name="GOU297"/>. Cette sédition est révélatrice de la coupure qui s'est créée entre le roi et ses troupes. Certains de ses officiers, les épisodes de la mort de [[Philotas]] et de [[Cleitos (compagnon d'Alexandre)|Cleitos]] le rappellent, sont hostiles à un mode de gouvernement de plus en plus autocratique sur le modèle asiatique. Les soldats sont aussi physiquement exténués par huit années de campagne<ref group=N>Un simple soldat de l’expédition qui a quitté la Macédoine en 334 et atteint l’Inde a parcouru environ {{unité|20000|kilomètres}}.</ref>. Selon [[Plutarque]], le souvenir de la [[bataille de l'Hydaspe]] fait redouter à la phalange des batailles encore plus difficiles. Les soldats expriment par ailleurs la volonté de revoir leur patrie et de jouir du butin accumulé<ref>{{Harvsp|Briant|1994|p=60|id=PUF1994}}.</ref>.


==== La conquête de la vallée de l’Indus (automne 326-printemps 325) ====
==== Conquête de la vallée de l’Indus (automne 326-printemps 325) ====
[[Fichier:Tetradrachm Ptolemaeus I obverse CdM Paris FGM2157.jpg|vignette|alt=Pièce de monnaie à l'effigie d'Alexandre portant un scalp d’éléphant|Monnaie de [[Ptolémée Ier|Ptolémée {{Ier}}]] à l'effigie d'Alexandre portant un scalp d’éléphant, symbole de sa conquête de l’Inde.]]
[[Fichier:Tetradrachm Ptolemaeus I obverse CdM Paris FGM2157.jpg|vignette|gauche|alt=Pièce de monnaie à l'effigie d'Alexandre portant un scalp d’éléphant|Monnaie de {{noble|Ptolémée Ier}} à l'effigie d'Alexandre portant un scalp d’éléphant, symbole de sa conquête de l’Inde.]]


Alexandre décide de soumettre toute la vallée de l’[[Indus]] afin d'assurer la route du retour à [[Babylone]]. Il fait construire une flotte d'environ {{formatnum:1000}} navires sur laquelle il embarque début novembre [[326 av. J.-C.]] avec une partie de son armée pour descendre l’Hydaspe puis l'[[Chenab|Acésine]] afin de rejoindre l’Indus. Cette flotte a été construite avec la contribution financière de nobles de la cour et de l’état-major du roi. Elle est dirigée par [[Néarque]] avec des équipages essentiellement [[phénicie]]ns et [[Grèce antique|grecs]] grâce aux renforts reçus en Inde. Avant le départ, une assemblée des princes locaux reconnaît [[Poros (roi)|Pôrôs]] comme souverain, sous tutelle du roi de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]]<ref name="GOU298">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=298}}.</ref>.
Alexandre décide de soumettre toute la vallée de l’[[Indus]] afin d'assurer la route du retour à [[Babylone]]. Il fait construire une flotte d'environ {{formatnum:1000}} navires sur laquelle il embarque début novembre {{date|-326}} avec une partie de son armée pour descendre l’[[Jhelum (rivière)|Hydaspe]] puis l'[[Chenab|Acésine]] afin de rejoindre l’Indus{{Sfn|Goukowsky|1993|p=298}}. Cette flotte a été construite avec la contribution financière de nobles de la cour et de l’état-major du roi. Elle est dirigée par [[Néarque]] avec des équipages essentiellement [[phénicie]]ns et [[Grèce antique|grecs]] grâce aux renforts reçus en Inde. Avant le départ, une assemblée des princes locaux reconnaît [[Poros (roi)|Pôrôs]] comme souverain, sous tutelle du roi de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]]<ref name="GOU298">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=298}}.</ref>.


Alexandre embarque avec lui les archers, les [[hypaspistes]]<ref group=N>Appelés [[argyraspides]] ou Boucliers d'argent après 327 : Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 11, 3.</ref> et les cavaliers de sa garde pendant que [[Cratère (général)|Cratère]] longe la rive droite et qu'[[Héphestion|Héphaistion]], avec l'essentiel de l'armée, descend le long de la rive gauche. À l’embouchure de l’Hydaspe et de l’Acesine, des rapides endommagent la flotte qui doit être réparée. Certains peuples se soumettent rapidement, mais les Cathéens, les [[Malva (Inde)|Malliens]] et les [[Oxydraques]] se soulèvent. Vers la mi-novembre 326, Alexandre commet la faute d’attaquer une ville peuplée de [[brahmane]]s malliens, provoquant une rébellion qui se propage rapidement. Au cours de cet engagement, durant lequel il monte à l'assaut des remparts de la ville, les [[sômatophylaques]] [[Léonnatos]] et [[Peucestas]] lui sauvent la vie, ce dernier protégeant le souverain avec le (supposé) bouclier d'[[Achille]] démonté du temple d'[[Athéna]] à [[Troie]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VI}}, 9-11 ; Plutarque, ''Alexandre'', 63 ; Diodore, {{XVII}}, 99 ; Quinte-Curce, {{IX}}, 5, 12-18.</ref>. Alexandre est assez sérieusement blessé, au point que l’armée croit en sa mort<ref group=N>Alexandre doit faire ouvrir les rideaux de la cabine de son navire pour rassurer ses troupes.</ref> et que cette rumeur se répand dans tout l'empire suscitant des troubles sporadiques, notamment la défection de mercenaires grecs en [[Bactriane]]<ref name="GOU298"/>{{,}}<ref group=N>Les colons de Bactriane se révoltent à nouveau en [[323 av. J.-C.|323]] après la mort d'Alexandre : Diodore, XVIII, 7, 1.</ref>. Sa convalescence l'oblige à arrêter l'expédition, probablement jusqu'au printemps [[325 av. J.-C.|325]]. [[Peithon]] se voit alors confier une violente campagne de répression contre les Malliens<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VI}}, 14, 3.</ref>{{,}}<ref group=N>Arrien dresse un récit effrayant de la campagne contre les Malliens, qui sont soumis à un véritable « génocide ».</ref>. La peur des Macédoniens est désormais telle que le peuple de Patalène dans le delta de l'Indus préfère fuir avant l'arrivée d'Alexandre. La satrapie du [[Sind]], où une nouvelle Alexandrie est fondée, est dès lors confiée à Peithon<ref name="GOU298"/>. Alexandre finit par rejoindre l’embouchure de l’Indus au printemps 325 ; il établit à Patala un port, des arsenaux et des citernes, montrant qu'il souhaite établir des liens commerciaux entre cette lointaine région et le reste de son empire<ref name="GOU298"/>{{,}}<ref group=N>La région du delta se soulève peu de temps après le départ d'Alexandre.</ref>. Parvenus sur les rives de l'[[océan Indien]], les Gréco-Macédoniens sont étonnés par le phénomène des marées<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 58, 6.</ref>, quasi inconnu en [[mer Méditerranée]].
Alexandre embarque avec lui les archers, les [[hypaspistes]]<ref group=N>Appelés [[argyraspides]] ou Boucliers d'argent après 327 : Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 11, 3.</ref> et les cavaliers de sa garde pendant que [[Cratère (général)|Cratère]] longe la rive droite et qu'[[Héphestion|Héphaistion]], avec l'essentiel de l'armée, descend le long de la rive gauche. À l’embouchure de l’Hydaspe et de l’Acesine, des rapides endommagent la flotte qui doit être réparée. Certains peuples se soumettent rapidement, mais les Cathéens, les [[Malva (Inde)|Malliens]] et les [[Oxydraques]] se soulèvent. Vers la mi-novembre 326, Alexandre commet la faute d’attaquer une ville peuplée de [[brahmane]]s malliens, provoquant une rébellion qui se propage rapidement. Au cours de cet engagement, durant lequel il monte à l'assaut des remparts de la ville, les [[sômatophylaques]] [[Léonnatos]] et [[Peucestas (garde du corps)|Peucestas]] lui sauvent la vie, ce dernier protégeant le souverain avec le (supposé) bouclier d'[[Achille]] démonté du temple d'[[Athéna]] à [[Troie]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VI}}, 9-11 ; Plutarque, ''Alexandre'', 63 ; Diodore, {{XVII}}, 99 ; Quinte-Curce, {{IX}}, 5, 12-18.</ref>. Alexandre est assez sérieusement blessé, au point que l’armée croit en sa mort<ref group=N>Alexandre doit faire ouvrir les rideaux de la cabine de son navire pour rassurer ses troupes.</ref> et que cette rumeur se répand dans tout l'empire suscitant des troubles sporadiques, notamment la défection de mercenaires grecs en [[Bactriane]]<ref name="GOU298"/>{{,}}<ref group=N>Les colons de Bactriane se révoltent à nouveau en 323 après la mort d'Alexandre : Diodore, {{XVIII}}, 7, 1.</ref>. Sa convalescence l'oblige à arrêter l'expédition, probablement jusqu'au printemps 325. [[Peithon]] se voit alors confier une violente campagne de répression contre les Malliens<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VI}}, 14, 3.</ref>{{,}}<ref group=N>Arrien dresse un récit effrayant de la campagne contre les Malliens, qui sont soumis à une forme de « génocide ».</ref>. La peur des Macédoniens est désormais telle que le peuple de Patalène dans le delta de l'Indus préfère fuir avant l'arrivée d'Alexandre. La satrapie du [[Sind]], où une nouvelle Alexandrie est fondée, est dès lors confiée à Peithon<ref name="GOU298"/>. Alexandre finit par rejoindre l’embouchure de l’Indus au printemps 325 ; il établit à Patala un port, des arsenaux et des citernes, montrant qu'il souhaite établir des liens commerciaux entre cette lointaine région et le reste de son empire<ref name="GOU298"/>{{,}}<ref group=N>La région du delta se soulève peu de temps après le départ d'Alexandre.</ref>. Parvenus sur les rives de l'[[océan Indien]], les Gréco-Macédoniens sont étonnés par le phénomène des marées<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 58, 6.</ref>, quasi inconnu en [[mer Méditerranée]].


==== Le difficile retour (juillet 325-décembre 325) ====
==== Un difficile retour (juillet 325-décembre 325) ====
[[Fichier:Gedrosia-Map-Route-of-Alexander-1823-Lucas.png|vignette|275px|right|Itinéraire d'Alexandre à travers la [[Gédrosie]] et la [[Province de Kerman|Carmanie]], carte de 1823.]]
[[Fichier:Gedrosia-Map-Route-of-Alexander-1823-Lucas.png|vignette|275px|right|Itinéraire d'Alexandre à travers la [[Gédrosie]] et la [[Province de Kerman|Carmanie]], carte de 1823.]]


Alexandre, pour son retour vers [[Babylone]], divise son armée en trois corps en juillet [[325 av. J.-C.]] [[Cratère (général)|Cratère]] quitte la vallée de l’[[Indus]] avec la moitié de la phalange (soit quatre ''taxeis''), les [[Éléphant de guerre|éléphants]] et les [[argyraspides]], qui comptent retourner en [[Royaume de Macédoine|Macédoine]]<ref name="GOU298"/>. Il remonte par l’[[Arachosie]] et la [[Drangiane]] (sud de l’[[Afghanistan]] actuel) et doit retrouver Alexandre en [[Province de Kerman|Carmanie]], région qui correspond au sud de l’[[Iran]] actuel vers le [[détroit d'Ormuz]]. [[Néarque]] avec une flotte d’une centaine de navires, {{unité|2000|marins}} et {{unité|12000|soldats}}, est chargé de rouvrir la route maritime entre l’Indus et l’embouchure du [[Tigre (fleuve)|Tigre]] et de l’[[Euphrate]]. Mais cette exploration nécessite un appui terrestre, sous la forme de dépôts de vivres, mission dont se charge Alexandre à la tête de ses meilleures troupes<ref name="GOU299">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=299}}.</ref>. Il choisit pour ce faire l'itinéraire le plus difficile en longeant la côte de la [[Gédrosie]] (actuel [[Baloutchistan (Pakistan)|Balouchistan]] [[pakistan]]ais). Depuis Patala sur l’[[Indus]], il gagne avec {{unité|25000|hommes}} l’actuelle région de [[Karachi]], où le peuple des Arabites capitule sans combattre. Puis il atteint la vallée du Purali, dont il soumet les habitants, les Orites. La côte, peuplée de « Mangeurs de poissons », étant trop misérable pour approvisionner la troupe, il doit demander de l’aide aux Gédrosiens de l’intérieur du pays, qui cultivent dans des vallées irriguées<ref name="GOU299"/>. Il choisit alors de diviser son armée en deux corps ; celui commandé par [[Léonnatos]] doit suivre l’itinéraire traditionnel des caravanes, plus au nord, et faire sa jonction avec Alexandre à Pura, capitale de la Gédrosie. Alexandre avec {{unité|12000|hommes}}, dont ses troupes d’élite et un convoi de femmes et d’enfants, traverse la Gédrosie par le désert du [[Makran]], qui longe le littoral<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 105-106 ; Quinte-Curce, {{IX}}, 10, 4-19 ; Plutarque, ''Alexandre'', 66, 4-7 ; Arrien, ''Anabase'', {{VI}}, 21-27 ; ''Indica'', 20-36, 3 ; Justin, {{XII}}, 10, 7 ; Strabon, {{XV}}, 720-723.</ref>{{,}}<ref group=N>Il est difficile d’établir l'itinéraire exact suivi par Alexandre entre le Purali et Pura. Les sources antiques sont peu précises et parfois contradictoires.</ref>. Or, au moment où Alexandre entre dans le désert, les Gédrosiens et les Orites se révoltent ; il n'obtient donc pas les vivres escomptés<ref name="GOU299"/>. Le désert de Makran est une région particulièrement inhospitalière, couverte de marécages salés et comptant peu d’oasis. Une grande partie du convoi avec les femmes, les enfants et les attelages est emportée par la brusque montée d’un torrent. La troupe met deux mois pour accomplir {{unité|700|km}} entre la vallée du Purali et Pura. Alexandre rallie la ville de Pura en décembre 325, où il est rejoint par le contingent de Léonnatos qui a entre-temps fondé Alexandrie des Orites. Malgré la saison des pluies, plus de {{unité|6000|personnes}} seraient mortes de soif et d’épuisement durant cette marche dans le désert du Makran<ref group=N>[[Plutarque]] se trompe en écrivant qu'Alexandre a perdu en [[Gédrosie]] les trois-quarts de son armée. Voir à ce sujet {{Harvsp|Faure|1985|p=118-119 }} et {{Harvsp|Goukowsky|1993|p=299}}.</ref>, d'autant qu’une partie des réserves de grain est déposée dans des fortins au bord de la mer pour approvisionner la flotte. Ce voyage est le plus éprouvant de toute l’expédition d’Alexandre et entraîne un grand nombre de décès par épuisement, soif et sous-alimentation ; tous les chevaux et les bêtes de somme meurent au cours de ce périple. En outre, cette souffrance a été inutile : jamais Alexandre n'est parvenu à établir le contact avec la flotte de Néarque<ref name="GOU299"/>. Parvenu en [[Province de Kerman|Carmanie]], Alexandre est alors rejoint par [[Cratère (général)|Cratère]].
Alexandre, pour son retour vers [[Babylone]], divise son armée en trois corps en juillet 325 [[Cratère (général)|Cratère]] quitte la vallée de l’[[Indus]] avec la moitié de la phalange (soit quatre ''taxeis''), les [[Éléphant de guerre|éléphants]] et les [[argyraspides]], qui comptent retourner en [[Royaume de Macédoine|Macédoine]]<ref name="GOU298"/>. Il remonte par l’[[Arachosie]] et la [[Drangiane]] (sud de l’[[Afghanistan]] actuel) et doit retrouver Alexandre en [[Province de Kerman|Carmanie]], région qui correspond au sud de l’[[Iran]] actuel vers le [[détroit d'Ormuz]]. [[Néarque]] avec une flotte d’une centaine de navires, {{unité|2000|marins}} et {{unité|12000|soldats}}, est chargé de rouvrir la route maritime entre l’Indus et l’embouchure du [[Tigre (fleuve)|Tigre]] et de l’[[Euphrate]]. Mais cette exploration nécessite un appui terrestre, sous la forme de dépôts de vivres, mission dont se charge Alexandre à la tête de ses meilleures troupes<ref name="GOU299">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=299}}.</ref>. Il choisit pour ce faire l'itinéraire le plus difficile en longeant la côte de la [[Gédrosie]] (actuel [[Baloutchistan (Pakistan)|Balouchistan]] [[pakistan]]ais). Depuis Patala sur l’[[Indus]], il gagne avec {{unité|25000|hommes}} l'actuelle région de [[Karachi]], où le peuple des Arabites capitule sans combattre. Puis il atteint la vallée du Purali, dont il soumet les habitants, les Orites. La côte, peuplée de « Mangeurs de poissons », étant trop misérable pour approvisionner la troupe, il doit demander de l’aide aux Gédrosiens de l’intérieur du pays, qui cultivent dans des vallées irriguées<ref name="GOU299"/>. Il choisit alors de diviser son armée en deux corps ; celui commandé par [[Léonnatos]] doit suivre l’itinéraire traditionnel des caravanes, plus au nord, et faire sa jonction avec Alexandre à Pura, capitale de la Gédrosie. Alexandre avec {{unité|12000|hommes}}, dont ses troupes d’élite et un convoi de femmes et d’enfants, traverse la Gédrosie par le désert du [[Makran]], qui longe le littoral<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 105-106 ; Quinte-Curce, {{IX}}, 10, 4-19 ; Plutarque, ''Alexandre'', 66, 4-7 ; Arrien, ''Anabase'', {{VI}}, 21-27 ; ''Indica'', 20-36, 3 ; Justin, {{XII}}, 10, 7 ; Strabon, {{XV}}, 720-723.</ref>{{,}}<ref group=N>Il est difficile d’établir l'itinéraire exact suivi par Alexandre entre le Purali et Pura. Les sources antiques sont peu précises et parfois contradictoires.</ref>. Or, au moment où Alexandre entre dans le désert, les Gédrosiens et les Orites se révoltent ; il n'obtient donc pas les vivres escomptés<ref name="GOU299"/>. Le désert de Makran est une région particulièrement inhospitalière, couverte de marécages salés et comptant peu d’oasis. Une grande partie du convoi avec les femmes, les enfants et les attelages est emportée par la brusque montée d’un torrent. La troupe met deux mois pour accomplir {{unité|700|km}} entre la vallée du Purali et Pura. Alexandre rallie la ville de Pura en décembre 325, où il est rejoint par le contingent de Léonnatos qui a entre-temps fondé Alexandrie des Orites. Malgré la saison des pluies, plus de {{unité|6000|personnes}} seraient mortes de soif et d’épuisement durant cette marche dans le désert du Makran<ref group=N>[[Plutarque]] se trompe en écrivant qu'Alexandre a perdu en [[Gédrosie]] les trois-quarts de son armée. Voir à ce sujet {{Harvsp|Faure|1985|p=118-119 }} et {{Harvsp|Goukowsky|1993|p=299}}.</ref>, d'autant qu’une partie des réserves de grain est déposée dans des fortins au bord de la mer pour approvisionner la flotte. Ce voyage est le plus éprouvant de toute l’expédition d’Alexandre et entraîne un grand nombre de décès par épuisement, soif et sous-alimentation ; tous les chevaux et les bêtes de somme meurent au cours de ce périple. En outre, cette souffrance a été inutile : jamais Alexandre n'est parvenu à établir le contact avec la flotte de Néarque<ref name="GOU299"/>. Parvenu en [[Province de Kerman|Carmanie]], Alexandre est alors rejoint par [[Cratère (général)|Cratère]].


Pilotée par [[Néarque]], avec pour second [[Onésicrite]]<ref name="Faure p120">{{Harvsp|Faure|1985|p=120}}.</ref>, la flotte a pour mission de longer la côte de la mer d'[[Érythrée]] (actuelle mer d'[[Oman]]) pour rallier ensuite l'[[Euphrate]] afin d'explorer une voie pour le commerce maritime entre l'Inde et la [[Satrapie de Babylonie|Babylonie]]<ref name="A15p86">{{Harvsp|Briant|2018|p=86|id=A15ans}}.</ref>{{,}}<ref group=A>Sur le périple de [[Néarque]] : Diodore {{XVII}}, 104, 3 ; Plutarque, ''Alexandre'', 66, 2 ; Arrien, ''Anabase'', {{VI}}, 21 ; ''Inde'', 20-21 ; Quinte-Curce, {{IX}}, 10, 3-4.</ref>. Cette flotte, composée de {{unité|120|navires}} transportant {{unité|10000|hommes}}<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=499}}.</ref>, part avec un mois de retard sur les plans initiaux à cause des vents de [[mousson]] fin octobre 325<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VI}}, 21, 2 ; Arrien, ''Inde'', 21, 1 ; Strabon, {{XV}}, 2, 5.</ref>. Elle est confrontée à plusieurs tempêtes, qui coulent trois navires au moins. Néarque est obligé de maintenir la flotte à la mer jour et nuit car il craint les désertions. Il lui est impossible de se ravitailler à terre sur la côte de la [[Gédrosie]]<ref group=A name="ARRVII21">Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 21.</ref>, le pays des misérables Ichtyophages (« Mangeurs de poisson »). En outre, les dépôts laissés par Alexandre sont attaqués par les Orites. Les seuls aliments proviennent donc de la mer, ce qui prend au dépourvu la flotte, qui souffre de la faim. Après {{unité|1300|km}} et {{unité|80|jours}} de navigation, Néarque parvient à Harmozia ([[Détroit d'Ormuz|Ormuz]]) en face du promontoire de Macéta (actuel [[Émirats arabes unis]]). Il se rend alors au-devant d'Alexandre, qui le reçoit avec des transports d’allégresse, car il a cru sa flotte disparue<ref name="Faure p120" />. Néarque repart ensuite jusqu’aux bouches de l'Euphrate (décembre 325) et rallie [[Suse (Iran)|Suse]]<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=121}}.</ref>.
Pilotée par [[Néarque]] le Crétois, avec pour second [[Onésicrite]]<ref name="Faure p120">{{Harvsp|Faure|1985|p=120}}.</ref>, la flotte a pour mission de longer la côte de la mer d'[[Érythrée]] (actuelle mer d'[[Oman]]) pour rallier ensuite l'[[Euphrate]] afin d'explorer une voie pour le commerce maritime entre l'Inde et la [[Satrapie de Babylonie|Babylonie]]<ref name="A15p86">{{Harvsp|Briant|2018|p=86|id=A15ans}}.</ref>{{,}}<ref group=A>Sur ce périple voir Diodore {{XVII}}, 104, 3 ; Plutarque, ''Alexandre'', 66, 2 ; Arrien, ''Anabase'', {{VI}}, 21 ; ''Inde'', 20-21 ; Quinte-Curce, {{IX}}, 10, 3-4.</ref>. Cette flotte, composée de {{nobr|120 navires}} transportant {{unité|10000|hommes}}<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=499}}.</ref>, part avec un mois de retard sur les plans initiaux à cause des vents de [[mousson]] fin octobre 325<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VI}}, 21, 2 ; Arrien, ''Inde'', 21, 1 ; Strabon, {{XV}}, 2, 5.</ref>. Elle est confrontée à plusieurs tempêtes, qui coulent trois navires au moins. Néarque est obligé de maintenir la flotte à la mer jour et nuit car il craint les désertions. Il lui est impossible de se ravitailler à terre sur la côte de la [[Gédrosie]]<ref group=A name="ARRVII21">Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 21.</ref>, le pays des misérables Ichtyophages (« Mangeurs de poisson »). En outre, les dépôts laissés par Alexandre sont attaqués par les Orites. Les seuls aliments proviennent donc de la mer, ce qui prend au dépourvu la flotte, qui souffre de la faim. Après {{unité|1300|km}} et {{nobr|80 jours}} de navigation, Néarque parvient à Harmozia ([[Détroit d'Ormuz|Ormuz]]) en face du promontoire de Macéta (actuel [[Émirats arabes unis]]). Il se rend alors au-devant d'Alexandre, qui le reçoit avec des transports d’allégresse, car il a cru sa flotte disparue<ref name="Faure p120" />. Néarque repart ensuite jusqu’aux bouches de l'Euphrate (décembre 325) et rallie [[Suse (Iran)|Suse]]<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=121}}.</ref>.

=== Les dernières années du règne ===


=== Dernières années du règne ===
==== Le temps des rébellions (fin 325-début 324) ====
==== Le temps des rébellions (fin 325-début 324) ====
Depuis la poursuite lancée contre [[Bessos]] en [[330 av. J.-C.]], Alexandre a perdu le contrôle direct des provinces de son empire<ref name="GOU300">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=300}}.</ref>. La fausse nouvelle de sa mort en Inde a suscité la défection des mercenaires grecs de [[Bactriane]], où Athénodôros se fait proclamer roi<ref name="GOU300"/>, certains de ces mercenaires regagnant la [[Grèce antique|Grèce]] depuis l'[[Anatolie|Asie Mineure]] probablement grâce à des navires [[Histoire d'Athènes|athéniens]]<ref name="GOU301">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=301}}.</ref>. Des rébellions ont aussi éclaté en [[Arachosie]] et en [[Mèdes|Médie]] ; les satrapes asiatiques de [[Province de Kerman|Carmanie]] et de [[Suse (Iran)|Suse]] montrent également des velléités d'indépendance<ref name="GOU300"/>. En [[Égypte antique|Égypte]], [[Cléomène de Naucratis|Cléomène]] dirige à sa guise en établissant des ateliers monétaires à [[Alexandrie]]<ref name="GOU301"/>. La défection la plus notable est celle d'[[Harpale (Macédoine)|Harpale]], compagnon de jeunesse d'Alexandre et trésorier royal, qui s'enfuit à l'automne 325 à [[Tarse (ville)|Tarse]] en [[Cilicie]], avant de rejoindre Athènes. C'est donc pour affaiblir la position d'Harpale qu'Alexandre fait licencier l'ensemble des mercenaires, dont le recrutement dépend alors du trésorier<ref name="GOU301"/>.
Depuis la poursuite lancée contre [[Bessos]] en {{date|-330}}, Alexandre a perdu le contrôle direct des provinces de son empire<ref name="GOU300">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=300}}.</ref>. La fausse nouvelle de sa mort en Inde a suscité la défection des mercenaires grecs de [[Bactriane]], où Athénodôros se fait proclamer roi<ref name="GOU300"/>, certains de ces mercenaires regagnant la [[Grèce antique|Grèce]] depuis l'[[Anatolie|Asie Mineure]] probablement grâce à des navires [[Histoire d'Athènes|athéniens]]<ref name="GOU301">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=301}}.</ref>. Des rébellions ont aussi éclaté en [[Arachosie]] et en [[Mèdes|Médie]] ; les satrapes asiatiques de [[Province de Kerman|Carmanie]] et de [[Suse (Iran)|Suse]] montrent également des velléités d'indépendance<ref name="GOU300"/>. En [[Égypte antique|Égypte]], [[Cléomène de Naucratis|Cléomène]] dirige à sa guise en établissant des ateliers monétaires à [[Alexandrie]]<ref name="GOU301"/>. La défection la plus notable est celle d'[[Harpale (Macédoine)|Harpale]], compagnon de jeunesse d'Alexandre et trésorier royal, qui s'enfuit à l'automne 325 à [[Tarse (ville)|Tarse]] en [[Cilicie]], avant de rejoindre Athènes. C'est donc pour affaiblir la position d'Harpale qu'Alexandre fait licencier l'ensemble des mercenaires, dont le recrutement dépend alors du trésorier<ref name="GOU301"/>.

Parvenu en [[Province de Kerman|Carmanie]] en décembre [[325 av. J.-C.|325]] après le difficile retour d'Inde, Alexandre doit rétablir son autorité. Il est par ailleurs confronté à des récriminations de toutes sortes contre les officiers qui ont gouverné en son absence. Deux stratèges de [[Mèdes|Médie]], Sitalcès et [[Cléandre de Macédoine|Cléandre]]<ref group=N>Ce sont les deux officiers qui ont été chargés de tuer [[Parménion]].</ref>, sont exécutés pour avoir commis des exactions et des sacrilèges<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VI}}, 8.</ref> ; il est aussi possible que Cléandre ait entretenu des relations diplomatiques avec [[Harpale (Macédoine)|Harpale]]. Quant aux satrapes de [[Province de Kerman|Carmanie]] et de [[Gédrosie]], qui ont failli à leur obligation de ravitaillement sur la route du retour d'Inde, ils sont exécutés<ref name="GOU301"/>. Il se débarrasse aussi de Baryaxès qui s’est proclamé « Grand Roi des Perses et des Mèdes »<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', VI, 29, 3.</ref>, et de satrapes à la fidélité douteuse, tel [[Orxinès]] en [[Satrapie de Perside|Perside]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', VI, 29.</ref>. Finalement, cette crise amène un remaniement à la tête des satrapies. Alexandre désigne par prudence des personnalités de second rang, à l'exception d'[[Antigone le Borgne]], qui conserve la [[Phrygie]], et de [[Peucestas]], promu en Perside<ref name="GOU302">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=302}}.</ref>.

==== Les noces de Suse (février-mars 324) ====
[[Fichier:Mosaica.jpg|vignette|alt=Mosaïque de Pompéi représentant Alexandre en tenue d'Arès et Stateira en tenue d'Aphrodite|Alexandre (en [[Arès]]) épousant [[Stateira (fille de Darius)|Stateira]] (en [[Aphrodite]]), mosaïque trouvée à [[Pompéi]], [[Musée archéologique national de Naples|musée archéologique de Naples]]]]

De [[Province de Kerman|Carmanie]], Alexandre se rend au début de l’année [[324 av. J.-C.]] à [[Pasargades]] à la tête de troupes légères tandis qu'[[Héphestion|Héphaistion]] poursuit le voyage avec le gros de l'armée le long des côtes de [[Satrapie de Perside|Perside]]. En chemin, Alexandre demande à [[Aristobule de Cassandréia|Aristobule]] de restaurer le [[Mausolée de Cyrus|tombeau de Cyrus]] qui a été profané{{sfn|Battistini|2018|p=258}}, témoignant d'un geste de bonne volonté à l'égard des Perses<ref>{{Harvsp|Johann Gustav Droysen|1999|p=425}} ; {{Harvsp|Battistini|2018|p=259}}.</ref>.


Parvenu en [[Province de Kerman|Carmanie]] en décembre 325 après le difficile retour d'Inde, Alexandre doit rétablir son autorité. Il est par ailleurs confronté à des récriminations de toutes sortes contre les officiers qui ont gouverné en son absence. Deux stratèges de [[Mèdes|Médie]], Sitalcès et [[Cléandre de Macédoine|Cléandre]]<ref group=N>Ce sont les deux officiers qui ont été chargés de tuer [[Parménion]].</ref>, sont exécutés pour avoir commis des exactions et des sacrilèges<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VI}}, 8.</ref> ; il est aussi possible que Cléandre ait entretenu des relations diplomatiques avec [[Harpale (Macédoine)|Harpale]]. Quant aux satrapes de [[Province de Kerman|Carmanie]] et de [[Gédrosie]], qui ont failli à leur obligation de ravitaillement sur la route du retour d'Inde, ils sont exécutés<ref name="GOU301"/>. Il se débarrasse aussi de Baryaxès qui s’est proclamé « Grand Roi des Perses et des Mèdes »<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VI}}, 29, 3.</ref>, et de satrapes à la fidélité douteuse, tel [[Orxinès]] en [[Satrapie de Perside|Perside]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VI}}, 29.</ref>. Finalement, cette crise amène un remaniement à la tête des satrapies. Alexandre désigne par prudence des personnalités de second rang, à l'exception d'[[Antigone le Borgne]], qui conserve la [[Phrygie]], et de [[Peucestas (garde du corps)|Peucestas]], promu en Perside<ref name="GOU302">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=302}}.</ref>.
Puis, Alexandre parvient à [[Suse (Iran)|Suse]], où sont célébrées des noces entre {{formatnum:10000}} Gréco-Macédoniens et des femmes perses et [[mèdes]]. Alexandre épouse [[Stateira (fille de Darius)|Stateira]], fille aînée de {{souverain2|Darius III}}, ainsi que, selon [[Arrien]] qui cite ici Aristobule, [[Parysatis (fille d'Artaxerxès III)|Parysatis]], une fille d'{{souverain2|Artaxerxès III}}<ref group=A name="ARRVII4">Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 4, 4-8.</ref>. Le [[chiliarque]] Héphaistion, deuxième dans la hiérarchie, épouse [[Drypétis]], une autre fille de Darius, tandis que les principaux généraux, dont [[Perdiccas (général)|Perdiccas]], [[Cratère (général)|Cratère]], [[Ptolémée Ier|Ptolémée]], [[Séleucos Ier|Séleucos]] et [[Eumène de Cardia|Eumène]] sont aussi mariés à des nobles perses{{sfn|Battistini|2018|p=261}}. Les noces durent cinq jours autour d'un magnifique banquet. Les mariages se font à la mode perse, ce qui ne manque pas de provoquer la désapprobation des Macédoniens qui ont déjà vu leur roi s'unir à [[Roxane]] et qui concluent qu’Alexandre s'éloigne des coutumes grecques pour adopter une mentalité « barbare ». Il offre les dots et propose que les enfants nés de ces unions soient élevés à la macédonienne pour intégrer un jour l'armée<ref name="GOU304">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=304}}.</ref>. Pour calmer la colère qui gronde, Alexandre paye les dettes de ceux qui en ont contracté et offre en un geste symbolique des couronnes d'or à ses généraux{{sfn|Battistini|2018|p=261-262}}.


==== Noces de Suse (février-mars 324) ====
Pour certains historiens contemporains, tel [[William Woodthorpe Tarn|William W. Tarn]]<ref>{{en}} W.W Tarn, ''Alexander the Great'', 1950, {{p.|399-449}}.</ref> qui s'appuie ici sur le récit d'[[Arrien]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 11, 8-9.</ref>, les noces de Suse témoignent de la volonté d'unir les peuples dans un esprit de fraternité universelle, les Perses n'étant plus considérés comme des sujets et se voyant associés au gouvernement de l'empire. Mais cette vision idéaliste ne résiste pas à un examen critique<ref name="BRI94p119">{{Harvsp|Briant|1994|p=119|id=PUF1994}}.</ref>. Ainsi pour Ernst Badian, ces noces sont d'abord le prétexte d'une réconciliation entre Alexandre et les Macédoniens, alors que cette hypothétique « fusion » entre les peuples concerne en premier lieu les élites<ref>{{en}} E. Badian, « Alexander the Great and the Unity of Mankind », ''Historia'', 1958, {{p.|425-444}}.</ref>. Pour autant, Alexandre montre qu'il a su dépasser l'opposition traditionnelle entre Grecs et barbares, avec pour objectif d'assurer la pérennité de l'empire<ref name="GOU304"/>.
{{Article détaillé|Noces de Suse}}
[[Fichier:Mosaica.jpg|vignette|alt=Mosaïque de Pompéi représentant Alexandre en tenue d'Arès et Stateira en tenue d'Aphrodite|Alexandre (en [[Arès]]) épousant [[Stateira (fille de Darius)|Stateira]] (en [[Aphrodite]]), mosaïque trouvée à [[Pompéi]], [[Musée archéologique national de Naples|musée archéologique de Naples]].]]


De [[Province de Kerman|Carmanie]], Alexandre se rend au début de l’année {{date|-324}} à [[Pasargades]] à la tête de troupes légères tandis qu'[[Héphestion|Héphaistion]] poursuit le voyage avec le gros de l'armée le long des côtes de [[Satrapie de Perside|Perside]]. En chemin, Alexandre demande à [[Aristobule de Cassandréia|Aristobule]] de restaurer le [[Mausolée de Cyrus|tombeau de Cyrus]] qui a été profané{{sfn|Battistini|2018|p=258}}, témoignant d'un geste de bonne volonté à l'égard des [[Perses]]<ref>{{Harvsp|Johann Gustav Droysen|1999|p=425}} ; {{Harvsp|Battistini|2018|p=259}}.</ref>.
==== La mutinerie d'Opis (printemps 324) ====


Puis Alexandre parvient à [[Suse (Iran)|Suse]], où sont célébrées des [[Noces de Suse|noces]] fastueuses entre {{nombre|10000 Gréco-Macédoniens}} et des femmes perses et [[mèdes]]{{Sfn|Goukowsky|1993|p=304}}. Alexandre épouse [[Stateira (fille de Darius)|Stateira]], fille aînée de {{noble|Darius III}}, ainsi que, selon [[Arrien]] qui cite ici Aristobule, [[Parysatis (fille d'Artaxerxès III)|Parysatis]], une fille d'{{noble|Artaxerxès III}}<ref group=A name="ARRVII4">Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 4, 4-8.</ref>. Le [[chiliarque]] Héphaistion, deuxième dans la hiérarchie, épouse [[Drypétis]], une autre fille de Darius, tandis que les principaux généraux, dont [[Perdiccas (général)|Perdiccas]], [[Cratère (général)|Cratère]], [[Ptolémée Ier|Ptolémée]], [[Séleucos Ier|Séleucos]] et [[Eumène de Cardia|Eumène]] sont aussi mariés à des nobles perses{{sfn|Battistini|2018|p=261}}. Les noces durent cinq jours autour d'un somptueux banquet. Le cérémonial se fait selon les coutumes perses, ce qui ne manque pas de provoquer la désapprobation des Macédoniens qui ont déjà vu leur roi s'unir à [[Roxane]] et qui concluent qu’Alexandre s'éloigne des mœurs grecques pour adopter une mentalité « barbare ». Il offre les dots et propose que les enfants nés de ces unions soient élevés à la macédonienne pour intégrer un jour l'armée<ref name="GOU304">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=304}}.</ref>. Pour calmer la colère qui gronde, Alexandre paye les dettes de ceux qui en ont contracté et offre en un geste symbolique des couronnes d'or à ses généraux{{sfn|Battistini|2018|p=261-262}}.
Immédiatement après les noces de [[Suse (Iran)|Suse]] au printemps [[324 av. J.-C.]], une révolte éclate au sein de l'armée à [[Opis]], sur le [[Tigre (fleuve)|Tigre]] au nord de [[Babylone]]<ref name="GOU304"/>. Les soldats condamnent d'abord la place nouvelle accordée aux troupes asiatiques. La création d'une cinquième [[Hipparque (cavalerie)|hipparchie]] composée d'Asiatiques dans le corps des [[Armée macédonienne#Cavalerie lourde|Compagnons]] est ainsi mal ressentie<ref name="BRI94p115">{{Harvsp|Briant|1994|p=115|id=PUF1994}}.</ref>, tandis que {{unité|20000|[[Perses]]}} équipés à la [[Armée macédonienne|macédonienne]] ont déjà été levés en [[327 av. J.-C.|327]]<ref group=N>Leur incorporation n'est effective qu'en [[323 av. J.-C.|323]] quand [[Peucestas]] amène le contingent perse à [[Babylone]].</ref>. Mais le facteur principal de cette mutinerie est le fait qu'Alexandre décide de régner sur son empire depuis l'Asie et non de revenir à [[Pella]]<ref name="GOU305">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=305}}.</ref>, alors qu'il avait promis de revenir en [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] au moment de la sédition en Inde ([[326 av. J.-C.|326]])<ref name="BRI94p116">{{Harvsp|Briant|1994|p=116|id=PUF1994}}.</ref>. Aussi le jour même où Alexandre libère {{unité|10000|vétérans}}, blessés ou trop âgés, éclate la mutinerie<ref name="BRI94p116"/>. Il lui est demandé de donner congé à tous ; les mutins, faisant référence à [[Zeus Ammon]], déclarent « que le dieu dont il descend combatte pour lui<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 3.</ref> ! » Empli de rage, il se précipite contre les mutins avec ses [[hypaspistes]]. Il fait exécuter treize des meneurs et reprend, par un discours habile où il flatte l'orgueil de ses hommes, le contrôle de la situation. Il se retire ensuite sous sa tente et ne s’adresse plus qu’aux [[Perses]], refusant ostensiblement de parler aux Macédoniens<ref name="GOU305"/>. Ceux-ci supplient alors le roi de leur rendre leur place auprès de lui et promettent de le suivre où il voudra les conduire. Il accorde aux volontaires la possibilité de rester à [[Charax Spasinou|Alexandrie de Charax]]<ref name="GOU305"/>. Cette réconciliation théâtrale prouve l'habileté d'Alexandre, qui conserve son ascendant sur ses troupes tout en atteignant ses objectifs, puisque les Asiatiques conservent leur place dans l'armée<ref name="BRI94p117">{{Harvsp|Briant|1994|p=117|id=PUF1994}}.</ref>.


Pour certains historiens contemporains, tel [[William Woodthorpe Tarn|William W. Tarn]] qui reprend à son compte les thèses de [[Johann Gustav Droysen|Droysen]] en s'appuyant sur le récit d'[[Arrien]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 11, 8-9.</ref>, les noces de Suse témoignent de la volonté d'unir les peuples dans un esprit de fraternité universelle, les Perses n'étant plus considérés comme des sujets et se voyant associés au gouvernement de l'empire<ref>{{en}} W.W Tarn, ''Alexander the Great'', 1950, {{p.|399-449}}.</ref>. Mais cette vision idéaliste ne résiste pas à un examen critique<ref name="BRI94p119">{{Harvsp|Briant|1994|p=119|id=PUF1994}}.</ref>. Ainsi pour Ernst Badian, ces noces sont d'abord le prétexte d'une réconciliation entre Alexandre et les Macédoniens, alors que cette hypothétique « fusion » entre les peuples concerne en premier lieu les élites<ref>{{en}} E. Badian, « Alexander the Great and the Unity of Mankind », ''Historia'', 1958, {{p.|425-444}}.</ref>. Pour autant, Alexandre montre qu'il a su dépasser l'opposition traditionnelle entre Grecs et barbares, avec pour objectif d'assurer la pérennité de l'empire<ref name="GOU304"/>.
Cette mutinerie éclaire bien la distance existante entre les projets du roi et la volonté de retour parmi ses troupes fatiguées. À Opis, les soldats s'aperçoivent qu'Alexandre a bien l'intention « d'établir pour toujours en Asie le centre de son royaume »<ref group=A>Quinte-Curce, {{X}}, 2, 12.</ref>. Ses nouvelles entreprises apparaissent aux yeux de ses soldats comme de plus en plus personnelles, et ils s'en estiment de moins en moins solidaires. Plusieurs milliers de vétérans sont donc libérés et prennent le chemin de la [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] sous le commandement de [[Cratère (général)|Cratère]] et de son second, [[Polyperchon]]<ref name="GOU305"/>{{,}}<ref group=N>La plupart des vétérans, dont les [[argyraspides]], ne parviendront jamais en Europe, se voyant enrôler par les [[Diadoque]]s.</ref>.


==== Le retour sur la scène européenne (printemps-été 324) ====
==== Mutinerie d'Opis (printemps 324) ====
Au printemps {{date|-324}}, immédiatement après les [[noces de Suse]], une révolte éclate au sein de l'armée à [[Opis]], sur le [[Tigre (fleuve)|Tigre]] au nord de [[Babylone]]<ref name="GOU304"/>. Les soldats condamnent d'abord la place nouvelle accordée aux troupes asiatiques. La création d'une cinquième [[Hipparque (cavalerie)|hipparchie]] composée d'Asiatiques dans le corps des [[Armée macédonienne#Cavalerie lourde|Compagnons]] est ainsi mal ressentie<ref name="BRI94p115">{{Harvsp|Briant|1994|p=115|id=PUF1994}}.</ref>, tandis que {{unité|20000|[[Perses]]}} équipés à la [[Armée macédonienne|macédonienne]] ont déjà été levés en 327<ref group=N>Leur incorporation n'est effective qu'en 323 quand [[Peucestas (garde du corps)|Peucestas]] amène le contingent perse à [[Babylone]].</ref>. Mais le facteur principal de cette mutinerie est le fait qu'Alexandre décide de régner sur son empire depuis l'Asie et non de revenir à [[Pella (cité antique)|Pella]]<ref name="GOU305">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=305}}.</ref>, alors qu'il a promis de revenir en [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] au moment de la sédition en Inde (326)<ref name="BRI94p116">{{Harvsp|Briant|1994|p=116|id=PUF1994}}.</ref>. Aussi le jour même où Alexandre libère {{unité|10000|vétérans}}, blessés ou trop âgés, éclate la mutinerie<ref name="BRI94p116"/>. Il lui est demandé de donner congé à tous ; les mutins, faisant référence à [[Zeus Ammon]], déclarent « que le dieu dont il descend combatte pour lui<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 3.</ref> ! » Empli de rage, il se précipite contre les mutins avec ses [[hypaspistes]]. Il fait exécuter treize des meneurs et reprend, par un discours habile où il flatte l'orgueil de ses hommes, le contrôle de la situation. Il se retire ensuite sous sa tente et ne s’adresse plus qu’aux [[Perses]], refusant ostensiblement de parler aux Macédoniens<ref name="GOU305"/>. Ceux-ci supplient alors le roi de leur rendre leur place auprès de lui et promettent de le suivre où il voudra les conduire. Il accorde aux volontaires la possibilité de rester à [[Charax Spasinou|Alexandrie de Charax]]<ref name="GOU305"/>. Cette réconciliation théâtrale prouve l'habileté d'Alexandre, qui conserve son ascendant sur ses troupes tout en atteignant ses objectifs, puisque les Asiatiques conservent leur place dans l'armée<ref name="BRI94p117">{{Harvsp|Briant|1994|p=117|id=PUF1994}}.</ref>.


Cette mutinerie éclaire bien la distance existante entre les projets du roi et la volonté de retour parmi ses troupes fatiguées. À Opis, les soldats s'aperçoivent qu'Alexandre a bien l'intention « d'établir pour toujours en Asie le centre de son royaume »<ref group=A>Quinte-Curce, {{X}}, 2, 12.</ref>. Ses nouvelles entreprises apparaissent aux yeux de ses soldats comme de plus en plus personnelles, et ils s'en estiment de moins en moins solidaires. Plusieurs milliers de vétérans sont donc libérés et prennent le chemin de la [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] sous le commandement de [[Cratère (général)|Cratère]] et de son second, [[Polyperchon]]<ref name="GOU305"/>{{,}}<ref group=N>La plupart des vétérans, dont les [[argyraspides]], ne parviendront jamais en Europe, se voyant enrôlés par les [[Diadoque]]s.</ref>.
La politique d'Alexandre envers les [[polis|cités grecques]] de la [[ligue de Corinthe]] connait une évolution certaine à partir de [[324 av. J.-C.]] Ayant besoin des Grecs comme mercenaires et colons en Asie, il cherche à s'entendre avec toutes les cités. Il ordonne donc depuis [[Suse (Iran)|Suse]] aux cités de rappeler les bannis afin d'inaugurer une ère de concorde. Mais cette mesure d'apaisement, qui doit être annoncée par [[Nicanor de Stagire]] durant les [[Jeux olympiques]]<ref group=A>Diodore, XVIII, 8.</ref>, est perçue comme une ingérence dans les affaires intérieures des cités, qui plus est sous la menace d'Antipater pour les plus récalcitrantes d'entre elles<ref name="GOU303">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=303}}.</ref>. Par ailleurs, il semblerait que Nicanor soit aussi chargé d'annoncer aux cités qu'Alexandre souhaite recevoir un culte public en tant que « Dieu Invaincu »<ref name="GOU304" />. Finalement, ces mesures maladroites montrent qu'Alexandre, à cette date, n'est plus le « roi des Macédoniens » ou l’''hégémon'' de la ligue de corinthe, mais bien le « Roi Alexandre », chose que les Grecs des cités ont des difficultés à admettre<ref name="GOU303"/>.


==== Retour sur la scène européenne (printemps-été 324) ====
Au printemps 324, Alexandre reçoit des informations sur la situation en Grèce<ref name="GOU305"/>. Le vieux régent [[Antipater (général)|Antipater]], en conflit permanent avec [[Olympias]] et attaché aux traditions monarchiques des [[Argéades]], déplore la politique « asiatique » d'Alexandre et le fait qu'il reçoive des honneurs divins<ref name="GOU306" />. Le fidèle [[Cratère (général)|Cratère]] est donc chargé, secrètement, de remplacer Antipater, tandis qu’Antipater est censé amener en Asie de nouvelles recrues pour les projets futurs du roi. L'arrivée de Cratère en [[Cilicie]] oblige [[Harpale (Macédoine)|Harpale]], le trésorier en fuite, à rejoindre Athènes, où il est accueilli durant l'été 324. Certains Athéniens y voient l'occasion de contrecarrer la politique d'Alexandre, dont le décret de 324 oblige la restitution de [[Samos]] à ses habitants. Mais les menaces d'Antipater et d'Olympias forcent la cité à la prudence<ref name="GOU306"/>.
La politique d'Alexandre envers les [[polis|cités grecques]] de la [[ligue de Corinthe]] connaît une évolution certaine à partir de {{date|-324}} Ayant besoin des Grecs comme mercenaires et colons en Asie, il cherche à s'entendre avec toutes les cités. Il ordonne donc depuis [[Suse (Iran)|Suse]] aux cités de rappeler les bannis afin d'inaugurer une ère de concorde. Mais cette mesure d'apaisement, qui doit être annoncée par [[Nicanor de Stagire]] durant les [[Jeux olympiques]]<ref group=A>Diodore, {{XVIII}}, 8.</ref>, est perçue comme une ingérence dans les affaires intérieures des cités, qui plus est sous la menace d'Antipater pour les plus récalcitrantes d'entre elles<ref name="GOU303">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=303}}.</ref>. Par ailleurs, il semblerait que Nicanor soit aussi chargé d'annoncer aux cités qu'Alexandre souhaite recevoir un culte public en tant que « Dieu Invaincu »<ref name="GOU304" />. Finalement, ces mesures maladroites montrent qu'Alexandre, à cette date, n'est plus le « roi des Macédoniens » ou l’''hégémon'' de la ligue de Corinthe, mais bien le « Roi Alexandre », chose que les Grecs des cités ont des difficultés à admettre<ref name="GOU303"/>.


Au printemps 324, Alexandre reçoit des informations sur la situation en Grèce<ref name="GOU305"/>. Le vieux régent [[Antipater (général)|Antipater]], en conflit permanent avec [[Olympias]] et attaché aux traditions monarchiques des [[Argéades]], déplore la politique « asiatique » d'Alexandre et le fait qu'il reçoive des honneurs divins<ref name="GOU306" />. Le fidèle [[Cratère (général)|Cratère]] est donc chargé, secrètement, de remplacer Antipater, tandis que ce dernier est censé amener en Asie de nouvelles recrues pour les projets futurs du roi. L'arrivée de Cratère en [[Cilicie]] oblige [[Harpale (Macédoine)|Harpale]], le trésorier en fuite, à rejoindre Athènes, où il est accueilli durant l'été 324. Certains Athéniens y voient l'occasion de contrecarrer la politique d'Alexandre, dont le décret de 324 oblige la restitution de [[Samos]] à ses habitants. Mais les menaces d'Antipater et d'Olympias forcent la cité à la prudence<ref name="GOU306"/>.
==== Les ultimes desseins (été 324-printemps 323) ====


==== Ultimes desseins (été 324-printemps 323) ====
D'[[Opis]] en [[Satrapie de Babylonie|Babylonie]], Alexandre se rend par la vallée du [[Monts Zagros|Zagros]] à [[Ecbatane]]. C'est là, au cours de l'hiver [[324 av. J.-C.]], que meurt son favori [[Héphestion|Héphaistion]] de mort naturelle<ref name="GOU307">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=307}}.</ref>. La douleur du roi est assimilée par certains auteurs antiques à celle d'[[Achille]] pleurant sur le corps de [[Patrocle]]<ref group=A>Élien, ''Histoires variées'', {{VII}}, 8.</ref>. Alexandre rend à son [[chiliarque]] des honneurs quasi royaux ; après avoir consulté l'oracle d'[[Ammon (dieu)|Ammon]], il lui dédie un [[Culte héroïque grec|culte héroïque]]<ref name="GOU307"/>. Mais les tâches royales reprennent le dessus et une dernière campagne est organisée contre les [[Cosséens]], montagnards de [[Mèdes|Médie]] que les [[Perses]] n'ont jamais totalement soumis. D’après [[Plutarque]], Alexandre aurait mené cette campagne, qui vire au massacre des populations, en guise de sacrifice pour les funérailles d'Héphaistion<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 94.</ref>{{,}}{{sfn|Battistini|2018|p=267}}.
D'[[Opis]] en [[Satrapie de Babylonie|Babylonie]], Alexandre se rend par la vallée du [[Monts Zagros|Zagros]] à [[Ecbatane]]. C'est là, au cours de l'hiver 324, que meurt son favori [[Héphestion|Héphaistion]] de mort naturelle<ref name="GOU307">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=307}}.</ref>. La douleur du roi est assimilée par certains auteurs antiques à celle d'[[Achille]] pleurant sur le corps de [[Patrocle]]<ref group=A>Élien, ''Histoires variées'', {{VII}}, 8.</ref>. Alexandre rend à son [[chiliarque]] des honneurs quasi royaux ; après avoir consulté l'oracle d'[[Ammon (dieu)|Ammon]], il lui dédie un [[Culte héroïque grec|culte héroïque]]<ref name="GOU307"/>. Mais les tâches royales reprennent le dessus et une dernière campagne est organisée contre les [[Cosséens]], montagnards de [[Mèdes|Médie]] que les [[Perses]] n'ont jamais totalement soumis. D’après [[Plutarque]], Alexandre aurait mené cette campagne, qui vire au massacre des populations, en guise de sacrifice pour les funérailles d'Héphaistion<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 94.</ref>{{,}}{{sfn|Battistini|2018|p=267}}.


Alexandre se rend ensuite à [[Babylone]] au printemps [[323 av. J.-C.|323]]. En chemin, il reçoit des ambassades venues de [[Grèce antique|Grèce]]. Les [[Histoire d'Athènes|Athéniens]] en particulier protestent contre les décrets ordonnant le rappel des bannis et les honneurs divins pour le roi. Mais les autres cités grecques lui envoient des [[théore]]s comme à un dieu<ref name="GOU307"/>. Alexandre multiplie les rencontres avec des ambassades venues des pays limitrophes de son empire ([[Cyrénaïque|Cyrénéens]], [[Carthage|Carthaginois]], [[Étrusques]], [[Celtes]] des [[Balkans]]), démontrant l'immense prestige du conquérant<ref name="GOU307"/>.
Alexandre se rend ensuite à [[Babylone]] au printemps 323. En chemin, il reçoit des ambassades venues de [[Grèce antique|Grèce]]. Les [[Histoire d'Athènes|Athéniens]] en particulier protestent contre les décrets ordonnant le rappel des bannis et les honneurs divins pour le roi. Mais les autres cités grecques lui envoient des [[théore]]s comme à un dieu<ref name="GOU307"/>. Alexandre multiplie les rencontres avec des ambassades venues des pays limitrophes de son empire ([[Cyrénaïque|Cyrénéens]], [[Carthage|Carthaginois]], [[Étrusques]], [[Celtes]] des [[Balkans]]), démontrant l'immense prestige du conquérant<ref name="GOU307"/>.


Le voyage de [[Néarque]] a démontré combien les communications maritimes avec la partie orientale de l'empire sont plus aisées que les communications terrestres, et Alexandre ordonne l'exploration des mers limitrophes. Ainsi Héraclide est-il envoyé explorer la [[mer Caspienne]] et trois expéditions successives sont envoyées afin de reconnaître les côtes de l'[[Arabie]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 5.</ref>. Les deux premières, celle d'[[Archias de Pella]], et celle d’[[Androsthène]] ne dépassent pas l'île de Tylos (actuelle île de [[Bahreïn]]). Celle d'Hièron de Soles atteint sans doute le golfe de [[Suez (ville)|Suez]]. Cette reconnaissance totale des côtes de la [[mer Rouge]] à l’embouchure de l’[[Indus]] donne à [[Alexandrie]] un rôle pivot dans le développement des relations commerciales entre la [[mer Égée]] et l’Asie. L'armée connaît par ailleurs une nouvelle réorganisation. [[Peucestas]], [[satrape]] de [[Satrapie de Perside|Perside]], amène {{formatnum:20000}} jeunes Perses, les ''épigones'' (« héritiers »), pour qu'ils soient intégrés à la [[Phalange (Antiquité)|phalange]], faisant passer le rapport à 12 Perses pour 4 Macédoniens<ref name="GOU307"/>.
Le voyage de [[Néarque]] a démontré combien les communications maritimes avec la partie orientale de l'empire sont plus aisées que les communications terrestres, et Alexandre ordonne l'exploration des mers limitrophes. Ainsi Héraclide est-il envoyé explorer la [[mer Caspienne]] et trois expéditions successives sont envoyées afin de reconnaître les côtes de l'[[Arabie]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 5.</ref>. Les deux premières, celle d'[[Archias de Pella]], et celle d’[[Androsthène]] ne dépassent pas l'île de Tylos (actuelle île de [[Bahreïn]]). Celle d'Hièron de Soles atteint sans doute le golfe de [[Suez (ville)|Suez]]. Cette reconnaissance totale des côtes de la [[mer Rouge]] à l’embouchure de l’[[Indus]] donne à [[Alexandrie]] un rôle pivot dans le développement des relations commerciales entre la [[mer Égée]] et l’Asie. L'armée connaît par ailleurs une nouvelle réorganisation. [[Peucestas (garde du corps)|Peucestas]], [[satrape]] de [[Satrapie de Perside|Perside]], amène {{unité|20000 jeunes}} Perses, les ''épigones'' (« héritiers »), pour qu'ils soient intégrés à la [[Phalange (Antiquité)|phalange]], faisant passer le rapport à 12 Perses pour 4 Macédoniens<ref name="GOU307"/>.


Les historiens contemporains ne s’accordent pas sur les derniers desseins d'Alexandre. Plusieurs auteurs anciens affirment qu'il caresse le projet de conquérir le bassin occidental de la [[mer Méditerranée]]<ref group=A>Diodore, {{XVIII}}, 4, 1 ; 6.</ref>. Il est en effet plausible qu’il ait envisagé de se tourner vers la Méditerranée occidentale, en particulier [[Carthage]]. [[Perdiccas (général)|Perdiccas]] l'affirme devant les troupes peu après la mort du roi. Ce qui est certain, c’est qu’une expédition est envisagée pour le 20 du mois de Dæsios (5 juin 323), que les sources antiques orientent vers le sud de la [[Libye]] afin d’atteindre l’[[Occident]]. Les historiens contemporains ont envisagé qu'Alexandre a l'ambition de s’aventurer en [[Arabie]] afin d’assurer la liaison entre la [[Satrapie de Babylonie|Babylonie]], l'[[Égypte antique|Égypte]] et l'[[Inde]]<ref name="GOU308">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=308}}.</ref>. La question qui se pose est donc de comprendre s'il y a deux projets distincts, la conquête de la Méditerranée orientale d'une part et le contrôle des côtes de l'Arabie et de la [[mer Rouge]] d'autre part, ou s'il ne s'agit que d'un seul et même projet, à savoir relier [[Charax Spasinou|Alexandrie du Tigre]] à [[Alexandrie]] puis de là poursuivre vers [[Carthage]] et la [[Sicile]].
Les historiens contemporains ne s’accordent pas sur les derniers desseins d'Alexandre. Plusieurs auteurs anciens affirment qu'il caresse le projet de conquérir le bassin occidental de la [[mer Méditerranée]]<ref group=A>Diodore, {{XVIII}}, 4, 1 ; 6.</ref>. Il est en effet plausible qu’il ait envisagé de se tourner vers la Méditerranée occidentale, en particulier [[Carthage]]. [[Perdiccas (général)|Perdiccas]] l'affirme devant les troupes peu après la mort du roi. Ce qui est certain, c’est qu’une expédition est envisagée pour le 20 du mois de Dæsios (5 juin 323), que les sources antiques orientent vers le sud de la [[Libye]] afin d’atteindre l’[[Occident]]. Les historiens contemporains ont envisagé qu'Alexandre a l'ambition de s’aventurer en [[Arabie préislamique|Arabie]] afin d’assurer la liaison entre la [[Satrapie de Babylonie|Babylonie]], l'[[Égypte antique|Égypte]] et l'[[Inde]]<ref name="GOU308">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=308}}.</ref>. La question qui se pose est donc de comprendre s'il y a deux projets distincts, la conquête de la Méditerranée occidentale d'une part, et le contrôle des côtes de l'Arabie et de la [[mer Rouge]] d'autre part, ou s'il ne s'agit que d'un seul et même projet, à savoir relier [[Charax Spasinou|Alexandrie du Tigre]] à [[Alexandrie]] puis de là poursuivre vers [[Carthage]] et la [[Sicile]].


==== Les derniers jours (mai-juin 323) ====
==== Derniers jours (mai-juin 323) ====
[[Fichier:Dying Alexander.jpg|vignette|alt=Sculpture représentant Alexandre agonisant|''Alexandre mourant'', copie romaine d'une sculpture du {{-s-|II}}, [[musée national d'art d'Azerbaïdjan]].]]
[[Fichier:Dying Alexander.jpg|vignette|alt=Sculpture représentant Alexandre agonisant|''Alexandre mourant'', copie romaine d'une sculpture du {{-s-|II}}, [[musée national d'art d'Azerbaïdjan]].]]


Alexandre consacre le printemps [[323 av. J.-C.]] à parcourir les canaux de l’[[Euphrate]] en faisant exécuter des travaux destinés à réguler les inondations<ref>{{Harvsp|Battistini|2018|p=272}}.</ref>. C'est à la veille du départ pour l'expédition d'[[Arabie]], le {{date|11|juin|323|av. J.-C.}}, qu'il meurt à [[Babylone]], pris de fortes fièvres<ref name="GOU308" />. Une tablette astronomique [[Babylonie tardive|babylonienne]] datant de l'[[époque hellénistique]] porte la mention « le roi est mort » et permet de dater précisément la mort d'Alexandre dans la nuit du 10 au 11 juin<ref group=N>C'est une des seules dates précises de l'[[Antiquité grecque]] et un des rares événements globaux, la nouvelle de sa mort se répandant dans tout l'[[Ancien Monde]] : {{Article |langue= en |auteur1=Leo Depuydt |titre=The Time of Death of Alexander the Great : 11 June 323 B.C. (– 322), ca. 4 : 005 : 00 PM |périodique=Die Welt des Orients |numéro=28 |date=1997 |pages= 117-135}}.</ref>{{,}}<ref name="BRI15"/>. Une autre date a longtemps été proposée d'après les sources antiques<ref>Plutarque, ''Alexandre'' 76 ; Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 25.</ref>, à savoir le {{nombre|13 juin}}, soit le {{28e}} jour du mois de ''skirophorion'' ou ''daesios'' chez les [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]]<ref group=N>Soit dans la {{14e}} [[olympiade]] sous l'[[Archonte|archontat]] d'Hégésias à [[Histoire d'Athènes|Athènes]].</ref>{{,}}<ref name="Battistini p275">{{Harvsp|Battistini|2018|p=275}}.</ref>.
Alexandre consacre le printemps {{date|-323}} à parcourir les canaux de l’[[Euphrate]] en faisant exécuter des travaux destinés à réguler les inondations<ref>{{Harvsp|Battistini|2018|p=272}}.</ref>. C'est à la veille du départ pour l'expédition d'[[Arabie]], le {{date|11|juin|-323}}, qu'il meurt à [[Babylone]], pris de fortes fièvres<ref name="GOU308" />. Une tablette astronomique [[Babylonie tardive|babylonienne]] datant de l'[[époque hellénistique]] porte la mention « le roi est mort » et permet de dater précisément la mort d'Alexandre dans la nuit du 10 au 11 juin<ref group=N>C'est une des seules dates précises de l'[[Antiquité grecque]] et un des rares événements globaux, la nouvelle de sa mort se répandant dans tout l'[[Ancien Monde]] : {{Article |langue= en |auteur1=Leo Depuydt |titre=The Time of Death of Alexander the Great : 11 June 323 B.C. (– 322), ca. 4 : 005 : 00 PM |périodique=Die Welt des Orients |numéro=28 |date=1997 |pages= 117-135}}.</ref>{{,}}<ref name="BRI15"/>. Une autre date a longtemps été proposée d'après les sources antiques<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'' 76 ; Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 25.</ref>, à savoir le {{date|13 juin}}, soit le {{28e}} jour du mois de ''[[scirophorion]]'' ou ''[[Calendrier macédonien|daisios]]'' chez les [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]]<ref group=N>Soit dans la {{14e}} [[olympiade]] sous l'[[Archonte|archontat]] d'Hégésias à [[Histoire d'Athènes|Athènes]].</ref>{{,}}<ref name="Battistini p275">{{Harvsp|Battistini|2018|p=275}}.</ref>.


[[Plutarque]] et [[Arrien]] ont écrit, d'après les ''Éphémérides royales'' rédigées par le chancelier [[Eumène de Cardia]]<ref group=N>Les ''Éphémérides'' sont des chroniques relatant les faits et gestes du roi. Les auteurs anciens qui concèdent les utiliser comme source ne rendent compte que des derniers jours d'Alexandre : Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 24-26 ; Plutarque, ''Alexandre'', 76, 1 ; 77, 1 ; Élien, ''Histoires variées'', 3, 23. Seul Plutarque (''Quaestionnes Convivialum'', 23, 4) mentionne les ''Éphémérides'' à propos d'un autre fait que la mort du roi (le goût d’Alexandre pour la chasse).</ref>, le détail des derniers jours du roi entre le 27 mai et le 10 juin (du 15 au 28 du mois de ''daesios''). Selon Plutarque, Alexandre est troublé par la multiplication de signes funestes. Ainsi, lors d'une navigation sur l'[[Euphrate]], un coup de vent emporte le diadème royal tandis qu'à Babylone, un inconnu ose s’asseoir sur le trône d'Alexandre, geste qu'il paye de sa vie. Puis, les fêtes dionysiaques ([[komos]]) et les soirées de beuveries, dont le roi est coutumier, reprennent. Ainsi, les 28 et 29 mai, Alexandre passe de banquet en banquet, d'abord chez [[Néarque]] puis chez un ''hétaire'' [[thessalie]]n, [[Médios de Larissa]] qui reçoit le 30 mai vingt-deux convives parmi les plus proches compagnons du roi. Durant le banquet, pris d'un accès de fièvre et ayant très soif selon le témoignage d'[[Aristobule de Cassandréia|Aristobule]] repris par Plutarque<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 75, 6.</ref>, il boit d'une seule traite la coupe d'[[Héraclès]] remplie de vin pur{{Sfn|Faure|1985|p=137}}. Il ressent immédiatement une vive douleur le forçant à quitter la table{{Sfn|Battistini|2018|p=275}} et se met à délirer{{Sfn|Faure|1985|p=137}}. Le lendemain, Alexandre est victime d'une forte fièvre qui va durer jusqu'à sa mort. Les premiers jours, jusqu'au 4 juin, il continue à donner des ordres et à surveiller les préparatifs de son expédition en [[Arabie préislamique|Arabie]] ; mais, à partir du 5 juin, l'aggravation de son état l'en rend désormais incapable. Le 7 juin, il perd l'usage de la parole mais parvient à reconnaître ses officiers. Une terrible fièvre s'empare de lui dans la nuit du 7 au 8 juin. Le 8 juin, les Macédoniens, le croyant mort, exigent de le voir et défilent devant le roi, sans armes, lequel salue silencieusement chaque homme<ref>{{Harvsp|Battistini|2018|p=276}}.</ref>. Alexandre meurt le 10 juin au soir à l'âge de {{unité|32|ans}}{{Sfn|Battistini|2018|p=276}}.
[[Plutarque]] et [[Arrien]] ont écrit, d'après les ''Éphémérides royales'' rédigées par le chancelier [[Eumène de Cardia]]<ref group=N>Les ''Éphémérides'' sont des chroniques relatant les faits et gestes du roi. Les auteurs anciens qui concèdent les utiliser comme source ne rendent compte que des derniers jours d'Alexandre : Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 24-26 ; Plutarque, ''Alexandre'', 76, 1 ; 77, 1 ; Élien, ''Histoires variées'', 3, 23. Seul Plutarque (''Quaestionnes Convivialum'', 23, 4) mentionne les ''Éphémérides'' à propos d'un autre fait que la mort du roi (le goût d’Alexandre pour la chasse).</ref>, le détail des derniers jours du roi entre le 27 mai et le 10 juin (du 15 au 28 du mois de ''[[Calendrier macédonien|daisios]]''). Selon Plutarque, Alexandre est troublé par la multiplication de signes funestes. Ainsi, lors d'une navigation sur l'[[Euphrate]], un coup de vent emporte le diadème royal tandis qu'à Babylone, un inconnu ose s’asseoir sur le trône d'Alexandre, geste qu'il paye de sa vie. Puis, les fêtes dionysiaques ([[komos]]) et les soirées de beuveries, dont le roi est coutumier, reprennent. Ainsi, les 28 et 29 mai, Alexandre passe de banquet en banquet, d'abord chez [[Néarque]] puis chez un ''hétaire'' [[thessalie]]n, [[Médios de Larissa]] qui reçoit le 30 mai vingt-deux convives parmi les plus proches [[Compagnon (cavalerie)|Compagnons]] du roi. Durant le banquet, pris d'un accès de fièvre et ayant très soif selon le témoignage d'[[Aristobule de Cassandréia|Aristobule]] repris par Plutarque<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 75, 6.</ref>, il boit d'une seule traite la coupe d'[[Héraclès]] remplie de vin pur{{Sfn|Faure|1985|p=137}}. Il ressent immédiatement une vive douleur le forçant à quitter la table{{Sfn|Battistini|2018|p=275}} et se met à délirer{{Sfn|Faure|1985|p=137}}. Le lendemain, Alexandre est victime d'une forte fièvre qui va durer jusqu'à sa mort. Les premiers jours, jusqu'au {{date|4 juin}}, il continue à donner des ordres et à surveiller les préparatifs de son expédition en [[Arabie préislamique|Arabie]] ; mais, à partir du {{date|5 juin}}, l'aggravation de son état l'en rend désormais incapable. Le {{date|7 juin}}, il perd l'usage de la parole mais parvient à reconnaître ses officiers. Une terrible fièvre s'empare de lui dans la nuit du 7 au {{date|8 juin}}. Le {{date|8 juin}}, les Macédoniens, le croyant mort, exigent de le voir et défilent devant le roi, sans armes, lequel salue silencieusement chaque homme{{Sfn|Battistini|2018|p=276}}. Alexandre meurt le {{date|10 juin}} au soir à l'âge de {{nobr|32 ans}}{{Sfn|Battistini|2018|p=276}}.


Le seul héritier légitime d'Alexandre est son demi-frère jugé déficient mental, [[Philippe III Arrhidée|Arrhidée]], le futur Philippe {{III}}, tandis que [[Roxane]] est enceinte de six mois du futur {{souverain2|Alexandre IV de Macédoine}}<ref>{{HPMH}}, {{p.|21}}</ref>. Selon [[Diodore de Sicile|Diodore]]<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 117.</ref>, lorsque Alexandre, agonisant, reçoit la question de [[Perdiccas (général)|Perdiccas]] : « À qui entends-tu léguer l'Empire ? », il lui aurait fait cette réponse : « Au plus fort (''tôi kratistôi'') ». La scène, réelle ou non, laisse en tout cas augurer les déchirements qui vont opposer ses principaux généraux, les [[Diadoque]]s, à propos de la [[Succession d'Alexandre le Grand|succession d'Alexandre]]. Perdiccas, [[Ptolémée Ier|Ptolémée]], [[Antigone le Borgne|Antigone]], [[Lysimaque]] [[Séleucos Ier|Séleucos]] et [[Cassandre (roi de Macédoine)|Cassandre]] notamment se livreront de nombreuses [[Guerres des diadoques|guerres]] pour le partage de l'empire. D'après les auteurs de la [[Vulgate d'Alexandre le Grand|Vulgate]]<ref group=A>Diodore, XVII, 117, 3 ; Quinte-Curce, X, 6, 16 ; et aussi Cornélius Népos, ''Eumène'', 2, 2.</ref>, Perdiccas, deuxième personnage de l'État depuis la mort d'[[Héphestion|Héphaistion]] et futur [[chiliarque]] de l'empire, aurait reçu des mains d'Alexandre l'anneau portant le sceau royal{{Sfn|Faure|1985|p=141}}.
Le seul héritier légitime d'Alexandre est son demi-frère jugé déficient mental, [[Philippe III de Macédoine|Arrhidée]], le futur {{noble-|Philippe III}}, tandis que [[Roxane]] est enceinte de six mois du futur {{noble|Alexandre IV de Macédoine|-}}<ref>{{HPMH}}, {{p.|21}}.</ref>. Selon [[Diodore de Sicile|Diodore]]<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 117.</ref>, lorsque Alexandre, agonisant, reçoit la question de [[Perdiccas (général)|Perdiccas]] : « À qui entends-tu léguer l'Empire ? », il lui aurait fait cette réponse : « Au plus fort (''tôi kratistôi'') ». La scène, réelle ou non, laisse en tout cas augurer les déchirements qui vont opposer ses principaux généraux, les [[Diadoque]]s, à propos de la [[Succession d'Alexandre le Grand|succession d'Alexandre]]. Perdiccas, [[Ptolémée Ier|Ptolémée]], [[Antigone le Borgne|Antigone]], [[Lysimaque]] [[Séleucos Ier|Séleucos]] et [[Cassandre (roi)|Cassandre]] notamment se livreront de nombreuses [[guerres des Diadoques|guerres]] pour le partage de l'empire. D'après les auteurs de la [[Vulgate d'Alexandre le Grand|Vulgate]]<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 117, 3 ; Quinte-Curce, {{X}}, 6, 16 ; et aussi Cornélius Népos, ''Eumène'', 2, 2.</ref>, Perdiccas, deuxième personnage de l'État depuis la mort d'[[Héphestion|Héphaistion]] et futur [[chiliarque]] de l'empire, aurait reçu des mains d'Alexandre l'anneau portant le sceau royal{{Sfn|Faure|1985|p=141}}.


==== Les causes possibles de la mort d'Alexandre ====
==== Causes possibles de la mort d'Alexandre ====
La plupart des historiens modernes, à la suite du récit des ''Éphémérides'' sur les derniers jours du roi, estiment qu'Alexandre serait mort d'une crise aiguë de [[paludisme]] (ou ''malaria tropica'')<ref name="FAURE140">{{Harvsp|Faure|1985|p=140}}.</ref> et que cette fièvre, contractée en explorant les marécages bordant l'[[Euphrate]], l'aurait miné plusieurs semaines comme en témoignent une soif persistante et une forme de torpeur<ref>[[Paul Goukowsky]], « notes complémentaires », {{p.|276}}, dans la traduction de [[Diodore de Sicile]], ''[[Bibliothèque historique]]'', {{XVII}}.</ref>. Ainsi comme nombre de Méditerranéens de son temps<ref group=N>Il convient de noter que [[Cratère (général)|Cratère]], rapatrié en [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] avec les vétérans, semble souffrir du même mal : {{Harvsp|Faure|1985|p=140}}.</ref>, il aurait souffert de paludisme à ''[[plasmodium falciparum]]'', dont les symptômes ont été abondamment décrits par [[Hippocrate]]<ref name="FAURE530">{{Harvsp|Faure|1985|p=530}}.</ref>. Ce diagnostic est admis par [[Émile Littré]] en 1865 dans ''La vérité sur la mort d'Alexandre le Grand'' et par de nombreux chercheurs contemporains<ref>{{Ouvrage|auteur=Dr Pierre Rentchnick|titre=Ces malades qui font l'histoire|éditeur=Plon|année=1983|passage=chapitre 1}} ; {{Article|langue=en|auteur=D. Engels|titre=A note on Alexander's death|périodique=Classical Philology|date=1979|volume=73|pages=224-227}}.</ref>. Une autre hypothèse met en cause la [[fièvre typhoïde]] qui est aussi courante que le paludisme dans l'antique [[Babylonie tardive|Babylonie]]<ref>{{en}} Carlos G. Musso, « Alexander The Great: His Death Remains a Medical Mystery », ''Humane Medicine Health Care'', 2001.</ref>.


Une étude menée en 2003 par deux docteurs en médecine avance l'hypothèse qu'Alexandre serait mort de la [[fièvre du Nil occidental]]<ref>{{Article|langue=en|auteur=John S. Marr et Charles H. Calisher|titre=Alexander the Great and West Nile Virus Encephalitis|périodique=Historical Review|date=décembre 2003|volume=9|numéro=12|pages=1599-1603|doi=10.3201/eid0912.030288}}.</ref>{{,}}<ref>[https://www.gideononline.com/reviews/nature2003/ Helen Person, « West Nile Virus may have felled Alexander the Great », Nature, 2003].</ref>. Des historiens estiment que cette hypothèse est recevable{{Sfn|Battistini|2018|p=278}}. D'autres avancent qu'Alexandre aurait été victime d'une lésion interne grave causée par la perforation d'un [[Ulcère gastro-duodénal|ulcère gastrique]] ou une [[pancréatite aiguë]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Maurice Druon]] |titre= Alexandre le Grand ou le Roman d'un dieu |éditeur= Del Duca |année= 1958|passage=475}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage |auteur1= [[Valerio Massimo Manfredi]] |titre= Le tombeau d'Alexandre le Grand |éditeur= JC Lattès |année= 2010}}.</ref>. Enfin, une dernière hypothèse évoque la possibilité d'une surconsommation d'[[hellébore]], une [[plante médicinale]]{{Sfn|Battistini|2018|p=278}}. Selon le médecin [[Philippe Charlier]], l'[[anatomopathologie|anatomo-pathologiste]] contemporain indiquerait : {{citation|Homme jeune, {{nobr|32 ans}}, déplacé sur le plan géographique, mauvaise hygiène de vie sous-jacente, alcoolisme chronique, polyparasitose}}<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=Philippe Charlier|lien auteur1=Philippe Charlier|titre=La mort d'Alexandre, le grand débauché|périodique=dossier Pour la science|lien périodique=Pour la science|numéro=96|titre numéro=Alexandre le Grand, quand l'archéologie bouscule le mythe|date=août-septembre 2017|lire en ligne=http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/article-la-mort-d-alexandre-le-grand-debauche-38553.php|consulté le=25 juillet 2017|passage=66}}.</ref>. En 2018, la professeure de médecine [[Nouvelle-Zélande|néo-zélandaise]] Katherine Hall de l'[[université d'Otago]] propose comme cause directe du décès une [[Neurologie|maladie neurologique]] [[Maladie auto-immune|auto-immune]], le [[syndrome de Guillain-Barré]]<ref>{{Article |langue=en |auteur=Katherine Hall |titre=Did Alexander the Great Die from Guillain-Barré Syndrome?|périodique=The Ancient History Bulletin | volume=32 | date=2018 | pages=106-128 | lire en ligne=http://www.ancienthistorybulletin.org/subscribed-users-area/wp-content/uploads/2018/12/hall.pdf |format=pdf }}.</ref>. Les symptômes concorderaient avec une variante du mal (AMAN), peut-être liés à une attaque bactérienne du système digestif : fièvre, douleurs, paralysie, suivi d'une mort apparente (et ainsi d'une erreur de diagnostic<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Alexandre le Grand n’était peut-être pas mort !|url=https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/antiquite-alexandre-grand-netait-peut-etre-pas-mort-74827/|site=futura-sciences.com|consulté le=2019-04-11}}.</ref>), ce qui expliquerait la conservation de son corps durant plusieurs jours<ref>{{Article|titre=Actus|sous-titre=une nouvelle théorie explique la mort d'Alexandre le Grand|périodique=[[Guerres & Histoire]]|numéro=48|éditeur=[[Arnoldo Mondadori Editore|Mondadori]]|date=avril 2019|issn=2115-967X|pages=14}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=fr|nom1=Férard|prénom1=Emeline|titre=Le mystère de la mort d'Alexandre le Grand enfin résolu ?|url=https://www.geo.fr/histoire/le-mystere-de-la-mort-dalexandre-le-grand-enfin-resolu-194298|périodique=[[Geo (magazine)|Geo]]|date=2019-01-23|consulté le=2019-04-11}}.</ref>.
La plupart des historiens modernes, à la suite du récit des ''Éphémérides'' sur les derniers jours du roi, estiment qu'Alexandre serait mort d'une crise aiguë de [[paludisme]] (ou ''malaria tropica'')<ref name="FAURE140">{{Harvsp|Faure|1985|p=140}}.</ref> et que cette fièvre, contractée en explorant les marécages bordant l'[[Euphrate]], l'aurait miné plusieurs semaines comme en témoignent une soif persistante et une forme de torpeur<ref>[[Paul Goukowsky]], « notes complémentaires », {{p.|276}}, dans la traduction de [[Diodore de Sicile]], ''[[Bibliothèque historique]]'', {{XVII}}.</ref>. Ainsi comme nombre de Méditerranéens de son temps<ref group=N>Il convient de noter que [[Cratère (général)|Cratère]], rapatrié en [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] avec les vétérans, semble souffrir du même mal : {{Harvsp|Faure|1985|p=140}}.</ref>, il aurait souffert de paludisme à ''[[plasmodium falciparum]]'', dont les symptômes ont été abondamment décrits par [[Hippocrate]]<ref name="FAURE530">{{Harvsp|Faure|1985|p=530}}.</ref>. Ce diagnostic est admis par [[Émile Littré]] en 1865 dans ''La vérité sur la mort d'Alexandre le Grand'' et par de nombreux chercheurs contemporains<ref>{{Ouvrage|auteur=Dr Pierre Rentchnick|titre=Ces malades qui font l'histoire|éditeur=Plon|année=1983|passage=chapitre 1}} ; {{Article|langue=en|auteur=D. Engels|titre=A note on Alexander's death|périodique=Classical Philology|date=1979|volume=73|pages=224-227}}.</ref>. Une autre hypothèse met en cause la [[fièvre typhoïde]] qui est aussi courante que le paludisme dans l'antique [[Babylonie tardive|Babylonie]]<ref>{{en}} Carlos G. Musso, « Alexander The Great: His Death Remains a Medical Mystery », ''Humane Medicine Health Care'', 2001.</ref>.


Une rumeur diffusée par [[Olympias]] à partir de {{date|-317}} accuse d'empoisonnement les fils d'[[Antipater (général)|Antipater]], [[Cassandre (roi)|Cassandre]] et [[Iolas]], l'[[échanson]] du roi qui parait à ce titre être le suspect idéal{{Sfn|Battistini|2018|p=278}}. Cette rumeur, probablement relayée par [[Clitarque d'Alexandrie|Clitarque]]<ref name="GOUn277">[[Paul Goukowsky]], « notes complémentaires », {{p.|277}}, dans la traduction de [[Diodore de Sicile]], ''[[Bibliothèque historique]]'', {{XVII}}.</ref>, est évoquée par les auteurs de la ''[[Vulgate d'Alexandre le Grand|Vulgate]]'', même s'ils ne la cautionnent pas<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 118, 1-2 ; Quinte-Curce, {{X}}, 10, 14-18 ; Justin, {{XII}}, 13.</ref> ; elle est vivement contestée par [[Arrien]] et [[Plutarque]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 27, 1-2 ; Plutarque, ''Alexandre'', 77, 1-3.</ref>. Une autre rumeur accuse [[Aristote]], désespéré par l'exécution de son neveu [[Callisthène]], d'avoir procuré à Antipater le poison, puisé à la source du [[Styx]]{{Sfn|Battistini|2018|p=278}}. Selon la reine-mère, Antipater aurait souhaité la mort d'Alexandre car il entend conserver la régence de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] qui doit échoir au fidèle [[Cratère (général)|Cratère]]. Antipater aurait donc confié le poison à Cassandre, qui lui-même l'aurait donné à son jeune frère, Iolas, pour la mêler à la coupe de vin d'Alexandre, avec la complicité de [[Médios de Larissa|Médios]] qui a organisé le dernier banquet du roi. On peut déjà objecter que Médios est dans le premier cercle des flatteurs du roi à la fin de son règne<ref group=A>[[Plutarque]], ''Du flatteur et de l’ami'', 65 C-D.</ref>. Enfin cette rumeur a été propagée au moment où Olympias cherche à discréditer les [[Antipatrides]] dans le contexte des rivalités entre [[Diadoque]]s ; elle fait d'ailleurs profaner la tombe de Iolas, récemment mort{{Sfn|Battistini|2018|p=278}}. Selon le [[Pseudo-Plutarque]], l'orateur athénien [[Hypéride]] aurait proposé le vote d'une récompense à Iolas en tant que meurtrier d'Alexandre<ref>Pseudo-Plutarque, ''Vie des dix orateurs''.</ref>. Mais cette mention, qui est en contradiction directe avec le récit de Plutarque dans la ''Vie d'Alexandre'', est incontestablement une invention postérieure. Finalement, cette hypothèse de l’empoisonnement rencontre peu d'écho chez les historiens contemporains<ref name="GOUn277"/>{{,}}<ref>À l'exception de : {{Article |langue= en |auteur1=Brian Bosworth |titre=The death of Alexander the Great : Rumour and propaganda |périodique=Classical Quarterly |numéro= 21 |date= 1971 |pages=112-136}}.</ref>.
Une étude récente (2003), dirigée par deux docteurs en médecine, avance l'hypothèse qu'Alexandre serait mort du [[virus du Nil occidental]]<ref>{{Article|langue=en|auteur=John S. Marr et Charles H. Calisher|titre=Alexander the Great and West Nile Virus Encephalitis|périodique=Historical Review|date=décembre 2003|volume=9|numéro=12|pages=1599-1603|doi=10.3201/eid0912.030288}}.</ref>{{,}}<ref>[https://www.gideononline.com/reviews/nature2003/ Helen Person, « West Nile Virus may have felled Alexander the Grise », Nature, 2003].</ref>. Des historiens estiment que cette hypothèse est recevable{{Sfn|Battistini|2018|p=278}}. D'autres avancent qu'Alexandre aurait été victime d'une lésion interne grave causée par la perforation d'un [[Ulcère gastro-duodénal|ulcère gastrique]] ou une [[pancréatite aiguë]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Maurice Druon]] |titre= Alexandre le Grand ou le Roman d'un dieu |éditeur= Del Duca |année= 1958|passage=475}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage |auteur1= [[Valerio Massimo Manfredi]] |titre= Le tombeau d'Alexandre le Grand |éditeur= JC Lattès |année= 2010}}.</ref>. Enfin, une dernière hypothèse évoque la possibilité d'une surconsommation d'[[hellébore]], une [[plante médicinale]]{{Sfn|Battistini|2018|p=278}}. Selon le médecin [[Philippe Charlier]], l'[[Anatomo-pathologie|anatomo-pathologiste]] contemporain indiquerait : {{citation|Homme jeune, 32 ans, déplacé sur le plan géographique, mauvaise hygiène de vie sous-jacente, alcoolisme chronique, polyparasitose}}<ref>{{Article|langue=français|auteur1=Philippe Charlier|lien auteur1=Philippe Charlier|titre=La mort d'Alexandre, le grand débauché|périodique=dossier Pour la science|lien périodique=Pour la science|numéro=96|titre numéro=Alexandre le Grand, quand l'archéologie bouscule le mythe|date=août-septembre 2017|issn=|lire en ligne=http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/article-la-mort-d-alexandre-le-grand-debauche-38553.php|consulté le=25 juillet 2017|passage=66}}.</ref>.

Une rumeur diffusée par [[Olympias]] à partir de [[317 av. J.-C.]] accuse d'empoisonnement les fils d'[[Antipater (général)|Antipater]], [[Cassandre (roi de Macédoine)|Cassandre]] et [[Iolas]], l'[[échanson]] du roi qui parait à ce titre être le suspect idéal{{Sfn|Battistini|2018|p=278}}. Cette rumeur, probablement relayée par [[Clitarque d'Alexandrie|Clitarque]]<ref name="GOUn277">[[Paul Goukowsky]], « notes complémentaires », {{p.|277}}, dans la traduction de [[Diodore de Sicile]], ''[[Bibliothèque historique]]'', {{XVII}}.</ref>, est évoquée par les auteurs de la ''[[Vulgate d'Alexandre le Grand|Vulgate]]'', même s'ils ne la cautionnent pas<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 118, 1-2 ; Quinte-Curce, {{X}}, 10, 14-18 ; Justin, {{XII}}, 13.</ref> ; elle est vivement contestée par [[Arrien]] et [[Plutarque]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 27, 1-2 ; Plutarque, ''Alexandre'', 77, 1-3.</ref>. Une autre rumeur accuse [[Aristote]], désespéré par l'exécution de son neveu [[Callisthène]], d'avoir procuré à Antipater le poison, puisé à la source du [[Styx]]{{Sfn|Battistini|2018|p=278}}. Selon la reine-mère, Antipater aurait souhaité la mort d'Alexandre car il entend conserver la régence de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] qui doit échoir au fidèle [[Cratère (général)|Cratère]]. Antipater aurait donc confié le poison à Cassandre, qui lui-même l'aurait donné à son jeune frère, Iolas, pour la mêler à la coupe de vin d'Alexandre, avec la complicité de [[Médios de Larissa|Médios]] qui a organisé le dernier banquet du roi. On peut objecter que Médios est un ami proche du roi<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 25, 4.</ref> ; d’après Plutarque, il est « pour ainsi dire, le maître et le [[coryphée]] sophiste du chœur des flatteurs entourant Alexandre […] »<ref group=A>Plutarque, ''Du flatteur et de l’ami'', 65 C-D.</ref>. Enfin cette rumeur a été propagée au moment où Olympias cherche à discréditer les [[Antipatrides]] dans le contexte des rivalités entre [[Diadoques]] ; elle fait d'ailleurs profaner la tombe de Iolas, récemment mort{{Sfn|Battistini|2018|p=278}}. Selon le Pseudo-Plutarque, l'orateur athénien [[Hypéride]] aurait proposé le vote d'une récompense à Iolas en tant que meurtrier d'Alexandre<ref>Pseudo-Plutarque, ''Vie des dix orateurs''.</ref>. Mais cette mention, qui est en contradiction directe avec le récit de Plutarque dans la ''Vie d'Alexandre'', est incontestablement une invention postérieure. Finalement, cette hypothèse de l’empoisonnement rencontre peu d'écho chez les historiens contemporains<ref name="GOUn277"/>{{,}}<ref>À l'exception de : {{Article |langue= en |auteur1=Brian Bosworth |titre=The death of Alexander the Great : Rumour and propaganda |périodique=Classical Quarterly |numéro= 21 |date= 1971 |pages=112-136}}.</ref>.


== Personnalité et vie privée ==
== Personnalité et vie privée ==
=== Apparence physique ===

=== L'apparence physique d'Alexandre ===
[[Fichier:Alexander_Rondanini_Glyptothek_Munich_298_n3.jpg|vignette|alt=Détail d'une sculpture représentant un portrait d'Alexandre|Détail de l’''Alexandre Rondanini'', [[glyptothèque de Munich]].]]
[[Fichier:Alexander_Rondanini_Glyptothek_Munich_298_n3.jpg|vignette|alt=Détail d'une sculpture représentant un portrait d'Alexandre|Détail de l’''Alexandre Rondanini'', [[glyptothèque de Munich]].]]


Le corps d'Alexandre, magnifié de son vivant par des artistes officiels à la grande réputation, dont le sculpteur [[Lysippe]] et le peintre [[Apelle]]<ref group=A>Pline l'Ancien, ''Histoire naturelle'', {{XXXIV}}, 17.</ref>, est un élément crucial de la propagande royale<ref name="DUC59">{{Harvsp|Duchêne|2018|p=59|id=A15ans}}.</ref>. Les sources antiques, dont [[Plutarque]]<ref group=A name="PLU4,1">Plutarque, ''Alexandre'', 4, 1.</ref>, stipulent qu'Alexandre est de grande taille, qu'il a une peau blanche et une chevelure léonine châtain clair aux reflets cuivrés. D'après la version latine du ''[[Roman d'Alexandre]]'', Alexandre aurait eu les yeux vairons (bleu et marron)<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=201}}.</ref>. Mais sa beauté supposée répond à un idéal de l'époque : des monnaies frappées à [[Rhodes]] peu avant son règne montre l'effigie d'[[Hélios]] avec des traits caractérisant plus tard le visage d'Alexandre<ref>{{Harvsp|Duchêne|2018|p=61|id=A15ans}}.</ref>.
Le corps d'Alexandre, magnifié de son vivant par des artistes officiels à la grande réputation, dont le sculpteur [[Lysippe]] et le peintre [[Apelle]]<ref group=A>Pline l'Ancien, ''Histoire naturelle'', {{XXXIV}}, 17.</ref>, est un élément crucial de la propagande royale<ref name="DUC59">{{Harvsp|Duchêne|2018|p=59|id=A15ans}}.</ref>. Les sources antiques, dont [[Plutarque]]<ref group=A name="PLU4,1">Plutarque, ''Alexandre'', 4, 1.</ref>, disent qu'Alexandre est de grande taille, qu'il a une peau blanche et une chevelure léonine châtain clair aux reflets cuivrés. D'après la version latine du ''[[Roman d'Alexandre]]'', Alexandre aurait eu les yeux vairons (bleu et marron)<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=201}}.</ref>. Mais sa beauté supposée répond à un idéal de l'époque : des monnaies frappées à [[Rhodes]] peu avant son règne montrent l'effigie d'[[Hélios]] avec des traits caractérisant plus tard le visage d'Alexandre<ref>{{Harvsp|Duchêne|2018|p=61|id=A15ans}}.</ref>.


Par ailleurs, Alexandre a la tête toujours penchée du côté droit. Plutarque mentionne le phénomène<ref group=A name="PLU4,1"/>, et plusieurs statues antiques, à la suite de [[Lysippe]], montrent une inclinaison plus ou moins accentuée. Aucune coquetterie, signe d’élégance ou exagération de la part de Lysippe ; la cause en serait une pathologie d'après les médecins modernes qui ont étudié le buste conservé au [[musée du Louvre]] ainsi que les statuettes en ivoire retrouvées en 1977 à [[Vergina]]. Alexandre a la tête inclinée à droite et le cou en avant, avec un raccourcissement du [[muscle sterno-cléido-mastoïdien]] ; qui plus est, son œil droit est plus bas que le gauche. La source du problème pourrait être un torticolis musculaire, provoqué soit par un choc violent, soit par un trouble oculaire (strabisme vertical ou paralysie des muscles oculaires) d’origine héréditaire puisqu’on retrouve semble-t-il cette pathologie sur les statuettes de personnages apparentés à Alexandre<ref>L. Mangin, « La tête penchée d’Alexandre », ''[[Pour la science]]'', {{numéro|342}}, avril 2006.</ref>.
Par ailleurs, Alexandre a la tête toujours penchée du côté droit. Plutarque mentionne le phénomène<ref group=A name="PLU4,1"/>, et plusieurs statues antiques, à la suite de [[Lysippe]], montrent une inclinaison plus ou moins accentuée. Aucune coquetterie, signe d’élégance ou exagération de la part de Lysippe ; la cause en serait une pathologie d'après les médecins modernes qui ont étudié le buste conservé au [[musée du Louvre]] ainsi que les statuettes en ivoire retrouvées en 1977 à [[Aigai|Vergina]]. Alexandre a la tête inclinée à droite et le cou en avant, avec un raccourcissement du [[muscle sterno-cléido-mastoïdien]] ; qui plus est, son œil droit est plus bas que le gauche. La source du problème pourrait être un torticolis musculaire, provoqué soit par un choc violent, soit par un trouble oculaire (strabisme vertical ou paralysie des muscles oculaires) d’origine héréditaire puisqu’on retrouve semble-t-il cette pathologie sur les statuettes de personnages apparentés à Alexandre<ref>L. Mangin, « La tête penchée d’Alexandre », ''[[Pour la science]]'', {{numéro|342}}, avril 2006.</ref>.


Les statues se multiplient sous son règne afin de magnifier son pouvoir et sa nature surhumaine. Les œuvres posthumes, datant du temps des [[diadoque]]s, comme le [[Sarcophage d'Alexandre|sarcophage de Sidon]], glorifient le roi divinisé dans l'éclat de sa jeunesse<ref name="DUC59"/>.
Les statues se multiplient sous son règne afin de magnifier son pouvoir et sa nature surhumaine. Les œuvres posthumes, datant du temps des [[Diadoque]]s, comme le [[Sarcophage d'Alexandre|sarcophage de Sidon]], glorifient le roi divinisé dans l'éclat de sa jeunesse<ref name="DUC59"/>.


=== Le caractère d'Alexandre ===
=== Caractère ===
[[Fichier:Cornelis de Vos - Alexander and Diogenes.jpg|vignette|redresse=1.5|alt=Peinture représentant Alexandre et Diogène assis dans son tonneau|''Alexandre et Diogène'', [[Cornelis de Vos]], {{s-|XVII}}.]]
[[Fichier:Cornelis de Vos - Alexander and Diogenes.jpg|vignette|redresse=1.3|alt=Peinture représentant Alexandre rendant visite à Diogène assis dans son tonneau|''Alexandre et Diogène'', [[Cornelis de Vos]], {{s-|XVII}}.]]


La personnalité d'Alexandre semble double, à la fois [[Apollon]] et [[Dionysos]]{{sfn|Battistini|2018|p=90}}. Le principe fondateur de sa personnalité est selon [[Arrien]] le ''pothos'', notion complexe à traduire qu'il est possible de décrire comme une quête vers l'inconnu et le dépassement de soi{{sfn|Battistini|2018|p=45}}. Ce désir insatiable le conduit à outrepasser les limites du possible en soumettant des peuples jamais conquis et en franchissant les obstacles naturels, qu'ils soient des fleuves, des montagnes ou des étendues désertiques<ref>Ch. Jacob, « Alexandre et la maîtrise de l'espace. L'art du voyage dans l'Anabase d'Arrien », ''Quaderni di Storia'', 34, 1991, {{p.|5-40}}.</ref>. Alexandre possède une nature impulsive ; la rage visible dans son regard aurait hanté [[Cassandre (roi de Macédoine)|Cassandre]] jusqu'à sa mort<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=324}}.</ref>, alors que comme le rapporte [[Athénée de Naucratis]] <ref group=A>Athénée, ''Les Deipnosophistes'', {{XII}}, 537e-538b.</ref> tous ceux qui s'approchent de lui sont saisis de crainte{{sfn|Battistini|2018|p=329}}. Ce tempérament emporté pourrait être un héritage de ses parents, l'intrépide {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}, prompt à l'emportement, et l'ombrageuse [[Olympias]], adepte du culte dionysiaque{{sfn|Briant|1994|p=20|id=PUF1994}}. Il ne supporte pas qu'on puisse dire du mal de lui car il tient à « sa réputation plus qu'à la vie et à la royauté »<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 57.</ref>. Il peut se laisser emporter par une fureur (''ménos'') qui conduit à l'[[hybris]], la démesure{{sfn|Battistini|2018|p=45}}, et se montrer d’une grande cruauté comme le révèlent de nombreux épisodes : la [[Bataille de Thèbes|destruction de Thèbes]], le massacre des mercenaires grecs vaincus au [[Bataille du Granique|Granique]], les exécutions de [[Parménion]] et de [[Philotas]], le meurtre de son ami [[Cleitos (compagnon d'Alexandre)|Cleitos]] (quand bien même serait-il saoul de vin), la crucifixion du médecin qui n'a pas su sauver [[Héphestion|Héphaistion]], le massacre des [[Cosséens]] en guise de sacrifice après la mort de son favori. Dans la douleur, il ressemble à son modèle héroïque, [[Achille]]{{sfn|Battistini|2018|p=52}}. Il montre bien sûr un immense appétit de gloire immortelle (''kléos'') qui lui fait chercher la belle-mort{{sfn|Battistini|2018|p=26}}.
La personnalité d'Alexandre semble double, à la fois [[Apollon]] et [[Dionysos]]{{sfn|Battistini|2018|p=90}}. Le principe fondateur de sa personnalité est selon [[Arrien]] le ''pothos'', notion qu'il est possible de traduire comme une quête vers l'inconnu et le dépassement de soi{{sfn|Battistini|2018|p=45}}. Ce désir insatiable le conduit à outrepasser les limites du possible en soumettant des peuples jamais conquis et en franchissant les obstacles naturels, qu'ils soient des fleuves, des montagnes ou des étendues désertiques<ref>Ch. Jacob, « Alexandre et la maîtrise de l'espace. L'art du voyage dans l'Anabase d'Arrien », ''Quaderni di Storia'', 34, 1991, {{p.|5-40}}.</ref>. Alexandre possède une nature impulsive ; la rage visible dans son regard aurait hanté [[Cassandre (roi)|Cassandre]] jusqu'à sa mort<ref>{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=324}}.</ref>, alors que comme le rapporte [[Athénée de Naucratis]]<ref group=A>Athénée, ''Les Deipnosophistes'', {{XII}}, 537e-538b.</ref> tous ceux qui s'approchent de lui sont saisis de crainte{{sfn|Battistini|2018|p=329}}. Ce tempérament semble être un héritage de ses parents, l'intrépide {{noble|Philippe II de Macédoine|-}}, prompt à l'emportement, et l'ombrageuse [[Olympias]], adepte du culte dionysiaque{{sfn|Briant|1994|p=20|id=PUF1994}}. Il ne supporte pas qu'on puisse dire du mal de lui car il tient à « sa réputation plus qu'à la vie et à la royauté »<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 57.</ref>. Il peut se laisser emporter par une fureur (''ménos'') qui conduit à l'[[hybris]], la démesure{{sfn|Battistini|2018|p=45}}, et se montrer d’une grande cruauté comme le révèlent de nombreux épisodes : la [[Bataille de Thèbes|destruction de Thèbes]], le massacre des mercenaires grecs vaincus au [[Bataille du Granique|Granique]], les exécutions de [[Parménion]] et de [[Philotas]], le meurtre de son ami [[Cleitos (compagnon d'Alexandre)|Cleitos]] (quand bien même serait-il saoul de vin), la crucifixion du médecin qui n'a pas su sauver [[Héphestion|Héphaistion]], le massacre des [[Cosséens]] en guise de sacrifice après la mort de son favori. Dans la douleur, il ressemble à son modèle héroïque, [[Achille]]{{sfn|Battistini|2018|p=52}}. Il montre bien sûr un immense appétit de gloire immortelle (''kléos'') qui lui fait chercher la belle-mort{{sfn|Battistini|2018|p=26}}.


Mais Alexandre a aussi une personnalité faite de tempérance et de rationalité<ref group=A name="PLU7,1">Plutarque, ''Alexandre'', 7, 1.</ref>, qui tend à l'excellence dans toute chose, l’''[[arété]]''{{sfn|Battistini|2018|p=45}}. Il est mû par un grand désir de savoir, un amour de la philosophie<ref group=A name="PLU7,1"/>. Cet aspect de sa personnalité est peut-être à la tutelle d'[[Aristote]], qui l'a initié à la [[métaphysique]] et à la [[rhétorique]]{{sfn|Battistini|2018|p=46}}. Influencé également par les [[Cynisme|cyniques]], il aurait fait ce commentaire : « Si je n'étais Alexandre, je voudrais être [[Diogène de Sinope|Diogène]] »<ref group=A name="PLU14"/>, signifiant par-là que la simplicité est une vertu morale<ref name="DUC51"/>, mais aussi que s'il ne peut pratiquer la philosophie par ses actions (''erga''), il la professera par ses paroles (''logoi''). [[Onésicrite]], compagnon d'Alexandre et élève de Diogène, proclame qu'il est un « philosophe en armes »{{sfn|Battistini|2018|p=45}}, celui qui est devenu maître du monde par l'union de la pensée et de l'action<ref name="DUC51"/>. Selon [[Plutarque]]<ref group=A>Plutarque, ''Sur la Fortune d'Alexandre'', I, 5.</ref>, qui témoigne de son admiration, Alexandre est le « plus grand des philosophes » car il a réuni l'éthique et la politique{{sfn|Battistini|2018|p=45}}, et qu'il a « le dessein d'unir tous les hommes par les liens de la concorde, de la paix et d'un commerce mutuel »<ref group=A>Plutarque, ''Sur la Fortune d'Alexandre'', I, 9.</ref>. Il a lu l’''[[Iliade]]'' d'[[Homère]], qui lui a appris l'art de bien parler{{sfn|Battistini|2018|p=51}}. L'art oratoire participe à la gloire, tout autant que la victoire ; comme [[Achille]], il réalise de grandes actions et dit de grandes paroles{{sfn|Battistini|2018|p=51}}. Il montre par ailleurs beaucoup de retenue dans les plaisirs charnels<ref name="DUC62">{{Harvsp|Duchêne|2018|p=62|id=A15ans}}.</ref>, ce qui contraste avec son manque de maîtrise de soi face à l'alcool<ref group="A" name="Athénée_Banquet _X435">Athénée, ''Banquet des Deipnosophistes'', {{X}}, 435.</ref>. [[Arrien]], qui se fie ici à [[Aristobule de Cassandréia|Aristobule]], estime pourtant que si Alexandre se livre à l'ivresse c'est « moins par goût que pour complaire à ses amis »<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', VII, 28</ref>. Il démontre par ailleurs une certaine frugalité<ref name="DUC63">{{Harvsp|Duchêne|2018|p=63|id=A15ans}}.</ref> et sait aussi être maître de lui-même, comme durant la poursuite de [[Bessos]] lorsqu'il refuse de boire de l'eau tant que ses soldats n'en auront pas bu eux aussi{{sfn|Battistini|2018|p=45}}. Finalement, il possède les vertus guerrières chères à [[Homère]], mais montre aussi de la générosité (''philantrôpia'') et de la libéralité{{sfn|Battistini|2018|p=43}}.
Mais Alexandre a aussi une personnalité faite de tempérance et de rationalité<ref group=A name="PLU7,1">Plutarque, ''Alexandre'', 7, 1.</ref>, qui tend à l'excellence dans toute chose, l’''[[arété]]''{{sfn|Battistini|2018|p=45}}. Il est mû par un grand désir de savoir, un amour de la philosophie<ref group=A name="PLU7,1"/>. Cet aspect de sa personnalité a été entretenu par la tutelle d'[[Aristote]], qui l'a initié à la [[métaphysique]] et à la [[rhétorique]]{{sfn|Battistini|2018|p=46}}. Influencé également par les [[Cynisme|cyniques]], il aurait fait ce commentaire : « Si je n'étais Alexandre, je voudrais être [[Diogène de Sinope|Diogène]] »<ref group=A name="PLU14"/>, signifiant par-là que la simplicité est une vertu morale<ref name="DUC51"/>, mais aussi que s'il ne peut pratiquer la philosophie par ses actions (''erga''), il la professera par ses paroles (''logoi''). [[Onésicrite]], [[Compagnon (cavalerie)|Compagnon]] d'Alexandre et élève de Diogène, proclame qu'il est un « philosophe en armes »{{sfn|Battistini|2018|p=45}}, celui qui est devenu maître du monde par l'union de la pensée et de l'action<ref name="DUC51"/>. Selon [[Plutarque]]<ref group=A>Plutarque, ''Sur la Fortune d'Alexandre'', {{I}}, 5.</ref>, qui témoigne de son admiration, Alexandre est le « plus grand des philosophes » car il a réuni l'éthique et la politique{{sfn|Battistini|2018|p=45}}, et qu'il a « le dessein d'unir tous les hommes par les liens de la concorde, de la paix et d'un commerce mutuel »<ref group=A>Plutarque, ''Sur la Fortune d'Alexandre'', {{I}}, 9.</ref>. Il a lu l’''[[Iliade]]'' d'[[Homère]], qui lui a appris l'art de bien parler{{sfn|Battistini|2018|p=51}}. L'art oratoire participe à la gloire, tout autant que la victoire ; comme [[Achille]], il réalise de grandes actions et dit de grandes paroles{{sfn|Battistini|2018|p=51}}. Il montre par ailleurs beaucoup de retenue dans les plaisirs charnels<ref name="DUC62">{{Harvsp|Duchêne|2018|p=62|id=A15ans}}.</ref>, ce qui contraste avec son manque de maîtrise de soi face à l'alcool<ref group="A" name="Athénée_Banquet _X435">Athénée, ''Banquet des Deipnosophistes'', {{X}}, 435.</ref>. [[Arrien]], qui se fie ici à [[Aristobule de Cassandréia|Aristobule]], estime pourtant que si Alexandre se livre à l'ivresse c'est « moins par goût que pour complaire à ses amis »<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{VII}}, 28.</ref>. Il démontre par ailleurs une certaine frugalité<ref name="DUC63">{{Harvsp|Duchêne|2018|p=63|id=A15ans}}.</ref> et sait aussi être maître de lui-même, comme durant la poursuite de [[Bessos]] lorsqu'il refuse de boire de l'eau tant que ses soldats n'en auront pas bu eux aussi{{sfn|Battistini|2018|p=45}}. Finalement, il possède les vertus guerrières chères à [[Homère]], mais montre aussi de la générosité (''philantrôpia'') et de la libéralité{{sfn|Battistini|2018|p=43}}.


En termes de religiosité, Alexandre montre une forme de [[Scepticisme (philosophie)|scepticisme]] sous l'influence d'[[Anaxarque]]<ref name="GOU325">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=325}}.</ref>. Au contraire de sa mère [[Olympias]], il ne se laisse pas profondément influencer par l'[[orphisme]] et le [[Dionysos|dionysisme]]. Son penchant pour le [[komos]] (le banquet dionysiaque) semble davantage dû au vin qu'à l'exaltation religieuse<ref name="GOU325"/>. Les rites accomplis dans le cadre de la fonction royale s'avèrent être purement formels, tandis que les rapports bienveillants entretenus avec les sanctuaires [[Égypte antique|égyptiens]], [[Babylonie tardive|babyloniens]] ou [[Achéménides|perses]] relèvent de l'opportunisme politique<ref name="GOU325"/>. Pour autant, il témoigne d'une anxiété superstitieuse en interrogeant les devins, comme l'oracle de [[Siwa (oasis)|Siwa]], en organisant des sacrifices la nuit précédant la [[bataille de Gaugamèles]]<ref name="GOU325"/>, ou en consultant les prêtres [[chaldée]]ns les dernières semaines de son règne<ref>{{Harvsp|Battistini|2018|p=273}}.</ref>.
En termes de religiosité, Alexandre montre une forme de [[Scepticisme (philosophie)|scepticisme]] sous l'influence d'[[Anaxarque]]<ref name="GOU325">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=325}}.</ref>. Au contraire de sa mère [[Olympias]], il ne se laisse pas profondément influencer par l'[[orphisme]] et le [[Dionysos|dionysisme]]. Son penchant pour le [[komos]] (le banquet dionysiaque) semble davantage dû au vin qu'à l'exaltation religieuse<ref name="GOU325"/>. Les rites accomplis dans le cadre de la fonction royale s'avèrent être purement formels, tandis que les rapports bienveillants entretenus avec les sanctuaires [[Égypte antique|égyptiens]], [[Babylonie tardive|babyloniens]] ou [[Achéménides|perses]] relèvent de l'opportunisme politique<ref name="GOU325"/>. Pour autant, il témoigne d'une anxiété superstitieuse en interrogeant les devins, comme l'oracle de [[Siwa (oasis)|Siwa]], en organisant des sacrifices la nuit précédant la [[bataille de Gaugamèles]]<ref name="GOU325"/>, ou en consultant des prêtres [[chaldée]]ns les dernières semaines de son règne<ref>{{Harvsp|Battistini|2018|p=273}}.</ref>.


=== Les relations féminines d'Alexandre ===
=== Relations féminines ===
[[Fichier:Alexander The Greate and Roxane by Rotari 1756.jpg|vignette|alt=Tableau représentant Alexandre et Roxane|''Alexandre le Grand et Roxane'', [[Pietro Rotari|Pietro Antonio Rotari]], 1756, [[musée de l'Ermitage]].]]
[[Fichier:Alexandre le Grand cédant Campaspe à Apelle.JPG|vignette|alt=Tableau représentant Alexandre le Grand cédant Campaspe à Apelle|''Alexandre le Grand cédant Campaspe à Apelle'', [[Charles Meynier]], 1822.]]


Alexandre n'a pas la réputation d'être particulièrement attiré par les femmes<ref name="Faure p185">{{Harvsp|Faure|1985|p=185}}.</ref>. Ainsi [[Athénée de Naucratis]] écrit : {{citation|[[Théophraste]] dit aussi qu'Alexandre était peu propre aux ébats amoureux. Sa mère [[Olympias]] (du consentement de [[Philippe II de Macédoine|Philippe]]) fit coucher auprès de lui une courtisane thessalienne, nommée Callixine, femme d'une rare beauté, car ils craignaient qu'Alexandre ne fût impuissant, mais elle fut obligée de lui faire les plus pressantes sollicitations pour l'engager à passer dans ses bras}}<ref group="A" name="Athénée_Banquet _X435"/>. [[Pline l'Ancien]] raconte par ailleurs qu'Alexandre aurait offert sa maîtresse favorite [[Campaspe]] (ou Pancaste) au peintre [[Apelle]], ce dernier en étant tombé amoureux ; mais cette anecdote est probablement une légende<ref>Geoffroy Caillet, « À la cour des arts florissants », ''[[Le Figaro]] hors-série'' {{n°|65}} « Alexandre le Grand. Le royaume - l'épopée - la légende », octobre 2011, {{p.|78-85}}.</ref>. Il a tout de même eu pour maîtresse [[Barsine]], fille du satrape [[Artabaze (satrape)|Artabaze]], âgée de neuf ans de plus que lui. Il la connaît depuis son adolescence, car le père de Barsine s'est réfugié à la cour de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]]. Il la retrouve après la [[bataille d'Issos]] ([[333 av. J.-C.]]). Ils ont ensemble un fils, [[Héraclès de Macédoine|Héraclès]], né vers [[328 av. J.-C.|328]]{{Sfn|Faure|1985|p=183}}.
Alexandre n'a pas la réputation d'être particulièrement attiré par les femmes<ref name="Faure p185">{{Harvsp|Faure|1985|p=185}}.</ref>. Ainsi [[Athénée de Naucratis]] écrit : {{citation|[[Théophraste]] dit aussi qu'Alexandre était peu propre aux ébats amoureux. Sa mère [[Olympias]] (du consentement de [[Philippe II de Macédoine|Philippe]]) fit coucher auprès de lui une courtisane thessalienne, nommée Callixine, femme d'une rare beauté, car ils craignaient qu'Alexandre ne fût impuissant, mais elle fut obligée de lui faire les plus pressantes sollicitations pour l'engager à passer dans ses bras}}<ref group="A" name="Athénée_Banquet _X435"/>. [[Pline l'Ancien]] raconte par ailleurs qu'Alexandre aurait offert sa maîtresse favorite [[Campaspe]] (ou Pancaste) au peintre [[Apelle]], ce dernier en étant tombé amoureux ; mais cette anecdote est probablement une légende<ref>Geoffroy Caillet, « À la cour des arts florissants », ''[[Le Figaro]] hors-série'' {{n°|65}} « Alexandre le Grand. Le royaume - l'épopée - la légende », octobre 2011, {{p.|78-85}}.</ref>. Il a tout de même eu pour maîtresse [[Barsine]], fille du satrape [[Artabaze (satrape)|Artabaze]], âgée de neuf ans de plus que lui. Il la connaît depuis son adolescence, car le père de Barsine s'est réfugié à la cour de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]]. Il la retrouve après la [[bataille d'Issos]] ({{date|-333}}). Ils ont ensemble un fils, [[Héraclès de Macédoine|Héraclès]], né vers 328-{{date|-327}}{{Sfn|Faure|1985|p=183}}.


Il faut attendre [[327 av. J.-C.|327]] pour qu'Alexandre consente à épouser [[Roxane]], la fille du [[satrape]] vaincu [[Oxyartès]] qui a fini par se rallier à lui<ref name="GOU289"/> ; elle est réputée comme étant l'une des plus belles femmes d'Asie<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{IV}}, 7.</ref>. Ils ont ensemble deux fils, dont le premier, né pendant la campagne d'Inde meurt en très bas âge. Le deuxième, [[Alexandre IV de Macédoine|Alexandre Aigos]], né trois mois environ après la mort d'Alexandre, devient héritier de l'empire mais sans jamais exercer le pouvoir. [[Cassandre (roi de Macédoine)|Cassandre]] le fait assassiner, avec sa mère, en [[310 av. J.-C.|310]].
Il faut attendre {{date|-327}} pour qu'Alexandre consente à épouser [[Roxane]], la fille du [[satrape]] vaincu [[Oxyartès]] qui a fini par se rallier à lui<ref name="GOU289"/> ; elle est réputée comme étant l'une des plus belles femmes d'Asie<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{IV}}, 7.</ref>. Ils ont ensemble deux fils, dont le premier, né pendant la campagne d'Inde meurt en très bas âge. Le deuxième, [[Alexandre IV de Macédoine|Alexandre Aigos]], né trois mois environ après la mort d'Alexandre, devient héritier de l'empire mais sans jamais exercer le pouvoir. [[Cassandre (roi)|Cassandre]] le fait assassiner, avec sa mère, en 310.


Selon [[Quinte-Curce]], il est possible qu'Alexandre ait eu une liaison avec la reine des [[Assacènes]], réputée d'une grande beauté, Cléophis, qui aurait eu un fils prénommé Alexandre sans que l'on sache s'il en est le père<ref group=A>Quinte-Curce, {{VIII}}, 10, 22.</ref>. Cette histoire sentimentale hypothétique a en partie inspiré [[Jean Racine]] pour la pièce de théâtre, [[Alexandre le Grand (Racine)|''Alexandre le Grand'']]<ref>{{Ouvrage |auteur1=Georges Forestier |titre= Jean Racine|sous-titre= |éditeur= Gallimard |année=2006 |passage=229-233}}. </ref>. En [[324 av. J.-C.|324]], Alexandre épouse [[Stateira (fille de Darius)|Stateira]], la fille aînée de {{souverain2|Darius III}}, et [[Parysatis (fille d'Artaxerxès III)|Parysatis]], la fille d'{{souverain2|Artaxerxès III}}. Il s'agit d'un acte politique alors que {{formatnum:10000}} mariages irano-macédoniens sont célébrés le même jour à [[Suse (Iran)|Suse]]<ref name="Faure p185"/>. Au final, il a eu moins d'épouses que son père {{souverain2|Philippe II de Macédoine}} qui en a totalisé sept<ref group=A>Athénée, ''Banquet des Deipnosophistes'', {{XIII}}, 5.</ref>.
Selon [[Quinte-Curce]], il est possible qu'Alexandre ait eu une liaison avec la reine des [[Assacènes]] Cléophis, réputée d'une grande beauté, qui aurait eu un fils prénommé Alexandre sans que l'on sache s'il en est le père<ref group=A>Quinte-Curce, {{VIII}}, 10, 22.</ref>. Cette histoire sentimentale hypothétique a en partie inspiré [[Jean Racine]] pour la pièce de théâtre [[Alexandre le Grand (Racine)|''Alexandre le Grand'']]<ref>{{Ouvrage |auteur1=Georges Forestier |titre= Jean Racine|éditeur= Gallimard |année=2006 |passage=229-233}}.</ref>. En 324, Alexandre épouse [[Stateira (fille de Darius)|Stateira]], la fille aînée de {{noble|Darius III}}, et [[Parysatis (fille d'Artaxerxès III)|Parysatis]], la fille d'{{noble|Artaxerxès III}}. Il s'agit d'un acte politique alors que {{nombre|10000 mariages}} [[Peuples iraniens|irano]]-[[Royaume de Macédoine|macédoniens]] sont célébrés le même jour à [[Suse (Iran)|Suse]]<ref name="Faure p185"/>. Finalement, il a eu moins d'épouses que son père {{noble|Philippe II de Macédoine|-}}, qui en a totalisé sept<ref group=A>Athénée, ''Banquet des Deipnosophistes'', {{XIII}}, 5.</ref>.


=== Les relations masculines d'Alexandre ===
=== Relations masculines ===
[[Image:Alexander and Hephaestion.jpg|vignette|alt=Deux sculptures représentant Alexandre et Héphaistion|Alexandre, à gauche, et son favori [[Héphestion|Héphaistion]], à droite, [[Royaume lagide|époque ptolémaïque]], musée de la [[Villa Getty]].]]
[[Fichier:Alexander and Hephaestion.jpg|vignette|alt=Deux sculptures représentant Alexandre et Héphaistion|Alexandre, à gauche, et son favori [[Héphestion|Héphaistion]], à droite, [[Royaume lagide|époque ptolémaïque]], musée de la [[Villa Getty]].]]


La question des relations intimes entre Alexandre et son favori [[Héphaestion|Héphaistion]] reste de nos jours sujette à la controverse<ref group=N>Le film d'[[Oliver Stone]], ''[[Alexandre (film)|Alexandre]]'', qui le présente ouvertement comme bisexuel, a par exemple été mal accueilli en Grèce : {{en}} « [http://news.bbc.co.uk/2/hi/entertainment/4032245.stm Bisexual Alexander angers Greeks] », ''BBC'', 22 novembre 2004.</ref>, une tradition historique faisant d'Héphaistion l'amant du roi. Pour autant les notions d'[[homosexualité]] ou de [[bisexualité]] sont anachroniques quant à la sexualité entre hommes à l'époque<ref name="Fig">« Était-il homosexuel », ''[[Le Figaro]] hors-série'' {{n°|65}} « Alexandre le Grand. Le royaume - l'épopée - la légende », octobre 2011, {{p.|53-54}}.</ref>. Par ailleurs, ce sont des chroniqueurs antiques bien postérieurs, utilisant des sources aujourd'hui disparues, qui font état de ces anecdotes concernant leur relation. Les sources anciennes les plus fiables, tels [[Diodore de Sicile]], [[Arrien]], [[Plutarque]] et [[Quinte-Curce]], citent uniquement Héphaistion comme étant l'ami (''philos'') fidèle d'Alexandre, même s'il est vrai qu'ils écrivent à une époque où les relations homosexuelles sont davantage mal vues qu'en [[Époque classique|Grèce classique]]<ref>{{en}} Marilyn Skinner, ''Sexuality in Greek and Roman Culture'', John Wiley & Sons, 2013, {{p.|206}}.</ref>.
La question des relations intimes entre Alexandre et son favori [[Héphestion|Héphaistion]] reste de nos jours sujette à la controverse<ref group=N>Le film d'[[Oliver Stone]], ''[[Alexandre (film)|Alexandre]]'', qui le présente ouvertement comme bisexuel, a par exemple été mal accueilli en Grèce : {{en}} « [http://news.bbc.co.uk/2/hi/entertainment/4032245.stm Bisexual Alexander angers Greeks] », ''BBC'', 22 novembre 2004.</ref>, une tradition historique faisant d'Héphaistion l'amant du roi<ref name="Fig">« Était-il homosexuel », ''[[Le Figaro]] hors-série'' {{n°|65}} « Alexandre le Grand. Le royaume - l'épopée - la légende », octobre 2011, {{p.|53-54}}.</ref>. Des chroniqueurs antiques postérieurs de quelques siècles, utilisant des sources aujourd'hui disparues, font bien état d'anecdotes concernant leur relation amoureuse, à l'image de celle entre [[Achille]] et [[Patrocle]]. Néanmoins les sources anciennes les plus fiables, tels [[Diodore de Sicile]], [[Arrien]], [[Plutarque]] et [[Quinte-Curce]], citent uniquement Héphaistion comme étant l'ami (''philos'') d'Alexandre, même s'il est vrai qu'ils écrivent à une époque où les [[Homosexualité dans l'Antiquité|relations homosexuelles]] sont moins tolérées qu'au temps de la [[Époque classique|Grèce classique]]<ref>{{en}} Marilyn Skinner, ''Sexuality in Greek and Roman Culture'', John Wiley & Sons, 2013, {{p.|206}}.</ref>.


Selon les auteurs antiques, Héphaistion est, depuis l'enfance, l'ami le plus cher et le confident d'Alexandre{{Sfn|Battistini|2018|p=89}}. Après une donation au [[Sanctuaire d'Asclépios et théâtre d'Épidaure|sanctuaire d'Asclépios]] à Épidaure, Alexandre aurait dit selon [[Arrien]] : « J'ai pourtant à me plaindre de ce dieu, qui n'a point sauvé celui que j'aimais plus que moi‑même »<ref group=A>Arrien, {{VII}}, 14.</ref>. Au moment de la capture de la famille royale [[Achéménides|perse]], à la suite de la [[bataille d'Issos]], [[Sisygambis]], la mère de {{nobr|[[Darius III]]}}, aurait confondu, selon la [[Vulgate d'Alexandre le Grand|Vulgate d'Alexandre]], Héphaistion, qui « l'emportait par la taille et la beauté », avec Alexandre, qui aurait rétorqué : « Lui aussi est Alexandre »<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 37, 6. On retrouve cette citation chez Quinte-Curce, Plutarque et Justin</ref>. [[Arrien]] quant à lui rapporte cet événement tout en déclarant qu'il ne se prononce pas sur la véracité ou non de celui-ci<ref group=A>Arrien, {{II}}, 2, 16.</ref>. Cette fable, qui fait d'Héphaistion le véritable ''alter-ego'' d'Alexandre, proviendrait de l'historien [[Clitarque d'Alexandrie|Clitarque]], sachant que le thème de la ressemblance vestimentaire entre les deux hommes est commun à [[Alexandrie]] à la fin du {{-s-|IV|e}}. Par ailleurs [[Aristote]], qui a été leur professeur, déclare que l'amitié est comme « une seule âme demeurant dans deux corps »<ref group=A>Diogène Laërce, {{V}}, 1, 20.</ref>. Pour le philosophe l'amitié (''philia'') est une forme d'amour (''éros''){{Sfn|Battistini|2018|p=29}} et « la chose la plus nécessaire à l'existence »{{Sfn|Battistini|2018|p=31}}. Dans l{{'}}''[[Éthique à Nicomaque]]''<ref group=A>Aristote, ''Éthique à Nicomaque'', {{VIII}}, {{X}}.</ref>, il définit l'amitié entre ceux qui se ressemblent comme une vertu, ajoutant que ceux nous aimons le sont car ils sont un autre nous-même{{Sfn|Battistini|2018|p=30}}.
Selon les sources antiques, Héphaistion est depuis l'enfance l'ami le plus cher et le confident d'Alexandre{{Sfn|Battistini|2018|p=89}}. Après une donation au [[Sanctuaire d'Asclépios et théâtre d'Épidaure|sanctuaire d'Asclépios]] à Épidaure, Alexandre aurait dit : « J'ai pourtant à me plaindre de ce dieu, qui n'a point sauvé celui que j'aimais plus que moi‑même »<ref group=A>Arrien, {{VII}}, 14.</ref>. Au moment de la capture de la famille royale [[Achéménides|perse]], à la suite de la [[bataille d'Issos]], [[Sisygambis]], la mère de {{noble|Darius III}}, aurait confondu, selon les auteurs de la [[Vulgate d'Alexandre le Grand|Vulgate]], Héphaistion, qui « l'emportait par la taille et la beauté », avec le roi, qui aurait rétorqué : « Lui aussi est Alexandre »<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 37, 6. On retrouve cette citation chez Quinte-Curce, Plutarque et Justin.</ref>. [[Arrien]] quant à lui rapporte cet événement tout en déclarant qu'il ne se prononce pas sur la véracité ou non de celui-ci<ref group=A>Arrien, {{II}}, 12, 16.</ref>. Cette fable, qui fait d'Héphaistion le véritable ''alter-ego'' d'Alexandre, proviendrait de l'historien [[Clitarque d'Alexandrie|Clitarque]], sachant que le thème de la ressemblance vestimentaire entre les deux hommes est commun à [[Alexandrie]] à la fin du {{-s-|IV}} Par ailleurs [[Aristote]], qui a été leur professeur, déclare que l'amitié est comme « une seule âme demeurant dans deux corps »<ref group=A>Diogène Laërce, {{V}}, 1, 20.</ref>. Pour le philosophe l'amitié (''philia'') est une forme d'amour (''éros''){{Sfn|Battistini|2018|p=29}} et « la chose la plus nécessaire à l'existence »{{Sfn|Battistini|2018|p=31}}. Dans l{{'}}''[[Éthique à Nicomaque]]''<ref group=A>Aristote, ''Éthique à Nicomaque'', {{VIII}}, {{X}}.</ref>, il définit l'amitié entre ceux qui se ressemblent comme une vertu, ajoutant que ceux nous aimons le sont car ils sont un autre nous-même{{Sfn|Battistini|2018|p=30}}.


À l'occasion d'un pèlerinage à [[Troie]] au printemps [[334 av. J.-C.]], attesté par Arrien<ref group=A>Arrien, {{I}}, 12, 1.</ref>, Alexandre et Héphaistion ont déposé des gerbes sur les tombes d'[[Achille]] et [[Patrocle]] pour ensuite faire une course nus pour honorer les deux [[Culte héroïque grec|héros]]. Selon [[Claude Élien|Élien]] cet épisode laisse entendre qu'Héphaistion est l'[[éromène]] d'Alexandre, comme Patrocle a été celui d'Achille<ref group=A>Élien, ''Histoire variée'', {{XII}}, 7.</ref>. Mais cet interprétation reste sujette à caution{{Sfn|Heckel|2006|p=133}}, car l'œuvre d'Élien est une collection d'anecdotes, écrite plus de cinq siècles après la mort d'Alexandre. À l'époque d'Élien, il semble d'ailleurs acquis qu'Achille et Patrocle soient amants alors qu'[[Homère]] ne l'évoque pas explicitement<ref name="MARTIN">{{en}} Thomas R. Martin, ''Alexander the Great: the story of an ancient life'', Cambridge University Press, 2012, {{p.|99–100}}.</ref>. Parmi des auteurs ultérieurs estimant qu'Achille et Patrocle sont amants on retrouve tout de même [[Platon]] dans ''[[Le Banquet (Platon)|Le Banquet]]''<ref group=A>Platon, ''Le Banquet'', 179e-180a.</ref>. Quant à l'immense peine d'Alexandre après la mort de son favori, elle le rapproche d'Achille pleurant Patrocle{{sfn|Battistini|2018|136}}. Selon l'historien Robin Lane Fox, cet hommage à Achille et Patrocle montre bel et bien qu'ils ont une relation intime car à l'époque il est convenu que les deux héros sont amoureux et que cette comparaison est destinée à rester jusqu'à la fin de leurs jours<ref name="FOX1">{{en}}, Robin Lane Fox, ''Alexander the Great'', E.P. Dutton, 1974, {{p.|113}}.</ref>.
À l'occasion d'un pèlerinage à [[Troie]] au printemps {{date|-334}}, attesté notamment par [[Arrien]]<ref group=A>Arrien, {{I}}, 12, 1.</ref>, Alexandre et Héphaistion ont déposé des gerbes sur les tombes d'[[Achille]] et [[Patrocle]] pour ensuite effectuer, ensemble et nus, une course pour honorer les deux [[Culte héroïque grec|héros]]. Selon [[Claude Élien|Élien]] cet épisode laisserait entendre qu'Héphaistion est bien l'[[éromène]] d'Alexandre, comme Patrocle a été celui d'Achille<ref group=A>Élien, ''Histoire variée'', {{XII}}, 7.</ref>. Cette interprétation reste sujette à caution aux yeux de certains modernes{{Sfn|Heckel|2006|p=133}}, car l'œuvre d'Élien est une collection d'anecdotes, écrite plus de cinq siècles après les faits. À son époque, il semble d'ailleurs acquis qu'Achille et Patrocle soient amants alors qu'[[Homère]] ne l'évoque pas explicitement<ref name="MARTIN">{{en}} Thomas R. Martin, ''Alexander the Great: the story of an ancient life'', Cambridge University Press, 2012, {{p.|99–100}}.</ref>. Parmi des auteurs ultérieurs estimant qu'Achille et Patrocle sont amants on retrouve tout de même [[Platon]] dans ''[[Le Banquet (Platon)|Le Banquet]]''<ref group=A>Platon, ''Le Banquet'', 179e-180a.</ref>. Quant à l'immense peine d'Alexandre après la mort de son favori, elle le rapproche ''in fine'' d'Achille pleurant Patrocle{{sfn|Battistini|2018|p=136}}. Selon l'historien Robin Lane Fox, cet hommage à Achille et Patrocle montre bel et bien qu'ils ont une relation intime, car à l'époque il est convenu que les deux héros sont amoureux et que cette comparaison est destinée à rester jusqu'à la fin de leurs jours<ref name="FOX1">{{en}}, Robin Lane Fox, ''Alexander the Great'', E.P. Dutton, 1974, {{p.|113}}.</ref>. Selon [[Mary Beard|M. Beard]] la description par Arrien des lamentations d'Alexandre après la mort de Héphaiston et l'héroïsation de ce dernier auraient plutôt pour modèle ce que l'empereur [[Hadrien]], dont l'historien est le serviteur, a fait à la mort de son amant [[Antinous]]<ref>{{Ouvrage|langue=en| auteur=Mary Beard| titre =Confronting the Classics: Traditions, Adventures and Innovations | lieu=Londres| éditeur=Profile Books |année= 2013|passage=52-53 }}.</ref>.


Alexandre et Héphaistion ont grandi à une époque où, selon certains historiens, les relations homosexuelles entre hommes sont considérées comme anormales par la majorité des Grecs<ref name="MARTIN"/>. Mais selon d'autres chercheurs, comme [[Eva Cantarella]], la bisexualité masculine est largement autorisée à cette époque dans la mesure où elle reste dans les limites prédéfinies<ref name="CANTARELLA">{{it}} Eva Cantarella, ''Secondo natura. La bisessualità nel mondo antico'', Biblioteca Universale Rizzoli, 2001, {{p.|7}}.</ref>. Pour les Grecs, l'homosexualité n'est pas un choix exclusif ou une option hors norme ; il s'agit d'une partie de l'expérience de la vie qui peut être associée à l'amour d'une femme<ref name="CANTARELLA"/>. Toutefois le modèle des relations amoureuses entre personnes du même sexe n'est pas le même dans toutes les cités grecques. Certains auteurs de l'époque romaine prennent pour exemple le modèle athénien, en présumant qu'Alexandre et Héphaistion ont entretenu une relation sexuelle au moment de leur adolescence, après quoi ils l'auraient abandonnée<ref>Alan Fildes, ''Alexander the Great: Son of the Gods'', Getty Publications, 2004, {{p.|96}}.</ref>. Cependant ce qui est vrai à Athènes, ne l'est pas nécessairement en Macédoine. Les rois [[argéades]] prétendent en effet descendre des [[Doriens]], supposés prôner l'homosexualité masculine<ref name="FOX1"/>, ce type de relation s'apparentant davantage aux mœurs du [[Bataillon sacré]] de [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]] qu'à celles en vigueur dans la cité [[attique]]<ref>N. G. L. Hammond, ''The Genius of Alexander the Great'', Duckworth, 1997, {{p.|27}}.</ref>. {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}, ainsi que nombre des officiers de son père, sont par exemple réputés pour être bisexuels{{Sfn|Faure|1985|p=185}}.
Alexandre et Héphaistion ont grandi à une époque où, selon certains historiens, les relations homosexuelles entre hommes sont considérées comme anormales par la majorité des [[Grec ancien|Grecs]]<ref name="MARTIN"/>. Mais selon d'autres chercheurs, comme [[Eva Cantarella]], la bisexualité masculine est largement autorisée à cette époque dans la mesure où elle reste dans les limites prédéfinies<ref name="CANTARELLA">{{it}} Eva Cantarella, ''Secondo natura. La bisessualità nel mondo antico'', Biblioteca Universale Rizzoli, 2001, {{p.|7}}.</ref>. Pour les Grecs, l'homosexualité n'est pas un choix exclusif ou une option hors norme ; il s'agit d'une partie de l'expérience de la vie qui peut être associée à l'amour d'une femme<ref name="CANTARELLA"/>. Toutefois le modèle des relations amoureuses entre personnes du même sexe n'est pas le même dans toutes les cités grecques. Certains auteurs de l'époque romaine prennent pour exemple le modèle athénien, en présumant qu'Alexandre et Héphaistion ont entretenu une relation sexuelle au moment de leur adolescence, après quoi ils l'auraient abandonnée<ref>Alan Fildes, ''Alexander the Great: Son of the Gods'', Getty Publications, 2004, {{p.|96}}.</ref>. Cependant ce qui est vrai à Athènes, ne l'est pas nécessairement en Macédoine. Les rois [[argéades]] prétendent en effet descendre des [[Doriens]], supposés prôner l'homosexualité masculine<ref name="FOX1"/>, ce type de relation s'apparentant davantage aux mœurs du [[Bataillon sacré]] de [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]] qu'à celles en vigueur dans la cité [[attique]]<ref>N. G. L. Hammond, ''The Genius of Alexander the Great'', Duckworth, 1997, {{p.|27}}.</ref>. {{noble|Philippe II de Macédoine}}, ainsi que nombre des officiers de son père, sont par exemple réputés pour être bisexuels<ref name="Faure p185"/>.


Selon certains auteurs antiques, Alexandre aurait eu pour [[éromène]] l'eunuque [[Bagoas (favori d'Alexandre le Grand)|Bagoas]]<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 67, 7-8.</ref>. D'après [[Quinte-Curce]], Bagoas, « eunuque d'une rare beauté et encore dans la première fleur de l'adolescence » a été offert à Alexandre par [[Nabarzanès]], un général de {{souverain2|Darius III}}, après la [[bataille de Gaugamèles]]<ref group=A>Quinte-Curce, {{VI}}, 5.</ref>. [[Plutarque]] fait mention d'une soirée où Alexandre donne un baiser à Bagoas après que celui-ci a dansé pour le roi<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 67, 8 ; Athénée, ''Banquet'', 603 a-b.</ref>. Il est néanmoins possible que ce baiser soit d'abord un geste politique, Alexandre montrant là son attrait pour les mœurs orientales car, en [[Perse]], les eunuques sont communs à la cour du souverain<ref name="Fig"/>{{,}}<ref>Martin Peltier, « Complètement Stone », ''[[Le Figaro]] hors-série'' {{n°|65}} « Alexandre le Grand. Le royaume - l'épopée - la légende », octobre 2011, {{p.|112-114}}.</ref>. Toujours selon Quinte-Curce, Bagoas se serait prostitué à Alexandre. Il aurait par ailleurs poussé Alexandre à faire exécuter [[Orxinès]], un noble perse coupable de l'avoir méprisé, en le faisant accuser d'avoir pillé le [[Mausolée de Cyrus|tombeau de Cyrus]]<ref group=A>Quinte-Curce, {{X}}, 1.</ref>. Mais cette relation avec Bagoas pourrait n'avoir été qu'une rumeur émanant de Macédoniens agacés par la politique orientale d'Alexandre et amplifiée par les moralistes grecs et latins tardifs{{Sfn|Faure|1985|p=185}}. Enfin d'après [[Plutarque]], Alexandre aurait rejeté les propositions d'un proxénète qui lui offre contre argent les plus jolis garçons<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 22, 1-2.</ref>.
D'après certains auteurs antiques, Alexandre aurait eu pour [[éromène]] l'[[eunuque]] perse [[Bagoas (favori d'Alexandre le Grand)|Bagoas]]<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 67, 7-8.</ref>. [[Quinte-Curce]] écrit que Bagoas, « eunuque d'une rare beauté et encore dans la première fleur de l'adolescence », a été offert à Alexandre par [[Nabarzanès]], un général de {{noble|Darius III}}, après la [[bataille de Gaugamèles]]<ref group=A>Quinte-Curce, {{VI}}, 5.</ref>. [[Plutarque]] fait mention d'une soirée où Alexandre donne un baiser à Bagoas après que celui-ci a dansé pour le roi<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 67, 8 ; Athénée, ''Banquet'', 603 a-b.</ref>. Il est néanmoins possible que ce baiser soit aussi un geste politique, Alexandre montrant par là son attrait pour les mœurs orientales car en Perse les eunuques sont communs à la cour du souverain<ref name="Fig"/>{{,}}<ref>Martin Peltier, « Complètement Stone », ''[[Le Figaro]] hors-série'' {{n°|65}} « Alexandre le Grand. Le royaume - l'épopée - la légende », octobre 2011, {{p.|112-114}}.</ref>. Toujours selon Quinte-Curce, Bagoas se serait prostitué à Alexandre. Il aurait par ailleurs poussé Alexandre à faire exécuter [[Orxinès]], un noble perse coupable de l'avoir méprisé, en le faisant accuser d'avoir pillé le [[Mausolée de Cyrus|tombeau de Cyrus]]<ref group=A>Quinte-Curce, {{X}}, 1.</ref>. Mais cette relation avec Bagoas pourrait n'avoir été qu'une rumeur émanant de Macédoniens agacés par la politique orientale d'Alexandre et amplifiée par les moralistes grecs et latins tardifs<ref name="Faure p185"/>. Enfin d'après Plutarque, Alexandre aurait rejeté les propositions d'un proxénète lui offrant contre argent les plus jolis garçons<ref group=A>Plutarque, ''Alexandre'', 22, 1-2.</ref>.


=== Les animaux d'Alexandre ===
=== Relations avec les animaux ===
[[Image:Alexandre et Bucephale.jpg|vignette|alt=Monnaie en bronze représentant au revers le jeune Alexandre dressant Bucéphale|Monnaie d'époque romaine, {{s-|III}}, avec au revers le jeune Alexandre dressant [[Bucéphale]].]]
[[Fichier:Alexandre et Bucephale.jpg|vignette|alt=Monnaie en bronze représentant au revers le jeune Alexandre dressant Bucéphale|Monnaie d'époque romaine, {{sap-|III}}, avec au revers le jeune Alexandre dressant [[Bucéphale]].]]


Alexandre possède deux animaux passés à la postérité, un cheval et un chien. Son cheval, qui l'accompagne tout au long de ses conquêtes, est [[Bucéphale]] ; il parvient à le dompter alors qu'il n'a que {{unité|10|ans}}<ref>{{Harvsp|Duchêne|2018|p=55|id=A15ans}}.</ref>. Il lui dédie après sa mort en [[326 av. J.-C.]] une cité, [[Bucéphalie]], dans le [[Pendjab (Pakistan)|Pendjab]] pakistanais<ref>{{Harvsp|Duchêne|2018|p=56|id=A15ans}}.</ref>. Son chien s'appelle [[Péritas]]<ref group=A name="PLU61"> Plutarque, ''Alexandre'', 61, 3.</ref> ; il s'agit probablement d'un [[molossoïde|molosse]], d'une « taille extraordinaire », qui lui a été offert par [[Alexandre Ier d'Épire|Alexandre le Molosse]]<ref group=A>Pline l'Ancien, ''Histoire Naturelle'', {{VIII}}, 61.</ref>, frère d'[[Olympias]], les [[Molosses (Épire)|Molosses]] désignant à l'origine l'une des principales peuplades d'[[Épire]]. À sa mort en Inde, Alexandre lui dédie la construction d'une cité sur les bords du fleuve Hydaspe (actuel [[Jhelum (rivière)|Jhelum]])<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=115}}.</ref>.
Alexandre possède deux animaux passés à la postérité, un cheval et un chien. Son cheval, qui l'accompagne tout au long de ses conquêtes, est [[Bucéphale]] ; il parvient à le dompter alors qu'il n'a que {{nobr|10 ans}}<ref>{{Harvsp|Duchêne|2018|p=55|id=A15ans}}.</ref>. Il lui dédie après sa mort en {{date|-326}} une cité, [[Bucéphalie]], dans le [[Pendjab (Pakistan)|Pendjab]] pakistanais<ref>{{Harvsp|Duchêne|2018|p=56|id=A15ans}}.</ref>. Son chien s'appelle [[Péritas]]<ref group=A name="PLU61">Plutarque, ''Alexandre'', 61, 3.</ref> ; il s'agit probablement d'un [[molossoïde|molosse]], d'une « taille extraordinaire », qui lui a été offert par [[Alexandre Ier d'Épire|Alexandre le Molosse]]<ref group=A>Pline l'Ancien, ''Histoire Naturelle'', {{VIII}}, 61.</ref>, frère d'[[Olympias]], les [[Molosses (Épire)|Molosses]] désignant à l'origine l'une des principales peuplades d'[[Épire]]. À sa mort en Inde, Alexandre lui dédie la construction d'une cité sur les bords du fleuve Hydaspe (actuel [[Jhelum (rivière)|Jhelum]])<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=115}}.</ref>.


== L'œuvre d'Alexandre ==
== Œuvre d'Alexandre ==
{{Article détaillé |Bilan du règne d'Alexandre le Grand}}
{{Article détaillé |Bilan du règne d'Alexandre le Grand}}
[[Fichier:MacedonEmpire-fr.jpg|vignette|center|redresse=4|alt=Carte représentant l'itinéraire et les conquêtes d'Alexandre|L’empire d’Alexandre à son apogée.]]
[[Fichier:MacedonEmpire-fr.jpg|vignette|center|redresse=4|alt=Carte représentant l'itinéraire et les conquêtes d'Alexandre|L’empire d’Alexandre à son apogée.]]


=== L’œuvre militaire ===
=== Œuvre militaire ===
[[Fichier:Alexander Sarcophagus.jpg|vignette|alt=Bas-relief représentant Alexandre monté à cheval qui combat un cavalier perse|Alexandre combattant les Perses, détail du [[sarcophage d'Alexandre]], [[musée archéologique d'Istanbul]].]]
[[Fichier:Alexander Sarcophagus.jpg|vignette|alt=Bas-relief représentant Alexandre monté à cheval qui combat un cavalier perse|Alexandre combattant les Perses, détail du [[sarcophage d'Alexandre]], [[musée archéologique d'Istanbul]].]]


Alexandre est souvent considéré comme le plus grand génie militaire de l'[[Antiquité]], à la fois stratège hors pair et combattant téméraire. Pour autant, il ne faudrait pas oublier le mérite des soldats, officiers et techniciens qui l'ont accompagné en Asie, ni l'héritage de {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}<ref name="GOU326" />. Ses grandes victoires contre les [[Achéménides|Perses]] ([[Bataille du Granique|Granique]], [[Bataille d'Issos|Issos]], [[Bataille de Gaugamèles|Gaugamèles]]) sont fondées sur des concepts stratégiques établis par son père, qui s'inspire lui-même en partie de l'ordre oblique d'[[Épaminondas]]{{sfn|Battistini|2018|p=99}}, et qu'applique son second, l'expérimenté [[Parménion]]. Alexandre met en œuvre la [[Tactique militaire utilisée par Alexandre le Grand|tactique]] dite du « marteau et de l'enclume » tout en bénéficiant de facteurs favorables et de la faiblesse stratégique des Perses<ref name="GOU326"/>. Son génie militaire réside dans sa capacité à lancer la charge de cavalerie au moment opportun. C'est en Haute Asie, après [[330 av. J.-C.]], qu'Alexandre établit des tactiques novatrices dans sa lutte contre les derniers Perses insoumis et dans les steppes contre les cavaliers [[scythes]]<ref name="GOU326"/>. En Inde, il doit prendre en compte un nouvel adversaire, les [[Éléphant de guerre|éléphants de guerre]]. La [[bataille de l'Hydaspe]] se déroule selon une tactique nouvelle, Alexandre n'ayant d'ailleurs probablement pas participé directement aux combats, laissant ses généraux, dont [[Cratère (général)|Cratère]] et [[Perdiccas (général)|Perdiccas]], exécuter ses ordres<ref name="GOU327">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=327}}.</ref>. Finalement, Alexandre n'a livré que quatre grandes batailles rangées, auxquelles on pourrait ajouter la [[bataille des Portes persiques]] ainsi que de nombreux sièges, dont ceux de [[Bataille de Thèbes|Thèbes]], [[Siège de Milet|Milet]], [[Siège d'Halicarnasse|Halicarnasse]], [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|Tyr]] et [[Aornos]].
Alexandre est souvent considéré comme le plus grand génie militaire de l'[[Antiquité]], à la fois stratège hors pair et combattant téméraire. Pour autant, il ne faudrait pas oublier le mérite des soldats, officiers et techniciens qui l'ont accompagné en Asie, ni l'héritage de {{noble|Philippe II de Macédoine|-}}<ref name="GOU326" />. Ses grandes victoires contre les [[Achéménides|Perses]] ([[Bataille du Granique|Granique]], [[Bataille d'Issos|Issos]], [[Bataille de Gaugamèles|Gaugamèles]]) sont fondées sur des concepts stratégiques établis par son père, qui s'inspire lui-même en partie de l'ordre oblique d'[[Épaminondas]]{{sfn|Battistini|2018|p=99}}, et qu'applique son second, l'expérimenté [[Parménion]]. Alexandre met en œuvre la [[Tactique militaire utilisée par Alexandre le Grand|tactique]] dite du « marteau et de l'enclume » tout en bénéficiant de facteurs favorables et de la faiblesse stratégique des Perses<ref name="GOU326"/>. Son génie militaire réside dans sa capacité à lancer la charge de cavalerie au moment opportun. C'est en [[Iran]], après {{date|-330}}, qu'Alexandre établit des tactiques novatrices dans sa lutte contre les derniers Perses insoumis et dans les steppes contre les cavaliers [[scythes]]<ref name="GOU326"/>. En Inde, il doit prendre en compte un nouvel adversaire, les [[Éléphant de guerre|éléphants de guerre]]. La [[bataille de l'Hydaspe]] se déroule selon une tactique nouvelle, Alexandre n'ayant d'ailleurs probablement pas participé directement aux combats, laissant ses généraux, dont [[Cratère (général)|Cratère]] et [[Perdiccas (général)|Perdiccas]], exécuter ses ordres<ref name="GOU327">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=327}}.</ref>. Finalement, Alexandre n'a livré que quatre grandes batailles rangées, auxquelles on pourrait ajouter la [[bataille des Portes persiques]] ainsi que de nombreux sièges, dont ceux de [[Bataille de Thèbes|Thèbes]], [[Siège de Milet|Milet]], [[Siège d'Halicarnasse|Halicarnasse]], [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|Tyr]] et [[Aornos]].


Alexandre montre toute son inventivité dans la manœuvre avec des marches rapides, des déplacements en montagne, des campagnes d'hiver, des franchissements de fleuve. Il applique aussi des stratagèmes émis par les stratèges grecs, tels [[Xénophon]] et [[Iphicrate]], rompus à l'art de la guerre rusée<ref name="GOU327"/>. Il parait économe de la vie de ses hommes, préférant la manœuvre rapide au combat frontal. Il est aussi un grand manieur d'hommes. Ses harangues, même si les textes authentiques sont inconnus, sont pleines d'éloquence et de force de conviction<ref name="GOU327"/>. Il n'échoue à convaincre ses troupes qu'en Inde sur les rives de l'[[Beas (rivière)|Hyphase]] en [[326 av. J.-C.|326]]<ref name="GOU297"/>.
Alexandre montre toute son inventivité dans la manœuvre avec des marches rapides, des déplacements en montagne, des campagnes d'hiver, des franchissements de fleuve. Il applique aussi des stratagèmes émis par les stratèges grecs, tels [[Xénophon]] et [[Iphicrate]], rompus à l'art de la guerre rusée<ref name="GOU327"/>. Il parait économe de la vie de ses hommes, préférant la manœuvre rapide au combat frontal. Il est aussi un grand manieur d'hommes. Ses harangues, même si les textes authentiques sont inconnus, sont pleines d'éloquence et de force de conviction<ref name="GOU327"/>. Il n'échoue à convaincre ses troupes qu'en Inde sur les rives de l'[[Beas (rivière)|Hyphase]] en 326<ref name="GOU297"/>.


=== L’œuvre politique ===
=== Œuvre politique ===
[[Fichier:Valenciennes,_Pierre-Henri_de_-_Alexander_at_the_Tomb_of_Cyrus_the_Great_-_1796.jpg|vignette|redresse=1.5|alt=Peinture représentant Alexandre devant le tombeau de Cyrus|''Alexandre devant le tombeau de Cyrus'', [[Pierre-Henri de Valenciennes]], 1796.]]
[[Fichier:Valenciennes,_Pierre-Henri_de_-_Alexander_at_the_Tomb_of_Cyrus_the_Great_-_1796.jpg|vignette|redresse=1.5|alt=Peinture représentant Alexandre devant le tombeau de Cyrus|''Alexandre devant le tombeau de Cyrus'', [[Pierre-Henri de Valenciennes]], 1796.]]


Une analyse de l'œuvre d’Alexandre est complexe à réaliser car celle-ci reste inachevée. Il est d'abord le fondateur d'un empire multiethnique et multiculturel établi sur les bases de l'empire [[Achéménides|achéménide]]<ref name="A15p86"/>. Il conserve les cadres administratifs de l'empire perse<ref name="A15p87">{{Harvsp|Briant|2018|p=87|id=A15ans}}.</ref>, dont les [[satrape|satrapies]], tout en cherchant à se concilier l'aristocratie perse, comme le montrent la rénovation du tombeau de [[Cyrus le Grand|Cyrus]] ou les noces de [[Suse (Iran)|Suse]]<ref name="A15p87"/>. Chaque peuple conserve ses particularismes culturels ou religieux. Les populations continuent de parler leur langue, dont l'[[araméen]] et le [[Babylonien (langue)|babylonien]], bien que le [[Grec ancien|grec]] devienne la langue officielle de l'administration royale, comme elle le sera du temps des monarchies [[Époque hellénistique|hellénistiques]]. Il établit par ailleurs, dans le plateau iranien et en Asie centrale, des foyers de peuplement grec, avec l’implantation de vétérans et de colons qui se développent surtout à l'époque [[Séleucides|séleucide]]. En principe, Alexandre est parvenu à unifier son empire car tous les territoires conquis dépendent de son autorité, mais derrière cette souveraineté totale se cache une grande diversité de statuts et de situations, comme dans l'administration satrapique ou des cités. C'est la conséquence directe de l’extraordinaire rapidité de la conquête.
Une analyse de l'œuvre d’Alexandre est complexe à réaliser car celle-ci reste inachevée. Il est d'abord le fondateur d'un empire multiethnique et multiculturel établi sur les bases de l'empire [[Achéménides|achéménide]]<ref name="A15p86"/>. Il conserve les cadres administratifs de l'empire perse<ref name="A15p87">{{Harvsp|Briant|2018|p=87|id=A15ans}}.</ref>, dont les [[satrape|satrapies]], tout en cherchant à se concilier l'aristocratie perse, comme le montrent la rénovation du [[Mausolée de Cyrus|tombeau de Cyrus]] ou les [[noces de Suse]]<ref name="A15p87"/>. Chaque peuple conserve ses particularismes culturels ou religieux. Les populations continuent de parler leur langue, dont l'[[araméen]] et le [[Babylonien (langue)|babylonien]], bien que le [[Grec ancien|grec]] devienne la langue officielle de l'administration royale, comme elle le sera du temps des monarchies [[Époque hellénistique|hellénistiques]]. Il établit par ailleurs, dans le plateau iranien et en Asie centrale, des foyers de peuplement grec, avec l’implantation de vétérans et de colons qui se développent surtout à l'époque [[Séleucides|séleucide]]. En principe, Alexandre est parvenu à unifier son empire car tous les territoires conquis dépendent de son autorité, mais derrière cette souveraineté totale se cache une grande diversité de statuts et de situations, comme dans l'administration satrapique ou des cités. C'est la conséquence directe de l’extraordinaire rapidité de la conquête.


Alexandre ne semble pas vouloir constituer un empire macédonien débordant sur l'Asie, contrairement à l'idée défendue par [[Isocrate]] dans son discours de {{an av. J.-C.|346}} intitulé ''Philippos''<ref group=A>Isocrate, {{IV}}, 50.</ref>. Le rhéteur athénien se pose en effet en apôtre du [[panhellénisme]] et fait de {{souverain2|Philippe II de Macédoine}} l'unificateur de la Grèce et le chef de la guerre contre les [[Perses]]<ref>{{Harvsp|Battistini|2018|p=23}}.</ref>. Alexandre semble bien vouloir l'Asie tout entière, du moins selon la connaissance qu'en possèdent les [[Grèce antique|Grecs]] à l'époque. Il ne fait d'ailleurs qu'appliquer le [[Droit grec ancien|droit grec]] de la guerre<ref name="BRI94p26">{{Harvsp|Briant|1994|p=26|id=PUF1994}}.</ref>, ainsi défini par [[Xénophon]] : « C'est une loi universelle et éternelle que, dans une ville prise sur des ennemis en état de guerre, tout, et les personnes et les biens, appartient au vainqueur »<ref group=A>Xénophon, ''Cyropédie'', {{VII}}, 5, 73.</ref>. Il parait donc que l'objectif premier d'Alexandre soit de remplacer la souveraineté [[Achéménides|achéménide]] par la souveraineté macédonienne et qu'il considère que toutes ses conquêtes sont définitives. La nomination de [[satrape]]s dès la victoire du [[Bataille du Granique|Granique]] va dans ce sens<ref name="BRI94p27">{{Harvsp|Briant|1994|p=27|id=PUF1994}}.</ref>. Après la prise de [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|Tyr]], il affirme avec force qu'il ne se contentera pas de la conquête de la [[Lydie]] et la [[Cilicie]]<ref group=A>Quinte-Curce, {{IV}}, 5, 8.</ref>, ce qui correspond à l'objectif émis par Isocrate. Les historiens de l'Antiquité sont tous convaincus que son objectif est bien la conquête de l'ensemble du territoire achéménide<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{II}}, 25, 3.</ref>. Certes, il faut se montrer prudent avec les diverses sources ; l'on ne sait s'il s'agit chez [[Arrien]] et [[Quinte-Curce]] du rapport fidèle des ambitions territoriales d'Alexandre ou d'un discours historiographique construit afin de donner l'impression chez le conquérant d'une vision à long terme, et non d'une conquête improvisée au gré des victoires et des événements. Quoi qu'il en soit, il semble difficile de croire qu'à la suite d'un éventuel accord entre Darius et Alexandre, ce dernier ait accepté de faire de l'[[Euphrate]] sa frontière orientale<ref name="BRI94p48"/>. Le fait que tout au long de la conquête Alexandre revendique systématiquement les territoires qui à un moment ou à un autre ont été achéménides illustre un projet politique cohérent<ref name="BRI94p27"/>.
Alexandre ne semble pas vouloir constituer un empire macédonien débordant sur l'Asie, contrairement à l'idée défendue par [[Isocrate]] dans son discours de {{date|-346}} intitulé ''Philippe''<ref group=A>Isocrate, {{IV}}, 50.</ref>. Le rhéteur athénien se pose en effet en apôtre du [[panhellénisme]] et fait de {{noble|Philippe II (roi de Macédoine)}} l'unificateur de la Grèce et le chef de la guerre contre les [[Empire perse|Perses]]<ref>{{Harvsp|Battistini|2018|p=23}}.</ref>. Alexandre semble bien vouloir l'Asie tout entière, du moins selon la connaissance qu'en possèdent les Grecs à l'époque. Il ne fait d'ailleurs qu'appliquer le [[Droit grec ancien|droit grec]] de la guerre<ref name="BRI94p26">{{Harvsp|Briant|1994|p=26|id=PUF1994}}.</ref>, ainsi défini par [[Xénophon]] : « C'est une loi universelle et éternelle que, dans une ville prise sur des ennemis en état de guerre, tout, et les personnes et les biens, appartient au vainqueur »<ref group=A>Xénophon, ''Cyropédie'', {{VII}}, 5, 73.</ref>. Il parait donc que l'objectif premier d'Alexandre soit de remplacer la souveraineté [[Achéménides|achéménide]] par la souveraineté macédonienne et qu'il considère que toutes ses conquêtes sont définitives. La nomination de [[satrape]]s dès la victoire du [[Bataille du Granique|Granique]] va dans ce sens<ref name="BRI94p27">{{Harvsp|Briant|1994|p=27|id=PUF1994}}.</ref>. Après la prise de [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|Tyr]], il affirme avec force qu'il ne se contentera pas de la conquête de la [[Lydie]] et la [[Cilicie]]<ref group=A>Quinte-Curce, {{IV}}, 5, 8.</ref>, ce qui correspond à l'objectif émis par Isocrate. Les historiens de l'Antiquité sont tous convaincus que son objectif est bien la conquête de l'ensemble du territoire achéménide<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{II}}, 25, 3.</ref>. Certes, il faut se montrer prudent avec les diverses sources ; l'on ne sait s'il s'agit chez [[Arrien]] et [[Quinte-Curce]] du rapport fidèle des ambitions territoriales d'Alexandre ou d'un discours historiographique construit afin de donner l'impression chez le conquérant d'une vision à long terme, et non d'une conquête improvisée au gré des victoires et des événements. Quoi qu'il en soit, il semble difficile de croire qu'à la suite d'un éventuel accord entre Darius et Alexandre, ce dernier ait accepté de faire de l'[[Euphrate]] sa frontière orientale<ref name="BRI94p48"/>. Le fait que tout au long de la conquête Alexandre revendique systématiquement les territoires qui à un moment ou à un autre ont été achéménides illustre un projet politique cohérent<ref name="BRI94p27"/>.


Pour Alexandre, l'urbanisation reste le meilleur moyen d'assurer sa domination sur les régions conquises<ref group=N>Toutes les Alexandries, sauf celle d’Égypte, se situent à l'est du [[Tigre (fleuve)|Tigre]].</ref>, soit sous la forme de colonies militaires (''katoikiai''), soit sous la forme de cités (''poleis''). La tradition issue de [[Plutarque]] et d'[[Arrien]] veut qu'Alexandre, véritable « conquérant-civilisateur » aux yeux des Anciens, ait fondé 70 [[Villes fondées par Alexandre le Grand|villes]]<ref name="BRI94p73">{{Harvsp|Briant|1994|p=73|id=PUF1994}}.</ref>. Mais ce chiffre parait exagéré car il prend en compte les fondations de ses successeurs, les [[diadoque]]s, ainsi que les simples garnisons (''phrouria'')<ref name="BRI94p73"/>. Il apparaît plus probable qu'Alexandre ait fondé une vingtaine d'Alexandrie. La fonction de ces cités est d'abord militaire avec pour objectif le contrôle des voies de communication et des populations<ref name="BRI94p74-75">{{Harvsp|Briant|1994|p=74-75|id=PUF1994}}.</ref>. Certaines cités, de part de leur situation stratégique, sont appelées à jouer, après sa mort, un rôle de centre commercial, telles [[Histoire d'Alexandrie à l'époque hellénistique|Alexandrie d'Égypte]] et Alexandrie du [[Tigre (fleuve)|Tigre]]. La sédentarisation des peuplades asiatiques ne semble pas avoir été un objectif en soi<ref name="BRI94p74">{{Harvsp|Briant|1994|p=74|id=PUF1994}}.</ref>.
Pour Alexandre, l'[[Villes fondées par Alexandre le Grand|urbanisation]] reste le meilleur moyen d'assurer sa domination sur les régions conquises<ref group=N>Toutes les Alexandries, sauf celle d’Égypte, se situent à l'est du [[Tigre (fleuve)|Tigre]].</ref>, soit sous la forme de colonies militaires (''katoikiai''), soit sous la forme de cités (''poleis''). La tradition issue de [[Plutarque]] et d'[[Arrien]] veut qu'Alexandre, véritable « conquérant-civilisateur » aux yeux des Anciens, ait fondé [[Villes fondées par Alexandre le Grand|soixante-dix villes]]<ref name="BRI94p73">{{Harvsp|Briant|1994|p=73|id=PUF1994}}.</ref>. Mais ce chiffre parait exagéré car il prend en compte les fondations de ses successeurs, les [[Diadoque]]s, ainsi que les simples garnisons (''phrouria'')<ref name="BRI94p73"/>. Il apparaît plus probable qu'Alexandre ait fondé une vingtaine d'Alexandrie. La fonction de ces cités est d'abord militaire avec pour objectif le contrôle des voies de communication et des populations<ref name="BRI94p74-75">{{Harvsp|Briant|1994|p=74-75|id=PUF1994}}.</ref>. Certaines cités, de par leur situation stratégique, sont appelées à jouer, après sa mort, un rôle de centre commercial, telles [[Histoire d'Alexandrie à l'époque hellénistique|Alexandrie d'Égypte]] et Alexandrie du [[Tigre (fleuve)|Tigre]]. La sédentarisation des peuplades asiatiques ne semble pas avoir été un objectif en soi<ref name="BRI94p74">{{Harvsp|Briant|1994|p=74|id=PUF1994}}.</ref>.


Alexandre a modifié le cadre traditionnel de la royauté [[Argéades|argéade]] en personnalisant, plus encore que son père, le pouvoir<ref name="GOU329">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=329}}.</ref>. Le peuple macédonien, c'est-à-dire l'[[Assemblée des Macédoniens]] en armes, n'est que très rarement consulté. Certes, au début de son règne, dans l'ombre d'[[Antipater (général)|Antipater]] et du général [[Parménion]], garants du maintien des traditions, Alexandre parait avoir été soumis à une relative tutelle, d'autant plus que sa jeunesse et les circonstances de son avènement limitent son autorité<ref name="GOU329"/>. Parmi les pratiques habituelles, le [[Conseil royal de Macédoine|Conseil royal]] (''sunédrion ''), où les nobles peuvent exercer une libre parole (''isègoria''), doit être régulièrement consulté. Cette tutelle n'est brisée qu'après l'exécution de Parménion en [[330 av. J.-C.|330]], même si Antipater, le prudent régent de Macédoine, parait être le véritable souverain aux yeux des Macédoniens restés au pays. À la fin de son règne, Alexandre compte d'ailleurs le remplacer par [[Cratère (général)|Cratère]]. Si Alexandre a été un souverain absolu c'est d'abord en Asie, conforté par ses proches, [[Héphestion|Héphaistion]], [[Perdiccas (général)|Perdiccas]] et Cratère en premier lieu<ref name="GOU329"/>.
Alexandre a modifié le cadre traditionnel de la royauté [[Argéades|argéade]] en personnalisant, plus encore que son père, le pouvoir<ref name="GOU329">{{Harvsp|Goukowsky|1993|p=329}}.</ref>. Le peuple macédonien, c'est-à-dire l'[[Assemblée des Macédoniens]] en armes, n'est que très rarement consulté. Certes, au début de son règne, dans l'ombre d'[[Antipater (général)|Antipater]] et du général [[Parménion]], garants du maintien des traditions, Alexandre parait avoir été soumis à une relative tutelle, d'autant plus que sa jeunesse et les circonstances de son avènement limitent son autorité<ref name="GOU329"/>. Parmi les pratiques habituelles, le [[Conseil royal de Macédoine|Conseil royal]] (''sunédrion ''), où les nobles peuvent exercer une libre parole (''isègoria''), doit être régulièrement consulté. Cette tutelle n'est brisée qu'après l'exécution de Parménion en 330, même si Antipater, le prudent régent de Macédoine, parait être le véritable souverain aux yeux des Macédoniens restés au pays. À la fin de son règne, Alexandre compte d'ailleurs le remplacer par [[Cratère (général)|Cratère]]. Si Alexandre a été un souverain absolu c'est d'abord en Asie, conforté par ses proches, [[Héphestion|Héphaistion]], [[Perdiccas (général)|Perdiccas]] et Cratère en premier lieu<ref name="GOU329"/>.


Auprès de certains peuples asiatiques, Alexandre accède à un statut de roi divinisé. Ainsi en [[Égypte antique|Égypte]], il est [[pharaon]], [[Horus]] vivant, reconnu comme le fils de [[Zeus Ammon]]<ref name="GOU267"/>. À [[Babylone]], il est roi de par la volonté du dieu tutélaire de la cité, [[Marduk|Mardouk]]. Alexandre suit d'ailleurs scrupuleusement les rites religieux babyloniens et fait restaurer certains temples<ref name="GOU272"/>, se faisant reconnaître souverain légitime du pays et « des quatre parties du monde ». Il reçoit ainsi l'appui déterminant de la caste sacerdotale babylonienne. S’appuyant sur les traditions locales, il cherche à être honoré comme un dieu par tous ses sujets. Mais il parait peu probable qu'il ait cru véritablement être un dieu ; il en fait même un sujet de plaisanteries avec [[Héphestion|Héphaistion]]<ref>W. W. Tarn, ''Cambridge Ancient History'', {{vol.|{{VI}}}}, 1933.</ref>. Il parait pour autant convaincu de l'essence divine de sa mission.
Auprès de certains peuples asiatiques, Alexandre accède à un statut de roi divinisé. Ainsi en [[Égypte antique|Égypte]], il est [[pharaon]], [[Horus]] vivant, reconnu comme le fils de [[Zeus Ammon]]<ref name="GOU267"/>. À [[Babylone]], il est roi de par la volonté du dieu tutélaire de la cité, [[Marduk|Mardouk]]. Alexandre suit d'ailleurs scrupuleusement les rites religieux babyloniens et fait restaurer certains temples<ref name="GOU272"/>, se faisant reconnaître souverain légitime du pays et « des quatre parties du monde ». Il reçoit ainsi l'appui déterminant de la caste sacerdotale babylonienne. S’appuyant sur les traditions locales, il cherche à être honoré comme un dieu par tous ses sujets. Mais il parait peu probable qu'il ait cru véritablement être un dieu ; il en fait même un sujet de plaisanteries avec [[Héphestion|Héphaistion]]<ref>W. W. Tarn, ''Cambridge Ancient History'', {{vol.|{{VI}}}}, 1933.</ref>. Il parait pour autant convaincu de l'essence divine de sa mission.


Finalement, cette politique impériale fait dire à certains historiens qu'Alexandre est le « dernier des [[Achéménides]] »<ref>{{Harvsp|Briant|1982|p=330|id=BRIANT1982}} ; {{en}} Robin Lane Fox, « Alexander the Great: Last of the Achaemenid? », dans Christopher Tuplin (dir.), ''Persian Responses: Political and Cultural Interaction with(in) Achaemenid Empire'', Swansea, 2007, {{p.|267-311}}.</ref>. En effet, il a rassemblé toutes les terres conquises par les Achéménides au sein d'une même construction, il a repris en main l'administration centrale et satrapique en désignant parfois des Asiatiques, enfin il a conservé le système [[tribut]]aire au sein de la terre royale (''chôra basilikè'')<ref>{{Harvsp|Briant|1982|p=328-329|id=BRIANT1982}}.</ref>.
Finalement, cette politique impériale fait dire à certains historiens qu'Alexandre est le « dernier des [[Achéménides]] »<ref>{{Harvsp|Briant|1982|p=330|id=BRIANT1982}} ; {{en}} Robin Lane Fox, « Alexander the Great: Last of the Achaemenid? », dans Christopher Tuplin (dir.), ''Persian Responses: Political and Cultural Interaction with(in) Achaemenid Empire'', Swansea, 2007, {{p.|267-311}}.</ref>. En effet, il a rassemblé toutes les terres conquises par les Achéménides au sein d'une même construction, il a repris en main l'administration centrale et satrapique en désignant parfois des Asiatiques, enfin il a conservé le système [[tribut]]aire au sein de la terre royale (''chôra basilikè'')<ref>{{Harvsp|Briant|1982|p=328-329|id=BRIANT1982}}.</ref>.


=== L’œuvre économique ===
=== Œuvre économique ===
[[Fichier:Distatère d'or représentant à droite Niké.jpg|vignette|redresse=1.5|alt=Pièce de monnaie en or à l'effigie d'Athéna avec au revers une Niké|[[Statère]] d'or au type d'Alexandre à l'effigie d'[[Athéna]], avec au revers une [[Niké]].]]
[[Fichier:Distatère d'or représentant à droite Niké.jpg|vignette|redresse=1.5|alt=Pièce de monnaie en or à l'effigie d'Athéna avec au revers une Niké|[[Statère]] d'or au type d'Alexandre à l'effigie d'[[Athéna]], avec au revers une [[Niké]].]]


Il convient de remarquer que les auteurs anciens ont négligé l'aspect économique dans leurs récits<ref group=N>Exception faite du [[Aristote|Pseudo-Aristote]] dans ''[[Économiques (pseudo-Aristote)|Économiques]]''.</ref>. La question pour les modernes est de savoir si Alexandre a véritablement décidé d'une politique économique systématique à l'échelle de l'empire en cherchant à améliorer les structures [[achéménides]]<ref name="BRI77p76">{{Harvsp|Briant|1994|p=76|id=PUF1994}}.</ref>. Dans la lignée de [[Johann Gustav Droysen]], nombre d'historiens considèrent qu'Alexandre a mené une politique économique efficace par la mise en valeur des territoires, l'introduction de la monnaie, l'ouverture de routes commerciales. Mais cette vision « coloniale » peut être nuancée, avec notamment une meilleure prise en compte du sort des paysans asiatiques et du legs laissé par les Perses<ref name="BRI77p77">{{Harvsp|Briant|1994|p=77|id=PUF1994}}.</ref>.
La question pour les historiens modernes est de savoir si Alexandre a véritablement décidé d'une politique économique systématique à l'échelle de l'empire en cherchant à améliorer les structures [[achéménides]]<ref name="BRI77p76">{{Harvsp|Briant|1994|p=76|id=PUF1994}}.</ref>, sachant que les auteurs anciens ont négligé l'aspect économique dans leurs récits<ref group=N>Exception faite du [[Aristote|Pseudo-Aristote]] dans ''[[Économiques (pseudo-Aristote)|Économiques]]''.</ref>. Dans la lignée de [[Johann Gustav Droysen]], nombre d'historiens considèrent qu'Alexandre a mené une politique économique efficace par la mise en valeur des territoires, l'introduction de la monnaie, l'ouverture de routes commerciales. Mais cette vision « coloniale » peut être nuancée, avec notamment une meilleure prise en compte du sort des paysans asiatiques et du legs laissé par les Perses<ref name="BRI77p77">{{Harvsp|Briant|1994|p=77|id=PUF1994}}.</ref>.


Alexandre donne l'impression d'un souverain soucieux d'exploiter l'espace conquis et d'en répertorier les richesses<ref name="BRI77p77" />. Il ordonne des expéditions afin de faire un rapport sur les populations et les productions des pays conquis ou limitrophes, comme celle de [[Néarque]] dans le [[golfe Persique]], de [[Callisthène]] dans le [[Haute-Égypte|Haut-Nil]], d'[[Archias de Pella]], d'[[Androsthène]] et de Hiéron sur les côtes de l'[[Arabie préislamique|Arabie]]<ref name="BRI77p77"/>. Longtemps les historiens, à la suite des auteurs antiques, lui ont attribué l'ouverture du commerce maritime entre l'Inde et la Méditerranée, mais celui-ci existe déjà aux époques achéménide et [[Babylonie tardive|néo-babylonienne]]<ref name="A15p86"/>. Quant à [[Histoire d'Alexandrie à l'époque hellénistique|Alexandrie]] d’Égypte, elle n'est de son vivant qu'en l'état de chantier ; c'est sous les [[Royaume lagide|Lagides]] au {{-s-|III}} qu'elle deviendra un grand centre du commerce entre l'Asie et l'Europe.
Alexandre donne l'impression d'un souverain soucieux d'exploiter l'espace conquis et d'en répertorier les richesses<ref name="BRI77p77" />. Il ordonne des expéditions afin de faire un rapport sur les populations et les productions des pays conquis ou limitrophes, comme celle de [[Néarque]] dans le [[golfe Persique]], de [[Callisthène]] dans le [[Haute-Égypte|Haut-Nil]], d'[[Archias de Pella]], d'[[Androsthène]] et de Hiéron sur les côtes de l'[[Arabie préislamique|Arabie]]<ref name="BRI77p77"/>. Longtemps les historiens, à la suite des auteurs antiques, lui ont attribué l'ouverture du commerce maritime entre l'Inde et la Méditerranée, mais celui-ci existe déjà aux époques achéménide et [[Babylonie tardive|néo-babylonienne]]<ref name="A15p86"/>. Quant à [[Histoire d'Alexandrie à l'époque hellénistique|Alexandrie]] d’Égypte, elle n'est de son vivant qu'en l'état de chantier ; c'est sous les [[Royaume lagide|Lagides]] au {{-s-|III}} qu'elle deviendra un grand centre du commerce entre l'Asie et l'Europe.


Alexandre ne dispose pas de stocks de vivres ou d'un service d'intendance, l'[[armée macédonienne|armée]] vivant sur le pays. L'expédition d’Alexandre est donc, avant tout, une opération prédatrice<ref name="BRI77p78">{{Harvsp|Briant|1994|p=78|id=PUF1994}}.</ref>. Les trésors pris aux [[Achéménides]] représentent des sommes astronomiques, mais les dépenses de l’expédition sont elles-mêmes gigantesques<ref group=N>Rien que les dons aux soldats et à leurs chefs représentent {{unité|50000|[[Talent (unité)|talents]]}}.</ref>, tandis que la contribution financière de la [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] et des cités grecques reste faible. Si bien qu’à la mort du roi, malgré l’expansion commerciale, il ne reste d'après [[Justin (historien)|Justin]] que {{unité|50000|[[Talent (unité)|talents]]}} dans les caisses de l'État<ref name="BRI77p78"/>. Les revenus proviennent d'abord du produit de la terre. Dans la « terre royale », les paysans, appelés ''laoi basilikoi'' à l'[[époque hellénistique]], versent chaque année une partie de leur production et assurent des [[corvée]]s. Dans la « terre tributaire », les paysans sont soumis à de nombreux prélèvements<ref name="BRI77p78"/>. Les [[satrape]]s reçoivent la mission de collecter six espèces d'impôts différents, parfois avec brutalité, les paysans payant les mêmes taxes que sous les Achéménides<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', I, 17.</ref>. Enfin les cités nouvellement fondées en Asie, peuplées en partie de colons européens, participent à la domination envers les masses rurales<ref>{{Harvsp|Briant|1994|p=80|id=PUF1994}}.</ref>.
Alexandre ne dispose pas de stocks de vivres ou d'un service d'intendance, l'[[armée macédonienne|armée]] vivant sur le pays. L'expédition d’Alexandre est donc, avant tout, une opération prédatrice<ref name="BRI77p78">{{Harvsp|Briant|1994|p=78|id=PUF1994}}.</ref>. Les trésors pris aux [[Achéménides]] représentent des sommes astronomiques, mais les dépenses de l'expédition sont elles-mêmes gigantesques<ref group=N>Rien que les dons aux soldats et à leurs chefs représentent {{unité|50000|[[Talent (unité)|talents]]}}.</ref>, tandis que la contribution financière de la [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] et des cités grecques reste faible. Si bien qu'à la mort du roi, malgré l'expansion commerciale, il ne reste d'après [[Justin (historien)|Justin]] que {{unité|50000|talents}} dans les caisses de l'État<ref name="BRI77p78"/>. Les revenus proviennent d'abord du produit de la terre. Dans la « terre royale », les paysans, appelés ''laoi basilikoi'' à l'[[époque hellénistique]], versent chaque année une partie de leur production et assurent des [[corvée]]s. Dans la « terre tributaire », les paysans sont soumis à de nombreux prélèvements<ref name="BRI77p78"/>. Les [[satrape]]s reçoivent la mission de collecter six espèces d'impôts différents, parfois avec brutalité, les paysans payant les mêmes taxes que sous les Achéménides<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{I}}, 17.</ref>. Enfin les cités nouvellement fondées en Asie, peuplées en partie de colons européens, participent à la domination envers les masses rurales<ref>{{Harvsp|Briant|1994|p=80|id=PUF1994}}.</ref>.


Au temps de la conquête circulent des monnaies très diverses. La question qui fait encore débat parmi les historiens et [[Numismatique|numismates]] est donc de savoir si Alexandre a eu la volonté d'établir une monnaie « impériale » à son nom, comme certains auteurs antiques, dont [[Plutarque]], le laissent suggérer. Dans l'[[Achéménides|empire perse]] circulent des [[darique|dariques]] et des [[sicle]]s produits dans les ateliers d'[[Anatolie|Asie Mineure]], dont ceux de [[Sardes]] et de [[Tarse (ville)|Tarse]], et d'Orient, dont ceux de [[Phénicie]] et de [[Satrapie de Babylonie|Babylonie]]. Au départ de l'expédition, les Gréco-Macédoniens utilisent principalement des monnaies grecques aux types de {{souverain2|Philippe II de Macédoine}}, en or essentiellement, et d'Alexandre probablement frappées à [[Amphipolis]]<ref name="DUY317"/>. C'est après la victoire à [[bataille d'Issos|Issos]] ([[333 av. J.-C.|333]]) qu'apparaissent les premiers [[Drachme (Grèce antique)|tétradrachmes]] en argent et les premiers [[statère]]s d'or aux types d'Alexandre. Se considérant ''de facto'' comme le « roi d'Asie », il aurait inauguré un monnayage digne de cette fonction<ref name="DUY317"/>. Pour autant, il maintient les traditions achéménides en laissant en circulation les anciens monnayages, jusqu'à faire du darique d'or la principale monnaie de son expédition dans les Hautes [[satrape|satrapies]]. Par ailleurs, le monnayage dit « impérial » ne s'applique qu'à une partie restreinte des territoires conquis et a été surtout frappé à la fin du règne<ref name="DUY318">{{Harvsp|Duyrat|2004|p=318}}</ref>. Quant aux régions situées à l'Est de l'Euphrate, elles seraient demeurées sans atelier monétaire<ref name="DUY320">{{Harvsp|Duyrat|2004|p=320}}</ref>. Alexandre n'a finalement pas cherché à établir un numéraire unique dans son empire, montrant par la même, une nouvelle fois, son pragmatisme<ref name="DUY320"/>.
Au temps de la conquête circulent des monnaies très diverses. La question qui fait encore débat parmi les historiens et [[Numismatique|numismates]] est donc de savoir si Alexandre a eu la volonté d'établir une monnaie « impériale » à son nom, comme certains auteurs antiques, dont [[Plutarque]], le laissent suggérer. Dans l'[[Achéménides|empire perse]] circulent des [[darique]]s et des [[sicle]]s produits dans les ateliers d'[[Anatolie|Asie Mineure]], dont ceux de [[Sardes]] et de [[Tarse (ville)|Tarse]], et d'Orient, dont ceux de [[Phénicie]] et de [[Satrapie de Babylonie|Babylonie]]. Au départ de l'expédition, les Gréco-Macédoniens utilisent principalement des monnaies grecques aux types de {{noble|Philippe II de Macédoine|-}}, en or essentiellement, et d'Alexandre probablement frappées à [[Amphipolis]]<ref name="DUY317"/>. C'est après la victoire à [[bataille d'Issos|Issos]] (333) qu'apparaissent les premiers [[Drachme (Grèce antique)|tétradrachmes]] en argent et les premiers [[statère]]s d'or aux types d'Alexandre. Se considérant ''de facto'' comme le [[roi d'Asie]], il aurait inauguré un monnayage digne de cette fonction<ref name="DUY317"/>. Pour autant, il maintient les traditions achéménides en laissant en circulation les anciens monnayages, jusqu'à faire du darique d'or la principale monnaie de son expédition dans les Hautes [[satrape|satrapies]]. Par ailleurs, le monnayage dit « impérial » ne s'applique qu'à une partie restreinte des territoires conquis et a été surtout frappé à la fin du règne<ref name="DUY318">{{Harvsp|Duyrat|2004|p=318}}.</ref>. Quant aux régions situées à l'Est de l'Euphrate, elles seraient demeurées sans atelier monétaire<ref name="DUY320">{{Harvsp|Duyrat|2004|p=320}}.</ref>. Alexandre n'a finalement pas cherché à établir un numéraire unique dans son empire, montrant par la même, une nouvelle fois, son pragmatisme<ref name="DUY320"/>.


=== L’œuvre culturelle ===
=== Œuvre culturelle ===
[[Fichier:Alexander-Coin.jpg|vignette|alt=Tétradrachme du {{s-|-III|e}} à l'effigie d'Alexandre portant les cornes d'Ammon|Monnaie à l'effigie d'Alexandre portant les cornes d'[[Ammon (dieu)|Ammon]], {{-s-|III}}, [[British Museum]].]]
[[Fichier:Alexander-Coin.jpg|vignette|gauche|alt=Tétradrachme du {{-s-|III}} à l'effigie d'Alexandre portant les cornes d'Ammon|Monnaie à l'effigie d'Alexandre portant les cornes d'[[Ammon (dieu)|Ammon]], {{-s-|III}}, [[British Museum]].]]


Le grand dessein d'Alexandre est d'associer les élites perses et les aristocraties locales à l'administration de son empire, en faisant en sorte qu'elles conservent les charges déjà occupées sous les [[Achéménides]]<ref name="BRI77p91">{{Harvsp|Briant|1994|p=91|id=PUF1994}}.</ref>. Il introduit l'[[Étiquette (code)|étiquette]] perse à la cour, dont le cérémonial de la [[proskynèse]]<ref name="BRI94p110"/>, ce qui provoque une forte résistance de la part de certains Gréco-Macédoniens de son entourage, comme [[Callisthène]], le neveu d'[[Aristote]], qui meurt en captivité. Il contraint {{nombre|10000}} de ses soldats et officiers à épouser des femmes asiatiques lors des noces de [[Suse (Iran)|Suse]] au printemps [[324 av. J.-C.]] Les mariages se font à la mode perse, ce qui ne manque pas de susciter la désapprobation des Gréco-Macédoniens, qui ont déjà vu leur roi s'unir à la « barbare » [[Roxane]], même si ce mariage s'est fait selon les rites macédoniens<ref name="BRI77p102">{{Harvsp|Briant|1994|p=102|id=PUF1994}}.</ref>. La question qui se pose parmi les historiens modernes est de savoir si ces unions témoignent d'un esprit de fraternité universelle ou bien d'une forme de pragmatisme politique<ref name="BRI94p119"/>. Alexandre intègre par ailleurs des Perses au sein de l'armée, dont les ''épigones'' (ou héritiers) dans la [[Phalange (Antiquité)|phalange]], en les armant à la macédonienne ; c'est l'une des raisons pour lesquelles les soldats se mutinent à Opis près de [[Babylone]]<ref name="GOU305"/>.
Le grand dessein d'Alexandre est d'associer les élites perses et les aristocraties locales à l'administration de son empire, en faisant en sorte qu'elles conservent les charges déjà occupées sous les [[Achéménides]]<ref name="BRI77p91">{{Harvsp|Briant|1994|p=91|id=PUF1994}}.</ref>. Il introduit l'[[Étiquette (code)|étiquette]] perse à la cour, dont le cérémonial de la [[proskynèse]]<ref name="BRI94p110"/>, ce qui provoque une forte résistance de la part de certains [[Grèce antique|Gréco]]-[[Royaume de Macédoine|Macédoniens]] de son entourage, comme [[Callisthène]], le neveu d'[[Aristote]], qui meurt en captivité. Il contraint {{nombre|10000}} de ses soldats et officiers à épouser des femmes [[Peuples iraniens|iraniennes]] lors des noces de [[Suse (Iran)|Suse]] au printemps {{date|-324}} Les mariages se font à la mode perse, ce qui ne manque pas de susciter la désapprobation des Gréco-Macédoniens, qui ont déjà vu leur roi s'unir à la « barbare » [[Roxane]], même si ce mariage s'est fait selon les rites macédoniens<ref name="BRI77p102">{{Harvsp|Briant|1994|p=102|id=PUF1994}}.</ref>. La question qui se pose parmi les historiens modernes est de savoir si ces unions témoignent d'un esprit de fraternité universelle ou bien d'une forme de pragmatisme politique<ref name="BRI94p119"/>. Alexandre intègre par ailleurs des Perses au sein de l'armée, dont les ''épigones'' (ou héritiers) dans la [[Phalange (Antiquité)|phalange]], en les armant à la macédonienne ; c'est l'une des raisons pour lesquelles les soldats se mutinent à Opis près de [[Babylone]]<ref name="GOU305"/>.


Alexandre a étendu l'influence de l'[[hellénisme]] aux confins de l'Asie grâce à l'implantation de villes nouvelles et de garnisons peuplées de colons gréco-macédoniens (vétérans ou mercenaires) et d'indigènes<ref name="BRI77p103">{{Harvsp|Briant|1994|p=103|id=PUF1994}}.</ref>. L'implantation des populations locales semble avoir été en partie forcée, comme à [[Alexandrie]] d'Égypte ou à Alexandrie du [[Tigre (fleuve)|Tigre]], de même que les colons européens n'ont pas forcément tous été volontaires et que de nombreux soulèvements, dont celui en [[Bactriane]], ont éclaté à la fin du règne ou peu après la mort d'Alexandre<ref name="BRI77p103"/>. Cette colonisation a engendré des unions mixtes qui ont donné naissance à des enfants qu'Alexandre compte élever et armer à la macédonienne après que {{nombre|10000}} vétérans ont reçu l'autorisation de rentrer en Macédoine en [[323 av. J.-C.|323]]<ref name="BRI77p104">{{Harvsp|Briant|1994|p=104|id=PUF1994}}.</ref>. Finalement, cette politique s'apparente davantage à une « assimilation » des indigènes qu'à une « fusion » des peuples<ref name="BRI77p104"/>. L'[[époque hellénistique]] qui voit des brassages ethniques, linguistiques, ainsi que des [[syncrétisme]]s religieux, réalise en partie ce souhait d'Alexandre de dépasser l'opposition traditionnelle entre Grecs et Barbares et d'unifier les élites irano-macédoniennes.
Alexandre a étendu l'influence de l'[[hellénisme]] aux confins de l'Asie grâce à l'implantation de villes nouvelles et de garnisons peuplées de colons gréco-macédoniens (vétérans ou mercenaires) et d'indigènes<ref name="BRI77p103">{{Harvsp|Briant|1994|p=103|id=PUF1994}}.</ref>. L'implantation des populations locales semble avoir été en partie forcée, comme à [[Alexandrie]] d'Égypte ou à Alexandrie du [[Tigre (fleuve)|Tigre]], de même que les colons européens n'ont pas forcément tous été volontaires et que de nombreux soulèvements, dont celui en [[Bactriane]], ont éclaté à la fin du règne ou peu après la mort d'Alexandre<ref name="BRI77p103"/>. Cette colonisation a engendré des unions mixtes qui ont donné naissance à des enfants qu'Alexandre compte élever et armer à la macédonienne après que {{nombre|10000 vétérans}} ont reçu l'autorisation de rentrer en Macédoine en 323<ref name="BRI77p104">{{Harvsp|Briant|1994|p=104|id=PUF1994}}.</ref>. Finalement, cette politique s'apparente davantage à une « assimilation » des indigènes qu'à une « fusion » des peuples<ref name="BRI77p104"/>. L'[[époque hellénistique]] qui voit des brassages ethniques, linguistiques, ainsi que des [[syncrétisme]]s religieux, réalise en partie ce souhait d'Alexandre de dépasser l'opposition traditionnelle entre Grecs et Barbares et d'unifier les élites irano-macédoniennes.


== Postérité ==
== La postérité d'Alexandre le Grand ==
=== À travers l'histoire ===
==== Divinisation ====
{{Article connexe|Culte ptolémaïque d'Alexandre le Grand}}
[[Fichier:Louxor Amon Ra Alexandre.jpg|vignette|alt=Bas-relief du temple de Louxor représentant Alexandre en pharaon qui prie Amon|Alexandre en [[pharaon]] (à droite) priant [[Amon]] (à gauche), [[temple d'Amon (Louxor)|temple de Louxor]], [[Royaume lagide|période ptolémaïque]].]]


Par son père, le roi de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] {{noble|Philippe II de Macédoine|-}}, de la dynastie des [[Argéades]], Alexandre prétend descendre de [[Téménos (Héraclide)|Téménos]] d'[[Argos (ville)|Argos]], supposément descendant d'[[Héraclès]], fils de [[Zeus]]. Par sa mère, [[Olympias]], de la dynastie des [[Éacides]], Alexandre affirme descendre de [[Néoptolème]], fils d'[[Achille]]<ref group="A" name="Plutarque 2.1" />. Une légende, connue dès le règne d'Alexandre, dit qu'Olympias ne l'aurait pas conçu avec Philippe mais avec [[Zeus]].
=== Alexandre à travers l'histoire ===


Alexandre est proclamé [[pharaon]] d'[[Égypte antique|Égypte]] à [[Memphis (Égypte)|Memphis]] en {{date|-331}} Il se rend ensuite dans l'oasis de [[Siwa (oasis)|Siwa]] où il rencontre l'oracle de [[Zeus Ammon]] qui le confirme comme descendant direct du dieu [[Amon]]. La question qui se pose pour les historiens modernes est de savoir si Alexandre a véritablement songé à promouvoir un « culte impérial »<ref name="BRI94p120">{{Harvsp|Briant|p=120|id=PUF1994}}.</ref>. Un examen des sources antiques, que ce soient des sculptures ou des monnaies, montre qu'il entend se faire honorer comme un [[Culte héroïque grec|héros]] à l'image d'Héraclès<ref name="BRI94p120"/>. Par ailleurs, après la mort d'[[Héphestion|Héphaistion]] survenue en 324, il envoie une ambassade à l'oracle d'Ammon-Zeus afin de savoir s'il doit honorer son favori d'un culte divin<ref name="BRI94p120"/>. L'oracle lui a répondu qu'il doit l'honorer comme un héros ; c'est ainsi qu'il demande à [[Cléomène de Naucratis]], le gouverneur de l'Égypte, d'élever à [[Alexandrie]] des temples en son honneur. Le culte d'Héphaistion s'est rapidement répandu, y compris dans les cités grecques<ref name="BRI94p121">{{Harvsp|Briant|p=121|id=PUF1994}}.</ref>. À partir de 324, selon certains auteurs antiques, Alexandre aurait voulu être honoré en Grèce comme « Dieu Invaincu », conjointement à l'édit sur le retour des bannis dans les cités<ref name="GOU304" />. Mais cette décision est tirée d'interprétations tardives<ref name="BRI94p121"/>. Certes, des cités d'[[Anatolie]], tels [[Eresós]] à [[Lesbos]], lui ont rendu des honneurs divins ; mais c'est déjà le cas avec Philippe. [[Arrien]] évoque des [[théore]]s (ambassadeurs religieux) envoyés à [[Babylone]] auprès d'Alexandre, mais rien ne prouve en l'état actuel qu'Alexandre ait bien voulu instaurer un culte impérial, sachant par ailleurs que l'idée d'un roi-dieu est sacrilège aux yeux des Perses<ref name="BRI94p121"/>.
==== La divinisation d'Alexandre ====
[[Fichier:Louxor Amon Ra Alexandre.jpg|vignette|alt=Bas-relief du temple de Louxor représentant Alexandre en pharaon qui prie Amon|Alexandre en [[pharaon]] (à droite) priant [[Amon]] (à gauche), [[temple d'Amon (Louxor)|temple de Louxor]].]]


Lorsque [[Ptolémée Ier|Ptolémée]] prend possession de l'Égypte en 323, il incorpore l'héritage héroïque d'Alexandre à sa propre propagande, davantage encore après s'être proclamé roi d'Égypte en 305 dans le but de soutenir les revendications de sa propre dynastie. Dans ce cadre, Alexandre est élevé du statut de dieu protecteur d'[[Alexandrie]] à celui de dieu d'État pour les populations grecque et égyptienne du [[royaume lagide|royaume ptolémaïque]]<ref>{{Article |auteur1=Julien Tondriau |titre=Esquisse de l'histoire des cultes royaux ptolémaïques |périodique=Revue de l'histoire des religions |tome=2 |numéro=137 |date=1950 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1950_num_137_2_5719 |passage=210-211}}.</ref>. Le [[Culte ptolémaïque d'Alexandre le Grand|culte d'Alexandre]] reste vivace en Égypte jusqu'à la fin de la période ptolémaïque.
Par son père, le roi de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] [[Philippe II de Macédoine|Philippe II]], de la dynastie des [[Argéades]], Alexandre prétend descendre de [[Téménos (Héraclide)|Téménos]] d'[[Argos (ville)|Argos]], supposément descendant d'[[Héraclès]], fils de [[Zeus]]. Par sa mère, [[Olympias]], de la dynastie des [[Éacides]], Alexandre affirme descendre de [[Néoptolème]], fils d'[[Achille]]<ref group="A" name="Plutarque 2.1" />. Une légende, connue dès le règne d'Alexandre, dit qu'Olympias ne l'aurait pas conçu avec Philippe mais avec [[Zeus]].


==== Tombeau ====
Alexandre est proclamé [[pharaon]] d'[[Égypte antique|Égypte]] à [[Memphis (Égypte)|Memphis]] en [[331 av. J.-C.]] Il se rend ensuite dans l'oasis de [[Siwa (oasis)|Siwa]] où il rencontre l'oracle de [[Zeus Ammon]] qui le confirme comme descendant direct du dieu [[Amon]]. La question qui se pose pour les historiens modernes est de savoir si Alexandre a véritablement songé à promouvoir un « culte impérial »<ref name="BRI94p120">{{Harvsp|Briant|p=120|id=PUF1994}}.</ref>. Un examen des sources antiques, que ce soient des sculptures ou des monnaies, montre qu'il entend se faire honorer comme un [[Culte héroïque grec|héros]] à l'image d'Héraclès<ref name="BRI94p120"/>. Par ailleurs, après la mort d'[[Héphestion|Héphaistion]] survenue en [[324 av. J.-C.|324]], il envoie une ambassade à l'oracle d'Ammon-Zeus afin de savoir s'il doit honorer son favori d'un culte divin<ref name="BRI94p120"/>. L'oracle lui a répondu qu'il doit l'honorer comme un héros ; c'est ainsi qu'il demande à [[Cléomène de Naucratis]], le gouverneur de l'Égypte, d'élever à [[Alexandrie]] des temples en son honneur. Le culte d'Héphaistion s'est rapidement répandu, y compris dans les cités grecques<ref name="BRI94p121">{{Harvsp|Briant|p=121|id=PUF1994}}.</ref>. À partir de 324, selon certains auteurs antiques, Alexandre aurait voulu être honoré en Grèce comme « Dieu Invaincu », conjointement à l'édit sur le retour des bannis dans les cités<ref name="GOU304" />. Mais cette décision est tirée d'interprétations tardives<ref name="BRI94p121"/>. Certes, des cités d'[[Anatolie]], tels [[Eresós]] à [[Lesbos]], lui ont rendu des honneurs divins ; mais c'est déjà le cas avec Philippe. [[Arrien]] évoque des [[théore]]s (ambassadeurs religieux) envoyés à [[Babylone]] auprès d'Alexandre, mais rien ne prouve en l'état actuel qu'Alexandre ait bien voulu instaurer un culte impérial, sachant par ailleurs que l'idée d'un roi-dieu est sacrilège aux yeux des Perses<ref name="BRI94p121"/>.

==== Le tombeau d'Alexandre ====
{{Article détaillé |Tombeau d'Alexandre le Grand}}
{{Article détaillé |Tombeau d'Alexandre le Grand}}
[[Fichier:Mid-nineteenth century reconstruction of Alexander's catafalque based on the description by Diodorus.jpg|vignette|redresse=1.5|alt=Illustration représentant le cortège funéraire d'Alexandre|Le cortège funéraire d'Alexandre d'après la description de [[Diodore de Sicile]], illustration du {{s-|XIX}}.]]
[[Fichier:Mid-nineteenth century reconstruction of Alexander's catafalque based on the description by Diodorus.jpg|vignette|redresse=1.5|alt=Illustration représentant le cortège funéraire d'Alexandre|Le cortège funéraire d'Alexandre d'après la description de [[Diodore de Sicile]], illustration du {{s-|XIX}}.]]


Le corps d'Alexandre, [[Momification en Égypte antique|momifié à la manière des Pharaons]], et non incinéré comme selon le rite funéraire macédonien<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=[[Pierre Briant]]|titre=Alexander the Great. Man of Action, Man of Spirit|éditeur=Harry N. Abrams|date=1996|passage=166}}</ref>, est rapidement devenu un enjeu entre les [[Diadoque]]s. L'un d'eux, [[Perdiccas (général)|Perdiccas]], fidèle à la dynastie [[Argéades|argéade]], décide dans un premier temps de le rapatrier à [[Aigai]], l'ancienne capitale de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] où reposent les ancêtres du Conquérant. Le corps est ainsi placé dans un premier sarcophage anthropoïde en or, enfermé à son tour dans un deuxième cercueil doré, un drap pourpre recouvrant le tout. L'ensemble est disposé sur un char d'apparat surmonté d'un toit que soutient un [[péristyle]] [[Ordre ionique|ionique]]<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 17,4 ; {{XVIII}}, 1, 4 ; {{XVIII}}, 26, 3.</ref>. [[Ptolémée Ier|Ptolémée]] n'hésite pas à attaquer la procession funéraire pour s'approprier le sarcophage et l'exposer à la dévotion à [[Memphis (Égypte)|Memphis]]<ref name="DUC96">{{Harvsp|Duchêne|2018|p=96|id=A15ans}}.</ref>. Selon le [[Pseudo-Callisthène]], le cadavre est ensuite transporté à [[Alexandrie]] vers [[280 av. J.-C.]] dans un coffre de plomb par {{souverain2|Ptolémée II}}. Ce dernier le place à l'intérieur d'un temple, dans un nouveau sarcophage recouvert d'or. Enfin, {{souverain2|Ptolémée IV}} fait construire un [[mausolée]] somptueux (le ''Sôma'') dans lequel il expose la dépouille d'Alexandre. Selon [[Lucain]]<ref group=A>Lucain, ''La Pharsale'', {{VIII}}, 694 ; {{X}}, 19.</ref>, le monument se dresse sur un tumulus et a la forme d'une tour de marbre surmontée d'un dôme pyramidal. Tout autour sont aménagées de petites chapelles destinées à recevoir les corps des souverains [[Dynastie lagide|lagides]], l'ensemble étant protégé par une enceinte murée délimitant le [[Téménos (religion)|téménos]].
Le corps d'Alexandre, [[Momification en Égypte antique|momifié à la manière des Pharaons]], et non incinéré comme selon le rite funéraire macédonien<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=[[Pierre Briant]]|titre=Alexander the Great. Man of Action, Man of Spirit|éditeur=Harry N. Abrams|date=1996|passage=166}}.</ref>, est rapidement devenu un enjeu entre les [[Diadoque]]s. L'un d'eux, [[Perdiccas (général)|Perdiccas]], fidèle à la dynastie [[Argéades|argéade]], décide dans un premier temps de le rapatrier à [[Aigai]], l'ancienne capitale de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] où reposent les ancêtres du conquérant. Le corps est ainsi placé dans un premier sarcophage anthropoïde en or, enfermé à son tour dans un deuxième cercueil doré, un drap pourpre recouvrant le tout. L'ensemble est disposé sur un char d'apparat surmonté d'un toit que soutient un [[péristyle]] [[Ordre ionique|ionique]]<ref group=A>Diodore, {{XVII}}, 17,4 ; {{XVIII}}, 1, 4 ; {{XVIII}}, 26, 3.</ref>. [[Ptolémée Ier|Ptolémée]] n'hésite pas à attaquer la procession funéraire pour s'approprier le sarcophage et l'exposer à la dévotion à [[Memphis (Égypte)|Memphis]]<ref name="DUC96">{{Harvsp|Duchêne|2018|p=96|id=A15ans}}.</ref>. Selon le [[Pseudo-Callisthène]], le cadavre est ensuite transporté à [[Alexandrie]] vers {{date|-280}} dans un coffre de plomb par {{noble|Ptolémée II}}. Ce dernier le place à l'intérieur d'un temple, dans un nouveau sarcophage recouvert d'or. Enfin, {{noble|Ptolémée IV}} fait construire un [[mausolée]] somptueux (le ''Sôma'') dans lequel il expose la dépouille d'Alexandre. Selon [[Lucain]]<ref group=A>Lucain, ''La Pharsale'', {{VIII}}, 694 ; {{X}}, 19.</ref>, le monument se dresse sur un tumulus et a la forme d'une tour de marbre surmontée d'un dôme pyramidal. Tout autour sont aménagées de petites chapelles destinées à recevoir les corps des souverains [[Dynastie lagide|lagides]], l'ensemble étant protégé par une enceinte murée délimitant le [[Téménos (religion)|téménos]].


Selon [[Strabon]]<ref group=A>Strabon, ''Géographie'', {{XVII}}, C.793, 794.</ref>, dont le témoignage serait le plus fiable puisqu'il a effectué un long séjour à Alexandrie<ref name="DUC96"/>, le monument funéraire se trouve au {{-s-|I}} dans la basilique près des sépultures lagides. {{souverain2|Ptolémée IX}} aurait fait remplacer en [[88 av. J.-C.]] le cercueil d'or par un cercueil de verre ou d'[[albâtre]] translucide, car il avait besoin de fonds pour payer ses troupes<ref name="DUC97">{{Harvsp|Duchêne|2018|p=97|id=A15ans}}.</ref>.
Selon [[Strabon]]<ref group=A>Strabon, ''Géographie'', {{XVII}}, C.793, 794.</ref>, dont le témoignage serait le plus fiable puisqu'il a effectué un long séjour à Alexandrie<ref name="DUC96"/>, le monument funéraire se trouve au {{-s-|I}} dans la basilique près des sépultures lagides. {{noble|Ptolémée IX}} aurait fait remplacer en {{date|-88}} le cercueil d'or par un cercueil de verre ou d'[[albâtre]] translucide, car il avait besoin de fonds pour payer ses troupes<ref name="DUC97">{{Harvsp|Duchêne|2018|p=97|id=A15ans}}.</ref>.


Le cadavre embaumé demeure dans la basilique d'Alexandrie plusieurs centaines d'années et devient un objet de visite, notamment pour un grand nombre de dirigeants romains. Ainsi, selon [[Suétone]]<ref group=A>Suétone, ''Auguste'', {{XVIII}}, 1.</ref>, [[Auguste]] aurait visité le tombeau et retiré un instant le corps du sarcophage pour lui mettre avec respect une couronne d'or sur la tête et le couvrir de fleurs. La manipulation aurait malheureusement abîmé le nez du cadavre. Suétone et [[Dion Cassius]] rapportent que [[Caligula]] aurait porté la cuirasse d'Alexandre<ref group=A>Suétone, ''Caligula'', {{LII}}, 3 ; Dion Cassius, ''Histoire romaine'', {{LIX}}, 17.</ref>{{,}}<ref>Françoise Gury, ''L'idéologie impériale et la lune : Caligula'', in '' Latomus'', tome 59, fasc. 3 (juillet-septembre 2000), {{p.|571}}.</ref>. La dernière visite notable est celle de l'empereur [[Caracalla]] en [[215]]<ref name="RW114">{{Harvsp|Roisman & Worthington|2010|p=114|id=COMPANION}}.</ref>. Ce dernier n'hésite pas à s'approprier la tunique, la bague et la ceinture du Macédonien. Dès le {{s-|IV}}, un tremblement de terre et divers vandalismes ayant probablement dégradé le monument, l'emplacement du ''Sôma'' n'est plus connu avec précision. Les historiens et archéologues, malgré de nombreuses recherches et hypothèses, ignorent encore de nos jours son emplacement exact<ref name="DUC96"/>.
Le cadavre embaumé demeure dans la basilique d'Alexandrie plusieurs centaines d'années et devient un objet de visite, notamment pour un grand nombre de dirigeants romains. Ainsi, selon [[Suétone]]<ref group=A>Suétone, ''Auguste'', {{XVIII}}, 1.</ref>, [[Auguste]] aurait visité le tombeau et retiré un instant le corps du sarcophage pour lui mettre avec respect une couronne d'or sur la tête et le couvrir de fleurs. La manipulation aurait malheureusement abîmé le nez du cadavre. Suétone et [[Dion Cassius]] rapportent que [[Caligula]] aurait porté la cuirasse d'Alexandre<ref group=A>Suétone, ''Caligula'', {{LII}}, 3 ; Dion Cassius, ''Histoire romaine'', {{LIX}}, 17.</ref>{{,}}<ref>Françoise Gury, ''L'idéologie impériale et la lune : Caligula'', in '' Latomus'', tome 59, fasc. 3 (juillet-septembre 2000), {{p.|571}}.</ref>. La dernière visite notable est celle de l'empereur [[Caracalla]] en [[215]]<ref name="RW114">{{Harvsp|Roisman & Worthington|2010|p=114|id=COMPANION}}.</ref>. Ce dernier n'hésite pas à s'approprier la tunique, la bague et la ceinture du Macédonien.


Au {{s-|IV}}, le tombeau subit des actes de vandalisme, dont certains menés par des [[Christianisme|chrétiens]]. Alexandrie est aussi frappé par plusieurs séismes et par un [[Séisme du 21 juillet 365 en Crète|tsunami en 365]]<ref group=A>Ammien Marcellin, ''Histoire romaine'', {{XXVI}}, 10.</ref>. Il est possible que ces événements aient dégradé le monument. L'emplacement du ''Sôma'' n'est dès lors plus connu avec précision. Les historiens et archéologues, malgré de nombreuses recherches et hypothèses, ignorent encore de nos jours son emplacement exact<ref name="DUC96"/>.
==== Alexandre à travers les historiens contemporains ====

==== À travers les historiens contemporains ====
{{Article connexe|Vulgate d'Alexandre le Grand}}
{{Article connexe|Vulgate d'Alexandre le Grand}}
[[Fichier:Brooklyn museum Alexander bewerkt.jpg|vignette|alt=Buste de l'époque lagide représentant Alexandre|Buste d'Alexandre, [[Royaume lagide|Égypte ptolémaïque]], vers le {{-s-|I}}]]


Alexandre a fait en sorte de perpétuer le souvenir de ses hauts faits en s'entourant d'historiographes officiels<ref name="BRUHL203">{{Harvsp|Bruhl|1930|p=203}}.</ref>. Ainsi [[Callisthène]], neveu d'[[Aristote]], rédige un compte-rendu des conquêtes jusque vers [[328 av. J.-C.]], avant de mourir en prison à la suite de la conjuration des pages. Il est chargé d'envoyer des rapports en [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] à la fin de chaque campagne, devenant de ce fait le propagandiste en chef d'Alexandre{{Sfn|Heckel|2006|p=18}}. Son ouvrage semble avoir été largement utilisé dans l'[[Antiquité]] bien que son impartialité soit douteuse<ref name="GOU249" />, au point qu'un [[Pseudo-Callisthène]] a rédigé au {{s-|III}} une ''Vie d'Alexandre'' dont s'inspirera le ''[[Roman d'Alexandre]]''<ref name="HL131"/>. Les écrits des autres compagnons d'Alexandre qui ont participé à la conquête, dont [[Ptolémée Ier|Ptolémée]], [[Aristobule de Cassandréia|Aristobule]], [[Néarque]], [[Onésicrite]] et [[Charès de Mytilène|Charès]], ont tous disparu, ce qui a pu susciter l'apparition de fables et de légendes que des auteurs tardifs ont repris à leur compte<ref name="GONDICAS1">{{Harvsp|Gondicas|loc=''Le mythe d'Alexandre le Grand en Grèce du Roman à nos jours''|2003|id=METIS2003}}.</ref>.
Alexandre a fait en sorte de perpétuer le souvenir de ses hauts faits en s'entourant d'historiographes officiels<ref name="BRUHL203">{{Harvsp|Bruhl|1930|p=203}}.</ref>. Ainsi [[Callisthène]], neveu d'[[Aristote]], rédige un compte-rendu des conquêtes jusque vers {{date|-328}}, avant de mourir en prison à la suite de la conjuration des pages. Il est chargé d'envoyer des rapports en [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] à la fin de chaque campagne, devenant de ce fait le propagandiste en chef d'Alexandre{{Sfn|Heckel|2006|p=18}}. Son ouvrage semble avoir été largement utilisé dans l'[[Antiquité]] bien que son impartialité soit douteuse<ref name="GOU249" />, au point qu'un [[Pseudo-Callisthène]] a rédigé au {{s-|III}} une ''Vie d'Alexandre'' dont s'inspirera le ''[[Roman d'Alexandre]]''<ref name="HL131"/>. Les écrits des autres [[Compagnon (cavalerie)|Compagnons]] d'Alexandre qui ont participé à la conquête, dont [[Ptolémée Ier|Ptolémée]], [[Aristobule de Cassandréia|Aristobule]], [[Néarque]], [[Onésicrite]] et [[Charès de Mytilène|Charès]], ont tous disparu, ce qui a pu susciter l'apparition de fables et de légendes que des auteurs tardifs ont repris à leur compte<ref name="GONDICAS1">{{Harvsp|Gondicas|loc=''Le mythe d'Alexandre le Grand en Grèce du Roman à nos jours''|2003|id=METIS2003}}.</ref>.


L’''Histoire d'Alexandre'' rédigée par [[Clitarque d'Alexandrie|Clitarque]] peu de temps après la mort d'Alexandre, aujourd'hui disparue{{sfn|Battistini|2018|p=291}}, contient des affabulations et des éléments surnaturels mais ne serait pour autant être dévaluée<ref>[[Paul Goukowsky]], notice à la traduction de Diodore de Sicile, ''Bibliothèque historique'', {{XVII}}, {{p.|19-20}}.</ref>. Elle est à l'origine de la [[Vulgate d'Alexandre le Grand|Vulgate d'Alexandre]], une tradition [[apologétique]] qu'on retrouve notamment chez [[Diodore de Sicile]] (''[[Bibliothèque historique]]'', livre {{XVII}}) et [[Quinte-Curce]] (''Histoire d'Alexandre le Grand'')<ref>Cette notion de Vulgate d'Alexandre est fondée sur le travail primordial de l'historien C. Raun dans ''De Clitarcho Diodori, Curtii, Justini auctore'' (1868), étoffée ensuite par E. Schwartz, « Curtius », ''RE'', 4-5 (1901-1903) et F. Jaboby, « Kleitarch », ''RE'', 11, (1931).</ref>.
L{{'}}''Histoire d'Alexandre'' rédigée par [[Clitarque d'Alexandrie|Clitarque]] peu de temps après la mort d'Alexandre, aujourd'hui disparue{{sfn|Battistini|2018|p=291}}, contient des affabulations et des éléments surnaturels mais ne serait pour autant être dévaluée<ref>[[Paul Goukowsky]], notice à la traduction de Diodore de Sicile, ''Bibliothèque historique'', {{XVII}}, {{p.|19-20}}.</ref>. Elle est à l'origine de la [[Vulgate d'Alexandre le Grand|Vulgate d'Alexandre]], une tradition [[apologétique]] qu'on retrouve notamment chez [[Diodore de Sicile]] (''[[Bibliothèque historique]]'', {{nobr romains|livre XVII}}) et [[Quinte-Curce]] (''Histoire d'Alexandre le Grand'')<ref>Cette notion de Vulgate d'Alexandre est fondée sur le travail primordial de l'historien C. Raun dans ''De Clitarcho Diodori, Curtii, Justini auctore'' (1868), étoffée ensuite par E. Schwartz, « Curtius », ''RE'', 4-5 (1901-1903) et F. Jaboby, « Kleitarch », ''RE'', 11, (1931).</ref>.


==== Le culte d'Alexandre à l'époque hellénistique ====
==== Culte à l'époque hellénistique ====
{{Article connexe|Culte ptolémaïque d'Alexandre le Grand}}
[[Fichier:Brooklyn museum Alexander bewerkt.jpg|vignette|alt=Buste de l'époque lagide représentant Alexandre|Buste d'Alexandre, [[Royaume lagide|Égypte ptolémaïque]], vers le {{-s-|I}}]]


En [[Dynastie lagide|Égypte ptolémaïque]], Alexandre bénéficie d'une grande postérité. Pour légitimer leur dynastie, les Ptolémées inventent en effet un Alexandre égyptien de caractère divin par une assimilation à des dieux ou à des héros comme [[Héraclès]]. Les citoyens d'[[Alexandrie]] vénèrent le [[Tombeau d'Alexandre le Grand|tombeau]] du glorieux fondateur comme un sanctuaire<ref name="BRUHL202">{{Harvsp|Bruhl|1930|p=202}}.</ref>. Le roi et son favori, [[Héphestion|Héphaistion]], sont ainsi l'objet d'un [[Culte héroïque grec|culte héroïque]] spécifique à Alexandrie<ref>{{Harvsp|Briant|2018|p=120-121|id=PUF1994}}.</ref>. Au sein des autres monarchies hellénistiques, [[Séleucides|séleucide]] et [[Attalides|attalide]], Alexandre reçoit un culte officiel au titre de héros tutélaire<ref name="BRUHL202"/>. Beaucoup de cités grecques d'Asie lui ont élevé des temples, tandis qu'à [[Clazomènes|Clazomène]] et à [[Cyzique]] des jeux en son honneur sont célébrés<ref name="BRUHL202"/>.
En [[Dynastie lagide|Égypte ptolémaïque]], Alexandre bénéficie d'une grande postérité. Pour légitimer leur dynastie, les Ptolémées inventent un Alexandre égyptien de caractère divin par une assimilation à des dieux ou à des héros comme [[Héraclès]]. Les citoyens d'[[Alexandrie]] vénèrent le [[Tombeau d'Alexandre le Grand|tombeau]] du glorieux fondateur comme un sanctuaire<ref name="BRUHL202">{{Harvsp|Bruhl|1930|p=202}}.</ref>. Le roi et son favori, [[Héphestion|Héphaistion]], sont ainsi l'objet d'un [[Culte ptolémaïque d'Alexandre le Grand|culte héroïque]] spécifique à Alexandrie<ref>{{Harvsp|Briant|2018|p=120-121}}.</ref>. Puis {{noble|Ptolémée Ier}} met en place un culte d'État, associant Grecs et indigènes égyptiens, qui honore Alexandre dans toute l'Égypte et qui forme la base du culte royal ptolémaïque à partir de {{noble|Ptolémée II}}<ref>{{Article |auteur1=Julien Tondriau |titre=Esquisse de l'histoire des cultes royaux ptolémaïques |périodique=Revue de l'histoire des religions |tome=2 |numéro=137 |date=1950 |passage=210-211 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1950_num_137_2_5719 |consulté le=21 juin 2021 }}.</ref> : Alexandre est vénéré comme un « dieu intégral » à l'instar de celui des [[divinités olympiennes]]. Au sein des autres monarchies hellénistiques, [[Séleucides|séleucide]] et [[Attalides|attalide]], Alexandre reçoit un culte officiel au titre de héros tutélaire<ref name="BRUHL202"/>. Beaucoup de cités nouvellement fondées en Asie lui ont élevé des temples, tandis qu'à [[Clazomènes|Clazomène]] et à [[Cyzique]] des jeux en son honneur sont célébrés<ref name="BRUHL202"/>.


Alexandrie reste à la source de la légende d'Alexandre tout au long de l'[[Antiquité]]. Une ''Vie d'Alexandre le Grand'' y est écrite par le [[Pseudo-Callisthène]] au {{s-|III}}, faisant le récit légendaire de la conquête. L'auteur raconte notamment qu'Alexandre n'est pas le fils de Philippe mais celui du dernier [[pharaon]] d'Égypte de la {{XXXe dynastie égyptienne}}, [[Nectanébo II]], parti se réfugier à [[Pella]] pour fuir la répression des [[Achéménides|Perses]]. De cette version du Pseudo-Callisthène dérivent la plupart des ''Légendes'', ''Vies'', ''Romans'', ''Histoires'' ou ''Exploits'' d'Alexandre qui se multiplient à partir du {{s-|V}}<ref>[[Jacques Lacarrière (écrivain)|Jacques Lacarrière]], ''La légende d'Alexandre'', Folio {{n°|3654}}, 2000, {{p.|31}}.</ref>. Ce récit est notamment repris, et enjolivé, dans des versions postérieures ; une des dernières versions du ''Roman '' est composée en France au {{s-|XII}} par [[Alexandre de Bernay]]<ref>Alexandre de Paris, ''Le Roman d'Alexandre'', trad. L. Harf-Lancner, Le Livre de poche, coll. « Lettres gothiques », 1994.</ref>. C'est de cette œuvre que provient l'[[alexandrin]], terme forgé au {{s-|XV}}<ref name="HL133" />.
Alexandrie reste à la source de la légende d'Alexandre tout au long de l'[[Antiquité]]. Une ''Vie d'Alexandre le Grand'' y est écrite par le [[Pseudo-Callisthène]] au {{s-|III}}, faisant le récit légendaire de la conquête. L'auteur raconte notamment qu'Alexandre n'est pas le fils de Philippe mais celui du dernier [[pharaon]] d'Égypte de la {{XXXe dynastie égyptienne}}, {{noble|Nectanébo II}}, parti se réfugier à [[Pella (cité antique)|Pella]] pour fuir la répression des [[Achéménides]]. De cette version du Pseudo-Callisthène dérivent la plupart des ''Légendes'', ''Vies'', ''Romans'', ''Histoires'' ou ''Exploits'' d'Alexandre qui se multiplient à partir du {{s-|V}}<ref>[[Jacques Lacarrière (écrivain)|Jacques Lacarrière]], ''La légende d'Alexandre'', Folio {{n°|3654}}, 2000, {{p.|31}}.</ref>. Ce récit est notamment repris, et enjolivé, dans des versions postérieures ; une des dernières versions du ''Roman '' est composée en France au {{s-|XII}} par [[Alexandre de Bernay]]<ref>Alexandre de Paris, ''Le Roman d'Alexandre'', trad. L. Harf-Lancner, Le Livre de poche, coll. « Lettres gothiques », 1994.</ref>. C'est de cette œuvre que provient l'[[alexandrin]], terme forgé au {{s-|XV}}<ref name="HL133" />.


==== Dans la Rome antique ====
==== Dans la Rome antique ====
[[Fichier:Alexander_on_Bucephalus_bronze_statue.jpg|vignette|alt=Statue en bronze représentant Alexandre chevauchant Bucéphale|Alexandre chevauchant [[Bucéphale]], copie romaine probablement d'après [[Lysippe]], [[Musée archéologique national de Naples|musée archéologique de Naples]].]]
[[Fichier:Buland Auguste au tombeau d'Alexandre.jpg|vignette|alt=Tableau représentant Auguste honorant la momie d'Alexandre|''Auguste au tombeau d'Alexandre'', [[Eugène Buland]], [[musée d'Orsay]].]]

Chez les [[Rome antique|Romains]], Alexandre fait figure de modèle pour les généraux et [[Liste des empereurs romains|empereurs]] avides de gloire ou certains gens de lettres<ref name="RW114" />. À la fin du {{-s-|III}}, au moment où les Romains entrent en contact avec le monde hellénistique, [[Plaute]], le plus ancien auteur romain à mentionner Alexandre{{Sfn|Bruhl|1930|p=204}}, fait de lui dans la comédie ''[[Mostellaria]]'' une figure héroïque{{Sfn|Faure|1985|p=358}}. En {{date|-146}}, [[Quintus Caecilius Metellus Macedonicus|Metellus]] rapporte de [[royaume de Macédoine|Macédoine]] un groupe du sculpteur [[Lysippe]] qui représentant Alexandre au [[Bataille du Granique|Granique]]{{Sfn|Bruhl|1930|p=205}}. Au début du {{-s-|I}} dans la [[Macédoine (province romaine)|province de Macédoine]] des pièces de monnaie sont frappées à son effigie{{Sfn|Bruhl|1930|p=205}}.


Dans les derniers temps de la [[République romaine]], la figure d'Alexandre devient encore plus prestigieuse, car à cette époque la culture hellénique connaît un véritable engouement{{Sfn|Bruhl|1930|p=205}}. Ainsi en {{date|-63}}, [[Pompée]] adopte l'épithète « Le Grand » (''Magnus''){{Sfn|Faure|1985|p=294}} et même la coupe de cheveux de type anastole ; durant son [[Triomphe romain|triomphe]] après sa victoire contre {{noble|Mithridate VI}}, il porte la [[chlamyde]] d'Alexandre trouvée dans les bagages du roi du [[Royaume du Pont|Pont]]{{Sfn|Bruhl|1930|p=206}}. [[Crassus]] cherche à imiter Alexandre en marchant en Orient contre les [[Empire parthe|Parthes]]{{Sfn|Bruhl|1930|p=206}}. [[Jules César]] cherche à établir une monarchie universelle à l'imitation du héros macédonien. Avant d'être assassiné, il projette une campagne en Orient contre les Parthes, fasciné par l'épopée d'Alexandre{{Sfn|Bruhl|1930|p=206}}. [[Suétone]] rapporte que César, voyant un portrait d'Alexandre dans un temple, se désespère car, à l'âge où Alexandre a soumis le monde, il n'a encore rien fait de mémorable<ref group="A">Suétone, ''César'', 7.</ref>. [[Marc Antoine]], installé à [[Alexandrie]], a pour ambition d'établir une monarchie universelle en Orient et imite Alexandre : il nomme [[Alexandre Hélios]], le fils qu'il a eu avec [[Cléopâtre VII|Cléopâtre]] et s'habille à manière macédonienne. Afin de s'identifier à celui qui a été vu comme le nouveau [[Dionysos]], il célèbre à [[Athènes antique|Athènes]] un triomphe où il apparaît en [[Bacchus]]{{Sfn|Bruhl|1930|p=208}}. Le géographe [[Strabon]] voit en Alexandre un découvreur, un homme infatigable avec une volonté surhumaine, un portrait favorable qui minimise ou ignore volontairement les événements troubles comme la mort de [[Callisthène]] ou la traversée du désert de [[Gédrosie]]<ref>{{ouvrage|titre= Géographie|sous-titre={{nobr romains|Livre XV}}, L'Inde, l'Ariane et la Perse|auteur= Strabon|traducteur= Pierre-Olivier Leroy|éditeur= Les Belles Lettres|collection=Collection des universités de France|passage= {{XXV}}-{{XXVI}}}}. Pour la partie concernant Alexandre, Strabon a compilé [[Onésicrite]], [[Aristobule de Cassandreia|Aristobule]], [[Néarque]] et [[Mégasthène]].</ref>.
Chez les [[Rome antique|Romains]], Alexandre fait figure de modèle pour les généraux et [[Liste des empereurs romains|empereurs]] avides de gloire ou certains gens de lettres<ref name="RW114" />. À la fin du {{-s-|III}}, au moment où les Romains entrent en contact avec le monde hellénistique, [[Plaute]], le plus ancien auteur romain a mentionné Alexandre{{Sfn|Bruhl|1930|p=204}}, fait de lui dans la comédie ''[[Mostellaria]]'' une figure héroïque{{Sfn|Faure|1985|p=358}}. En [[146 av. J.-C.]], [[Quintus Caecilius Metellus Macedonicus|Metellus]] rapporte de [[royaume de Macédoine|Macédoine]] un groupe du sculpteur [[Lysippe]] qui représentant Alexandre au [[Bataille du Granique|Granique]]{{Sfn|Bruhl|1930|p=205}}. Au début du {{-s-|I}} dans la [[Macédoine (province romaine)|province de Macédoine]] des pièces de monnaies sont frappées à son effigie{{Sfn|Bruhl|1930|p=205}}.


À l'[[Empire romain|époque impériale]], [[Auguste]] admire lui aussi le conquérant mais sans chercher pour autant à l'imiter{{Sfn|Bruhl|1930|p=208}}. Il dépose une couronne d'or sur le [[Tombeau d'Alexandre le Grand|tombeau d'Alexandre]] et pendant longtemps utilise un sceau à l'effigie d'Alexandre{{Sfn|Bruhl|1930|p=208}}. Il introduit dans le [[Forum Romain (Rome)|forum de Rome]] des portraits réalisés par [[Apelle]]{{Sfn|Bruhl|1930|p=205}}. [[Néron]] admire de manière fanatique Alexandre au point de faire dorer une statue de [[Lysippe]]{{Sfn|Bruhl|1930|p=205}}. Il organise une expédition jusqu'aux [[Mer Caspienne|Portes Caspiennes]] et lève une [[Légion romaine|légion]] gratifiée du nom de « phalange d'Alexandre »{{Sfn|Bruhl|1930|p=211}}. Sous les [[Antonins (Rome)|Antonins]], la figure d'Alexandre connaît un fort engouement ; c'est à cette époque que deux écrivains de langues grecques, [[Plutarque]] et [[Arrien]], remettent à l'honneur l'épopée d'Alexandre{{Sfn|Bruhl|1930|p=213}}. Pour [[Trajan]], Alexandre est un modèle de chef d'État, car il a su instaurer la concorde entre les peuples et qu'il a le sens de l'universel{{Sfn|Faure|1985|p=359}}. Il cherche à l'imiter en menant campagne en Asie contre les Parthes{{Sfn|Bruhl|1930|p=213}}. Parvenu à [[Babylone]], il offre un sacrifice en son honneur{{Sfn|Bruhl|1930|p=214}}. [[Commode (empereur)|Commode]] fait frapper des monnaies à son effigie et à celle d'Alexandre{{Sfn|Bruhl|1930|p=214}}. [[Caracalla]] espère être une réincarnation d'Alexandre ; il forme une phalange [[Armée macédonienne|armée à la macédonienne]] et surtout établit en [[212]] la [[Édit de Caracalla|Constitution antonine]] qui donne la [[citoyenneté romaine]] à tous les hommes libres de l'Empire, car il entend imiter Alexandre qui a su réunir Occidentaux et Orientaux{{Sfn|Bruhl|1930|p=216}}. L'empereur [[Sévère Alexandre]], qui est né en [[Phénicie]] dans un temple dédié à Alexandre le jour anniversaire de sa mort, abandonne son nom d'Alexianus pour rendre hommage à celui dont il entend s'inspirer{{Sfn|Faure|1985|p=360}}. C'est dans ce contexte de dévotion au conquérant que commence à se diffuser au {{s-|IV}} ''La Vie et les hauts faits d'Alexandre de Macédoine'', communément appelé le ''[[Roman d'Alexandre]]''{{Sfn|Faure|1985|p=361}}.
Dans les derniers temps de la [[République romaine]], la figure d'Alexandre devient encore plus prestigieuse, car à cette époque la culture hellénique connait un véritable engouement{{Sfn|Bruhl|1930|p=205}}. Ainsi en [[63 av. J.-C.]], [[Pompée]] adopte l'épithète « Le Grand » (''Magnus''){{Sfn|Faure|1985|p=294}} et même la coupe de cheveux de type anastole ; durant son [[Triomphe romain|triomphe]] après sa victoire contre {{souverain2|Mithridate VI}}, il porte la [[chlamyde]] d'Alexandre trouvé dans les bagages du roi du [[Royaume du Pont|Pont]]{{Sfn|Bruhl|1930|p=206}}. [[Crassus]] cherche à imiter Alexandre en marchant en Orient contre les [[Empire parthe|Parthes]]{{Sfn|Bruhl|1930|p=206}}. [[Jules César]] cherche à établir une monarchie universelle à l'imitation du héros macédonien. Avant d'être assassiné, il projette une campagne en Orient contre les Parthes, fasciné par l'épopée d'Alexandre{{Sfn|Bruhl|1930|p=206}}. [[Suétone]] rapporte que César, voyant un portrait d'Alexandre dans un temple, se désespère car, à l'âge où Alexandre a soumis le monde, il n'a encore rien fait de mémorable<ref group=A>Suétone, ''César'', 7.</ref>. [[Marc Antoine]], installé à [[Alexandrie]], a pour ambition d'établir une monarchie universelle en Orient et imite Alexandre : il nomme [[Alexandre Hélios]], le fils qu'il a eu avec [[Cléopâtre VII|Cléopâtre]] et s'habille à manière macédonienne. Afin de s'identifier à celui qui a été vu comme le nouveau [[Dionysos]], il célèbre à [[Athènes antique|Athènes]] un triomphe où il apparait en [[Bacchus]]{{Sfn|Bruhl|1930|p=208}}.
À l'[[Empire romain|époque impériale]], [[Auguste]] admire lui aussi le Conquérant mais sans chercher pour autant à l'imiter{{Sfn|Bruhl|1930|p=208}}. Il dépose une couronne d'or sur le [[Tombeau d'Alexandre le Grand|tombeau d'Alexandre]] et pendant longtemps utilise un sceau à l'effigie d'Alexandre{{Sfn|Bruhl|1930|p=208}}. Il introduit dans le [[Forum Romain (Rome)|forum de Rome]] des portraits réalisés par [[Apelle]]{{Sfn|Bruhl|1930|p=205}}. [[Néron]] admire de manière fanatique Alexandre au point de faire dorer une statue de [[Lysippe]]{{Sfn|Bruhl|1930|p=205}}. Il organise une expédition jusqu'aux [[Mer Caspienne|Portes Caspiennes]] et lève une [[Légion romaine|légion]] gratifié du nom de « phalange d'Alexandre »{{Sfn|Bruhl|1930|p=211}}. Sous les [[Antonins (Rome)|Antonins]], la figure d'Alexandre connait un fort engouement ; c'est à cette époque que deux écrivains de langues grecques, [[Plutarque]] et [[Arrien]], remettent à l'honneur l'épopée d'Alexandre{{Sfn|Bruhl|1930|p=213}}. Pour
[[Trajan]], Alexandre est un modèle de chef d'État, car il a su instaurer la concorde entre les peuples et qu'il a le sens de l'universel{{Sfn|Faure|1985|p=359}}. Il cherche à l'imiter en menant campagne en Asie contre les Parthes{{Sfn|Bruhl|1930|p=213}}. Parvenu à [[Babylone]], il offre un sacrifice en son honneur{{Sfn|Bruhl|1930|p=214}}. [[Commode (empereur)|Commode]] fait frapper des monnaies à son effigie et à celle d'Alexandre{{Sfn|Bruhl|1930|p=214}}. [[Caracalla]] espère être une réincarnation d'Alexandre ; il forme une phalange [[Armée macédonienne|armée à la macédonienne]] et surtout établit en [[212]] la [[Édit de Caracalla|Constitution antonine]] qui donne la [[citoyenneté romaine]] à tous les hommes libres de l'Empire, car il entend imiter Alexandre qui a su réunir Occidentaux et Orientaux{{Sfn|Bruhl|1930|p=216}}. L'empereur [[Sévère Alexandre]], qui est né en [[Phénicie]] dans un temple dédié à Alexandre le jour anniversaire de sa mort, abandonne son nom d'Alexianus pour rendre hommage à celui dont il entend s'inspirer{{Sfn|Faure|1985|p=360}}. C'est dans ce contexte de dévotion au Conquérant que commence à se diffuser au {{s-|IV}} ''La Vie et les hauts faits d'Alexandre de Macédoine'', communément appelé le ''[[Roman d'Alexandre]]''{{Sfn|Faure|1985|p=361}}.


Mais chez certains auteurs romains, souvent sous l'influence du [[Stoïcisme|néo-stoïcisme]], Alexandre symbolise la tyrannie, la colère et la démesure{{Sfn|Faure|1985|p=359}}. [[Cicéron]], bien qu'il reconnaissance sa grandeur, fait de lui l'incarnation d'une forme de folie{{Sfn|Bruhl|1930|p=206}}. [[Sénèque]] lui reproche l'exécution de [[Callisthène]] et le considère comme l'incarnation de l'autocrate sanguinaire, véritable fléau pour les peuples{{sfn|Battistini|2018|p=226}}. De la même façon, le poète [[Lucain]], neveu de Sénèque, bien qu'il admire Alexandre en tant que chef de guerre, le critique pour ses excès{{Sfn|Bruhl|1930|p=213}}. Par ailleurs, ses conquêtes sont minorées par [[Tite-Live]] car il aurait combattu des adversaires « efféminés »<ref group=A>Tite-Live, ''Histoire romaine'', {{IX}}, 16-19.</ref> ; l'historien remet en question le génie militaire d'Alexandre qui, selon lui, n'aurait pas su vaincre les [[Légion romaine|légions romaines]], comme le montre ''a posteriori'' la défaite de [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]] à la tête d'une armée équipée à la macédonienne{{Sfn|Faure|1985|p=293}}. D'autres auteurs et moralistes latins, tels [[Trogue Pompée]]<ref group=N>Ses ''Histoires philippiques'' ont été compilées par [[Justin (historien)|Justin]].</ref> ou [[Varron (écrivain)|Varron]], condamnent les meurtres de [[Philotas]], de [[Cleitos (compagnon d'Alexandre)|Cleitos]] et de Callisthène{{Sfn|Faure|1985|p=292}}. La mort d'Alexandre serait, selon eux, indigne d'un chef d'armée, reprenant à leur compte une citation prêtée à [[Jules César]] : « un ''imperator'' doit mourir debout »<ref group=A>Suétone, ''Vie de Vespasien'', {{XXIV}}.</ref>. Enfin [[Augustin d'Hippone|Augustin]], dans la ''[[La Cité de Dieu]]'', utilise la figure d'Alexandre pour montrer que sans la justice les royaumes ne sont qu'une grande troupe de brigands<ref group=A>Saint Augustin, ''La Cité de Dieu'', {{IV}}, 9.</ref>.
Mais chez certains auteurs romains, souvent sous l'influence du [[Stoïcisme|néo-stoïcisme]], Alexandre symbolise la tyrannie, la colère et la démesure{{Sfn|Faure|1985|p=359}}. [[Cicéron]], bien qu'il reconnaissance sa grandeur, fait de lui l'incarnation d'une forme de folie{{Sfn|Bruhl|1930|p=206}}. [[Sénèque]] lui reproche l'exécution de [[Callisthène]] et le considère comme l'incarnation de l'autocrate sanguinaire, véritable fléau pour les peuples{{sfn|Battistini|2018|p=226}}. De la même façon, le poète [[Lucain]], neveu de Sénèque, bien qu'il admire Alexandre en tant que chef de guerre, le critique pour ses excès{{Sfn|Bruhl|1930|p=213}}. Par ailleurs, ses conquêtes sont minorées par [[Tite-Live]] car il aurait combattu des adversaires « efféminés »<ref group=A>Tite-Live, ''Histoire romaine'', {{IX}}, 16-19.</ref> ; l'historien remet en question le génie militaire d'Alexandre qui, selon lui, n'aurait pas su vaincre les [[Légion romaine|légions romaines]], comme le montre ''a posteriori'' la défaite de [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]] à la tête d'une armée équipée à la macédonienne{{Sfn|Faure|1985|p=293}}. Cette digression [[uchronique]] doit être prise avec précaution car c'est une critique sous-jacente de [[Pompée]] qui s'est réclamé d'Alexandre<ref>{{article|auteur= Jean-Claude Richard|titre= Alexandre et Pompée : à propos de Tite-Live {{IX}}, 16, 19-19, 17|périodique= Mélanges de philosophie, de littérature et d'histoire ancienne offerts à [[Pierre Boyancé]]. [[École Française de Rome]]|année= 1974|passage= 653-669|lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1974_ant_22_1_1704}}.</ref>. [[Lucien de Samosate]] dans ses [[Dialogues des morts (Lucien de Samosate)|''Dialogues des morts'']] met en scène Alexandre le Grand tour à tour avec ses adversaires, son père ou [[Diogène de Sinope|Diogène]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Anne-Marie Ozanam|titre=Lucien Voyage Extraordinaires|passage=334|lieu=Clamecy|éditeur=Les Belles Lettres|date=2009|pages totales=476|isbn=978-2-251-80001-1|consulté le=28 janvier 2023}}</ref>. D'autres auteurs et moralistes latins, tels [[Trogue Pompée]] ou [[Varron (écrivain)|Varron]], condamnent les meurtres de [[Philotas]], de [[Cleitos (compagnon d'Alexandre)|Cleitos]] et de Callisthène{{Sfn|Faure|1985|p=292}}. La mort d'Alexandre serait, selon eux, indigne d'un chef d'armée, reprenant à leur compte une citation prêtée à [[Jules César]] : « un ''imperator'' doit mourir debout »<ref group=A>Suétone, ''Vie de Vespasien'', {{XXIV}}.</ref>. Enfin [[Augustin d'Hippone|Augustin]], dans ''[[La Cité de Dieu]]'', utilise la figure d'Alexandre pour montrer que sans la justice les royaumes ne sont qu'une grande troupe de brigands<ref group=A>Saint Augustin, ''La Cité de Dieu'', {{IV}}, 9.</ref>.


==== Dans l'Empire byzantin ====
==== Dans l'Empire byzantin ====
[[Fichier:Alessandro Magno (scultura da Constantinopoli XIsec.).jpg|vignette|alt=Bas-relief byzantin représentant L'« ascension d'Alexandre vers le ciel »|L'« ascension d'Alexandre vers le ciel », [[basilique Saint-Marc]], [[Venise]], {{s-|XI}}, relief provenant de [[Constantinople]].]]
[[Fichier:Alessandro Magno (scultura da Constantinopoli XIsec.).jpg|vignette|alt=Bas-relief byzantin représentant L'« ascension d'Alexandre vers le ciel »|L'« ascension d'Alexandre vers le ciel », [[basilique Saint-Marc]], [[Venise]], {{s-|XI}}, relief provenant de [[Constantinople]].]]


La tradition populaire [[Empire byzantin|byzantine]] reprend les exploits réels ou mythiques d'Alexandre racontés par le [[Pseudo-Callisthène]] au {{s-|III}}, dans ce qui deviendra au [[Moyen Âge]] le
La tradition populaire [[Empire byzantin|byzantine]] reprend les exploits réels ou mythiques d'Alexandre racontés par le [[Pseudo-Callisthène]] au {{s-|III}}, dans ce qui deviendra au [[Moyen Âge]] le ''[[Roman d'Alexandre]]''<ref name="GONDICAS1"/>. Les Byzantins ont transmis un grand nombre de versions du ''Roman'', et presque tous les manuscrits de la tradition grecque proviennent de l'époque byzantine. Le ''Roman'' connaît une large diffusion dans tous les milieux sociaux byzantins<ref name="GONDICAS1"/>. Le thème de l'« ascension d'Alexandre au ciel », issu du ''Roman'', est un sujet iconographique très courant au Moyen Âge chrétien en Orient, comme en Occident<ref name="GONDICAS1"/> ; il sert à illustrer le [[Péché capital|péché]] d'[[Orgueil]], car Alexandre n'est pas parvenu à atteindre le ciel{{Sfn|Faure|1985|p=394}}.
''[[Roman d'Alexandre]]''<ref name="GONDICAS1"/>. Les Byzantins ont transmis un grand nombre de versions du ''Roman'', et presque tous les manuscrits de la tradition grecque proviennent de l'époque byzantine. Le ''Roman'' connaît une large diffusion dans tous les milieux sociaux byzantins<ref name="GONDICAS1"/>. Le thème de l'« ascension d'Alexandre au ciel », issu du ''Roman'', est un sujet iconographique très courant au Moyen Âge chrétien en Orient, comme en Occident<ref name="GONDICAS1"/> ; il sert à illustrer le [[Péché capital|péché]] d'[[Orgueil]], car Alexandre n'est pas parvenu à atteindre le ciel{{Sfn|Faure|1985|p=394}}.


Les chroniqueurs de l'époque byzantine cherchent à [[Christianisme|christianiser]] Alexandre pour en faire l'ancêtre des [[Liste des empereurs byzantins|empereurs byzantins]]. Pour autant l'approche de ces chroniqueurs diverge<ref name="GONDICAS1"/>. Certains cherchent à démystifier les épisodes légendaires, comme [[Jean Malalas]] dans sa ''Chronographie'' au {{s-|VI}} ou [[Michel Glycas]] au {{s-|XII}} ; d'autres, comme [[Georges le Moine]] au {{s-|IX}} ou [[Jean Zonaras]] au {{s-|XII}}, qui se fondent notamment sur [[Plutarque]], ont une approche plus historique<ref name="GONDICAS1"/>. Cette appropriation est encore plus nette à l'époque de la [[dynastie macédonienne]], même si elle est en réalité d'origine [[Arméniens|arménienne]]. Alexandre est parfois vêtu en empereur byzantin, comme dans une version du ''Roman'' du {{s-|XIV}} probablement d'origine [[Crète (île)|crétoise]]. Alexandre y est en effet représenté avec le costume et les emblèmes de son contemporain [[Dynastie Paléologue|Paléologue]]<ref name="GONDICAS1"/>. L'apogée de cette appropriation se situe à l'époque de la dynastie des Paléologues ([[1261]]-[[1453]]), originaire de [[Macédoine (région)|Macédoine]], au moment où se déroule un « éveil national » en [[Grèce]]. Ainsi le futur {{souverain2|Manuel II Paléologue}} déclare pendant le siège de [[Thessalonique]] mené par les [[Empire ottoman|Turcs]] ([[1383]]-[[1387]]) : « la patrie de Philippe et d'Alexandre nous appartient »<ref name="GONDICAS1"/>.
Les chroniqueurs de l'époque byzantine cherchent à [[Christianisme|christianiser]] Alexandre pour en faire l'ancêtre des [[Liste des empereurs byzantins|empereurs byzantins]]. Pour autant l'approche de ces chroniqueurs diverge<ref name="GONDICAS1"/>. Certains cherchent à démystifier les épisodes légendaires, comme [[Jean Malalas]] dans sa ''Chronographie'' au {{s-|VI}} ou [[Michel Glycas]] au {{s-|XII}} ; d'autres, comme [[Georges le Moine]] au {{s-|IX}} ou [[Jean Zonaras]] au {{s-|XII}}, qui se fondent notamment sur [[Plutarque]], ont une approche plus historique<ref name="GONDICAS1"/>. Cette appropriation est encore plus nette à l'époque de la [[dynastie macédonienne]], même si elle est en réalité d'origine [[Arméniens|arménienne]]. Alexandre est parfois vêtu en empereur byzantin, comme dans une version du ''Roman'' du {{s-|XIV}} probablement d'origine [[crète|crétoise]]. Alexandre y est en effet représenté avec le costume et les emblèmes de son contemporain [[Paléologue]]<ref name="GONDICAS1"/>. L'apogée de cette appropriation se situe à l'époque de la dynastie des Paléologues ([[1261]]-[[1453]]), originaire de [[Macédoine (région)|Macédoine]], au moment où se déroule un « éveil national » en [[Grèce]]. Ainsi le futur {{noble|Manuel II Paléologue|-}} déclare pendant le siège de [[Thessalonique]] mené par les [[Empire ottoman|Turcs]] ([[1383]]-[[1387]]) : « la patrie de Philippe et d'Alexandre nous appartient »<ref name="GONDICAS1"/>.


Finalement, Alexandre est l'incarnation de l'idéologie impériale byzantine. Pour les [[Pères de l’Église]], Alexandre est le héros de la Foi ; pour le peuple, les poètes et les rédacteurs des nombreuses versions du ''Roman'', il est un saint [[martyr]] du fait d'une mort prématurée et injuste<ref name="GONDICAS1"/>.
Finalement, Alexandre est l'incarnation de l'idéologie impériale byzantine. Pour les [[Pères de l'Église|Pères de l’Église]], Alexandre est le héros de la Foi ; pour le peuple, les poètes et les rédacteurs des nombreuses versions du ''Roman'', il est un saint [[martyr]] du fait d'une mort prématurée et injuste<ref name="GONDICAS1"/>.


==== En Asie ====
==== En Asie ====
[[Fichier:"Battle_between_Alexander_and_Darius",_Folio_from_a_Khamsa_(Quintet)_of_Nizami_MET_DT4788.jpg|vignette|alt=¨Folio du ''Livre d'Alexandre'', issu du ''Khamsé'' de Nizami, représentant une bataille entre Alexandre et Darius|Folio du ''Livre d'Alexandre'' issu du ''[[Khamsé]]'' de Nizami ({{s-|XVI}}), représentant une bataille entre '''Alexandre''' et {{souverain2|Darius III}}.]]
[[Fichier:"Battle_between_Alexander_and_Darius",_Folio_from_a_Khamsa_(Quintet)_of_Nizami_MET_DT4788.jpg|vignette|alt=¨Folio du ''Livre d'Alexandre'', issu du ''Khamsé'' de Nizami, représentant une bataille entre Alexandre et Darius|Folio du ''Livre d'Alexandre'' issu du ''[[Khamsé]]'' de Nizami ({{s-|XVI}}), représentant une bataille entre Alexandre et {{noble|Darius III}}.]]


Au {{s-|V}} la ''Vie d'Alexandre'' du [[Pseudo-Callisthène]] commence à être traduite dans diverses langues du [[Proche-Orient]], en [[copte]], en [[Guèze|éthiopien ancien]], en [[araméen]] et en [[syriaque]] et probablement en [[arabe]] du [[Hedjaz]]{{Sfn|Faure|1985|p=378}}. Le mythe d'Alexandre est transporté par les voies de la religion et du commerce jusque dans l'[[empire byzantin]]. L'ouvrage du Pseudo-Callisthène est connu dans les communautés [[Juifs|juives]] qui vivent à [[La Mecque]] et [[Médine]] à l'époque ou [[Mahomet]] vers [[570]]{{Sfn|Faure|1985|p=378}}.
Au {{s-|V}} la ''Vie d'Alexandre'' du [[Pseudo-Callisthène]] commence à être traduite dans diverses langues du [[Proche-Orient]], en [[copte]], en [[Guèze|éthiopien ancien]], en [[araméen]] et en [[syriaque]] et probablement en [[arabe]] du [[Hedjaz]]{{Sfn|Faure|1985|p=378}}. Le mythe d'Alexandre est transporté par les voies de la religion et du commerce jusque dans l'[[empire byzantin]]. L'ouvrage du Pseudo-Callisthène est connu dans les communautés [[Juifs|juives]] qui vivent à [[La Mecque]] et [[Médine]] à l'époque naît [[Mahomet]] vers [[570]]{{Sfn|Faure|1985|p=378}}.


Alexandre, connu sous le nom d'Iskandar ou Iskander, demeure une figure mythique dans les régions qu'il a conquises en [[Asie centrale]]. Au {{s-|XIX}}, des officiers britanniques explorant le [[Badakhchan (Afghanistan)|Badakhchan ]] et le [[Chaînon Darvaz|Darvaz]] signalent que des seigneurs locaux affirment descendre d'Alexandre<ref name="HL144145">{{Harvsp|Chuvin|2018|p=144-145|id=A15ans}}.</ref> ; ce recours à Alexandre rappelle que les Gréco-Macédoniens ont fondé des colonies en Asie centrale qui formeront ensuite les [[Royaume gréco-bactrien|royaumes gréco-bactriens]]. [[Marco Polo]] écrit déjà, au {{s-|XIII}}, que « les rois [du Badakhchan] sont d'une même lignée, descendue du roi Alexandre. »<ref>Marco Polo, ''[[Devisement du monde]]'', I, 47.</ref>. Au {{s-|XV}}, la dynastie [[Empire timouride|timouride]], héritière de [[Tamerlan]], utilise Alexandre à des fins de légitimation parmi les lignées féminines<ref name="HL145">{{Harvsp|Chuvin|2018|p=145|id=A15ans}}.</ref>. Ce souvenir du passage d'Alexandre en Asie centrale nourrit chez les Occidentaux du {{s-|XIX}} une forme de romantisme<ref name="HL144">{{Harvsp|Chuvin|2018|p=144|id=A15ans}}.</ref> : la figure d'Iskandar est le thème central de la nouvelle de [[Rudyard Kipling]], ''[[L'Homme qui voulut être roi (roman)|L'Homme qui voulut être roi]]'' ([[1888 en littérature|1888]]).
Alexandre, connu sous le nom d'Iskandar ou Iskander, demeure une figure mythique dans les régions qu'il a conquises en [[Asie centrale]]. Au {{s-|XIX}}, des officiers britanniques explorant le [[Badakhchan (Afghanistan)|Badakhchan]] et le [[Chaînon Darvaz|Darvaz]] signalent que des seigneurs locaux affirment descendre d'Alexandre<ref name="HL144145">{{Harvsp|Chuvin|2018|p=144-145|id=A15ans}}.</ref> ; ce recours à Alexandre rappelle que les Gréco-Macédoniens ont fondé des colonies en Asie centrale qui formeront ensuite les [[Royaume gréco-bactrien|royaumes gréco-bactriens]]. [[Marco Polo]] écrit déjà, au {{s-|XIII}}, que « les rois [du Badakhchan] sont d'une même lignée, descendue du roi Alexandre<ref> ''[[Le Livre de Marco Polo]]'', ''Ci devise de la province de Balacian'' ([https://books.google.fr/books?id=zpFsnWSTLuIC&pg=PA117# lire en ligne]).</ref> ». Au {{s-|XV}}, la dynastie [[Empire timouride|timouride]], héritière de [[Tamerlan]], utilise Alexandre à des fins de légitimation parmi les lignées féminines<ref name="HL145">{{Harvsp|Chuvin|2018|p=145|id=A15ans}}.</ref>. Ce souvenir du passage d'Alexandre en Asie centrale nourrit chez les Occidentaux du {{s-|XIX}} une forme de romantisme<ref name="HL144">{{Harvsp|Chuvin|2018|p=144|id=A15ans}}.</ref> : la figure d'Iskandar est le thème central de la nouvelle de [[Rudyard Kipling]], ''[[L'Homme qui voulut être roi (nouvelle)|L'Homme qui voulut être roi]]'' ([[1888 en littérature|1888]]).


Le souvenir des fondations urbaines d'Iskandar reste encore vivace de nos jours. Les habitants d'[[Alexandrette]] en [[Turquie]], de [[Khorramshahr]] et d'Hormuz en [[Iran]], de [[Merv]] au [[Turkménistan]], de [[Marguilan]] en [[Ouzbékistan]], d'[[Hérat]] et de [[Kandahar]] en [[Afghanistan]], de Ucch et de [[Karachi]] au [[Pakistan]] entretiennent la légende du roi-fondateur{{Sfn|Faure|1985|p=388}}. Son passage est encore aujourd'hui signalé dans les régions bordant l'[[Amou-Daria]] à travers des forts, des murs ou des chemins dits d'Iskandar{{Sfn|Faure|1985|p=388}}. À Mankialma, près de [[Taxila (ville)|Taxila]] au Pakistan, les habitants continuent d'appeler leurs chevaux [[Bucéphale]] car ils pensent qu'il a été inhumé sous un tumulus (ou [[stūpa]]). Dans la région de [[Thatta]] au Pakistan, où la conquête s'est arrêtée, son nom reste célèbre. Même dans la vallée du [[Gange]], qu'il n'a pas parcourue, le folklore local l'évoque encore{{Sfn|Faure|1985|p=389}}. Avec la diffusion de l'[[islam]], qui fait d'Alexandre un défenseur de la Foi, sa légende a pénétré jusqu'[[Indonésie]] actuelle, à partir du {{s-|XV}}, avec des récits en [[javanais]], en [[Malais (langue)|malais]] et en [[Bugi (langue)|bugi]] qui s'inspirent du ''[[Roman d'Alexandre]]''{{Sfn|Faure|1985|p=389-390}}. Le personnage a même servi à légitimer les origines de la dynastie des souverains malais. Dans la région de [[Palembang]] à Sumatra se trouve même un tombeau dit d'Iskandar{{Sfn|Faure|1985|p=390}}.
Le souvenir des fondations urbaines d'Iskandar reste encore vivace de nos jours. Les habitants d'[[Alexandrette]] en [[Turquie]], de [[Khorramchahr|Khorramshahr]] et d'Hormuz en [[Iran]], de [[Merv]] au [[Turkménistan]], de [[Marguilan]] en [[Ouzbékistan]], d'[[Hérat]] et de [[Kandahar]] en [[Afghanistan]], de Ucch et de [[Karachi]] au [[Pakistan]] entretiennent la légende du roi-fondateur{{Sfn|Faure|1985|p=388}}. Son passage est encore aujourd'hui signalé dans les régions bordant l'[[Amou-Daria]] à travers des forts, des murs ou des chemins dits d'Iskandar{{Sfn|Faure|1985|p=388}}. À Mankialma, près de [[Taxila (ville)|Taxila]] au Pakistan, les habitants continuent d'appeler leurs chevaux [[Bucéphale]] car ils pensent qu'il a été inhumé sous un tumulus (ou [[stūpa]]). Dans la région de [[Thatta]] au Pakistan, où la conquête s'est arrêtée, son nom reste célèbre. Même dans la vallée du [[Gange]], qu'il n'a pas parcourue, le folklore local l'évoque encore{{Sfn|Faure|1985|p=389}}. Avec la diffusion de l'[[islam]], qui fait d'Alexandre un défenseur de la Foi, sa légende a pénétré jusqu'[[Indonésie]] actuelle, à partir du {{s-|XV}}, avec des récits en [[javanais]], en [[Malais (langue)|malais]] et en [[Bugi (langue)|bugi]] qui s'inspirent du ''[[Roman d'Alexandre]]''{{Sfn|Faure|1985|p=389-390}}. Le personnage a même servi à légitimer les origines de la dynastie des souverains malais. Dans la région de [[Palembang]] à Sumatra se trouve même un tombeau dit d'Iskandar{{Sfn|Faure|1985|p=390}}.


En [[hindi]] et en [[ourdou]], ''Sikandar'', dérivé du [[persan]], désigne un jeune talent en devenir<ref>{{en}} R. D., Connerney, ''The upside-down tree: India's changing culture'', Algora, 2009, {{p.|68}}.</ref>.
En [[hindi]] et en [[ourdou]], ''Sikandar'', dérivé du [[persan]], désigne un jeune talent en devenir<ref>{{en}} R. D., Connerney, ''The upside-down tree: India's changing culture'', Algora, 2009, {{p.|68}}.</ref>.


==== En Occident médiéval ====
==== Dans l'Occident médiéval ====
[[Fichier:Alexander unhorsing Porrus - British Library Royal MS 20 B xx f53r (detail).jpg|vignette|alt=Détail d'une miniature du {{s-|XV}} représentant Alexandre désarçonnant Poros|Alexandre désarçonnant [[Poros (roi)|Poros]], détail d'une miniature du {{s-|XV}}, [[British Library]].]]
[[Fichier:Alexander unhorsing Porrus - British Library Royal MS 20 B xx f53r (detail).jpg|vignette|alt=Détail d'une miniature du {{s-|XV}} représentant Alexandre désarçonnant Poros|Alexandre désarçonnant [[Poros (roi)|Poros]], détail d'une miniature du {{s-|XV}}, [[British Library]].]]


En Occident au [[Moyen Âge]], dans la continuité du ''[[Roman d'Alexandre]]'' issu du [[Pseudo-Callisthène]], Alexandre représente un modèle de vertus masculines et princières ainsi que l'idéal du preux chevalier qui mêle savoir et pouvoir. Il est à la fois le guerrier et le sage, plein de « largesse » mais aussi de démesure<ref name="HL133" />. À la cour d'[[Henri II (roi d'Angleterre)|Henri II Plantagenêt]], [[Liste des ducs de Normandie|duc de Normandie]] et [[Liste des monarques d'Angleterre|roi d'Angleterre]], Alexandre représente l'idéal chevaleresque et le symbole d’une royauté qui s'affirme face à l’anarchie [[Féodalité en France|féodale]] du [[royaume de France]]<ref name="MOSSE296">Claude Mossé, « La figure mythique d’Alexandre dans la France médiévale ({{sp-|XII| - |XV|s}}) », ''Alexandre le Grand, religion et tradition'', Mètis, 2003, {{p.|296}}.</ref>. À partir du {{s-|XII}}, au moment des premières [[croisades]], se développe en France, outre la fascination pour l'[[Orient (géographie)|Orient]], la figure mythique d'Alexandre<ref>Claude Mossé, « La figure mythique d’Alexandre dans la France médiévale ({{sp-|XII| - |XV|s}}) », ''Alexandre le Grand, religion et tradition'', Mètis, 2003, {{p.|289-290}}.</ref>. Il fait partie des [[Neuf Preux]], héros païens, juifs et chrétiens qui incarnent l'idéal chevaleresque au {{s-|XIV}}. Au {{s-|XV}}, il est très populaire à la cour des [[Liste des ducs de Bourgogne|ducs de Bourgogne]], comme en témoigne la dédicace à [[Philippe le Bon]] du ''Livre des conquêtes et faits d'Alexandre'' de [[Jean Wauquelin]]. Avec la traduction de [[Quinte-Curce]] en français par [[Vasque de Lucène]] pour [[Charles le Téméraire]], la dimension romanesque du personnage commence à faire place au conquérant<ref name="MOSSE295">Claude Mossé, « La figure mythique d’Alexandre dans la France médiévale ({{sp-|XII| - |XV|s}}) », ''Alexandre le Grand, religion et tradition'', Mètis, 2003, {{p.|295}}.</ref>. À la fin du Moyen Âge, la redécouverte de [[Plutarque]], [[Diodore de Sicile|Diodore]] et [[Arrien]], avec l'arrivée en Occident de savants [[Empire byzantin|byzantins]], fait apparaître une image plus « politique » d'Alexandre, prince païen et élève des philosophes, admiré des hommes de la [[Renaissance]]. Il devient dès lors le « miroir du prince » et le symbole d'un pouvoir monarchique qui s'impose face à une féodalité déclinante<ref name="MOSSE296" />. Dès la fin du {{s-|XV}}, il figure parmi les « rois » dans les [[jeu de cartes|jeux de cartes]] avec [[David (roi d'Israël)|David]], [[Jules César]] et [[Charlemagne]]<ref name="HL134">{{Harvsp|Harf-Lancner|2018|p=134|id=A15ans}}.</ref>.
En Occident au [[Moyen Âge]], dans la continuité du ''[[Roman d'Alexandre]]'' issu du [[Pseudo-Callisthène]], Alexandre représente un modèle de vertus masculines et princières ainsi que l'idéal du preux chevalier qui mêle savoir et pouvoir. Il est à la fois le guerrier et le sage, plein de « largesse » mais aussi de démesure<ref name="HL133" />. À la cour d'{{noble|Henri II (roi d'Angleterre)|Plantagenêt}}, [[Liste des ducs de Normandie|duc de Normandie]] et [[Liste des monarques d'Angleterre|roi d'Angleterre]], Alexandre représente l'idéal chevaleresque et le symbole d’une royauté qui s'affirme face à l’anarchie [[Féodalité en France|féodale]] du [[royaume de France]]<ref>{{Article|langue=fr|auteur=[[Claude Mossé (historienne)|Claude Mossé]]|titre=La figure mythique d’Alexandre dans la France médiévale ({{sp-|XII|-|XV|s}})|périodique=Mètis|titre numéro=Alexandre le Grand, religion et tradition|année=2003|lire en ligne=https://books.openedition.org/editionsehess/2124?lang=fr|pages=296}}.</ref>. À partir du {{s-|XII}}, au moment des premières [[croisade]]s, se développe en France, outre la fascination pour l'[[Orient (géographie)|Orient]], la figure mythique d'Alexandre{{Sfn|Claude Mossé|2003|p=289-290}}. Il fait partie des [[Neuf Preux]], héros païens, juifs et chrétiens qui incarnent l'idéal chevaleresque au {{s-|XIV}}. Au {{s-|XV}}, il est très populaire à la cour des [[Liste des ducs de Bourgogne|ducs de Bourgogne]], comme en témoigne la dédicace à [[Philippe le Bon]] du ''Livre des conquêtes et faits d'Alexandre'' de [[Jean Wauquelin]]. Avec la traduction de [[Quinte-Curce]] en français par [[Vasque de Lucène]] pour [[Charles le Téméraire]], la dimension romanesque du personnage commence à faire place au conquérant{{Sfn|Claude Mossé|2003|p=295}}. À la fin du Moyen Âge, la redécouverte de [[Plutarque]], [[Diodore de Sicile|Diodore]] et [[Arrien]], avec l'arrivée en Occident de savants [[Empire byzantin|byzantins]], fait apparaître une image plus « politique » d'Alexandre, prince païen et élève des philosophes, admiré des hommes de la [[Renaissance]]. Il devient dès lors le « miroir du prince » et le symbole d'un pouvoir monarchique qui s'impose face à une féodalité déclinante{{Sfn|Claude Mossé|2003|p=296}}. Dès la fin du {{s-|XV}}, il figure parmi les « rois » dans les [[jeu de cartes|jeux de cartes]] avec [[David (roi d'Israël)|David]], [[Jules César]] et [[Charlemagne]]<ref name="HL134">{{Harvsp|Harf-Lancner|2018|p=134|id=A15ans}}.</ref>.


Cependant, d'autres auteurs médiévaux, surtout des prosateurs, présentent une vision négative d'Alexandre. Dans le ''Große Seelentrost'', écrit en [[bas allemand]] au {{s-|XIV}}, Alexandre est vu comme un personnage cupide et cruel dont la soif de conquête le mène à sa perte, car il a franchi les limites fixées à l'homme. Des [[Théologie catholique|théologiens]] allemands, comme [[Rupert de Deutz]] au {{s-|XIV}}, et des [[Prédication|prédicateurs]], comme [[Bertold de Ratisbonne]] au {{s-|XIII}}, font de lui une incarnation de [[Méphistophélès]], l'[[Orgueil]] en personne{{Sfn|Faure|1985|p=394}}.
Cependant d'autres auteurs médiévaux, surtout des prosateurs, présentent une vision négative d'Alexandre. Dans le ''Große Seelentrost'', écrit en [[bas allemand]] au {{s-|XIV}}, Alexandre est vu comme un personnage cupide et cruel dont la soif de conquête le mène à sa perte, car il a franchi les limites fixées à l'homme. Des [[Théologie catholique|théologiens]] allemands, comme [[Rupert de Deutz]] au {{s-|XIV}}, et des [[prédicateur (religion)|prédicateurs]], comme [[Bertold de Ratisbonne]] au {{s-|XIII}}, font de lui une incarnation de [[Méphistophélès]], l'[[Orgueil]] en personne{{Sfn|Faure|1985|p=394}}. Dans la ''[[Divine Comédie]]'' écrite au début du {{s-|XIV}}, [[Dante Alighieri|Dante]] évoque Alexandre comme étant un tyran, à l'image de [[Denys l'Ancien|Denys de Syracuse]]<ref>[https://fr.wikisource.org/wiki/La_Divine_Com%C3%A9die_(trad._Lamennais)/L%E2%80%99Enfer/Chant_XII ''La Divine Comédie'', l{{'}}''Enfer'', {{nobr romains|chant XII}}].</ref>, tandis qu'il est notablement absent de la liste des païens vertueux<ref>[https://fr.wikisource.org/wiki/La_Divine_Com%C3%A9die_(trad._Lamennais)/L%E2%80%99Enfer/Chant_IV#cite_ref-19 ''La Divine Comédie'', l{{'}}''Enfer'', {{nobr romains|chant IV}}].</ref>.


==== À l'époque moderne ====
==== À l'époque moderne ====
[[Fichier:Charles Le Brun - Entry of Alexander into Babylon.JPG|vignette|alt=Tableau de Charles Lebrun représentant Alexandre faisant son entrée dans Babylone|''Entrée d'Alexandre le Grand dans Babylone'', [[Charles Le Brun]], 1665, [[Château de Versailles]]. Alexandre est peint avec les traits de {{souverain2|Louis XIV de France}}.]]
[[Fichier:Charles Le Brun - Entry of Alexander into Babylon.JPG|vignette|alt=Tableau de Charles Lebrun représentant Alexandre faisant son entrée dans Babylone|''Entrée d'Alexandre le Grand dans Babylone'', [[Charles Le Brun]], 1665, [[Château de Versailles]]. Alexandre est peint avec les traits de {{noble|Louis XIV de France}}.]]


Jusqu'à la fin du {{s-|XVII}}, Alexandre reste dans toute l'Europe le modèle du roi-chevalier{{Sfn|Faure|1985|p=375}}. Il bénéficie par ailleurs d'une forme de sanctification. Ainsi vers le milieu du {{s-|XVI}}, le pape [[Paul III]], lequel a pour nom de baptême Alexandre Farnèse, fait battre des monnaies à l'effigie d'Alexandre se prosternant devant le [[Grand prêtre d'Israël|Grand prêtre de Jérusalem]] et fait décorer la Salle Pauline du [[château Saint-Ange]] d'œuvres d'art, signées de [[Marco Pino]], inspirées de la vie du Conquérant{{Sfn|Faure|1985|p=375}}.
Jusqu'à la fin du {{s-|XVII}}, Alexandre reste dans toute l'Europe le modèle du roi-chevalier{{Sfn|Faure|1985|p=375}}. Il bénéficie par ailleurs d'une forme de sanctification. Ainsi vers le milieu du {{s-|XVI}}, le pape {{noble|Paul III}}, lequel a pour nom de baptême Alexandre Farnèse, fait battre des monnaies à l'effigie d'Alexandre se prosternant devant le [[Grand prêtre d'Israël|Grand prêtre de Jérusalem]] et fait décorer la Salle Pauline du [[château Saint-Ange]] d'œuvres d'art, signées de [[Marco Pino]], inspirées de la vie du Conquérant{{Sfn|Faure|1985|p=375}}.


{{souverain2|Louis XIV de France}} témoigne au début de son règne d'une grande admiration envers Alexandre, auquel le [[Louis II de Bourbon-Condé|Grand Condé]] se réfère également depuis son éclatante victoire à [[Bataille de Rocroi|Rocroi]]<ref name="HL137">{{Harvsp|Grell|2018|p=137|id=A15ans}}.</ref>. Le [[traité des Pyrénées]] de [[1659]], qui assure la paix entre la [[Royaume de France|France]] entre l'[[Monarchie catholique espagnole|Espagne]], est vu par les contemporains comme un acte de bienveillance d'un monarque généreux envers les vaincus, à l'image de celui Alexandre envers les Perses ou les Indiens<ref>Alain Viala, ''Racine, la stratégie du caméléon'', Seghers, 1990, {{p.|105}}.</ref>. [[Jean Racine]] s'inscrit dans cette célébration officielle avec la [[tragédie]] ''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'' jouée par la troupe de [[Molière]] en [[1665 au théâtre|1665]] au [[Théâtre du Palais-Royal (1641–1781)|théâtre du Palais-Royal]]<ref>Alain Viala, ''Racine, la stratégie du caméléon'', Seghers, 1990, {{p.|110}}.</ref>. Louis XIV commande par ailleurs à [[Charles Le Brun]] toute une série de peintures à la gloire du souverain macédonien<ref name="HL138">{{Harvsp|Grell|2018|p=138|id=A15ans}}.</ref>. Mais, à partir des années 1670, Louis XIV commence à se détacher de la figure d'Alexandre, jugé comme étant prompt à la colère, à la débauche et à la superstition<ref name="HL139">{{Harvsp|Grell|2018|p=139|id=A15ans}}.</ref>. Il laisse à Condé la comparaison avec Alexandre. Ainsi [[Jean de La Fontaine|La Fontaine]] écrit en [[1684 en littérature|1684]] une ''Comparaison d'Alexandre, de César et de Monsieur le Prince'', tandis que [[Jacques-Bénigne Bossuet|Bossuet]] rédige en [[1687 en littérature|1687]] l’''[[Oraison funèbre de très haut et très puissant prince Louis de Bourbon|Oraison funèbre du Grand Condé]]'' qui le met en parallèle avec Alexandre<ref name="HL140">{{Harvsp|Grell|2018|p=140|id=A15ans}}.</ref>.
{{noble|Louis XIV de France}} témoigne au début de son règne d'une grande admiration envers Alexandre, auquel le [[Louis II de Bourbon-Condé|Grand Condé]] se réfère également depuis son éclatante victoire à [[Bataille de Rocroi|Rocroi]]<ref name="HL137">{{Harvsp|Grell|2018|p=137|id=A15ans}}.</ref>. Le [[traité des Pyrénées]] de [[1659]], qui assure la paix entre la [[Royaume de France|France]] entre l'[[Monarchie catholique espagnole|Espagne]], est vu par les contemporains comme un acte de bienveillance d'un monarque généreux envers les vaincus, à l'image de celui Alexandre envers les Perses ou les Indiens<ref>Alain Viala, ''Racine, la stratégie du caméléon'', Seghers, 1990, {{p.|105}}.</ref>. [[Jean Racine]] s'inscrit dans cette célébration officielle avec la [[tragédie]] ''[[Alexandre le Grand (Racine)|Alexandre le Grand]]'' jouée par la troupe de [[Molière]] en [[1665 au théâtre|1665]] au [[Théâtre du Palais-Royal (1641–1781)|théâtre du Palais-Royal]]<ref>Alain Viala, ''Racine, la stratégie du caméléon'', Seghers, 1990, {{p.|110}}.</ref>. {{Louis XIV}}, inspiré par sa lecture personnelle de [[Quinte-Curce]]<ref>{{Article |auteur1=Marianne Cojannot-Le Blanc |titre="Il avoit fort dans le cœur son Alexandre… " L'imaginaire du jeune {{Louis XIV}} d'après La Mesnardière et la peinture des Reines de Perse par Le Brun |périodique=Dix-septième siècle |numéro=251 |date=2011-2012 |pages= 371-395 |lire en ligne= https://www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2011-2-page-371.htm}}.</ref>, commande par ailleurs à [[Charles Le Brun]] toute une série de peintures à la gloire du souverain macédonien<ref name="HL138">{{Harvsp|Grell|2018|p=138|id=A15ans}}.</ref>. Mais, à partir des années 1670, {{Louis XIV}} commence à se détacher de la figure d'Alexandre, jugé comme étant prompt à la colère, à la débauche et à la superstition<ref name="HL139">{{Harvsp|Grell|2018|p=139|id=A15ans}}.</ref>. Il laisse à Condé la comparaison avec Alexandre. Ainsi [[Jean de La Fontaine|La Fontaine]] écrit en [[1684 en littérature|1684]] une ''Comparaison d'Alexandre, de César et de Monsieur le Prince'', tandis que [[Jacques-Bénigne Bossuet|Bossuet]] rédige en [[1687 en littérature|1687]] l’''[[Oraison funèbre de très haut et très puissant prince Louis de Bourbon|Oraison funèbre du Grand Condé]]'' qui le met en parallèle avec Alexandre<ref name="HL140">{{Harvsp|Grell|2018|p=140|id=A15ans}}.</ref>.


Dans son ''Histoire du commerce'', remise à [[Jean-Baptiste Colbert|Colbert]] en [[1667]] et publiée en [[1716 en littérature|1716]], l'érudit et philosophe [[Pierre-Daniel Huet]] fait d'Alexandre un bienfaiteur pour l'humanité car il aurait permis une « grande révolution dans les affaires du Commerce », à l'époque le terme « Commerce » désignant aussi bien les échanges économiques et intellectuels que les relations entre les États ou les personnes. L'ouvrage, traduit dans les principales langues européennes, a eu un grand succès au [[siècle des Lumières]]<ref name="laviedesidées"/>. Cette idée de « grande révolution » initiée par Alexandre est reprise ensuite par [[Montesquieu]] et [[Voltaire]]<ref name="laviedesidées"/>.
Dans son ''Histoire du commerce'', remise à [[Jean-Baptiste Colbert|Colbert]] en [[1667]] et publiée en [[1716 en littérature|1716]], l'érudit et philosophe [[Pierre-Daniel Huet]] fait d'Alexandre un bienfaiteur pour l'humanité car il aurait permis une « grande révolution dans les affaires du Commerce », à l'époque le terme « Commerce » désignant aussi bien les échanges économiques et intellectuels que les relations entre les États ou les personnes. L'ouvrage, traduit dans les principales langues européennes, a eu un grand succès au [[siècle des Lumières]]<ref name="laviedesidées"/>. Cette idée de « grande révolution » initiée par Alexandre est reprise ensuite par [[Montesquieu]] et [[Voltaire]]<ref name="laviedesidées"/>.


Sous l'occupation [[Ottomans|ottomane]], dans ce qui a été l'[[empire byzantin]], Alexandre sert de référence pour les érudits et les théologiens. Ainsi au {{s-|XVI}}, deux [[Patriarche d'Alexandrie|patriarches d'Alexandrie]] prédisent l'arrivée d'un libérateur, qui, comme Alexandre, va conquérir plusieurs royaumes avant de monter sur le trône de Byzance. Aux {{s2-|XVII|XVIII}} {{s-|XVII}}, les textes publiés par les Grecs de la [[diaspora]], marchands, érudits ou ecclésiastiques, présentent Alexandre comme celui qui jadis a délivré les Grecs de la tyrannie perse<ref name="GONDICAS1" />, et il se voit comparer à [[Pierre Ier le Grand|Pierre le Grand]] pour avoir mené à l'unification d'un puissant État à la fin du {{s|XVII}}<ref name="GONDICAS1"/>.
Sous l'occupation [[Ottomans|ottomane]], dans ce qui a été l'[[empire byzantin]], Alexandre sert de référence pour les érudits et les théologiens. Ainsi au {{s-|XVI}}, deux [[Patriarche d'Alexandrie|patriarches d'Alexandrie]] prédisent l'arrivée d'un libérateur, qui, comme Alexandre, va conquérir plusieurs royaumes avant de monter sur le trône de Byzance. Aux {{s2-|XVII|XVIII}}, les textes publiés par les Grecs de la [[diaspora]], marchands, érudits ou ecclésiastiques, présentent Alexandre comme celui qui jadis a délivré les Grecs de la tyrannie perse<ref name="GONDICAS1" />, et il se voit comparer à [[Pierre Ier le Grand|Pierre le Grand]] pour avoir mené à l'unification d'un puissant État à la fin du {{s-|XVII}}<ref name="GONDICAS1"/>.


==== Au temps des Lumières ====
==== Au temps des Lumières ====
[[Fichier:Alexander The Greate and Roxane by Rotari 1756.jpg|vignette|alt=Tableau représentant Alexandre et Roxane|''Alexandre le Grand et Roxane'', [[Pietro Rotari|Pietro Antonio Rotari]], 1756, [[musée de l'Ermitage]].]]
[[Fichier:Alexander The Greate and Roxane by Rotari 1756.jpg|vignette|alt=Tableau représentant Alexandre et Roxane|''Alexandre le Grand et Roxane'', [[Pietro Rotari|Pietro Antonio Rotari]], 1756, [[musée de l'Ermitage]].]]


Au [[siècle des lumières]], Alexandre est considéré comme celui qui a mis fin au « despotisme asiatique » et a étendu la civilisation européenne<ref name="Le Monde">[https://www.lemonde.fr/livres/article/2012/10/18/au-miroir-d-alexandre_1777067_3260.html Au miroir d'Alexandre. « Alexandre des Lumières », de Pierre Briant].</ref>. [[Montesquieu]] dans l’''[[De l'esprit des lois|Esprit des lois]]'', abandonnant toute perspective morale car il ne s'agit plus de juger de ses vices et de ses vertus, considère que l'épopée du Conquérant a changé la face du monde en ouvrant le commerce entre l'Europe et l'Asie, reprenant à son compte les théories de [[Pierre-Daniel Huet]] sur la « révolution du commerce »<ref name="laviedesidées"/>. Pour le philosophe, les conquêtes d'Alexandre, bien que condamnables par leur violence, ont permis d'ouvrir une période de prospérité. Dans les ''[[Pensées (Montesquieu)|Pensées]]'', il considère la fondation d'[[Alexandrie]] comme le « plus grand projet qui ait été conçu »<ref>[[Montesquieu]], ''[[Pensées (Montesquieu)|Pensées]]'', {{n°|243}}.</ref>. Alexandre n'est plus seulement un héros combattant, il est aussi le créateur d'un monde pacifié par le commerce, car l'ouverture des routes du commerce amène à l'ouverture des connaissances. Des populations, jusque-là vivant en marge, sont intégrées dans le genre humain grâce à une œuvre civilisatrice<ref name="laviedesidées"/>. [[Voltaire]], bien que souvent critique envers Montesquieu, est encore plus élogieux envers le « seul grand homme qu'on ait jamais vu parmi les conquérants de l'Asie »<ref>[[Voltaire]], ''[[Dictionnaire philosophique]]'', « Alexandre », 1764.</ref> ; car pour le philosophe le « siècle d'Alexandre » est un des quatre sommets de l'histoire du monde. Il insiste sur la destruction de la menace représentée par les [[Perses]], l'expansion de l'[[hellénisme]] par la fondation de cités et de colonies, l'ouverture du commerce par celui qui a « autant de génie que de valeur »<ref name="laviedesidées"/>.
Au [[siècle des Lumières]], Alexandre est considéré comme celui qui a mis fin au « despotisme asiatique » et étendu la civilisation européenne<ref name="Le Monde">[https://www.lemonde.fr/livres/article/2012/10/18/au-miroir-d-alexandre_1777067_3260.html Au miroir d'Alexandre. « Alexandre des Lumières », de Pierre Briant].</ref>. [[Montesquieu]] dans l’''[[De l'esprit des lois|Esprit des lois]]'', abandonnant toute perspective morale car il ne s'agit plus de juger de ses vices et de ses vertus, considère que l'épopée du conquérant a changé la face du monde en ouvrant le commerce entre l'Europe et l'Asie, reprenant à son compte les théories de [[Pierre-Daniel Huet]] sur la « révolution du commerce »<ref name="laviedesidées"/>. Pour le philosophe, les conquêtes d'Alexandre, bien que condamnables par leur violence, ont permis d'ouvrir une période de prospérité. Dans les ''[[Pensées (Montesquieu)|Pensées]]'', il considère la fondation d'[[Alexandrie]] comme le « plus grand projet qui ait été conçu »<ref>[[Montesquieu]], ''[[Pensées (Montesquieu)|Pensées]]'', {{n°|243}}.</ref>. Alexandre n'est plus seulement un héros combattant, il est aussi le créateur d'un monde pacifié par le commerce, car l'ouverture des routes du commerce amène à l'ouverture des connaissances. Des populations, jusque-là vivant en marge, sont intégrées dans le genre humain grâce à une œuvre civilisatrice<ref name="laviedesidées"/>. [[Voltaire]], bien que souvent critique envers Montesquieu, est encore plus élogieux envers le « seul grand homme qu'on ait jamais vu parmi les conquérants de l'Asie »<ref>[[Voltaire]], ''[[Dictionnaire philosophique]]'', « Alexandre », 1764.</ref> ; car pour le philosophe le « siècle d'Alexandre » est un des quatre sommets de l'histoire du monde. Il insiste sur la destruction de la menace représentée par les [[Perses]], l'expansion de l'[[hellénisme]] par la fondation de cités et de colonies, l'ouverture du commerce par celui qui a « autant de génie que de valeur »<ref name="laviedesidées"/>.


Cette vision apologétique se retrouve, au moment de l'expansion de la [[Compagnie britannique des Indes orientales]], chez les philosophes anglais et écossais lecteurs de ''L'Esprit des lois''. Dans ''Recherches historiques sur l'Inde'' ([[1790]]), [[William Robertson]], historiographe royal de l'[[Écosse]] et chef de l’[[Presbytérianisme|église presbytérienne]] d'[[Édimbourg]], estime que les Anglais doivent s'inspirer d'Alexandre, car il associe conquête militaire, échanges commerciaux et diffusion de la civilisation européenne<ref name="15ans158" />. Il défend ici ce qu'il présente comme la civilisation la plus heureuse de l'Antiquité et estime qu'Alexandre n'a pas détruit les peuples conquis, mais en a respecté les mœurs et les coutumes<ref name="laviedesidées"/>. Dans son sillage, John Gillies, son successeur dans la charge d'historiographe royal, fait d'Alexandre l'inspirateur du « plus grand système commercial jamais vu au monde »<ref name="laviedesidées"/>. À la fin du {{s-|XVIII}}, la lecture positive des conquêtes d'Alexandre est renforcée par le déclin de l'[[Empire ottoman|Empire turc]], assimilé à l'[[Achéménides|Empire perse]]. Quant aux [[Grèce ottomane|Grecs]], en pleine [[Renaissance culturelle grecque|Renaissance culturelle]], ils se réclament volontiers du roi de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]]<ref name="Le Monde"/>.
Cette vision apologétique se retrouve, au moment de l'expansion de la [[Compagnie britannique des Indes orientales]], chez les philosophes anglais et écossais lecteurs de ''L'Esprit des lois''. Dans ''Recherches historiques sur l'Inde'' ([[1790]]), [[William Robertson (historien)|William Robertson]], historiographe royal de l'[[Écosse]] et chef de l’[[Presbytérianisme|église presbytérienne]] d'[[Édimbourg]], estime que les Anglais doivent s'inspirer d'Alexandre, car il associe conquête militaire, échanges commerciaux et diffusion de la civilisation européenne<ref name="15ans158" />. Il défend ici ce qu'il présente comme la civilisation la plus heureuse de l'Antiquité et estime qu'Alexandre n'a pas détruit les peuples conquis, mais en a respecté les mœurs et les coutumes<ref name="laviedesidées"/>. Dans son sillage, John Gillies, son successeur dans la charge d'historiographe royal, fait d'Alexandre l'inspirateur du « plus grand système commercial jamais vu au monde »<ref name="laviedesidées"/>. À la fin du {{s-|XVIII}}, la lecture positive des conquêtes d'Alexandre est renforcée par le déclin de l'[[Empire ottoman|Empire turc]], assimilé à l'[[Achéménides|Empire perse]]. Quant aux [[Grèce ottomane|Grecs]], en pleine [[Renaissance culturelle grecque|Renaissance culturelle]], ils se réclament volontiers du roi de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]]<ref name="Le Monde"/>.


Mais dans le même temps, Alexandre est dénoncé par les auteurs hostiles à l'[[impérialisme]] européen, tels [[Charles Rollin]] dans ''Histoire ancienne'', l'[[Gabriel Bonnot de Mably|abbé de Mably]] dans ''Observations sur les Grecs'', [[Guillaume de Sainte-Croix]] dans ''Examen critique des historiens d’Alexandre le Grand'' et surtout [[Denis Diderot]] dans ''[[Histoire des deux Indes]]''<ref name="15ans157">{{Harvsp|Briant|2018|p=157|id=A15ans}}.</ref>.
Mais dans le même temps, Alexandre est dénoncé par les auteurs hostiles à l'[[impérialisme]] européen, tels [[Charles Rollin]] dans ''Histoire ancienne'', l'[[Gabriel Bonnot de Mably|abbé de Mably]] dans ''Observations sur les Grecs'', [[Guillaume de Sainte-Croix]] dans ''Examen critique des historiens d’Alexandre le Grand'' et surtout [[Denis Diderot]] dans ''[[Histoire des deux Indes]]''<ref name="15ans157">{{Harvsp|Briant|2018|p=157|id=A15ans}}.</ref>.
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[[fichier:Alexander_%26_Bucephalus_by_John_Steell.JPG|vignette|alt=Statue en bronze représentant Alexandre et Bucéphale|''Alexandre et Bucéphale'', John Steell, {{s-|XIX}}, [[Édimbourg]].]]
[[fichier:Alexander_%26_Bucephalus_by_John_Steell.JPG|vignette|alt=Statue en bronze représentant Alexandre et Bucéphale|''Alexandre et Bucéphale'', John Steell, {{s-|XIX}}, [[Édimbourg]].]]


{{souverain2|Napoléon Ier}} a témoigné, durant la [[campagne d'Italie (1799-1800)|deuxième campagne d'Italie]] en [[1800]], de son admiration pour Alexandre qui, selon lui, serait supérieur à [[Jules César]] dans l'art de la guerre<ref>{{Chapitre |langue= en |auteur1= |titre chapitre= Alexander and Napoleon |auteurs ouvrage= Agnieszka Fulinska |titre ouvrage= Brill's Companion to the Reception of Alexander the Great |éditeur= Brill |année= 2018 |passage= 561 | lire en ligne= https://books.google.fr/books?id=ZJJyDwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=Brill%27s+Companion+to+the+Reception+of+Alexander+the+Great&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjw_-2o2O_fAhUIHxoKHblVDUwQ6AEILDAA#v=onepage&q=Napoleon&f=false }}.</ref>. Il souligne l'importante stratégique du [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|siège de Tyr]] et le fait qu'Alexandre ait cherché à attirer le gros de l'[[Armée perse sous Darius III|armée perse]] à [[Bataille de Gaugamèles|Gaugamèles]] pour la vaincre complètement. Lors de la [[campagne d'Égypte]], il exhorte ses soldats en rappelant le souvenir d'Alexandre<ref>{{Chapitre |langue= en |auteur1= |titre chapitre= Alexander and Napoleon |auteurs ouvrage= Agnieszka Fulinska |titre ouvrage= Brill's Companion to the Reception of Alexander the Great |éditeur= Brill |année= 2018 |passage= 555 | lire en ligne= https://books.google.fr/books?id=ZJJyDwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=Brill%27s+Companion+to+the+Reception+of+Alexander+the+Great&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjw_-2o2O_fAhUIHxoKHblVDUwQ6AEILDAA#v=onepage&q=Napoleon&f=false }}.</ref>. Pour autant la figure d'Alexandre reste peu présente dans les discours officiels, Napoléon ne cherchant pas à être un « nouvel Alexandre » mais à être honoré pour lui-même<ref>{{Chapitre |langue= en |auteur1= |titre chapitre= Alexander and Napoleon |auteurs ouvrage= Agnieszka Fulinska |titre ouvrage= Brill's Companion to the Reception of Alexander the Great |éditeur= Brill |année= 2018 |passage= 545 | lire en ligne= https://books.google.fr/books?id=ZJJyDwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=Brill%27s+Companion+to+the+Reception+of+Alexander+the+Great&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjw_-2o2O_fAhUIHxoKHblVDUwQ6AEILDAA#v=onepage&q=Napoleon&f=false }}.</ref>. Dans ses ''Mémoires'' écrites en [[1816]] durant son [[Exil de Napoléon Ier à Sainte-Hélène|exil à Sainte-Hélène]], il montre son admiration pour Alexandre dont les conquêtes sont pour lui le fruit d'un calcul politique. Il écrit qu'Alexandre « est grand guerrier, grand politique, grand législateur » ; mais qu'une fois arrivé à l'apogée de son pouvoir la tête lui a tourné ; ce qui lui fait dire qu'il « avait commencé avec l'âme de [[Trajan]] ; il finit avec le cœur de [[Néron]] et les mœurs d'[[Héliogabale]] »<ref>{{Chapitre |langue= en |auteur1= |titre chapitre= Alexander and Napoleon |auteurs ouvrage= Agnieszka Fulinska |titre ouvrage= Brill's Companion to the Reception of Alexander the Great |éditeur= Brill |année= 2018 |passage= 558 | lire en ligne= https://books.google.fr/books?id=ZJJyDwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=Brill%27s+Companion+to+the+Reception+of+Alexander+the+Great&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjw_-2o2O_fAhUIHxoKHblVDUwQ6AEILDAA#v=onepage&q=Napoleon&f=false }}.</ref>.
{{noble|Napoléon Ier}} a témoigné, durant la [[campagne d'Italie (1799-1800)|deuxième campagne d'Italie]] en [[1800]], de son admiration pour Alexandre qui, selon lui, serait supérieur à [[Jules César]] dans l'art de la guerre<ref>{{Chapitre |langue= en |titre chapitre= Alexander and Napoleon |auteurs ouvrage= Agnieszka Fulinska |titre ouvrage= Brill's Companion to the Reception of Alexander the Great |éditeur= Brill |année= 2018 |passage= 561 | lire en ligne= https://books.google.fr/books?id=ZJJyDwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=Brill%27s+Companion+to+the+Reception+of+Alexander+the+Great&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjw_-2o2O_fAhUIHxoKHblVDUwQ6AEILDAA#v=onepage&q=Napoleon&f=false }}.</ref>. Il souligne l'importance stratégique du [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|siège de Tyr]] et le fait qu'Alexandre ait cherché à attirer le gros de l'[[Armée perse sous Darius III|armée perse]] à [[Bataille de Gaugamèles|Gaugamèles]] pour la vaincre complètement. Lors de la [[campagne d'Égypte]], il exhorte ses soldats en rappelant le souvenir d'Alexandre<ref>{{Chapitre |langue= en |titre chapitre= Alexander and Napoleon |auteurs ouvrage= Agnieszka Fulinska |titre ouvrage= Brill's Companion to the Reception of Alexander the Great |éditeur= Brill |année= 2018 |passage= 555 | lire en ligne= https://books.google.fr/books?id=ZJJyDwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=Brill%27s+Companion+to+the+Reception+of+Alexander+the+Great&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjw_-2o2O_fAhUIHxoKHblVDUwQ6AEILDAA#v=onepage&q=Napoleon&f=false }}.</ref>. Pour autant la figure d'Alexandre reste peu présente dans les discours officiels, Napoléon ne cherchant pas à être un « nouvel Alexandre » mais à être honoré pour lui-même<ref>{{Chapitre |langue= en |titre chapitre= Alexander and Napoleon |auteurs ouvrage= Agnieszka Fulinska |titre ouvrage= Brill's Companion to the Reception of Alexander the Great |éditeur= Brill |année= 2018 |passage= 545 | lire en ligne= https://books.google.fr/books?id=ZJJyDwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=Brill%27s+Companion+to+the+Reception+of+Alexander+the+Great&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjw_-2o2O_fAhUIHxoKHblVDUwQ6AEILDAA#v=onepage&q=Napoleon&f=false }}.</ref>. Dans ses ''Mémoires'' écrites en [[1816]] durant son [[Exil de Napoléon Ier à Sainte-Hélène|exil à Sainte-Hélène]], il montre son admiration pour Alexandre dont les conquêtes sont pour lui le fruit d'un calcul politique. Il écrit qu'Alexandre « est grand guerrier, grand politique, grand législateur » ; mais qu'une fois arrivé à l'apogée de son pouvoir la tête lui a tourné ; ce qui lui fait dire qu'il « avait commencé avec l'âme de [[Trajan]] ; il finit avec le cœur de [[Néron]] et les mœurs d'[[Héliogabale]] »<ref>{{Chapitre |langue= en |titre chapitre= Alexander and Napoleon |auteurs ouvrage= Agnieszka Fulinska |titre ouvrage= Brill's Companion to the Reception of Alexander the Great |éditeur= Brill |année= 2018 |passage= 558 | lire en ligne= https://books.google.fr/books?id=ZJJyDwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=Brill%27s+Companion+to+the+Reception+of+Alexander+the+Great&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjw_-2o2O_fAhUIHxoKHblVDUwQ6AEILDAA#v=onepage&q=Napoleon&f=false }}.</ref>.


Au début du {{s-|XIX}}, Alexandre symbolise l'européocentrisme triomphant tout en s'inscrivant dans le courant [[orientalisme|orientaliste]]. Ainsi l'historien allemand [[Barthold Georg Niebuhr]] estime qu'Alexandre a conquis une Asie « immobile » qui est destinée à être réduite en servitude sous l'autorité des Européens<ref name="Le Monde"/>. Dans l'[[Empire allemand]] [[Pangermanisme|pangermaniste]] de la fin du {{s-|XIX|e}}, Alexandre est considéré comme l'unificateur de la cause [[hellénisme|hellénique]] et le champion de la [[race aryenne]] parvenu à unifier [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]] et [[Perses]], des peuples d'origine [[Indo-Européens|indo-européenne]]<ref name="FAURE460">{{Harvsp|Faure|1985|p=460}}</ref>. En France, il faut attendre le règne de {{souverain2|Napoléon III}} pour que la figure d'Alexandre retrouve une certaine notoriété<ref name="HL140"/>. Il devient au temps des [[Empire colonial|conquêtes coloniales]] européennes du {{s-|XIX}} le modèle du conquérant-civilisateur<ref name="15ans157" />. Pour les promoteurs du [[Protectorat français au Maroc]] établi en [[1912]], il fait figure de modèle car il aurait associé les colonisateurs et les peuples indigènes<ref name="15ans162">{{Harvsp|Briant|2018|p=162|id=A15ans}}.</ref>. L'ethnologue [[Marcel Griaule]] affirme qu'Alexandre est le « [[Christophe Colomb|Colomb]] de l'Asie antérieure ». Pour l'historien [[Élias Bikerman]], les conquêtes d'Alexandre ont permis d'helléniser les élites indigènes devenues dès lors les premiers défenseurs des valeurs grecques, opérant une comparaison avec le ralliement de [[Félix Éboué]] au [[Charles de Gaulle|général de Gaulle]] dès le [[Appel du 18 Juin|18 juin 1940]]<ref name="15ans165">{{Harvsp|Briant|2018|p=165|id=A15ans}}.</ref>. Finalement, alors que le processus de [[décolonisation]] commence, l'historien [[René Grousset]] écrit en [[1949]], dans ''Figures de proue. D'Alexandre à Mahomet'', que « […] le pays colonisé, après avoir largement profité de l'effort des colonisateurs, se retrouve lui-même avec son âme inchangée. » Aujourd'hui, pour nombre d'historiens modernes, Alexandre n'est plus le « héros européen civilisateur » par excellence<ref name="A15p88" />. Après la [[Seconde Guerre mondiale]], aux yeux de certains historiens, Alexandre devient le prototype du dictateur, démontrant le poids des idéologies dans les études le concernant<ref name="HATZOp9"/>.
Au début du {{s-|XIX}}, Alexandre symbolise l'européocentrisme triomphant tout en s'inscrivant dans le courant [[orientalisme|orientaliste]]. Ainsi l'historien allemand [[Barthold Georg Niebuhr]] estime qu'Alexandre a conquis une Asie « immobile » qui est destinée à être réduite en servitude sous l'autorité des Européens<ref name="Le Monde"/>. Dans l'[[Empire allemand]] [[Pangermanisme|pangermaniste]] de la fin du {{s-|XIX}}, Alexandre est considéré comme l'unificateur de la cause [[hellénisme|hellénique]] et le champion de la [[race aryenne]] parvenu à unifier [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]] et [[Perses]], des peuples d'origine [[Indo-Européens|indo-européenne]]<ref name="FAURE460">{{Harvsp|Faure|1985|p=460}}.</ref>. En France, il faut attendre le règne de {{noble|Napoléon III}} pour que la figure d'Alexandre retrouve une certaine notoriété<ref name="HL140"/>. Il devient au temps des [[Empire colonial|conquêtes coloniales]] européennes du {{s-|XIX}} le modèle du conquérant-civilisateur<ref name="15ans157" />. Pour les promoteurs du [[Protectorat français au Maroc]] établi en [[1912]], il fait figure de modèle car il aurait associé les colonisateurs et les peuples indigènes<ref name="15ans162">{{Harvsp|Briant|2018|p=162|id=A15ans}}.</ref>. L'ethnologue [[Marcel Griaule]] affirme qu'Alexandre est le « [[Christophe Colomb|Colomb]] de l'Asie antérieure ». Pour l'historien [[Élias Bikerman]], les conquêtes d'Alexandre ont permis d'helléniser les élites indigènes devenues dès lors les premiers défenseurs des valeurs grecques, opérant une comparaison avec le ralliement de [[Félix Éboué]] au [[Charles de Gaulle|général de Gaulle]] dès le [[Appel du 18 Juin|18 juin 1940]]<ref name="15ans165">{{Harvsp|Briant|2018|p=165|id=A15ans}}.</ref>. Finalement, alors que le processus de [[décolonisation]] commence, l'historien [[René Grousset]] écrit en [[1949]], dans ''Figures de proue. D'Alexandre à Mahomet'', que « […] le pays colonisé, après avoir largement profité de l'effort des colonisateurs, se retrouve lui-même avec son âme inchangée. » Aujourd'hui, pour nombre d'historiens modernes, Alexandre n'est plus le « héros européen civilisateur » par excellence<ref name="A15p88" />. Après la [[Seconde Guerre mondiale]], aux yeux de certains historiens, Alexandre devient le prototype du dictateur, démontrant le poids des idéologies dans les études le concernant<ref name="HATZOp9"/>.


De nos jours, Alexandre figure en bonne place parmi les personnalités les plus influentes de l'histoire. Il est classé {{33e}} dans ''The 100 : A Ranking of the Most Influential Persons in History'' (Michael H. Hart, 1982)<ref>[http://www.sciences-et-religion.com/article-classement-des-100-plus-influentes-personnalites-de-l-histoire-112559057.html « Le classement des 100 plus influentes personnalités de l'histoire », ''sciences et religion.com''].</ref> et {{9e}} parmi 30 figures historiques dans le classement émis par [[The Guardian]] (2014)<ref>{{en}} [https://www.theguardian.com/books/2014/jan/30/whos-most-significant-historical-figure « Who's most significant historical figure? », The Guardian, 2014].</ref>.
De nos jours, Alexandre figure en bonne place parmi les personnalités les plus influentes de l'histoire. Il est classé {{33e}} dans ''The 100 : A Ranking of the Most Influential Persons in History'' (Michael H. Hart, 1982)<ref>[http://www.sciences-et-religion.com/article-classement-des-100-plus-influentes-personnalites-de-l-histoire-112559057.html « Le classement des 100 plus influentes personnalités de l'histoire », ''sciences et religion.com''].</ref> et {{9e}} parmi 30 figures historiques dans le classement émis par [[The Guardian]] (2014)<ref>{{en}} [https://www.theguardian.com/books/2014/jan/30/whos-most-significant-historical-figure « Who's the most significant historical figure? », The Guardian, 2014].</ref>.


==== Alexandre vu par les nazis ====
==== Alexandre vu par les nazis ====
{{Article détaillé |Alexandre le Grand et la période hellénistique selon les historiens du Troisième Reich}}
{{Article détaillé |Alexandre le Grand et l'époque hellénistique selon les historiens du Troisième Reich}}


Durant l'[[entre-deux-guerres]] se construit en [[Allemagne]] une représentation d'Alexandre en tant que héros de la [[race aryenne]] parvenu à unifier [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]] et [[Perses]], deux peuples d'origine [[Indo-Européens|indo-européenne]]<ref name="FAURE460"/>. C'est la position de l'historien [[Helmut Berve]] qui publie en 1926 ''Das Alexanderreich auf prosopographischer Grundlage''. D'autres historiens proches du [[nazisme]], dont [[Fritz Schachermeyr]], conçoivent Alexandre et la [[Époque hellénistique|période hellénistique]] comme un moment de [[dénordification]], un concept créé pour expliquer la chute des civilisations réputées les plus brillantes<ref name="chap519">{{Harvsp|Chapoutot|2008|p=519}}.</ref>. Ainsi, le personnage d'Alexandre est ambigu aux yeux du national-socialisme : d'une part, la célébration du conquérant nordique, de l'autre l'aspirant à la monarchie universelle, ayant encouragé la mixité raciale<ref name="chap519" />. Perçu comme un [[Peuple indogermanique nordique|Indogermain]], il aurait subordonné l'ensemble de sa politique à l'édification d'un empire universel, faisant du « sang » [[Race aryenne|aryen]], [[grèce antique|grec]] et [[Royaume de Macédoine|macédonien]], un matériau d'égale valeur que le « sang » [[Perses|perse]], alors que son père {{souverain2|Philippe II de Macédoine}} aurait su lui préserver la race aryenne au sein du royaume de Macédoine<ref>{{Harvsp|Chapoutot|2008|p=520}}.</ref>.
Durant l'[[entre-deux-guerres]] se construit en [[Allemagne]] une représentation d'Alexandre en tant que héros de la [[race aryenne]] parvenu à unifier [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]] et [[Perses]], deux peuples d'origine [[Indo-Européens|indo-européenne]]<ref name="FAURE460"/>. C'est la position de l'historien [[Helmut Berve]] qui publie en 1926 ''Das Alexanderreich auf prosopographischer Grundlage''. D'autres historiens proches du [[nazisme]], dont [[Fritz Schachermeyr]], conçoivent Alexandre et la [[Époque hellénistique|période hellénistique]] comme un moment de [[dénordification]], un concept créé pour expliquer la chute des civilisations réputées les plus brillantes<ref name="chap519">{{Harvsp|Chapoutot|2008|p=519}}.</ref>. Ainsi, le personnage d'Alexandre est ambigu aux yeux du national-socialisme : d'une part, la célébration du conquérant nordique, de l'autre l'aspirant à la monarchie universelle, ayant encouragé la mixité raciale<ref name="chap519" />. Perçu comme un [[Peuple indogermanique nordique|Indogermain]], il aurait subordonné l'ensemble de sa politique à l'édification d'un empire universel, faisant du « sang » [[Race aryenne|aryen]], [[grèce antique|grec]] et [[Royaume de Macédoine|macédonien]], un matériau d'égale valeur que le « sang » [[Perses|perse]], alors que son père {{noble|Philippe II de Macédoine|-}} aurait su lui préserver la race aryenne au sein du royaume de Macédoine<ref>{{Harvsp|Chapoutot|2008|p=520}}.</ref>.


[[Alfred Rosenberg]] propose une approche plus nuancée, même si elle reste globalement négative. À ses yeux, Alexandre aurait souhaité, non la fusion des peuples, mais celle des élites perses et grecques, parentes d'un point de vue racial<ref>{{Harvsp|Chapoutot|2008|p=522}}.</ref>. Le principal reproche qu'il fait à l'égard d'Alexandre est l'absence de pérennité de son œuvre, car les monarques [[Époque hellénistique|hellénistiques]] n'ont pas été en mesure de préserver la domination perso-macédonienne, ainsi que l'hégémonie raciale permise par cette alliance<ref>{{Harvsp|Chapoutot|2008|p=523}}.</ref>. Pour d'autres savants nazis, la période inaugurée par Alexandre serait une période d'« abâtardissement racial » : les [[Diadoque]]s et leurs héritiers, les épigones, règnent en réalité non sur un monde nordique, mais sur un monde sur lequel a été déposée une fine couche nordique, cette fine couche nordique masquant l'infiltration, dans les rangs macédoniens, d'éléments [[Sémites|sémitiques]] issus du monde méditerranéen. Si les Grecs ont été en mesure d'accomplir de grandes choses, dans le domaine des arts notamment, c'est surtout parce que le processus de subversion raciale par les populations sémitiques et arméniennes n'est pas encore arrivé à son terme selon eux<ref>{{Harvsp|Chapoutot|2008|p=524}}.</ref>.
[[Alfred Rosenberg]] propose une approche plus nuancée. À ses yeux, Alexandre aurait souhaité, non la fusion des peuples, mais celle des élites perses et grecques, parentes d'un point de vue racial<ref>{{Harvsp|Chapoutot|2008|p=522}}.</ref>. Le principal reproche qu'il fait à l'égard d'Alexandre est l'absence de pérennité de son œuvre, car les monarques [[Époque hellénistique|hellénistiques]] n'ont pas été en mesure de préserver la domination perso-macédonienne, ainsi que l'hégémonie raciale permise par cette alliance<ref>{{Harvsp|Chapoutot|2008|p=523}}.</ref>. Pour d'autres nazis, la période inaugurée par Alexandre serait une période d'« abâtardissement racial » : les [[Diadoque]]s et leurs héritiers, les [[Épigones (rois)|Épigones]], règnent en réalité non sur un monde nordique, mais sur un monde sur lequel a été déposée une fine couche nordique, cette fine couche nordique masquant l'« infiltration », dans les rangs macédoniens, d'éléments [[Sémites|sémitiques]] issus du monde méditerranéen. Si les Grecs ont été en mesure d'accomplir de grandes choses, dans le domaine des arts notamment, c'est surtout parce que le processus de subversion raciale par les populations sémitiques et arméniennes n'est pas encore arrivé à son terme selon eux<ref>{{Harvsp|Chapoutot|2008|p=524}}.</ref>.


==== En Grèce contemporaine ====
==== En Grèce contemporaine ====
{{article détaillé|Alexandre le Grand dans la culture néo-hellénique}}
{{article détaillé|Alexandre le Grand dans la culture néo-hellénique}}
[[File:Theophilos Chatzimichail - Alexander the Great, about 1900 - Athens, National Historical Museum.jpg|vignette|alt= Fresque moderne représentant Alexandre|Fresque représentant Alexandre, Theophilos Hatzimichail, 1900, musée national historique d'[[Athènes]].]]
[[Fichier:Theophilos Chatzimichail - Alexander the Great, about 1900 - Athens, National Historical Museum.jpg|vignette|alt= Fresque moderne représentant Alexandre|Fresque représentant Alexandre, Theophilos Hatzimichail, 1900, musée national historique d'[[Athènes]].]]


Durant l'[[Grèce ottomane|occupation ottomane]], les Grecs lisent et étudient toujours le ''[[Roman d'Alexandre]]'', et plus encore à l'époque de la [[Guerre d'indépendance grecque|Guerre d'indépendance]] ([[1821]]-[[1829]])<ref name="GONDICAS1"/>. L'épopée d'Alexandre est l'exemple à suivre pour se libérer de l'hégémonie turque, les [[Ottomans|Turcs]] étant associés aux [[Achéménides|Perses]]. Le ''Roman'' connait une adaptation populaire écrite en langue simple. Du simple soldat au chef de guerre, les Grecs témoignent de leur admiration pour les exploits, réels ou mythiques, du Conquérant. Ainsi [[Constantin Kanaris]], un des chefs de la Révolution grecque, lit régulièrement le ''Roman''<ref name="GONDICAS1"/>. Après l'indépendance et jusqu'au milieu du {{s-|XX}}, des savants font du ''Roman'' un symbole de la culture grecque. En 1961, Constantin Dimaras, professeur à la [[Université Paris-Sorbonne|Sorbonne]], écrit que tout jeune Grec doit avoir lu le ''Roman'' avant d'étudier les grandes œuvres de la littérature grecque et étrangère<ref name="GONDICAS1"/>. Les liens entre Alexandre et [[Aristote]], par la transmission de maître à disciple puis par l'échange épistolaire, sert de référence pour l'éducation (ou [[paideia]]). Mais le récit montre aussi que le disciple peut dépasser le maître. Le ''Roman'' reste en Grèce une lecture populaire jusqu'au {{s-|XX}} et inspire encore de nos jours la littérature et l'iconographie populaire<ref name="GONDICAS1"/>.
Durant l'[[Grèce ottomane|occupation ottomane]], les Grecs lisent et étudient toujours le ''[[Roman d'Alexandre]]'', et plus encore au moment de la [[Guerre d'indépendance grecque|guerre d'indépendance]] (1821-1829)<ref name="GONDICAS1"/>. L'épopée d'Alexandre serait l'exemple à suivre pour se libérer de l'hégémonie turque, les [[Ottomans|Turcs]] étant associés aux [[Achéménides|Perses]]. Le ''Roman'' connaît une adaptation populaire écrite en langue simple. Du simple soldat au chef de guerre, les Grecs témoignent de leur admiration pour les exploits, réels ou mythiques, du conquérant. Ainsi [[Konstantínos Kanáris|Constantin Kanaris]], un des chefs de la révolution grecque, lit régulièrement le ''Roman''<ref name="GONDICAS1"/>. Après l'indépendance et jusqu'au milieu du {{s-|XX}}, des savants font du ''Roman'' un symbole de la culture grecque. En 1961, [[Constantin Dimaras]], professeur à la [[Université Paris-Sorbonne|Sorbonne]], écrit que tout jeune Grec doit avoir lu le ''Roman'' avant d'étudier les grandes œuvres de la littérature grecque et étrangère<ref name="GONDICAS1"/>. Les liens entre Alexandre et [[Aristote]], par la transmission de maître à disciple puis par l'échange épistolaire, servent de référence pour l'éducation, même si le récit montre que le disciple peut dépasser le maître. Le ''Roman'' reste en Grèce une lecture populaire jusqu'au {{s-|XXI}} et inspire encore de nos jours la littérature et l'iconographie populaire<ref name="GONDICAS1"/>.


Alexandre reste un sujet d'étude privilégié par les historiens grecs contemporains. Les fouilles archéologiques entreprises à [[Aigai]], [[Pella]] et [[Amphipolis]] ont renouvelé l'intérêt pour l'histoire de la [[Royaume de Macédoine|Macédoine antique]]<ref>[https://whc.unesco.org/fr/list/780 Le site d'Aigai sur Unesco.org].</ref>. En outre les sources littéraires, la ''[[Bibliothèque historique]]'' de [[Diodore de Sicile]], l{{'}}''[[Anabase (Arrien)|Anabase]]'' d'[[Arrien]] et ''La Vie d'Alexandre'', de [[Plutarque]], ont bénéficié de rééditions en [[grec moderne]].
Alexandre reste un sujet d'étude privilégié par les historiens grecs contemporains. Les fouilles archéologiques entreprises à [[Aigai]], [[Pella (cité antique)|Pella]] et [[Amphipolis]] ont renouvelé l'intérêt pour l'histoire de la [[Royaume de Macédoine|Macédoine antique]]<ref>[https://whc.unesco.org/fr/list/780 Le site d'Aigai sur Unesco.org].</ref>. En outre les sources littéraires, dont la ''[[Bibliothèque historique]]'' de [[Diodore de Sicile]], l{{'}}''[[Anabase (Arrien)|Anabase]]'' d'[[Arrien]] et la ''Vie d'Alexandre'' de [[Plutarque]], ont bénéficié de rééditions en [[grec moderne]].


Depuis les années 1990, la figure d'Alexandre est un enjeu du conflit entre la [[Grèce]] et la [[République de Macédoine du Nord]] (anciennement Macédoine)<ref>{{Ouvrage|langue=en|nom1=Poulton|prénom1=Hugh|titre=Who are the Macedonians ?|éditeur=C. Hurst & Co. Publishers Ltd|année=2000|passage=120}} ; voir à ce sujet Nikos Kalampalikis, ''Les Grecs et le mythe d’Alexandre''. Étude psychosociale d'un conflit symbolique à propos de la Macédoine, L’Harmattan, 2007.</ref>. Pour les Grecs, le terme de « Macédoine » leur appartient, puisque les [[Royaume de Macédoine|Macédoniens antiques]] sont des Grecs et que les [[Slaves]] ne sont arrivés dans la région qu'au {{s-|VII}}. En 2008, le conflit est ravivé par l'érection à [[Skopje]] d'une statue équestre d'Alexandre reproduisant une sculpture de [[Lysippe]]. Dans le contexte des négociations qui ont prévalu au [[Débat autour du nom de la Macédoine|changement de nom de la Macédoine]] en 2018, le chef du gouvernement nord-macédonien, [[Zoran Zaev]], a annoncé le changement de nom des lieux portant le nom d'Alexandre, tels que l'[[Aéroport international de Skopje|aéroport Alexandre-le-Grand]] à Skopje<ref>{{en}} [https://www.reuters.com/article/us-greece-macedonia-name-airport/macedonia-to-rename-airport-to-help-resolve-name-row-with-greece-pm-says-idUSKBN1FD2TS « Macedonia to rename airport to end decades' long feud with Greece », Reuters].</ref>.
Depuis les années 1990, la figure d'Alexandre est un enjeu du conflit entre la [[Grèce]] et la [[Macédoine du Nord]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|nom1=Poulton|prénom1=Hugh|titre=Who are the Macedonians?|éditeur=C. Hurst & Co. Publishers Ltd|année=2000|passage=120}} ; voir à ce sujet Nikos Kalampalikis, ''Les Grecs et le mythe d’Alexandre''. Étude psychosociale d'un conflit symbolique à propos de la Macédoine, L’Harmattan, 2007.</ref>. Pour les Grecs, le terme de « Macédoine » leur appartient, puisque les [[Royaume de Macédoine|Macédoniens antiques]] sont des Grecs et que les [[Slaves]] ne sont arrivés dans la région qu'au {{s-|VII}}. En 2008, le conflit est ravivé par l'érection à [[Skopje]] d'une statue équestre d'Alexandre reproduisant une sculpture de [[Lysippe]]. Dans le contexte des négociations qui ont prévalu au [[Débat autour du nom de la Macédoine|changement de nom de la Macédoine]] en 2018, le chef du gouvernement de la république de Macédoine, [[Zoran Zaev]], a annoncé le changement de nom des lieux portant le nom d'Alexandre, tels que l'[[Aéroport international de Skopje|aéroport Alexandre-le-Grand]] à Skopje<ref>{{en}} [https://www.reuters.com/article/us-greece-macedonia-name-airport/macedonia-to-rename-airport-to-help-resolve-name-row-with-greece-pm-says-idUSKBN1FD2TS « Macedonia to rename airport to end decades' long feud with Greece », Reuters].</ref>.

=== Alexandre à travers les religions ===


=== À travers les religions ===
==== Dans le judéo-christianisme ====
==== Dans le judéo-christianisme ====
[[Fichier:Alexander the Great in the Temple of Jerusalem.jpg|vignette|alt=Tableau représentant Alexandre dans le Temple de Jérusalem|''Alexandre le Grand dans le Temple de Jérusalem'', [[Sebastiano Conca]], vers 1736.]]
[[Fichier:Alexander the Great in the Temple of Jerusalem.jpg|vignette|alt=Tableau représentant Alexandre dans le Temple de Jérusalem|''Alexandre le Grand dans le Temple de Jérusalem'', [[Sebastiano Conca]], vers 1736.]]


Alexandre bénéfice dans le [[judaïsme]] d'une réputation favorable, une légende provenant du ''[[Roman d'Alexandre]]'' au {{s-|XII}} dit qu'il se serait même converti au judaïsme<ref>{{Harvsp|Fabre|2009|p=1}}.</ref>. En effet au {{-s-|I}} s'est construit parmi les [[Juifs]] hellénisés une vision apologétique d'Alexandre qui serait allé honorer le [[Grand prêtre d'Israël|Grand prêtre de Jérusalem]]{{Sfn|Faure|1985|p=370}}. Cependant d'après les source antiques, dont [[Arrien]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{II}}, 25, 4.</ref>, Alexandre a traversé après la [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|prise de Tyr]] en [[332 av. J.-C.]] la « [[Syrie (région)|Syrie]] [[Palestine|palestinienne]] » pour atteindre [[Gaza]], sans avoir séjourné à [[Jérusalem]]{{Sfn|Faure|1985|p=370}} ; de même qu'à son retour d'[[Égypte antique|Égypte]] en [[331 av. J.-C.|331]] il emprunte la route de [[Péluse]] à Tyr sans que ne soit mentionné Jérusalem.
Alexandre bénéficie dans le [[judaïsme]] d'une réputation favorable, une légende provenant du ''[[Roman d'Alexandre]]'' au {{s-|XII}} dit qu'il se serait même converti au judaïsme<ref>{{Harvsp|Fabre|2009|p=1}}.</ref>. En effet au {{-s-|I}} s'est construit parmi les [[Juifs]] hellénisés une vision apologétique d'Alexandre qui serait allé honorer le [[Grand prêtre d'Israël|Grand prêtre de Jérusalem]]{{Sfn|Faure|1985|p=370}}. Cependant d'après les sources antiques, dont [[Arrien]]<ref group=A>Arrien, ''Anabase'', {{II}}, 25, 4.</ref>, Alexandre a traversé après la [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|prise de Tyr]] en {{date|-332}} la « [[Syrie palestinienne]] » pour atteindre [[Gaza]], sans avoir séjourné à [[Jérusalem]]{{Sfn|Faure|1985|p=370}} ; de même qu'à son retour d'[[Égypte antique|Égypte]] en [[331 av. J.-C.|331]] il emprunte la route de [[Péluse]] à Tyr sans que ne soit mentionné Jérusalem.


Dans le ''[[Livre de Daniel]]''<ref group=A>''Livre de Daniel'', VIII, 5–8 ; 21–22.</ref>, ouvrage le plus récent de l’''[[Ancien Testament]]'' composé au {{-s-|II}} qui annonce des prophéties, Alexandre est évoqué au titre du roi [[Grèce antique|grec]] qui soumettra les [[Perses]] et les [[Mèdes]] et mourra à l'apogée de sa puissance. Il y est associé péjorativement à un bouc et à une bête aux dents de fer{{Sfn|Faure|1985|p=370}}. Dans le ''[[Premier livre des Maccabées]]'', rédigé vers 130 av. J.-C, Alexandre est mentionné dans l'introduction du livre comme celui qui a étendu l'influence grecque dans la [[Terre d'Israël]]<ref group=A>''1 Maccabées'', {{I}}, 1-7.</ref>. Alexandre y est vu de manière hostile du fait de ses conquêtes et de son orgueil{{Sfn|Faure|1985|p=371}}. Le livre condamne encore plus violemment le roi [[Séleucides|séleucide]] [[Antiochos IV]] coupable d'avoir profané le Temple{{Sfn|Faure|1985|p=371}}. La vision des Juifs envers les souverains grecs changent sous le règne d'[[Alexandre Ier Balas|Alexandre Balas]] qui s'assure le soutien de [[Jonathan (hasmonéen)|Jonathan]] en le désignant Grand prêtre de Jérusalem en [[152 av. J.-C.]] puis gouverneur de [[Judée]]{{Sfn|Faure|1985|p=371}}. Les Juifs sont aussi reconnaissants envers Alexandre d'avoir permis leur installation à [[Histoire d'Alexandrie à l'époque hellénistique|Alexandrie]] où est traduite en [[Grec ancien|grec]] la [[Tanakh|Bible hébraïque]] vers 270-250 av. J.-C.{{Sfn|Faure|1985|p=371}}. [[Flavius Josèphe]] écrit au début du {{-s-|I}} que le ''Livre de Daniel'' a été montré à Alexandre lors de son entrée à Jérusalem<ref group=A>Flavius Josèphe, ''Antiquités judaïques'', {{XI}}, 337.</ref>. Surtout, il écrit qu'Alexandre s'est prosterné devant le [[Grand prêtre d'Israël|Grand prêtre de Jérusalem]], qu'il a accompli un sacrifice dans le [[Temple de Jérusalem|Temple]] et confirmé aux Juifs leurs privilèges, bien qu'il n'adhère pas à la religion du Dieu unique<ref group=A>Flavius Josèphe, ''Antiquités judaïques'', {{XI}}, 325-340.</ref>{{,}}{{Sfn|Faure|1985|p=372}}. Une variante du ''[[Roman d'Alexandre]]'', rédigée à Alexandrie probablement par un Juif hellénisé influencé par la [[gnose]] et le [[christianisme]]{{Sfn|Faure|1985|p=372}}, reprend l'épisode de la rencontre avec le Grand prêtre à la fin du deuxième livre en ajoutant qu'Alexandre a reconnu [[Yahweh]] comme le Dieu unique sous le nom de ''Sabaoth'' et qu'il a abandonné les cultes païens. Il disposerait d'une « armée hors de la nature humaine » au service du Bien{{Sfn|Faure|1985|p=373}}. Ces épisodes légendaires sont ensuite repris par toutes les versions du ''Roman d'Alexandre'' qu'elles soient hébraïques, latines ou byzantines{{Sfn|Faure|1985|p=372}}. Un récit du {{s-|V}} d'origine [[talmud|talmudique]], ''Le voyage au Paradis'', reprend cette tradition qui fait d'Alexandre un défenseur du judaïsme{{Sfn|Faure|1985|p=374}}. En effet selon le Talmud, Alexandre voit en rêve chaque veille de bataille le visage du Grand prêtre et sait dès lors comment la gagner. Alexandre est aussi présent dans la [[Haggada|Haggadah]] qui désigne la partie non juridique des textes rabbiniques classiques<ref>{{Harvsp|Faure|2009|p=4}}.</ref>. La version en [[syriaque]] du ''[[Roman d'Alexandre]]'', composée par [[Jacques de Saroug]] au début du {{s-|VI}}, décrit Alexandre comme l'idéal du conquérant chrétien qui prie « le seul vrai Dieu ».
Dans le ''[[Livre de Daniel]]''<ref group=A>''Livre de Daniel'', {{VIII}}, 5–8 ; 21–22.</ref>, ouvrage le plus récent de l’''[[Ancien Testament]]'' composé au {{-s-|II}} qui annonce des prophéties, Alexandre est évoqué au titre du roi [[Grèce antique|grec]] qui soumettra les [[Perses]] et les [[Mèdes]] et mourra à l'apogée de sa puissance. Il y est associé péjorativement à un bouc et à une bête aux dents de fer{{Sfn|Faure|1985|p=370}}. Dans le ''[[Premier livre des Maccabées]]'', rédigé vers 130 av. J.-C, Alexandre est mentionné dans l'introduction du livre comme celui qui a étendu l'influence grecque dans la [[Terre d'Israël]]<ref group=A>''1 Maccabées'', {{I}}, 1-7.</ref>. Alexandre y est vu de manière hostile du fait de ses conquêtes et de son orgueil{{Sfn|Faure|1985|p=371}}. Le livre condamne encore plus violemment le roi [[Séleucides|séleucide]] {{noble|Antiochos IV}} coupable d'avoir profané le Temple{{Sfn|Faure|1985|p=371}}. La vision des Juifs envers les souverains grecs changent sous le règne d'[[Alexandre Ier Balas|Alexandre Balas]] qui s'assure le soutien de [[Jonathan (hasmonéen)|Jonathan]] en le désignant Grand prêtre de Jérusalem en {{date|-152}} puis gouverneur de [[Judée]]{{Sfn|Faure|1985|p=371}}. Les Juifs sont aussi reconnaissants envers Alexandre d'avoir permis leur installation à [[Histoire d'Alexandrie à l'époque hellénistique|Alexandrie]] où est traduite en [[Grec ancien|grec]] la [[Tanakh|Bible hébraïque]] vers 270-{{date|-250}}{{Sfn|Faure|1985|p=371}}. [[Flavius Josèphe]] écrit au début du {{-s-|I}} que le ''Livre de Daniel'' a été montré à Alexandre lors de son entrée à Jérusalem<ref group=A>Flavius Josèphe, ''Antiquités judaïques'', {{XI}}, 337.</ref>. Surtout, il écrit qu'Alexandre s'est prosterné devant le [[Grand prêtre d'Israël|Grand prêtre de Jérusalem]] [[Jaddus]], qu'il a accompli un sacrifice dans le [[Temple de Jérusalem|Temple]] et confirmé aux Juifs leurs privilèges, bien qu'il n'adhère pas à la religion du Dieu unique<ref group=A>Flavius Josèphe, ''Antiquités judaïques'', {{XI}}, 325-340.</ref>{{,}}{{Sfn|Faure|1985|p=372}}. Une variante du ''[[Roman d'Alexandre]]'', rédigée à Alexandrie probablement par un Juif hellénisé influencé par la [[gnose]] et le [[christianisme]]{{Sfn|Faure|1985|p=372}}, reprend l'épisode de la rencontre avec le Grand prêtre à la fin du deuxième livre en ajoutant qu'Alexandre a reconnu [[Yahweh]] comme le Dieu unique sous le nom de ''Sabaoth'' et qu'il a abandonné les cultes païens. Il disposerait d'une « armée hors de la nature humaine » au service du Bien{{Sfn|Faure|1985|p=373}}. Ces épisodes légendaires sont ensuite repris par toutes les versions du ''Roman d'Alexandre'' qu'elles soient hébraïques, latines ou byzantines{{Sfn|Faure|1985|p=372}}. Un récit du {{s-|V}} d'origine [[talmud]]ique, ''Le voyage au Paradis'', reprend cette tradition qui fait d'Alexandre un défenseur du judaïsme{{Sfn|Faure|1985|p=374}}. En effet selon le Talmud, Alexandre voit en rêve chaque veille de bataille le visage du Grand prêtre et sait dès lors comment la gagner. Alexandre est aussi présent dans la [[Haggada]]h qui désigne la partie non juridique des textes rabbiniques classiques<ref>{{Harvsp|Faure|1985|p=4}}.</ref>. La version en [[syriaque]] du ''[[Roman d'Alexandre]]'', composée par [[Jacques de Saroug]] au début du {{s-|VI}}, décrit Alexandre comme l'idéal du conquérant chrétien qui prie « le seul vrai Dieu ».


Cette tradition favorable chez les Juifs hellénisés d'Alexandrie est reprise par les clercs médiévaux à partir du {{s-|X|}}, dont [[Léon de Naples]] qui traduit en [[latin]] le ''[[Roman d'Alexandre]]'' sous le titre de ''Historia de preliis Alexandri Magni'' (ou ''Histoire des batailles d'Alexandre''){{Sfn|Faure|1985|p=373}}. Cette version, plusieurs fois augmentée, sert de base au ''Roman d'Alexandre'' proprement parlé composé par [[Alexandre de Bernay]] entre [[1180]] et [[1190]], qui fait d'Alexandre, quoique païen, un héros à l'époque médiévale<ref name="MOSSE292">Claude Mossé, « La figure mythique d’Alexandre dans la France médiévale ({{sp-|XII| - |XV|s}}) », ''Alexandre le Grand, religion et tradition'', Mètis, 2003, {{p.|292}}.</ref>.
Cette tradition favorable chez les Juifs hellénisés d'Alexandrie est reprise par les clercs médiévaux à partir du {{s-|X}}, dont [[Léon de Naples]] qui traduit en [[latin]] le ''[[Roman d'Alexandre]]'' sous le titre de ''Historia de proeliis Alexandri Magni'' (ou ''Histoire des batailles d'Alexandre''){{Sfn|Faure|1985|p=373}}. Cette version, plusieurs fois augmentée, sert de base au ''Roman d'Alexandre'' à proprement parler, composé par [[Alexandre de Bernay]] entre [[1180]] et [[1190]], qui fait d'Alexandre, quoique païen, un héros à l'époque médiévale{{Sfn|Claude Mossé|2003|p=292}}.


==== Dans le zoroastrisme ====
==== Dans le zoroastrisme ====
Une tradition chez les [[Zoroastrisme|zoroastriens]] évoque une « persécution religieuse » dirigée par Alexandre qui aurait fait tuer des [[mage]]s et ordonner la destruction du livre sacré du zoroastrisme, l’''[[Avesta]]''<ref>{{en}} [http://www.livius.org/sources/content/oriental-varia/religious-persecution-under-alexander-the-great/? Religious Persecution under Alexander the Great, livius.org].</ref>. Mais cette affirmation semble s'inscrire dans une « légende noire », sachant qu'elle ne figure pas dans les sources directes. Alexandre est ainsi mentionné dans l'ouvrage zoroastrien, ''Le Vrai livre de la Loi'' (ou ''Arda Viraf Nâmak''), écrit en [[Pehlevi]] (ou moyen-perse) à partir de l'époque [[Sassanides|sassanide]] ({{s-|VI}}). Il y est décrit comme « le génie du mal, le damné, le maudit Iskander » en raison de sa conquête de l'[[Achéménides|empire achéménide]] et de l'incendie des palais de [[Persépolis]] qui abritent alors les textes sacrés du zoroastrisme{{Sfn|Faure|1985|p=385-386}}. En [[1470]], l'historien perse [[Mirkhond]] dans le ''Jardin de la pureté'' (ou ''Rauzât-us-safâ'') lui reproche d'avoir brûlé le livre de [[Zoroastre]] et mis à mort les mages{{Sfn|Faure|1985|p=386}}.


Avec l'introduction de l'[[islam]] en [[Iran]] en [[652]], la perception d'Alexandre change car les premiers [[musulman]]s, dans la continuité du [[Judaïsme|judéo]]-[[christianisme]], éprouvent de la sympathie pour lui{{Sfn|Faure|1985|p=386}}.
Une tradition chez les [[Zoroastrisme|zoroastriens]] évoquent une « persécution religieuse » dirigée par Alexandre qui aurait fait tuer des [[mage]]s et ordonner la destruction du livre sacré du zoroastrisme, l’''[[Avesta]]''<ref>{{en}} [http://www.livius.org/sources/content/oriental-varia/religious-persecution-under-alexander-the-great/? Religious Persecution under Alexander the Great, livius.org]</ref>. Mais cette affirmation semble s'inscrire dans une « légende noire », sachant qu'elle ne figure pas dans les sources directes. Alexandre est ainsi mentionné dans l'ouvrage zoroastrien, ''Le Vrai livre de la Loi'' (ou ''Arda Viraf Nâmak''), écrit en [[Pehlevi]] (ou moyen-perse) à partir de l'époque [[Sassanides|sassanide]] ({{s-|VI}}). Il y est décrit comme « le génie du mal, le damné, le maudit Iskander » en raison de sa conquête de l'[[Achéménides|empire achéménide]] et de l'incendie des palais de [[Persépolis]] qui abritent alors les textes sacrés du zoroastrisme{{Sfn|Faure|1985|p=385-386}}. En [[1470]], l'historien perse [[Mirkhond]] dans le ''Jardin de la pureté'' (ou ''Rauzât-us-safâ'') lui reproche d'avoir brûlé le livre de [[Zoroastre]] et mis à mort les mages{{Sfn|Faure|1985|p=386}}.

Avec l'introduction de l'[[islam]] en [[Iran]] en [[652]], la perception d'Alexandre change car les premiers [[Musulman|musulmans]], dans la continuité du [[Judaïsme|judéo]]-[[christianisme]], éprouvent de la sympathie pour lui{{Sfn|Faure|1985|p=386}}.


==== Dans l'islam ====
==== Dans l'islam ====
[[Fichier:Iranischer Meister 001.jpg|vignette|alt=Miniature représentant Dhû-l-Qarnayn construisant un mur contre Gog et Magog|[[Dhû-l-Qarnayn]] construisant un mur contre [[Gog et Magog]], folio du ''Falnama'', un livre de prophétie perse, {{s-|XVI|}}.]]
[[Fichier:Iranischer Meister 001.jpg|vignette|alt=Miniature représentant Dhû-l-Qarnayn construisant un mur contre Gog et Magog|[[Dhû-l-Qarnayn]] construisant un mur contre [[Gog et Magog]], folio du ''Falnama'', un livre de prophétie perse, {{s-|XVI}}.]]
{{Article connexe|Dhû-l-Qarnayn}}


Alexandre est communément identifié à [[Dhû-l-Qarnayn]]<ref name="DICO">Daniel de Smet, « Dhu l-Quarnayn » in Mohammad Ali Amir-Moezzi (dir.), ''Dictionnaire du Coran'', Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2007, {{p.|218-221}}.</ref> (« Celui qui a deux cornes » ou « Celui de deux époques »), cité dans le [[Coran]] dans la [[sourate]] 18, ''la caverne'', composée de seize [[Verset|versets]]<ref>Coran, {{XVIII}}, ''La caverne'', 92-95.</ref>. Il y est dit que Dhû-l-Qarnayn a édifié un mur d'[[airain]] pour se prémunir des attaques des [[Gog et Magog|Gog et des Magog]], c'est-à-dire ici les [[Scythes]] et les [[Amazones]]{{Sfn|Faure|1985|p=383}}. Les historiens et les exégètes qui soutiennent que Dhû-l-Qarnayn est Alexandre fondent leur argumentation sur la version [[syriaque]], composée au {{s-|VI}}, de la ''Vie d'Alexandre'' du [[Pseudo-Callisthène]] dans laquelle il est écrit qu'Alexandre a fait construire un mur afin de contenir les peuples barbares{{Sfn|Faure|1985|p=384}}. Cet épisode reposerait sur un fait historique : Alexandre a fait ériger un mur dans le [[Turkménistan]] actuel (antique pays de Gurgan) appelé de nos jours la « digue d'Alexandre » (ou ''Sadd-e-Iskander''){{Sfn|Faure|1985|p=384}}.
Une tradition historique rapproche Alexandre de [[Dhû-l-Qarnayn]]<ref name="DICO">Daniel de Smet, « Dhu l-Quarnayn » in Mohammad Ali Amir-Moezzi (dir.), ''Dictionnaire du Coran'', Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2007, {{p.|218-221}}.</ref> (« Celui qui a deux cornes » ou « Celui de deux époques »), cité dans le [[Coran]] dans la [[sourate]] 18, ''la caverne'', composée de seize [[verset]]s<ref>Coran, {{XVIII}}, ''La caverne'', 92-95.</ref>. Il y est dit que Dhû-l-Qarnayn a édifié un mur d'[[airain]] pour se prémunir des attaques des [[Gog et Magog|Gog et des Magog]], c'est-à-dire ici les [[Scythes]] et les [[Amazones]]{{Sfn|Faure|1985|p=383}}. Les historiens et les exégètes qui soutiennent que Dhû-l-Qarnayn est Alexandre fondent leur argumentation sur la version [[syriaque]], composée au {{s-|VI}}, du ''[[Roman d'Alexandre]]'' du [[Pseudo-Callisthène]] dans laquelle il est écrit qu'Alexandre a fait construire un [[Portes d'Alexandre|mur]] afin de contenir les peuples barbares{{Sfn|Faure|1985|p=384}}. Alexandre est réputé avoir fait ériger une muraille dans le nord de l'[[Iran]] actuel (antique pays de Gorgan) appelé de nos jours la « [[Muraille de Gorgan|digue d'Alexandre]] » (ou ''Sadd-e-Iskander''){{Sfn|Faure|1985|p=384}}.


Le « Bicornu » serait une allusion aux cornes de bouc d'[[Ammon (dieu)|Ammon]] portées par Alexandre sur des monnaies du {{-s-|VI}}{{Sfn|Faure|1985|p=379-380}}. Ces pièces ont circulé dans tout l'[[Orient (géographie)|Orient]] et servi de modèle aux monnaies arabes<ref group=N>Le mot {{page h'|Dirham|dirham}} provient d'ailleurs du [[grec ancien]] « [[drachme (Grèce antique)|drachme]] » ({{grec ancien|δραχμη}} / {{Lang|grc-Latn|''drakhmê''}}).</ref>. L'historien perse [[Tabari]] a donné au {{s-|X}} une autre explication quant à l'origine de la relation aux cornes. Selon lui Alexandre est appelé Dhû-l-Qarnayn car il est allé d'un bout à l'autre du monde ; le mot ''Qarn'' signifie « corne » et les extrémités du monde sont appelées « cornes »<ref>[[Tabari]], ''La Chronique (De Salomon à la chute des Sassanides)'', Actes Sud, {{p.|78}}.</ref>. Cette thèse n'est cependant pas étayée outre mesure<ref>Sur les théories de la provenance des cornes : François de Polignac, ''L'Homme aux deux cornes ; une image d'Alexandre du symbolisme grec à l'apocalyptique musulmane'', in ''Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité'', 1984, vol. 96, {{n°|1}}, {{p.|29-51}}.</ref>.
Le « Bicornu » serait une allusion aux cornes de bouc de [[Zeus Ammon]] portées par Alexandre sur des monnaies du {{-s-|IV}}{{Sfn|Faure|1985|p=379-380}}. Ces pièces ont circulé dans tout l'[[Orient (géographie)|Orient]] et servi de modèle aux monnaies arabes<ref group=N>Le mot {{page h'|Dirham|dirham}} provient d'ailleurs du [[grec ancien]] « [[drachme (Grèce antique)|drachme]] » ({{grec ancien|δραχμή}} / {{Langue|grc-Latn|''drakhmê''}}).</ref>. L'historien perse [[Tabari]] a donné au {{s-|X}} une autre explication quant à l'origine de la relation aux cornes. Selon lui Alexandre est appelé Dhû-l-Qarnayn car il est allé d'un bout à l'autre du monde ; le mot ''Qarn'' signifie « corne » et les extrémités du monde sont appelées « cornes »<ref>[[Tabari]], ''La Chronique (De Salomon à la chute des Sassanides)'', Actes Sud, {{p.|78}}.</ref>. Cette thèse n'est cependant pas étayée outre mesure<ref>Sur les théories de la provenance des cornes : François de Polignac, ''L'Homme aux deux cornes ; une image d'Alexandre du symbolisme grec à l'apocalyptique musulmane'', in ''Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité'', 1984, vol. 96, {{n°|1}}, {{p.|29-51}}.</ref>.


Finalement selon cette tradition, Alexandre n'est pas représenté dans le Coran comme un personnage historique, un grand conquérant ou un prophète, mais plutôt comme un messager divin, un [[archange]] comme [[Gabriel (archange)|Gabriel]] ou [[Michel (archange)|Michel]], et un roi justicier défenseur de la Foi{{Sfn|Faure|1985|p=381-382}}.
Finalement selon cette tradition, Alexandre n'est pas représenté dans le Coran comme un personnage historique, un grand conquérant ou un prophète, mais plutôt comme un messager divin, un [[archange]] comme [[Gabriel (archange)|Gabriel]] ou [[Michel (archange)|Michel]], et un roi justicier défenseur de la Foi{{Sfn|Faure|1985|p=381-382}}.
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Toutefois, plusieurs théologiens et historiens musulmans, dont As-Suhayliy ({{s-|XIII}}), [[Ibn Taymiyya]] ({{s-|XIV}}) et [[Al-Maqrîziy]] ({{s-|XV}}), réfutent l'idée selon laquelle Dhû-l-Qarnayn serait Alexandre, et font remonter le personnage coranique à l'époque d'[[Ibrahim]] (Abraham). Des érudits islamiques contemporains, dont le théologien Mohammad Ali Tabatabaei dans ''Tafsir Al-Mizan'', penchent pour l'identifier au roi [[Achéménides|achéménide]] [[Cyrus le Grand]].
Toutefois, plusieurs théologiens et historiens musulmans, dont As-Suhayliy ({{s-|XIII}}), [[Ibn Taymiyya]] ({{s-|XIV}}) et [[Al-Maqrîziy]] ({{s-|XV}}), réfutent l'idée selon laquelle Dhû-l-Qarnayn serait Alexandre, et font remonter le personnage coranique à l'époque d'[[Ibrahim]] (Abraham). Des érudits islamiques contemporains, dont le théologien Mohammad Ali Tabatabaei dans ''Tafsir Al-Mizan'', penchent pour l'identifier au roi [[Achéménides|achéménide]] [[Cyrus le Grand]].


Al-Iskandar ''Dhû-l-Qarnayn'' est mentionné dans des passages des [[Les Mille et Une Nuits|Mille et une nuits]] et dans l{{'}}''Iskandar Nâmeh'' du poète persan [[Nizami]]<ref name="DICO"/>. Idris, qui mentionné dans le Coran, serait une déformation d'Andréas, le cuisinier d'Alexandre mentionné dans le ''[[Roman d'Alexandre]]''.
Al-Iskandar ''Dhû-l-Qarnayn'' est mentionné dans des passages des ''[[Les Mille et Une Nuits|Mille et Une Nuits]]'' ainsi que dans l{{'}}''Iskandar Nâmeh'' du poète persan [[Nizami]]<ref name="DICO"/>. Le nom d'Idris, cité dans le Coran, serait quant à lui une déformation d'Andréas, le cuisinier d'Alexandre dans le ''[[Roman d'Alexandre]]''.


== Alexandre le Grand dans l'art ==
=== Dans l'art ===
{{Article détaillé|Alexandre le Grand dans l'art}}
{{Article détaillé|Alexandre le Grand dans l'art}}
Alexandre a été le sujet de très nombreuses œuvres d'art de l'[[Antiquité]] jusqu'à nos jours. La plupart des œuvres contemporaines ou originales ont disparu, même si de nombreuses copies ont été réalisées à l'[[Rome antique|époque romaine]], particulièrement dans le domaine de la sculpture. Au [[Moyen Âge]], dans la lignée du ''[[Roman d'Alexandre]]'', l'épopée d'Alexandre s'incarne dans de nombreuses publications littéraires pour devenir l'un des mythes les plus diffusés dans le temps et dans l'espace. À l'[[époque moderne]], Alexandre est un thème privilégié dans la peinture. De nos jours, il fait partie de la culture populaire en tant que sujet de romans historiques, de chansons ou de jeux vidéo.
Alexandre a été le sujet de très nombreuses œuvres d'art de l'[[Antiquité]] jusqu'à nos jours. La plupart des œuvres contemporaines ou originales ont disparu, même si de nombreuses copies ont été réalisées à l'[[Rome antique|époque romaine]], particulièrement dans le domaine de la sculpture. Au [[Moyen Âge]], dans la lignée du ''[[Roman d'Alexandre]]'', l'épopée d'Alexandre s'incarne dans de nombreuses publications littéraires pour devenir l'un des mythes les plus diffusés dans le temps et dans l'espace. À l'[[époque moderne]], Alexandre est un thème privilégié dans la peinture. De nos jours, il fait partie de la culture populaire en tant que sujet de romans historiques, de chansons ou de jeux vidéo.
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== Notes et références ==
== Notes et références ==
=== Notes ===
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=== Références antiques ===
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* {{JusHis}} ;
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* {{QuiHis}} ;
* {{QuiHis}} ;
* {{PluVie|url=alexandre.htm}}, ''Alexandre'' ; ''[http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Plutarque/fortunealexb.htm Sur la Fortune d'Alexandre] '' dans ''Œuvres morales'' ;
* {{PluVie|url=alexandre.htm}}, ''Alexandre'' ; ''[http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Plutarque/fortunealexb.htm Sur la Fortune d'Alexandre] '' dans ''[[Œuvres morales]]'' ;
* {{StrGéo}}.
* {{StrGéo}}.

=== Sources fragmentaires ===
Les sources primaires sont pour la plupart perdues ou réduites à l'état de fragments. La compilation faisant référence est ''[[Fragmente der griechischen Historiker]]'', {{nobr romains|tome II}} B-D ''Alexandergeschichte'', de [[Felix Jacoby]], qui reprend les ''Scriptores rerum Alexandri Magni'' de [[Karl Müller (philologue)|Karl Müller]]. Jacoby a compilé tous les fragments connus en attribuant un numéro, même à ceux dont seul le titre de leurs ''Histoire d'Alexandre'' est connu ; la concordance est souvent réutilisée dans les études postérieures.

Les fragments recouvrés et numérotés sont les ''Éphémérides royales'' (117), Strattis d'Olynthe qui selon la ''[[Souda]]'' a rédigé une ''Histoire d'Alexandre'' à partir des ''Éphémérides'' (118), les arpenteurs ou [[bématiste]]s Baîton, Diognète, Philomidès et [[Amyntas le bématiste|Amyntas]] (119-122), Archélaos (123), [[Callisthène]] (124), [[Charès de Mytilène]] (125), {{Lien|fr= Ephippos d'Olynthe|trad= Ephippus of Olynthus}}, inspecteur du corps des mercenaires et pamphlétaire (126), [[Nicobule]], une pamphlétaire critique envers Alexandre (127), Polycleitos de Larissa, confondu avec le paradoxagraphe Polycritos de Mende (128), [[Médios de Larissa]] (129), Cyrsilos de Pharsale, associé à Médios (130), Ménaichmos de Sicyone, disciple d'[[Aristote]] (131), [[Léon de Byzance]] (132), [[Néarque]] (133), [[Onésicrite]] (134), [[Marsyas de Pella]] (135), [[Marsyas de Philippes]] (136), [[Clitarque d'Alexandrie]] (137), [[Ptolémée Ier|Ptolémée]] (138), [[Aristobule de Cassandréia]] (139), [[Anticlide]] (140), Antigénès, dont [[Pline l'Ancien]] indique qu'il confirme la légende des [[Amazones]] (141), [[Hégésias de Magnésie]] (142), Aristos de [[Salamine]] (143), Asclepiades dit ''Historicus'' (144), Dorothéos d'Athènes (145), [[Nicanor de Stagire]] (146), {{Lien|trad= Potamo of Mytilene|fr= Potamon de Mytilene}}, source de [[Plutarque]] (147), une histoire anonyme provenant du [[papyrus d'Oxyrhynque]] {{n°|1798}} (148), [[Varron (écrivain)|Varron]] qui selon la ''Souda'' a écrit un [[épitomé]] sur la vie d'Alexandre (149), [[Amyntianus (historien)|Amyntianus]] (150), les ''[[Fragmentum Sabbaiticum]]'' qui pourraient être des extraits de l{{'}}''Histoire'' d'Amyntianus (151), {{Lien|Antidamas}} (152) et enfin la tradition des historiens d'Alexandre (153).

Les fragments, exceptés ceux qui sont trop lacunaires et l'histoire de Callisthène, sont édités en bilingue avec la numérotation de Jacoby dans {{ouvrage|titre= Historiens d'Alexandre|collection= Fragments|traducteur= Janick Auberger|année= 2001|éditeur= Les Belles Lettres}}.


=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
{{Légende plume}}
; Art et archéologie

* {{ouvrage| titre=Alexandre le Grand| sous-titre=Quand l'archéologie bouscule le mythe| collection=hors-série [[Pour la science]]| numéro dans collection=96| mois=août-septembre| année=2017| pages totales=121| passage=6-107}} ;
=== Art et archéologie ===
* {{ouvrage | auteur = Andrew Michael Chugg | titre= Alexandre le Grand | sous-titre = Le tombeau perdu | éditeur = Richmond Éditions | année = 2005 }} ;
* {{ouvrage| titre=Alexandre le Grand| sous-titre=quand l'archéologie bouscule le mythe| collection=hors-série [[Pour la science]]| numéro dans collection=96| mois=août-septembre| année=2017| pages totales=121| passage=6-107}}
* {{ouvrage| auteur1= Catherine Gaullier-Bougassas | titre=Les Romans d’Alexandre| sous-titre=Aux frontières de l’épique et du romanesque| éditeur = Champion | année=1998 | pages totales=572| présentation en ligne = https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1998_sup_41_164_2736_t1_0033_0000_4 }} ;
* {{ouvrage | auteur = Andrew Michael Chugg | titre= Alexandre le Grand | sous-titre = Le tombeau perdu | éditeur = Richmond Éditions | année = 2005 }}
* {{Ouvrage | auteur1=Catherine Gaullier-Bougassas (dir.) | titre= La fascination pour Alexandre le Grand dans les littératures européennes ({{Xe}}-{{XVI}}e siècle) | éditeur = Brepols |date= 2014 | pages totales = 2572 | isbn = 978-2-503-54930-9 | présentation en ligne= https://journals.openedition.org/peme/11971 }} ;
* {{ouvrage| auteur1= Catherine Gaullier-Bougassas | titre=Les Romans d’Alexandre| sous-titre=aux frontières de l’épique et du romanesque| éditeur = Champion | année=1998 | pages totales=572| présentation en ligne = https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1998_sup_41_164_2736_t1_0033_0000_4 }}
* {{Ouvrage | auteur = [[Valerio Massimo Manfredi]] | titre = Le tombeau d'Alexandre le Grand | sous-titre = L'énigme | éditeur = [[Éditions Jean-Claude Lattès]] | année = 2010}} ;
* {{Ouvrage | langue=fr | auteur1=Catherine Gaullier-Bougassas (dir.) | titre=La fascination pour Alexandre le Grand dans les littératures européennes ({{s mini-|X}}-{{s-|XVI}}) | sous-titre=réinventions d'un mythe | éditeur=Brepols | année=2014 | pages totales=2572 | isbn=978-2-503-54930-9 | présentation en ligne=https://journals.openedition.org/peme/11971}}
* {{Chapitre |auteur1= [[Claude Rolley]] |titre chapitre= Les portraits d'Alexandre. Lysippe portraitiste |titre ouvrage= La sculpture grecque | sous-titre ouvrage = La période classique | tome = 2| collection = Les manuels d'art et d'archéologie antiques | éditeur= Éditions Picard |année= 1999 |isbn= 2708405063 }} ;
* {{Ouvrage | auteur = [[Valerio Massimo Manfredi]] | titre = Le tombeau d'Alexandre le Grand | sous-titre = L'énigme | éditeur = [[Éditions Jean-Claude Lattès]] | année = 2010}}
; Économie et numismatique
* {{Chapitre |auteur1= [[Claude Rolley]] |titre chapitre= Les portraits d'Alexandre. Lysippe portraitiste |titre ouvrage= La sculpture grecque | sous-titre ouvrage = La période classique | tome = 2| collection = Les manuels d'art et d'archéologie antiques | éditeur= Éditions Picard |année= 1999 |isbn= 2708405063 }}
* {{Ouvrage | auteur = [[Georges Le Rider]] | titre = Alexandre Le Grand : Monnaies, finances et politique | éditeur = PUF | Collection = Histoires | année = 2003 | pages = 363 | isbn = 2-13-052940-2}} ;

* {{Article |langue= |auteur1=Frédérique Duyrat |titre= Georges Le Rider. Alexandre le Grand. Monnaie, finances et politique. Compte-rendu |périodique= Syria|volume= |numéro=81 |date=2004 |pages=317-320 |lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_2004_num_81_1_7788_t1_0317_0000_1 |consulté le=26 novembre 2018 }} ; {{plume}}
=== Économie et numismatique ===
; Historiographie et postérité
* {{Article |titre= Alexandre le Grand, religion et tradition | périodique= Métis |volume= NS1 |date= 2003 | pages= 221-330 |isbn= 978-2-7132-1828-6 |lire en ligne= https://books.openedition.org/editionsehess/2089 | id=METIS2003}} ;
* {{Ouvrage | langue=fr | auteur1=[[Georges Le Rider]] | titre=Alexandre Le Grand | sous-titre=monnaies, finances et politique | éditeur=PUF | collection=Histoires | année=2003 | pages totales=363 | isbn=978-2-13-052940-8 | isbn10=2-13-052940-2}}
* {{Article |auteur1=Frédérique Duyrat |titre= Georges Le Rider. Alexandre le Grand. Monnaie, finances et politique. Compte-rendu |périodique= Syria|numéro=81 |date=2004 |pages=317-320 |lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_2004_num_81_1_7788_t1_0317_0000_1 |consulté le=26 novembre 2018 |plume=oui}}
* {{ouvrage | langue = en | titre = Brill's Companion to the Reception of Alexander the Great | éditeur = Brill | collection = Brill's Companions to Classical Reception | année = 2018 | pages totales = 856 | isbn = 978-90-04-35993-2 | présentation en ligne= https://books.google.fr/books?id=ZJJyDwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=Brill%27s+Companion+to+the+Reception+of+Alexander+the+Great&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjw_-2o2O_fAhUIHxoKHblVDUwQ6AEILDAA#v=onepage&q=Brill's%20Companion%20to%20the%20Reception%20of%20Alexander%20the%20Great&f=false id=RECEPTION }} ;

* {{Ouvrage | auteur = Janick Auberger | titre = Historiens d'Alexandre | éditeur = Les Belles lettres | collection = Fragments | année = 2001 | isbn = 978-2-251-74200-7}} ;
=== Historiographie et postérité ===
* {{ouvrage | auteur=[[Pierre Briant]] | titre = Alexandre des Lumières | sous-titre = Fragments d'histoire européenne | éditeur = Gallimard| | année=2012 }} ;
* {{Article |titre= Alexandre le Grand, religion et tradition | périodique= Métis |volume= NS1 |date= 2003 | pages= 221-330 |isbn= 978-2-7132-1828-6 |lire en ligne= https://books.openedition.org/editionsehess/2089 | id=METIS2003}}
* {{ouvrage | auteur=Piere Briant | titre = Alexandre | sous-titre=Exégèse des lieux communs | éditeur=Gallimard | collection = Folio Histoire | année=2016 | isbn= 978-2-07-079376-1}} ;
* {{Ouvrage | langue=en | titre=Brill's Companion to the Reception of Alexander the Great | sous-titre=Brill's Companions to Classical Reception, Volume: 14 | éditeur=Brill | collection=Brill's Companions to Classical Reception | année=2018 | pages totales=856 | isbn=978-90-04-35993-2 | présentation en ligne={{Google Livres|ZJJyDwAAQBAJ|surligne=Brill%27s+Companion+to+the+Reception+of+Alexander+the+Great}}}}
* {{Article |langue= |auteur1=Adrien Bruhl |titre= Le souvenir d'Alexandre le Grand et les Romains |périodique= Mélanges de l'école française de Rome|volume= |numéro=47 |date=1930 |pages=202-221 |lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/mefr_0223-4874_1930_num_47_1_7207}} ;
* {{ouvrage | auteur = Paul-André Claudel | titre=Alexandrie | sous-titre=Histoire d'un mythe | éditeur =Ellipses| année = 2011 |isbn=978-2729-866303 }} ;
* {{Ouvrage | langue=fr | auteur1=Janick Auberger | titre=Historiens d'Alexandre | éditeur=Les Belles lettres | collection=Fragments | année=2001 | pages totales=518 | isbn=978-2-251-74200-7}}
* {{ouvrage | auteur=[[Pierre Briant]] | titre = Alexandre des Lumières | sous-titre = Fragments d'histoire européenne | éditeur = Gallimard| année=2012 }}
* {{Article |auteur1=Isabelle Fabre |titre=La conversion d’Alexandre le Grand au judaïsme : transpositions et avatars d’une légende dans les Romans d'Alexandre français du {{s-|XII}} |périodique= Cahiers d’Études du Religieux |numéro= 7|date= 2009 |lire en ligne=https://journals.openedition.org/cerri/454}} ;
* {{ouvrage | auteur = [[Paul Goukowsky]] | titre= Essai sur les origines du mythe d'Alexandre | éditeur = Université de Nancy | année = 1978 }} ;
* {{Ouvrage | langue=fr | auteur1=Pierre Briant | titre=Alexandre | sous-titre=exégèse des lieux communs | éditeur=Gallimard | collection=Folio Histoire | année=2016 | pages totales=688 | isbn=978-2-07-079376-1}}
* {{Article |auteur1=Adrien Bruhl |titre= Le souvenir d'Alexandre le Grand et les Romains |périodique= Mélanges de l'école française de Rome|numéro=47 |date=1930 |pages=202-221 |lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/mefr_0223-4874_1930_num_47_1_7207}}
* {{ouvrage | auteur = [[Jacques Lacarrière (écrivain)|Jacques Lacarrière]] | titre = La légende d'Alexandre| éditeur = Folio {{n°|3654}} | année = 2000 | isbn = 978-2070-417216}} ;
* {{Ouvrage | auteur = Paul Pédech | titre = Historiens compagnons d'Alexandre | éditeur = Les Belles lettres | année = 2011}} ;
* {{Ouvrage | langue=fr | auteur1=Paul-André Claudel | titre=Alexandrie | sous-titre=histoire d'un mythe | éditeur=Ellipses | année=2011 | pages totales=372 | isbn=978-2-7298-6630-3}}
* {{Article |auteur1=Isabelle Fabre |titre=La conversion d’Alexandre le Grand au judaïsme : transpositions et avatars d’une légende dans les Romans d'Alexandre français du {{s-|XII}} |périodique= Cahiers d’Études du Religieux |numéro= 7|date= 2009 |lire en ligne=https://journals.openedition.org/cerri/454}}
* {{Ouvrage | langue=en | auteur = Diana Spencer| titre = The Roman Alexander: Reading a Cultural Myth | éditeur = University of Exeter Press | année = 2002}} ;
* {{ouvrage | auteur = [[Paul Goukowsky]] | titre= Essai sur les origines du mythe d'Alexandre | éditeur = Université de Nancy | année = 1978 }}
; Institutions politiques
* {{Ouvrage | langue=fr | auteur1=[[Jacques Lacarrière (écrivain)|Jacques Lacarrière]] | titre=La légende d'Alexandre | éditeur=Folio {{n°|3654}} | année=2000 | isbn=978-2-07-041721-6}}
* {{Article |auteur1= Miltiade Hatzopoulos |titre= L'État macédonien antique : un nouveau visage | périodique= Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres |date= 1997 | pages= 7-25 | id=HATZO1997 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1997_num_141_1_15696 }} ;
* {{Ouvrage | auteur = Paul Pédech | titre = Historiens compagnons d'Alexandre | éditeur = Les Belles lettres | année = 2011}}
* {{ouvrage | langue=en | auteur1 = Miltiade Hatzopoulos | titre= Macedonian Institutions Under the Kings |sous-titre=A historical and epigraphic study| lieu=Athènes | éditeur= Diffusion De Boccard | pages totales=554 |année=1996 | isbn=9607094891 }} :
* {{Ouvrage | langue=en | auteur = Diana Spencer| titre = The Roman Alexander: Reading a Cultural Myth | éditeur = University of Exeter Press | année = 2002}}
; Monographie

* {{Ouvrage | titre = Alexandre le Grand : 15 ans qui ont bouleversé le monde | éditeur = Éditions de la République | année = 2018 | pages totales = 185 | isbn = 979-10-96963-17-1|id=A15ans}} ; {{plume}}
=== Institutions politiques ===
* {{Ouvrage | auteur = Jean-Claude Aubert | titre = Alexandre le Grand, le roi malade | éditeur = Persée | lieu = Besançon | année = 2011| isbn = 978-2-8231-0025-9}} ;
* {{Article |auteur1= Miltiade Hatzopoulos |titre= L'État macédonien antique : un nouveau visage | périodique= Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres |date= 1997 | pages= 7-25 | id=HATZO1997 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1997_num_141_1_15696 }}
* {{Ouvrage | auteur = [[Olivier Battistini]] | titre = Alexandre le Grand | sous-titre = Un philosophe en armes | éditeur = Ellipses | collection = Biographies et mythes historiques | année = 2018 | pages totales = 432 | isbn = 9782340-028418}} ; {{plume}}
* {{Ouvrage | langue=en |auteur = Albert B. Bosworth | titre = Conquest and Empire: The Reign of Alexander the Great | éditeur = Cambridge University Press | année = 1988 }} ;
* {{Ouvrage | langue=en | auteur1=Miltiade Hatzopoulos | titre=Macedonian Institutions Under the Kings | sous-titre=A historical and epigraphic study | lieu=Athènes | éditeur=Diffusion De Boccard | année=1996 | pages totales=554 | isbn=978-960-70-9489-6 | isbn10=9607094891}}

* [[Pierre Briant]] :
=== Monographies ===
** {{Ouvrage | titre = Alexandre le Grand | collection = Que sais-je ? | éditeur = PUF | année première édition = 1974 | année = 1994 | id=PUF1994}} ; {{plume}}
** {{ouvrage | titre= De la Grèce à l'Orient, Alexandre le Grand | éditeur = Gallimard | collection = Découvertes Gallimard | année = 1987 }} ;
* {{Ouvrage | id=A15ans | langue=fr | titre=Alexandre le Grand | sous-titre=15 ans qui ont bouleversé le monde | éditeur=la République | année=2018 | pages totales=185 | isbn=979-10-96963-17-1|plume=oui}}
** {{ouvrage | titre= Alexandre le Grand : de la Grèce à l'Inde | éditeur = Gallimard | collection = Découvertes Gallimard | année = 2005 | id=BRI2005 }} ;
* {{Ouvrage | langue=fr | auteur1=Jean-Claude Aubert | titre=Alexandre le Grand, le roi malade | sous-titre=histoire | lieu=Besançon | éditeur=Persée | année=2011 | pages totales=230 | isbn=978-2-8231-0025-9}}
* {{Ouvrage | langue=fr | auteur1=Olivier Battistini | titre=Alexandre le Grand | sous-titre=un philosophe en armes | éditeur=Ellipses | collection=Biographies et mythes historiques | année=2018 | pages totales=432 | isbn=978-2-340-02841-8|plume=oui}}
** {{Article |titre= À la poursuite de Darius |périodique= Historia |numéro= 697 |date= 2005 }}.
** {{ouvrage | titre = Lettre ouverte à Alexandre le Grand | éditeur = Actes Sud | année = 2008 }} ;
* {{Ouvrage | langue=en |auteur = Albert B. Bosworth | titre = Conquest and Empire: The Reign of Alexander the Great | éditeur = Cambridge University Press | année = 1988 }}
* {{ouvrage | auteur = Gérard Colin | titre = Alexandre le Grand | éditeur = Pygmalion | année = 2007 | pages = 288 pages | isbn = 9782756400419 }} ;
* {{Ouvrage | auteur1=[[Pierre Briant]]| titre = Alexandre le Grand | collection = Que sais-je ? | éditeur = PUF | année première édition = 1974 | année = 1994 | id=PUF1994|plume=oui}}
* {{Ouvrage | auteur1= [[Johann Gustav Droysen]] | titre = Alexandre le Grand | collection = Le Temps & Les Hommes | éditeur = Éditions Complexe | année première édition = 1833 | année = 1999 | isbn = 978-2-87027-413-2}} ;
* {{ouvrage | auteur1=[[Pierre Briant]]| titre= De la Grèce à l'Orient, Alexandre le Grand | éditeur = Gallimard | collection = Découvertes Gallimard | année = 1987 }}
* {{Ouvrage | auteur1= [[Paul Goukowsky]] | titre = Le monde grec et l'Orient | sous-titre = Alexandre et la conquête de l'Orient | collection = Peuples et Civilisations | éditeur = PUF | année première édition = 1975 | année = 1993 | tome = 2 | pages totales = 307}} ; {{plume}}
* {{ouvrage | auteur1=[[Pierre Briant]]| titre= Alexandre le Grand : de la Grèce à l'Inde | éditeur = Gallimard | collection = Découvertes Gallimard | année = 2005 | id=BRI2005 }}
* {{Article | auteur1=[[Pierre Briant]]| titre= À la poursuite de Darius |périodique= Historia |numéro= 697 |date= 2005 }}
* {{Ouvrage | langue = en | auteur1= [[Peter Green (historien)|Peter Green]] | titre = Alexander of Macedon, 356–323 BC. | sous-titre = A Historical Biography | éditeur = University of California Press | année première édition = 1992 | année = 2013 | pages = 672 | isbn = 0-520-07166-2}} ;
* {{ouvrage | auteur1=[[Pierre Briant]]| titre = Lettre ouverte à Alexandre le Grand | éditeur = Actes Sud | année = 2008 }}
* Dominique Joly (textes) et Antoine Ronzon (illustrations), ''La Fabuleuse Histoire d’Alexandre le Grand'', Tourbillon, {{coll.}} « La fabuleuse histoire », Paris, 2005 {{ISBN | 2-84801-135-1}} ;
* {{Ouvrage | langue=fr | auteur1=Gérard Colin | titre=Alexandre le Grand | éditeur=Pygmalion | année=2007 | pages totales=288 pages | isbn=978-2-7564-0041-9}}
* Pierre Jouguet, ''L'impérialisme macédonien et l'hellénisation de l'Orient'', [[Éditions Albin Michel|Albin Michel]], {{coll.}} « L'évolution de l'humanité », 1972 ;
* {{Ouvrage | auteur1= [[Paul Faure (archéologue)|Paul Faure]] | titre = Alexandre | éditeur = Fayard | année = 1985 | pages = 578 |isbn =2-213-01627-5 }} ; {{plume}}
* {{Ouvrage | langue=fr | auteur1=[[Johann Gustav Droysen]] | titre=Alexandre le Grand | éditeur=Éditions Complexe | collection=Le Temps & Les Hommes | année=1999 | année première édition=1833 | pages totales=490 | isbn=978-2-87027-413-2}}
* {{Ouvrage | auteur1= [[Jacques Lacarrière (écrivain)|Jacques Lacarrière]] | titre = La légende d'Alexandre | éditeur = Folio | année = 2000 | isbn = 978-2070-417216 }} ;
* {{Ouvrage | auteur1= [[Paul Goukowsky]] | titre = Le monde grec et l'Orient | sous-titre = Alexandre et la conquête de l'Orient | collection = Peuples et Civilisations | éditeur = PUF | année première édition = 1975 | année = 1993 | tome = 2 | isbn= 2-13-045482-8 | pages totales = 307|plume=oui}}
* {{Ouvrage | langue = en | auteur1= Robin Lane Fox | titre = Alexander the Great | éditeur = Penguin Books | année première édition = 1973 | année = 2004 | pages totales = 576 | isbn =9780141020761 }}
* {{Ouvrage | langue=en | auteur1=[[Peter Green (historien)|Peter Green]] | titre=Alexander of Macedon, 356–323 BC. | sous-titre=A Historical Biography | éditeur=University of California Press | année=2013 | année première édition=1992 | pages totales=672 | isbn=978-0-520-07166-7 | isbn10=0-520-07166-2}}
* Dominique Joly (textes) et Antoine Ronzon (illustrations), ''La Fabuleuse Histoire d’Alexandre le Grand'', Tourbillon, {{coll.}} « La fabuleuse histoire », Paris, 2005 {{ISBN | 2-84801-135-1}}
* {{Ouvrage | auteur1= [[Jacques Benoist-Méchin]] | titre = Alexandre le Grand ou le rêve dépassé | éditeur = Perrin | année première édition = 1964 | année = 2004 }} ;
* Pierre Jouguet, ''L'impérialisme macédonien et l'hellénisation de l'Orient'', [[Éditions Albin Michel|Albin Michel]], {{coll.}} « L'évolution de l'humanité », 1972
* {{Ouvrage | auteur1= [[Claude Mossé (historienne)|Claude Mossé]] | titre = Alexandre le Grand | sous-titre = La destinée d'un mythe | collection = Peuples et Civilisations | éditeur = Payot| année = 2001| isbn = 2228894761}} ;
* {{Ouvrage | auteur1= [[Jean-Claude Perrier]] | titre = Alexandre le Grand | collection = Hermann Histoire | éditeur = Éditions Hermann | année = 2008 | pages totales = 126 | isbn = 2705667687 }} ;
* {{Ouvrage | langue=fr | auteur1=[[Paul Faure (archéologue)|Paul Faure]] | titre=Alexandre | éditeur=Fayard | année=1985 | pages totales=578 | isbn=978-2-213-01627-6 | isbn10=2-213-01627-5|plume=oui}}
* {{Ouvrage | auteur1= [[Joël Schmidt]] | titre = Alexandre le Grand | collection = Folio biographies | éditeur = Gallimard | année = 2009 }} ;
* {{Ouvrage | langue=fr | auteur1=[[Jacques Lacarrière (écrivain)|Jacques Lacarrière]] | titre=La légende d'Alexandre | éditeur=Folio | année=2000 | isbn=978-2-07-041721-6}}
* {{Ouvrage | langue=en | auteur1=Robin Lane Fox | titre=Alexander the Great | éditeur=Penguin Books | année=2004 | année première édition=1973 | pages totales=576 | isbn=978-0-14-102076-1}}
; Ouvrages généraux
* {{Ouvrage | directeur1= [[Olivier Battistini]] | titre = Alexandre le Grand, Histoire et dictionnaire | éditeur = Robert Laffont | collection = Bouquins | année = 2004 | pages totales = 2464 | isbn = 978-2-221-09784-7 | id=DICO}} ;
* {{Ouvrage | auteur1= [[Jacques Benoist-Méchin]] | titre = Alexandre le Grand ou le rêve dépassé | éditeur = Perrin | année première édition = 1964 | année = 2004 }}
* {{Ouvrage | langue=fr | auteur1=[[Claude Mossé (historienne)|Claude Mossé]] | titre=Alexandre le Grand | sous-titre=la destinée d'un mythe | éditeur=Payot | collection=Peuples et Civilisations | année=2001 | isbn=978-2-228-89476-0 | isbn10=2228894761}}
* {{Chapitre |langue= |auteur1= [[Pierre Briant]] |titre chapitre=Des Achéménides aux rois hellénistiques : continuités et ruptures |titre ouvrage=Rois, tributs et paysans |lieu= |éditeur= Les Belles Lettres |année= 1982 |isbn= 2-251-60269-0 |lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1982_ant_269_1_2619 |passage= 291-330 |id=BRIANT1982 }} ;
* {{Ouvrage | langue=fr | auteur1=[[Jean-Claude Perrier]] | titre=Alexandre le Grand | sous-titre=biographie | éditeur=Éditions Hermann | collection=Hermann Histoire | année=2008 | pages totales=126 | isbn=978-2-7056-6768-9 | isbn10=2705667687}}
* {{Car4}} ;
* {{Ouvrage| auteur1 = [[Johann Chapoutot]] | titre = Le nazisme et l'Antiquité | éditeur = Presses universitaires de France | collection = Quadrige | année = 2008 | isbn = 978-2-13-060899-8 }} ;
* {{Ouvrage | auteur1= [[Joël Schmidt]] | titre = Alexandre le Grand | collection = Folio biographies | éditeur = Gallimard | année = 2009 }}

* {{Ouvrage| auteur1 = Jean Delorme | titre = Le Monde hellénistique | éditeur = SEDES | collection = Regards sur l'Histoire | année = 1975 }} ;
=== Ouvrages généraux ===
* {{Ouvrage| prénom1 = Catherine | nom1 = Grandjean | et al. = oui | titre = Le Monde hellénistique | éditeur = Armand Colin | collection = U | série= Histoire | lieu = Paris | année = 2008 | isbn = 978-2-200-35516-6}} ;
* {{Ouvrage | langue = en | auteur1= [[Peter Green (historien)|Peter Green]] | titre = Alexander the Great and the Hellenistic Age | éditeur = Weidenfeld & Nicolson | année = 2007 | pages = 234 | isbn = }} ;
* {{Ouvrage |auteur1=Olivier Battistini | directeur1=oui |auteur2= Pascal Charvet | directeur2=oui |titre=Alexandre le Grand, histoire et dictionnaire |éditeur=Robert Laffont |collection =Bouquins |année=2004 |isbn=978-2-221-09784-7 |pages totales=1090 |id=AlexDico}}.
* {{Chapitre |auteur1= [[Pierre Briant]] |titre chapitre=Des Achéménides aux rois hellénistiques : continuités et ruptures |titre ouvrage=Rois, tributs et paysans |éditeur= Les Belles Lettres |année= 1982 |isbn= 2-251-60269-0 |lire en ligne= https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1982_ant_269_1_2619 |passage= 291-330 |id=BRIANT1982 }}
* {{ouvrage | langue = en | auteur = Waldemar Heckel | titre = Who's who in the age of Alexander the Great | sous-titre = A prosopography of Alexander's empire | éditions =Blackwell Publishing | année=2006 | isbn=1-4051-1210-7}} ;
* {{Car4}}
* {{Ouvrage| auteur1 = Jean-Marc Héroult | titre = La fin de l'empire d'Alexandre le Grand | éditeur = Éditions Larousse | année = 2010 }} ;
* {{Ouvrage| langue = en | auteur1 = Joseph Roisman | auteur2 = Ian Worthington | titre = A Companion to Ancient Macedonia | éditeur = John Wiley & Sons | année = 2010 | isbn=978-1-4051-7936-2 | id = COMPANION }}.
* {{Ouvrage| langue=fr| auteur1=[[Johann Chapoutot]]| titre=Le nazisme et l'Antiquité| éditeur=Presses universitaires de France| collection=Quadrige| année=2008| pages totales=643| isbn=978-2-13-060899-8}}
* {{Ouvrage| auteur1 = Jean Delorme | titre = Le Monde hellénistique | éditeur = SEDES | collection = Regards sur l'Histoire | année = 1975 }}
* {{Ouvrage| langue=fr| auteur1=Catherine Grandjean| et al.=oui| titre=Le Monde hellénistique| lieu=Paris| éditeur=Armand Colin| collection=U| série=Histoire| année=2008| pages totales=350| isbn=978-2-200-35516-6}}
* {{Ouvrage | langue = en | auteur1= [[Peter Green (historien)|Peter Green]] | titre = Alexander the Great and the Hellenistic Age | éditeur = Weidenfeld & Nicolson | année = 2007 | pages = 234 }}
* {{Ouvrage | langue=en | auteur1=Waldemar Heckel | titre=Who's who in the age of Alexander the Great | sous-titre=a prosopography of Alexander's empire | éditeur=Blackwell Publishing | année=2006 | pages totales=336 | isbn=978-1-4051-1210-9 | isbn10=1-4051-1210-7}}
* {{Ouvrage| auteur1 = Jean-Marc Héroult | titre = La fin de l'empire d'Alexandre le Grand | éditeur = Éditions Larousse | année = 2010 }}
* {{Ouvrage| id=COMPANION| langue=en| auteur1=Joseph Roisman| auteur2=Ian Worthington| titre=A Companion to Ancient Macedonia| éditeur=John Wiley & Sons| année=2010| pages totales=696| isbn=978-1-4051-7936-2}}
* {{Ouvrage | langue=en | prénom1=Ian | nom1=Shaw |lien auteur1=Ian Shaw (égyptologue) | titre=The Oxford History of Ancient Egypt | lieu=Oxford | éditeur=[[Oxford University Press]] | année=2003 | pages totales=224 | isbn=0-500-05074-0}}.


=== Articles connexes ===
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* [[Affaire de la proscynèse]]
* [[Alexandre le Grand dans l'art]]
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Version du 2 septembre 2024 à 10:58

Alexandre le Grand
Ἀλέξανδρος ὁ Μέγας
Illustration.
Buste d'Alexandre,
IIIe siècle av. J.-C., Ny Carlsberg Glyptotek.
Titre
Roi de Macédoine
-
(13 ans)
Prédécesseur Philippe II
Successeur Philippe III et Alexandre IV
Pharaon d'Égypte
-
(8 ans)
Prédécesseur Darius III
Successeur Alexandre IV
Grand roi de Perse
-
(7 ans)
Prédécesseur Darius III
Biographie
Dynastie Argéades
Date de naissance 21 juillet
Lieu de naissance Pella (Macédoine)
Date de décès 11 juin (à 32 ans)
Lieu de décès Babylone
Père Philippe II
Mère Olympias
Fratrie Cléopâtre de Macédoine
Conjoint Roxane
Stateira
Parysatis
Enfants Héraclès de Macédoine
Alexandre IV
Alexandre le Grand
Allégeance Royaume de Macédoine
Faits d'armes
Campagnes d'Alexandre

Campagne des Balkans

Conquête de la Perse

Campagne d'Inde

Alexandre le Grand (en grec ancien : Ἀλέξανδρος ὁ Μέγας / Aléxandros ho Mégas ou Μέγας Ἀλέξανδρος / Mégas Aléxandros) ou Alexandre III (Ἀλέξανδρος Γ' / Aléxandros III), né le à Pella et mort le à Babylone, est un roi de Macédoine et l'un des personnages les plus célèbres de l'Antiquité. Fils de Philippe II, élève d'Aristote et roi de Macédoine à partir de , il devient l'un des plus grands conquérants de l'histoire en prenant possession de l'immense Empire perse et en s'avançant jusqu'aux rives de l'Indus.

Après l'assassinat de Philippe, Alexandre hérite d'un royaume puissant et d'une armée expérimentée. Reprenant le projet panhellénique de son père, il réunit la Macédoine et des cités grecques dans une coalition afin d'envahir l'empire perse. En , il débarque en Asie, démarrant une campagne qui dure dix ans. Il remporte une première victoire contre les satrapes perses au Granique qui lui offre l'Anatolie. Puis en 333, il défait le roi Darius III à Issos. Il entreprend la conquête de la Phénicie et marche jusqu'en Égypte où il est proclamé pharaon. La victoire à Gaugamèles en 331 lui offre la totalité de l'empire perse. Il mène ensuite une campagne contre les généraux perses insoumis et s'avance jusqu'au pays des Scythes. Il dirige enfin une dernière campagne au Pendjab et dans la vallée de l'Indus (Pakistan actuel) durant laquelle il remporte la bataille de l'Hydaspe ; mais en 326 ses soldats refusent d'avancer plus loin. Il meurt en 323 à Babylone probablement de maladie, à l'âge de 32 ans, avant d'avoir pu mener à bien ses projets de conquête de l'Arabie.

Roi-bâtisseur, Alexandre a fondé une vingtaine de cités, la plus importante étant Alexandrie d'Égypte, et a implanté des colonies jusqu'aux confins de l'Asie, étendant notablement l'influence de l'hellénisme. Il se place dans la continuité des souverains achéménides et cherche à assimiler les élites asiatiques avec pour objectif d'assurer la pérennité de l'empire qu'il a créé, comme en témoigne notamment son mariage avec une princesse de Bactriane, Roxane. Son empire est partagé à sa mort entre ses principaux généraux, les Diadoques, qui forment à la fin du IVe siècle av. J.-C. les différents royaumes de la période hellénistique.

La postérité d'Alexandre à travers l'histoire, les cultures et les religions s'explique par l'ampleur de ses victoires militaires, par sa volonté de conquête de l'ensemble du monde connu et par sa personnalité empreinte de philosophie mais aussi de démesure. Son épopée suscite dès l'Antiquité de nombreuses publications littéraires. Néanmoins les écrits des historiens contemporains des événements ont tous disparu ; seuls subsistent de nos jours leurs abréviateurs, dont certains sont à l'origine des légendes le concernant. Parmi ses récits légendaires, le Roman d'Alexandre occupe une place à part ; issu des écrits du Pseudo-Callisthène, il mêle l'histoire et le fantastique pour devenir l'un des ouvrages non religieux les plus lus au Moyen Âge, en Occident comme en Orient.

Dès le règne d'Alexandre se construit un mythe qui le présente comme un héros divinisé. Cette renommée, malgré des critiques eu égard à ses excès ou à sa cruauté, dépasse ensuite les frontières du monde grec pour prendre place parmi les écrits des religions monothéistes. Dans la Rome antique, il est considéré comme un modèle pour nombre de généraux et d'empereurs. Dans l'Empire byzantin, il bénéficie d'une grande popularité dans tous les milieux sociaux et représente l'idéal du souverain, tout en connaissant une forme de christianisation. Dans l'Europe médiévale, il est vu comme un exemple de vertus chevaleresques au travers du Roman d'Alexandre. À l'époque moderne, il est un temps un modèle pour Louis XIV. Au siècle des Lumières, il apparaît comme celui qui a étendu la civilisation européenne et ouvert le commerce entre l'Europe et l'Asie. À l'époque contemporaine, il inspire la volonté d'indépendance des Grecs et devient le modèle du « conquérant-civilisateur » pour les promoteurs de la colonisation européenne. En Asie, il bénéficie d'une grande postérité sous le nom d'Iskandar (ou Iskander). Enfin, il est représenté dans de nombreuses œuvres d'art de l'Antiquité jusqu'à nos jours.

Sources

Sources directes

pièce de monnaie en argent à l'effigie d'Héraclès coiffé de la peau de lion, avec au revers Zeus sur un trône tenant un aigle et un sceptre
Monnaie de l'époque d'Alexandre, à l'effigie d'Héraclès coiffé de la peau de lion, avec au revers Zeus sur un trône tenant un aigle et un sceptre, British Museum.

Il ne subsiste aujourd'hui aucun témoignage littéraire datant du règne d'Alexandre[1]. Le récit de Callisthène, neveu d'Aristote et historiographe officiel jusque vers [2],[N 1], est réduit à l'état de fragments. Il semble avoir été largement utilisé dans l'Antiquité bien que sa fiabilité soit douteuse[3]. Les écrits des Compagnons d'Alexandre qui ont participé à la conquête, principalement Ptolémée, Aristobule, Néarque, Onésicrite et Charès, ont tous disparu[4],[N 2]. Dans ses Mémoires, Ptolémée, l'un des plus grands généraux d'Alexandre et fondateur de la dynastie ptolémaïque, s'est d'abord intéressé au fait militaire[4] ; Aristobule a lui exposé les aspects géographiques et scientifiques du périple[4] ; Néarque, explorateur des côtes de l'Océan Indien, a tenu un journal de bord[4] ; Onésicrite, philosophe cynique et second de Néarque, a composé une Éducation d'Alexandre qui décrit les mœurs et la géographie des régions conquises[5] ; Charès, chambellan d'Alexandre, s'est intéressé à la vie privée du roi[6]. Quant à l'Histoire d'Alexandre de Clitarque[4], rédigée peu de temps après la mort du conquérant, elle est réduite à l'état de fragments. Clitarque n'a pas participé directement à la conquête mais s'appuie sur des archives officielles et des témoignages directs[7]. Ces auteurs contemporains des événements ont été largement utilisés par Diodore de Sicile, Arrien, Plutarque et Quinte-Curce[8]. Certains auteurs antiques, dont Arrien et Strabon[A 1], reprochent aux historiens contemporains leurs récits fictifs ou divergents ainsi que la flatterie envers Alexandre[9].

Les archives royales contemporaines ont elles aussi disparu. C'est notamment le cas des Éphémérides, chroniques rédigées par le chancelier Eumène de Cardia[10], à partir de 330 au moment où Alexandre prend la succession de Darius III. Le récit de Callisthène s'achevant vers 328, Alexandre aurait choisi un nouveau type de biographie officielle au moment où sont introduits les usages perses à la cour. Cette tradition des chroniques, qui s'apparentent à un compte rendu journalier des faits et gestes du roi et à une compilation de ses correspondances[4], remonte chez les Achéménides à Xerxès Ier[A 2]. Les Éphémérides semblent avoir été rapidement inaccessibles après la mort d'Alexandre[3]. Ptolémée et Aristobule les auraient néanmoins utilisés[4]. Les auteurs antiques plus tardifs y font allusion quand ils exposent précisément les circonstances de la mort d'Alexandre[A 3],[N 3]. Il est d'ailleurs envisageable qu'une partie des Éphémérides ait disparu du vivant d'Alexandre dans un incendie comme l'affirme Plutarque[A 4]. Selon Diodore[A 5], Perdiccas a publié en 323 des Hypomnemata, c'est-à-dire une compilation des plans de bataille et des projets d'Alexandre[11]. Plusieurs auteurs antiques, dont Plutarque et le Pseudo-Callisthène[12], ont utilisé un recueil de la correspondance d'Alexandre. Les philologues sont divisés sur le statut de ces lettres, à savoir si elles sont authentiques ou apocryphes, bien qu'elles correspondent à des événements historiques. La forgerie d'épistoliers à partir de personnages historiques est une pratique courante durant toute l'Antiquité[N 4],[13],[14],[1].

Parmi les documents officiels, seules subsistent de rares inscriptions épigraphiques émises dans des cités grecques, comme celle datant du règne de Philippe II relative aux conditions d'entrée dans la ligue de Corinthe (338) qui restent valables du temps d'Alexandre[15], ou celle de Chios en Asie Mineure qui retranscrit une lettre d'Alexandre rédigée après la contre-attaque perse en 332 définissant les conditions du retour de l'île sous l'hégémonie macédonienne[15]. Une autre inscription contemporaine d'Alexandre retranscrit une décision prise au sujet de la cité de Philippes en Macédoine[16].

Les sources numismatiques fournissent d'importantes données politiques et économiques, une masse considérable de monnaies ayant été frappées du vivant d'Alexandre[17], même si les monnaies à l'effigie d'Alexandre ont été émises par les Diadoques, dont Ptolémée[18]. Les premiers tétradrachmes aux types d'Alexandre (tête d'Héraclès coiffée de la peau de lion / Zeus trônant un aigle dans la main droite) auraient été frappés après la bataille d'Issos (333), les premiers statères d'or (tête d'Athéna casquée / Niké debout) après la prise de Tyr en 332[17]. La datation des « monnaies à l’éléphant », qui pourraient dater de l'époque séleucide, reste quant à elle sujette à caution[19].

Sources indirectes

Page du manuscrit en latin de l'Histoire d'Alexandre le Grand par Quinte-Curce
Folio de l'Histoire d'Alexandre le Grand de Quinte-Curce, manuscrit de 1467.

Seuls subsistent de nos jours les abréviateurs des auteurs contemporains d'Alexandre, tous vivants au temps du Haut-Empire romain. Le récit complet le plus ancien parvenu jusqu'à nous est celui de Diodore de Sicile dans la Bibliothèque historique, livre XVII, écrit au Ier siècle av. J.-C.[20]. On peut néanmoins ajouter les Histoires de Polybe, écrites au IIe siècle av. J.-C., qui évoquent quelques faits ayant trait aux conquêtes d'Alexandre[21],[N 5].

Il convient parmi les compilateurs tardifs de distinguer deux traditions historiques. La première tradition, jugée la plus fiable par les historiens modernes[22], est celle représentée par Arrien (l'Anabase et dans une moindre mesure L'Inde) et Plutarque (Vies parallèles des hommes illustres). Pour raconter l'épopée d'Alexandre, ces deux auteurs puisent dans les Mémoires de Ptolémée et d'Aristobule[22]. Dans la Vie d'Alexandre composée au début du IIe siècle, Plutarque, biographe et moraliste de langue grecque, s'intéresse à travers de nombreuses anecdotes au caractère d'Alexandre, mis en parallèle avec Jules César, car pour Plutarque les paroles disent plus que les actions[23]. Son portrait est plutôt favorable et admiratif, comme Arrien[24]. Ses sources sont principalement les Éphémérides, un recueil de la correspondance d'Alexandre et une vingtaine d'auteurs antiques[25]. Il rédige par ailleurs, parmi ses Œuvres morales, Sur la fortune d'Alexandre, un exposé dans lequel il démontre toute sa fascination pour le conquérant[26]. Mettre en avant les hauts faits d'Alexandre, et des Grecs en général, est pour lui un moyen de faire revivre un monde désormais dominé par les Romains, bien qu'il se réjouisse aussi des bienfaits de la Pax Romana[26]. Dans l'Anabase, écrite en grec au IIe siècle, Arrien, officier impérial de haut rang, insiste sur les faits militaires avec sobriété et précision, tout en montrant une grande admiration pour Alexandre. Selon lui, nul parmi les Grecs et les barbares n'a réalisé de telles prouesses[27]. Il annonce dès la préface utiliser comme source les récits de Ptolémée et d'Aristobule tout en s'efforçant de les critiquer par moments[27].

La seconde tradition, jugée moins fiable par endroits, est celle représentée par Diodore, Quinte-Curce et Justin, les auteurs de la vulgate d'Alexandre, qui fondent leurs récits en grande partie sur l'Histoire d'Alexandre de Clitarque, rédigée quelques années après la mort du souverain[3]. Ces auteurs présentent une vision apologétique du règne d'Alexandre et émaillent leurs récits de quelques affabulations. Diodore offre dans la Bibliothèque historique, écrite en grec au Ier siècle av. J.-C., un témoignage détaillé qui permet de mettre en lumière des sources aujourd'hui disparues[21], même si sa principale source est probablement Clitarque qu'il déforme pour ses besoins moralistes[28]. Le livre XVII est considéré comme le plus abouti et le plus long de la Bibliothèque historique[29],[30]. Alexandre y apparaît tel un héros, mêlant grandeur et fortune, louant le souverain bon, sensible et stratège ; mais ses excès ne sont pas cachés, bien que Diodore les explique par des raisons politiques ou par l'intervention des dieux[31],[32]. Quinte-Curce, qui a vécu au Ier siècle av. J.-C., a composé une Histoire d'Alexandre le Grand en latin, dont il ne subsiste que huit des dix livres originels, les deux premiers ainsi que quelques passages éparses étant manquants[33]. L'œuvre est en grande partie puisée dans L'Histoire d'Alexandre de Clitarque et dans le récit de Callisthène. Elle s'inspire également des mémoires de Ptolémée et d'Aristobule, ce qui explique les quelques concordances avec l'Anabase d'Arrien[34]. Bien qu'il expose quelques fables dans la continuité de Clitarque, Quinte-Curce propose une pensée rigoureuse[34]. Son texte est le seul récit historique concernant Alexandre disponible en Occident au Moyen Âge[35]. Justin, qui a peut-être vécu au milieu du IIe siècle[N 6], est l'abréviateur des Histoires philippiques, aujourd'hui disparues, du Gallo-Romain Trogue Pompée composées sous le règne d'Auguste parmi une Histoire universelle. Trogue Pompée utilise des sources grecques peu connues. Il est assez probable qu'il ait utilisé Clitarque pour la vie d'Alexandre[36], dont peut-être Hiéronymos de Cardia, contemporain des Diadoques[34]. Ces sources, qui offrent une interprétation anti-romaine, ont pour intérêt de mettre en avant des peuples non latins (Macédoniens, Parthes, Carthaginois, etc.)[34],[37]. Son récit n'en reste pas moins émaillé d'erreurs historiques et d'approximations chronologiques[34]. Les problèmes chronologiques, comme Diodore, viennent des décalages entre les années macédoniennes et athéniennes ainsi que des compagnons d'Alexandre dont le calendrier se base sur les années régnantes[38]. Trogue Pompée a une opinion plutôt négative sur Alexandre mais reconnaît un grand souverain[39]. Justin, qui a résumé l'œuvre de Trogue Pompée (les livres XI et XII concernent spécifiquement Alexandre mais inséré dans une histoire universelle, ce n'est une biographie comme Diodore), également influencé par les populaires romans d'Alexandre de son époque, insiste sur les aspects moralisants et dramatiques (surtout les moments de cruautés et les rapports avec Philippe II), tout en proposant une narration animée[40],[39], les digressions trop savantes ne sont pas retranscrites[N 7].

Les comptes rendus (stathmoi ou « étapes ») des bématistes[N 8], les arpenteurs ayant pour mission de calculer les distances et de décrire les régions traversées par Alexandre, ont été repris par des auteurs antiques, dont Ératosthène, Strabon, Athénée de Naucratis, Pline l'Ancien, Élien et Eusèbe de Césarée[4].

Finalement les auteurs antiques n'ont pas délivré un récit historique impartial mais plutôt un exposé des hauts faits d'Alexandre ponctués d'appréciations moralisantes[41]. Ils ont aussi en commun d'avoir trop délaissé les adversaires d'Alexandre ou ce qui ne concerne pas directement ses conquêtes[3].

Sources archéologiques

Mosaïque représentant probablement Alexandre et Héphaistion chassant le cerf
Mosaïque de la chasse au cerf représentant probablement Alexandre et Héphaistion, IVe siècle av. J.-C., musée archéologique de Pella.

Les témoignages archéologiques datant du règne d'Alexandre demeurent très rares. Son règne ayant été relativement bref, il est difficile de dater une couche archéologique de cette époque[42]. La plupart des Alexandrie qu'il a fondées ont disparu, mise à part Alexandrie d'Égypte, même si sa construction a été achevée sous Ptolémée II[43]. Le site actuel d'Aï Khanoum correspond peut-être à Alexandrie de l'Oxos mais la documentation découverte est plus tardive. La tombe de Philippe II, mise au jour dans la nécropole royale de l'antique Aigéai, montre une scène de chasse sur une fresque ; il pourrait s'agir du jeune Alexandre aux côtés de son père[42].

La plupart des œuvres d'art contemporaines du règne d'Alexandre, dont celle des sculpteurs Lysippe et Léocharès ou du peintre Apelle, ont disparu, même si de nombreuses copies ont été réalisées à l'époque romaine. Il subsiste quelques œuvres originales de l'époque hellénistique. Les mosaïques de la chasse au lion et de la chasse au cerf qui représentent vraisemblablement Alexandre datent du dernier quart du IVe siècle av. J.-C.[44] ; elles ont été mises dans des maisons à Pella[45]. Le sarcophage d'Alexandre retrouvé à Sidon date de la fin du IVe siècle av. J.-C. ; il glorifie le conquérant tout en montrant sa capacité à s'allier avec les élites perses sur le panneau de la chasse[42]. La célèbre mosaïque d'Alexandre provenant de Pompéi daterait de la fin du IIe siècle av. J.-C., même si la peinture originale qui a servi de modèle date de la deuxième moitié du IIIe siècle av. J.-C. selon l'hypothèse dominante[46]. Elle montre Alexandre combattant Darius III à la bataille d'Issos selon la théorie traditionnelle, soit selon une autre théorie à la bataille de Gaugamèles[46], ou alors il s'agit d'un archétype des victoires d'Alexandre[47].

Découvertes récentes

Tablette en argile écrite en cunéiformes babyloniens mentionnant la mort d'Alexandre
Tablette astronomique babylonienne mentionnant la mort d'Alexandre le 11 juin , British Museum.

Des découvertes plus récentes, ou des publications proposant de nouvelles interprétations, apportent un regard neuf sur les conquêtes d'Alexandre en mettant en lumière les territoires de l'Empire perse[48]. Ainsi des tablettes astronomiques babyloniennes datant des époques achéménide et hellénistique ont été publiées en 1988. L'une d'entre elles, portant la mention « le roi est mort », a permis de dater précisément la mort d'Alexandre dans la nuit du 10 au 11 juin Une autre, datée du , évoque la bataille de Gaugamèles, la fuite de Darius III en Médie et l'entrée d'Alexandre à Babylone probablement le 21 octobre 331[48].

Des papyrus rédigés en araméen, découverts en 1962 près de Jéricho[49], témoignent de la fuite de Samaritains face à l'avancée d'Alexandre en 331[50],[N 9]. Des documents écrits en araméen sur bois et parchemin, pas encore publiés (en 2018), ont été découverts en Bactriane (Afghanistan actuelle) ; l'une de ses lettres, qui concerne une distribution alimentaire, témoigne d'une continuité administrative entre l'empire d'Alexandre et celui des Achéménides[51].

Un trésor monétaire a été mis au jour en Afghanistan en 1992. Il consiste en une monnaie d'or correspondant à un double darique, avec au droit la tête d'Alexandre couverte d'un scalp d'éléphant et portant les cornes d'Ammon et au revers un éléphant avec au-dessus les lettres « BA », signifiant peut-être Basiléôs Alexandrou (« De Roi Alexandre »). Cette monnaie, frappée après la victoire contre Poros à la bataille de l'Hydaspe, peut être rapprochée des « monnaies à l'éléphant » postérieures. Elle serait pour certains chercheurs, malgré les incertitudes, le seul portrait contemporain d'Alexandre[19].

L'oasis d'Al-Bahariya, située en Égypte sur la route empruntée par Alexandre en 332 entre Memphis et l'oasis de Siwa, abrite les vestiges d'un sanctuaire dit d'Alexandre, mis au jour en 1938, qui comporte un piédestal sur lequel est gravée une inscription en écriture hiéroglyphe. Celle-ci confirme qu'Alexandre aurait bien reçu le protocole pharaonique complet[52]. Une deuxième inscription en grec, récemment publiée, porte la dédicace « Le roi Alexandre à son père Amon »[53].

Des archéologues du British Museum pensent avoir découvert les vestiges d'une cité fortifiée, Qalatga Darband, qu'Alexandre a fondée après la bataille de Gaugamèles en 331. Ils se référent à des photographies prises dans le Kurdistan irakien par la Central Intelligence Agency pendant la guerre froide, déclassifiées en 1996[4]. En fouillant le site, les archéologues ont notamment mis au jour les vestiges d'un mur d'enceinte et les fondations de divers bâtiments. Les fouilles se poursuivent à l'heure actuelle (2018)[4].

Évolution de l'historiographie

Au Moyen Âge et à la Renaissance, le genre biographique reste conforme au modèle antique érigé notamment par Plutarque, tandis que le Roman d'Alexandre, très largement diffusé depuis le XIIe siècle, a fait entrer Alexandre dans la légende[54]. Durant ces époques, il est vu comme le modèle du prince vertueux et du roi-conquérant[55]. La première biographie moderne d'Alexandre est rédigée par Samuel Clarke en 1665 dans une Angleterre marquée par la Première révolution. Il y apparait comme l'incarnation de la démesure et du despotisme[55]. En France, au siècle des Lumières, Plutarque, Arrien et Quinte-Curce connaissent un nouvel examen critique grâce aux travaux de Pierre Bayle, Voltaire, Jean-François Marmontel et Guillaume de Sainte-Croix[55]. Dans L'Esprit des lois (1748), Montesquieu évoque Alexandre comme celui qui a permis une « révolution du commerce ». Il fait suite aux travaux de l'érudit Pierre-Daniel Huet qui a publié une Histoire du commerce (1716) qui met en valeur l'œuvre fondatrice d'Alexandre[55]. Cette vision se retrouve dans Recherches historiques sur l'Inde (1790) de l'écossais William Robertson qui fait d'Alexandre un modèle car il aurait associé conquête militaire, échanges commerciaux et diffusion de la civilisation européenne[56]. Pour autant au XVIIIe siècle, il existe très peu de textes entièrement consacrés à Alexandre[55]. Au début du XIXe siècle, dans une Prusse traumatisée par la défaite d'Iéna, l'historien Barthold Georg Niebuhr condamne l'œuvre d'Alexandre, incapable selon lui de consolider le royaume dont il a hérité et exalte au contraire l'unification de la Grèce conduite par Philippe II[55].

L'Histoire d'Alexandre le Grand de Johann Gustav Droysen, publiée en 1833, marque le début d'un véritable examen scientifique de l'œuvre d'Alexandre[55],[N 10]. L'historien, élève de Hegel et créateur du terme « hellénistique »[57], fait de lui un héros de l'histoire universelle[58]. Droysen envisage les aspects culturels de la politique d'Alexandre, qui consiste, selon lui, à fusionner « la vitalité ardente de la Grèce » et « les masses inertes de l'Asie »[58]. Il loue la politique économique et les fondations de cité qui auraient mis en valeur les « immenses trésors autrefois stériles » de l'Asie[59]. Il affirme qu'Alexandre a préparé l'émergence d'une « religion mondiale » et qu'il est le fondateur d'une ère nouvelle à l'origine d'une civilisation qui perdure jusqu'à la chute de l'Empire byzantin en 1453[60]. Finalement aux yeux de Droysen, la Macédoine antique ressemble à la Prusse contemporaine dont la mission est d'unifier le peuple allemand comme Philippe et Alexandre l'ont fait pour la Grèce[61]. Dans le monde anglo-saxon, le premier représentant de cette vision idéalisée est William W. Tarn, dont la biographie d'Alexandre publiée en 1948, le décrit comme un héros civilisateur[62]. Pour l'historien britannique, Alexandre « a été le pionnier d'une des plus grandes révolutions dans l'histoire du monde » en initiant l'union matrimoniale entre Macédoniens et Perses dans une volonté de fraternité universelle[63]. Peter Green, dans Alexander of Macedon, 356-323 B.C.: A Historical Biography (1970, rééditée en 1991) cherche notamment à étudier la psychologie d'Alexandre ; il insiste sur son « génie militaire » tout en notant son absence de véritable projet au départ de l'expédition. Il reprend finalement à son compte l'idéologie du « héros » véhiculée par l'historiographie ancienne[64]. Les ouvrages de Robin Lane Fox, qui ont inspiré Oliver Stone pour son film Alexandre (2004), présentent une vision apologétique du règne d'Alexandre tout en insistant sur la supposée décadence de l'Empire perse[65].

Cette évaluation élogieuse contraste avec celle résolument plus négative qui reprend des critiques datant de l'Antiquité, dont celles émises par les philosophes stoïciens, à savoir qu'Alexandre serait un « prédateur » aux qualités avant tout militaires car politiquement il aurait échoué du fait de son impulsivité et de son irrationalité, finissant par s'isoler à cause de « purges » parmi ses officiers[66]. Le premier représentant de cette école critique est Karl Julius Beloch dans Griechische Geschichte (réédition 1912-1917) qui considère Alexandre comme un tyran[67]. Dans Alexander der Grosse: Das Problem seiner Persönlichkeit und seines Wirkens (1949, rééditée en 1973), Fritz Schachermeyr, historien proche du nazisme, se montre également critique envers Alexandre[67]. Cette analyse se retrouve chez Albert B. Bosworth dans Conquest and empire: The reign of Alexander the Great (1988), un ouvrage qui fait encore autorité de nos jours, et chez Peter Green dans Alexander of Macedon, 356–323 BC. : A Historical Biography, University of California Press (1992, réédité en 2013)[67]. Le génie militaire d'Alexandre, auparavant unanimement reconnu, est aussi relativisé par la critique moderne. Ernst Badian dans Der Neue Pauly. Enzyklopädie der Antike (1996) qualifie le retour d'Inde de « catastrophe militaire » ; Waldemar Heckel, dans The Conquests of Alexander the Great (2008) souligne les capacités stratégiques d'Alexandre mais s'oppose à une conception trop romantique de son règne. Face à ces critiques, l'historien Frank Holt met en garde contre une « nouvelle orthodoxie » qui ferait balancer le pendule du culte héroïque d'Alexandre d'un extrême à l'autre[68].

Les recherches récentes s'abstiennent de chercher à comprendre totalement la personnalité d'Alexandre ou de porter un jugement moral. Elles cherchent plutôt à examiner l'expression de la royauté, sa transformation ainsi que les conséquences politiques des conquêtes. La thèse de Paul Goukowsky, Essai sur les origines du mythe d’Alexandre (1978-1981), a renouvelé l'étude en posant la question du pouvoir, de l'éthique et du merveilleux[58]. Les travaux de l'historien grec Miltiade Hatzopoulos, dont Macedonian Institutions Under the Kings : A historical and epigraphic study (1996), ont étendu la vision de l'histoire d'Alexandre à travers une étude de l'État macédonien des Argéades aux Antigonides. Parmi les historiens contemporains, se distinguent Edward M. Anson qui propose dans Alexander the Great: Themes and issues (2013) une étude des enjeux politiques et culturels du règne d'Alexandre, ainsi qu'Ian Worthington dans By the spear: Philip II, Alexander the Great, and the rise and fall of the Macedonian Empire (2014) qui met en parallèle les règnes de Philippe II et de son fils[67]. Enfin, grâce notamment aux travaux de Pierre Briant et Paul Bernard, l'héritage achéménide est désormais envisagé dans sa pleine mesure : les peuples conquis, longtemps « sans histoire », sont davantage pris en compte dans l'étude de l'empire fondé par Alexandre[69].

Jeunesse et éducation

Naissance et filiation

Pilier hermaïque d'Alexandre connu sous le nom d'« Hermès Azara », copie romaine d'époque impériale d'une sculpture en bronze de Lysippe. Inscription : « Alexandre [le Grand], fils de Philippe, [roi de] Macédoine » .

Alexandre est né à Pella, la capitale du royaume de Macédoine, le 20 ou le [N 11]. Il est le fils aîné du roi de Macédoine Philippe II, de la dynastie des Argéades, et d'Olympias, sa troisième épouse, princesse éacide d’Épire de la tribu des Molosses[70]. Il a pour sœur Cléopâtre née en 355[71]. Par son père, il prétend descendre de Téménos d'Argos[N 12], lui-même supposément descendant d'Héraclès, fils de Zeus. Par sa mère, il affirme descendre de Néoptolème, fils d’Achille[A 6].

Une légende, connue dès l'Antiquité, dit qu'Olympias n'aurait pas conçu Alexandre avec Philippe, qui a peur d'elle et de son habitude de dormir en compagnie de serpents[72], mais avec Zeus. Alexandre se sert de ces contes populaires à des fins politiques, faisant parfois référence au dieu plutôt qu'à Philippe quand il évoque son père. Une autre légende datant du IIIe siècle apr. J.-C., d'origine alexandrine et attribuée au Pseudo-Callisthène, veut qu'Alexandre soit le fils du dernier pharaon d’Égypte de la XXXe dynastie, Nectanébo II, chassé du pouvoir par Artaxerxès III et réfugié à la cour de Philippe[73].

Selon une affirmation rapportée entre autres par Plutarque, Alexandre serait né la nuit même où Érostrate a incendié le temple d'Artémis à Éphèse, l'une des sept merveilles du monde antique[A 7]. Alexandre utilisera plus tard cette coïncidence pour renforcer son aura politique en proposant de financer la restauration du temple, qui est cependant refusée par les Éphésiens[74]. Plutarque indique également que Philippe et Olympias ont rêvé de la future naissance de leur fils. Après avoir consulté Aristandre de Telmessos, celui-ci détermine qu'Olympias est enceinte et que l’enfant aura le caractère d’un lion[A 8].

À l'âge de 10 ans, si l'on en croit Eschine[A 9], Alexandre aurait joué de la lyre et récité des tirades tragiques devant des ambassadeurs athéniens conduits par Démosthène, qui l'aurait raillé[75].

Influences culturelles d'Alexandre

Achille pendant la guerre de Troie, céramique de la fin du IVe siècle av. J.-C.

Les Macédoniens sont généralement considérés comme un peuple essentiellement grec[76]. Cependant, l'appartenance culturelle exacte des Macédoniens fait encore l'objet d'un débat historique[77]. Aux yeux des Grecs de l'époque classique, dont Aristote[A 10] et Démosthène[A 11], les Macédoniens sont, pour des raisons politiques, considérés comme des barbares. Platon les considère lui comme des semi-Grecs et des « demi-barbares » (mixobarbaroi)[A 12], tandis qu' Hérodote, Euripide, et plus tard Polybe et Strabon les considèrent comme entièrement Grecs[A 13]. Chez Arrien, Alexandre se considère comme un fier Grec[78].

La plupart des historiens modernes, qui s'appuient sur de récentes découvertes archéologiques, contestent une vision trop « athénocentrique » de la civilisation hellénique qui considèrerait comme « barbares » tous les peuples vivant au nord et à l'ouest de Delphes. Aujourd'hui, il est attesté que les Macédoniens parlent un dialecte grec, l'ancien macédonien, dont la forme écrite s'avère proche de celle des dialectes de Thessalie et d'Épire[79]. Ils vénèrent par ailleurs les divinités olympiennes[80].

Alexandre apparait donc profondément influencé par la culture hellénique. Dès l'époque d'Archélaos Ier (fin du Ve siècle av. J.-C.), la langue officielle de la cour et de la chancellerie macédonienne devient l'attique. Philippe II, qui a séjourné comme otage à Thèbes entre 368 et 365[81], parle couramment l'attique. Selon Plutarque, Alexandre ne parle l'ancien macédonien que sous le coup d'une forte émotion[A 14]. Il connaît par cœur des citations de l’Iliade d'Homère, dont il emporte un exemplaire en Asie annoté de la main d'Aristote, son précepteur[82]. Ayant pour modèle héroïque Achille[83], il considère cette œuvre comme la « meilleure provision pour l'art militaire »[A 15]. Il y puise la « doctrine homérique de la guerre » : le chef doit exalter le courage des combattants, chercher les moyens de vaincre en préservant la vie de ses hommes et profiter des points faibles de l'ennemi[84]. Il a aussi lu les Histoires d'Hérodote ainsi que l’Anabase et la Cyropédie de Xénophon, auteurs qu'il saura exploiter durant ses conquêtes[85]. Ces auteurs lui ont en effet appris que le principe de la bataille rangée l'emporte sur la « multitude des barbares » et que la victoire est offerte, non par le nombre, mais par la bravoure et l'obéissance au chef. Il se montre aussi familier des tragédies d'Eschyle, Sophocle et Euripide[86] dont il se fait amener les œuvres alors qu'il conquiert l'Asie[A 15]. Il possède également des notions de médecine, théoriques et pratiques[82]. Enfin, la chasse parait être un élément prépondérant de son éducation conformément aux idées de Xénophon et d'Isocrate[87].

Influence d'Aristote

Portrait sculpté d'Aristote
Portrait d'Aristote, copie romaine d'après un original en bronze de Lysippe, musée du Louvre.

À partir de l'âge de 7 ans[88], Alexandre reçoit une éducation (la paideia) « à la dure » dispensée par Léonidas, un parent d'Olympias de mœurs austères, et par Lysimaque d'Acarnanie, qui l'accompagnera en Asie[89]. Ses maîtres lui enseignent, en plus des exercices physiques, la littérature, la musique et de manière plus générale la piété et la frugalité[89]. Mais Philippe II a d'autres ambitions pour son fils et il décide de lui donner pour précepteurs les philosophes Ménechme, également mathématicien, et surtout Aristote de 342 à [90]. Ce dernier est le fils de Nicomaque, médecin d'Amyntas III, lui-même grand-père d'Alexandre. Philippe mandate le philosophe dans le cadre d'un accord politique passé avec Hermias, tyran d'Atarnée, chez qui Aristote a séjourné après son exil d'Athènes[91]. Philippe assigne au philosophe un lieu d'enseignement, un sanctuaire consacré aux nymphes à côté de Pella[92], probablement le Nympheion de Miéza. Alexandre y reçoit des leçons en compagnie de ses futurs compagnons d'armes : Héphaistion, Ptolémée, Perdiccas, Eumène, Séleucos, Philotas et Callisthène[93]. À la même époque, il suit un entraînement militaire et sportif intensif[94]. Cette cohésion très forte entre Alexandre et ses amis (philoi) trouve ses sources dans la tradition macédonienne qui veut que les fils de rois et les fils de nobles soient élevés ensemble pour former un véritable clan, celui des Compagnons (hétaires)[95].

Il est difficile d'évaluer pleinement le rôle joué par Aristote auprès d'Alexandre, certains modernes ayant eu tendance à le surévaluer[96], quand bien même Alexandre a proclamé qu'il doit à son père de vivre, mais qu'il doit à son précepteur de vivre bien[97]. À cet égard, Droysen affirme qu'Alexandre est comme homme d'État ce qu'Aristote est comme penseur[98]. Il paraît néanmoins évident que le philosophe ne se contente pas du rôle de précepteur privé. Il rédige pour son élève une édition annotée de l'Iliade, récit guerrier de l'éloignement par excellence, qu'Alexandre emporte avec lui en Asie et dont il tire sa ligne de conduite[A 16],[82]. Aristote entend faire dépasser les limites étroites de la polis. Il forge chez son élève la conviction que la Grèce peut être unifiée sous l'égide d'un monarque absolu macédonien mais n'ayant rien d'un tyran[99], afin de faire triompher l'hellénisme à travers le monde, si la personnalité remarquable d'un individu supérieur arrive à l'incarner[100]. C'est ce type de roi qu'Aristote cherche en Alexandre, et l'influence décisive du philosophe se mesure au sentiment qu'a Alexandre, en maintes occasions, d'être investi d'une mission historique qui consiste à unifier l'Occident et l'Orient[101]. Par ailleurs, Aristote montre de virulents sentiments anti-perses depuis son séjour à la cour d'Hermias d'Atarnée, exécuté sur l'ordre d'Artaxerxès III en 341[102]. Il appellera plus tard Alexandre à traiter les barbares perses comme des plantes ou des animaux, mais sans être entendu[91]. Enfin, le philosophe enseigne au futur roi les vertus de l'amitié (philia) qui est selon lui « la chose la plus nécessaire à l'existence[A 17] ; elle assure la cohésion dans la pensée politique et dans la bataille[95].

Règne

Roi de Macédoine

Association au pouvoir (340-336)

Carte représentant le royaume de Macédoine à la mort de Philippe II
Le royaume de Macédoine à la mort de Philippe II.

Sous le règne de Philippe II, le royaume de Macédoine a triplé sa surface et étendu son hégémonie sur la Grèce. Après avoir soumis les peuples voisins (Illyriens, Péoniens et Thraces), Philippe défait les Phocidiens en durant la troisième guerre sacrée puis soumet la Ligue chalcidienne. Surtout, il triomphe d'une coalition réunissant Athènes et Thèbes à la bataille de Chéronée en 338[103]. Alexandre y fait ses preuves en commandant la cavalerie de l'aile gauche et en taillant en pièces le bataillon sacré des Thébains contre lequel il se jette en premier selon une tradition historique[104]. Il est chargé, en compagnie d'Antipater, de ramener à Athènes les cendres des soldats tués à la bataille[105]. Après cette retentissante victoire, Philippe fonde la ligue de Corinthe qui rassemble sous son commandement toutes les cités grecques, à l'exception de Sparte. La ligue a un double objectif : assurer l'hégémonie de la Macédoine en Grèce et porter la guerre contre l'Empire perse[106].

En 340, Alexandre, âgé de 16 ans et élève d'Aristote, est appelé par Philippe à la cour de Pella afin d'apprendre le fonctionnement de l'État[107]. C'est à cette époque qu'il aurait dompté Bucéphale[107]. Puis, son père étant parti assiéger Périnthe et Byzance, il se voit confier la régence de Macédoine[108], même s'il est entouré de conseillers expérimentés tel Antipater[107]. En 339, il reçoit son premier commandement militaire lors d'une campagne contre des tribus thraces dans la région du Strymon, avec pour objectif d'assurer le contrôle des frontières de la Macédoine[109]. Cette campagne victorieuse, qui s'apparente davantage à un raid, aboutit à l'installation d'une garnison dans une ville appelée Alexandropolis dans le massif de la Rila, en actuelle Bulgarie[110]. Il profite de cette expédition pour entrer en contact avec une tribu péonienne qui lui fournit des peltastes d'élite, les Agrianes[110].

En 339, intervient une intrigue concernant Pixodaros, satrape de Carie[111]. Celui-ci tente en effet de marier sa fille à Arrhidée, le deuxième fils de Philippe ; mais son projet est contrecarré par Alexandre et quelques-uns de ses amis proches, Ptolémée, Néarque, Harpale, Laomédon et Érigyios. En représailles, ces derniers sont condamnés à l'exil et n'en reviendront qu'après la mort de Philippe[111].

En 336, une violente dispute oppose le père et le fils quand ce dernier prend le parti de sa mère Olympias, alors que Philippe souhaite imposer comme seconde épouse légitime Cléopâtre, nièce du puissant général Attale, et dont il a bientôt un enfant[112]. Alexandre doit se réfugier dans la famille de sa mère en Épire. La brouille ne dure pas, Alexandre sauvant la vie de son père lors d'une confrontation avec les Triballes[108].

Accession au pouvoir (été 336)

Sculpture d'Alexandre jeune
Portrait juvénile d'Alexandre attribué à Léocharès ou à Lysippe, musée de l'Acropole d'Athènes.

Au cours de l’été , Philippe II est assassiné pendant la cérémonie de mariage de sa fille Cléopâtre avec le roi d'Épire, Alexandre le Molosse, frère d’Olympias. L'assassin est un jeune noble et garde du corps (sômatophylaque), Pausanias d'Orestide, qui garde une rancune envers le roi après avoir subi un viol[113]. Certains auteurs antiques ont cru que le meurtre de Philippe est une machination impliquant Olympias, et peut-être Alexandre ; mais d'autres auteurs[A 18] penchent pour un mobile personnel[114]. Peu d'historiens contemporains[115] considèrent qu'Alexandre est impliqué dans le meurtre de son père alors que toute la conduite de Philippe montre qu'il entend en faire son successeur[116]. Une autre hypothèse met en cause Darius III, roi de Perse depuis 336. Arrien mentionne ainsi une lettre virulente d'Alexandre adressée à Darius, après la bataille d'Issos (333), qui le blâme pour le meurtre de son père[A 19]. Alexandre aurait également demandé à l'oracle d'Amon à Siwa s'il a bien puni tous les assassins de son père[A 20].

Après l'assassinat de Philippe à l'été 336, l’Assemblée des Macédoniens proclame, avec le concours d'Antipater, Alexandre, alors âgé de 20 ans, nouveau roi des Macédoniens[117],[N 13]. Les cités grecques, en premier lieu Athènes et Thèbes, qui ont prêté allégeance à Philippe, ne souhaitent pas renouveler leur alliance avec le nouveau roi. Alexandre ordonne immédiatement l’exécution de tous ses rivaux potentiels[118]. Ainsi, il fait tuer son cousin Amyntas IV, roi vers 360-359 que Philippe II a renversé alors qu’il n’était qu’un enfant[119]. Olympias, profitant d'une absence de son fils parti guerroyer au nord, fait tuer Cléopâtre en contraignant cette dernière à se pendre après avoir vu sa fille, Europa, égorgée dans ses bras[120]. L'oncle de Cléopâtre, Attale, alors en campagne en Asie Mineure avec Parménion, est assassiné, sans que l'on sache si la reine-mère a agi avec l'assentiment d’Alexandre[121]. Alexandre, sous les conseils de sa mère, fait également exécuter Caranos, un fils de Philippe et de Phila, ainsi que deux princes de Lyncestide[121]. À cette date le nouveau roi de Macédoine n’a plus de rival capable de lui contester le trône.

Expéditions septentrionales (hiver 336-été 335)

Les peuplades voisines de la Macédoine au IVe siècle av. J.-C.

Alexandre n'est pas seulement roi des Macédoniens, mais aussi, comme son père Philippe II, archonte à vie des Thessaliens, hégémôn (« commandant ») et stratège de la ligue de Corinthe. De ce fait, il entreprend une rapide tournée diplomatique en Grèce afin que le réseau constitué patiemment par son père ne se délite pas. L'allégeance thessalienne est renouvelée tandis que les Athéniens prêtent serment au nouvel hègémôn[122].

Cependant, avant de porter la guerre contre les Perses en Asie, Alexandre doit assurer la sécurité du royaume par deux expéditions contre les barbares du nord, l’une jusqu’au Danube, l’autre en Illyrie révoltée[122]. En effet, escomptant profiter de la mort de Philippe, des tribus thraces et gètes menacent la Macédoine. Au printemps , alors qu'Antipater exerce la régence, Alexandre vainc les Gètes, puis traverse le pays des Odryses[123]. Il défait les Triballes du roi Syrmos sur les bords du fleuve Hémos[123], près du delta du Danube. Syrmos a perdu près de 3 000 guerriers, poussant les autres tribus à la paix. Alexandre désigne Zopyrion gouverneur de la Thrace. Des émissaires celtes, probablement des Scordiques, rencontrent à cette occasion Alexandre sur le Danube[A 21]. La frontière septentrionale du royaume est dès lors fixée le long du Danube[122].

Mais dans le même temps, des peuplades illyriennes font une incursion en Macédoine, avec à leur tête Clitos, roi des Dardaniens, qui parvient à rallier les Taulantiens du roi Glaucias et les Autariates du roi Pleuras[A 22]. En juillet 335, Alexandre marche avec ses troupes vers le territoire des Agrianes en Péonie, dont le roi Langaros lui vient en aide[N 14]. Victorieux au siège de Pélion en décembre 335[123], Alexandre contraint les Illyriens au repli. Clitos retrouve néanmoins son trône, devenant vassal du royaume de Macédoine[124].

Révolte des cités grecques (automne-hiver 335)

Tandis qu'Alexandre est occupé au nord contre les Triballes, des cités grecques décident se révolter contre les Macédoniens. C'est le résultat de la politique de Darius III qui, grâce à Memnon de Rhodes, a reconquis les territoires pris par Parménion à la fin du règne de Philippe II, et tente de susciter une révolte en Grèce en envoyant des fonds aux cités[125]. La rumeur de la mort d'Alexandre sur le Danube déclenche la rébellion de Thèbes, qui abrite une garnison macédonienne depuis sa défaite à Chéronée en 338 av. J.-C., alors qu'Athènes et Sparte promettent de l'aider.

La riposte d'Alexandre est foudroyante. Il aurait d'ailleurs déclaré selon Plutarque[A 23] : « Démosthène me traitait d'enfant quand j'étais en Illyrie et chez les Triballes, puis d'adolescent quand je suis entré en Thessalie ; je veux lui faire voir devant les murs d'Athènes, que je suis un homme ». Alexandre traverse la Grèce à marche forcée avec son armée au complet[N 15] et franchit les Thermopyles surprenant les Thébains alors occupés à assiéger la garnison macédonienne installée dans l'acropole de la Cadmée[A 24]. À l'issue de la bataille de Thèbes et malgré une vive résistance[A 25], la cité tombe aux mains des Macédoniens en décembre 335, d'autant que les Athéniens et les Spartiates ne lui sont pas venus en aide[A 26]. Conformément aux directives de la ligue de Corinthe où les Thébains comptent de nombreux ennemis[125], la cité est entièrement rasée ; seuls sont épargnés la citadelle de la Cadmée, la maison natale de Pindare par égard pour ses relations avec les Argéades, ainsi que les temples. Sa population, soit 30 000 personnes, est réduite en esclavage et les terres partagées entre les vainqueurs[126]. Manifestant un repentir après la destruction de Thèbes, Alexandre cherchera tout au long de son règne à se prémunir contre le courroux de Dionysos[A 27], dont la mère Sémélé est la fille de Cadmos, fondateur de la cité, en l'honorant par de nombreux sacrifices.

Alexandre épargne néanmoins Athènes. Cette générosité peut s'expliquer par le fait que le roi ne peut se permettre de détruire le principal centre intellectuel de la Grèce à la veille d'une expédition panhellénique[125], alors que cette cité est faite selon lui « pour donner la loi au reste de la Grèce » quand il sera en Asie[A 27] ; son ancien précepteur Aristote s'installe d'ailleurs cette même année à Athènes pour y fonder le Lycée. Il est aussi envisageable que les talents de négociateurs de Phocion et surtout de Démade aient convaincu le roi de ne pas détruire la cité[A 28]. Alexandre réclame en vain que lui soient livrés Démosthène, Lycurgue et Hypéride[N 16].

Alexandre décide ensuite de visiter la Grèce en vainqueur. C'est à Corinthe qu'il rencontre, à l'hiver 335, Diogène de Sinope le philosophe cynique, qui clame : « Ôte-toi de mon soleil », Alexandre répliquant alors à ses officiers : « Si je n'étais Alexandre, je voudrais être Diogène »[A 29]. À la même période, Alexandre se rend également à Delphes. Comme la Pythie ne peut émettre de prophétie, Apollon passant pour être absent pendant les mois d'hiver, Alexandre, selon la légende, l'aurait prise par le bras pour la mener malgré elle au trépied sacrificiel. Elle s'écrie alors : « Ô mon fils, tu es irrésistible ! », Alexandre considérant cette exclamation comme un oracle[98].

Alexandre le conquérant

Objectifs de l'expédition en Asie

Alexandre reprend à son compte le projet panhellénique de son père Philippe II, fidèle à la pensée d'Isocrate[A 30] qui appelle à l'union des Grecs autour du royaume de Macédoine contre l'ennemi héréditaire que représentent les Perses[125]. La guerre contre l'Empire achéménide semble inévitable depuis qu'Artaxerxès III est venu en aide à Byzance et à Périnthe en avec pour objectif de réduire cette expansion macédonienne qui remet en cause la « Paix du Roi »[127]. Philippe n'a pas envisagé la conquête de l'ensemble de l'Empire perse, mais plutôt d'en détacher les provinces égéennes où l'influence grecque est forte, au contraire du plateau anatolien fortement iranisé[127]. Il cherche aussi à fédérer les Grecs contre les Perses, avant que ceux-ci ne s'allient contre lui[127] ; d'ailleurs certains Grecs espèrent que cette expédition affaiblira la Macédoine et correspondent secrètement avec les Perses[127].

À l'automne , l'assemblée de la ligue de Corinthe fixe les modalités de l'expédition en Asie[128], où une tête de pont strictement macédonienne, commandée par Parménion et Attale, est déjà installée depuis 336 en Troade. Alexandre accélère l'expédition car cette tête de pont reste fragile. Il entend aussi s'affranchir de la tutelle d'Antipater, qu'il a désigné régent de Macédoine, et acquérir un prestige militaire qui lui permettrait de supplanter Parménion et son encombrante famille[129]. Les deux généraux estiment par ailleurs qu'Alexandre doit se marier avant de lancer cette expédition afin d'éviter une crise dynastique s'il mourrait sans héritier[130]. À cette date, malgré sa jeunesse, Alexandre a déjà montré sa force de décision, son sens politique et son talent militaire. La campagne contre les peuples septentrionaux a dépassé ce que son père a accompli, tandis que la destruction de Thèbes a calmé les velléités de révolte des Grecs[129]. Pour autant, il reprend à son compte la politique de son père et l'instrument militaire qu'il a forgé, tout en s'appuyant sur des officiers fidèles à sa mémoire[129].

Armée d'Alexandre

Détail du sarcophage d'Alexandre montrant un phalangite macédonien combattant un Perse à la bataille d'Issos
Un phalangite macédonien (à droite) combattant un Perse à la bataille d'Issos, détail du sarcophage d'Alexandre.

Dans le prolongement de Philippe II qui a forgé l'outil de la conquête[131], Alexandre bénéficie de nombreux atouts militaires, qui vont au-delà de son charisme personnel ou de son courage dans la bataille. Il dispose d'abord, au départ de l'expédition, d'une armée aguerrie par les guerres de Philippe[132]. Cette armée est formée d'une phalange, à la fois puissante et mobile, d'une cavalerie lourde, véritable force d'assaut, d'une cavalerie légère, rapide à la manœuvre, de tirailleurs, utiles pour le harcèlement, et d'engins de siège, efficaces pour la prise des places fortes[133]. Il s'appuie aussi sur la loyauté de ses Compagnons (hétaires), dont un escadron de 300 cavaliers forme sa garde (ou agéma), et peut compter sur les épigones (« héritiers ») perses recrutés à partir de Enfin, il tire avantage d'une bonne connaissance du terrain grâce à l'emploi systématique d'éclaireurs avant les grandes batailles[133].

L'armée d'Alexandre dispose d'une grande supériorité tactique et technique sur ses adversaires[132]. La cuirasse de 15 kg et le bouclier de 1 mètre de diamètre, qui alourdissent les hoplites grecs, ont été abandonnés à l'initiative de Philippe II. Les phalangites macédoniens (Compagnons à pieds ou pézétaires) portent un équipement défensif allégé et sont principalement armés d'une longue pique de 5,5 mètres, la sarisse[A 31],[134]. Durant les phases défensives, les phalangites forment une muraille de boucliers dont jaillissent une forêt de piques permettant de soutenir la puissance des charges adverses. Dans les phases offensives, les masses et les énergies cinétiques des phalangites se cumulent, rendant le choc tel qu'il peut renverser plusieurs rangs d'infanterie adverse. Cet allègement permet également d'équiper un plus grand nombre d'hommes. La cavalerie lourde des Compagnons compense le manque de maniabilité des phalanges en protégeant leurs flancs vulnérables et en attaquant dans une formation « en coin » ceux de l'adversaire. Alexandre utilise donc la tactique dite du « marteau » (la cavalerie) et de « l'enclume » (l'infanterie) pour remporter les batailles rangées[133].

Les effectifs au départ de l'expédition d'Asie sont d'environ 40 000 fantassins et 1 800 cavaliers macédoniens, auxquels s’ajoutent un chiffre équivalent de cavaliers thessaliens et 600 autres recrutés dans les États grecs de la ligue de Corinthe[127]. Ces effectifs, relativement faibles, sont à comparer aux 50 000 mercenaires grecs combattant dans l'armée perse[127]. Les barbares du Nord (Thraces, Péoniens, Triballes, Agrianes), motivés par l'appât du gain, fournissent de nombreuses troupes[135]. Les fantassins de la phalange, au nombre de 32 000, sont recrutés parmi la classe des propriétaires terriens. À ces troupes, il convient probablement d'ajouter les survivants du corps expéditionnaire envoyé par Philippe en Asie Mineure sous le commandement de Parménion et d'Attale[136], soit au départ environ 10 000 hommes. Alexandre ne laisse pas la Macédoine totalement dégarnie. Il laisse à Antipater, désigné régent en l'absence du roi, la moitié de la cavalerie, soit environ 1 500 hommes et 12 000 fantassins. Au fil des conquêtes des renforts parviennent d'Europe, tandis que des troupes indigènes sont intégrées comme les 30 000 Perses intégrés à la phalange. De manière plus anecdotique, Plutarque écrit qu'Alexandre commande à ses généraux de raser leur barbe et celles des soldats pour qu'elle ne puisse pas servir de prise aux mains des ennemis[A 32].

Les sources anciennes sont lacunaires, voire contradictoires, concernant les grandes batailles[132]. Les montants des effectifs de l'armée perse, souvent surévalués de manière invraisemblable, sont généralement à prendre avec précaution[132].

Débarquement en Asie (printemps 334)

Carte de l'itinéraire d’Alexandre dans la partie occidentale de l'Asie Mineure en 334
Itinéraire d'Alexandre dans la partie occidentale de l'Asie Mineure en

En , à la tête des forces coalisées réunissant Macédoniens et Grecs de la ligue de Corinthe, Alexandre part de Pella et, en vingt jours, atteint Sestos en Chersonèse de Thrace. Lorsqu'il débarque en Asie, il plante sa lance dans le sol, signifiant qu'il compte faire des domaines du Grand Roi perse la « terre conquise par la lance » (gè doriktétos)[135],[A 33]. Tandis que Parménion est chargé de transporter l'armée macédonienne à Abydos au-delà de l'Hellespont[N 17], Alexandre se dirige à la tête de 37 000 hommes vers Éléonte, en Chersonèse, où il honore par un sacrifice le héros Protésilas, premier Achéen tombé lors de la guerre de Troie. Ce geste[N 18] est le premier d'une longue liste qui illustre la volonté du roi de frapper les imaginations en se faisant passer pour le nouvel Achille, sans qu'il soit possible de savoir s'il est sincèrement pénétré de la fierté d'appartenir à la race du héros ou s'il s'agit d'une simple gestuelle théâtrale à destination de ses soldats et des peuples d'Asie Mineure et de Grèce.

Alexandre débarque ensuite en Asie près de l'emplacement supposé de Troie (ou Ilion). Il dresse des autels dans le temple d'Athéna, puis dépose une couronne sur le tombeau d'Achille, le proclamant bienheureux d'avoir eu ses exploits narrés par Homère[A 34] tandis qu'Héphaistion, son favori, fait de même sur celui de Patrocle[A 35]. Ce « pèlerinage » à Troie peut sembler tout aussi romantique que publicitaire[137]. Alexandre rejoint ensuite son armée à Arisbé en quatre jours, en contournant par le nord le massif du Pityos.

Le principal chef mercenaire grec de Darius III, Memnon de Rhodes, est partisan de la politique de la terre brûlée face aux Macédoniens, dont il estime la valeur. Il propose donc d'entraîner vers l'intérieur du pays, sans combattre, les troupes d'Alexandre, tandis que la flotte perse porterait la guerre jusqu'en Macédoine. Memnon peut légitimement espérer une révolte des cités grecques, s'appuyant sur l'or de Darius et sur le ressentiment contre Alexandre à la suite du saccage de Thèbes. Mais les satrapes perses se méfient des conseils d'un étranger et ne tiennent aucunement compte de son avis. Arsitès, le satrape de Phrygie, déclare qu'il ne laissera pas brûler une seule maison de sa satrapie[A 36].

Constatant que les cités d'Asie ne l'accueillent pas en libérateur, Alexandre décide d'avancer vers l'adversaire installé le long du fleuve Granique[137]. Contre les conseils de prudence de Parménion, il charge et défait la cavalerie adverse alors que les mercenaires grecs au service des Perses ne sont pas encore à pied d'œuvre ; ces derniers sont impitoyablement massacrés. La victoire à la bataille du Granique décapite un temps l'état-major perse[A 37] : Spithridatès et Arsitès figurent notamment au nombre des victimes. Elle laisse à Alexandre la Phrygie hellespontique et la Lydie ainsi que le bénéfice d'immenses trésors[138].

Prise des cités côtières (printemps-automne 334)

La victoire d’Alexandre au Granique a une conséquence importante : jusqu’à la bataille d'Issos, il n’y a que de simples garnisons laissées dans les cités pour s'opposer à son avancée[A 38]. Sardes, la capitale de Lydie, se rend sans coup férir[139], tandis que Parménion s'empare de Dascylion[A 39]. Éphèse, en proie à des luttes de factions, où Memnon s’est réfugié après la bataille, voit le parti démocratique favorable à Alexandre l’emporter. Celui-ci s’attire habilement la sympathie des habitants de la cité en confiant au temple d’Artémis le tribut que la cité paye jusqu’alors à Darius et en rappelant les bannis[A 40].

Les adversaires d’Alexandre se sont réfugiés à Milet, où Memnon, qui vient de quitter Éphèse, reprend les choses en main après les velléités de trahison d'Hégésistrate, le chef des mercenaires grecs au service de Darius III. Cependant Milet est rapidement prise en juillet 334, à l'issue d'un siège, après qu'Alexandre a empêché la flotte perse de mouiller sur la côte en prenant le cap Mycale. Toutefois, Memnon parvient à se réfugier à Halicarnasse dont le roi Pixodaros, frère de Mausole, s'est rangé du côté des Perses. La cité devient alors le centre de la résistance perse[140]. Memnon est assisté du satrape Orontabès et du Thébain Ephialtès, qui a juré la mort d'Alexandre depuis la destruction de sa ville d'origine. Celui-ci joue sur les rivalités internes à la cité et se fait une alliée en la personne d'Ada, la sœur de Pixodaros, que celui-ci a auparavant renversée. À l'automne 334, Alexandre interrompt le règne de Pixodaros et restaure Ada au gouvernement de la satrapie de Carie. Elle adopte Alexandre comme son fils, faisant de lui son héritier. Reste cependant à s’emparer de la cité, qui comporte deux citadelles, dont l'une se trouve juchée sur une île. À l'issue du siège d'Halicarnasse, Alexandre ne peut s'emparer que de la ville basse, tandis que les deux acropoles restent aux mains des mercenaires grecs de Darius ; il poursuit alors sa route, laissant sous le commandement de Ptolémée une troupe de 3 000 fantassins et 200 cavaliers poursuivre le siège[141].

Après la prise de Milet en juillet 334, Alexandre licencie sa flotte de guerre, essentiellement composée de mercenaires grecs. Longtemps les historiens ont considéré cette décision comme une erreur stratégique, voire comme un signe de méfiance envers les alliés grecs, mais le motif semble essentiellement financier[17]. Il s'agirait en effet d'une mesure d'économie afin d'éviter les frais d'entretien d'une flotte qui n'est pas, pour le moment, indispensable à sa conquête. Il faut d'ailleurs attendre la prise du trésor de Sardes pour qu'Alexandre connaisse une aisance matérielle qui deviendra l'un des facteurs de sa réussite.

Conquête de la Pamphylie et de la Pisidie (hiver 334-printemps 333)

Carte de l'itinéraire d’Alexandre en Asie Mineure au cours de l’année 333
Itinéraire d’Alexandre en Asie Mineure au cours de l’année

Au cours de l'hiver , Alexandre se dirige vers la Lycie dont il s'empare sans grande résistance[142]. Puis, à la fin de l'année, il pénètre en Pamphylie et en Pisidie. Ces régions n’appartiennent que nominalement à l’empire achéménide. Le plus souvent les cités de ces régions sont autonomes et rivales entre elles. De ces rivalités, Alexandre joue et reçoit la soumission d’Aspendos et de Sidé[143]. Puis il remonte vers la Phrygie et gagne sa capitale Kelainai. Désirant gagner Gordion au plus vite, il ne prend pas le temps d'assiéger la citadelle, confiant cette tâche à Antigone le Borgne[A 41], le stratège en chef des alliés grecs. Le contrôle de la Phrygie est stratégique car cette région centrale, grande étape de caravanes, est le point d'aboutissement des routes arrivant de l'Orient et le point de départ vers la mer Égée[144].

Alexandre s'avance ensuite vers la Pisidie. Il attaque Termessos sans réussir à prendre la cité et traite avec bienveillance leurs ennemis de Selge. Puis il s’empare de Sagalassos et parvient au printemps 333 à Gordion, située sur la « route royale » reliant Éphèse à la Haute-Asie[142]. Il y trouve des renforts venus à la fois de Macédoine et de Grèce ainsi que Parménion qui a hiverné à Sardes. Le gouvernement de la Pamphilie et de la Pisidie est confié à Néarque, celui de la Phrygie à Antigone[142].

Contre-offensive perse (hiver 334-333)

Peinture représentant Alexandre tranchant le nœud gordien
Alexandre tranchant le nœud gordien, Giovanni Paolo Panini, vers 1718, Walters Art Museum.

Bien qu'Alexandre ait remporté de grands succès, la situation reste indécise. Pour certains membres de son entourage, dont Parménion est le représentant, l'objectif de Philippe II, théorisé par Isocrate[A 30], à savoir la conquête de l’Asie jusqu’aux rives de l’Halys, est atteint[142]. Un vaste territoire a été conquis, mais Isocrate envisage une seconde solution : l’anéantissement de l'empire perse. C'est cet objectif que souhaite désormais atteindre Alexandre. Il ne reste donc que peu de temps à Gordion, où l’épisode du nœud gordien, s'il est authentique, lui promet l'Asie[145] : Alexandre se voit ainsi présenter le nœud gordien. Il est dit que la personne qui arrivera à dénouer ce nœud acquerra l'empire de l'Asie. Alexandre tranche le fameux nœud d'un coup de son épée.

La situation n'est pas sans risque sur ses arrières. En effet, lors de l’hiver 334, Darius III confie le commandement de sa flotte à Memnon de Rhodes. Celui-ci envisage de porter la guerre en Macédoine en débarquant en Eubée et en organisant une révolte générale[145]. Le sentiment anti-macédonien demeure vivace dans de nombreuses cités. L'idée d’une guerre de revanche contre les Perses ne rend pas acceptable à leurs adversaires l'hégémonie macédonienne, tandis que des Grecs combattent dans les deux camps. Memnon reprend Chios, qui lui est livrée par le parti oligarchique ; puis, il rétablit le tyran Aristonicos à Méthymne et met le siège devant Mytilène sur l'île de Lesbos. Mais, à la fin de l’été 333, Memnon meurt de maladie et est remplacé par Pharnabaze, neveu de Darius. Confiant dans ses capacités de stratège, Darius décide de prendre lui-même la tête de son armée contre Alexandre[145]. Pharnabaze reprend Milet et Halicarnasse mais doit se séparer de ses mercenaires grecs qui vont rejoindre par mer l'armée que Darius rassemble[146].

Alexandre estime nécessaire de reconstituer sa flotte afin de contrôler les détroits de l'Hellespont et du Bosphore et de protéger les Cyclades des Perses mais aussi des pirates. Il demande alors aux Grecs de la Ligue de Corinthe d'armer une flotte[145], confiée à deux navarques, Hégélochos et Amphotéros, le frère de Cratère. Ces derniers parviennent à libérer Ténédos, Chios, Cos et Lesbos[A 42]. Il s'en faut de peu qu’un conflit éclate avec Athènes, dont les navires venus du Pont-Euxin sont interceptés par Hégélochos. Celui-ci doit faire face à une menace d'intervention de la flotte athénienne et relâche les navires. Cet épisode illustre la nécessité pour Alexandre d'une victoire en Asie pour empêcher toute tentative de révolte en Grèce. Ainsi, quand il apprend au début de l’été 333 que Darius marche sur la Cilicie, Alexandre quitte Gordion pour aller à sa rencontre[147].

D’Issos à Gaugamèles

Vers la bataille d'Issos (été-automne 333)

Carte de l'Itinéraire d'Alexandre au cours des années 332 et 331
Itinéraire d'Alexandre au cours des années 332 et

Après avoir quitté Gordion, Alexandre se rend dans un premier temps à Ancyre ; puis il reçoit la soumission, de pure forme car il n'a pas eu le temps de les conquérir, de la Paphlagonie et de la Cappadoce jusqu’à l’Halys[147]. Il pousse ensuite vers le sud, pénétrant en Cilicie par le passage des Portes ciliciennes, gardé par le satrape Arsamès. Parti de Soles, il fait étape à Tarse et y tombe malade plusieurs semaines, probablement des suites d’une hydrocution après une baignade dans le fleuve Cydnos[148]. Cependant, Parménion, second du roi au début de l’expédition, occupe les passes qui permettent le passage de la Cilicie à la plaine d’Issos (col de Karanluk-Kapu) puis celles qui au-delà contrôlent le passage vers la Syrie (passes de Merkès et de Baïlan). En , Alexandre soumet les populations montagnardes de Cilicie et s'empare de Soles, où il rétablit la démocratie après avoir installé une garnison et condamné la cité à une indemnité de 200 talents[149]. Il apprend à ce moment-là la pacification de ses arrières avec les victoires de Ptolémée en Carie sur le satrape Orontobatès et la chute d'Halicarnasse, de Myndos et la soumission de Cos. Mais, peu de temps après, à l'automne 333, le satrape Pharnabaze, à la tête de la flotte perse, soumet Ténédos et Sigée et s'entend avec le roi de Sparte, Agis III[147], qui tente de soulever la Grèce en lui fournissant de l'argent et quelques navires. La situation reste donc délicate d'autant que l'arrivée imminente de Darius III se précise. Le souverain achéménide s'est installé dans une étroite plaine côtière près d'Issos avec pour objectif de couper Alexandre de ses arrières et de le contraindre à la bataille. Alexandre est en Syrie mais fait demi-tour, car il a besoin d'une victoire. Il reprend le chemin des passes syriennes déjà emprunté, s'aventure dans la plaine d'Issos et y organise sa ligne de bataille face à l'armée perse. La bataille d'Issos () voit la déroute des Perses malgré la combativité de leurs mercenaires grecs. Darius s'enfuit tandis que la famille royale est capturée[147].

Conquête de la Phénicie (hiver 333)

détail de la mosaïque d'Alexandre de Pompéi représentant Alexandre
Détail de la mosaïque d'Alexandre, musée archéologique de Naples.

La déroute de l'armée perse après sa défaite à Issos est totale. Darius III, avec quelques milliers d’hommes à peine, s'enfuit vers Thapsaque, en Syrie sur l'Euphrate, tandis que les autres fuyards sont dispersés ; certains d'entre eux se réfugient en Phénicie puis de là gagnent l'Égypte ou Chypre. Alexandre a mis la main sur la famille de Darius, dont sa mère Sisygambis et son épouse Stateira, ce qui explique pourquoi Darius cherche à traiter avec le vainqueur en lui proposant, en vain, de céder toutes les terres à l'ouest de l'Halys[150].

L'une des conséquences de la victoire à Issos est que les cités grecques, dont Athènes et Sparte, dirigée par Agis III, décident de se rapprocher de Darius en envoyant des délégations[151]. La situation d'Alexandre reste donc périlleuse. Un des meilleurs officiers perses, Nabarzanès s'est retiré avec d'importantes forces de cavalerie en Cappadoce et Paphlagonie et recrute de nouvelles troupes (fin 333-début 332)[151]. Il existe un risque réel sur les arrières d'Alexandre et ses lignes d'approvisionnement en Asie Mineure. De plus, en Thrace, Memnon de Thrace, un stratège macédonien envoyé pour contenir une révolte, prend le parti des populations insurgées. Par ailleurs, il apparaît que Darius lève une nouvelle armée. Enfin la flotte perse représente un grand danger en mer Égée. La maîtrise de la côte phénicienne, pouvant servir de base arrière, est donc indispensable à Alexandre[152]. C'est pourquoi, délaissant la poursuite de Darius, il prend la route du sud vers Arados (au nord de la Phénicie) tandis que Parménion est envoyé à Damas, où il s’empare du trésor de guerre de Darius[150]. Dans le même temps, Alexandre désigne un de ses officiers les plus énergiques, Antigone le Borgne, au commandement de toutes les forces présentes en Asie Mineure[150].

La période achéménide pour les Phéniciens a été une période prospère car, en leur laissant une véritable autonomie, les souverains achéménides ont permis aux cités phéniciennes de reprendre en partie la maîtrise de nombreuses routes commerciales face à leurs adversaires traditionnels : les Grecs. Les Phéniciens constituent par exemple une grande part des marins de la flotte perse à la bataille de Salamine[A 43]. Mais, divisées entre elles, ces cités n’adoptent pas une attitude commune face à l’arrivée d'Alexandre. Le roi d'Arastos, Gérostrate, estime qu’il n’a pas les moyens de résister et surtout que sa cité, plus riche de son commerce terrestre (avec la Perse et la Médie surtout) que de son commerce maritime, n’a aucun intérêt à un siège destructeur. Arastos se rend ainsi que les cités de Marathos, Sigôn et Byblos. Quant à Sidon, elle se soumet d’autant plus facilement que ses habitants n’ont pas oublié les représailles d’Artaxerxès II lorsque la cité a participé à la révolte des satrapes sous le règne de ce prince[150].

Siège de Tyr (janvier-août 332)

Illustration représentant le siège de Tyr
Le siège de Tyr, André Castaigne, 1888-1889.

À la fin de l’année , Alexandre prend possession de la Judée et de la Samarie[153]. Alors qu'il est à Sidon, des négociations s’engagent avec le roi de Tyr, Azemilcos, lequel souhaite rester neutre dans le conflit. Mais Alexandre refuse de négocier alors qu'il désire offrir un sacrifice dans le temple d'Héraclès-Melkart, dieu tutélaire de Tyr[A 44],[150]. Les Tyriens décèlent le piège : faire entrer Alexandre en vainqueur dans le temple revient à lui donner pouvoir sur la cité[154]. Quant à Alexandre, il ne lui sert à rien de tenir la côte phénicienne si Tyr, avec ses deux ports, reste en dehors de son contrôle. C'est pourquoi commence en janvier 332 le long siège de Tyr. La cité neuve est bâtie sur l'île d'Ancharadus qu’Alexandre compte atteindre en construisant, avec les débris de la vieille ville continentale, une digue d’environ 60 m de long. Mais les difficultés s’accroissent quand la digue atteint des eaux plus profondes, d’autant que les Tyriens effectuent des raids meurtriers avec leurs navires, dont des brûlots, et des plongeurs. Cependant, Alexandre conserve un atout. En tenant les autres cités phéniciennes, il a dispersé la flotte perse (début 332) dont les équipages phéniciens rentrent progressivement dans leurs ports d'attache. Les rois de Sidon, de Byblos, d'Arados et de Soles à Chypre offrent ces navires, peut-être une centaine, à Alexandre qui ainsi peut constituer une flotte suffisante pour assiéger Tyr. Dans le même temps, selon Flavius Josèphe[A 45], Alexandre demande en vain au Grand prêtre de Jérusalem, Jaddus, de lui fournir une aide militaire ainsi que le tribut dû auparavant aux Achéménides[155].

Après un raid d'une dizaine de jours pour soumettre les populations des montagnes du Liban actuel, Alexandre constate que sa nouvelle flotte est prête et apprend l'arrivée de Cléandre à la tête d'un corps de 4 000 mercenaires, pour la plupart venus du Péloponnèse. Isolée par mer depuis la défaite de sa flotte[A 44], la cité résiste jusqu'en août. La prise de la ville donne lieu à des actes d'une grande violence tant les Tyriens se défendent avec acharnement. Ils utilisent notamment des tridents, ressemblant à des sortes d'hameçons, pour arracher les boucliers des assiégeants et déversent sur eux du sable brûlant[A 46]. Face à cette résistance, et après avoir songé un temps à lever le siège, Alexandre ordonne une attaque conjointe par mer et par terre. Une fois les tours de siège et les béliers approchés des murs, Alexandre dirige en personne l'assaut victorieux[A 47]. Entre 6 000 et 8 000 défenseurs sont tués. 2 000 jeunes hommes sont crucifiés immédiatement après la prise de la ville, le reste de la population, soit 30 000 personnes, est réduit en esclavage[A 48], une partie de la population dont beaucoup de femmes et d'enfants s'étant auparavant enfuie à Carthage.

Ce succès permet à Alexandre d'assurer sa mainmise sur l'ensemble de la Phénicie. Le gouverneur de Samarie, Sanballatès, présente sa soumission. Selon Flavius Josèphe[A 45], ce dernier obtient la permission de construire un temple sur le mont Garizim en faveur de son gendre Manassès, frère du Grand-prêtre juif de Jérusalem, Jaddus[155]. En retour, 8 000 Samaritains s'engagent dans l'armée macédonienne.

Pharaon d’Égypte (automne 332-printemps 331)

Statue représentant Alexandre en Pharaon
Statue d'Alexandre en pharaon, Égypte ptolémaïque, vers , Liebieghaus, Francfort-sur-le-Main.

Après le siège de Tyr achevé en août , Alexandre prend le chemin de l'Égypte alors sous domination des Achéménides. À cette époque, il repousse, malgré l'avis favorable de Parménion, une proposition de paix avantageuse émise par Darius III[156]. Celui-ci propose en effet qu'Alexandre épouse sa fille Stateira et reçoive toute la région située entre l'Europe et le fleuve Halys en Anatolie[N 19]. Par ailleurs, après qu'Alexandre a franchi l'Euphrate à l'été 331, Darius lui propose les territoires jusqu'à l'Euphrate[157]. Pour autant il se pourrait que ces propositions de paix soit une invention de la propagande macédonienne[157], car Darius, bien qu'il cherche à récupérer sa famille capturée après Issos, semble bien décidé à se battre jusqu'au bout[N 20].

Il est indéniable qu'Alexandre cherche avec la prise de l'Égypte à enlever aux Perses leur dernière façade maritime et la possibilité de rallier les mercenaires grecs. Il aurait par ailleurs choisi de laisser le temps à Darius de mobiliser une nouvelle armée dans les provinces orientales afin d'anéantir les forces perses en une seule bataille[156]. Sur la route de l'Égypte, Alexandre rencontre pendant deux mois une forte résistance à Gaza sous la conduite de l’eunuque Batis[158]. Fin 332, après avoir été blessé à deux reprises, il prend la ville dont la garnison est massacrée et la population vendue en esclavage[158]. Il s'empare alors d'un énorme butin surtout en aromates[A 49]. En sept jours depuis Gaza il atteint alors Péluse. Quand Alexandre entre en Égypte en décembre 332, il semble être accueilli en libérateur, sachant que les Égyptiens se sont révoltés de nombreuses fois contre la domination achéménide. Le satrape perse Mazaces remet à Alexandre la souveraineté d'Égypte sans combattre en lui laissant un trésor de 800 talents[159]. Alexandre est proclamé pharaon à Memphis en 331. Il sacrifie au taureau Apis, gage de respect des traditions égyptiennes[160], et honore les autres dieux. Il se dirige ensuite vers la côte méditerranéenne où il choisit en janvier 331 l'emplacement de la future Alexandrie[160], dont la construction n'est complètement achevée que sous Ptolémée II, avec notamment l'édification du phare, du musée et de la bibliothèque[43].

Alexandre se rend ensuite en pèlerinage dans l'oasis de Siwa où il rencontre l’oracle de Zeus Ammon qui le confirme comme descendant direct du dieu Amon[161]. Cette salutation, conforme à l’étiquette égyptienne, est très largement exploitée par la propagande du conquérant. Cette anecdote est rapportée ainsi par Plutarque[A 50] :

« Quelques-uns affirment que le prophète, voulant le saluer en grec d’un terme d’affection, l’avait appelé « mon fils » (παιδίον / païdion), mais que, dans sa prononciation barbare, il achoppa sur la dernière lettre et dit, en substituant au nu (ν) un sigma (ς) : « fils de Zeus » (παῖς Διός / païs dios) ; ils ajoutent qu’Alexandre goûta fort ce lapsus et que le bruit se répandit qu’il avait été appelé « fils de Zeus » par le dieu. »

De retour à Memphis, Alexandre se fait officiellement couronner dans le temple de Ptah. Cette cérémonie n'est rapportée que par le Pseudo-Callisthène mais parait vraisemblable[160]. Il réorganise le pays avant de repartir à la conquête de l'Orient. Il préfère ne pas désigner de nouveau satrape, se méfiant des ambitions personnelles étant donné la richesse de l’Égypte[160]. Les finances sont confiées au Grec Cléomène de Naucratis qui connaît déjà bien le pays[160].

C'est durant son séjour en Égypte qu'Alexandre apprend la déroute définitive de ce qui reste de la flotte perse et la capture de ses derniers adversaires en mer Égée dont le satrape Pharnabaze III[162]. Fait prisonnier, celui-ci parvient à s’échapper mais l’un des amiraux d’Alexandre, Hégélochos, apporte à son maître de nombreux prisonniers qui sont exilés dans la ville égyptienne d'Éléphantine. Cela laisse toute latitude à Antipater, le régent de Macédoine, pour s'occuper du toujours remuant roi de Sparte, Agis III[162]. La situation en Europe inquiète Alexandre tout au long de l'année 331, même après l'écrasement des Perses à Gaugamèles. Il multiplie d'ailleurs les faveurs aux cités grecques pour les inciter à rester loyales[N 21]. Il n'est pas impossible que l'incendie de Persépolis, une des capitales des Achéménides, ait pour objectif de prouver à la Grèce que l'objectif de la ligue de Corinthe est atteint et, ainsi, d'éviter des troubles en Europe[163].

Vers la bataille décisive (printemps 331-octobre 331)

Détail de la Bataille d'Arbèles, Charles Le Brun, 1669, musée du Louvre.

Alexandre quitte l'Égypte au printemps afin de commencer la campagne asiatique, rassuré par la défaite de Pharnabaze et confiant dans la capacité d'Antipater à vaincre les Spartiates d'Agis III[162]. Lors d'un nouveau passage à Tyr, Alexandre reçoit une délégation athénienne qui obtient du roi la libération des mercenaires qui ont combattu à la bataille du Granique dans les rangs de l'armée perse. Il en profite pour réorganiser les finances des territoires conquis qu'il confie à Harpale sous le nom de « caisse militaire »[162].

À la fin du printemps, l'armée macédonienne se met en marche vers l'Euphrate, qui est traversé fin juillet à Thapsaque sur un pont de bateaux. Le satrape Mazaios s'est replié à l'arrivée de son adversaire. Les prodromoi (éclaireurs) macédoniens repèrent l'armée de Darius III plus au nord. Aussi, le roi de Macédoine, au lieu de marcher sur Babylone selon son plan initial, remonte au nord, vers Nisibe, et franchit le Tigre vers le 20 septembre 331 (aux environs de Djésireh en Irak actuelle) contournant son adversaire[164]. Alexandre reprend alors la direction du sud avec le Tigre sur sa droite. Au bout de quatre jours de marche, il apprend que l'armée perse, bien supérieure en nombre, l'attend dans une immense plaine près d'Arbèles en Adiabène (Kurdistan irakien)[164]. Alexandre remporte la bataille de Gaugamèles ( 331) après une charge de cavalerie sur le centre perse ; mais les pertes dans l'infanterie macédonienne sont importantes. Darius s'enfuit à Ecbatane en Médie[165].

Début octobre 331, à l'issue d'une cérémonie fastueuse à Arbèles, Alexandre se fait proclamer roi d'Asie (Kyrios tes Asias), répondant à la citation attribuée à Alexandre par Plutarque : « La Terre ne peut tolérer deux soleils, ni l'Asie deux rois »[A 51].

À la poursuite de Darius

Entrée dans Babylone et Suse (octobre-décembre 331)

La victoire d'Alexandre à Gaugamèles ouvre la route vers Babylone qui se rend sans combattre grâce à Mazaios, ancien satrape de Cilicie et commandant de la cavalerie perse à Gaugamèles[166]. Les prêtres babyloniens de Marduk sont par ailleurs traditionnellement hostiles aux Perses[167]. Alexandre s'évite de la sorte un long siège qui aurait laissé la possibilité à son adversaire de se ressaisir. Les trois semaines entre la bataille de Gaugamèles et l'entrée d'Alexandre dans la ville (fin ) sont désormais mieux connues grâce à la découverte d'une tablette cunéiforme babylonienne qui, bien que détériorée, fait une nette allusion à la chronologie de la bataille de Gaugamèles et à ses suites[48]. Cette tablette évoque en effet la fuite de Darius III « vers le pays de Guti » (la Médie) et indique que les autorités de Babylone ont négocié avec le vainqueur, qui garantit le maintien des traditions religieuses. Alexandre donne ainsi l'ordre de rebâtir le sanctuaire de Marduk, qui tombe en ruine. Mazaios est alors désigné de satrape de Babylonie[167],[N 22]. Alexandre inaugure ainsi sa politique de ralliement de l'aristocratie perse. Il maintient néanmoins une forte garnison à Babylone, montrant davantage de prudence qu'envers les Égyptiens[168].

Tandis que Darius, en fuite, tente de réunir une nouvelle armée royale dans les Hautes satrapies[167], Alexandre prend la direction de la Susiane, laquelle se rallie à son tour. Il a auparavant dépêché à Suse Philoxène, auparavant administrateur des finances en Asie Mineure[169], afin de s'assurer du contrôle de l'immense trésor qui s’y trouve[168], soit près de 50 000 talents d'argent[170]. Il laisse à son poste le satrape Aboulitès en récompense de son ralliement, qui plus est dans une région difficile à administrer pour un Grec étant donné la barrière linguistique[168]. Une partie de ce trésor, soit 3 000 talents, est envoyée à Antipater afin qu'il l'utilise dans sa lutte contre Sparte[A 52].

Difficultés d'Antipater en Grèce (331)

L'année s'avère une année difficile pour Antipater, à qui Alexandre a confié le gouvernement de la Macédoine et de la Grèce en son absence. Apparemment, la dispersion de la flotte perse, à la suite de la prise de Tyr, n'attise plus les désirs de révolte des Grecs, sauf à Sparte où le roi Agis III s’assure le concours des pirates crétois puis de l'ensemble des peuples du Péloponnèse (Éléens, Arcadiens et la quasi-totalité de l'Achaïe à l'exception de Pellènè)[N 23]. Mégalopolis et Messène sont les seules cités importantes à refuser d'entrer dans la coalition anti-macédonienne. Dans un premier temps, Agis est vainqueur d'un corps expéditionnaire macédonien dirigé par Corragos et assiège Mégalopolis. Le reste de la Grèce cependant ne bouge pas ; même Démosthène à Athènes conseille de ne rien faire. Il est vrai que les gestes habiles d’Alexandre, comme celui de renvoyer de Suse vers Athènes la statue des Tyrannoctones ou la libération des prisonniers athéniens de la bataille du Granique, lui concilient provisoirement une partie des habitants de la cité attique[171]. Dans le même temps, au printemps 331, Memnon, gouverneur de Thrace, se révolte contre la tutelle macédonienne probablement avec le soutien d'Agis III.

Antipater réagit, suivant les ordres d'Alexandre, en dirigeant la quasi-totalité de ses forces, entre 35 000 et 40 000 hommes, vers le Péloponnèse. Agis ne dispose que d'environ 20 000 hommes et 2 000 cavaliers. Il est battu et tué à la bataille de Mégalopolis à l'automne 331[A 53]. Sous l'impulsion de la ligue de Corinthe, Sparte négocie la paix directement avec Alexandre[A 54]. La nouvelle de la victoire de Gaugamèles, qui parvient en Europe après la victoire d'Antipater sur Sparte[N 24], assure avec plus de force la souveraineté macédonienne en Grèce.

Par ailleurs, les relations sont difficiles entre Antipater et Olympias, la mère d'Alexandre[A 55]. Celle-ci provoque des difficultés quand, après la mort de son frère Alexandre Ier, roi d’Épire, tué durant une expédition en Italie, elle montre ses prétentions au trône de ce pays. Elle en assure finalement la régence pour l’un de ses petits-enfants, fils du roi précédent et de sa fille Cléopâtre, la sœur d'Alexandre.

Campagne en Perside et l’incendie de Persépolis (janvier-mai 330)

Vestiges des palais achéménides à Persépolis.

La campagne contre Darius III se poursuit en direction de la Perse proprement dite. Alexandre emprunte la « voie royale » et atteint Suse. En vue de marcher sur Persépolis, il divise son armée en deux corps : la majorité des troupes, dirigée par Parménion, emprunte la voie royale, et l'autre, commandée par Alexandre lui-même, prend la direction de la Perside. Il soumet par une campagne foudroyante le pays des Ouxiens (sud-ouest de l’Iran actuel). Les montagnards de ces régions s’engagent à payer un tribut en chevaux et bêtes de somme. Dans les monts Zagros, il est arrêté pendant plus d'un mois par la résistance acharnée du satrape Ariobarzane aux Portes persiques[163], baroud d'honneur des Perses. Puis il parvient, fin janvier , dans la ville la plus symbolique du pouvoir achéménide, Persépolis.

La capitale est livrée au pillage, puis, quelques mois après, les palais sont la proie des flammes (mai 330). Cet incendie est souvent interprété comme volontaire, bien qu’il aille à l’encontre de la politique d’intégration aux coutumes locales du conquérant. Alexandre aurait ainsi effectué un geste symbolique mûrement réfléchi, à la fois en direction des Perses et des Grecs de la ligue de Corinthe[163]. L'incendie, revanche de l'incendie d'Athènes par Xerxès Ier en 480, pourrait être une opération de propagande envers les Grecs à un moment où la situation est tendue en Grèce et où l'annonce de la victoire d'Antipater sur Sparte n'est peut-être pas encore parvenue à Alexandre. Il est possible qu’Alexandre ait voulu affirmer son pouvoir face à une population peu encline à se rallier à lui. Une autre interprétation veut qu’Alexandre ait provoqué l’incendie dans un état d’ivresse, poussé en cela par une jeune courtisane athénienne, Thaïs. Quoi qu’il en soit, Alexandre regrette par la suite cet acte très mal perçu par les Perses mais accompli avec joie par les troupes macédoniennes qui pensent, bien à tort, qu'Alexandre trahit son regret du pays natal et manifeste par cet incendie sa volonté de ne pas se fixer en Asie[A 56].

Mort de Darius (été 330)

Détail de la mosaïque d'Alexandre de Pompéi montrant Darius III
Darius III sur la mosaïque d'Alexandre, musée archéologique de Naples.

Durant l'été , Darius III se réfugie en Médie ; puis, face à l'avancée d'Alexandre, il décide de prendre le chemin de l'Hyrcanie au sud-est de la mer Caspienne. Il est rejoint à Ecbatane par Bessos avec des cavaliers originaires de Bactriane et un corps d'environ 2 000 mercenaires grecs[172]. Darius envoie son harem, ce qui reste de son trésor aux Portes Caspiennes (à l'est de Téhéran), clefs de l'Hyrcanie et faciles à défendre. Alexandre pénètre en Paraitacène (actuelle région d'Ispahan), soumet la population et fonce sur Ecbatane pour y apprendre que Darius vient de s'enfuir trois jours plus tôt avec environ 9 000 hommes dont 3 000 cavaliers. À Ecbatane, Alexandre licencie ses cavaliers thessaliens, lance Parménion vers l'Hyrcanie et Cleitos vers la Parthie (à l’est de l'Hyrcanie). Lui-même se lance avec des troupes rapides à la poursuite du monarque en fuite. En onze jours, il parcourt la route qui va d'Ecbatane à Rhagæ (au sud de Téhéran), où il est obligé de laisser souffler ses hommes et chevaux cinq jours. Il apprend par des transfuges que Darius est prisonnier de Bessos et Barsaentès et qu'il se dirige vers Hécatompyles (près de l'actuel Shahroud). En apprenant cette nouvelle, Alexandre confie ses troupes à Cratère, tandis qu'avec ses éléments les plus rapides il marche pendant une journée et demie sans relâche. Un jour plus tard, après une marche nocturne, il atteint le camp de Darius, que celui-ci vient d'abandonner. Le soir même, Alexandre impose à ses hommes une nouvelle marche de nuit pour aboutir à un campement de nouveau abandonné. Finalement, Alexandre, avec quelques cavaliers et fantassins montés, rejoint le convoi de Darius. Mais celui-ci a été assassiné par Bessos[N 25], Barsaentès et Satibarzane, qui viennent de s'enfuir avec quelques centaines de cavaliers. Bessos, tente de prendre les rênes du pouvoir perse, sous le nom d'Artaxerxès V[173], mais Alexandre tient fermement l'Empire perse.

Toujours plus à l’Est

Conséquences de la mort de Darius (été 330)

Carte de l'itinéraire d’Alexandre dans les satrapies orientales, puis le long de la vallée de l'Indus jusqu’à retour à Babylone
Itinéraire d’Alexandre dans les satrapies orientales, puis le long de la vallée de l'Indus jusqu’à retour à Babylone.

Alexandre rend les honneurs royaux à Darius III et se présente comme son successeur légitime en faisant courir la rumeur que Darius, agonisant, l'aurait appelé à le venger de ses assassins, dont le satrape Bessos[173]. Alexandre peut désormais se montrer généreux avec sa famille et le fait ensevelir dans les tombes royales de Persépolis. Les satrapes restés fidèles à Darius sont récompensés, tel Artabaze qui reçoit la Bactriane[174]. La mort de Darius amène par ailleurs la noblesse perse à se rallier massivement à Alexandre[173]. Cette collaboration des élites vaincues lui est nécessaire car les premières manifestations de lassitude parmi certains contingents obligent le roi à licencier une partie de ses troupes, dont les Thessaliens. Or les besoins en hommes augmentent au fur et à mesure que l'armée pénètre en Asie. Ainsi, rien que pour garder les trésors royaux, Alexandre laisse 6 000 hommes à Ecbatane.

La mort de Darius amène une profonde réorganisation de l'empire et l'abandon des coutumes royales macédoniennes : Alexandre, devenu le « roi Alexandre », et non plus le « roi des Macédoniens », possède un pouvoir personnel selon l'étiquette perse[N 26], suscitant des résistances parmi les tenants de la tradition[175]. Il confie les postes clés à ses proches Compagnons : Héphaistion devient chiliarque, soit le deuxième dans la hiérarchie ; Harpale est désigné trésorier de l'empire[175].

Soumission de l’Arie (automne 330)

Avant de poursuivre Bessos, l'assassin de Darius III, et ses complices, Alexandre doit soumettre l’Hyrcanie et les populations montagnardes de la région (actuelles montagnes du Khurāsān à la frontière entre l’Iran et le Turkménistan), les Tapouriens et les Mardes, qui se sont rebellées. L'armée macédonienne, dont les effectifs ont été réduits par le retour des alliés grecs, s'est en effet avancée dans des régions hostiles[176]. Il doit donc incorporer à son armée des mercenaires auparavant au service des Achéménides et commence à faire appel à des Perses[175].

Il rassemble ses troupes à Zadracarta dont une partie renvoyée à Ecbatane protéger le trésor[176], sous le commandement de Parménion en qui il est plausible qu’il n’ait plus qu’une confiance limitée, tandis qu’il se prépare à poursuivre les satrapes en fuite. Il apprend que ceux-ci se sont séparés et que Bessos, qui s'est proclamé roi sous le nom d’Artaxerxès V, s’est réfugié en Bactriane alors que Satibarzanès est retourné en Arie (ouest de l'Afghanistan) et Barsaentès en Drangiane (sud de l'Afghanistan). Avec seulement près de 20 000 hommes, Alexandre s’empare difficilement de l’Arie, en remontant la vallée de l’Atrek, et maintient Satibarzanès à son poste en lui adjoignant un stratège macédonien Anaxippos. Mais, alors qu’il se prépare à remonter vers la Bactriane, Satibarzanès se révolte (automne ), assassine Anaxippos et massacre les troupes macédoniennes laissées en Arie avant de s’enfuir[177]. Afin de maintenir l’ordre dans cette province, Alexandre y fonde une cité, Alexandrie d'Arie (actuel Hérat), puis se dirige vers la Drangiane où le rebelle Barsaentès lui est livré et mis à mort. En octobre ou novembre 330, Satibarzane se révolte à nouveau en Arie. Il est tué dans un affrontement contre le corps expéditionnaire dirigé par Artabaze, Érigyios et Caranos[178].

Exécutions de Parménion et Philotas (automne 330)

À l'automne , alors que l'armée séjourne dans la capitale de Drangiane, Phrada-Prophtasia (au sud de Hérat), Philotas, fils de Parménion et hipparque de la cavalerie, est emprisonné et jugé pour complot, ou plus exactement pour avoir eu vent d’un complot contre le roi sans rien faire pour le dénoncer. Déjà au printemps 331, Asandros, le frère de Parménion, a été démis de ses fonctions de satrape de Lydie, tandis que le récit officiel de la bataille de Gaugamèles minore le rôle joué par Parménion[177]. Il est probable que les critiques de Philotas sur le cérémonial perse adopté par le roi aient fortement indisposé ce dernier, alors que Parménion ne semble pas freiner les velléités de retour en Europe des troupes stationnées à Ecbatane. Philotas est jugé par l'Assemblée des Macédoniens sous l'accusation de Cratère qui y voit sans doute un moyen d'éliminer un rival ; il est lapidé selon la coutume après que des aveux lui ont été extorqués[179]. Les Macédoniens obtiennent également qu'Alexandre le Lynceste, en captivité depuis 333 après que Darius III a voulu le soudoyer, subisse le même sort[A 57]. Quant à Parménion, Alexandre ignore s'il se trouve impliqué dans la conjuration, mais il envoie des officiers le mettre à mort. Il s'en faut de peu que les troupes de Médie se soulèvent à cause de ce meurtre.

Cet épisode dramatique est révélateur des réticences de plus en plus fortes de l'entourage du roi, à l’exception notable d'Héphaistion et de Cratère, sur cette épopée qui les voit s'enfoncer de plus en plus en Asie, loin de leurs bases, de leur pays, à la poursuite d’un but et d’un rêve qui leur échappent. Les maladresses de Philotas, affirmant volontiers qu’Alexandre n’aurait pas remporté ses victoires sans l’aide de son père et la sienne, et qui se moque des prétentions du roi à être considéré comme le fils de Zeus Ammon, expliquent aussi sans doute qu'Alexandre ne tente rien pour sauver sa vie. La royauté macédonienne connaît des rapports conflictuels fréquents entre aristocratie et monarchie. L'exécution de Philotas, apprécié par la troupe, est un moyen pour le roi de se débarrasser d’un officier jugé trop puissant[179]. Dans ce contexte, Alexandre procède à des réformes au sein du commandement de l'armée : Héphaistion et Cleitos deviennent hipparques, les fidèles Perdiccas, Cratère et Ptolémée sont eux aussi promus[178].

À la poursuite de Bessos (hiver 330-hiver 329)

Lancé à la poursuite de Bessos, le successeur proclamé de Darius III, Alexandre passe de Drangiane en Arachosie (sud-ouest de l'Afghanistan) vers la fin [180]. Alexandre fonde une Alexandrie qui correspond à l'actuel Kandahar, laissant Memnon comme satrape. Puis il remonte vers la Bactriane à la poursuite de Bessos. La traversée des monts Paraponisades (Hindou Kouch), que les Macédoniens et les Grecs confondent apparemment avec le Caucase, s’effectue au printemps 329. Dans sa fuite, Bessos ravage les vallées entre les Paraponisades et l'Oxos (Amou-Daria) afin de limiter les possibilités de ravitaillement de ses poursuivants. Alexandre s'empare de Bactres et passe ensuite l'Oxos sur un pont flottant fait de tentes de peaux remplies de diverses matières séchées pour parvenir en Sogdiane.

Les nobles Spitaménès et Oxyartès, craignant qu'Alexandre n'occupe le cœur de leur province[174], décident finalement de livrer Bessos. Ptolémée est chargé de cette capture qui intervient au début de 329. Bessos est emmené à Bactres où, à la façon des Perses, son nez et ses oreilles sont coupés ; puis il est envoyé à Ecbatane pour être exécuté[A 58].

Conquête des Hautes satrapies (hiver 329-printemps 327)

Carte de l'expédition d'Alexandre dans les Hautes satrapies
L'expédition d'Alexandre dans les Hautes satrapies.

Les Hautes satrapies (Arie, Bactriane, Sogdiane, Drangiane, Margiane) sont le carrefour entre les peuples scythes nomades, jaloux de leur indépendance, et les Iraniens sédentaires. Les souverains achéménides n'y ont exercé qu'une souveraineté relative et Alexandre a éprouvé des difficultés pour y imposer son autorité[180]. Pendant près de deux ans, Alexandre lutte, sans gloire, en Sogdiane et en Bactriane contre les satrapes révoltés. Spitaménès, qui a livré Bessos, se révolte et massacre plusieurs garnisons macédoniennes en Sogdiane[174]. Il inflige une cuisante défaite à la bataille du Polytimète aux officiers envoyés contre lui. La réaction d'Alexandre est significative de son profond désarroi puisqu'il interdit aux rescapés, sous peine de mort, de divulguer la réalité de ce désastre[A 59]. La répression contre les Sogdiens est implacable : Cyropolis est détruite, la population est massacrée ou asservie[174]. Alexandre fonde, à proximité du Iaxarte, limite orientale de l'empire perse, une Alexandrie Eschatè (actuel Khodjent), ou « Alexandrie la plus lointaine »[181]. Cette fondation, qu'il compte peupler de mercenaires grecs et de Sogdiens ralliés, marque le point le plus au nord de son périple.

Alexandre entend faire une démonstration de puissance à l'encontre des Sakas, un peuple scythe, et fait traverser le fleuve Iaxarte, contraignant les Sakas à fuir dans la steppe. Par la suite, une ambassade permet de conclure un pacte de non-agression[181]. Alexandre, accompagné de Cratère, marche ensuite contre Spitamémès, qui assiège la garnison de Samarcande et lève aussitôt le siège[181]. Alexandre cherche alors à se concilier l’aristocratie sogdienne en leur accordant des honneurs. Il repasse l'Oxos et suit la route caravanière jusqu'à l'oasis de Merv, où il fonde une Alexandrie de Margiane. Après avoir hiverné (329-328) à Bactres, Alexandre, qui a reçu 20 000 hommes en renfort venus d'Europe, surtout des mercenaires grecs et thraces, lance la campagne contre Spitaménès. Il conclut au début du printemps 328 un accord avec Pharasmanès, le roi des Chorasmiens, qui reconnaît sa suzeraineté, privant Spitaménès d'alliés potentiels[182]. Il atteint ensuite la Sogdiane, où il fonde une Alexandrie de l'Oxos. Dans la région, il met la main sur la famille d'Oxyartès, dont il obtient le ralliement et épouse la fille, Roxane. Dans le même temps, Cratère pacifie la Bactriane. Spitaménès succombe finalement, en décembre 328, après la trahison des Massagètes, qui envoient sa tête à Alexandre. Pour remplacer Artabaze, satrape de Bactriane qui demande à être relevé de son commandement en raison de son grand âge, Alexandre désigne son ami Cleitos[182].

Le printemps 327 est occupé à réduire les derniers îlots de résistance, tâche dont s'acquitte Cratère au Badakhchan actuel. Alexandre entreprend de pacifier la Paraitacène, région située au nord-est de la Susiane. Grâce à Oxyartès, le père de Roxane[N 27], il rallie à sa cause le souverain local, Sisimithrès, qui accepte que de jeunes soldats intègrent l'armée royale[183]. Puis, il retourne à Bactres, où il est rejoint par Cratère à l'été 327, pour repasser ensuite l'Hindou Kouch en vue d'hiverner avant la campagne d'Inde.

Montée des contestations (hiver 328-été 327)

Début en Sogdiane, lors d’un banquet fortement alcoolisé, Alexandre tue son ami d'enfance et fidèle compagnon Cleitos, qui a eu le tort de porter les exploits de Philippe II au-dessus de ceux de son fils. Alexandre ne le supporte pas, et, dans un accès de rage, tue Cleitos de ses propres mains. Dégrisé, il pleure longuement son ami et l'honore avec des funérailles grandioses. Mais ce crime crée un profond malaise parmi l'entourage du roi[182]. Cleitos est remplacé par Amyntas à la tête de la satrapie de Bactriane[182].

Le séjour dans les provinces orientales de l'ancien empire achéménide pèse fortement sur l'entourage du roi. Quand Alexandre tente d'imposer l'étiquette perse aux Macédoniens, en particulier le fait de se prosterner devant lui selon le rituel de la proskynèse[184], la protestation portée par Callisthène, neveu d'Aristote et historiographe officiel, semble approuvée par de nombreux compagnons du roi[185]. Alexandre cède en ne maintenant cette étiquette que pour ses sujets asiatiques, mais la part qu'il donne à ces derniers dans l'armée et l'administration suscite des mécontentements. En effet, Alexandre enrôle 30 000 jeunes Asiatiques (les épigones) pour être armés à la macédonienne afin de prendre le relais des troupes en voie de démobilisation[183]. Par ailleurs, son mariage avec Roxane montre qu'il ne compte plus considérer les Perses comme des vaincus, tandis qu'il désigne plusieurs Perses à des fonctions de commandement, dont Atropatès et Phrataphernès[185].

À l'été 327, la conjuration des pages, qui aurait eu pour finalité l'assassinat d'Alexandre, est née du désir de vengeance personnelle d'un de ces jeunes gens, Hermolaos, qui s'estime injustement puni après une partie de chasse durant laquelle il a tué la proie destinée au roi[186]. Elle révèle que parmi l'armée macédonienne certains jugent insupportables ses nouvelles exigences et commencent à le considérer comme un tyran[185]. Sept pages sont donc suppliciés et exécutés[186]. Callisthène, fort influent parmi les pages et qui a raillé les prétentions d'Alexandre à la divinité, est jeté en prison à Bactres ; il y meurt quelques mois plus tard[187]. Callisthène aurait par ailleurs reçu une lettre d'Aristote, peut-être apocryphe, condamnant les dérives absolutistes d'Alexandre inspirées par le philosophe Anaxarque[188]. Le commandement et la troupe montrent dans cette affaire un attachement à la figure royale[185]. Alexandre fait écrire au régent Antipater qu'il compte châtier ceux qui ont inspiré Callisthène en Grèce[188].

Fin du périple en Inde

Objectifs d'Alexandre en Inde

Carte de l'Inde pendant la conquête d'Alexandre
L'Inde pendant la conquête d'Alexandre.

L'Inde est pour les Grecs une contrée mystérieuse connue par les textes d'Hécatée de Milet et d'Hérodote ainsi que ceux de Ctésias[189], médecin à la cour d’Artaxerxès II. Ces auteurs ont sans doute utilisé la relation du voyage de Scylax de Caryanda, effectué sur ordre de Darius Ier. La vallée de l'Indus est théoriquement sous le contrôle de l’empire achéménide depuis cette époque, mais, en réalité, la frontière du pouvoir perse se limite aux Paraponisades (Hindou Kouch actuel). Quant à la vallée du Gange et au plateau du Deccan, ils sont encore inconnus des Grecs[190]. Cependant, des relations existent puisque l'on trouve dans l'armée perse sous Darius III quelques éléphants et des contingents indiens[A 60].

Il ne fait guère de doute que le but premier d'Alexandre est de restaurer à son profit les limites de l'empire de Darius Ier et d'en tirer les profits commerciaux inhérents. Il semble avoir été aisément convaincu, alors qu’il combat en Sogdiane, par Taxilès, l’un des roitelets de la vallée septentrionale de l’Indus, d’intervenir contre son ennemi Pôros qui règne sur le royaume de Paurava à l’est de l’Hydaspe et qui menace le Panjâb[189]. Alexandre est conseillé aussi par un prince indien, Sisicottos, qui après avoir suivi la fortune de Bessos s'est rallié au conquérant[A 61]. Le projet d'Alexandre est peut-être plus ancien, puisqu'au printemps il a fondé une Alexandrie-du-Caucase (au nord de l'actuel Kaboul), illustrant sa volonté de disposer d'une base arrière pour son expédition[191].

Certains historiens contemporains ont défendu l'idée qu'Alexandre aurait souhaité continuer son périple au-delà de l'Indus et qu'il aurait eu une ambition « mondiale »[192]. D'autres estiment que son expédition vers le Gange, seulement interrompue par la sédition de ses soldats sur l'Hyphase, a pour objectif de s'emparer des bases commerciales indiennes[193], de la même façon qu'en 323, il prépare une expédition vers les ports arabes du golfe Persique. L'itinéraire prévu passerait bien par la vallée de l'Indus, pour atteindre ensuite l'océan et le golfe Persique. Tout conduit par conséquent à admettre que, dans la droite ligne de son refus des propositions de paix faites par Darius III en 332 et 331, Alexandre semble avoir déjà une idée relativement précise de ses objectifs globaux, c'est-à-dire devenir le maître de l'ensemble des territoires qui ont été un jour achéménides et contrôler l'ensemble des grandes routes commerciales[193].

Conquête du Pendjab (été 327-été 326)

Monnaie représentant Alexandre à cheval chargeant Poros monté sur un éléphant
Monnaie frappée vers avec au revers Alexandre chargeant Poros, British Museum.

Au printemps , Alexandre quitte Bactres à la tête de 120 000 personnes, combattants et non-combattants inclus[194]. Les Gréco-Macédoniens ne représentent guère que la moitié des effectifs militaires. De nombreux Asiatiques (les épigones ou héritiers) ont en effet été recrutés pour être armés sur le modèle macédonien. L'armée compte également des cavaliers des Hautes satrapies, des marins égyptiens, phéniciens, chypriotes pour la descente de l'Indus déjà envisagée[188]. Alexandre repasse donc les monts Paraponisades et se rend à Alexandrie-du-Caucase (actuel Begrâm près de Kaboul). Il y reçoit le renfort de Taxilès, raja de Taxila, qui appelle à lutter contre son puissant voisin Pôros, qui cherche à soumettre tout le Pendjab[189],[N 28]. Puis il charge Héphaistion et Perdiccas de soumettre les peuples de la rive sud du Cophen, une rivière qui descend de la vallée de l'actuel Kaboul vers l'Indus, tandis qu'il s'occupe de la rive septentrionale (été 327). Si la conquête de la rive sud se déroule sans trop d’encombre, ses deux généraux atteignant le fleuve avant lui, Alexandre est confronté dans le Gandhara à la résistance des Assacènes, une peuplade apparentée aux Sakas et aux Massagètes, qui ont levé une grande armée[195]. Leur capitale, Massaga, est prise à l'issue d'un siège durant lequel Alexandre est blessé. La place forte d'Aornos, réputée inexpugnable, est prise difficilement en [196]. Le pays est alors érigé en satrapie sous la responsabilité de Nicanor, mais celui-ci est rapidement tué lors d'une insurrection[195].

Au cours du printemps 326, Alexandre franchit l'Indus grâce au pont construit par Héphaistion et Perdiccas. L'armée séjourne ensuite à Taxila, la capitale du roi Taxilès, qui appelle à lutter contre son voisin menaçant, Pôros. Peu après, l'armée s'ébranle pour combattre Pôros, qui surveille l'Hydaspe[195], l’un des affluents de l’Indus. Pôros, qui attend des renforts en provenance du Cachemire, dispose d'une armée déjà si nombreuse[N 29] qu'Alexandre décide de l'attaquer immédiatement[197]. Il manœuvre avec habileté, car, laissant Cratère avec le gros des troupes, il traverse avec sa cavalerie et ses hypaspistes le fleuve, pourtant gonflé par la fonte des neiges, dans une région boisée environ 150 stades en amont (environ 30 km), afin de prendre Pôros à revers. La victoire est acquise, mais la bataille de l'Hydaspe est d'une grande violence. Les cavaliers asiatiques ont montré leur efficacité, confortant Alexandre à poursuivre sa politique d'intégration des peuples vaincus[197]. Bucéphale meurt au cours de la bataille, Alexandre fonde en son honneur la cité de Bucéphalie. Peu après, Alexandre perd son chien Péritas, il lui dédie également une cité[A 62].

Poursuivant sa politique d’intégration des chefs locaux, Alexandre laisse Pôros en place, qui abandonne ses prétentions au-delà de l'Hydaspe[197], avec un territoire plus vaste que celui d’origine. Une révolte des Assacènes sur ses arrières l’oblige à envoyer des troupes dirigées par Philippe et Tyriaspès. En guise de compensation après le ralliement de Pôros, qui semble-t-il a pour but de conquérir la plaine du Gange aux dépens de la dynastie des Nanda de Patna, Alexandre décide de soumettre des peuplades à l'est du Pendjab[197]. Mais cette campagne nécessite d'âpres combats contre de petites « républiques », comme celle des Arattas. Alexandre pense alors franchir l'Hyphase (actuel Beâs) pour une simple démonstration de force, comprenant que les Nanda seraient de puissants adversaires[198].

À l’automne 326, sur les rives de l'Hyphase, Alexandre doit affronter une levée de boucliers des Grecs et des Macédoniens[198], dont Coénos se fait le porte-parole[A 63]. Après s'être enfermé trois jours sous sa tente, il est obligé de se plier à la volonté de ses soldats et donne l’ordre du retour. Il fait ériger douze autels monumentaux pour chacun des douze principaux dieux de l'Olympe, ainsi qu’un camp artificiellement agrandi jusqu'au triple de ses dimensions normales afin d'intimider d'éventuels envahisseurs[199], marquant le point extrême de sa progression à l'est[198]. Cette sédition est révélatrice de la coupure qui s'est créée entre le roi et ses troupes. Certains de ses officiers, les épisodes de la mort de Philotas et de Cleitos le rappellent, sont hostiles à un mode de gouvernement de plus en plus autocratique sur le modèle asiatique. Les soldats sont aussi physiquement exténués par huit années de campagne[N 30]. Selon Plutarque, le souvenir de la bataille de l'Hydaspe fait redouter à la phalange des batailles encore plus difficiles. Les soldats expriment par ailleurs la volonté de revoir leur patrie et de jouir du butin accumulé[200].

Conquête de la vallée de l’Indus (automne 326-printemps 325)

Pièce de monnaie à l'effigie d'Alexandre portant un scalp d’éléphant
Monnaie de Ptolémée Ier à l'effigie d'Alexandre portant un scalp d’éléphant, symbole de sa conquête de l’Inde.

Alexandre décide de soumettre toute la vallée de l’Indus afin d'assurer la route du retour à Babylone. Il fait construire une flotte d'environ 1 000 navires sur laquelle il embarque début novembre avec une partie de son armée pour descendre l’Hydaspe puis l'Acésine afin de rejoindre l’Indus[201]. Cette flotte a été construite avec la contribution financière de nobles de la cour et de l’état-major du roi. Elle est dirigée par Néarque avec des équipages essentiellement phéniciens et grecs grâce aux renforts reçus en Inde. Avant le départ, une assemblée des princes locaux reconnaît Pôrôs comme souverain, sous tutelle du roi de Macédoine[202].

Alexandre embarque avec lui les archers, les hypaspistes[N 31] et les cavaliers de sa garde pendant que Cratère longe la rive droite et qu'Héphaistion, avec l'essentiel de l'armée, descend le long de la rive gauche. À l’embouchure de l’Hydaspe et de l’Acesine, des rapides endommagent la flotte qui doit être réparée. Certains peuples se soumettent rapidement, mais les Cathéens, les Malliens et les Oxydraques se soulèvent. Vers la mi-novembre 326, Alexandre commet la faute d’attaquer une ville peuplée de brahmanes malliens, provoquant une rébellion qui se propage rapidement. Au cours de cet engagement, durant lequel il monte à l'assaut des remparts de la ville, les sômatophylaques Léonnatos et Peucestas lui sauvent la vie, ce dernier protégeant le souverain avec le (supposé) bouclier d'Achille démonté du temple d'Athéna à Troie[A 64]. Alexandre est assez sérieusement blessé, au point que l’armée croit en sa mort[N 32] et que cette rumeur se répand dans tout l'empire suscitant des troubles sporadiques, notamment la défection de mercenaires grecs en Bactriane[202],[N 33]. Sa convalescence l'oblige à arrêter l'expédition, probablement jusqu'au printemps 325. Peithon se voit alors confier une violente campagne de répression contre les Malliens[A 65],[N 34]. La peur des Macédoniens est désormais telle que le peuple de Patalène dans le delta de l'Indus préfère fuir avant l'arrivée d'Alexandre. La satrapie du Sind, où une nouvelle Alexandrie est fondée, est dès lors confiée à Peithon[202]. Alexandre finit par rejoindre l’embouchure de l’Indus au printemps 325 ; il établit à Patala un port, des arsenaux et des citernes, montrant qu'il souhaite établir des liens commerciaux entre cette lointaine région et le reste de son empire[202],[N 35]. Parvenus sur les rives de l'océan Indien, les Gréco-Macédoniens sont étonnés par le phénomène des marées[A 66], quasi inconnu en mer Méditerranée.

Un difficile retour (juillet 325-décembre 325)

Itinéraire d'Alexandre à travers la Gédrosie et la Carmanie, carte de 1823.

Alexandre, pour son retour vers Babylone, divise son armée en trois corps en juillet 325 Cratère quitte la vallée de l’Indus avec la moitié de la phalange (soit quatre taxeis), les éléphants et les argyraspides, qui comptent retourner en Macédoine[202]. Il remonte par l’Arachosie et la Drangiane (sud de l’Afghanistan actuel) et doit retrouver Alexandre en Carmanie, région qui correspond au sud de l’Iran actuel vers le détroit d'Ormuz. Néarque avec une flotte d’une centaine de navires, 2 000 marins et 12 000 soldats, est chargé de rouvrir la route maritime entre l’Indus et l’embouchure du Tigre et de l’Euphrate. Mais cette exploration nécessite un appui terrestre, sous la forme de dépôts de vivres, mission dont se charge Alexandre à la tête de ses meilleures troupes[203]. Il choisit pour ce faire l'itinéraire le plus difficile en longeant la côte de la Gédrosie (actuel Balouchistan pakistanais). Depuis Patala sur l’Indus, il gagne avec 25 000 hommes l'actuelle région de Karachi, où le peuple des Arabites capitule sans combattre. Puis il atteint la vallée du Purali, dont il soumet les habitants, les Orites. La côte, peuplée de « Mangeurs de poissons », étant trop misérable pour approvisionner la troupe, il doit demander de l’aide aux Gédrosiens de l’intérieur du pays, qui cultivent dans des vallées irriguées[203]. Il choisit alors de diviser son armée en deux corps ; celui commandé par Léonnatos doit suivre l’itinéraire traditionnel des caravanes, plus au nord, et faire sa jonction avec Alexandre à Pura, capitale de la Gédrosie. Alexandre avec 12 000 hommes, dont ses troupes d’élite et un convoi de femmes et d’enfants, traverse la Gédrosie par le désert du Makran, qui longe le littoral[A 67],[N 36]. Or, au moment où Alexandre entre dans le désert, les Gédrosiens et les Orites se révoltent ; il n'obtient donc pas les vivres escomptés[203]. Le désert de Makran est une région particulièrement inhospitalière, couverte de marécages salés et comptant peu d’oasis. Une grande partie du convoi avec les femmes, les enfants et les attelages est emportée par la brusque montée d’un torrent. La troupe met deux mois pour accomplir 700 km entre la vallée du Purali et Pura. Alexandre rallie la ville de Pura en décembre 325, où il est rejoint par le contingent de Léonnatos qui a entre-temps fondé Alexandrie des Orites. Malgré la saison des pluies, plus de 6 000 personnes seraient mortes de soif et d’épuisement durant cette marche dans le désert du Makran[N 37], d'autant qu’une partie des réserves de grain est déposée dans des fortins au bord de la mer pour approvisionner la flotte. Ce voyage est le plus éprouvant de toute l’expédition d’Alexandre et entraîne un grand nombre de décès par épuisement, soif et sous-alimentation ; tous les chevaux et les bêtes de somme meurent au cours de ce périple. En outre, cette souffrance a été inutile : jamais Alexandre n'est parvenu à établir le contact avec la flotte de Néarque[203]. Parvenu en Carmanie, Alexandre est alors rejoint par Cratère.

Pilotée par Néarque le Crétois, avec pour second Onésicrite[204], la flotte a pour mission de longer la côte de la mer d'Érythrée (actuelle mer d'Oman) pour rallier ensuite l'Euphrate afin d'explorer une voie pour le commerce maritime entre l'Inde et la Babylonie[205],[A 68]. Cette flotte, composée de 120 navires transportant 10 000 hommes[206], part avec un mois de retard sur les plans initiaux à cause des vents de mousson fin octobre 325[A 69]. Elle est confrontée à plusieurs tempêtes, qui coulent trois navires au moins. Néarque est obligé de maintenir la flotte à la mer jour et nuit car il craint les désertions. Il lui est impossible de se ravitailler à terre sur la côte de la Gédrosie[A 70], le pays des misérables Ichtyophages (« Mangeurs de poisson »). En outre, les dépôts laissés par Alexandre sont attaqués par les Orites. Les seuls aliments proviennent donc de la mer, ce qui prend au dépourvu la flotte, qui souffre de la faim. Après 1 300 km et 80 jours de navigation, Néarque parvient à Harmozia (Ormuz) en face du promontoire de Macéta (actuel Émirats arabes unis). Il se rend alors au-devant d'Alexandre, qui le reçoit avec des transports d’allégresse, car il a cru sa flotte disparue[204]. Néarque repart ensuite jusqu’aux bouches de l'Euphrate (décembre 325) et rallie Suse[207].

Dernières années du règne

Le temps des rébellions (fin 325-début 324)

Depuis la poursuite lancée contre Bessos en , Alexandre a perdu le contrôle direct des provinces de son empire[208]. La fausse nouvelle de sa mort en Inde a suscité la défection des mercenaires grecs de Bactriane, où Athénodôros se fait proclamer roi[208], certains de ces mercenaires regagnant la Grèce depuis l'Asie Mineure probablement grâce à des navires athéniens[209]. Des rébellions ont aussi éclaté en Arachosie et en Médie ; les satrapes asiatiques de Carmanie et de Suse montrent également des velléités d'indépendance[208]. En Égypte, Cléomène dirige à sa guise en établissant des ateliers monétaires à Alexandrie[209]. La défection la plus notable est celle d'Harpale, compagnon de jeunesse d'Alexandre et trésorier royal, qui s'enfuit à l'automne 325 à Tarse en Cilicie, avant de rejoindre Athènes. C'est donc pour affaiblir la position d'Harpale qu'Alexandre fait licencier l'ensemble des mercenaires, dont le recrutement dépend alors du trésorier[209].

Parvenu en Carmanie en décembre 325 après le difficile retour d'Inde, Alexandre doit rétablir son autorité. Il est par ailleurs confronté à des récriminations de toutes sortes contre les officiers qui ont gouverné en son absence. Deux stratèges de Médie, Sitalcès et Cléandre[N 38], sont exécutés pour avoir commis des exactions et des sacrilèges[A 71] ; il est aussi possible que Cléandre ait entretenu des relations diplomatiques avec Harpale. Quant aux satrapes de Carmanie et de Gédrosie, qui ont failli à leur obligation de ravitaillement sur la route du retour d'Inde, ils sont exécutés[209]. Il se débarrasse aussi de Baryaxès qui s’est proclamé « Grand Roi des Perses et des Mèdes »[A 72], et de satrapes à la fidélité douteuse, tel Orxinès en Perside[A 73]. Finalement, cette crise amène un remaniement à la tête des satrapies. Alexandre désigne par prudence des personnalités de second rang, à l'exception d'Antigone le Borgne, qui conserve la Phrygie, et de Peucestas, promu en Perside[210].

Noces de Suse (février-mars 324)

Mosaïque de Pompéi représentant Alexandre en tenue d'Arès et Stateira en tenue d'Aphrodite
Alexandre (en Arès) épousant Stateira (en Aphrodite), mosaïque trouvée à Pompéi, musée archéologique de Naples.

De Carmanie, Alexandre se rend au début de l’année à Pasargades à la tête de troupes légères tandis qu'Héphaistion poursuit le voyage avec le gros de l'armée le long des côtes de Perside. En chemin, Alexandre demande à Aristobule de restaurer le tombeau de Cyrus qui a été profané[211], témoignant d'un geste de bonne volonté à l'égard des Perses[212].

Puis Alexandre parvient à Suse, où sont célébrées des noces fastueuses entre 10 000 Gréco-Macédoniens et des femmes perses et mèdes[213]. Alexandre épouse Stateira, fille aînée de Darius III, ainsi que, selon Arrien qui cite ici Aristobule, Parysatis, une fille d'Artaxerxès III[A 74]. Le chiliarque Héphaistion, deuxième dans la hiérarchie, épouse Drypétis, une autre fille de Darius, tandis que les principaux généraux, dont Perdiccas, Cratère, Ptolémée, Séleucos et Eumène sont aussi mariés à des nobles perses[214]. Les noces durent cinq jours autour d'un somptueux banquet. Le cérémonial se fait selon les coutumes perses, ce qui ne manque pas de provoquer la désapprobation des Macédoniens qui ont déjà vu leur roi s'unir à Roxane et qui concluent qu’Alexandre s'éloigne des mœurs grecques pour adopter une mentalité « barbare ». Il offre les dots et propose que les enfants nés de ces unions soient élevés à la macédonienne pour intégrer un jour l'armée[215]. Pour calmer la colère qui gronde, Alexandre paye les dettes de ceux qui en ont contracté et offre en un geste symbolique des couronnes d'or à ses généraux[216].

Pour certains historiens contemporains, tel William W. Tarn qui reprend à son compte les thèses de Droysen en s'appuyant sur le récit d'Arrien[A 75], les noces de Suse témoignent de la volonté d'unir les peuples dans un esprit de fraternité universelle, les Perses n'étant plus considérés comme des sujets et se voyant associés au gouvernement de l'empire[217]. Mais cette vision idéaliste ne résiste pas à un examen critique[63]. Ainsi pour Ernst Badian, ces noces sont d'abord le prétexte d'une réconciliation entre Alexandre et les Macédoniens, alors que cette hypothétique « fusion » entre les peuples concerne en premier lieu les élites[218]. Pour autant, Alexandre montre qu'il a su dépasser l'opposition traditionnelle entre Grecs et barbares, avec pour objectif d'assurer la pérennité de l'empire[215].

Mutinerie d'Opis (printemps 324)

Au printemps , immédiatement après les noces de Suse, une révolte éclate au sein de l'armée à Opis, sur le Tigre au nord de Babylone[215]. Les soldats condamnent d'abord la place nouvelle accordée aux troupes asiatiques. La création d'une cinquième hipparchie composée d'Asiatiques dans le corps des Compagnons est ainsi mal ressentie[219], tandis que 20 000 Perses équipés à la macédonienne ont déjà été levés en 327[N 39]. Mais le facteur principal de cette mutinerie est le fait qu'Alexandre décide de régner sur son empire depuis l'Asie et non de revenir à Pella[220], alors qu'il a promis de revenir en Macédoine au moment de la sédition en Inde (326)[221]. Aussi le jour même où Alexandre libère 10 000 vétérans, blessés ou trop âgés, éclate la mutinerie[221]. Il lui est demandé de donner congé à tous ; les mutins, faisant référence à Zeus Ammon, déclarent « que le dieu dont il descend combatte pour lui[A 76] ! » Empli de rage, il se précipite contre les mutins avec ses hypaspistes. Il fait exécuter treize des meneurs et reprend, par un discours habile où il flatte l'orgueil de ses hommes, le contrôle de la situation. Il se retire ensuite sous sa tente et ne s’adresse plus qu’aux Perses, refusant ostensiblement de parler aux Macédoniens[220]. Ceux-ci supplient alors le roi de leur rendre leur place auprès de lui et promettent de le suivre où il voudra les conduire. Il accorde aux volontaires la possibilité de rester à Alexandrie de Charax[220]. Cette réconciliation théâtrale prouve l'habileté d'Alexandre, qui conserve son ascendant sur ses troupes tout en atteignant ses objectifs, puisque les Asiatiques conservent leur place dans l'armée[222].

Cette mutinerie éclaire bien la distance existante entre les projets du roi et la volonté de retour parmi ses troupes fatiguées. À Opis, les soldats s'aperçoivent qu'Alexandre a bien l'intention « d'établir pour toujours en Asie le centre de son royaume »[A 77]. Ses nouvelles entreprises apparaissent aux yeux de ses soldats comme de plus en plus personnelles, et ils s'en estiment de moins en moins solidaires. Plusieurs milliers de vétérans sont donc libérés et prennent le chemin de la Macédoine sous le commandement de Cratère et de son second, Polyperchon[220],[N 40].

Retour sur la scène européenne (printemps-été 324)

La politique d'Alexandre envers les cités grecques de la ligue de Corinthe connaît une évolution certaine à partir de Ayant besoin des Grecs comme mercenaires et colons en Asie, il cherche à s'entendre avec toutes les cités. Il ordonne donc depuis Suse aux cités de rappeler les bannis afin d'inaugurer une ère de concorde. Mais cette mesure d'apaisement, qui doit être annoncée par Nicanor de Stagire durant les Jeux olympiques[A 78], est perçue comme une ingérence dans les affaires intérieures des cités, qui plus est sous la menace d'Antipater pour les plus récalcitrantes d'entre elles[223]. Par ailleurs, il semblerait que Nicanor soit aussi chargé d'annoncer aux cités qu'Alexandre souhaite recevoir un culte public en tant que « Dieu Invaincu »[215]. Finalement, ces mesures maladroites montrent qu'Alexandre, à cette date, n'est plus le « roi des Macédoniens » ou l’hégémon de la ligue de Corinthe, mais bien le « Roi Alexandre », chose que les Grecs des cités ont des difficultés à admettre[223].

Au printemps 324, Alexandre reçoit des informations sur la situation en Grèce[220]. Le vieux régent Antipater, en conflit permanent avec Olympias et attaché aux traditions monarchiques des Argéades, déplore la politique « asiatique » d'Alexandre et le fait qu'il reçoive des honneurs divins[169]. Le fidèle Cratère est donc chargé, secrètement, de remplacer Antipater, tandis que ce dernier est censé amener en Asie de nouvelles recrues pour les projets futurs du roi. L'arrivée de Cratère en Cilicie oblige Harpale, le trésorier en fuite, à rejoindre Athènes, où il est accueilli durant l'été 324. Certains Athéniens y voient l'occasion de contrecarrer la politique d'Alexandre, dont le décret de 324 oblige la restitution de Samos à ses habitants. Mais les menaces d'Antipater et d'Olympias forcent la cité à la prudence[169].

Ultimes desseins (été 324-printemps 323)

D'Opis en Babylonie, Alexandre se rend par la vallée du Zagros à Ecbatane. C'est là, au cours de l'hiver 324, que meurt son favori Héphaistion de mort naturelle[224]. La douleur du roi est assimilée par certains auteurs antiques à celle d'Achille pleurant sur le corps de Patrocle[A 79]. Alexandre rend à son chiliarque des honneurs quasi royaux ; après avoir consulté l'oracle d'Ammon, il lui dédie un culte héroïque[224]. Mais les tâches royales reprennent le dessus et une dernière campagne est organisée contre les Cosséens, montagnards de Médie que les Perses n'ont jamais totalement soumis. D’après Plutarque, Alexandre aurait mené cette campagne, qui vire au massacre des populations, en guise de sacrifice pour les funérailles d'Héphaistion[A 80],[225].

Alexandre se rend ensuite à Babylone au printemps 323. En chemin, il reçoit des ambassades venues de Grèce. Les Athéniens en particulier protestent contre les décrets ordonnant le rappel des bannis et les honneurs divins pour le roi. Mais les autres cités grecques lui envoient des théores comme à un dieu[224]. Alexandre multiplie les rencontres avec des ambassades venues des pays limitrophes de son empire (Cyrénéens, Carthaginois, Étrusques, Celtes des Balkans), démontrant l'immense prestige du conquérant[224].

Le voyage de Néarque a démontré combien les communications maritimes avec la partie orientale de l'empire sont plus aisées que les communications terrestres, et Alexandre ordonne l'exploration des mers limitrophes. Ainsi Héraclide est-il envoyé explorer la mer Caspienne et trois expéditions successives sont envoyées afin de reconnaître les côtes de l'Arabie[A 81]. Les deux premières, celle d'Archias de Pella, et celle d’Androsthène ne dépassent pas l'île de Tylos (actuelle île de Bahreïn). Celle d'Hièron de Soles atteint sans doute le golfe de Suez. Cette reconnaissance totale des côtes de la mer Rouge à l’embouchure de l’Indus donne à Alexandrie un rôle pivot dans le développement des relations commerciales entre la mer Égée et l’Asie. L'armée connaît par ailleurs une nouvelle réorganisation. Peucestas, satrape de Perside, amène 20 000 jeunes Perses, les épigones (« héritiers »), pour qu'ils soient intégrés à la phalange, faisant passer le rapport à 12 Perses pour 4 Macédoniens[224].

Les historiens contemporains ne s’accordent pas sur les derniers desseins d'Alexandre. Plusieurs auteurs anciens affirment qu'il caresse le projet de conquérir le bassin occidental de la mer Méditerranée[A 82]. Il est en effet plausible qu’il ait envisagé de se tourner vers la Méditerranée occidentale, en particulier Carthage. Perdiccas l'affirme devant les troupes peu après la mort du roi. Ce qui est certain, c’est qu’une expédition est envisagée pour le 20 du mois de Dæsios (5 juin 323), que les sources antiques orientent vers le sud de la Libye afin d’atteindre l’Occident. Les historiens contemporains ont envisagé qu'Alexandre a l'ambition de s’aventurer en Arabie afin d’assurer la liaison entre la Babylonie, l'Égypte et l'Inde[226]. La question qui se pose est donc de comprendre s'il y a deux projets distincts, la conquête de la Méditerranée occidentale d'une part, et le contrôle des côtes de l'Arabie et de la mer Rouge d'autre part, ou s'il ne s'agit que d'un seul et même projet, à savoir relier Alexandrie du Tigre à Alexandrie puis de là poursuivre vers Carthage et la Sicile.

Derniers jours (mai-juin 323)

Sculpture représentant Alexandre agonisant
Alexandre mourant, copie romaine d'une sculpture du IIe siècle av. J.-C., musée national d'art d'Azerbaïdjan.

Alexandre consacre le printemps à parcourir les canaux de l’Euphrate en faisant exécuter des travaux destinés à réguler les inondations[227]. C'est à la veille du départ pour l'expédition d'Arabie, le , qu'il meurt à Babylone, pris de fortes fièvres[226]. Une tablette astronomique babylonienne datant de l'époque hellénistique porte la mention « le roi est mort » et permet de dater précisément la mort d'Alexandre dans la nuit du 10 au 11 juin[N 41],[48]. Une autre date a longtemps été proposée d'après les sources antiques[A 83], à savoir le , soit le 28e jour du mois de scirophorion ou daisios chez les Macédoniens[N 42],[228].

Plutarque et Arrien ont écrit, d'après les Éphémérides royales rédigées par le chancelier Eumène de Cardia[N 43], le détail des derniers jours du roi entre le 27 mai et le 10 juin (du 15 au 28 du mois de daisios). Selon Plutarque, Alexandre est troublé par la multiplication de signes funestes. Ainsi, lors d'une navigation sur l'Euphrate, un coup de vent emporte le diadème royal tandis qu'à Babylone, un inconnu ose s’asseoir sur le trône d'Alexandre, geste qu'il paye de sa vie. Puis, les fêtes dionysiaques (komos) et les soirées de beuveries, dont le roi est coutumier, reprennent. Ainsi, les 28 et 29 mai, Alexandre passe de banquet en banquet, d'abord chez Néarque puis chez un hétaire thessalien, Médios de Larissa qui reçoit le 30 mai vingt-deux convives parmi les plus proches Compagnons du roi. Durant le banquet, pris d'un accès de fièvre et ayant très soif selon le témoignage d'Aristobule repris par Plutarque[A 84], il boit d'une seule traite la coupe d'Héraclès remplie de vin pur[229]. Il ressent immédiatement une vive douleur le forçant à quitter la table[230] et se met à délirer[229]. Le lendemain, Alexandre est victime d'une forte fièvre qui va durer jusqu'à sa mort. Les premiers jours, jusqu'au , il continue à donner des ordres et à surveiller les préparatifs de son expédition en Arabie ; mais, à partir du , l'aggravation de son état l'en rend désormais incapable. Le , il perd l'usage de la parole mais parvient à reconnaître ses officiers. Une terrible fièvre s'empare de lui dans la nuit du 7 au . Le , les Macédoniens, le croyant mort, exigent de le voir et défilent devant le roi, sans armes, lequel salue silencieusement chaque homme[231]. Alexandre meurt le au soir à l'âge de 32 ans[231].

Le seul héritier légitime d'Alexandre est son demi-frère jugé déficient mental, Arrhidée, le futur Philippe III, tandis que Roxane est enceinte de six mois du futur Alexandre IV[232]. Selon Diodore[A 85], lorsque Alexandre, agonisant, reçoit la question de Perdiccas : « À qui entends-tu léguer l'Empire ? », il lui aurait fait cette réponse : « Au plus fort (tôi kratistôi) ». La scène, réelle ou non, laisse en tout cas augurer les déchirements qui vont opposer ses principaux généraux, les Diadoques, à propos de la succession d'Alexandre. Perdiccas, Ptolémée, Antigone, Lysimaque Séleucos et Cassandre notamment se livreront de nombreuses guerres pour le partage de l'empire. D'après les auteurs de la Vulgate[A 86], Perdiccas, deuxième personnage de l'État depuis la mort d'Héphaistion et futur chiliarque de l'empire, aurait reçu des mains d'Alexandre l'anneau portant le sceau royal[233].

Causes possibles de la mort d'Alexandre

La plupart des historiens modernes, à la suite du récit des Éphémérides sur les derniers jours du roi, estiment qu'Alexandre serait mort d'une crise aiguë de paludisme (ou malaria tropica)[234] et que cette fièvre, contractée en explorant les marécages bordant l'Euphrate, l'aurait miné plusieurs semaines comme en témoignent une soif persistante et une forme de torpeur[235]. Ainsi comme nombre de Méditerranéens de son temps[N 44], il aurait souffert de paludisme à plasmodium falciparum, dont les symptômes ont été abondamment décrits par Hippocrate[236]. Ce diagnostic est admis par Émile Littré en 1865 dans La vérité sur la mort d'Alexandre le Grand et par de nombreux chercheurs contemporains[237]. Une autre hypothèse met en cause la fièvre typhoïde qui est aussi courante que le paludisme dans l'antique Babylonie[238].

Une étude menée en 2003 par deux docteurs en médecine avance l'hypothèse qu'Alexandre serait mort de la fièvre du Nil occidental[239],[240]. Des historiens estiment que cette hypothèse est recevable[241]. D'autres avancent qu'Alexandre aurait été victime d'une lésion interne grave causée par la perforation d'un ulcère gastrique ou une pancréatite aiguë[242],[243]. Enfin, une dernière hypothèse évoque la possibilité d'une surconsommation d'hellébore, une plante médicinale[241]. Selon le médecin Philippe Charlier, l'anatomo-pathologiste contemporain indiquerait : « Homme jeune, 32 ans, déplacé sur le plan géographique, mauvaise hygiène de vie sous-jacente, alcoolisme chronique, polyparasitose »[244]. En 2018, la professeure de médecine néo-zélandaise Katherine Hall de l'université d'Otago propose comme cause directe du décès une maladie neurologique auto-immune, le syndrome de Guillain-Barré[245]. Les symptômes concorderaient avec une variante du mal (AMAN), peut-être liés à une attaque bactérienne du système digestif : fièvre, douleurs, paralysie, suivi d'une mort apparente (et ainsi d'une erreur de diagnostic[246]), ce qui expliquerait la conservation de son corps durant plusieurs jours[247],[248].

Une rumeur diffusée par Olympias à partir de accuse d'empoisonnement les fils d'Antipater, Cassandre et Iolas, l'échanson du roi qui parait à ce titre être le suspect idéal[241]. Cette rumeur, probablement relayée par Clitarque[249], est évoquée par les auteurs de la Vulgate, même s'ils ne la cautionnent pas[A 87] ; elle est vivement contestée par Arrien et Plutarque[A 88]. Une autre rumeur accuse Aristote, désespéré par l'exécution de son neveu Callisthène, d'avoir procuré à Antipater le poison, puisé à la source du Styx[241]. Selon la reine-mère, Antipater aurait souhaité la mort d'Alexandre car il entend conserver la régence de Macédoine qui doit échoir au fidèle Cratère. Antipater aurait donc confié le poison à Cassandre, qui lui-même l'aurait donné à son jeune frère, Iolas, pour la mêler à la coupe de vin d'Alexandre, avec la complicité de Médios qui a organisé le dernier banquet du roi. On peut déjà objecter que Médios est dans le premier cercle des flatteurs du roi à la fin de son règne[A 89]. Enfin cette rumeur a été propagée au moment où Olympias cherche à discréditer les Antipatrides dans le contexte des rivalités entre Diadoques ; elle fait d'ailleurs profaner la tombe de Iolas, récemment mort[241]. Selon le Pseudo-Plutarque, l'orateur athénien Hypéride aurait proposé le vote d'une récompense à Iolas en tant que meurtrier d'Alexandre[250]. Mais cette mention, qui est en contradiction directe avec le récit de Plutarque dans la Vie d'Alexandre, est incontestablement une invention postérieure. Finalement, cette hypothèse de l’empoisonnement rencontre peu d'écho chez les historiens contemporains[249],[251].

Personnalité et vie privée

Apparence physique

Détail d'une sculpture représentant un portrait d'Alexandre
Détail de l’Alexandre Rondanini, glyptothèque de Munich.

Le corps d'Alexandre, magnifié de son vivant par des artistes officiels à la grande réputation, dont le sculpteur Lysippe et le peintre Apelle[A 90], est un élément crucial de la propagande royale[252]. Les sources antiques, dont Plutarque[A 91], disent qu'Alexandre est de grande taille, qu'il a une peau blanche et une chevelure léonine châtain clair aux reflets cuivrés. D'après la version latine du Roman d'Alexandre, Alexandre aurait eu les yeux vairons (bleu et marron)[253]. Mais sa beauté supposée répond à un idéal de l'époque : des monnaies frappées à Rhodes peu avant son règne montrent l'effigie d'Hélios avec des traits caractérisant plus tard le visage d'Alexandre[254].

Par ailleurs, Alexandre a la tête toujours penchée du côté droit. Plutarque mentionne le phénomène[A 91], et plusieurs statues antiques, à la suite de Lysippe, montrent une inclinaison plus ou moins accentuée. Aucune coquetterie, signe d’élégance ou exagération de la part de Lysippe ; la cause en serait une pathologie d'après les médecins modernes qui ont étudié le buste conservé au musée du Louvre ainsi que les statuettes en ivoire retrouvées en 1977 à Vergina. Alexandre a la tête inclinée à droite et le cou en avant, avec un raccourcissement du muscle sterno-cléido-mastoïdien ; qui plus est, son œil droit est plus bas que le gauche. La source du problème pourrait être un torticolis musculaire, provoqué soit par un choc violent, soit par un trouble oculaire (strabisme vertical ou paralysie des muscles oculaires) d’origine héréditaire puisqu’on retrouve semble-t-il cette pathologie sur les statuettes de personnages apparentés à Alexandre[255].

Les statues se multiplient sous son règne afin de magnifier son pouvoir et sa nature surhumaine. Les œuvres posthumes, datant du temps des Diadoques, comme le sarcophage de Sidon, glorifient le roi divinisé dans l'éclat de sa jeunesse[252].

Caractère

Peinture représentant Alexandre rendant visite à Diogène assis dans son tonneau
Alexandre et Diogène, Cornelis de Vos, XVIIe siècle.

La personnalité d'Alexandre semble double, à la fois Apollon et Dionysos[70]. Le principe fondateur de sa personnalité est selon Arrien le pothos, notion qu'il est possible de traduire comme une quête vers l'inconnu et le dépassement de soi[256]. Ce désir insatiable le conduit à outrepasser les limites du possible en soumettant des peuples jamais conquis et en franchissant les obstacles naturels, qu'ils soient des fleuves, des montagnes ou des étendues désertiques[257]. Alexandre possède une nature impulsive ; la rage visible dans son regard aurait hanté Cassandre jusqu'à sa mort[258], alors que comme le rapporte Athénée de Naucratis[A 92] tous ceux qui s'approchent de lui sont saisis de crainte[259]. Ce tempérament semble être un héritage de ses parents, l'intrépide Philippe II, prompt à l'emportement, et l'ombrageuse Olympias, adepte du culte dionysiaque[260]. Il ne supporte pas qu'on puisse dire du mal de lui car il tient à « sa réputation plus qu'à la vie et à la royauté »[A 93]. Il peut se laisser emporter par une fureur (ménos) qui conduit à l'hybris, la démesure[256], et se montrer d’une grande cruauté comme le révèlent de nombreux épisodes : la destruction de Thèbes, le massacre des mercenaires grecs vaincus au Granique, les exécutions de Parménion et de Philotas, le meurtre de son ami Cleitos (quand bien même serait-il saoul de vin), la crucifixion du médecin qui n'a pas su sauver Héphaistion, le massacre des Cosséens en guise de sacrifice après la mort de son favori. Dans la douleur, il ressemble à son modèle héroïque, Achille[261]. Il montre bien sûr un immense appétit de gloire immortelle (kléos) qui lui fait chercher la belle-mort[101].

Mais Alexandre a aussi une personnalité faite de tempérance et de rationalité[A 94], qui tend à l'excellence dans toute chose, l’arété[256]. Il est mû par un grand désir de savoir, un amour de la philosophie[A 94]. Cet aspect de sa personnalité a été entretenu par la tutelle d'Aristote, qui l'a initié à la métaphysique et à la rhétorique[262]. Influencé également par les cyniques, il aurait fait ce commentaire : « Si je n'étais Alexandre, je voudrais être Diogène »[A 29], signifiant par-là que la simplicité est une vertu morale[86], mais aussi que s'il ne peut pratiquer la philosophie par ses actions (erga), il la professera par ses paroles (logoi). Onésicrite, Compagnon d'Alexandre et élève de Diogène, proclame qu'il est un « philosophe en armes »[256], celui qui est devenu maître du monde par l'union de la pensée et de l'action[86]. Selon Plutarque[A 95], qui témoigne de son admiration, Alexandre est le « plus grand des philosophes » car il a réuni l'éthique et la politique[256], et qu'il a « le dessein d'unir tous les hommes par les liens de la concorde, de la paix et d'un commerce mutuel »[A 96]. Il a lu l’Iliade d'Homère, qui lui a appris l'art de bien parler[263]. L'art oratoire participe à la gloire, tout autant que la victoire ; comme Achille, il réalise de grandes actions et dit de grandes paroles[263]. Il montre par ailleurs beaucoup de retenue dans les plaisirs charnels[264], ce qui contraste avec son manque de maîtrise de soi face à l'alcool[A 97]. Arrien, qui se fie ici à Aristobule, estime pourtant que si Alexandre se livre à l'ivresse c'est « moins par goût que pour complaire à ses amis »[A 98]. Il démontre par ailleurs une certaine frugalité[265] et sait aussi être maître de lui-même, comme durant la poursuite de Bessos lorsqu'il refuse de boire de l'eau tant que ses soldats n'en auront pas bu eux aussi[256]. Finalement, il possède les vertus guerrières chères à Homère, mais montre aussi de la générosité (philantrôpia) et de la libéralité[266].

En termes de religiosité, Alexandre montre une forme de scepticisme sous l'influence d'Anaxarque[267]. Au contraire de sa mère Olympias, il ne se laisse pas profondément influencer par l'orphisme et le dionysisme. Son penchant pour le komos (le banquet dionysiaque) semble davantage dû au vin qu'à l'exaltation religieuse[267]. Les rites accomplis dans le cadre de la fonction royale s'avèrent être purement formels, tandis que les rapports bienveillants entretenus avec les sanctuaires égyptiens, babyloniens ou perses relèvent de l'opportunisme politique[267]. Pour autant, il témoigne d'une anxiété superstitieuse en interrogeant les devins, comme l'oracle de Siwa, en organisant des sacrifices la nuit précédant la bataille de Gaugamèles[267], ou en consultant des prêtres chaldéens les dernières semaines de son règne[268].

Relations féminines

Tableau représentant Alexandre le Grand cédant Campaspe à Apelle
Alexandre le Grand cédant Campaspe à Apelle, Charles Meynier, 1822.

Alexandre n'a pas la réputation d'être particulièrement attiré par les femmes[269]. Ainsi Athénée de Naucratis écrit : « Théophraste dit aussi qu'Alexandre était peu propre aux ébats amoureux. Sa mère Olympias (du consentement de Philippe) fit coucher auprès de lui une courtisane thessalienne, nommée Callixine, femme d'une rare beauté, car ils craignaient qu'Alexandre ne fût impuissant, mais elle fut obligée de lui faire les plus pressantes sollicitations pour l'engager à passer dans ses bras »[A 97]. Pline l'Ancien raconte par ailleurs qu'Alexandre aurait offert sa maîtresse favorite Campaspe (ou Pancaste) au peintre Apelle, ce dernier en étant tombé amoureux ; mais cette anecdote est probablement une légende[270]. Il a tout de même eu pour maîtresse Barsine, fille du satrape Artabaze, âgée de neuf ans de plus que lui. Il la connaît depuis son adolescence, car le père de Barsine s'est réfugié à la cour de Macédoine. Il la retrouve après la bataille d'Issos (). Ils ont ensemble un fils, Héraclès, né vers 328-[271].

Il faut attendre pour qu'Alexandre consente à épouser Roxane, la fille du satrape vaincu Oxyartès qui a fini par se rallier à lui[183] ; elle est réputée comme étant l'une des plus belles femmes d'Asie[A 99]. Ils ont ensemble deux fils, dont le premier, né pendant la campagne d'Inde meurt en très bas âge. Le deuxième, Alexandre Aigos, né trois mois environ après la mort d'Alexandre, devient héritier de l'empire mais sans jamais exercer le pouvoir. Cassandre le fait assassiner, avec sa mère, en 310.

Selon Quinte-Curce, il est possible qu'Alexandre ait eu une liaison avec la reine des Assacènes Cléophis, réputée d'une grande beauté, qui aurait eu un fils prénommé Alexandre sans que l'on sache s'il en est le père[A 100]. Cette histoire sentimentale hypothétique a en partie inspiré Jean Racine pour la pièce de théâtre Alexandre le Grand[272]. En 324, Alexandre épouse Stateira, la fille aînée de Darius III, et Parysatis, la fille d'Artaxerxès III. Il s'agit d'un acte politique alors que 10 000 mariages irano-macédoniens sont célébrés le même jour à Suse[269]. Finalement, il a eu moins d'épouses que son père Philippe II, qui en a totalisé sept[A 101].

Relations masculines

Deux sculptures représentant Alexandre et Héphaistion
Alexandre, à gauche, et son favori Héphaistion, à droite, époque ptolémaïque, musée de la Villa Getty.

La question des relations intimes entre Alexandre et son favori Héphaistion reste de nos jours sujette à la controverse[N 45], une tradition historique faisant d'Héphaistion l'amant du roi[273]. Des chroniqueurs antiques postérieurs de quelques siècles, utilisant des sources aujourd'hui disparues, font bien état d'anecdotes concernant leur relation amoureuse, à l'image de celle entre Achille et Patrocle. Néanmoins les sources anciennes les plus fiables, tels Diodore de Sicile, Arrien, Plutarque et Quinte-Curce, citent uniquement Héphaistion comme étant l'ami (philos) d'Alexandre, même s'il est vrai qu'ils écrivent à une époque où les relations homosexuelles sont moins tolérées qu'au temps de la Grèce classique[274].

Selon les sources antiques, Héphaistion est depuis l'enfance l'ami le plus cher et le confident d'Alexandre[88]. Après une donation au sanctuaire d'Asclépios à Épidaure, Alexandre aurait dit : « J'ai pourtant à me plaindre de ce dieu, qui n'a point sauvé celui que j'aimais plus que moi‑même »[A 102]. Au moment de la capture de la famille royale perse, à la suite de la bataille d'Issos, Sisygambis, la mère de Darius III, aurait confondu, selon les auteurs de la Vulgate, Héphaistion, qui « l'emportait par la taille et la beauté », avec le roi, qui aurait rétorqué : « Lui aussi est Alexandre »[A 103]. Arrien quant à lui rapporte cet événement tout en déclarant qu'il ne se prononce pas sur la véracité ou non de celui-ci[A 104]. Cette fable, qui fait d'Héphaistion le véritable alter-ego d'Alexandre, proviendrait de l'historien Clitarque, sachant que le thème de la ressemblance vestimentaire entre les deux hommes est commun à Alexandrie à la fin du IVe siècle av. J.-C. Par ailleurs Aristote, qui a été leur professeur, déclare que l'amitié est comme « une seule âme demeurant dans deux corps »[A 105]. Pour le philosophe l'amitié (philia) est une forme d'amour (éros)[275] et « la chose la plus nécessaire à l'existence »[276]. Dans l'Éthique à Nicomaque[A 106], il définit l'amitié entre ceux qui se ressemblent comme une vertu, ajoutant que ceux nous aimons le sont car ils sont un autre nous-même[277].

À l'occasion d'un pèlerinage à Troie au printemps , attesté notamment par Arrien[A 107], Alexandre et Héphaistion ont déposé des gerbes sur les tombes d'Achille et Patrocle pour ensuite effectuer, ensemble et nus, une course pour honorer les deux héros. Selon Élien cet épisode laisserait entendre qu'Héphaistion est bien l'éromène d'Alexandre, comme Patrocle a été celui d'Achille[A 108]. Cette interprétation reste sujette à caution aux yeux de certains modernes[278], car l'œuvre d'Élien est une collection d'anecdotes, écrite plus de cinq siècles après les faits. À son époque, il semble d'ailleurs acquis qu'Achille et Patrocle soient amants alors qu'Homère ne l'évoque pas explicitement[279]. Parmi des auteurs ultérieurs estimant qu'Achille et Patrocle sont amants on retrouve tout de même Platon dans Le Banquet[A 109]. Quant à l'immense peine d'Alexandre après la mort de son favori, elle le rapproche in fine d'Achille pleurant Patrocle[83]. Selon l'historien Robin Lane Fox, cet hommage à Achille et Patrocle montre bel et bien qu'ils ont une relation intime, car à l'époque il est convenu que les deux héros sont amoureux et que cette comparaison est destinée à rester jusqu'à la fin de leurs jours[280]. Selon M. Beard la description par Arrien des lamentations d'Alexandre après la mort de Héphaiston et l'héroïsation de ce dernier auraient plutôt pour modèle ce que l'empereur Hadrien, dont l'historien est le serviteur, a fait à la mort de son amant Antinous[281].

Alexandre et Héphaistion ont grandi à une époque où, selon certains historiens, les relations homosexuelles entre hommes sont considérées comme anormales par la majorité des Grecs[279]. Mais selon d'autres chercheurs, comme Eva Cantarella, la bisexualité masculine est largement autorisée à cette époque dans la mesure où elle reste dans les limites prédéfinies[282]. Pour les Grecs, l'homosexualité n'est pas un choix exclusif ou une option hors norme ; il s'agit d'une partie de l'expérience de la vie qui peut être associée à l'amour d'une femme[282]. Toutefois le modèle des relations amoureuses entre personnes du même sexe n'est pas le même dans toutes les cités grecques. Certains auteurs de l'époque romaine prennent pour exemple le modèle athénien, en présumant qu'Alexandre et Héphaistion ont entretenu une relation sexuelle au moment de leur adolescence, après quoi ils l'auraient abandonnée[283]. Cependant ce qui est vrai à Athènes, ne l'est pas nécessairement en Macédoine. Les rois argéades prétendent en effet descendre des Doriens, supposés prôner l'homosexualité masculine[280], ce type de relation s'apparentant davantage aux mœurs du Bataillon sacré de Thèbes qu'à celles en vigueur dans la cité attique[284]. Philippe II de Macédoine, ainsi que nombre des officiers de son père, sont par exemple réputés pour être bisexuels[269].

D'après certains auteurs antiques, Alexandre aurait eu pour éromène l'eunuque perse Bagoas[A 110]. Quinte-Curce écrit que Bagoas, « eunuque d'une rare beauté et encore dans la première fleur de l'adolescence », a été offert à Alexandre par Nabarzanès, un général de Darius III, après la bataille de Gaugamèles[A 111]. Plutarque fait mention d'une soirée où Alexandre donne un baiser à Bagoas après que celui-ci a dansé pour le roi[A 112]. Il est néanmoins possible que ce baiser soit aussi un geste politique, Alexandre montrant par là son attrait pour les mœurs orientales car en Perse les eunuques sont communs à la cour du souverain[273],[285]. Toujours selon Quinte-Curce, Bagoas se serait prostitué à Alexandre. Il aurait par ailleurs poussé Alexandre à faire exécuter Orxinès, un noble perse coupable de l'avoir méprisé, en le faisant accuser d'avoir pillé le tombeau de Cyrus[A 113]. Mais cette relation avec Bagoas pourrait n'avoir été qu'une rumeur émanant de Macédoniens agacés par la politique orientale d'Alexandre et amplifiée par les moralistes grecs et latins tardifs[269]. Enfin d'après Plutarque, Alexandre aurait rejeté les propositions d'un proxénète lui offrant contre argent les plus jolis garçons[A 114].

Relations avec les animaux

Monnaie en bronze représentant au revers le jeune Alexandre dressant Bucéphale
Monnaie d'époque romaine, IIIe siècle apr. J.-C., avec au revers le jeune Alexandre dressant Bucéphale.

Alexandre possède deux animaux passés à la postérité, un cheval et un chien. Son cheval, qui l'accompagne tout au long de ses conquêtes, est Bucéphale ; il parvient à le dompter alors qu'il n'a que 10 ans[286]. Il lui dédie après sa mort en une cité, Bucéphalie, dans le Pendjab pakistanais[287]. Son chien s'appelle Péritas[A 62] ; il s'agit probablement d'un molosse, d'une « taille extraordinaire », qui lui a été offert par Alexandre le Molosse[A 115], frère d'Olympias, les Molosses désignant à l'origine l'une des principales peuplades d'Épire. À sa mort en Inde, Alexandre lui dédie la construction d'une cité sur les bords du fleuve Hydaspe (actuel Jhelum)[288].

Œuvre d'Alexandre

Carte représentant l'itinéraire et les conquêtes d'Alexandre
L’empire d’Alexandre à son apogée.

Œuvre militaire

Bas-relief représentant Alexandre monté à cheval qui combat un cavalier perse
Alexandre combattant les Perses, détail du sarcophage d'Alexandre, musée archéologique d'Istanbul.

Alexandre est souvent considéré comme le plus grand génie militaire de l'Antiquité, à la fois stratège hors pair et combattant téméraire. Pour autant, il ne faudrait pas oublier le mérite des soldats, officiers et techniciens qui l'ont accompagné en Asie, ni l'héritage de Philippe II[131]. Ses grandes victoires contre les Perses (Granique, Issos, Gaugamèles) sont fondées sur des concepts stratégiques établis par son père, qui s'inspire lui-même en partie de l'ordre oblique d'Épaminondas[289], et qu'applique son second, l'expérimenté Parménion. Alexandre met en œuvre la tactique dite du « marteau et de l'enclume » tout en bénéficiant de facteurs favorables et de la faiblesse stratégique des Perses[131]. Son génie militaire réside dans sa capacité à lancer la charge de cavalerie au moment opportun. C'est en Iran, après , qu'Alexandre établit des tactiques novatrices dans sa lutte contre les derniers Perses insoumis et dans les steppes contre les cavaliers scythes[131]. En Inde, il doit prendre en compte un nouvel adversaire, les éléphants de guerre. La bataille de l'Hydaspe se déroule selon une tactique nouvelle, Alexandre n'ayant d'ailleurs probablement pas participé directement aux combats, laissant ses généraux, dont Cratère et Perdiccas, exécuter ses ordres[290]. Finalement, Alexandre n'a livré que quatre grandes batailles rangées, auxquelles on pourrait ajouter la bataille des Portes persiques ainsi que de nombreux sièges, dont ceux de Thèbes, Milet, Halicarnasse, Tyr et Aornos.

Alexandre montre toute son inventivité dans la manœuvre avec des marches rapides, des déplacements en montagne, des campagnes d'hiver, des franchissements de fleuve. Il applique aussi des stratagèmes émis par les stratèges grecs, tels Xénophon et Iphicrate, rompus à l'art de la guerre rusée[290]. Il parait économe de la vie de ses hommes, préférant la manœuvre rapide au combat frontal. Il est aussi un grand manieur d'hommes. Ses harangues, même si les textes authentiques sont inconnus, sont pleines d'éloquence et de force de conviction[290]. Il n'échoue à convaincre ses troupes qu'en Inde sur les rives de l'Hyphase en 326[198].

Œuvre politique

Peinture représentant Alexandre devant le tombeau de Cyrus
Alexandre devant le tombeau de Cyrus, Pierre-Henri de Valenciennes, 1796.

Une analyse de l'œuvre d’Alexandre est complexe à réaliser car celle-ci reste inachevée. Il est d'abord le fondateur d'un empire multiethnique et multiculturel établi sur les bases de l'empire achéménide[205]. Il conserve les cadres administratifs de l'empire perse[291], dont les satrapies, tout en cherchant à se concilier l'aristocratie perse, comme le montrent la rénovation du tombeau de Cyrus ou les noces de Suse[291]. Chaque peuple conserve ses particularismes culturels ou religieux. Les populations continuent de parler leur langue, dont l'araméen et le babylonien, bien que le grec devienne la langue officielle de l'administration royale, comme elle le sera du temps des monarchies hellénistiques. Il établit par ailleurs, dans le plateau iranien et en Asie centrale, des foyers de peuplement grec, avec l’implantation de vétérans et de colons qui se développent surtout à l'époque séleucide. En principe, Alexandre est parvenu à unifier son empire car tous les territoires conquis dépendent de son autorité, mais derrière cette souveraineté totale se cache une grande diversité de statuts et de situations, comme dans l'administration satrapique ou des cités. C'est la conséquence directe de l’extraordinaire rapidité de la conquête.

Alexandre ne semble pas vouloir constituer un empire macédonien débordant sur l'Asie, contrairement à l'idée défendue par Isocrate dans son discours de intitulé Philippe[A 116]. Le rhéteur athénien se pose en effet en apôtre du panhellénisme et fait de Philippe II l'unificateur de la Grèce et le chef de la guerre contre les Perses[292]. Alexandre semble bien vouloir l'Asie tout entière, du moins selon la connaissance qu'en possèdent les Grecs à l'époque. Il ne fait d'ailleurs qu'appliquer le droit grec de la guerre[293], ainsi défini par Xénophon : « C'est une loi universelle et éternelle que, dans une ville prise sur des ennemis en état de guerre, tout, et les personnes et les biens, appartient au vainqueur »[A 117]. Il parait donc que l'objectif premier d'Alexandre soit de remplacer la souveraineté achéménide par la souveraineté macédonienne et qu'il considère que toutes ses conquêtes sont définitives. La nomination de satrapes dès la victoire du Granique va dans ce sens[294]. Après la prise de Tyr, il affirme avec force qu'il ne se contentera pas de la conquête de la Lydie et la Cilicie[A 118], ce qui correspond à l'objectif émis par Isocrate. Les historiens de l'Antiquité sont tous convaincus que son objectif est bien la conquête de l'ensemble du territoire achéménide[A 119]. Certes, il faut se montrer prudent avec les diverses sources ; l'on ne sait s'il s'agit chez Arrien et Quinte-Curce du rapport fidèle des ambitions territoriales d'Alexandre ou d'un discours historiographique construit afin de donner l'impression chez le conquérant d'une vision à long terme, et non d'une conquête improvisée au gré des victoires et des événements. Quoi qu'il en soit, il semble difficile de croire qu'à la suite d'un éventuel accord entre Darius et Alexandre, ce dernier ait accepté de faire de l'Euphrate sa frontière orientale[157]. Le fait que tout au long de la conquête Alexandre revendique systématiquement les territoires qui à un moment ou à un autre ont été achéménides illustre un projet politique cohérent[294].

Pour Alexandre, l'urbanisation reste le meilleur moyen d'assurer sa domination sur les régions conquises[N 46], soit sous la forme de colonies militaires (katoikiai), soit sous la forme de cités (poleis). La tradition issue de Plutarque et d'Arrien veut qu'Alexandre, véritable « conquérant-civilisateur » aux yeux des Anciens, ait fondé soixante-dix villes[295]. Mais ce chiffre parait exagéré car il prend en compte les fondations de ses successeurs, les Diadoques, ainsi que les simples garnisons (phrouria)[295]. Il apparaît plus probable qu'Alexandre ait fondé une vingtaine d'Alexandrie. La fonction de ces cités est d'abord militaire avec pour objectif le contrôle des voies de communication et des populations[296]. Certaines cités, de par leur situation stratégique, sont appelées à jouer, après sa mort, un rôle de centre commercial, telles Alexandrie d'Égypte et Alexandrie du Tigre. La sédentarisation des peuplades asiatiques ne semble pas avoir été un objectif en soi[297].

Alexandre a modifié le cadre traditionnel de la royauté argéade en personnalisant, plus encore que son père, le pouvoir[298]. Le peuple macédonien, c'est-à-dire l'Assemblée des Macédoniens en armes, n'est que très rarement consulté. Certes, au début de son règne, dans l'ombre d'Antipater et du général Parménion, garants du maintien des traditions, Alexandre parait avoir été soumis à une relative tutelle, d'autant plus que sa jeunesse et les circonstances de son avènement limitent son autorité[298]. Parmi les pratiques habituelles, le Conseil royal (sunédrion ), où les nobles peuvent exercer une libre parole (isègoria), doit être régulièrement consulté. Cette tutelle n'est brisée qu'après l'exécution de Parménion en 330, même si Antipater, le prudent régent de Macédoine, parait être le véritable souverain aux yeux des Macédoniens restés au pays. À la fin de son règne, Alexandre compte d'ailleurs le remplacer par Cratère. Si Alexandre a été un souverain absolu c'est d'abord en Asie, conforté par ses proches, Héphaistion, Perdiccas et Cratère en premier lieu[298].

Auprès de certains peuples asiatiques, Alexandre accède à un statut de roi divinisé. Ainsi en Égypte, il est pharaon, Horus vivant, reconnu comme le fils de Zeus Ammon[160]. À Babylone, il est roi de par la volonté du dieu tutélaire de la cité, Mardouk. Alexandre suit d'ailleurs scrupuleusement les rites religieux babyloniens et fait restaurer certains temples[167], se faisant reconnaître souverain légitime du pays et « des quatre parties du monde ». Il reçoit ainsi l'appui déterminant de la caste sacerdotale babylonienne. S’appuyant sur les traditions locales, il cherche à être honoré comme un dieu par tous ses sujets. Mais il parait peu probable qu'il ait cru véritablement être un dieu ; il en fait même un sujet de plaisanteries avec Héphaistion[299]. Il parait pour autant convaincu de l'essence divine de sa mission.

Finalement, cette politique impériale fait dire à certains historiens qu'Alexandre est le « dernier des Achéménides »[300]. En effet, il a rassemblé toutes les terres conquises par les Achéménides au sein d'une même construction, il a repris en main l'administration centrale et satrapique en désignant parfois des Asiatiques, enfin il a conservé le système tributaire au sein de la terre royale (chôra basilikè)[301].

Œuvre économique

Pièce de monnaie en or à l'effigie d'Athéna avec au revers une Niké
Statère d'or au type d'Alexandre à l'effigie d'Athéna, avec au revers une Niké.

La question pour les historiens modernes est de savoir si Alexandre a véritablement décidé d'une politique économique systématique à l'échelle de l'empire en cherchant à améliorer les structures achéménides[302], sachant que les auteurs anciens ont négligé l'aspect économique dans leurs récits[N 47]. Dans la lignée de Johann Gustav Droysen, nombre d'historiens considèrent qu'Alexandre a mené une politique économique efficace par la mise en valeur des territoires, l'introduction de la monnaie, l'ouverture de routes commerciales. Mais cette vision « coloniale » peut être nuancée, avec notamment une meilleure prise en compte du sort des paysans asiatiques et du legs laissé par les Perses[303].

Alexandre donne l'impression d'un souverain soucieux d'exploiter l'espace conquis et d'en répertorier les richesses[303]. Il ordonne des expéditions afin de faire un rapport sur les populations et les productions des pays conquis ou limitrophes, comme celle de Néarque dans le golfe Persique, de Callisthène dans le Haut-Nil, d'Archias de Pella, d'Androsthène et de Hiéron sur les côtes de l'Arabie[303]. Longtemps les historiens, à la suite des auteurs antiques, lui ont attribué l'ouverture du commerce maritime entre l'Inde et la Méditerranée, mais celui-ci existe déjà aux époques achéménide et néo-babylonienne[205]. Quant à Alexandrie d’Égypte, elle n'est de son vivant qu'en l'état de chantier ; c'est sous les Lagides au IIIe siècle av. J.-C. qu'elle deviendra un grand centre du commerce entre l'Asie et l'Europe.

Alexandre ne dispose pas de stocks de vivres ou d'un service d'intendance, l'armée vivant sur le pays. L'expédition d’Alexandre est donc, avant tout, une opération prédatrice[304]. Les trésors pris aux Achéménides représentent des sommes astronomiques, mais les dépenses de l'expédition sont elles-mêmes gigantesques[N 48], tandis que la contribution financière de la Macédoine et des cités grecques reste faible. Si bien qu'à la mort du roi, malgré l'expansion commerciale, il ne reste d'après Justin que 50 000 talents dans les caisses de l'État[304]. Les revenus proviennent d'abord du produit de la terre. Dans la « terre royale », les paysans, appelés laoi basilikoi à l'époque hellénistique, versent chaque année une partie de leur production et assurent des corvées. Dans la « terre tributaire », les paysans sont soumis à de nombreux prélèvements[304]. Les satrapes reçoivent la mission de collecter six espèces d'impôts différents, parfois avec brutalité, les paysans payant les mêmes taxes que sous les Achéménides[A 120]. Enfin les cités nouvellement fondées en Asie, peuplées en partie de colons européens, participent à la domination envers les masses rurales[305].

Au temps de la conquête circulent des monnaies très diverses. La question qui fait encore débat parmi les historiens et numismates est donc de savoir si Alexandre a eu la volonté d'établir une monnaie « impériale » à son nom, comme certains auteurs antiques, dont Plutarque, le laissent suggérer. Dans l'empire perse circulent des dariques et des sicles produits dans les ateliers d'Asie Mineure, dont ceux de Sardes et de Tarse, et d'Orient, dont ceux de Phénicie et de Babylonie. Au départ de l'expédition, les Gréco-Macédoniens utilisent principalement des monnaies grecques aux types de Philippe II, en or essentiellement, et d'Alexandre probablement frappées à Amphipolis[17]. C'est après la victoire à Issos (333) qu'apparaissent les premiers tétradrachmes en argent et les premiers statères d'or aux types d'Alexandre. Se considérant de facto comme le roi d'Asie, il aurait inauguré un monnayage digne de cette fonction[17]. Pour autant, il maintient les traditions achéménides en laissant en circulation les anciens monnayages, jusqu'à faire du darique d'or la principale monnaie de son expédition dans les Hautes satrapies. Par ailleurs, le monnayage dit « impérial » ne s'applique qu'à une partie restreinte des territoires conquis et a été surtout frappé à la fin du règne[306]. Quant aux régions situées à l'Est de l'Euphrate, elles seraient demeurées sans atelier monétaire[307]. Alexandre n'a finalement pas cherché à établir un numéraire unique dans son empire, montrant par la même, une nouvelle fois, son pragmatisme[307].

Œuvre culturelle

Tétradrachme du IIIe siècle av. J.-C. à l'effigie d'Alexandre portant les cornes d'Ammon
Monnaie à l'effigie d'Alexandre portant les cornes d'Ammon, IIIe siècle av. J.-C., British Museum.

Le grand dessein d'Alexandre est d'associer les élites perses et les aristocraties locales à l'administration de son empire, en faisant en sorte qu'elles conservent les charges déjà occupées sous les Achéménides[308]. Il introduit l'étiquette perse à la cour, dont le cérémonial de la proskynèse[184], ce qui provoque une forte résistance de la part de certains Gréco-Macédoniens de son entourage, comme Callisthène, le neveu d'Aristote, qui meurt en captivité. Il contraint 10 000 de ses soldats et officiers à épouser des femmes iraniennes lors des noces de Suse au printemps Les mariages se font à la mode perse, ce qui ne manque pas de susciter la désapprobation des Gréco-Macédoniens, qui ont déjà vu leur roi s'unir à la « barbare » Roxane, même si ce mariage s'est fait selon les rites macédoniens[309]. La question qui se pose parmi les historiens modernes est de savoir si ces unions témoignent d'un esprit de fraternité universelle ou bien d'une forme de pragmatisme politique[63]. Alexandre intègre par ailleurs des Perses au sein de l'armée, dont les épigones (ou héritiers) dans la phalange, en les armant à la macédonienne ; c'est l'une des raisons pour lesquelles les soldats se mutinent à Opis près de Babylone[220].

Alexandre a étendu l'influence de l'hellénisme aux confins de l'Asie grâce à l'implantation de villes nouvelles et de garnisons peuplées de colons gréco-macédoniens (vétérans ou mercenaires) et d'indigènes[310]. L'implantation des populations locales semble avoir été en partie forcée, comme à Alexandrie d'Égypte ou à Alexandrie du Tigre, de même que les colons européens n'ont pas forcément tous été volontaires et que de nombreux soulèvements, dont celui en Bactriane, ont éclaté à la fin du règne ou peu après la mort d'Alexandre[310]. Cette colonisation a engendré des unions mixtes qui ont donné naissance à des enfants qu'Alexandre compte élever et armer à la macédonienne après que 10 000 vétérans ont reçu l'autorisation de rentrer en Macédoine en 323[311]. Finalement, cette politique s'apparente davantage à une « assimilation » des indigènes qu'à une « fusion » des peuples[311]. L'époque hellénistique qui voit des brassages ethniques, linguistiques, ainsi que des syncrétismes religieux, réalise en partie ce souhait d'Alexandre de dépasser l'opposition traditionnelle entre Grecs et Barbares et d'unifier les élites irano-macédoniennes.

Postérité

À travers l'histoire

Divinisation

Bas-relief du temple de Louxor représentant Alexandre en pharaon qui prie Amon
Alexandre en pharaon (à droite) priant Amon (à gauche), temple de Louxor, période ptolémaïque.

Par son père, le roi de Macédoine Philippe II, de la dynastie des Argéades, Alexandre prétend descendre de Téménos d'Argos, supposément descendant d'Héraclès, fils de Zeus. Par sa mère, Olympias, de la dynastie des Éacides, Alexandre affirme descendre de Néoptolème, fils d'Achille[A 6]. Une légende, connue dès le règne d'Alexandre, dit qu'Olympias ne l'aurait pas conçu avec Philippe mais avec Zeus.

Alexandre est proclamé pharaon d'Égypte à Memphis en Il se rend ensuite dans l'oasis de Siwa où il rencontre l'oracle de Zeus Ammon qui le confirme comme descendant direct du dieu Amon. La question qui se pose pour les historiens modernes est de savoir si Alexandre a véritablement songé à promouvoir un « culte impérial »[312]. Un examen des sources antiques, que ce soient des sculptures ou des monnaies, montre qu'il entend se faire honorer comme un héros à l'image d'Héraclès[312]. Par ailleurs, après la mort d'Héphaistion survenue en 324, il envoie une ambassade à l'oracle d'Ammon-Zeus afin de savoir s'il doit honorer son favori d'un culte divin[312]. L'oracle lui a répondu qu'il doit l'honorer comme un héros ; c'est ainsi qu'il demande à Cléomène de Naucratis, le gouverneur de l'Égypte, d'élever à Alexandrie des temples en son honneur. Le culte d'Héphaistion s'est rapidement répandu, y compris dans les cités grecques[313]. À partir de 324, selon certains auteurs antiques, Alexandre aurait voulu être honoré en Grèce comme « Dieu Invaincu », conjointement à l'édit sur le retour des bannis dans les cités[215]. Mais cette décision est tirée d'interprétations tardives[313]. Certes, des cités d'Anatolie, tels Eresós à Lesbos, lui ont rendu des honneurs divins ; mais c'est déjà le cas avec Philippe. Arrien évoque des théores (ambassadeurs religieux) envoyés à Babylone auprès d'Alexandre, mais rien ne prouve en l'état actuel qu'Alexandre ait bien voulu instaurer un culte impérial, sachant par ailleurs que l'idée d'un roi-dieu est sacrilège aux yeux des Perses[313].

Lorsque Ptolémée prend possession de l'Égypte en 323, il incorpore l'héritage héroïque d'Alexandre à sa propre propagande, davantage encore après s'être proclamé roi d'Égypte en 305 dans le but de soutenir les revendications de sa propre dynastie. Dans ce cadre, Alexandre est élevé du statut de dieu protecteur d'Alexandrie à celui de dieu d'État pour les populations grecque et égyptienne du royaume ptolémaïque[314]. Le culte d'Alexandre reste vivace en Égypte jusqu'à la fin de la période ptolémaïque.

Tombeau

Illustration représentant le cortège funéraire d'Alexandre
Le cortège funéraire d'Alexandre d'après la description de Diodore de Sicile, illustration du XIXe siècle.

Le corps d'Alexandre, momifié à la manière des Pharaons, et non incinéré comme selon le rite funéraire macédonien[315], est rapidement devenu un enjeu entre les Diadoques. L'un d'eux, Perdiccas, fidèle à la dynastie argéade, décide dans un premier temps de le rapatrier à Aigai, l'ancienne capitale de Macédoine où reposent les ancêtres du conquérant. Le corps est ainsi placé dans un premier sarcophage anthropoïde en or, enfermé à son tour dans un deuxième cercueil doré, un drap pourpre recouvrant le tout. L'ensemble est disposé sur un char d'apparat surmonté d'un toit que soutient un péristyle ionique[A 121]. Ptolémée n'hésite pas à attaquer la procession funéraire pour s'approprier le sarcophage et l'exposer à la dévotion à Memphis[316]. Selon le Pseudo-Callisthène, le cadavre est ensuite transporté à Alexandrie vers dans un coffre de plomb par Ptolémée II. Ce dernier le place à l'intérieur d'un temple, dans un nouveau sarcophage recouvert d'or. Enfin, Ptolémée IV fait construire un mausolée somptueux (le Sôma) dans lequel il expose la dépouille d'Alexandre. Selon Lucain[A 122], le monument se dresse sur un tumulus et a la forme d'une tour de marbre surmontée d'un dôme pyramidal. Tout autour sont aménagées de petites chapelles destinées à recevoir les corps des souverains lagides, l'ensemble étant protégé par une enceinte murée délimitant le téménos.

Selon Strabon[A 123], dont le témoignage serait le plus fiable puisqu'il a effectué un long séjour à Alexandrie[316], le monument funéraire se trouve au Ier siècle av. J.-C. dans la basilique près des sépultures lagides. Ptolémée IX aurait fait remplacer en le cercueil d'or par un cercueil de verre ou d'albâtre translucide, car il avait besoin de fonds pour payer ses troupes[317].

Le cadavre embaumé demeure dans la basilique d'Alexandrie plusieurs centaines d'années et devient un objet de visite, notamment pour un grand nombre de dirigeants romains. Ainsi, selon Suétone[A 124], Auguste aurait visité le tombeau et retiré un instant le corps du sarcophage pour lui mettre avec respect une couronne d'or sur la tête et le couvrir de fleurs. La manipulation aurait malheureusement abîmé le nez du cadavre. Suétone et Dion Cassius rapportent que Caligula aurait porté la cuirasse d'Alexandre[A 125],[318]. La dernière visite notable est celle de l'empereur Caracalla en 215[319]. Ce dernier n'hésite pas à s'approprier la tunique, la bague et la ceinture du Macédonien.

Au IVe siècle, le tombeau subit des actes de vandalisme, dont certains menés par des chrétiens. Alexandrie est aussi frappé par plusieurs séismes et par un tsunami en 365[A 126]. Il est possible que ces événements aient dégradé le monument. L'emplacement du Sôma n'est dès lors plus connu avec précision. Les historiens et archéologues, malgré de nombreuses recherches et hypothèses, ignorent encore de nos jours son emplacement exact[316].

À travers les historiens contemporains

Buste de l'époque lagide représentant Alexandre
Buste d'Alexandre, Égypte ptolémaïque, vers le Ier siècle av. J.-C.

Alexandre a fait en sorte de perpétuer le souvenir de ses hauts faits en s'entourant d'historiographes officiels[320]. Ainsi Callisthène, neveu d'Aristote, rédige un compte-rendu des conquêtes jusque vers , avant de mourir en prison à la suite de la conjuration des pages. Il est chargé d'envoyer des rapports en Macédoine à la fin de chaque campagne, devenant de ce fait le propagandiste en chef d'Alexandre[7]. Son ouvrage semble avoir été largement utilisé dans l'Antiquité bien que son impartialité soit douteuse[3], au point qu'un Pseudo-Callisthène a rédigé au IIIe siècle une Vie d'Alexandre dont s'inspirera le Roman d'Alexandre[35]. Les écrits des autres Compagnons d'Alexandre qui ont participé à la conquête, dont Ptolémée, Aristobule, Néarque, Onésicrite et Charès, ont tous disparu, ce qui a pu susciter l'apparition de fables et de légendes que des auteurs tardifs ont repris à leur compte[321].

L'Histoire d'Alexandre rédigée par Clitarque peu de temps après la mort d'Alexandre, aujourd'hui disparue[4], contient des affabulations et des éléments surnaturels mais ne serait pour autant être dévaluée[322]. Elle est à l'origine de la Vulgate d'Alexandre, une tradition apologétique qu'on retrouve notamment chez Diodore de Sicile (Bibliothèque historique, livre XVII) et Quinte-Curce (Histoire d'Alexandre le Grand)[323].

Culte à l'époque hellénistique

En Égypte ptolémaïque, Alexandre bénéficie d'une grande postérité. Pour légitimer leur dynastie, les Ptolémées inventent un Alexandre égyptien de caractère divin par une assimilation à des dieux ou à des héros comme Héraclès. Les citoyens d'Alexandrie vénèrent le tombeau du glorieux fondateur comme un sanctuaire[324]. Le roi et son favori, Héphaistion, sont ainsi l'objet d'un culte héroïque spécifique à Alexandrie[325]. Puis Ptolémée Ier met en place un culte d'État, associant Grecs et indigènes égyptiens, qui honore Alexandre dans toute l'Égypte et qui forme la base du culte royal ptolémaïque à partir de Ptolémée II[326] : Alexandre est vénéré comme un « dieu intégral » à l'instar de celui des divinités olympiennes. Au sein des autres monarchies hellénistiques, séleucide et attalide, Alexandre reçoit un culte officiel au titre de héros tutélaire[324]. Beaucoup de cités nouvellement fondées en Asie lui ont élevé des temples, tandis qu'à Clazomène et à Cyzique des jeux en son honneur sont célébrés[324].

Alexandrie reste à la source de la légende d'Alexandre tout au long de l'Antiquité. Une Vie d'Alexandre le Grand y est écrite par le Pseudo-Callisthène au IIIe siècle, faisant le récit légendaire de la conquête. L'auteur raconte notamment qu'Alexandre n'est pas le fils de Philippe mais celui du dernier pharaon d'Égypte de la XXXe dynastie, Nectanébo II, parti se réfugier à Pella pour fuir la répression des Achéménides. De cette version du Pseudo-Callisthène dérivent la plupart des Légendes, Vies, Romans, Histoires ou Exploits d'Alexandre qui se multiplient à partir du Ve siècle[327]. Ce récit est notamment repris, et enjolivé, dans des versions postérieures ; une des dernières versions du Roman est composée en France au XIIe siècle par Alexandre de Bernay[328]. C'est de cette œuvre que provient l'alexandrin, terme forgé au XVe siècle[54].

Dans la Rome antique

Tableau représentant Auguste honorant la momie d'Alexandre
Auguste au tombeau d'Alexandre, Eugène Buland, musée d'Orsay.

Chez les Romains, Alexandre fait figure de modèle pour les généraux et empereurs avides de gloire ou certains gens de lettres[319]. À la fin du IIIe siècle av. J.-C., au moment où les Romains entrent en contact avec le monde hellénistique, Plaute, le plus ancien auteur romain à mentionner Alexandre[329], fait de lui dans la comédie Mostellaria une figure héroïque[330]. En , Metellus rapporte de Macédoine un groupe du sculpteur Lysippe qui représentant Alexandre au Granique[331]. Au début du Ier siècle av. J.-C. dans la province de Macédoine des pièces de monnaie sont frappées à son effigie[331].

Dans les derniers temps de la République romaine, la figure d'Alexandre devient encore plus prestigieuse, car à cette époque la culture hellénique connaît un véritable engouement[331]. Ainsi en , Pompée adopte l'épithète « Le Grand » (Magnus)[332] et même la coupe de cheveux de type anastole ; durant son triomphe après sa victoire contre Mithridate VI, il porte la chlamyde d'Alexandre trouvée dans les bagages du roi du Pont[333]. Crassus cherche à imiter Alexandre en marchant en Orient contre les Parthes[333]. Jules César cherche à établir une monarchie universelle à l'imitation du héros macédonien. Avant d'être assassiné, il projette une campagne en Orient contre les Parthes, fasciné par l'épopée d'Alexandre[333]. Suétone rapporte que César, voyant un portrait d'Alexandre dans un temple, se désespère car, à l'âge où Alexandre a soumis le monde, il n'a encore rien fait de mémorable[A 127]. Marc Antoine, installé à Alexandrie, a pour ambition d'établir une monarchie universelle en Orient et imite Alexandre : il nomme Alexandre Hélios, le fils qu'il a eu avec Cléopâtre et s'habille à manière macédonienne. Afin de s'identifier à celui qui a été vu comme le nouveau Dionysos, il célèbre à Athènes un triomphe où il apparaît en Bacchus[334]. Le géographe Strabon voit en Alexandre un découvreur, un homme infatigable avec une volonté surhumaine, un portrait favorable qui minimise ou ignore volontairement les événements troubles comme la mort de Callisthène ou la traversée du désert de Gédrosie[335].

À l'époque impériale, Auguste admire lui aussi le conquérant mais sans chercher pour autant à l'imiter[334]. Il dépose une couronne d'or sur le tombeau d'Alexandre et pendant longtemps utilise un sceau à l'effigie d'Alexandre[334]. Il introduit dans le forum de Rome des portraits réalisés par Apelle[331]. Néron admire de manière fanatique Alexandre au point de faire dorer une statue de Lysippe[331]. Il organise une expédition jusqu'aux Portes Caspiennes et lève une légion gratifiée du nom de « phalange d'Alexandre »[336]. Sous les Antonins, la figure d'Alexandre connaît un fort engouement ; c'est à cette époque que deux écrivains de langues grecques, Plutarque et Arrien, remettent à l'honneur l'épopée d'Alexandre[337]. Pour Trajan, Alexandre est un modèle de chef d'État, car il a su instaurer la concorde entre les peuples et qu'il a le sens de l'universel[338]. Il cherche à l'imiter en menant campagne en Asie contre les Parthes[337]. Parvenu à Babylone, il offre un sacrifice en son honneur[339]. Commode fait frapper des monnaies à son effigie et à celle d'Alexandre[339]. Caracalla espère être une réincarnation d'Alexandre ; il forme une phalange armée à la macédonienne et surtout établit en 212 la Constitution antonine qui donne la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l'Empire, car il entend imiter Alexandre qui a su réunir Occidentaux et Orientaux[340]. L'empereur Sévère Alexandre, qui est né en Phénicie dans un temple dédié à Alexandre le jour anniversaire de sa mort, abandonne son nom d'Alexianus pour rendre hommage à celui dont il entend s'inspirer[341]. C'est dans ce contexte de dévotion au conquérant que commence à se diffuser au IVe siècle La Vie et les hauts faits d'Alexandre de Macédoine, communément appelé le Roman d'Alexandre[342].

Mais chez certains auteurs romains, souvent sous l'influence du néo-stoïcisme, Alexandre symbolise la tyrannie, la colère et la démesure[338]. Cicéron, bien qu'il reconnaissance sa grandeur, fait de lui l'incarnation d'une forme de folie[333]. Sénèque lui reproche l'exécution de Callisthène et le considère comme l'incarnation de l'autocrate sanguinaire, véritable fléau pour les peuples[343]. De la même façon, le poète Lucain, neveu de Sénèque, bien qu'il admire Alexandre en tant que chef de guerre, le critique pour ses excès[337]. Par ailleurs, ses conquêtes sont minorées par Tite-Live car il aurait combattu des adversaires « efféminés »[A 128] ; l'historien remet en question le génie militaire d'Alexandre qui, selon lui, n'aurait pas su vaincre les légions romaines, comme le montre a posteriori la défaite de Pyrrhus à la tête d'une armée équipée à la macédonienne[344]. Cette digression uchronique doit être prise avec précaution car c'est une critique sous-jacente de Pompée qui s'est réclamé d'Alexandre[345]. Lucien de Samosate dans ses Dialogues des morts met en scène Alexandre le Grand tour à tour avec ses adversaires, son père ou Diogène[346]. D'autres auteurs et moralistes latins, tels Trogue Pompée ou Varron, condamnent les meurtres de Philotas, de Cleitos et de Callisthène[347]. La mort d'Alexandre serait, selon eux, indigne d'un chef d'armée, reprenant à leur compte une citation prêtée à Jules César : « un imperator doit mourir debout »[A 129]. Enfin Augustin, dans La Cité de Dieu, utilise la figure d'Alexandre pour montrer que sans la justice les royaumes ne sont qu'une grande troupe de brigands[A 130].

Dans l'Empire byzantin

Bas-relief byzantin représentant L'« ascension d'Alexandre vers le ciel »
L'« ascension d'Alexandre vers le ciel », basilique Saint-Marc, Venise, XIe siècle, relief provenant de Constantinople.

La tradition populaire byzantine reprend les exploits réels ou mythiques d'Alexandre racontés par le Pseudo-Callisthène au IIIe siècle, dans ce qui deviendra au Moyen Âge le Roman d'Alexandre[321]. Les Byzantins ont transmis un grand nombre de versions du Roman, et presque tous les manuscrits de la tradition grecque proviennent de l'époque byzantine. Le Roman connaît une large diffusion dans tous les milieux sociaux byzantins[321]. Le thème de l'« ascension d'Alexandre au ciel », issu du Roman, est un sujet iconographique très courant au Moyen Âge chrétien en Orient, comme en Occident[321] ; il sert à illustrer le péché d'Orgueil, car Alexandre n'est pas parvenu à atteindre le ciel[348].

Les chroniqueurs de l'époque byzantine cherchent à christianiser Alexandre pour en faire l'ancêtre des empereurs byzantins. Pour autant l'approche de ces chroniqueurs diverge[321]. Certains cherchent à démystifier les épisodes légendaires, comme Jean Malalas dans sa Chronographie au VIe siècle ou Michel Glycas au XIIe siècle ; d'autres, comme Georges le Moine au IXe siècle ou Jean Zonaras au XIIe siècle, qui se fondent notamment sur Plutarque, ont une approche plus historique[321]. Cette appropriation est encore plus nette à l'époque de la dynastie macédonienne, même si elle est en réalité d'origine arménienne. Alexandre est parfois vêtu en empereur byzantin, comme dans une version du Roman du XIVe siècle probablement d'origine crétoise. Alexandre y est en effet représenté avec le costume et les emblèmes de son contemporain Paléologue[321]. L'apogée de cette appropriation se situe à l'époque de la dynastie des Paléologues (1261-1453), originaire de Macédoine, au moment où se déroule un « éveil national » en Grèce. Ainsi le futur Manuel II déclare pendant le siège de Thessalonique mené par les Turcs (1383-1387) : « la patrie de Philippe et d'Alexandre nous appartient »[321].

Finalement, Alexandre est l'incarnation de l'idéologie impériale byzantine. Pour les Pères de l’Église, Alexandre est le héros de la Foi ; pour le peuple, les poètes et les rédacteurs des nombreuses versions du Roman, il est un saint martyr du fait d'une mort prématurée et injuste[321].

En Asie

¨Folio du Livre d'Alexandre, issu du Khamsé de Nizami, représentant une bataille entre Alexandre et Darius
Folio du Livre d'Alexandre issu du Khamsé de Nizami (XVIe siècle), représentant une bataille entre Alexandre et Darius III.

Au Ve siècle la Vie d'Alexandre du Pseudo-Callisthène commence à être traduite dans diverses langues du Proche-Orient, en copte, en éthiopien ancien, en araméen et en syriaque et probablement en arabe du Hedjaz[349]. Le mythe d'Alexandre est transporté par les voies de la religion et du commerce jusque dans l'empire byzantin. L'ouvrage du Pseudo-Callisthène est connu dans les communautés juives qui vivent à La Mecque et Médine à l'époque où naît Mahomet vers 570[349].

Alexandre, connu sous le nom d'Iskandar ou Iskander, demeure une figure mythique dans les régions qu'il a conquises en Asie centrale. Au XIXe siècle, des officiers britanniques explorant le Badakhchan et le Darvaz signalent que des seigneurs locaux affirment descendre d'Alexandre[350] ; ce recours à Alexandre rappelle que les Gréco-Macédoniens ont fondé des colonies en Asie centrale qui formeront ensuite les royaumes gréco-bactriens. Marco Polo écrit déjà, au XIIIe siècle, que « les rois [du Badakhchan] sont d'une même lignée, descendue du roi Alexandre[351] ». Au XVe siècle, la dynastie timouride, héritière de Tamerlan, utilise Alexandre à des fins de légitimation parmi les lignées féminines[352]. Ce souvenir du passage d'Alexandre en Asie centrale nourrit chez les Occidentaux du XIXe siècle une forme de romantisme[353] : la figure d'Iskandar est le thème central de la nouvelle de Rudyard Kipling, L'Homme qui voulut être roi (1888).

Le souvenir des fondations urbaines d'Iskandar reste encore vivace de nos jours. Les habitants d'Alexandrette en Turquie, de Khorramshahr et d'Hormuz en Iran, de Merv au Turkménistan, de Marguilan en Ouzbékistan, d'Hérat et de Kandahar en Afghanistan, de Ucch et de Karachi au Pakistan entretiennent la légende du roi-fondateur[354]. Son passage est encore aujourd'hui signalé dans les régions bordant l'Amou-Daria à travers des forts, des murs ou des chemins dits d'Iskandar[354]. À Mankialma, près de Taxila au Pakistan, les habitants continuent d'appeler leurs chevaux Bucéphale car ils pensent qu'il a été inhumé sous un tumulus (ou stūpa). Dans la région de Thatta au Pakistan, où la conquête s'est arrêtée, son nom reste célèbre. Même dans la vallée du Gange, qu'il n'a pas parcourue, le folklore local l'évoque encore[355]. Avec la diffusion de l'islam, qui fait d'Alexandre un défenseur de la Foi, sa légende a pénétré jusqu'Indonésie actuelle, à partir du XVe siècle, avec des récits en javanais, en malais et en bugi qui s'inspirent du Roman d'Alexandre[356]. Le personnage a même servi à légitimer les origines de la dynastie des souverains malais. Dans la région de Palembang à Sumatra se trouve même un tombeau dit d'Iskandar[357].

En hindi et en ourdou, Sikandar, dérivé du persan, désigne un jeune talent en devenir[358].

Dans l'Occident médiéval

Détail d'une miniature du XVe siècle représentant Alexandre désarçonnant Poros
Alexandre désarçonnant Poros, détail d'une miniature du XVe siècle, British Library.

En Occident au Moyen Âge, dans la continuité du Roman d'Alexandre issu du Pseudo-Callisthène, Alexandre représente un modèle de vertus masculines et princières ainsi que l'idéal du preux chevalier qui mêle savoir et pouvoir. Il est à la fois le guerrier et le sage, plein de « largesse » mais aussi de démesure[54]. À la cour d'Henri II Plantagenêt, duc de Normandie et roi d'Angleterre, Alexandre représente l'idéal chevaleresque et le symbole d’une royauté qui s'affirme face à l’anarchie féodale du royaume de France[359]. À partir du XIIe siècle, au moment des premières croisades, se développe en France, outre la fascination pour l'Orient, la figure mythique d'Alexandre[360]. Il fait partie des Neuf Preux, héros païens, juifs et chrétiens qui incarnent l'idéal chevaleresque au XIVe siècle. Au XVe siècle, il est très populaire à la cour des ducs de Bourgogne, comme en témoigne la dédicace à Philippe le Bon du Livre des conquêtes et faits d'Alexandre de Jean Wauquelin. Avec la traduction de Quinte-Curce en français par Vasque de Lucène pour Charles le Téméraire, la dimension romanesque du personnage commence à faire place au conquérant[361]. À la fin du Moyen Âge, la redécouverte de Plutarque, Diodore et Arrien, avec l'arrivée en Occident de savants byzantins, fait apparaître une image plus « politique » d'Alexandre, prince païen et élève des philosophes, admiré des hommes de la Renaissance. Il devient dès lors le « miroir du prince » et le symbole d'un pouvoir monarchique qui s'impose face à une féodalité déclinante[362]. Dès la fin du XVe siècle, il figure parmi les « rois » dans les jeux de cartes avec David, Jules César et Charlemagne[363].

Cependant d'autres auteurs médiévaux, surtout des prosateurs, présentent une vision négative d'Alexandre. Dans le Große Seelentrost, écrit en bas allemand au XIVe siècle, Alexandre est vu comme un personnage cupide et cruel dont la soif de conquête le mène à sa perte, car il a franchi les limites fixées à l'homme. Des théologiens allemands, comme Rupert de Deutz au XIVe siècle, et des prédicateurs, comme Bertold de Ratisbonne au XIIIe siècle, font de lui une incarnation de Méphistophélès, l'Orgueil en personne[348]. Dans la Divine Comédie écrite au début du XIVe siècle, Dante évoque Alexandre comme étant un tyran, à l'image de Denys de Syracuse[364], tandis qu'il est notablement absent de la liste des païens vertueux[365].

À l'époque moderne

Tableau de Charles Lebrun représentant Alexandre faisant son entrée dans Babylone
Entrée d'Alexandre le Grand dans Babylone, Charles Le Brun, 1665, Château de Versailles. Alexandre est peint avec les traits de Louis XIV de France.

Jusqu'à la fin du XVIIe siècle, Alexandre reste dans toute l'Europe le modèle du roi-chevalier[366]. Il bénéficie par ailleurs d'une forme de sanctification. Ainsi vers le milieu du XVIe siècle, le pape Paul III, lequel a pour nom de baptême Alexandre Farnèse, fait battre des monnaies à l'effigie d'Alexandre se prosternant devant le Grand prêtre de Jérusalem et fait décorer la Salle Pauline du château Saint-Ange d'œuvres d'art, signées de Marco Pino, inspirées de la vie du Conquérant[366].

Louis XIV de France témoigne au début de son règne d'une grande admiration envers Alexandre, auquel le Grand Condé se réfère également depuis son éclatante victoire à Rocroi[367]. Le traité des Pyrénées de 1659, qui assure la paix entre la France entre l'Espagne, est vu par les contemporains comme un acte de bienveillance d'un monarque généreux envers les vaincus, à l'image de celui Alexandre envers les Perses ou les Indiens[368]. Jean Racine s'inscrit dans cette célébration officielle avec la tragédie Alexandre le Grand jouée par la troupe de Molière en 1665 au théâtre du Palais-Royal[369]. Louis XIV, inspiré par sa lecture personnelle de Quinte-Curce[370], commande par ailleurs à Charles Le Brun toute une série de peintures à la gloire du souverain macédonien[371]. Mais, à partir des années 1670, Louis XIV commence à se détacher de la figure d'Alexandre, jugé comme étant prompt à la colère, à la débauche et à la superstition[372]. Il laisse à Condé la comparaison avec Alexandre. Ainsi La Fontaine écrit en 1684 une Comparaison d'Alexandre, de César et de Monsieur le Prince, tandis que Bossuet rédige en 1687 l’Oraison funèbre du Grand Condé qui le met en parallèle avec Alexandre[373].

Dans son Histoire du commerce, remise à Colbert en 1667 et publiée en 1716, l'érudit et philosophe Pierre-Daniel Huet fait d'Alexandre un bienfaiteur pour l'humanité car il aurait permis une « grande révolution dans les affaires du Commerce », à l'époque le terme « Commerce » désignant aussi bien les échanges économiques et intellectuels que les relations entre les États ou les personnes. L'ouvrage, traduit dans les principales langues européennes, a eu un grand succès au siècle des Lumières[55]. Cette idée de « grande révolution » initiée par Alexandre est reprise ensuite par Montesquieu et Voltaire[55].

Sous l'occupation ottomane, dans ce qui a été l'empire byzantin, Alexandre sert de référence pour les érudits et les théologiens. Ainsi au XVIe siècle, deux patriarches d'Alexandrie prédisent l'arrivée d'un libérateur, qui, comme Alexandre, va conquérir plusieurs royaumes avant de monter sur le trône de Byzance. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les textes publiés par les Grecs de la diaspora, marchands, érudits ou ecclésiastiques, présentent Alexandre comme celui qui jadis a délivré les Grecs de la tyrannie perse[321], et il se voit comparer à Pierre le Grand pour avoir mené à l'unification d'un puissant État à la fin du XVIIe siècle[321].

Au temps des Lumières

Tableau représentant Alexandre et Roxane
Alexandre le Grand et Roxane, Pietro Antonio Rotari, 1756, musée de l'Ermitage.

Au siècle des Lumières, Alexandre est considéré comme celui qui a mis fin au « despotisme asiatique » et étendu la civilisation européenne[374]. Montesquieu dans l’Esprit des lois, abandonnant toute perspective morale car il ne s'agit plus de juger de ses vices et de ses vertus, considère que l'épopée du conquérant a changé la face du monde en ouvrant le commerce entre l'Europe et l'Asie, reprenant à son compte les théories de Pierre-Daniel Huet sur la « révolution du commerce »[55]. Pour le philosophe, les conquêtes d'Alexandre, bien que condamnables par leur violence, ont permis d'ouvrir une période de prospérité. Dans les Pensées, il considère la fondation d'Alexandrie comme le « plus grand projet qui ait été conçu »[375]. Alexandre n'est plus seulement un héros combattant, il est aussi le créateur d'un monde pacifié par le commerce, car l'ouverture des routes du commerce amène à l'ouverture des connaissances. Des populations, jusque-là vivant en marge, sont intégrées dans le genre humain grâce à une œuvre civilisatrice[55]. Voltaire, bien que souvent critique envers Montesquieu, est encore plus élogieux envers le « seul grand homme qu'on ait jamais vu parmi les conquérants de l'Asie »[376] ; car pour le philosophe le « siècle d'Alexandre » est un des quatre sommets de l'histoire du monde. Il insiste sur la destruction de la menace représentée par les Perses, l'expansion de l'hellénisme par la fondation de cités et de colonies, l'ouverture du commerce par celui qui a « autant de génie que de valeur »[55].

Cette vision apologétique se retrouve, au moment de l'expansion de la Compagnie britannique des Indes orientales, chez les philosophes anglais et écossais lecteurs de L'Esprit des lois. Dans Recherches historiques sur l'Inde (1790), William Robertson, historiographe royal de l'Écosse et chef de l’église presbytérienne d'Édimbourg, estime que les Anglais doivent s'inspirer d'Alexandre, car il associe conquête militaire, échanges commerciaux et diffusion de la civilisation européenne[56]. Il défend ici ce qu'il présente comme la civilisation la plus heureuse de l'Antiquité et estime qu'Alexandre n'a pas détruit les peuples conquis, mais en a respecté les mœurs et les coutumes[55]. Dans son sillage, John Gillies, son successeur dans la charge d'historiographe royal, fait d'Alexandre l'inspirateur du « plus grand système commercial jamais vu au monde »[55]. À la fin du XVIIIe siècle, la lecture positive des conquêtes d'Alexandre est renforcée par le déclin de l'Empire turc, assimilé à l'Empire perse. Quant aux Grecs, en pleine Renaissance culturelle, ils se réclament volontiers du roi de Macédoine[374].

Mais dans le même temps, Alexandre est dénoncé par les auteurs hostiles à l'impérialisme européen, tels Charles Rollin dans Histoire ancienne, l'abbé de Mably dans Observations sur les Grecs, Guillaume de Sainte-Croix dans Examen critique des historiens d’Alexandre le Grand et surtout Denis Diderot dans Histoire des deux Indes[377].

Au XVIIIe siècle, la figure d'Alexandre sert donc de modèle, ou de repoussoir, dans une Europe qui accélère sa politique impérialiste. Ainsi l'histoire d’Alexandre, vue comme l'incarnation des valeurs de l'Occident « dynamique » par opposition à celles de l'Orient « immobile », s'insère dans une réflexion coloniale globale[55]. Finalement, Alexandre est considéré à cette époque comme celui qui a permis une première mondialisation[55].

À l'époque contemporaine

Statue en bronze représentant Alexandre et Bucéphale
Alexandre et Bucéphale, John Steell, XIXe siècle, Édimbourg.

Napoléon Ier a témoigné, durant la deuxième campagne d'Italie en 1800, de son admiration pour Alexandre qui, selon lui, serait supérieur à Jules César dans l'art de la guerre[378]. Il souligne l'importance stratégique du siège de Tyr et le fait qu'Alexandre ait cherché à attirer le gros de l'armée perse à Gaugamèles pour la vaincre complètement. Lors de la campagne d'Égypte, il exhorte ses soldats en rappelant le souvenir d'Alexandre[379]. Pour autant la figure d'Alexandre reste peu présente dans les discours officiels, Napoléon ne cherchant pas à être un « nouvel Alexandre » mais à être honoré pour lui-même[380]. Dans ses Mémoires écrites en 1816 durant son exil à Sainte-Hélène, il montre son admiration pour Alexandre dont les conquêtes sont pour lui le fruit d'un calcul politique. Il écrit qu'Alexandre « est grand guerrier, grand politique, grand législateur » ; mais qu'une fois arrivé à l'apogée de son pouvoir la tête lui a tourné ; ce qui lui fait dire qu'il « avait commencé avec l'âme de Trajan ; il finit avec le cœur de Néron et les mœurs d'Héliogabale »[381].

Au début du XIXe siècle, Alexandre symbolise l'européocentrisme triomphant tout en s'inscrivant dans le courant orientaliste. Ainsi l'historien allemand Barthold Georg Niebuhr estime qu'Alexandre a conquis une Asie « immobile » qui est destinée à être réduite en servitude sous l'autorité des Européens[374]. Dans l'Empire allemand pangermaniste de la fin du XIXe siècle, Alexandre est considéré comme l'unificateur de la cause hellénique et le champion de la race aryenne parvenu à unifier Macédoniens et Perses, des peuples d'origine indo-européenne[382]. En France, il faut attendre le règne de Napoléon III pour que la figure d'Alexandre retrouve une certaine notoriété[373]. Il devient au temps des conquêtes coloniales européennes du XIXe siècle le modèle du conquérant-civilisateur[377]. Pour les promoteurs du Protectorat français au Maroc établi en 1912, il fait figure de modèle car il aurait associé les colonisateurs et les peuples indigènes[383]. L'ethnologue Marcel Griaule affirme qu'Alexandre est le « Colomb de l'Asie antérieure ». Pour l'historien Élias Bikerman, les conquêtes d'Alexandre ont permis d'helléniser les élites indigènes devenues dès lors les premiers défenseurs des valeurs grecques, opérant une comparaison avec le ralliement de Félix Éboué au général de Gaulle dès le 18 juin 1940[384]. Finalement, alors que le processus de décolonisation commence, l'historien René Grousset écrit en 1949, dans Figures de proue. D'Alexandre à Mahomet, que « […] le pays colonisé, après avoir largement profité de l'effort des colonisateurs, se retrouve lui-même avec son âme inchangée. » Aujourd'hui, pour nombre d'historiens modernes, Alexandre n'est plus le « héros européen civilisateur » par excellence[69]. Après la Seconde Guerre mondiale, aux yeux de certains historiens, Alexandre devient le prototype du dictateur, démontrant le poids des idéologies dans les études le concernant[61].

De nos jours, Alexandre figure en bonne place parmi les personnalités les plus influentes de l'histoire. Il est classé 33e dans The 100 : A Ranking of the Most Influential Persons in History (Michael H. Hart, 1982)[385] et 9e parmi 30 figures historiques dans le classement émis par The Guardian (2014)[386].

Alexandre vu par les nazis

Durant l'entre-deux-guerres se construit en Allemagne une représentation d'Alexandre en tant que héros de la race aryenne parvenu à unifier Macédoniens et Perses, deux peuples d'origine indo-européenne[382]. C'est la position de l'historien Helmut Berve qui publie en 1926 Das Alexanderreich auf prosopographischer Grundlage. D'autres historiens proches du nazisme, dont Fritz Schachermeyr, conçoivent Alexandre et la période hellénistique comme un moment de dénordification, un concept créé pour expliquer la chute des civilisations réputées les plus brillantes[387]. Ainsi, le personnage d'Alexandre est ambigu aux yeux du national-socialisme : d'une part, la célébration du conquérant nordique, de l'autre l'aspirant à la monarchie universelle, ayant encouragé la mixité raciale[387]. Perçu comme un Indogermain, il aurait subordonné l'ensemble de sa politique à l'édification d'un empire universel, faisant du « sang » aryen, grec et macédonien, un matériau d'égale valeur que le « sang » perse, alors que son père Philippe II aurait su lui préserver la race aryenne au sein du royaume de Macédoine[388].

Alfred Rosenberg propose une approche plus nuancée. À ses yeux, Alexandre aurait souhaité, non la fusion des peuples, mais celle des élites perses et grecques, parentes d'un point de vue racial[389]. Le principal reproche qu'il fait à l'égard d'Alexandre est l'absence de pérennité de son œuvre, car les monarques hellénistiques n'ont pas été en mesure de préserver la domination perso-macédonienne, ainsi que l'hégémonie raciale permise par cette alliance[390]. Pour d'autres nazis, la période inaugurée par Alexandre serait une période d'« abâtardissement racial » : les Diadoques et leurs héritiers, les Épigones, règnent en réalité non sur un monde nordique, mais sur un monde sur lequel a été déposée une fine couche nordique, cette fine couche nordique masquant l'« infiltration », dans les rangs macédoniens, d'éléments sémitiques issus du monde méditerranéen. Si les Grecs ont été en mesure d'accomplir de grandes choses, dans le domaine des arts notamment, c'est surtout parce que le processus de subversion raciale par les populations sémitiques et arméniennes n'est pas encore arrivé à son terme selon eux[391].

En Grèce contemporaine

Fresque moderne représentant Alexandre
Fresque représentant Alexandre, Theophilos Hatzimichail, 1900, musée national historique d'Athènes.

Durant l'occupation ottomane, les Grecs lisent et étudient toujours le Roman d'Alexandre, et plus encore au moment de la guerre d'indépendance (1821-1829)[321]. L'épopée d'Alexandre serait l'exemple à suivre pour se libérer de l'hégémonie turque, les Turcs étant associés aux Perses. Le Roman connaît une adaptation populaire écrite en langue simple. Du simple soldat au chef de guerre, les Grecs témoignent de leur admiration pour les exploits, réels ou mythiques, du conquérant. Ainsi Constantin Kanaris, un des chefs de la révolution grecque, lit régulièrement le Roman[321]. Après l'indépendance et jusqu'au milieu du XXe siècle, des savants font du Roman un symbole de la culture grecque. En 1961, Constantin Dimaras, professeur à la Sorbonne, écrit que tout jeune Grec doit avoir lu le Roman avant d'étudier les grandes œuvres de la littérature grecque et étrangère[321]. Les liens entre Alexandre et Aristote, par la transmission de maître à disciple puis par l'échange épistolaire, servent de référence pour l'éducation, même si le récit montre que le disciple peut dépasser le maître. Le Roman reste en Grèce une lecture populaire jusqu'au XXIe siècle et inspire encore de nos jours la littérature et l'iconographie populaire[321].

Alexandre reste un sujet d'étude privilégié par les historiens grecs contemporains. Les fouilles archéologiques entreprises à Aigai, Pella et Amphipolis ont renouvelé l'intérêt pour l'histoire de la Macédoine antique[392]. En outre les sources littéraires, dont la Bibliothèque historique de Diodore de Sicile, l'Anabase d'Arrien et la Vie d'Alexandre de Plutarque, ont bénéficié de rééditions en grec moderne.

Depuis les années 1990, la figure d'Alexandre est un enjeu du conflit entre la Grèce et la Macédoine du Nord[393]. Pour les Grecs, le terme de « Macédoine » leur appartient, puisque les Macédoniens antiques sont des Grecs et que les Slaves ne sont arrivés dans la région qu'au VIIe siècle. En 2008, le conflit est ravivé par l'érection à Skopje d'une statue équestre d'Alexandre reproduisant une sculpture de Lysippe. Dans le contexte des négociations qui ont prévalu au changement de nom de la Macédoine en 2018, le chef du gouvernement de la république de Macédoine, Zoran Zaev, a annoncé le changement de nom des lieux portant le nom d'Alexandre, tels que l'aéroport Alexandre-le-Grand à Skopje[394].

À travers les religions

Dans le judéo-christianisme

Tableau représentant Alexandre dans le Temple de Jérusalem
Alexandre le Grand dans le Temple de Jérusalem, Sebastiano Conca, vers 1736.

Alexandre bénéficie dans le judaïsme d'une réputation favorable, une légende provenant du Roman d'Alexandre au XIIe siècle dit qu'il se serait même converti au judaïsme[395]. En effet au Ier siècle av. J.-C. s'est construit parmi les Juifs hellénisés une vision apologétique d'Alexandre qui serait allé honorer le Grand prêtre de Jérusalem[396]. Cependant d'après les sources antiques, dont Arrien[A 131], Alexandre a traversé après la prise de Tyr en la « Syrie palestinienne » pour atteindre Gaza, sans avoir séjourné à Jérusalem[396] ; de même qu'à son retour d'Égypte en 331 il emprunte la route de Péluse à Tyr sans que ne soit mentionné Jérusalem.

Dans le Livre de Daniel[A 132], ouvrage le plus récent de l’Ancien Testament composé au IIe siècle av. J.-C. qui annonce des prophéties, Alexandre est évoqué au titre du roi grec qui soumettra les Perses et les Mèdes et mourra à l'apogée de sa puissance. Il y est associé péjorativement à un bouc et à une bête aux dents de fer[396]. Dans le Premier livre des Maccabées, rédigé vers 130 av. J.-C, Alexandre est mentionné dans l'introduction du livre comme celui qui a étendu l'influence grecque dans la Terre d'Israël[A 133]. Alexandre y est vu de manière hostile du fait de ses conquêtes et de son orgueil[397]. Le livre condamne encore plus violemment le roi séleucide Antiochos IV coupable d'avoir profané le Temple[397]. La vision des Juifs envers les souverains grecs changent sous le règne d'Alexandre Balas qui s'assure le soutien de Jonathan en le désignant Grand prêtre de Jérusalem en puis gouverneur de Judée[397]. Les Juifs sont aussi reconnaissants envers Alexandre d'avoir permis leur installation à Alexandrie où est traduite en grec la Bible hébraïque vers 270-[397]. Flavius Josèphe écrit au début du Ier siècle av. J.-C. que le Livre de Daniel a été montré à Alexandre lors de son entrée à Jérusalem[A 134]. Surtout, il écrit qu'Alexandre s'est prosterné devant le Grand prêtre de Jérusalem Jaddus, qu'il a accompli un sacrifice dans le Temple et confirmé aux Juifs leurs privilèges, bien qu'il n'adhère pas à la religion du Dieu unique[A 135],[398]. Une variante du Roman d'Alexandre, rédigée à Alexandrie probablement par un Juif hellénisé influencé par la gnose et le christianisme[398], reprend l'épisode de la rencontre avec le Grand prêtre à la fin du deuxième livre en ajoutant qu'Alexandre a reconnu Yahweh comme le Dieu unique sous le nom de Sabaoth et qu'il a abandonné les cultes païens. Il disposerait d'une « armée hors de la nature humaine » au service du Bien[399]. Ces épisodes légendaires sont ensuite repris par toutes les versions du Roman d'Alexandre qu'elles soient hébraïques, latines ou byzantines[398]. Un récit du Ve siècle d'origine talmudique, Le voyage au Paradis, reprend cette tradition qui fait d'Alexandre un défenseur du judaïsme[400]. En effet selon le Talmud, Alexandre voit en rêve chaque veille de bataille le visage du Grand prêtre et sait dès lors comment la gagner. Alexandre est aussi présent dans la Haggadah qui désigne la partie non juridique des textes rabbiniques classiques[401]. La version en syriaque du Roman d'Alexandre, composée par Jacques de Saroug au début du VIe siècle, décrit Alexandre comme l'idéal du conquérant chrétien qui prie « le seul vrai Dieu ».

Cette tradition favorable chez les Juifs hellénisés d'Alexandrie est reprise par les clercs médiévaux à partir du Xe siècle, dont Léon de Naples qui traduit en latin le Roman d'Alexandre sous le titre de Historia de proeliis Alexandri Magni (ou Histoire des batailles d'Alexandre)[399]. Cette version, plusieurs fois augmentée, sert de base au Roman d'Alexandre à proprement parler, composé par Alexandre de Bernay entre 1180 et 1190, qui fait d'Alexandre, quoique païen, un héros à l'époque médiévale[402].

Dans le zoroastrisme

Une tradition chez les zoroastriens évoque une « persécution religieuse » dirigée par Alexandre qui aurait fait tuer des mages et ordonner la destruction du livre sacré du zoroastrisme, l’Avesta[403]. Mais cette affirmation semble s'inscrire dans une « légende noire », sachant qu'elle ne figure pas dans les sources directes. Alexandre est ainsi mentionné dans l'ouvrage zoroastrien, Le Vrai livre de la Loi (ou Arda Viraf Nâmak), écrit en Pehlevi (ou moyen-perse) à partir de l'époque sassanide (VIe siècle). Il y est décrit comme « le génie du mal, le damné, le maudit Iskander » en raison de sa conquête de l'empire achéménide et de l'incendie des palais de Persépolis qui abritent alors les textes sacrés du zoroastrisme[404]. En 1470, l'historien perse Mirkhond dans le Jardin de la pureté (ou Rauzât-us-safâ) lui reproche d'avoir brûlé le livre de Zoroastre et mis à mort les mages[405].

Avec l'introduction de l'islam en Iran en 652, la perception d'Alexandre change car les premiers musulmans, dans la continuité du judéo-christianisme, éprouvent de la sympathie pour lui[405].

Dans l'islam

Miniature représentant Dhû-l-Qarnayn construisant un mur contre Gog et Magog
Dhû-l-Qarnayn construisant un mur contre Gog et Magog, folio du Falnama, un livre de prophétie perse, XVIe siècle.

Une tradition historique rapproche Alexandre de Dhû-l-Qarnayn[406] (« Celui qui a deux cornes » ou « Celui de deux époques »), cité dans le Coran dans la sourate 18, la caverne, composée de seize versets[407]. Il y est dit que Dhû-l-Qarnayn a édifié un mur d'airain pour se prémunir des attaques des Gog et des Magog, c'est-à-dire ici les Scythes et les Amazones[408]. Les historiens et les exégètes qui soutiennent que Dhû-l-Qarnayn est Alexandre fondent leur argumentation sur la version syriaque, composée au VIe siècle, du Roman d'Alexandre du Pseudo-Callisthène dans laquelle il est écrit qu'Alexandre a fait construire un mur afin de contenir les peuples barbares[409]. Alexandre est réputé avoir fait ériger une muraille dans le nord de l'Iran actuel (antique pays de Gorgan) appelé de nos jours la « digue d'Alexandre » (ou Sadd-e-Iskander)[409].

Le « Bicornu » serait une allusion aux cornes de bouc de Zeus Ammon portées par Alexandre sur des monnaies du IVe siècle av. J.-C.[410]. Ces pièces ont circulé dans tout l'Orient et servi de modèle aux monnaies arabes[N 49]. L'historien perse Tabari a donné au Xe siècle une autre explication quant à l'origine de la relation aux cornes. Selon lui Alexandre est appelé Dhû-l-Qarnayn car il est allé d'un bout à l'autre du monde ; le mot Qarn signifie « corne » et les extrémités du monde sont appelées « cornes »[411]. Cette thèse n'est cependant pas étayée outre mesure[412].

Finalement selon cette tradition, Alexandre n'est pas représenté dans le Coran comme un personnage historique, un grand conquérant ou un prophète, mais plutôt comme un messager divin, un archange comme Gabriel ou Michel, et un roi justicier défenseur de la Foi[413].

Toutefois, plusieurs théologiens et historiens musulmans, dont As-Suhayliy (XIIIe siècle), Ibn Taymiyya (XIVe siècle) et Al-Maqrîziy (XVe siècle), réfutent l'idée selon laquelle Dhû-l-Qarnayn serait Alexandre, et font remonter le personnage coranique à l'époque d'Ibrahim (Abraham). Des érudits islamiques contemporains, dont le théologien Mohammad Ali Tabatabaei dans Tafsir Al-Mizan, penchent pour l'identifier au roi achéménide Cyrus le Grand.

Al-Iskandar Dhû-l-Qarnayn est mentionné dans des passages des Mille et Une Nuits ainsi que dans l'Iskandar Nâmeh du poète persan Nizami[406]. Le nom d'Idris, cité dans le Coran, serait quant à lui une déformation d'Andréas, le cuisinier d'Alexandre dans le Roman d'Alexandre.

Dans l'art

Alexandre a été le sujet de très nombreuses œuvres d'art de l'Antiquité jusqu'à nos jours. La plupart des œuvres contemporaines ou originales ont disparu, même si de nombreuses copies ont été réalisées à l'époque romaine, particulièrement dans le domaine de la sculpture. Au Moyen Âge, dans la lignée du Roman d'Alexandre, l'épopée d'Alexandre s'incarne dans de nombreuses publications littéraires pour devenir l'un des mythes les plus diffusés dans le temps et dans l'espace. À l'époque moderne, Alexandre est un thème privilégié dans la peinture. De nos jours, il fait partie de la culture populaire en tant que sujet de romans historiques, de chansons ou de jeux vidéo.

Notes et références

Notes

  1. Le dernier événement mentionné dans les fragments de Callisthène (Fragmente der griechischen Historiker, 124, F 14) est la bataille de Gaugamèles en 331 ; mais Strabon (Géographie, XI, 14, 13) évoque d'après Callisthène le fleuve Iaxarte atteint en 328. Callisthène est exécuté en 327.
  2. Leurs rares fragments ont été publiés et traduits par Janick Auberger, Historiens d'Alexandre, Les Belles Lettres, .
  3. Seul Plutarque (Quæstionnes Convivialum, 23, 4) mentionne les Éphémérides à propos d'un autre fait que la mort d'Alexandre, soit son goût pour la chasse.
  4. Düring (RE, 1968) indique que la correspondance date d'Andronicos de Rhodes ; Robert Flacelière et Émile Chambry la considèrent comme authentique. La pratique des lettres forgées concernant Alexandre a été pratiquée tardivement jusqu'aux Arabes (Grignaschi, « La figure d'Alexandre chez les Arabes et sa genèse », Arabie Sciences and Philosophy 3,‎ , p. 205-234).
  5. Parmi ces faits on peut citer : les causes de l'expédition en Asie, la destruction de Thèbes, la bataille d'Issos, les sièges de Tyr et de Gaza, la fondation des cités, le rôle des Compagnons, l'exécution de Callisthène.
  6. La datation n'est pas certaine, aucune hypothèse ne fait consensus ; il peut avoir vécu au Ve siècle : Justin (trad. Bernard Mineo et Giuseppe Zecchini), Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée : Livres I-X, t. 1, Les Belles Lettres, coll. « Collection des Universités de France », , p. LI-LX.
  7. Plusieurs manuscrits des Histoires philippiques ont transmis des « prologues », des sommaires permettant d'apprécier dans une certaine mesure ce que Justin a choisi dans son abrégé. Ainsi, d'après une comparaison entre les prologues des livres XI et XII, il est probable que Trogue Pompée a abordé les origines de la Carie, les origines des peuples italiques, l'expédition d'Archidamos III de Sparte et Alexandre le Molosse.
  8. Baitôn (Les Étapes de l'expédition d'Alexandre) et Amyntas (les Étapes de l'Asie), Diodote (ou Diognète) d'Érythrée qui collabore avec Eumène de Cardia à la rédaction des Éphémérides[4].
  9. Ces papyrus sont des documents juridiques, principalement des actes de vente d'esclaves.
  10. La première traduction en langue française date de 1981 aux Éditions Complexe, avec une préface de Jacques Benoist-Méchin.
  11. Soit la première année de la 100e olympiade. D'après Plutarque (Alexandre, 4), il serait né le six du mois d'hécatombeion, appelé loüs par les Macédoniens.
  12. C'est la raison pour laquelle la dynastie macédonienne est appelée argéade ou plus rarement téménide : Faure 1985, p. 31.
  13. Le titre officiel des souverains argéades est « roi des Macédoniens », et non « roi de Macédoine ».
  14. Les Agrianes fournissent à l'armée macédonienne des peltastes d'élite : Faure 1985, p. 38.
  15. L'armée macédonienne parcourt environ 500 km en 15 jours.
  16. C'est à ce propos que Démosthène expose sa parabole sur les moutons livrant leurs chiens au loup (Plutarque, Démosthène, 36).
  17. Abydos est une tête de pont conquise sous Philippe II.
  18. La réalité de ce geste a longtemps été discutée, mais G. Radet (Notes critiques sur l'histoire d'Alexandre, Bordeaux, 1925, p. 119 et suivantes) en établit la réalité.
  19. C'est à ce moment qu'a lieu probablement le fameux échange rapporté par Quinte-Curce (Histoire d'Alexandre, IV, 11, 13.) entre Parménion qui, parlant des offres de paix de Darius, affirme : « Je les accepterais si j'étais Alexandre », ce qui entraîne immédiatement la réplique du roi : « Et moi aussi, si j'étais Parménion ».
  20. Selon Diodore, Alexandre a déjà produit de fausses lettres de Darius : Briant 1994, p. 48.
  21. Ainsi il libère les mercenaires athéniens faits prisonniers au Granique. Il renvoie à Athènes, à une époque où la victoire d'Antipater contre Agis III ne lui est pas parvenue, les statues des Tyrranoctones que Xerxès Ier a fait enlever en 480 : Briant 1994, p. 29.
  22. Une hypothèse voudrait qu'il se soit rapproché d'Alexandre lors du séjour de celui-ci à Tarse en 333.
  23. Agis III a déjà tenté d'agir en collaboration avec les Achéménides en mais la défaite de Darius III à Issos a ruiné ses espoirs de mener une action concertée contre Alexandre.
  24. La nouvelle de la victoire d'Antipater met cependant plusieurs mois à parvenir à Alexandre ; ce qui explique que pendant la période allant de la fin 331 au début 330, il multiplie les gestes de bonne volonté à l'égard des Grecs d'Europe.
  25. Selon Quinte-Curce (VII, 4, 4), Bessos reproche à Darius ses choix stratégiques calamiteux.
  26. Alexandre voudra faire adopter le rituel de la proskynèse en 327 : Briant 1994, p. 110.
  27. C'est à ce moment-là qu'Alexandre épouse Roxane.
  28. Taxilès lui offre à cette occasion quelques éléphants de guerre.
  29. Armée forte d'au moins 200 éléphants de guerre.
  30. Un simple soldat de l’expédition qui a quitté la Macédoine en 334 et atteint l’Inde a parcouru environ 20 000 kilomètres.
  31. Appelés argyraspides ou Boucliers d'argent après 327 : Arrien, Anabase, VII, 11, 3.
  32. Alexandre doit faire ouvrir les rideaux de la cabine de son navire pour rassurer ses troupes.
  33. Les colons de Bactriane se révoltent à nouveau en 323 après la mort d'Alexandre : Diodore, XVIII, 7, 1.
  34. Arrien dresse un récit effrayant de la campagne contre les Malliens, qui sont soumis à une forme de « génocide ».
  35. La région du delta se soulève peu de temps après le départ d'Alexandre.
  36. Il est difficile d’établir l'itinéraire exact suivi par Alexandre entre le Purali et Pura. Les sources antiques sont peu précises et parfois contradictoires.
  37. Plutarque se trompe en écrivant qu'Alexandre a perdu en Gédrosie les trois-quarts de son armée. Voir à ce sujet Faure 1985, p. 118-119 et Goukowsky 1993, p. 299.
  38. Ce sont les deux officiers qui ont été chargés de tuer Parménion.
  39. Leur incorporation n'est effective qu'en 323 quand Peucestas amène le contingent perse à Babylone.
  40. La plupart des vétérans, dont les argyraspides, ne parviendront jamais en Europe, se voyant enrôlés par les Diadoques.
  41. C'est une des seules dates précises de l'Antiquité grecque et un des rares événements globaux, la nouvelle de sa mort se répandant dans tout l'Ancien Monde : (en) Leo Depuydt, « The Time of Death of Alexander the Great : 11 June 323 B.C. (– 322), ca. 4 : 005 : 00 PM », Die Welt des Orients, no 28,‎ , p. 117-135.
  42. Soit dans la 14e olympiade sous l'archontat d'Hégésias à Athènes.
  43. Les Éphémérides sont des chroniques relatant les faits et gestes du roi. Les auteurs anciens qui concèdent les utiliser comme source ne rendent compte que des derniers jours d'Alexandre : Arrien, Anabase, VII, 24-26 ; Plutarque, Alexandre, 76, 1 ; 77, 1 ; Élien, Histoires variées, 3, 23. Seul Plutarque (Quaestionnes Convivialum, 23, 4) mentionne les Éphémérides à propos d'un autre fait que la mort du roi (le goût d’Alexandre pour la chasse).
  44. Il convient de noter que Cratère, rapatrié en Macédoine avec les vétérans, semble souffrir du même mal : Faure 1985, p. 140.
  45. Le film d'Oliver Stone, Alexandre, qui le présente ouvertement comme bisexuel, a par exemple été mal accueilli en Grèce : (en) « Bisexual Alexander angers Greeks », BBC, 22 novembre 2004.
  46. Toutes les Alexandries, sauf celle d’Égypte, se situent à l'est du Tigre.
  47. Exception faite du Pseudo-Aristote dans Économiques.
  48. Rien que les dons aux soldats et à leurs chefs représentent 50 000 talents.
  49. Le mot dirham provient d'ailleurs du grec ancien « drachme » (δραχμή / drakhmê).

Références antiques

  1. Arrien, I, 2 ; Strabon, II, 1, 6 ; XI, 5, 5 ; XV, 1, 28. La critique contemporaine des historiens d'Alexandre est compilée dans FGrHist, 153.
  2. Livre d'Esther, 2, 23 ; 6, 1-2 ; 10, 2.
  3. Arrien, Anabase, VII, 25-26 ; Plutarque, Alexandre, 76, 1 ; 77, 1 ; Élien, Histoires variées, 3, 23.
  4. Plutarque, Alexandre, 2, 5-7.
  5. Diodore, XVII, 4.
  6. a et b Plutarque, Alexandre, 2, 1.
  7. Plutarque, Alexandre, 2, 3 ; 3, 5-7.
  8. Plutarque, Alexandre, 2, 2–3.
  9. Eschine, Contre Timarque, 166-169.
  10. Aristote, Politique[réf. incomplète].
  11. Démosthène, Philippiques[réf. incomplète].
  12. Platon, Ménexène, 245 d.
  13. Hérodote, Histoires, VIII, 43 ; Euripide, Archélaos[réf. incomplète] ; Polybe, Histoires, VII, 9, 9 ; XXXV, 9, 37 ; Strabon, Géographie, X, 2, 23.
  14. Plutarque, Alexandre, 51.
  15. a et b Plutarque, Alexandre, 10.
  16. Plutarque, Alexandre, 12.
  17. Aristote, Éthique à Nicomaque, IX, 1436 b 8.
  18. Diodore, XVI, 94, 4.
  19. Arrien, Anabase II, 6.
  20. Plutarque, Alexandre, 38.
  21. Arrien, Anabase, I, 4 ; Strabon, VII, 3, 8.
  22. Arrien, Anabase, I, 1.
  23. Plutarque, Alexandre, 9.
  24. Diodore, XVII, 8, 3.
  25. Diodore, XVII, 12, 1-3 ; Plutarque, Alexandre, 9.
  26. Diodore, XVII, 8, 6.
  27. a et b Plutarque, Alexandre, 13.
  28. Diodore, XVII, 15, 1-4.
  29. a et b Plutarque, Alexandre, 14.
  30. a et b Isocrate, Philippe, 120.
  31. Polybe, XVIII, 29-30.
  32. Plutarque, Thésée, 4.
  33. Les principales sources pour le début de la conquête sont : Arrien, Anabase, I, 1 et II, 12 ; Diodore de Sicile, XVII, 16-38 ; Plutarque, Alexandre (15-23) ; Justin, XI (5, 1-9).
  34. Arrien, Anabase, I, 12, 1-2 ; Cicéron, Pro Archia, 24.
  35. Arrien, Anabase, I, 11, 6-12.
  36. Arrien, Anabase, I, 12, 10.
  37. Diodore, XVII, 4, 20.
  38. Plutarque, Camille, 19, 6.
  39. Arrien, Anabase, I, 4.
  40. Arrien, Anabase, I, 5.
  41. Arrien, Anabase, I, 29, 3.
  42. Arrien, III, 1 ; Quinte-Curce, III, 31, 1.
  43. Hérodote, Histoires, VIII.
  44. a et b Arrien, II, 24.
  45. a et b Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XI, 8.
  46. Diodore, XVII, 7, 44.
  47. Diodore, XVII, 7, 46.
  48. Arrien, II, 24, 5.
  49. Pline, Histoire Naturelle, XII, 32, 62.
  50. Plutarque, Alexandre , 46.
  51. Plutarque, Œuvres morales, 3.
  52. Arrien, Anabase, III, 6.
  53. Diodore, XVII, 62-63.
  54. Diodore, XVII, 18, 73.
  55. Arrien, Anabase, VII, 12, 6-7 ; Plutarque, Alexandre, 39, 7.
  56. Plutarque, Vie d'Alexandre, 38 ; Quinte-Curce, VI, 3, 15-16.
  57. Diodore, XVII, 80, 2 ; Quinte-Curce, VII, 1, 5-9 ; Justin, XII, 14, 1.
  58. Plutarque, Alexandre, 43, 6 ; Arrien, IV, 7 ; Quinte-Curce, VII, 5, 40-43.
  59. Quinte-Curce, VII, 7, 39.
  60. Arrien, Anabase, III, 4.
  61. Arrien, Anabase, V, 5.
  62. a et b Plutarque, Alexandre, 61, 3.
  63. Arrien, Anabase, V, 27, 5.
  64. Arrien, Anabase, VI, 9-11 ; Plutarque, Alexandre, 63 ; Diodore, XVII, 99 ; Quinte-Curce, IX, 5, 12-18.
  65. Arrien, Anabase, VI, 14, 3.
  66. Diodore, XVII, 58, 6.
  67. Diodore, XVII, 105-106 ; Quinte-Curce, IX, 10, 4-19 ; Plutarque, Alexandre, 66, 4-7 ; Arrien, Anabase, VI, 21-27 ; Indica, 20-36, 3 ; Justin, XII, 10, 7 ; Strabon, XV, 720-723.
  68. Sur ce périple voir Diodore XVII, 104, 3 ; Plutarque, Alexandre, 66, 2 ; Arrien, Anabase, VI, 21 ; Inde, 20-21 ; Quinte-Curce, IX, 10, 3-4.
  69. Arrien, Anabase, VI, 21, 2 ; Arrien, Inde, 21, 1 ; Strabon, XV, 2, 5.
  70. Arrien, Anabase, VII, 21.
  71. Arrien, Anabase, VI, 8.
  72. Arrien, Anabase, VI, 29, 3.
  73. Arrien, Anabase, VI, 29.
  74. Arrien, Anabase, VII, 4, 4-8.
  75. Arrien, Anabase, VII, 11, 8-9.
  76. Arrien, Anabase, VII, 3.
  77. Quinte-Curce, X, 2, 12.
  78. Diodore, XVIII, 8.
  79. Élien, Histoires variées, VII, 8.
  80. Plutarque, Alexandre, 94.
  81. Arrien, Anabase, VII, 5.
  82. Diodore, XVIII, 4, 1 ; 6.
  83. Plutarque, Alexandre 76 ; Arrien, Anabase, VII, 25.
  84. Plutarque, Alexandre, 75, 6.
  85. Diodore, XVII, 117.
  86. Diodore, XVII, 117, 3 ; Quinte-Curce, X, 6, 16 ; et aussi Cornélius Népos, Eumène, 2, 2.
  87. Diodore, XVII, 118, 1-2 ; Quinte-Curce, X, 10, 14-18 ; Justin, XII, 13.
  88. Arrien, Anabase, VII, 27, 1-2 ; Plutarque, Alexandre, 77, 1-3.
  89. Plutarque, Du flatteur et de l’ami, 65 C-D.
  90. Pline l'Ancien, Histoire naturelle, XXXIV, 17.
  91. a et b Plutarque, Alexandre, 4, 1.
  92. Athénée, Les Deipnosophistes, XII, 537e-538b.
  93. Plutarque, Alexandre, 57.
  94. a et b Plutarque, Alexandre, 7, 1.
  95. Plutarque, Sur la Fortune d'Alexandre, I, 5.
  96. Plutarque, Sur la Fortune d'Alexandre, I, 9.
  97. a et b Athénée, Banquet des Deipnosophistes, X, 435.
  98. Arrien, Anabase, VII, 28.
  99. Arrien, Anabase, IV, 7.
  100. Quinte-Curce, VIII, 10, 22.
  101. Athénée, Banquet des Deipnosophistes, XIII, 5.
  102. Arrien, VII, 14.
  103. Diodore, XVII, 37, 6. On retrouve cette citation chez Quinte-Curce, Plutarque et Justin.
  104. Arrien, II, 12, 16.
  105. Diogène Laërce, V, 1, 20.
  106. Aristote, Éthique à Nicomaque, VIII, X.
  107. Arrien, I, 12, 1.
  108. Élien, Histoire variée, XII, 7.
  109. Platon, Le Banquet, 179e-180a.
  110. Plutarque, Alexandre, 67, 7-8.
  111. Quinte-Curce, VI, 5.
  112. Plutarque, Alexandre, 67, 8 ; Athénée, Banquet, 603 a-b.
  113. Quinte-Curce, X, 1.
  114. Plutarque, Alexandre, 22, 1-2.
  115. Pline l'Ancien, Histoire Naturelle, VIII, 61.
  116. Isocrate, IV, 50.
  117. Xénophon, Cyropédie, VII, 5, 73.
  118. Quinte-Curce, IV, 5, 8.
  119. Arrien, Anabase, II, 25, 3.
  120. Arrien, Anabase, I, 17.
  121. Diodore, XVII, 17,4 ; XVIII, 1, 4 ; XVIII, 26, 3.
  122. Lucain, La Pharsale, VIII, 694 ; X, 19.
  123. Strabon, Géographie, XVII, C.793, 794.
  124. Suétone, Auguste, XVIII, 1.
  125. Suétone, Caligula, LII, 3 ; Dion Cassius, Histoire romaine, LIX, 17.
  126. Ammien Marcellin, Histoire romaine, XXVI, 10.
  127. Suétone, César, 7.
  128. Tite-Live, Histoire romaine, IX, 16-19.
  129. Suétone, Vie de Vespasien, XXIV.
  130. Saint Augustin, La Cité de Dieu, IV, 9.
  131. Arrien, Anabase, II, 25, 4.
  132. Livre de Daniel, VIII, 5–8 ; 21–22.
  133. 1 Maccabées, I, 1-7.
  134. Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XI, 337.
  135. Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XI, 325-340.

Références bibliographiques

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  5. Heckel 2006, p. 184.
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  8. Battistini 2018, p. 291-303.
  9. Auberger 2001, p. 496-498.
  10. Battistini 2018, p. 123.
  11. Auberger 2001, p. 13.
  12. E. Feuillatre, « Sur la Vie d'Alexandre du Pseudo-Callisthène », Revue des Études Grecques, t. 69,‎ , p. 199-203 (lire en ligne).
  13. Pierre Chiron, Apocryphité, Histoire d'un concept transversal aux religions du Livre, (ISBN 978-2-503-51349-2), « L'épître dédicatoire de la Rhétorique à Alexandre : un faux si impudent ? », p. 66-67.
    Sa source est R. Merkelbach, Die Quellen des griechischen Alexanderromans, Munich, .
  14. Plutarque (trad. Robert Flacelière et Émile Chambry), Vies parallèles : Alexandre-César, t. IX, Les Belles Lettres, coll. « Collection des Universités de France », , « Introduction à la vie d'Alexandre », p. 20-21.
  15. a et b Battistini 2018, p. 292.
  16. Briant 2018, p. 11.
  17. a b c d et e Duyrat 2004, p. 317.
  18. Goukowsky 1993, p. 250.
  19. a et b Briant 2018, p. 18.
  20. Goukowsky 1993, p. 247.
  21. a et b Battistini 2018, p. 293.
  22. a et b Pierre Briant 2018, p. 12.
  23. Battistini 2018, p. 298.
  24. Plutarque (trad. Robert Flacelière et Émile Chambry), Vies parallèles. Tome IX : Alexandre-César, Les Belles Lettres, coll. « Collection des Universités de France », , « Introduction à la vie d'Alexandre », p. 5-11.
  25. Plutarque (trad. Robert Flacelière et Émile Chambry), Vies parallèles. Tome IX : Alexandre-César, Les Belles Lettres, coll. « Collection des Universités de France », , « Introduction à la vie d'Alexandre », p. 20-22.
  26. a et b Battistini 2018, p. 296.
  27. a et b Battistini 2018, p. 301.
  28. Paul Goukowsky, Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, vol. XVII, Les Belles Lettres, coll. « Collection des Universités de France », , « Notice », p. XXXIII.
  29. Battistini 2018, p. 294.
  30. Paul Goukowsky, Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, vol. XVII, Les Belles Lettres, coll. « Collection des Universités de France », , « Notice », p. XXXVIII.
  31. Battistini 2018, p. 299.
  32. Paul Goukowsky, Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, vol. XVII, Les Belles Lettres, coll. « Collection des Universités de France », , « Notice », p. XXXIV-XLIII
    Par exemple, Diodore trouve des circonstances atténuantes pour Alexandre lors des destructions de Thèbes et Persépolis ou des meurtres de Parménion et Cleitos ou insiste sur le fait qu'Alexandre résiste au luxe. Goukowsky indique que cette vision est très éloignée de Trogue Pompée. Cependant, il reconnaît un défaut colérique à Alexandre.
  33. Battistini 2018, p. 303-304.
  34. a b c d et e Battistini 2018, p. 304.
  35. a et b Harf-Lancner 2018, p. 131.
  36. Justin (trad. Bernard Mineo et Giuseppe Zecchini), Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée : Livres I-X, t. 1, Les Belles Lettres, coll. « Collection des Universités de France », , p. LXIII-LXVI.
  37. Justin (trad. Bernard Mineo et Giuseppe Zecchini), Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée : Livres I-X, t. 1, Les Belles Lettres, coll. « Collection des Universités de France », , p. LXVIII-LXIX.
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Annexes

Sources antiques

Sources fragmentaires

Les sources primaires sont pour la plupart perdues ou réduites à l'état de fragments. La compilation faisant référence est Fragmente der griechischen Historiker, tome II B-D Alexandergeschichte, de Felix Jacoby, qui reprend les Scriptores rerum Alexandri Magni de Karl Müller. Jacoby a compilé tous les fragments connus en attribuant un numéro, même à ceux dont seul le titre de leurs Histoire d'Alexandre est connu ; la concordance est souvent réutilisée dans les études postérieures.

Les fragments recouvrés et numérotés sont les Éphémérides royales (117), Strattis d'Olynthe qui selon la Souda a rédigé une Histoire d'Alexandre à partir des Éphémérides (118), les arpenteurs ou bématistes Baîton, Diognète, Philomidès et Amyntas (119-122), Archélaos (123), Callisthène (124), Charès de Mytilène (125), Ephippos d'Olynthe (en), inspecteur du corps des mercenaires et pamphlétaire (126), Nicobule, une pamphlétaire critique envers Alexandre (127), Polycleitos de Larissa, confondu avec le paradoxagraphe Polycritos de Mende (128), Médios de Larissa (129), Cyrsilos de Pharsale, associé à Médios (130), Ménaichmos de Sicyone, disciple d'Aristote (131), Léon de Byzance (132), Néarque (133), Onésicrite (134), Marsyas de Pella (135), Marsyas de Philippes (136), Clitarque d'Alexandrie (137), Ptolémée (138), Aristobule de Cassandréia (139), Anticlide (140), Antigénès, dont Pline l'Ancien indique qu'il confirme la légende des Amazones (141), Hégésias de Magnésie (142), Aristos de Salamine (143), Asclepiades dit Historicus (144), Dorothéos d'Athènes (145), Nicanor de Stagire (146), Potamon de Mytilene (en), source de Plutarque (147), une histoire anonyme provenant du papyrus d'Oxyrhynque no 1798 (148), Varron qui selon la Souda a écrit un épitomé sur la vie d'Alexandre (149), Amyntianus (150), les Fragmentum Sabbaiticum qui pourraient être des extraits de l'Histoire d'Amyntianus (151), Antidamas (en) (152) et enfin la tradition des historiens d'Alexandre (153).

Les fragments, exceptés ceux qui sont trop lacunaires et l'histoire de Callisthène, sont édités en bilingue avec la numérotation de Jacoby dans Historiens d'Alexandre (trad. Janick Auberger), Les Belles Lettres, coll. « Fragments », .

Bibliographie

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Articles connexes

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