Aller au contenu

« Histoire de la Tunisie » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
Sardur (discuter | contributions)
m →‎Historiographie en développement : répétition, syntaxe
Ruyblas13 (discuter | contributions)
m Retrait du lien vers la page « Frédéric Angleviel » supprimée à la suite d'un débat d'admissibilité (Voir)
 
(600 versions intermédiaires par plus de 100 utilisateurs sont masquées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
{{En-tête label|AdQ|année=2008}}
[[Image:Zama.jpg|upright=1.4|thumb|[[Bataille de Zama]], une bataille symbole de l’affaiblissement de la Carthage punique]]
[[Fichier:Slaget ved Zama - Cornelis Cort, 1567.jpg|vignette|[[Bataille de Zama]], symbole de l'affaiblissement de la Carthage punique.]]
[[Image:ElJem amphi.jpg|upright=1.4|thumb|[[Amphithéâtre d'El Jem]] comme apothéose de la culture romaine en Tunisie]]
[[Fichier:Amphitheatre El Jem(js)1.jpg|vignette|[[Amphithéâtre d'El Jem]] comme apothéose de la culture romaine en Tunisie.]]
[[Image:CathédraleSaintVincentdePaulEtIbnKhaldoun.JPG|upright=1.4|thumb|Statue d’[[Ibn Khaldoun]] devant la cathédrale Saint-Vincent-de-Paul de Tunis]]
[[Fichier:Grande Mosquée de Kairouan, vue d'ensemble.jpg|vignette|[[Grande Mosquée de Kairouan]], la plus ancienne mosquée de Tunisie et de tout l'Occident musulman, constituant un symbole de l'enracinement de l'islam dans le pays.]]
[[Fichier:CathédraleSaintVincentdePaulEtIbnKhaldoun.JPG|vignette|Statue d'[[Ibn Khaldoun]] devant la cathédrale Saint-Vincent-de-Paul de Tunis.]]


L’'''histoire de la Tunisie''' est celle d’une nation d’[[Afrique du Nord]] indépendante depuis [[1956]]. Mais elle s’inscrit au-delà pour couvrir l’histoire du territoire tunisien depuis la période préhistorique du [[Capsien]] et la civilisation antique des [[Civilisation carthaginoise|Puniques]], avant que le territoire ne passe sous la domination des [[Rome antique|Romains]], des [[Vandales]] puis des [[Empire byzantin|Byzantins]]. Le {{s|VII|e}} marque un tournant décisif dans l’itinéraire d’une population qui s’islamise et s’[[Arabe|arabise]] peu à peu sous le règne de diverses dynasties qui font face à la résistance des populations [[berbères]].
L''''histoire de la [[Tunisie]]''' est celle d'une nation d'[[Afrique du Nord]] indépendante depuis [[1956]]. Mais elle s'inscrit au-delà pour couvrir l'histoire du territoire tunisien depuis la période préhistorique du [[Capsien]] et la civilisation antique des [[Civilisation carthaginoise|Puniques]], avant que le territoire ne passe sous la domination des [[Rome antique|Romains]], des [[Vandales]] puis des [[Empire byzantin|Byzantins]]. Le {{VIIe siècle}} marque un tournant décisif dans l'itinéraire d'une population qui s'islamise et s'[[Arabisation|arabise]] peu à peu sous le règne de diverses dynasties qui font face à la résistance des populations [[berbères]].


De par son emplacement stratégique au cœur du [[bassin méditerranéen]], la Tunisie devient l’enjeu de la rivalité des puissances successives, l’[[Espagne]] de [[Charles Quint]], le jeune [[Empire ottoman]] puis la [[France]], qui prend le contrôle de la province ottomane pour devancer sa rivale [[italie]]nne. Marquée par de profondes transformations structurelles et culturelles, la Tunisie voit s’affirmer rapidement un mouvement nationaliste qui conclut avec la puissance tutélaire les accords aboutissant à l’indépendance en 1956. Depuis, le pays est conduit à marche forcée vers la modernisation et l’intégration économique sous l’impulsion d’un parti politique resté dominant.
Par son emplacement stratégique au cœur du [[bassin méditerranéen]], la Tunisie devient l'enjeu de la rivalité des puissances successives, l'[[Espagne]] de [[Charles Quint]], le jeune [[Empire ottoman]] puis la [[France]], qui prend le contrôle de la province ottomane pour devancer sa rivale [[italie]]nne. Marquée par de profondes transformations structurelles et culturelles, la Tunisie voit s'affirmer rapidement un [[Mouvement national tunisien|mouvement nationaliste]] qui conclut avec la puissance tutélaire les accords aboutissant à l'indépendance en 1956. Dès lors, le pays est conduit à marche forcée vers la modernisation et l'intégration économique sous l'impulsion d'un parti politique resté dominant jusqu'à la [[Révolution tunisienne|révolution de 2011]].


== Historiographie en développement ==
== Historiographie en développement ==
L'historiographie tunisienne ne prend véritablement son envol qu'au milieu des [[années 1980]]{{sfn|Abbassi|Ilbert|2005|p=159}}. En [[1972]], [[Béchir Tlili]] décrivait déjà une situation difficile : {{Début citation bloc}}La recherche historique décolle difficilement en Tunisie. C'est peut-être le secteur le plus sous-développé ou le plus sous-analysé des sciences sociales. Hormis quelques travaux spécialisés d'universitaires tunisiens, qui ne font pas nombre au demeurant, ou quelques essais d'historiographie, des pans entiers de la construction historique ont été en effet négligés et ignorés{{sfn|Abbassi|Ilbert|2005|p=159-160}}.{{Fin citation bloc}} En [[1987]], la revue ''IBLA'' de l'[[Institut des belles lettres arabes]] consacre un numéro spécial à l'historiographie tunisienne où ses auteurs dont [[Taoufik Bachrouch]] soulignent une lente évolution de la recherche historique et une inégalité qui demeure dans le « défrichement » des divers domaines, notamment en matière d'histoire contemporaine{{sfn|Abbassi|Ilbert|2005|p=160}}. En [[1998]], cette évolution se poursuit avec la publication de près de 200 travaux de recherche universitaires consacrés à l'histoire nationale, phénomène marqué par l'ouverture de l'histoire vers les autres sciences sociales{{sfn|Abbassi|Ilbert|2005|p=166}}.


L'histoire nationale demeure l'objet central des travaux, en particulier ses aspects sociaux, politiques et économiques alors que les aspects culturels et religieux restent relativement en retrait{{sfn|Abbassi|Ilbert|2005|p=161}}. La part la plus importante de la production concerne l'histoire moderne — débutant avec la prise de Tunis en [[1574]] — et contemporaine — débutant avec la signature du [[traité du Bardo]] en [[1881]] — et constitue désormais les deux-tiers des travaux universitaires d'histoire soutenus entre [[1985]] et [[1998]]{{sfn|Abbassi|Ilbert|2005|p=162}}. L'étude de la période médiévale, débutant avec l'arrivée de l'islam, est également abordée de manière significative alors que l'étude de l'histoire antique possède son statut propre qui la distingue de celle des autres époques{{sfn|Abbassi|Ilbert|2005|p=162}} : elle connaît un nombre de travaux plus limité en raison de l'absence de formation adaptée pour les jeunes chercheurs, notamment sur l'accès aux sources, l'[[archéologie]] et les langues antiques étant relativement peu enseignées. Toutefois, des efforts ont conduit à la création d'une maîtrise de lettres classiques en [[1997]]{{sfn|Abbassi|Ilbert|2005|p=163}}.
L’historiographie tunisienne ne prend véritablement son envol qu’au milieu des [[années 1980]]<ref>Driss Abbassi et Robert Ilbert, ''Entre Bourguiba et Hannibal. Identité tunisienne et histoire depuis l’indépendance'', éd. Karthala, Paris, 2005, p. 159 {{ISBN|2845866402}}</ref>. En [[1972]], Béchir Tlili décrivait déjà une situation difficile : {{Début citation}}La recherche historique décolle difficilement en Tunisie. C’est peut-être le secteur le plus sous-développé ou le plus sous-analysé des sciences sociales. Hormis quelques travaux spécialisés d’universitaires tunisiens, qui ne font pas nombre au demeurant, ou quelques essais d’historiographie, des pans entiers de la construction historique ont été en effet négligés et ignorés<ref>Driss Abbassi et Robert Ilbert, ''op. cit.'', pp. 159-160</ref>.{{Fin citation}} En [[1987]], la revue ''Ibla'' consacre un numéro spécial à l’historiographie tunisienne où ses auteurs dont Taoufik Bachrouch soulignent une lente évolution de la recherche historique et une inégalité qui demeure dans le « défrichement » des divers domaines, notamment en matière d’histoire contemporaine<ref>Driss Abbassi et Robert Ilbert, ''op. cit.'', p. 160</ref>. En [[1998]], cette évolution se poursuit avec la publication de près de 200 travaux de recherche universitaires consacrés à l’histoire nationale, phénomène marqué par l’ouverture de l’histoire vers les autres sciences sociales<ref>Driss Abbassi et Robert Ilbert, ''op. cit.'', p. 166</ref>.


En termes de contenus, alors que l'étude de l'histoire ancienne se tourne surtout vers le champ social et la vie quotidienne, et plus récemment vers l'[[épigraphie]] et l'archéologie{{sfn|Abbassi|Ilbert|2005|p=163}}, l'étude de l'époque médiévale touche à des thématiques plus variées, notamment en [[anthropologie]] et en [[politique]]. Si les {{s2|XVI|XVII}} restent encore peu abordés, ce sont les {{s2|XVIII|XIX}} qui sont les plus traités en raison de l'abondance des sources de documentation disponibles, sur les thématiques sociales et économiques en particulier{{sfn|Abbassi|Ilbert|2005|p=63-64}}. Des sujets politiques, en dehors de l'étude du [[Mouvement national tunisien|mouvement national]], et éducatifs sont également abordés. La diversification des thèmes est aussi illustrée par la « nouvelle histoire » traitant des minorités, des femmes, des entreprises, etc{{sfn|Abbassi|Ilbert|2005|p=165}}. L'histoire régionale est une thématique émergente, elle aussi liée à l'abondance des archives offertes aux chercheurs, qui permettrait selon ses adeptes d'effectuer des synthèses au niveau national pour compenser la faiblesse de la [[sociologie]] tunisienne{{sfn|Abbassi|Ilbert|2005|p=165}}.
L’histoire nationale demeure l’objet central des travaux, en particulier ses aspects sociaux, politiques et économiques alors que les aspects culturels et religieux restent relativement en retrait<ref>Driss Abbassi et Robert Ilbert, ''op. cit.'', p. 161</ref>. La part la plus importante de la production concerne l’histoire moderne — débutant avec la prise de Tunis en [[1574]] — et contemporaine — débutant avec la signature du [[traité du Bardo]] en [[1881]] — et constitue désormais les deux-tiers des travaux universitaires d’histoire soutenus entre [[1985]] et [[1998]]<ref name="driss162">Driss Abbassi et Robert Ilbert, ''op. cit.'', p. 162</ref>. L’étude de la période médiévale, débutant avec l’arrivée de l’islam, est également abordée de manière significative alors que l’étude de l’histoire antique possède son statut propre qui la distingue de celle des autres époques<ref name="driss162"/> : elle connaît un nombre de travaux plus limité en raison de l’absence de formation adaptée pour les jeunes chercheurs, notamment sur l’accès aux sources, l’[[archéologie]] et les langues antiques étant relativement peu enseignées. Toutefois, des efforts ont conduit à la création d’une maîtrise de lettres classiques en [[1997]]<ref name="driss163">Driss Abbassi et Robert Ilbert, ''op. cit.'', p. 163</ref>.

En terme de contenus, alors que l’étude de l’histoire ancienne se tourne surtout vers le champ social et la vie quotidienne, et plus récemment vers l’[[épigraphie]] et l’archéologie<ref name="driss163"/>, l’étude de l’époque médiévale touche à des thématiques plus variées, notamment en [[anthropologie]] et en [[politique]]. Si les {{s2|XVI|e|XVII|e}} restent encore peu abordés, ce sont les {{s2|XVIII|e|XIX|e}} qui sont les plus traités en raison de l’abondance des sources de documentation disponibles, sur les thématiques sociales et économiques en particulier<ref>Driss Abbassi et Robert Ilbert, ''op. cit.'', pp. 63-64</ref>. Des sujets politiques, en dehors de l’étude du mouvement national, et éducatifs sont également abordés. La diversification des thèmes est aussi illustrée par la « nouvelle histoire » traitant des minorités, des femmes, des entreprises, etc<ref name="driss165">Driss Abbassi et Robert Ilbert, ''op. cit.'', p. 165</ref>. L’histoire régionale est une thématique émergente, elle aussi liée à l’abondance des archives offertes aux chercheurs, qui permettrait selon ses adeptes d’effectuer des synthèses au niveau national pour compenser la faiblesse de la [[sociologie]] tunisienne<ref name="driss165"/>.


== Préhistoire ==
== Préhistoire ==

{{Article détaillé|Préhistoire de la Tunisie}}

=== Paléolithique ===
=== Paléolithique ===
==== Moustériens ====
==== Moustériens ====


[[Image:Hermaion el guettar bardo.JPG|upright=1.3|left|thumb|''Hermaïon d’El Guettar'' exposé au [[Musée national du Bardo (Tunisie)|Musée national du Bardo]]]]
[[Fichier:Hermaion el guettar bardo.JPG|vignette|''Hermaïon d'El Guettar'' exposé au [[Musée national du Bardo (Tunisie)|musée national du Bardo]].]]


Les premières traces de présence humaine en [[Tunisie]] datent du [[Paléolithique]]. C’est à 20 kilomètres à l’est de [[Gafsa]], dans l’oasis d’[[El Guettar]], que se rassemble une petite population [[Nomadisme|nomade]] de chasseurs-cueilleurs [[moustérien]]s<ref name="mk p110">Ahmed Moro et Bernard Kalaora [sous la dir. de], ''Le désert : de l’écologie du divin au développement durable'', éd. L’Harmattan, Paris, 2006, p. 110 {{ISBN|274759677X}}</ref>. Michel Gruet, l’archéologue qui découvre le site, relève qu’ils consomment des [[datte]]s dont il retrouve le [[pollen]] aux alentours de la source<ref>Michel Gruet, « Le gisement d’El Guettar et sa flore », ''Libyca'', 1958, pp. 79-126</ref> aujourd’hui asséchée<ref name="inp15"/>. Le site en lui-même livre une structure formée par un amas de {{formatnum:4000}} [[silex]]<ref name="inp15"/>, taillés en [[sphéroïde]]s et disposés en un cône d’environ 75 centimètres de haut<ref name="mk p110"/> pour un diamètre de 130 centimètres. Ces pierres sont associées à des ossements de [[Caprinae|capridés]]<ref name="gruet54">Michel Gruet, « Le gisement moustérien d’El Guettar », ''Karthago'', 1954, tome V, pp. 1-79</ref>, à des dents de [[mammifère]]s<ref name="inp15">{{fr}} [http://www.inp.rnrt.tn/album/LA%20TUNISIE%20ANTIQUE/PREHISTRIQUE/slides/15.html L’''Hermaïon d’El Guettar'' (Institut national du patrimoine)]</ref> et à des objets de silex taillé moustériens ainsi qu’à une pointe pédonculée [[atérien]]ne.
Les premières traces de présence humaine en [[Tunisie]] datent du [[Paléolithique]]. C'est à vingt kilomètres à l'est de [[Gafsa]], dans l'oasis d'[[El Guettar (Tunisie)|El Guettar]], que se rassemble une petite population [[Nomadisme|nomade]] de chasseurs-cueilleurs [[moustérien]]s<ref name="mk p110">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Ahmed Moro|auteur2=[[Bernard Kalaora]]|directeur2=oui|titre=Le désert|sous-titre=de l'écologie du divin au développement durable|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2006|passage=110|isbn=274759677X}}.</ref>. [[Michel Gruet]], l'archéologue qui découvre le site, relève qu'ils consomment des [[datte]]s dont il retrouve le [[pollen]] aux alentours de la source<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=[[Michel Gruet]]|titre=Le gisement d'El Guettar et sa flore|périodique=Libyca|date=1958|pages=79-126|issn=0459-3030}}.</ref> désormais asséchée<ref name="inp15"/>. Le site en lui-même livre une structure formée par un amas de {{formatnum:4000}} [[silex]]<ref name="inp15"/>, taillés en [[sphéroïde]]s et disposés en un cône d'environ {{unité|75|centimètres}} de haut<ref name="mk p110"/> pour un diamètre de {{unité|130|centimètres}}. Ces pierres sont associées à des ossements de [[Caprinae|capridés]]<ref name="gruet54">{{Article|langue=fr|auteur1=[[Michel Gruet]]|titre=Le gisement moustérien d'El Guettar|périodique=Karthago|volume=V|date=1954|pages=1-79|issn=0453-3429}}.</ref>, à des dents de [[mammifère]]s<ref name="inp15">{{Lien web|langue=fr|titre=Hermaïon d'El Guettar|url=http://www.inp.rnrt.tn/album/LA%20TUNISIE%20ANTIQUE/PREHISTRIQUE/slides/15.html|site=inp.rnrt.tn}}.</ref> et à des objets de silex taillé moustériens ainsi qu'à une pointe pédonculée [[atérien]]ne.


Cette construction, découverte vers les [[années 1950]] et vieille de près de {{nombre|40000|ans}}, constitue le plus ancien édifice religieux connu de l'humanité<ref name="mk p110"/>{{,}}<ref name="inp15"/>. Gruet y voit une offrande à la source voisine et le signe d'un sentiment religieux ou magique<ref name="gruet54"/>{{,}}<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur1=Jean Chavaillon|titre chapitre=El Guettar. Tunisie|titre ouvrage=Dictionnaire de la Préhistoire|lieu=Paris|éditeur=[[Presses universitaires de France]]|année=1988|isbn=|passage=354}}.</ref>. L'endroit est connu sous le nom d'''Hermaïon d'El Guettar'' en référence aux pierres jetées aux pieds d'[[Hermès]] par les [[divinités olympiennes]] lors du meurtre du [[Géant (mythologie grecque)|géant]] [[Argos (Panoptès)|Argos]]<ref name="mk p110"/>. Cette pratique était une manière pour les dieux de se prononcer pour l'innocence d'Hermès<ref name="mk p110"/>.
[[Image:Ibéromaurusienne-capsienne.svg|upright=1.8|thumb|Localisation du noyau à l’origine de la culture capsienne]]

Cette construction, découverte vers les [[années 1950]] et vieille de près de {{formatnum:40000}} ans, constitue le plus ancien édifice religieux connu de l’humanité<ref name="mk p110"/>{{,}}<ref name="inp15"/>. Gruet y voit une offrande à la source voisine et le signe d’un sentiment religieux ou magique<ref name="gruet54"/>{{,}}<ref>J. Chavaillon, « El Guettar. Tunisie », ''Dictionnaire de la Préhistoire'', sous la dir. de A. Leroi-Gourhan, éd. Presses universitaires de France, Paris, 1988, p. 354</ref>. L’endroit est connu sous le nom d’''Hermaïon d’El Guettar'' en référence aux pierres jetées aux pieds d’[[Hermès]] par les [[divinités olympiennes]] lors du meurtre du [[Géant (mythologie grecque)|Géant]] [[Argos (Panoptès)|Argos]]<ref name="mk p110"/>. Cette pratique était une manière pour les dieux de se prononcer pour l’innocence d’Hermès<ref name="mk p110"/>.


==== Capsiens ====
==== Capsiens ====


{{Article général|Capsien}}
{{Article détaillé|Capsien}}


À une culture [[ibéromaurusien]]ne, répartie sur le littoral<ref>Marcel Otte, Denis Vialou et Patrick Plumet, ''La Préhistoire'', éd. De Boeck Université, Louvain-la-Neuve, 2006, p. 176 {{ISBN|2804144178}}</ref> et relativement minime en Tunisie<ref>{{fr}} [http://www.didac.ehu.es/antropo/7/7-1/Larrouy.htm Georges Larrouy, « La place de l’anthropobiologie dans l’étude du peuplement berbère. Affirmations, contradictions, conclusions », colloque du groupement des anthropologistes de langue française, 2004]</ref>, succède la période du Capsien, nom créé par [[Jacques de Morgan]] et issu du [[latin]] ''Capsa'', qui a lui-même donné le nom de l’actuelle [[Gafsa]]<ref>Magdeleine Moureau et Gérald Brace, ''Dictionnaire des sciences de la terre'', éd. Technip, Paris, 2000, p. 76 {{ISBN|2710807491}}</ref>. Morgan définit le Capsien comme étant une culture allant du [[Paléolithique supérieur]] au [[Néolithique]], couvrant ainsi une période qui s’étend du {{-mp|VIII|e|au|V|e|s}}<ref>Mohamed-Habib Daghari-Ounissi, ''Tunisie, habiter sa différence'', éd. L’Harmattan, Paris, 2002, p. 32 {{ISBN|2747521869}}</ref>. Selon [[Charles-André Julien]], « les Protoméditerranéens capsiens constituent [...] le fond du peuplement actuel du [[Maghreb]] »<ref>Charles-André Julien, ''Histoire de l’Afrique du Nord'', éd. Payot & Rivages, Paris, 1994, p. 59 {{ISBN|2228887897}}</ref> alors que, selon les termes de [[Gabriel Camps]], un groupe d’archéologues avaient négligé des squelettes capsiens, croyant qu’il s’agissait d’intrus récemment inhumés : {{Début citation}}Un de ces crânes séjourna même un certain temps dans le greffe du tribunal d’[[Aïn M'lila]], une petite ville d’Algérie orientale, car on avait cru à l’inhumation clandestine de la victime d’un meurtre !<ref>Gabriel Camps, ''Berbères, aux marges de l’histoire'', éd. des Hespérides, Paris, 1980, p. 42 {{ISBN|2855880068}}</ref>{{Fin citation}}
À une culture [[ibéromaurusien]]ne, répartie sur le littoral<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Marcel Otte]]|auteur2=Denis Vialou|auteur3=Patrick Plumet|titre=La Préhistoire|lieu=Louvain-la-Neuve|éditeur=[[Groupe De Boeck|De Boeck Université]]|année=2006|passage=176|isbn=2804144178}}.</ref> et relativement minime en Tunisie<ref>{{Lien web|langue=fr|auteur1=Georges Larrouy|titre=La place de l'anthropobiologie dans l'étude du peuplement berbère : affirmations, contradictions, conclusions|url=http://www.didac.ehu.es/antropo/7/7-1/Larrouy.htm|date=2004|site=didac.ehu.es}}.</ref>, succède la période du Capsien, nom créé par [[Jacques de Morgan]] et issu du [[latin]] ''Capsa'', qui a lui-même donné le nom de l'actuelle [[Gafsa]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Magdeleine Moureau|auteur2=Gérald Brace|titre=Dictionnaire des sciences de la terre|lieu=Paris|éditeur=Technip|année=2000|passage=76|isbn=2710807491}}.</ref>. Morgan définit le Capsien comme étant une culture allant du [[Paléolithique supérieur]] au [[Néolithique]], couvrant ainsi une période qui s'étend du {{-mp|VIII|e|au|V|e|s}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Mohamed-Habib Daghari-Ounissi|titre=Tunisie, habiter sa différence|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2002|passage=32|isbn=2747521869}}.</ref>. Selon [[Charles-André Julien]], « les Protoméditerranéens capsiens constituent [...] le fond du peuplement actuel du [[Maghreb]] »<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Charles-André Julien]]|titre=Histoire de l'Afrique du Nord|lieu=Paris|éditeur=[[Payot et Rivages]]|année=1994|passage=59|isbn=2228887897}}.</ref> alors que, selon les termes de [[Gabriel Camps]], un groupe d'archéologues avaient négligé des squelettes capsiens, croyant qu'il s'agissait d'intrus récemment inhumés :


[[Fichier:Ibéromaurusienne-capsienne.svg|vignette|Localisation du noyau à l'origine de la culture capsienne.]]
[[Image:Capsien burial (Tunisia).png|left|upright=0.8|thumb|Squelette capsien replié]]


{{Début citation bloc}}Un de ces crânes séjourna même un certain temps dans le greffe du tribunal d'[[Aïn M'lila]], une petite ville d'Algérie orientale, car on avait cru à l'inhumation clandestine de la victime d'un meurtre<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Gabriel Camps]]|titre=Berbères, aux marges de l'histoire|lieu=Paris|éditeur=Éditions des Hespérides|année=1980|passage=42|isbn=2855880068}}.</ref> !{{Fin citation bloc}}
D’un point de vue ethnologique et archéologique, le Capsien prend une importance plus grande puisque des [[Squelette humain|ossements]] et des traces d’activité humaine remontant à plus de {{formatnum:15000}} ans sont découverts dans la région. Outre la fabrication d’outils en [[Roche|pierre]] et en silex, les Capsiens produisaient, à partir d’ossements, divers outils dont des aiguilles pour coudre des vêtements à partir de peaux d’animaux. Le gisement capsien d’El Mekta, identifié en [[1907]] par Morgan et [[Louis Capitan]]<ref>{{fr}} [http://www.annales.com/archives/x/morgan.html Biographie de Jacques de Morgan (École nationale supérieure des mines de Paris)]</ref>, a révélé des sculptures en [[calcaire]] de forme humaine mesurant quelques centimètres de haut<ref>Ginette Aumassip et Jean Guilaine, ''L’Algérie des premiers hommes'', éd. Maison des sciences de l’homme, Paris, 2001, p. 191 {{ISBN|2735109321}}</ref>. Quant aux gravures que l’on a trouvées, elles sont souvent abstraites, même si certaines « représentent avec une certaine maladresse des animaux »<ref>Gabriel Camps, ''op. cit.'', p. 44</ref>.

D'un point de vue ethnologique et archéologique, le Capsien prend une importance plus grande puisque des [[Squelette humain|ossements]] et des traces d'activité humaine remontant à plus de {{nombre|15000|ans}} sont découverts dans la région. Outre la fabrication d'outils en [[Roche|pierre]] et en silex, les Capsiens produisaient, à partir d'ossements, divers outils dont des aiguilles pour coudre des vêtements à partir de peaux d'animaux. Le gisement capsien d'El Mekta, identifié en [[1907]] par Morgan et [[Louis Capitan]]<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Biographie de Jacques de Morgan|url=http://www.annales.com/archives/x/morgan.html|site=annales.com}}.</ref>, a révélé des sculptures en [[calcaire]] de forme humaine mesurant quelques centimètres de haut<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Ginette Aumassip|auteur2=[[Jean Guilaine]]|titre=L'Algérie des premiers hommes|lieu=Paris|éditeur=[[Maison des Sciences de l'Homme]]|année=2001|passage=191|isbn=2735109321}}.</ref>. Quant aux gravures que l'on a trouvées, elles sont souvent abstraites, même si certaines « représentent avec une certaine maladresse des animaux »{{sfn|Camps|1980|p=44}}.


=== Néolithique ===
=== Néolithique ===


[[Fichier:Makthar mégalithes.jpg|gauche|vignette|Mégalithes près de Makthar.]]
Au [[Néolithique]] ([[-4500|4500]] à [[-2500|2500 av. J.-C.]] environ), arrivé tardivement dans cette région, la présence humaine est conditionnée par la formation du [[Sahara|désert saharien]], qui acquiert son climat actuel. De même, c’est à cette époque que le peuplement de la Tunisie s’enrichit par l’apport des [[Berbères]]<ref>Lloyd Cabot Briggs, ''Tribes of the Sahara'', éd. Harvard University Press, Cambridge, 1960, pp. 34-36 {{ISBN|9780674908703}}</ref>, issus semble-t-il de la migration vers le nord de populations libyques<ref name="encarta">{{fr}} [http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_761568505_5/Tunisie.html Article sur la Tunisie (Encarta)]</ref> (ancien terme [[Grec ancien|grec]] désignant les populations africaines en général<ref>Michel Quitout, ''Les langues orales dans les pays méditerranéens. Situation, enseignement et recherche'', éd. L’Harmattan, Paris, 2001, p. 43 {{ISBN|2747507505}}</ref>). Bref, la question des origines du peuple berbère reste encore ouverte et soumise à débat de nos jours, mais sa présence est attestée depuis le {{-m|IV|e}}<ref name="encarta"/>. La première inscription libyco-berbère découverte à [[Dougga]] par Thomas d’Arcos en [[1631]] a fait l’objet d’une multitude de déchiffrements infructueux à ce jour<ref>Mebarek Slaouti Taklit, ''L’alphabet latin serait-il d’origine berbère ?'', éd. L’Harmattan, Paris, 2004, p. 50 {{ISBN|2747565351}}</ref>.


Au [[Néolithique]] ([[Ve millénaire av. J.-C.|4500]] à [[XXVe siècle av. J.-C.|2500 av. J.-C.]] environ), arrivé tardivement dans cette région, la présence humaine est conditionnée par la formation du [[Sahara|désert saharien]], qui acquiert son climat actuel. De même, c'est à cette époque que le peuplement de la Tunisie s'enrichit par l'apport des [[Berbères]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Lloyd Cabot Briggs|titre=Tribes of the Sahara|lieu=Cambridge|éditeur=[[Harvard University Press]]|année=1960|passage=34-36|isbn=978-0674908703}}.</ref>, issus semble-t-il de la migration vers le nord de [[Libyens|populations libyques]]<ref name="encarta">{{Lien web|langue=fr|titre=Tunisie|url=http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_761568505_5/Tunisie.html|site=fr.encarta.msn.com}}.</ref> (ancien terme [[Grec ancien|grec]] désignant les populations africaines en général<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Michel Quitout|titre=Les langues orales dans les pays méditerranéens|sous-titre=situation, enseignement et recherche|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2001|passage=43|isbn=2747507505}}.</ref>).
Le Néolithique voit également le contact s’établir entre les [[Phéniciens]] de [[Tyr]], les futurs [[Carthage|Carthaginois]] qui fondent la [[Civilisation carthaginoise|civilisation punique]], et les peuples autochtones de l’actuelle Tunisie, dont les Berbères sont désormais devenus la composante essentielle. On observe le passage de la [[Préhistoire]] à l’[[Histoire]] principalement dans l’apport des populations phéniciennes, même si le mode de vie néolithique continue un temps à exister aux côtés de celui des nouveaux arrivants. Cet apport est nuancé, notamment à Carthage (centre de la civilisation punique en [[Occident]]), par la coexistence de différentes populations minoritaires mais dynamiques comme les Berbères, les Grecs, les Italiens ou les [[Ibères]] d’Espagne... Les nombreux [[mariage]]s mixtes contribuent à l’établissement de la civilisation punique<ref>En particulier entre les Puniques et les populations locales selon Hédi Dridi, ''Carthage et le monde punique'', Les Belles Lettres, Paris, 2006, p. 28</ref>.


Bref, la question des origines du peuple berbère reste encore ouverte et soumise à débat de nos jours, mais sa présence est attestée depuis le {{-m|IV|e}}<ref name="encarta"/>. La première inscription libyco-berbère découverte à [[Dougga]] par Thomas d'Arcos en [[1631]] a fait l'objet d'une multitude de déchiffrements infructueux à ce jour<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Mebarek Slaouti Taklit|titre=L'alphabet latin serait-il d'origine berbère ?|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2004|passage=50|isbn=2747565351}}.</ref>. Le Néolithique voit également le contact s'établir entre les [[Phéniciens]] de [[Tyr]], les futurs [[Carthage|Carthaginois]] qui fondent la [[Civilisation carthaginoise|civilisation punique]], et les peuples autochtones de l'actuelle [[Tunisie]], dont les Berbères sont désormais devenus une composante essentielle.
On trouve par ailleurs la trace d’un peuple pacifique du Néolithique tunisien dans ''[[L'Odyssée]]'' d’[[Homère]], lorsque [[Ulysse]] rencontre les [[Lotophages]] (mangeurs de [[Lotos|lotus]]) qui semblent vivre dans l’actuelle île de [[Djerba]]<ref>Gerald K. Gresseth, « The Homeric Sirens », ''Transactions and Proceedings of the American Philological Association'', vol. 101, 1970, p. 208</ref>.


On observe le passage de la [[Préhistoire]] à l'[[Histoire]] principalement dans l'apport des populations phéniciennes, même si le mode de vie néolithique continue un temps à exister aux côtés de celui des nouveaux arrivants. Cet apport est nuancé, notamment à Carthage (centre de la civilisation punique en [[Occident]]), par la coexistence de différentes populations minoritaires mais dynamiques comme les Berbères, les Grecs, les Italiens ou les [[Ibères]] d'Espagne. Les nombreux [[mariage]]s mixtes contribuent à l'établissement de la civilisation punique<ref>En particulier entre les Puniques et les populations locales selon {{harvsp|Dridi|2006|p=28}}.</ref>. On trouve par ailleurs la trace d'un peuple pacifique du Néolithique tunisien dans l'''[[Odyssée]]'' d'[[Homère]], lorsque [[Ulysse]] rencontre les [[Lotophages]] (mangeurs de [[Lotos|lotus]]) qui semblent vivre dans l'actuelle île de [[Djerba]]<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Gerald K. Gresseth|titre=The Homeric Sirens|périodique=Transactions and Proceedings of the American Philological Association|volume=101|date=1970|pages=208|issn=0065-9711}}.</ref>.
== Carthage ou l’émergence et la chute d’une puissance ==


== Carthage : émergence, apogée et chute d'une puissance ==
{{Article détaillé|Histoire de Carthage}}


{{Article détaillé|Histoire de Carthage}}
L’entrée de la Tunisie dans l’histoire se fait de façon fracassante, par l’expansion d’une cité issue d’une colonisation [[Proche-Orient|proche-orientale]]<ref name="lacjardin118">Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin [sous la dir. de], ''L’état du Maghreb'', éd. La Découverte, Paris, 1991, p. 118 {{ISBN|2707120146}}</ref>. De [[Phéniciens|phénicienne]] au départ, la cité constitue rapidement une civilisation originale dite [[Civilisation carthaginoise|punique]].


L'entrée de la Tunisie dans l'histoire se fait de façon fracassante, par l'expansion d'une cité issue d'une colonisation [[Proche-Orient|proche-orientale]]<ref name="lacjardin118">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Yves Lacoste]]|auteur2=[[Camille Lacoste-Dujardin]]|directeur2=oui|titre=L'état du Maghreb|lieu=Paris|éditeur=[[La Découverte]]|année=1991|passage=118|isbn=2707120146}}.</ref>. De [[Phéniciens|phénicienne]] au départ, la cité constitue rapidement une civilisation originale dite [[Civilisation carthaginoise|punique]].
[[Image:Carthage - Tanit.jpg|left|thumb|upright=0.8|Stèle du [[Tophet de Carthage|tophet]] portant le [[signe de Tanit]]]]


L’expansionnisme punique dans le bassin occidental de la Méditerranée se fonde sur le commerce, même si la [[thalassocratie]] trouve face à elle l’expansion romaine à volonté continentale et hégémonique. Bien que leurs relations soient cordiales dans un premier temps, les deux systèmes ne tardent pas à s’affronter et, même si la question a pu se poser de qui allait l’emporter<ref>D’où l’interrogation de l’ouvrage de Jean-Paul Brisson, ''Carthage ou Rome ?'', éd. Fayard, Paris, 1973</ref>, les Puniques s’effacent finalement, non sans avoir marqué de leur empreinte l’espace tunisien, que la puissance de Rome ne va pas effacer totalement.
L'expansionnisme punique dans le bassin occidental de la Méditerranée se fonde sur le commerce, même si la [[thalassocratie]] trouve face à elle l'expansion romaine à volonté continentale et hégémonique. Bien que les relations entre Puniques et Romains soient cordiales dans un premier temps, les deux systèmes ne tardent pas à s'affronter et, même si la question a pu se poser de qui allait l'emporter<ref>D'où l'interrogation dans {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Jean-Paul Brisson]]|titre=Carthage ou Rome ?|lieu=Paris|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=1973|isbn=}}.</ref>, les Puniques s'effacent finalement en [[146 av. J.-C.]], non sans avoir marqué de leur empreinte l'espace tunisien, que la puissance de Rome ne va pas effacer totalement.


=== Fondation et expansion ===
=== Fondation et expansion ===


[[Fichier:Guérin Énée racontant à Didon les malheurs de la ville de Troie Louvre 5184.jpg|vignette|''[[Énée]] décrit à Didon la chute de [[Troie]]'' par [[Pierre-Narcisse Guérin]], [[1815]], [[Paris]], [[musée du Louvre]].]]
La Tunisie accueille progressivement une série de comptoirs phéniciens comme bien d’autres régions méditerranéennes, du [[Maroc]] à [[Île de Chypre|Chypre]]. Le premier comptoir selon la tradition est celui d’[[Utique]]<ref>Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin, ''op. cit.'', p. 39</ref>, qui date de 1101 av. J.-C<ref>Véronique Krings, ''La civilisation phénicienne et punique'', éd. Brill, Leyde, p. 112 {{ISBN|9004100687}}</ref>. C’est ici que prend racine une puissance fondamentale dans l’histoire de l’[[Antiquité]] dans le [[bassin méditerranéen]]. En [[-814|814 av. J.-C.]], des colons phéniciens venus de [[Tyr]]<ref>Attilio Gaudio, ''Les Îles Canaries'', éd. Karthala, Paris, 1995, p. 23 {{ISBN|2865375587}}</ref> fondent la ville de [[Carthage]]<ref name="lacjardin38">Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin, ''op. cit.'', p. 38</ref>. D’après la légende, c’est la reine Élyssa ([[Didon]] pour les Romains), sœur du roi de Tyr [[Pygmalion (Tyr)|Pygmalion]], qui est à l’origine de la cité<ref>Anne Zali et Annie Berthier [sous la dir. de], ''L’aventure des écritures'', éd. Bibliothèque nationale de France, Paris, 1997, p. 100 {{ISBN|2717720235}}</ref>. Il existe toutefois un doute sur l’exactitude de la date donnée par la tradition littéraire<ref>Serge Lancel, ''Carthage'', éd. Fayard, Paris, 1992, pp. 23-25 {{ISBN|2213028389}}</ref>, le débat étant alimenté par les [[Archéologie|découvertes archéologiques]]. En effet, les plus anciens objets découverts à ce jour sont des céramiques proto-corinthiennes de la moitié du milieu du {{-s|VIII|e}} provenant du dépôt de fondation de la chapelle Cintas, trouvée dans le [[tophet de Carthage]] par [[Pierre Cintas]] en [[1947]]. Néanmoins, au vu des incertitudes dans les datations des céramiques antiques, rien ne permet d’écarter la datation issue de la tradition littéraire.


La Tunisie accueille progressivement une série de comptoirs phéniciens comme bien d'autres régions méditerranéennes, du [[Maroc]] à [[Chypre (île)|Chypre]]. Le premier comptoir selon la tradition est celui d'[[Utique]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=39}}, qui date de 1101 av. J.-C<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Véronique Krings|titre=La civilisation phénicienne et punique|sous-titre=manuel de recherche|lieu=Leyde|éditeur=[[Éditions Brill|Brill]]|année=1995|passage=112|isbn=9004100687}}.</ref>. C'est ici que prend racine une puissance fondamentale dans l'histoire de l'[[Antiquité]] dans le [[bassin méditerranéen]]. En [[Années 810 av. J.-C.|814 av. J.-C.]], des colons phéniciens venus de [[Tyr]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Attilio Gaudio|titre=Les Îles Canaries|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Karthala|Karthala]]|année=1995|passage=23|isbn=2865375587}}.</ref> fondent la ville de [[Carthage]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=38}}. D'après la légende, c'est la reine Élyssa ([[Didon]] pour les Romains), sœur du roi de Tyr [[Pygmalion (Tyr)|Pygmalion]], qui est à l'origine de la cité<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Anne Zali|auteur2=Annie Berthier|directeur2=oui|titre=L'aventure des écritures|lieu=Paris|éditeur=[[Bibliothèque nationale de France]]|année=1997|passage=100|isbn=2717720235}}.</ref>. Il existe toutefois un doute sur l'exactitude de la date donnée par la tradition littéraire<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Serge Lancel]]|titre=Carthage|lieu=Paris|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=1992|passage=23-25|isbn=2213028389}}.</ref>, le débat étant alimenté par les [[Archéologie|découvertes archéologiques]]. En effet, les plus anciens objets découverts à ce jour sont des céramiques proto-corinthiennes de la moitié du milieu du {{-s|VIII}} provenant du dépôt de fondation de la chapelle Cintas, trouvée dans le [[tophet de Carthage]] par [[Pierre Cintas]] en [[1947]]. Néanmoins, au vu des incertitudes dans les datations des céramiques antiques, rien ne permet d'écarter la datation issue de la tradition littéraire.
La population originelle de l’espace tunisien est libyco-berbère et, lorsqu’elle vit à proximité des comptoirs, elle se punicise dans une certaine mesure. En témoignent par exemple les découvertes archéologiques de [[stèle]]s à motifs de [[signe de Tanit]] gravées de façon maladroite, en particulier sur un site comme celui de l’antique ''Clupea'', la [[Kélibia]] actuelle. Ces maladresses évoquent une appropriation du symbolisme punique par des populations en contact avec les citoyens des comptoirs.


[[Fichier:Square weight Tanit Louvre AO2042.jpg|gauche|vignette|Poids carré en plomb portant le [[signe de Tanit]], {{s mini-|V}}-{{-s-|II}}, [[Paris]], [[musée du Louvre]].]]
[[Image:CarthageMap.png|right|thumb|upright=1.4|La [[cité-État]] de [[Carthage]] et ses territoires sous son influence politique et commerciale vers [[-264|264 av. J.-C.]]]]


Ouverte sur la mer, Carthage est également ouverte structurellement sur l’extérieur. Cette croissance pacifique — autant qu’on en sache de par les sources existantes — laisse la place à une lutte d’influence qui aboutit à plusieurs cycles de conflits. Un siècle et demi après la fondation de la ville, les Carthaginois ou Puniques étendent leur emprise sur le bassin occidental de la [[mer Méditerranée]] : ils s’affirment en [[Sicile]], en [[Sardaigne]], aux [[Îles Baléares|Baléares]], en [[Espagne]], en [[Corse]]<ref name="simon13">Jacques Simon, ''Algérie : le passé, l’Algérie française, la révolution (1954-1958)'', éd. L’Harmattan, Paris, 2007, p. 13 {{ISBN|2296028586}}</ref> et en [[Afrique du Nord]] — du [[Maroc]] à la [[Libye]] —, qui est partagée entre les [[Grèce antique|Grecs]] de [[Cyrénaïque]] et les Carthaginois y compris sur la côte [[Océan Atlantique|atlantique]] du Maroc. Cette présence prend diverses formes, y compris celle de la [[colonisation]]<ref name="lacjardin38"/>, mais reste d’abord commerciale<ref name="simon13"/> (comptoirs de commerce, signature de traités...). De plus, les Carthaginois s’appuient dans ces régions sur une présence phénicienne antérieure à la création de Carthage, sauf peut-être le long de la côte atlantique. La nouvelle puissance de Carthage supplante celle déclinante des anciennes cités de Phénicie dans cet espace de la Méditerranée. De même, les Carthaginois s’allient aux [[Étrusques]] et leurs deux flottes réunies sortent victorieuses de la [[bataille navale]] d’Aléria, au large de la [[Corse]], contre les Grecs de Massalia (actuelle [[Marseille]]). Ces derniers, venus des côtes de l’actuelle [[Turquie]] ([[Ionie]]), tentent de s’installer en Corse, île située en face de l’[[Étrurie]] et au nord de la Sardaigne, zone d’influence et de colonisation punique. Cette dernière île est également sur le trajet le plus court entre les cités massaliotes et les autres cités grecques du sud de l’[[Italie]] puis, plus loin, avec la Méditerranée orientale. C’est avec le déclin étrusque que la Corse entre dans l’orbite carthaginoise et que se forme un nouvel empire maritime.
La population originelle de l'espace tunisien est libyco-berbère et, lorsqu'elle vit à proximité des comptoirs, elle se punicise dans une certaine mesure. En témoignent par exemple les découvertes archéologiques de [[stèle]]s à motifs de [[signe de Tanit]] gravées de façon maladroite, en particulier sur un site comme celui de l'antique ''Clupea'', la [[Kélibia]] actuelle. Ces maladresses évoquent une appropriation du symbolisme punique par des populations en contact avec les citoyens des comptoirs. Ouverte sur la mer, Carthage est également ouverte structurellement sur l'extérieur. Cette croissance pacifique — autant qu'on en sache de par les sources existantes — laisse la place à une lutte d'influence qui aboutit à plusieurs cycles de conflits. Un siècle et demi après la fondation de la ville, les Carthaginois ou Puniques étendent leur emprise sur le bassin occidental de la [[mer Méditerranée]] : ils s'affirment en [[Sicile]], en [[Sardaigne]], aux [[Îles Baléares|Baléares]], en [[Espagne]], en [[Corse]]<ref name="simon13">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jacques Simon|titre=Algérie|sous-titre=le passé, l'Algérie française, la révolution (1954-1958)|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2007|passage=13|isbn=2296028586}}.</ref> et en [[Afrique du Nord]] — du [[Maroc]] à la [[Libye]] —, qui est partagée entre les [[Grèce antique|Grecs]] de [[Cyrénaïque]] et les Carthaginois y compris sur la côte [[Océan Atlantique|atlantique]] du Maroc. Cette présence prend diverses formes, incluant celle de la [[colonisation]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=38}}, mais reste d'abord commerciale<ref name="simon13"/> (comptoirs de commerce, signature de traités, etc.).


[[Fichier:Corbita BM GR1850.3-4.32.jpg|vignette|Représentation d'un navire sur un relief romain en marbre du {{s-|II}} trouvé en Tunisie et exposée au [[British Museum]].]]
La mutation vers un empire plus terrestre se heurte aux Grecs de Sicile puis à la puissance montante de [[Rome antique|Rome]]<ref name="lacjardin38"/> et de ses alliés massaliotes, [[campanie]]ns ou italiotes. Le cœur carthaginois qu’est la Tunisie, à la veille des [[guerres puniques]], possède une capacité de production agricole supérieure à celle de Rome et de ses alliés réunis, et son exploitation fait l’admiration des Romains. Les avantages de la géographie, avec en particulier les riches terres céréalières de la vallée de la [[Medjerda]], s’ajoutent au talent agronome d’un peuple dont un traité (celui de [[Magon le Carthaginois|Magon]]) sera longtemps admiré.

De plus, les Carthaginois s'appuient dans ces régions sur une présence phénicienne antérieure à la création de Carthage, sauf peut-être le long de la côte atlantique. La nouvelle puissance de Carthage supplante celle déclinante des anciennes cités de Phénicie dans cet espace de la Méditerranée. De même, les Carthaginois s'allient aux [[Étrusques]] et leurs deux flottes réunies sortent victorieuses de la [[Bataille d'Alalia|bataille navale d'Alalia]], au large de la [[Corse]], contre les Grecs de Massalia (actuelle [[Marseille]]). Ces derniers, venus des côtes de l'actuelle [[Turquie]] ([[Ionie]]), tentent de s'installer en Corse, île située en face de l'[[Étrurie]] et au nord de la Sardaigne, zone d'influence et de colonisation punique. Cette dernière île est également sur le trajet le plus court entre les cités massaliotes et les autres cités grecques du sud de l'[[Italie]] puis, plus loin, avec la Méditerranée orientale. C'est avec le déclin étrusque que la Corse entre dans l'orbite carthaginoise et que se forme un nouvel empire maritime.

La mutation vers un empire plus terrestre se heurte aux Grecs de Sicile puis à la puissance montante de [[Rome antique|Rome]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=38}} et de ses alliés massaliotes, [[campanie]]ns ou italiotes. Le cœur carthaginois qu'est la Tunisie, à la veille des [[guerres puniques]], possède une capacité de production agricole supérieure à celle de Rome et de ses alliés réunis, et son exploitation fait l'admiration des Romains. Les avantages de la géographie, avec en particulier les riches terres céréalières de la vallée de la [[Medjerda]], s'ajoutent au talent agronome d'un peuple dont un traité (celui de [[Magon le Carthaginois|Magon]]) sera longtemps admiré.
[[Fichier:CarthageMap.png|vignette|La [[cité-État]] de [[Carthage]] et les territoires sous son influence politique et/ou commerciale vers [[264 av. J.-C.]].]]

Parallèlement à cette expansion — la Sardaigne est en voie de colonisation et les implantations espagnoles se consolident —, la superpuissance commerciale, maritime, terrestre et agricole est en passe de vaincre les Grecs en Sicile.
Parallèlement à cette expansion — la Sardaigne est en voie de colonisation et les implantations espagnoles se consolident —, la superpuissance commerciale, maritime, terrestre et agricole est en passe de vaincre les Grecs en Sicile.


=== Carthage et Rome : des traités aux guerres puniques ===
=== Carthage et Rome, des traités aux guerres puniques (550-{{date-|-146}}) ===


{{Article détaillé|Guerres puniques}}
{{Article détaillé|Guerres puniques}}
[[Fichier:First Punic War (264 BC)-fr.svg|vignette|Forces en présence avant la première guerre punique.]]


Les relations entre Rome et la thalassocratie punique sont d’abord cordiales, comme en témoigne le premier traité signé en [[-509|509 av. J.-C.]]<ref>[[Gilbert-Charles Picard|Gilbert-Charles]] et Colette Picard, ''Vie et mort de Carthage'', éd. Hachette, Paris, pp. 72-78</ref>. Toutefois, les relations se dégradent et laissent place à de la défiance à mesure que se développent les deux cités-États, l’affrontement devenant dès lors inévitable.
Les relations entre Rome et la thalassocratie punique sont d'abord cordiales, comme en témoigne le premier traité signé en [[Années 500 av. J.-C.|509 av. J.-C.]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Gilbert Charles-Picard]]|auteur2=[[Colette Picard]]|titre=Vie et mort de Carthage|lieu=Paris|éditeur=[[Hachette Livre|Hachette]]|année=1970|passage=72-78|isbn=}}.</ref>. Toutefois, les relations se dégradent et laissent place à de la défiance à mesure que se développent les deux cités-États, l'affrontement devenant dès lors inévitable.

La lutte entre Rome et Carthage prend de l’ampleur avec l’essor des deux cités : ce sont les trois guerres puniques, qui faillirent voir la prise de Rome mais se conclurent par la destruction de Carthage, en [[-146|146 av. J.-C.]], après un [[Bataille de Carthage (-149)|siège]] de trois ans<ref name="simon13"/>.


La lutte entre Rome et Carthage prend de l'ampleur avec l'essor des deux cités : ce sont les trois guerres puniques, qui faillirent voir la prise de Rome mais se conclurent par la destruction de Carthage, en [[146 av. J.-C.]], après un [[Bataille de Carthage (149 av. J.-C.)|siège]] de trois ans<ref name="simon13"/>.
[[Image:Numidian cavalry.png|thumb|left|upright=0.8|Dessin d’un cavalier numide]]


[[Fichier:Numidian cavalry.png|gauche|vignette|redresse|Dessin d'un cavalier numide.]]
La [[Première Guerre punique]], qui couvre les années [[-264|264]] à [[-241|241 av. J.-C.]], est un conflit naval et terrestre en Sicile et en Tunisie. Elle a pour origine les luttes d’influence en Sicile<ref name="simon13"/>, terre située à mi-chemin entre Rome et Carthage, l’enjeu principal étant la possession du [[détroit de Messine]]. Les Carthaginois prennent d’abord la ville de [[Messine]], ce qui inquiète les Romains, cette cité se situant à proximité des villes grecques d’Italie qui viennent de passer sous leur protection. [[Appius Claudius Caudex]] traverse donc le détroit et prend par surprise la garnison punique de Messine, événement qui déclenche le début de la guerre. Suite à ce revers, le gouvernement de Carthage rassemble ses troupes à [[Agrigente]] mais les Romains, menés par Claudius et [[Manius Valerius Maximus Corvinus Messalla]], s’emparent des villes de [[Ségeste]] et d’Agrigente au terme d’un siège de sept mois. Après avoir conclu la paix avec les Romains, Carthage doit réprimer une [[Guerre des Mercenaires|révolte]] de ses [[mercenaire]]s.


La [[première guerre punique]], qui couvre les années [[264 av. J.-C.|264]] à [[241 av. J.-C.]], est un conflit naval et terrestre en Sicile et en Tunisie. Elle a pour origine les luttes d'influence en Sicile<ref name="simon13"/>, terre située à mi-chemin entre Rome et Carthage, l'enjeu principal étant la possession du [[détroit de Messine]]. Les Carthaginois prennent d'abord la ville de [[Messine]], ce qui inquiète les Romains, cette cité se situant à proximité des villes grecques d'Italie qui viennent de passer sous leur protection. [[Appius Claudius Caudex]] traverse donc le détroit et prend par surprise la garnison punique de Messine, événement qui déclenche le début de la guerre. À la suite de ce revers, le gouvernement de Carthage rassemble ses troupes à [[Agrigente]] mais les Romains, menés par Claudius et [[Manius Valerius Maximus Corvinus Messalla]], s'emparent des villes de [[Ségeste]] et d'Agrigente au terme d'un siège de sept mois. Après avoir conclu la paix avec les Romains, Carthage doit réprimer une [[Guerre des Mercenaires|révolte]] de ses [[mercenaire]]s.
[[Image:Battles second punic war-fr.svg|thumb|upright=1.4|Batailles de la Deuxième Guerre punique]]


[[Fichier:Battles second punic war-fr.svg|vignette|Batailles de la deuxième guerre punique.]]
La [[Deuxième Guerre punique]], dans les années [[-218|218]] à [[-202|202 av. J.-C.]]<ref name="simon13"/>, a pour point culminant la campagne d’Italie : le général [[Hannibal Barca]], issu de la famille des [[Barcides]], parvient à traverser les [[Pyrénées]] et les [[Alpes]] avec ses éléphants de guerre. Pourtant, il renonce à entrer dans Rome. Le prétexte de la guerre avait été le [[siège de Sagonte]] par les Carthaginois car, selon le [[Traité (droit)|traité]] de [[-241|241 av. J.-C.]], les Carthaginois auraient dû rester au sud de l’[[Èbre]], fleuve qui délimitait les zones d’influence respectives.


La [[deuxième guerre punique]], dans les années [[218 av. J.-C.|218]] à [[202 av. J.-C.]]<ref name="simon13"/>, a pour point culminant la campagne d'Italie : le général [[Hannibal Barca]], issu de la famille des [[Barcides]], parvient à traverser les [[Pyrénées]] et les [[Alpes]] avec ses éléphants de guerre. Pourtant, il renonce à entrer dans Rome. Le prétexte de la guerre avait été le [[siège de Sagonte]] par les Carthaginois car, selon le [[Traité (droit international public)|traité]] de [[241 av. J.-C.]], les Carthaginois auraient dû rester au sud de l'[[Èbre]], fleuve qui délimitait les zones d'influence respectives.
L’attentisme d’Hannibal permet finalement aux Romains, alliés à [[Massinissa]]<ref name="lacjardin38"/>, premier roi de la [[Numidie]] unifiée, de contre-attaquer et de réussir à retourner le conflit en leur faveur à la [[bataille de Zama]], en 202 av. J.-C., prenant à Carthage la totalité de ses possessions hispaniques, détruisant sa flotte et lui interdisant toute remilitarisation<ref name="simon13"/>. Pourtant, malgré la victoire finale, cette guerre ne satisfait pas les Romains. Poussés par la crainte d’avoir encore à affronter Carthage, ils décident, selon le fameux mot de [[Caton l'Ancien]] (''[[Delenda Carthago est]]'', « Carthage est à détruire »), que la destruction totale de la cité ennemie est le seul moyen d’assurer la sécurité de la République romaine. En conséquence, la [[Troisième Guerre punique]] ([[-149|149]]-[[-146|146 av. J.-C.]]) est déclenchée par une offensive romaine en Afrique qui aboutit à la défaite et à la destruction de Carthage après un siège de trois ans.


Après la Deuxième Guerre punique, Carthage a lentement retrouvé une certaine prospérité économique<ref name="simon13"/> entre [[-200|200]] et [[-149|149 av. J.-C.]] sans toutefois réussir à reconstituer une flotte de guerre ou une armée importante. De son côté, le rétablissement de Rome, malgré ses pertes navales, permet au [[Sénat romain]] de décider d’une courte campagne destinée à amener les troupes romaines à pied d’œuvre pour le siège de Carthage, conduit par [[Scipion Émilien]]<ref name="simon13"/>, surnommé dès lors « le second Africain ». Le siège s’achève par la destruction totale de la ville : les Romains emmènent les navires phéniciens au port et les incendient au pied de la cité. Puis ils vont de maison en maison en exécutant ou asservissant la population. La cité qui brûle pendant dix-sept jours est rayée de la carte et ne laisse que des ruines.
L'attentisme d'Hannibal permet finalement aux Romains, alliés à [[Massinissa]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=38}}, premier roi de la [[Royaume de Numidie|Numidie]] unifiée, de contre-attaquer et de réussir à retourner le conflit en leur faveur à la [[bataille de Zama]], en 202 av. J.-C., prenant à Carthage la totalité de ses possessions hispaniques, détruisant sa flotte et lui interdisant toute remilitarisation<ref name="simon13"/>. Pourtant, malgré la victoire finale, cette guerre ne satisfait pas les Romains. Poussés par la crainte d'avoir encore à affronter Carthage, ils décident, selon le fameux mot de [[Caton l'Ancien]] (''[[Delenda Carthago]]'', « Il faut détruire Carthage »), que la destruction totale de la cité ennemie est le seul moyen d'assurer la sécurité de la République romaine. En conséquence, la [[troisième guerre punique]] ([[149 av. J.-C.|149]]-[[146 av. J.-C.]]) est déclenchée par une offensive romaine en Afrique qui aboutit à la défaite et à la destruction de Carthage après un siège de trois ans. Après la deuxième guerre punique, Carthage retrouve lentement une certaine prospérité économique<ref name="simon13"/> entre [[200 av. J.-C.|200]] et [[149 av. J.-C.]] sans toutefois réussir à reconstituer une [[Flotte carthaginoise|flotte de guerre]] ou une [[Armée de Carthage|armée]] importante. De son côté, le rétablissement de Rome, malgré ses pertes navales, permet au [[Sénat de la République romaine|Sénat romain]] de décider d'une courte campagne destinée à amener les troupes romaines à pied d'œuvre pour le siège de Carthage, conduit par [[Scipion Émilien]]<ref name="simon13"/>, surnommé dès lors « le second Africain ». Le siège s'achève par la destruction totale de la ville : les Romains emmènent les navires phéniciens au port et les incendient au pied de la cité. Puis ils vont de maison en maison en exécutant ou asservissant la population. La cité qui brûle pendant dix-sept jours est rayée de la carte et ne laisse que des ruines.


Au {{s|XX|e}}, une théorie indique que les Romains ont répandu du sel sur les terres agricoles de Carthage pour empêcher de cultiver la terre, théorie fortement mise en doute, l’Afrique devenant par la suite le « grenier à blé » de Rome<ref>{{en}} R.T. Ridley, « To Be Taken with a Pinch of Salt. The Destruction of Carthage », ''Classical Philology'', vol. 81, n°2, 1986</ref>, le territoire de l’ancienne cité étant néanmoins déclaré ''sacer'', c’est-à-dire maudit.
Au {{XXe siècle}}, une théorie indique que les Romains ont répandu du sel sur les terres agricoles de Carthage pour empêcher de cultiver la terre, théorie fortement mise en doute, l'Afrique devenant par la suite le « grenier à blé » de Rome<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Ronald T. Ridley|titre=To Be Taken with a Pinch of Salt: The Destruction of Carthage|périodique=[[Classical Philology]]|volume=81|numéro=2|date=1986|pages=|issn=0009-837X}}.</ref>, le territoire de l'ancienne cité étant néanmoins déclaré ''sacer'', c'est-à-dire maudit.


<gallery caption="Vestiges de la présence punique en Tunisie">
<gallery caption="Vestiges de la présence punique en Tunisie">
Image:Tunisise Carthage Tophet Salambo 01.JPG|Vestiges du tophet de Carthage
Tunisise Carthage Tophet Salambo 01.JPG|Vestiges du [[tophet de Carthage]].
Image:Kerkouane vue.jpg|Vue sur les ruines de la cité punique de Kerkouane (Cap Bon)
Kerkouane vue.jpg|Vue sur les ruines de la cité punique de [[Kerkouane]] (Cap Bon).
Image:Carthage ruins.jpg|Le « quartier Hannibal » de Byrsa (Carthage)
Carthage ruins.jpg|« Quartier Hannibal » de Byrsa (Carthage).
Image:Mahdia cimetier.jpg|Cothon de Mahdia
CimetiereMarinMahdia.JPG|[[Cothon]] de [[Mahdia]].
Carthage-1958-PortsPuniques.jpg|Zone des [[ports puniques de Carthage]].
</gallery>
</gallery>
{{message galerie}}


== Partie intégrante de l’Afrique romaine ==
== Partie intégrante de l'Afrique romaine ({{date-|-146}} à 435) ==
{{Article détaillé|Afrique romaine}}

[[Fichier:Tunisia Antica.jpg|vignette|Carte de la Tunisie antique.]]
{{Article général|Afrique romaine}}


=== Continuité de la civilisation punique ou rupture ? ===
=== Continuité de la civilisation punique ou rupture ? ===
[[Fichier:Amphitheatre Dougga -2.jpg|vignette|Théâtre de Dougga dominant une riche plaine céréalière en contrebas.]]


À l'issue de la troisième guerre punique, Rome écrase définitivement Carthage et s'installe sur les décombres de la ville en [[146 av. J.-C.]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=38}}. La fin des guerres puniques marque l'établissement de la [[Province d'Afrique|province romaine d'Afrique]] dont [[Utique]] devient la première capitale, même si le site de Carthage s'impose à nouveau par ses avantages et redevient capitale en [[14]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=38}}{{,}}<ref name="march238">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Philippe Lemarchand|directeur1=oui|titre=L'Afrique et l'Europe|sous-titre=atlas du {{s-|XX}}|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Complexe|Complexe]]|année=1994|passage=238|isbn=978-2870275184}}.</ref>. Une première tentative de colonisation par les [[Gracques]] avec la constitution d'une ''Colonia Junonia Carthago'' avorte en [[122 av. J.-C.]]<ref name="arnauld58">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Dominique Arnauld|titre=Histoire du christianisme en Afrique|sous-titre=les sept premiers siècles|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Karthala|Karthala]]|année=2001|passage=58|isbn=2845861907}}.</ref>, et provoque la chute et le décès de son promoteur, [[Gracques|Caius Sempronius Gracchus]]. En [[44 av. J.-C.]], [[Jules César]] décide d'y fonder une [[colonie romaine]], la ''Colonia Julia Carthago''<ref name="arnauld58"/>, mais il faudra attendre quelques décennies pour qu'[[Auguste]] lance les travaux de la cité<ref name="morelrom">{{Lien web|langue=fr|auteur1=Jean-Paul Morel|titre=La Tunisie romaine|url=http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/la_tunisie_romaine.asp|date=mars 1999|site=clio.fr}}.</ref>, qui sera plus tard la capitale de la province. La parure monumentale de la ville jouera un rôle majeur dans la [[Romanisation (histoire)|romanisation]] de la région<ref>''[[Connaissance des arts]]'', {{n°|69}} « Carthage (hors-série) », 1995, {{p.|33}} ({{ISSN|0293-9274}}).</ref>, cette « Rome africaine » se diffusant elle-même dans le riche tissu urbain du territoire de l'actuelle Tunisie. La région connaît alors une période de prospérité où l'Afrique devient pour Rome un fournisseur essentiel de productions agricoles<ref name="encarta"/>, comme le [[blé]] et l'[[huile d'olive]]<ref name="morelrom"/>, grâce aux plantations d'[[Olea europaea|oliviers]] chères aux Carthaginois{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=38}}. Le fameux [[Ports puniques de Carthage|port]] de Carthage se mue en port d'attache monumental d'une flotte céréalière dont l'arrivée est chaque année impatiemment attendue à Rome<ref name="morelrom"/>, avec l'[[Annone (ravitaillement)|annone]], l'institution de la distribution de blé à la [[plèbe]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Jean-Claude Golvin]]|titre=L'Antiquité retrouvée|lieu=Paris|éditeur=Errance|année=2003|passage=98|isbn=}}.</ref>. À [[Chemtou]], on exploite un [[marbre]] aux veines jaunes et roses que l'on exporte à travers l'empire, alors qu'à [[El Haouaria]] le [[Grès (géologie)|grès]] est extrait pour bâtir Carthage<ref name="morelrom"/>.
[[Image:Amphitheatre Dougga -2.jpg|right|thumb|upright=1.4|Théâtre de Dougga dominant une riche plaine céréalière en contrebas]]


[[Fichier:Zaghouane Aqueduc.JPG|gauche|vignette|Partie restaurée de l'[[aqueduc de Zaghouan]].]]
À l’issue de la Troisième Guerre punique, Rome écrase définitivement Carthage et s’installe sur les décombres de la ville en [[-146|146 av. J.-C.]]<ref name="lacjardin38"/>. La fin des guerres puniques marque l’établissement de la [[Afrique (province romaine)|province romaine d'Afrique]] dont [[Utique]] devient la première capitale, même si le site de Carthage s’impose à nouveau par ses avantages et redevient capitale en [[14]]<ref name="lacjardin38"/>{{,}}<ref name="march238">Philippe Lemarchand [sous la dir. de], ''L’Afrique et l’Europe : atlas du {{s-|XX|e}}'', éd. Complexe, Paris, 1994, p. 238 {{ISBN|9782870275184}}</ref>. Une première tentative de colonisation par les [[Gracques]] avec la constitution d’une ''Colonia Junonia Carthago'' avorte en [[-122|122 av. J.-C.]]<ref name="arnauld58">Dominique Arnauld, ''Histoire du christianisme en Afrique. Les sept premiers siècles'', éd. Karthala, Paris, 2001, p. 58 {{ISBN|2845861907}}</ref>, et provoque la chute et le décès de son promoteur, [[Caius Sempronius Gracchus]]. En [[-44|44 av. J.-C.]], [[Jules César]] décide d’y fonder une [[Colonie (Rome)|colonie romaine]], la ''Colonia Julia Carthago''<ref name="arnauld58"/>, mais il faudra attendre quelques décennies pour qu’[[Auguste]] lance les travaux de la cité<ref name="morelrom">{{fr}} [http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/la_tunisie_romaine.asp Jean-Paul Morel, « La Tunisie romaine », Clio, mars 1999]</ref>, qui sera plus tard la capitale de la province. La parure monumentale de la ville jouera un rôle majeur dans la [[Romanisation (histoire)|romanisation]] de la région<ref>''Connaissance des arts'', hors-série ''Carthage'' n°69, 1995, p. 33</ref>, cette « Rome africaine » se diffusant elle-même dans le riche tissu urbain du territoire de l’actuelle Tunisie.
[[Fichier:El Jem Amphitheater.jpg|gauche|vignette|Arène de l'[[amphithéâtre d'El Jem]].]]


Parmi les autres productions figurent les [[céramique]]s et les produits dérivés du poisson. La province se couvre d'un dense réseau de cités romanisées dont les vestiges encore visibles à l'heure actuelle demeurent impressionnants : il suffit de mentionner les sites de [[Dougga]] (antique ''Thugga''), [[Site archéologique de Sbeïtla|Sbeïtla]] (''Sufetula''), [[Bulla Regia]], [[El Jem]] (''Thysdrus'') ou [[Thuburbo Majus]]. Parmi les symboles de la richesse provinciale se trouvent l'[[Amphithéâtre d'El Jem|amphithéâtre de Thysdrus]], l'un des plus grands du monde romain, et le [[Théâtre romain de Dougga|théâtre de Dougga]]. À côté des vestiges des bâtiments publics resurgissent de riches habitations privées, villas au sol couvert de [[mosaïque]]s que la terre du pays ne cesse de restituer aux archéologues. Partie intégrante de la [[République romaine|République]] puis de l'[[Empire romain|empire]] avec la [[Royaume de Numidie|Numidie]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=38}}, la Tunisie devient pendant six siècles le siège d'une civilisation romano-africaine d'une exceptionnelle richesse, fidèle à sa vocation de « carrefour du monde antique ». La Tunisie est alors le creuset de l'art de la mosaïque, qui s'y distingue par son originalité et ses innovations<ref name="morelrom"/>. Sur les stèles à caractère religieux on distingue d'anciens symboles tels le croissant lunaire ou le [[signe de Tanit]]. Concurrents des dieux romains, des dieux indigènes apparaissent sur des frises d'époque impériale, et le culte de certaines divinités, [[Saturne (mythologie)|Saturne]] et [[Junon|Caelestis]], s'inscrit dans la continuité du culte voué par les Puniques à [[Ba'al Hammon]] et à [[Tanit]] sa [[parèdre]]<ref>Voir à ce sujet le travail de {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Marcel Le Glay]]|titre=Saturne africain|lieu=Paris|éditeur=De Boccard|année=1966}}.</ref>. Le « carrefour du monde antique » voit aussi l'installation précoce de [[Histoire des Juifs en Tunisie|communautés juives]]<ref name="arnauld58"/> et, dans le sillage de celles-ci, des premières communautés chrétiennes. La [[Punique (langue)|langue punique]] elle-même reste longtemps en usage, fortement jusqu'au {{Ier siècle}}, et elle est attestée dans une moindre mesure jusqu'à l'époque de saint Augustin<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Maria Giulia Amadasi Guzzo|titre=Carthage|lieu=Paris|éditeur=[[Presses universitaires de France]]|année=2007|passage=123-124|isbn=}}.</ref>.
La région connaît alors une période de prospérité où l’Afrique devient pour Rome un fournisseur essentiel de productions agricoles<ref name="encarta"/>, comme le [[blé]] et l’[[huile d'olive]]<ref name="morelrom"/>, grâce aux plantations d’[[olivier]]s chères aux Carthaginois<ref name="lacjardin38"/>. Le fameux [[Ports puniques de Carthage|port]] de Carthage se mue en port d’attache monumental d’une flotte céréalière dont l’arrivée est chaque année impatiemment attendue à Rome<ref name="morelrom"/>, avec l’[[annone]], l’institution de la distribution de blé à la [[plèbe]]<ref>Jean-Claude Golvin, ''L’Antiquité retrouvée'', éd. Errance, Paris, 2003, p. 98</ref>. À [[Chemtou]], on exploite un [[marbre]] aux veines jaunes et roses que l’on exporte à travers l’empire, alors qu’à [[El Haouaria]] le [[Grès (géologie)|grès]] est extrait pour bâtir Carthage<ref name="morelrom"/>. Parmi les autres productions figurent les [[céramique]]s et les produits dérivés du poisson.


[[Image:Amphitrite Bulla Regia.jpg|left|thumb|upright=1.1|Mosaïque d’Amphitrite à Bulla Regia]]
[[Fichier:El Jem Museum (6).JPG|vignette|Mosaïque d'Africa et les Saisons à El Jem.]]


L'apogée du {{IIe s}} et du début du {{IIIe siècle}} ne va toutefois pas sans heurts{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=38}}, la province connaissant quelques crises au {{s|III}} : elle est frappée en [[238]] par la répression de la révolte de [[Gordien Ier|Gordien {{Ier}}]] ; elle subit de même les affrontements entre usurpateurs au début du {{IVe siècle}}. La province est l'une des moins touchées par les difficultés que connaît l'Empire romain entre [[235]] et le début du {{IVe siècle}}.
La province se couvre d’un dense réseau de cités romanisées dont les vestiges encore visibles à l’heure actuelle demeurent impressionnants : il suffit de mentionner les sites de [[Dougga]] (antique ''Thugga''), [[Sbeïtla]] (''Sufetula''), [[Bulla Regia]], [[El Jem]] (''Thysdrus'') ou [[Thuburbo Majus]]. Parmi les symboles de la richesse provinciale se trouvent l’[[Amphithéâtre d'El Jem|amphithéâtre de Thysdrus]], l’un des plus grands du monde romain, et le théâtre de Dougga. À côté des vestiges des bâtiments publics resurgissent aujourd’hui de riches habitations privées, villas au sol couvert de mosaïques que la terre du pays ne cesse de restituer aux archéologues.


Avec la [[Tétrarchie]], la province recouvre une prospérité que révèlent les vestiges archéologiques, provenant tant de constructions publiques que d'habitations privées. Cette époque est aussi le premier siècle du christianisme officiel, devenu religion licite en [[313]] et religion personnelle de l'empereur [[Constantin Ier (empereur romain)|Constantin]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=38}}.
Partie intégrante de la [[République romaine|République]] puis de l’[[Empire romain|Empire]] avec la [[Numidie]]<ref name="lacjardin38"/>, la Tunisie devient pendant six siècles le siège d’une civilisation romano-africaine d’une exceptionnelle richesse, fidèle à sa vocation de « carrefour du monde antique ». La Tunisie est alors le creuset de l’art de la [[Mosaïque (art)|mosaïque]], qui s’y distingue par son originalité et ses innovations<ref name="morelrom"/>. Sur les stèles à caractère religieux on distingue d’anciens symboles tels le croissant lunaire ou le [[signe de Tanit]]. Concurrents des dieux romains, des dieux indigènes apparaissent sur des frises d’époque impériale, et le culte de certaines divinités, [[Saturne (mythologie)|Saturne]] et [[Junon|Caelestis]], s’inscrit dans la continuité du culte voué par les Puniques à [[Ba'al Hammon]] et à sa parèdre [[Tanit]]<ref>Voir à ce sujet le travail de Marcel Le Glay, ''Saturne africain'', deux volumes, éditions de Boccard, Paris, 1966</ref>. Le « carrefour du monde antique » voit aussi l’installation précoce de [[Histoire des Juifs en Tunisie|communautés juives]]<ref name="arnauld58"/> et, dans le sillage de celles-ci, des premières communautés chrétiennes. La langue punique elle-même restera longtemps en usage, fortement jusqu’au {{s|I|er}}, et elle est attestée dans une moindre mesure jusqu’à l’époque de saint Augustin<ref>Maria Giulia Amadasi Guzzo, ''Carthage'', éd. Presses universitaires de France, Paris, 2007, pp. 123-124</ref>.

L’apogée du {{sp|II|e|et du début du|III|e|s}} ne va toutefois pas sans heurts<ref name="lacjardin38"/>, la province connaissant de graves crises au {{-s|III|e}} : les provinces sont pillées et subissent les affrontements entre usurpateurs au début du {{s|IV|e}}. Au cours de ce premier siècle de christianisme officiel, devenu [[religion d'État]] en [[313]]<ref name="lacjardin38"/>, la province recouvre une prospérité que révèlent les vestiges archéologiques, provenant tant de constructions publiques que d’habitations privées.


<gallery caption="Vestiges de la présence romaine en Tunisie">
<gallery caption="Vestiges de la présence romaine en Tunisie">
Image:Sbeitla capitole.jpg|Ruines du capitole de Sufetula
Sbeitla capitole.jpg|Ruines du capitole de Sufetula.
Image:Dougga Tunisie.jpg|Vue de Dougga avec son capitole
Dougga Tunisie.jpg|Vue de Dougga avec son capitole.
Image:GiorcesBardo54.jpg|Mosaïque d’Ulysse et les sirènes à Dougga
Mosaïque d'Ulysse et les sirènes.jpg|Mosaïque d'Ulysse et les sirènes à Dougga.
Antonine baths Tunis 06.JPG|Thermes d'Antonin à Carthage.
Image:Tunisie El Djem amphitheatre 03.jpg|Amphithéâtre d’El Jem
</gallery>
</gallery>
{{message galerie}}


=== Centre d’expansion du christianisme ===
=== Centre d'expansion du christianisme ===

[[Fichier:Dicoese-Afrique-256.jpg|gauche|vignette|Carte des évêchés africains en 256.]]

Dans un espace ouvert sur l'extérieur comme l'est alors la province d'Afrique — Carthage est notamment reliée aux grandes cités d'[[Alexandrie]] et d'[[Antioche]], qui constituent deux grands centres d'[[évangélisation]]<ref name="clio">{{Lien web|langue=fr|auteur1=[[François Decret]]|titre=Carthage chrétienne|url=http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/carthage_chretienne.asp|date=octobre 2002|site=clio.fr}}.</ref> —, le [[christianisme]] se développe de façon précoce<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=Fethi Béjaoui|titre=La Carthage de saint Augustin|périodique=[[Connaissance des arts]]|numéro=69|titre numéro=Carthage (hors-série)|date=1995|pages=55|issn=0293-9274}}.</ref> grâce aux colons, commerçants et soldats<ref name="clio"/>, et la région devient l'un des foyers essentiels de la diffusion de la nouvelle foi, même si les affrontements religieux y sont violents avec les [[Paganisme|païens]]. Ainsi, la nouvelle religion se heurte d'abord à l'opposition populaire car le christianisme déchire un tissu social très serré, le paganisme imprégnant toute la vie quotidienne, et ses adeptes sont contraints de vivre à l'écart de la vie domestique et de la vie publique. La cohésion sociale paraît alors menacée, ce qui entraîne des ripostes comme le saccage de tombes chrétiennes. Dès le {{IIe siècle}}, la province applique aussi les sanctions impériales, les premiers [[martyr]]s étant attestés dès le {{date|17 juillet 180}}<ref name="clio"/> : ceux qui refusent de se rallier au culte officiel peuvent être torturés, relégués sur des îles, décapités, livrés aux bêtes féroces, brûlés voire crucifiés.


[[Fichier:Augustine of Hippo.jpg|vignette|redresse|[[Augustin d'Hippone|Saint Augustin]] (354-430), figure du christianisme d'Afrique.]]
Dans un espace ouvert sur l’extérieur comme l’est alors la province d’Afrique — Carthage est notamment reliée aux grandes cités d’[[Alexandrie]] et d’[[Antioche]], qui constituent deux grands centres d’[[évangélisation]]<ref name="clio">{{fr}} [http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/carthage_chretienne.asp François Decret, « Carthage chrétienne », Clio, octobre 2002]</ref> —, le [[christianisme]] se développe de façon précoce<ref>Fethi Bejaoui, « La Carthage de saint Augustin », ''Connaissance des arts'', hors-série ''Carthage'' n°69, 1995, p. 55</ref> grâce aux colons, commerçants et soldats<ref name="clio"/>, et la région devient l’un des foyers essentiels de la diffusion de la nouvelle foi, même si les affrontements religieux y sont violents avec les [[Paganisme|païens]]. Ainsi, la nouvelle religion se heurte d’abord à l’opposition populaire car le christianisme déchire un tissu social très serré, le paganisme imprégnant toute la vie quotidienne, et ses adeptes sont contraints de vivre à l’écart de la vie domestique et de la vie publique. La cohésion sociale paraît alors menacée, ce qui entraîne des ripostes comme le saccage de tombes chrétiennes. Dès le {{s|II|e}}, la province applique aussi les sanctions impériales, les premiers [[martyr]]s étant attestés dès le [[17 juillet]] [[180]]<ref name="clio"/> : ceux qui refusent de se rallier au culte officiel sont torturés, relégués sur des îles, décapités, livrés aux bêtes féroces, brûlés voire crucifiés.


À la fin du {{IIe siècle}}, la nouvelle religion progresse dans la province car, malgré une situation difficile, la nouvelle foi s'implante plus vite qu'en [[Europe]], notamment en raison du rôle social joué par l'[[Église de Carthage|Église d'Afrique]], qui apparaît dans la seconde moitié du {{IIIe siècle}}, et du fait de la très forte densité urbaine. C'est à partir d'environ [[400]] que, sous l'action dynamique d'[[Augustin d'Hippone]] et l'impulsion de quelques [[évêque]]s, les grands propriétaires terriens et l'[[aristocratie]] citadine se rallient au christianisme, où ils voient leur intérêt, l'Église intégrant alors les diverses couches sociales. Rapidement, la province d'Afrique est considérée comme un phare du christianisme latin occidental<ref name="clio"/> ; [[Tertullien]] est l'un des premiers auteurs chrétiens de langue latine et [[Cyprien de Carthage|Saint Cyprien]], premier évêque de Carthage, est martyrisé le {{date|14 septembre 258}}<ref name="clio"/>, à une époque où la nouvelle religion est déjà largement répandue dans la société.
[[Image:Augustine of Hippo.jpg|left|upright|thumb|[[Augustin d'Hippone|Saint Augustin]], figure du christianisme d’Afrique]]


Cette expansion rencontre toutefois des obstacles, en particulier lors du [[schisme]] [[Donatisme|donatiste]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=38}} — conséquence des rivalités de prélats avides d'occuper le siège du primat d'Afrique — qui est condamné de façon définitive à l'issue de la [[conférence de Carthage]], ouvert le {{date|1 juin 411}}<ref name="clio"/> et organisé par son plus ardent contradicteur en la personne de l'évêque Augustin d'Hippone. Ce dernier accuse les schismatiques d'avoir coupé les liens entre l'Église catholique africaine et les Églises orientales originelles<ref name="clio"/>. En dépit de cette lutte religieuse, la conjoncture économique, sociale et culturelle est relativement favorable au moment du triomphe du christianisme<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=[[Aïcha Ben Abed]]|titre=Carthage : capitale de l'Africa|périodique=[[Connaissance des arts]]|numéro=69|titre numéro=Carthage (hors-série)|date=1995|pages=44|issn=0293-9274}}.</ref>, comme en témoignent les nombreux vestiges, notamment de [[Basilique (christianisme)|basiliques]] à Carthage — en particulier celle de Damous El Karita — et de nombreuses églises aménagées dans d'anciens temples païens (comme à Sbeïtla) ou même certaines églises rurales découvertes récemment.
À la fin du {{s|I|er}}, la nouvelle religion progresse dans la province car, malgré une situation difficile, la nouvelle foi s’implante plus vite qu’en [[Europe]], notamment en raison du rôle social joué par l’[[Église de Carthage|Église d’Afrique]], qui apparaît dans la seconde moitié du {{s|III|e}}, et du fait de la très forte densité urbaine. C’est à partir d’environ [[400]] que, sous l’action dynamique d’[[Augustin d'Hippone]] et l’impulsion de quelques [[évêque]]s, les grands propriétaires terriens et l’[[aristocratie]] citadine se rallient au christianisme, où ils voient leur intérêt, l’Église intégrant alors les diverses couches sociales. Rapidement, la province d’Afrique est considérée comme un phare du christianisme latin occidental<ref name="clio"/> ; [[Tertullien]] est l’un des premiers auteurs chrétiens de langue latine et [[Cyprien de Carthage|Saint Cyprien]], premier évêque de Carthage, est martyrisé le [[14 septembre]] [[258]]<ref name="clio"/>, à une époque où la nouvelle religion est déjà largement répandue dans la société. Cette expansion rencontre toutefois des obstacles, en particulier lors du [[schisme]] [[Donatisme|donatiste]]<ref name="lacjardin38"/> — conséquence des rivalités de prélats avides d’occuper le siège du primat d’Afrique — qui est condamné de façon définitive au [[Concile de Carthage (412)|concile de Carthage]], ouvert le {{1er juin}} [[411]]<ref name="clio"/> et organisé par son plus ardent contradicteur en la personne de l’évêque Augustin d’Hippone. Ce dernier accuse les schismatiques d’avoir coupé les liens entre l’Église catholique africaine et les Églises orientales originelles<ref name="clio"/>.


Ce dynamisme perdurera longtemps, y compris pendant la période vandale.
En dépit de cette lutte religieuse, la conjoncture économique, sociale et culturelle est relativement favorable au moment du triomphe du christianisme<ref>Aïcha Ben Abed, « Carthage. Capitale de l’Africa », ''Connaissance des arts'', hors-série Carthage n°69, 1995, p. 44</ref>, comme en témoignent les nombreux vestiges, notamment de [[Basilique religieuse|basiliques]] à Carthage — en particulier celle de Damous El Karita — et de nombreuses églises aménagées dans d’anciens temples païens (comme à Sbeïtla) ou même certaines églises rurales découvertes récemment. Ce dynamisme perdurera longtemps, y compris pendant la période vandale.


<gallery caption="Traces du christianisme en Tunisie">
<gallery caption="Traces du christianisme en Tunisie">
Image:Mosaïque chrétienne MN Carthage.jpg|Mosaïque des quatre évangélistes du ''vicus castrorum'' de Carthage (Musée national de Carthage)
Mosaïque chrétienne MN Carthage - les quatre évangélistes.jpg|Mosaïque des quatre évangélistes du ''vicus castrorum'' de Carthage (musée national de Carthage).
Image:GiorcesBardo38.jpg|Mosaïque de Daniel dans la fosse aux lions exposée au Musée national du Bardo
Tunisian-christian-mosaic.jpg|Mosaïque chrétienne au musée national du Bardo.
Daniel in the lion's den Vc. A.D.jpg|Mosaïque de Daniel dans la fosse aux lions exposée au musée national du Bardo
Image:Sbeitla eglise.jpg|Église de Sbeïtla
Sbeitla eglise.jpg|Église de Sbeïtla.
Image:Damous el Karita vue ouest (Carthage).JPG|Basilique de Damous El Karita à Carthage
Damous el Karita vue ouest (Carthage).JPG|Basilique de Damous El Karita à Carthage.
</gallery>
</gallery>
{{message galerie}}


== Antiquité tardive ==
== Antiquité tardive ==
=== Domination vandale ===
=== Royaume vandale (435-534) ===


{{Article détaillé|Royaume vandale}}
{{Article détaillé|Royaume vandale}}
[[Fichier:Grandes invasions Empire romain-fr.svg|gauche|vignette|Inscription de la Tunisie dans les [[invasions barbares]].]]


En [[429]]<ref>Selon les sources, cette date varie de 427 à 429. {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Charles Clémencet]]|titre=[[L'Art de vérifier les dates]]|lieu=Paris|éditeur=Desprez|année=1750|tome=I|passage=403}} donne mai 429.</ref>, menés par leur chef [[Genséric]], les [[Vandales]] et les [[Alains]] franchissent le [[détroit de Gibraltar]]<ref name="benmoussa22">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Moncef Ben Moussa]]|titre=La production de sigillées africaines|sous-titre=recherches d'histoire et d'archéologie en Tunisie septentrionale et centrale|lieu=Barcelone|éditeur=[[Université de Barcelone]]|année=2007|passage=22|isbn=8447531767}}.</ref>. Le {{date|19 octobre 439}}, après s'être rendus maîtres d'[[Hippone]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Hélène Ménard|titre=Maintenir l'ordre à Rome|sous-titre={{sp-|II|-|IV|s}} ap. J.-C.|lieu=Seyssel|éditeur=Champ Vallon|année=2004|passage=251|isbn=2876734036}}.</ref>, ils entrent dans Carthage, où ils installent leur [[Royaume vandale|royaume]] pour près d'un siècle<ref name="benmoussa22"/>. Les Vandales sont adeptes de l'[[arianisme]]<ref name="encyclo360">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Collectif|titre=Encyclopédie 360|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Rombaldi|Rombaldi]]/Paris Match|année=1970|volume=12|passage=161|isbn=}}.</ref>, déclarée [[hérésie]] chrétienne au [[Premier concile de Nicée|concile de Nicée]], ce qui ne facilite pas les relations entre eux et les notables locaux majoritairement [[Chalcédonisme|chalcédoniens]]. Le [[clergé]] africain s'oppose en effet à ce qui représente à ses yeux un double préjudice : la domination des [[barbare]]s et celle des hérétiques<ref name="cliofev">{{Lien web|langue=fr|auteur1=[[François Decret]]|titre=L'Afrique chrétienne, de l'invasion vandale au Maghreb musulman|url=http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_afrique_chretienne_de_l_invasion_vandale_au_maghreb_musulman.asp|date=février 2002|site=clio.fr}}.</ref>.
[[Image:Grandes invasions Empire romain-fr.svg|left|thumb|upright=1.2|Inscription de la Tunisie dans les [[grandes invasions]]]]


En [[429]]<ref>Selon les sources, cette date varie de 427 à 429. [[Charles Clémencet]] (''[[L'Art de vérifier les dates]]'', tome I, 1750, p. 403) donne mai 429.</ref>, menés par leur chef [[Genséric]], les [[Vandales]] et les [[Alains]] franchissent le [[détroit de Gibraltar]]<ref name="benmoussa22">Moncef Ben Moussa, ''La production de sigillées africaines. Recherches d’histoire et d’archéologie en Tunisie septentrionale et centrale'', éd. Université de Barcelone, Barcelone, 2007, p. 22 {{ISBN|8447531767}}</ref>. Le [[19 octobre]] [[439]], après s’être rendus maîtres d’[[Hippone]]<ref>Hélène Ménard, ''Maintenir l’ordre à Rome. {{sp-|II|e|-|IV|e|s}} ap. J.-C.'', éd. Champ Vallon, Seyssel, 2004, p. 251 {{ISBN|2876734036}}</ref>, ils entrent dans Carthage, où ils installent leur [[Royaume vandale|royaume]] pour près d’un siècle<ref name="benmoussa22"/>. Les Vandales sont adeptes de l’[[arianisme]]<ref name="encyclo360">''Encyclopédie 360'', éd. Rombaldi / Paris Match, 1970, vol. 12, p. 161</ref>, déclarée [[hérésie]] chrétienne au [[Ier concile de Nicée|concile de Nicée]], ce qui ne facilite pas les relations entre eux et les notables locaux majoritairement catholiques. Le [[clergé]] africain s’oppose en effet à ce qui représente à ses yeux un double préjudice : la domination des [[barbare]]s et celle des hérétiques<ref name="cliofev">{{fr}} [http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_afrique_chretienne_de_l_invasion_vandale_au_maghreb_musulman.asp François Decret, « L’Afrique chrétienne, de l’invasion vandale au Maghreb musulman », Clio, février 2002]</ref>. Or les Vandales exigent de la population une totale allégeance à leur pouvoir et à leur foi<ref name="cliofev"/>. En conséquence, dès lors qu’ils tentent de s’opposer aux Vandales, les chrétiens sont persécutés : de nombreux hommes d’Église sont martyrisés, emprisonnés ou exilés<ref>Guillaume Bernard, ''Introduction à l’histoire du droit et des institutions'', éd. Studyrama, Levallois-Perret, 2004, p. 70 {{ISBN|2844724426}}</ref> dans des camps au sud de [[Gafsa]]. Dans le domaine économique, les Vandales appliquent à l’Église la politique de confiscation dont doivent pâtir les grands propriétaires<ref name="cliofev"/>. Les domaines et leurs [[Esclavage|esclaves]] sont transférés au clergé arien<ref name="cliofev"/>. Cette politique se durcit lorsque [[Hunéric]] succède à son père<ref name="cliofev"/>. Il entame d’abord une sanglante persécution contre les [[Manichéisme|manichéens]] puis fait interdire à tous ceux qui n’adhèrent pas à l’Église officielle d’occuper une fonction dans les administrations publiques<ref name="cliofev"/>. À la mort d’Hunéric, ses neveux [[Gunthamund]] puis [[Thrasamund]] lui succèdent et poursuivent la politique d’« arianisation »<ref name="cliofev"/>. Le clergé catholique est surchargé de taxes et d’amendes, et Thrasamund condamne 120 évêques à l’exil<ref name="cliofev"/>.
Or, les Vandales exigent de la population une totale allégeance à leur pouvoir et à leur foi<ref name="cliofev"/>. En conséquence, ceux qui tentent de s'opposer aux Vandales ou à l'arianisme sont persécutés : de nombreux hommes d'Église sont martyrisés, emprisonnés ou exilés<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Guillaume Bernard]]|titre=Introduction à l'histoire du droit et des institutions|lieu=Levallois-Perret|éditeur=Studyrama|année=2004|passage=70|isbn=2844724426}}.</ref> dans des camps au sud de [[Gafsa]]. Dans le domaine économique, les Vandales appliquent à l'Église la politique de confiscation dont doivent pâtir les grands propriétaires<ref name="cliofev"/>. Les domaines et leurs [[Esclavage|esclaves]] sont transférés au clergé arien<ref name="cliofev"/>. Cette politique se durcit lorsque [[Hunéric]] succède à son père<ref name="cliofev"/>. Il entame une sanglante persécution contre les [[Manichéisme (religion)|manichéens]], puis fait interdire à tous ceux qui n'adhèrent pas à l'Église officielle d'occuper une fonction dans les administrations publiques<ref name="cliofev"/>.


[[Image:Vandales.png|thumb|upright=1.2|Étendue approximative du [[royaume vandale]] vers [[455]]]]
[[Fichier:Vandales.png|vignette|Étendue approximative du [[royaume vandale]] vers [[455]].]]


Les témoignages littéraires sur la période vandale, en particulier de [[Victor de Vita]], sont très sévères sur ce mode de gouvernance<ref name="arnauld274">Dominique Arnauld, ''op. cit.'', p. 274</ref>. L’archéologie rend compte également de destructions importantes à l’époque du royaume vandale<ref name="arnauld274"/>, comme le montrent le théâtre et l’odéon de Carthage. Néanmoins, « la plupart des historiens modernes ''[considèrent cette période]'' comme un court passage, un événement de courte durée »<ref>Moncef Ben Moussa, ''op. cit.'', p. 23</ref> ou « un épisode »<ref>Pierre Salama, « De Rome à l’islam », ''Histoire générale de l’Afrique'', éd. Unesco, Paris, 1980, pp. 539-551 {{ISBN|9232017075}}</ref>.
À la mort d'Hunéric, ses neveux [[Gunthamund]] puis [[Thrasamund]] lui succèdent et poursuivent la politique d'« arianisation »<ref name="cliofev"/>. Le clergé chalcédonien est surchargé de taxes et d'amendes, et Thrasamund condamne 120 évêques à l'exil<ref name="cliofev"/>. Les témoignages littéraires sur la période vandale, en particulier de [[Victor de Vite]], sont très sévères sur ce mode de gouvernance{{sfn|Arnauld|2001|p=274}}. L'archéologie rend compte également de destructions importantes à l'époque du royaume vandale{{sfn|Arnauld|2001|p=274}}, comme le montrent le théâtre et l'odéon de Carthage. Néanmoins, « la plupart des historiens modernes ''[considèrent cette période]'' comme un court passage, un événement de courte durée »{{sfn|Ben Moussa|2007|p=23}} ou « un épisode »<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur1=[[Pierre Salama]]|titre chapitre=De Rome à l'islam|titre ouvrage=Histoire générale de l'Afrique|lieu=Paris|éditeur=[[Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture|Unesco]]|année=1980|isbn=9232017075|passage=539-551}}.</ref>.


Cependant, la [[culture latine]] reste largement préservée<ref>Alban Gautier, ''100 dates qui ont fait le monde : {{formatnum:3000}} ans de mondialisation'', éd. Studyrama, Paris, 2005, p. 105 {{ISBN|2844726577}}</ref> et le christianisme prospère tant qu’il ne s’oppose pas au souverain en place. Les Vandales eux-mêmes, devenus les maîtres de l’ancienne [[province romaine]] la plus riche de l’Empire, se laissent aller à la douceur de vivre de la Tunisie. Le recrutement de leur armée en souffre à tel point qu’ils préfèrent enrôler des autochtones berbères, romanisés pour la plupart<ref name="nomade707">Collectif, ''L’encyclopédie nomade 2006'', éd. Larousse, Paris, 2005, p. 707 {{ISBN|9782035202505}}</ref>. Leur territoire, enserré par des principautés berbères, est attaqué par les tribus de nomades chameliers : leur défaite, en décembre [[533]] à la [[bataille de Tricaméron]]<ref name="arnauld274"/>, confirme l’anéantissement de la puissance militaire vandale.
Cependant, la [[culture latine]] reste largement préservée<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Alban Gautier|titre=100 dates qui ont fait le monde|sous-titre={{nombre|3000|ans}} de mondialisation|lieu=Levallois-Perret|éditeur=Studyrama|année=2005|passage=105|isbn=2844726577}}.</ref> et le christianisme prospère tant qu'il ne s'oppose pas au souverain en place. Les Vandales eux-mêmes, devenus les maîtres de l'ancienne [[province romaine]] la plus riche de l'Empire, se laissent aller à la douceur de vivre de la Tunisie. Le recrutement de leur armée en souffre à tel point qu'ils préfèrent enrôler des autochtones berbères, romanisés pour la plupart<ref name="nomade707">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Collectif|titre=L'Encyclopédie nomade 2006|lieu=Paris|éditeur=Larousse|année=2005|passage=707|isbn=978-2035202505}}.</ref>. Leur territoire, enserré par des principautés berbères, est attaqué par les tribus de nomades chameliers : leur défaite, en décembre [[533]] à la [[bataille de Tricaméron]]{{sfn|Arnauld|2001|p=274}}, confirme l'anéantissement de la puissance militaire vandale.
{{clr}}


=== Exarchat byzantin de Carthage (581-698) ===
=== Période byzantine ===


{{Article détaillé|Exarchat de Carthage}}
{{Article détaillé|Exarchat de Carthage}}


Carthage est prise facilement par les [[Empire byzantin|Romains d'Orient]] (dits {{citation|''Byzantins''}}) dirigés par le [[général]] [[Bélisaire]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Georg Ostrogorsky]]|titre=Histoire de l'État byzantin|lieu=Paris|éditeur=Payot|année=1983|passage=95|isbn=978-2228902069}}.</ref>, envoyé par [[Justinien Ier|Justinien I{{er}}]]<ref name="yousif75">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Ephrem-Isa Yousif|titre=Les chroniqueurs syriaques|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2002|passage=75|isbn=2747527093}}.</ref>.
Carthage est prise facilement par les [[Empire byzantin|Byzantins]] dirigés par le [[général]] [[Bélisaire]]<ref name="encarta"/>, envoyé par [[Justinien]]<ref name="yousif75">Ephrem-Isa Yousif, ''Les chroniqueurs syriaques'', éd. L’Harmattan, Paris, 2002, p. 75 {{ISBN|2747527093}}</ref>. Le premier objectif de l’empereur est de contrôler la Méditerranée occidentale en vue de reconstituer l’Empire romain<ref name="yousif75"/>. L’armée byzantine, composée en fait de [[mercenaire]]s [[hérules]] et [[huns]]<ref>Jean Castrillo, ''Constantinople : la perle du Bosphore'', éd. L’Harmattan, Paris, 2006, p. 191 {{ISBN|2296001742}}</ref>, enfonce la [[cavalerie]] vandale autrefois tant redoutée, et le dernier roi, [[Gélimer]], se rend en [[534]]<ref name="yousif75"/>. Malgré la résistance des Berbères, les Byzantins rétablissent l’esclavage et instituent de lourds impôts<ref name="lacjardin42">Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin, ''op. cit.'', p. 42</ref>. La plupart des Vandales sont déportés vers l’Orient en tant qu’esclaves, tandis que d’autres sont enrôlés de gré ou de force dans l’armée byzantine comme soldats auxiliaires. Par ailleurs, l’administration romaine est restaurée.
Le premier objectif de l'empereur Justinien est de contrôler la Méditerranée occidentale en vue de reconstituer l'unité de l'Empire romain<ref name="yousif75"/>. L'armée byzantine, composée en fait de [[Armée byzantine|légionnaires]] surtout [[hérules]] et [[slaves]]{{sfn|Ostrogorsky|1983|p=97 et suiv.}}{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jean Castrillo|titre=Constantinople|sous-titre=la perle du Bosphore|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2006|passage=191|isbn=2296001742}}.</ref>, enfonce la [[cavalerie]] vandale autrefois tant redoutée, et le dernier roi, [[Gélimer]], se rend en [[534]]<ref name="yousif75"/>. Ensuite, les Byzantins établissent de lourds impôts qui suscitent la résistance des Berbères{{sfn|Ostrogorsky|1983|p=98 et suiv.}}{{,}}{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=42}}. La plupart des Vandales sont déportés vers l'Orient en tant que prisonniers (qui seront établis en [[Anatolie]]), tandis que d'autres sont enrôlés de gré ou de force dans l'armée comme soldats auxiliaires, aux côtés des Hérules et des Slaves. Cela leur permet de rester dans le pays, alors que l'administration romaine est restaurée.


[[Image:Justinien 527-565.svg|thumb|left|upright=1.6|Extension de l’Empire byzantin sous le règne de l’empereur Justinien]]
[[Fichier:Justinien 527-565.svg|vignette|Extension de l'Empire romain d'Orient sous le règne de l'empereur Justinien.]]


À l’occasion du [[concile]] de 534, l’évêque de Carthage réunit 220 évêques afin d’examiner le problème que pose la volonté des Byzantins de transformer les évêques en simples exécutants<ref name="cliofev"/>. Le concile affirme alors que, même si l’empereur doit faire appliquer les directives ecclésiastiques, il n’a pas à les déterminer<ref name="cliofev"/>. Justinien réagit vivement : les réfractaires sont passibles de châtiments corporels et d’exil, pendant que les plus résistants sont remplacés par des hommes au service du prince<ref name="cliofev"/>. L’[[Église de Carthage|Église d’Afrique]] est donc mise au pas<ref name="cliofev"/>. Justinien fait alors de Carthage le siège de son [[diocèse]] d’Afrique. À la fin du {{s|VI|e}}, la région est placée sous l’autorité d’un [[Exarchat de Carthage|exarque]] cumulant les pouvoirs civil et militaire, et disposant d’une large autonomie vis-à-vis de l’empereur. Prétendant imposer le christianisme d’État, les Byzantins pourchassent le paganisme, le judaïsme et les hérésies chrétiennes<ref name="lacjardin42"/>. Pourtant, à la suite de la crise [[Monothélisme|monothéliste]], les empereurs byzantins, opposés à l’Église locale, se détournent de la cité. Or, avec une Afrique byzantine entraînée dans le marasme, un état d’esprit insurrectionnel secoue des [[Confédération (organisation politique)|confédérations]] de tribus sédentarisées et constituées en principautés<ref name="cliofev"/>. Ces tribus berbères sont d’autant plus hostiles à l’Empire byzantin qu’elles ont conscience de leur propre force<ref name="cliofev"/>. Quant au peuple, subordonné à l’administration, pressuré par le fisc et exposé aux exactions des gouverneurs, il en vient à regretter le temps des Vandales<ref name="cliofev"/>.
À l'occasion du [[concile]] de 534, l'évêque de Carthage réunit 220 de ses collègues pour contester la volonté impériale de les contrôler<ref name="cliofev"/>. Ce concile déclare que, même si l'empereur doit faire appliquer les directives ecclésiastiques, il n'a pas à les déterminer<ref name="cliofev"/>. Justinien réagit : les réfractaires sont passibles de châtiments corporels et d'exil, pendant que les plus réticents sont remplacés par des hommes dévoués à l'empereur<ref name="cliofev"/>. L'[[Église de Carthage|Église d'Afrique]] est donc mise au pas<ref name="cliofev"/> et Carthage devient le siège de son [[diocèse]] d'Afrique.


À la fin du {{VIe siècle}}, la région est placée sous l'autorité d'un [[Exarchat de Carthage|exarque]] cumulant les pouvoirs civil et militaire, et disposant d'une large autonomie vis-à-vis de l'empereur. Au [[Histoire du christianisme|nom de l'Église]], les exarques pourchassent le [[paganisme]] (encore fréquent chez les Berbères), et combattent le judaïsme et les {{citation|[[hérésie]]s}} chrétiennes{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=42}}.
Avant même sa prise en [[698]]<ref name="nomade707"/>, la capitale et dans une certaine mesure — moins aisée à appréhender — la province d’Afrique se sont vidées de leurs habitants byzantins. La décadence est nette après la reconquête par Justinien, [[Abdelmajid Ennabli]] évoquant à propos de Carthage une cité « délaissée par le pouvoir central préoccupé de sa propre survie »<ref>Abdelmajid Ennabli, « Carthage », ''Encyclopædia Universalis'', Paris, 2002, p. 1041 {{ISBN|2852295504}}</ref>. Dès le début du {{s|VII|e}}, l’archéologie témoigne en effet d’un repli<ref>Ceci étant particulièrement évident à Carthage comme l’indique Liliane Ennabli, « Carthage chrétienne », ''Encyclopædia Universalis'', Paris, 2002, p. 1041 et suivantes</ref>.

Mais ils échouent face au [[monothélisme]], tandis que les empereurs byzantins laissent faire : un état d'esprit insurrectionnel monte dans les [[Confédération (organisation politique)|confédérations]] de tribus sédentarisées, [[Polythéisme|polythéistes]] ou [[Monothélisme|monothélistes]] et constituées en principautés{{sfn|Ostrogorsky|1983|p=101 et suiv.}}. Ces tribus berbères sont d'autant plus hostiles au pouvoir central byzantin qu'elles ont conscience de leur propre force<ref name="cliofev"/>. Quant au peuple, subordonné à l'administration, pressuré par le fisc et exposé aux abus des gouverneurs, il en vient à regretter le temps des Vandales<ref name="cliofev"/>. Avant même sa prise par les Arabes en [[698]]<ref name="nomade707"/>, la capitale et dans une certaine mesure — moins aisée à appréhender — la province d'Afrique ont été en grande partie abandonnées par leurs habitants romains et grecs, et investies par les Berbères descendus des montagnes ou montés du désert : [[Abdelmajid Ennabli]] évoque à propos de Carthage une cité « délaissée par le pouvoir central préoccupé de sa propre survie »<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur1=[[Abdelmajid Ennabli]]|titre chapitre=Carthage|titre ouvrage=[[Encyclopædia Universalis]]|lieu=Paris|éditeur=|année=2002|passage=1041 et suiv.|isbn=2852295504}}.</ref>. Dès le début du {{VIIe siècle}}, l'archéologie témoigne en effet d'un repli<ref>Ceci étant particulièrement évident à Carthage comme l'indique [[Liliane Ennabli]] {{harvsp|Ennabli|2002}}.</ref>.


== Moyen Âge arabo-musulman ==
== Moyen Âge arabo-musulman ==
Ligne 177 : Ligne 192 :
{{Article détaillé|Tunisie à l'époque médiévale}}
{{Article détaillé|Tunisie à l'époque médiévale}}


Cette ère est marquée par le développement urbanistique du pays et par l’apparition de grands penseurs tels que [[Ibn Khaldoun]], historien et père de la [[sociologie]] moderne.
Cette ère est marquée par le développement urbanistique du pays et par l'apparition de grands penseurs tels que [[Ibn Khaldoun]], historien et père de la [[sociologie]] moderne.


=== Islamisation et arabisation du territoire ===
=== Islamisation et arabisation du territoire ===


{{Article général|Conquête musulmane du Maghreb}}
{{Article connexe|Conquête musulmane du Maghreb|Fihrides|Muhallabides}}


Trois expéditions sont nécessaires pour que les [[Arabes]] réussissent à conquérir la Tunisie. Dans ce contexte, la [[Conversion à l'islam|conversion]] des [[Tribu (ethnologie)|tribus]] ne se déroule pas uniformément et connaît des résistances, des [[apostasie]]s ponctuelles ou l’adoption de [[syncrétisme]]s. L’arabisation se fera de manière plus lente encore.
Trois expéditions sont nécessaires pour que les [[Arabes]] réussissent à conquérir la Tunisie. Dans ce contexte, la [[Conversion à l'islam|conversion]] des [[Tribu (ethnologie)|tribus]] ne se déroule pas uniformément et connaît des résistances, des [[apostasie]]s ponctuelles ou l'adoption de [[syncrétisme]]s. L'arabisation se fera de manière plus lente encore.


[[Image:Tower of the Great Mosque of Kairouan.JPG|thumb|upright=1.2|Minaret de la [[Grande mosquée de Kairouan]] fondée en [[670]] par [[Oqba Ibn Nafi Al Fihri|Oqba Ibn Nafaa]]]]
[[Fichier:Tower of the Great Mosque of Kairouan.JPG|vignette|redresse|Minaret de la [[Grande Mosquée de Kairouan]] fondée en [[670]] par [[Oqba Ibn Nafi al-Fihri]].]]


La première expédition est lancée en [[647]]<ref name="nomade707"/>. L’exarque Grégoire est battu à [[Sbeïtla]]<ref name="quitout11">Michel Quitout, ''Parlons l’arabe tunisien : langue et culture'', éd. L’Harmattan, Paris, 2002, p. 11 {{ISBN|2747528863}}</ref>, ce qui illustre l’existence de points faibles chez les Byzantins. En [[661]], une deuxième offensive se termine par la prise de [[Bizerte]]. La troisième, menée en [[670]] par [[Oqba Ibn Nafi Al Fihri|Oqba Ibn Nafaa]], est décisive : ce dernier fonde la ville de [[Kairouan]] au cours de la même année<ref name="lacjardin42"/> et cette ville devient la base des expéditions contre le nord et l’ouest du Maghreb<ref name="encarta"/>. L’invasion complète manque d’échouer avec la mort d’Ibn Nafaa en [[683]]<ref name="quitout11"/>. Un chef [[Maures (population)|maure]], [[Kusayla|Koceila]], reprend alors Kairouan<ref name="quitout11"/>. Envoyé en [[693]] avec une puissante armée arabe, le général [[Ghassanides|ghassanide]] Hassan Ibn Numan réussit à vaincre l’exarque et à prendre Carthage<ref name="yousif358">Ephrem-Isa Yousif, ''op. cit.'', p. 358</ref> en [[695]]. Seuls résistent certains Berbères dirigés par la [[Kahena]]<ref name="yousif358"/>. Les Byzantins, profitant de leur supériorité navale, débarquent une armée qui s’empare de Carthage en [[696]] pendant que la Kahena remporte une bataille contre les Arabes en [[697]]<ref name="yousif358"/>. Ces derniers, au prix d’un nouvel effort, finissent cependant par reprendre définitivement Carthage en [[698]] et par vaincre et tuer la Kahena<ref name="quitout11"/>. Carthage est progressivement abandonnée au profit d’un nouveau port tout proche, [[Tunis]], et les musulmans, fort actifs en Méditerranée occidentale, commencent à [[Razzia|razzier]] la Sicile et les côtes italiennes.
La première expédition est lancée en [[647]]<ref name="nomade707"/>. L'exarque Grégoire est battu à [[Bataille de Sufétula (647)|Sbeïtla]]<ref name="quitout11">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Michel Quitout|titre=Parlons l'arabe tunisien|sous-titre=langue et culture|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2002|passage=11|isbn=2747528863}}.</ref>, ce qui illustre l'existence de points faibles chez les Byzantins. En [[661]], une deuxième offensive se termine par la prise de [[Bizerte]]. La troisième, menée en [[670]] par [[Oqba Ibn Nafi al-Fihri]], est décisive : ce dernier fonde la ville de [[Kairouan]] ainsi que sa [[Grande Mosquée de Kairouan|Grande Mosquée]]<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Grande Mosquée de Kairouan|url=http://www.kairouan.org/fr/decouverte/Histoiredekairouan/lagrandemosquee.htm|site=kairouan.org}}.</ref> au cours de la même année{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=42}} et cette ville devient la base des expéditions contre le nord et l'ouest du Maghreb<ref name="encarta"/>. L'invasion complète manque d'échouer avec la mort d'Ibn Nafi en [[683]]<ref name="quitout11"/>. Un chef [[Maures|maure]], [[Koceïla]], reprend alors Kairouan<ref name="quitout11"/>. Envoyé en [[693]] avec une puissante armée arabe, le général [[Ghassanides|ghassanide]] [[Hassan Ibn Numan]] réussit à vaincre l'exarque et à prendre Carthage{{sfn|Yousif|2002|p=358}} en [[695]]. Seuls résistent certains Berbères dirigés par la [[Dihya|Kahena]]{{sfn|Yousif|2002|p=358}}. Les Byzantins, profitant de leur supériorité navale, débarquent une armée qui s'empare de Carthage en [[696]] pendant que la Kahena remporte une bataille contre les Arabes en [[697]]{{sfn|Yousif|2002|p=358}}. Ces derniers, au prix d'un nouvel effort, finissent cependant par reprendre définitivement Carthage en [[698]] et par vaincre et tuer la Kahena<ref name="quitout11"/>. Carthage est progressivement abandonnée au profit d'un nouveau port tout proche, [[Tunis]], et les musulmans, fort actifs en Méditerranée occidentale, commencent à [[Razzia|razzier]] la Sicile et les côtes italiennes.


Contrairement aux précédents envahisseurs, les Arabes ne se contentent pas d’occuper la côte et entreprennent de conquérir l’intérieur du pays. Après avoir résisté, les Berbères se convertissent à la religion de leurs vainqueurs<ref name="quitout11"/>, principalement à travers leur recrutement dans les rangs de l’armée victorieuse. Des centres de formation religieuse s’organisent alors, comme à Kairouan, au sein des nouveaux [[ribat]]s. De plus, la [[mosquée Zitouna]] est édifiée à Tunis par les Omeyyades vers [[732]]<ref>Michel Quitout, ''Parlons l’arabe tunisien : langue et culture'', p. 17</ref>. On ne saurait toutefois estimer l’ampleur de ce mouvement d’adhésion à l’islam. D’ailleurs, refusant l’assimilation, nombreux sont ceux qui rejettent la religion dominante et adhèrent au [[kharidjisme]], hérésie née en Orient et proclamant l’égalité de tous les musulmans sans distinction de race ni de classe<ref name="lacdujardin43">Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin, ''op. cit.'', p. 43</ref>. En [[745]], les kharidjites berbères s’emparent de Kairouan sous le commandement d’[[Abou Qurra]], de la tribu des [[Banou Ifren]]. La région reste une province omeyyade jusqu’en [[750]], quand la lutte entre [[Omeyyades]] et [[Abbassides]] voit ces derniers l’emporter<ref name="lacdujardin43"/>. De [[767]] à [[776]], les kharidjites berbères sous le commandement d’Abou Qurra s’emparent de tout le territoire, mais ils se retirent finalement dans leur royaume de [[Tlemcen]], après avoir tué Omar ibn Hafs, surnommé Hezarmerd, dirigeant de la Tunisie à cette époque<ref>Ibn Khaldoun, ''Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale'', traduit par le baron de Slane, éd. Berti, Alger, 2003 {{ISBN|9961690277}}</ref>.
Contrairement aux précédents envahisseurs, les Arabes ne se contentent pas d'occuper la côte et entreprennent de conquérir l'intérieur du pays. Après avoir résisté, les Berbères se convertissent à la religion de leurs vainqueurs<ref name="quitout11"/>, principalement à travers leur recrutement dans les rangs de l'armée victorieuse. Des centres de formation religieuse s'organisent alors, comme à Kairouan, au sein des nouveaux [[ribat]]s. De plus, la [[mosquée Zitouna]] est édifiée à Tunis par les [[Omeyyades]] vers [[732]]{{sfn|Quitout|2002|p=17}}. On ne saurait toutefois estimer l'ampleur de ce mouvement d'adhésion à l'islam. D'ailleurs, refusant l'assimilation, nombreux sont ceux qui rejettent la religion dominante et adhèrent au [[kharidjisme]], hérésie née en Orient et proclamant l'égalité de tous les musulmans sans distinction de race ni de classe{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=43}}. En [[745]], les kharidjites berbères s'emparent de Kairouan sous le commandement d'[[Abou Qurra]], de la tribu des [[Ifrenides|Banou Ifren]].


La région reste une province omeyyade jusqu'en [[750]], quand la lutte entre Omeyyades et [[Abbassides]] voit ces derniers l'emporter{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=43}}. De [[767]] à [[776]], les kharidjites berbères sous le commandement d'Abou Qurra s'emparent de tout le territoire, mais ils se retirent finalement dans leur royaume de [[Tlemcen]], après avoir tué Omar ibn Hafs, surnommé Hezarmerd, dirigeant de la Tunisie à cette époque<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Ibn Khaldoun]]|traducteur=[[William Mac Guckin de Slane]]|titre=Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique septentrionale|lieu=Alger|éditeur=Berti|année=2003|isbn=978-9961691885}}.</ref>.
=== Aghlabides ===


{{Article général|Aghlabides}}
=== Aghlabides (800-909) ===


{{Article détaillé|Aghlabides}}
[[Image:Kairouan bassin.jpg|thumb|right|upright=1.2|Bassins des Aghlabides à Kairouan]]
[[Fichier:Kairouan bassin.jpg|vignette|[[Bassins des Aghlabides]] à Kairouan.]]


En [[800]], le [[calife]] abbasside [[Haroun ar-Rachid]] délègue son pouvoir en [[Ifriqiya]] à l’[[émir]] Ibrahim ibn Al-Aghlab<ref name="quitout12">Michel Quitout, ''Parlons l’arabe tunisien : langue et culture'', p. 12</ref> et lui donne le droit de transmettre ses fonctions par voie héréditaire<ref name="thiry166">Jacques Thiry, ''Le Sahara libyen dans l’Afrique du nord médiévale'', éd. Peeters Publishers, Louvain, 1995, p. 166 {{ISBN|9789068317398}}</ref>. Al-Aghlab établit la [[dynastie]] des Aghlabides, qui règne durant un siècle sur le Maghreb central et oriental. Le territoire bénéficie d’une indépendance formelle tout en reconnaissant la souveraineté abbasside<ref name="thiry166"/>. Par la suite, les émirs aghlabides continuent de prêter allégeance au calife abbasside<ref name="encarta"/>, si bien que, sous le règne d’[[Al-Mamun]] (813-833), les Aghlabides versent annuellement des redevances de 120 tapis<ref name="uai144">Union académique internationale, ''Encyclopédie de l’Islam'', éd. Brill, Leyde, 1980, p. 144 {{ISBN|9004063811}}</ref>.
En [[800]], le [[calife]] abbasside [[Hâroun ar-Rachîd]] délègue son pouvoir en [[Ifriqiya]] à l'[[émir]] Ibrahim ibn Al-Aghlab{{sfn|Quitout|2002|p=12}} et lui donne le droit de transmettre ses fonctions par voie héréditaire<ref name="thiry166">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jacques Thiry|titre=Le Sahara libyen dans l'Afrique du nord médiévale|lieu=Louvain|éditeur=[[Peeters Publishers]]|année=1995|passage=166|isbn=978-9068317398}}.</ref>. Al-Aghlab établit la [[dynastie]] des Aghlabides, qui règne durant un siècle sur le Maghreb central et oriental. Le territoire bénéficie d'une indépendance formelle tout en reconnaissant la souveraineté abbasside<ref name="thiry166"/>. Par la suite, les émirs aghlabides continuent de prêter allégeance au calife abbasside<ref name="encarta"/>, si bien que, sous le règne d'[[Al-Ma'mūn]] (813-833), les Aghlabides versent annuellement des redevances de 120 tapis<ref name="uai144">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Collectif|titre=[[Encyclopédie de l'Islam]]|lieu=Leyde|éditeur=[[Éditions Brill|Brill]]|année=1980|passage=144|isbn=9004063811}}.</ref>.


[[Image:Aghlabids Dynasty 800 - 909 (AD).svg|upright=1.0|left|thumb|Extension maximale du royaume des Aghlabides]]
[[Fichier:Aghlabids Dynasty 800 - 909 (AD).svg|gauche|vignette|Extension maximale des Aghlabides.]]


La Tunisie devient un foyer culturel important avec le rayonnement de Kairouan, dotée d’une [[maison de la sagesse]] ouverte aux savants, et de sa [[Grande mosquée de Kairouan|Grande mosquée]], un centre intellectuel de haute renommée<ref>{{fr}} {{pdf}} [http://unesdoc.unesco.org/images/0000/000011/001172fo.pdf Rafik Saïd, ''La Politique culturelle en Tunisie'', éd. Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, Paris, 1970, p. 14]</ref>. La [[mosquée Zitouna]] de Tunis, deuxième plus vaste mosquée de Tunisie après celle de Kairouan, est reconstruite en totalité<ref name="thiry166"/>. Kairouan, décrite par [[Oqba Ibn Nafi Al Fihri|Oqba Ibn Nafaa]] comme un « rempart de l’islam jusqu’à la fin des temps »<ref>Rafik Saïd, ''op. cit.'', p. 12</ref>, est choisie comme capitale avant d’être remplacée par [[Raqqada]] et El Abbasiyya, considérées comme ses « satellites »<ref name="uai144"/>.
La Tunisie devient un foyer culturel important avec le rayonnement de Kairouan, dotée d'une [[maison de la sagesse]] ouverte aux savants, et de sa [[Grande Mosquée de Kairouan|Grande Mosquée]], un centre intellectuel de haute renommée<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Rafik Saïd|titre=La Politique culturelle en Tunisie|lieu=Paris|éditeur=[[Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture|Unesco]]|année=1970|passage=14|isbn=|lire en ligne=http://unesdoc.unesco.org/images/0000/000011/001172fo.pdf}}.</ref>. La [[mosquée Zitouna]] de Tunis, deuxième plus vaste mosquée de Tunisie après celle de Kairouan, est reconstruite en totalité<ref name="thiry166"/>. Kairouan, décrite par [[Oqba Ibn Nafi al-Fihri]] comme un « rempart de l'islam jusqu'à la fin des temps »{{sfn|Saïd|1970|p=12}}, est choisie comme capitale avant d'être remplacée par [[Raqqada]] et El Abbasiyya, considérées comme ses « satellites »<ref name="uai144"/>.


L’essor économique de l’Ifriqiya est le plus significatif du Maghreb grâce aux importations d’[[or]] de [[Nigritie]]<ref name="lacdujardin44">Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin, ''op. cit.'', p. 44</ref>. Une bonne politique de l’eau est menée, entraînant le développement de l’agriculture<ref>Pierre Teisserenc [sous la dir. de], ''La mobilisation des acteurs dans l’action publique locale : au Brésil, en France et en Tunisie'', éd. L’Harmattan, Paris, 2006, p. 132 {{ISBN|9782296008895}}</ref> : de nombreux ouvrages hydrauliques romains sont rénovés — notamment la citerne de la Sufra de [[Sousse]]<ref>Alexandre Lézine, ''Deux villes d’Ifriqiya : études d’archéologie, d’urbanisme, de démographie : Sousse, Tunis'', éd. Geuthner, Paris, 1971, pp. 77-82</ref> — et un bon nombre sont construits, dont les bassins de Kairouan<ref name="thiry166"/>. D’un point de vue militaire, les Aghlabides érigent des fortifications, en particulier les murailles de [[Sfax]], et les [[ribat]]s de Sousse et de [[Monastir]]<ref name="thiry166"/>.
L'essor économique de l'Ifriqiya est le plus significatif du Maghreb grâce aux importations d'[[or]] de [[Nigritie]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=44}}. Une bonne politique de l'eau est menée, entraînant le développement de l'agriculture<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pierre Teisserenc|directeur1=oui|titre=La mobilisation des acteurs dans l'action publique locale|sous-titre=au Brésil, en France et en Tunisie|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2006|passage=132|isbn=978-2296008892}}.</ref> : de nombreux ouvrages hydrauliques romains sont rénovés — notamment la citerne de la Sufra de [[Sousse]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Alexandre Lézine]]|titre=Deux villes d'Ifriqiya|sous-titre=études d'archéologie, d'urbanisme, de démographie, Sousse, Tunis|lieu=Paris|éditeur=[[Librairie orientaliste Paul Geuthner]]|année=1971|passage=77-82|isbn=}}.</ref> — et un bon nombre sont construits, dont les bassins de Kairouan<ref name="thiry166"/>.


Ils se dotent d’une puissante flotte de combat pour écarter le danger chiite qui vient de la mer, tout en entretenant de bonnes relations avec l’Égypte et le royaume de [[Tahert]]<ref name="thiry166"/>. Cette flotte et ces protections leur permettent en outre de prendre Malte<ref>{{fr}} [http://fr.ca.encarta.msn.com/encyclopedia_761588579/aghlabides.html Article sur les Aghlabides (Encarta)]</ref> mais surtout d’attaquer la Sicile en 827, sous le règne de Ziadet Allah I{{er}} (817-838), avant de s’en emparer en 902 sous [[Ibrahim II]] (875-902)<ref name="thiry166"/>. À la fin du règne de ce dernier, Tunis devient la capitale de l’émirat jusqu’en 909<ref>Paul Sebag, ''Tunis. Histoire d’une ville'', éd. L’Harmattan, Paris, 2000, p. 87 {{ISBN|2738466109}}</ref>.
D'un point de vue militaire, les Aghlabides érigent des fortifications, en particulier les murailles de [[Sfax]], et les [[ribat]]s de Sousse et de [[Monastir]]<ref name="thiry166"/>. Ils se dotent d'une puissante flotte de combat pour écarter le danger chiite qui vient de la mer, tout en entretenant de bonnes relations avec l'Égypte et le royaume de [[Tahert]]<ref name="thiry166"/>. Cette flotte et ces protections leur permettent en outre de prendre Malte<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Aghlabides|url=http://fr.ca.encarta.msn.com/encyclopedia_761588579/aghlabides.html|site=fr.ca.encarta.msn.com}}</ref> mais surtout d'attaquer la Sicile en 827, sous le règne de Ziadet Allah {{Ier}} (817-838), avant de s'en emparer en 902 sous [[Ibrahim II]] (875-902)<ref name="thiry166"/>. À la fin du règne de ce dernier, Tunis devient la capitale de l'émirat jusqu'en 909<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Paul Sebag]]|titre=Tunis|sous-titre=histoire d'une ville|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2000|passage=87|isbn=2738466109}}.</ref>.


=== Fatimides et Zirides ===
=== Fatimides et Zirides (909-1148) ===


{{Article général|Fatimides|Zirides}}
{{Article détaillé|Califat fatimide|Zirides}}


[[Abu Abd Allah ach-Chi'i]], qui déclare descendre de [[Fatima Zahra]] — fille de [[Mahomet]] et femme d'[[Ali ibn Abi Talib]], vénéré chez les [[Chiisme|chiites]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=44}} —, aidé par les Berbères qui refusent la domination des Aghlabides, s'attaque à leur royaume. Appuyée par les tribus [[Ketamas]] qui forment une armée fanatisée, l'action du [[Prosélytisme|prosélyte]] [[Ismaélisme|ismaélien]] entraîne la disparition de l'émirat en une quinzaine d'années ([[893]]-[[909]])<ref name="decretilal">{{Lien web|langue=fr|auteur1=[[François Decret]]|titre=Les invasions hilaliennes en Ifrîqiya|url=http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/les_invasions_hilaliennes_en_ifriqiya.asp|date=septembre 2003|site=clio.fr}}.</ref>.
[[Image:Mahdia mosquin.jpg|left|upright=1.4|thumb|Grande mosquée de Mahdia construite par les Fatimides chiites]]


[[Fichier:Mahdia mosquin.jpg|gauche|vignette|[[Grande Mosquée de Mahdia]] construite par les Fatimides chiites.]]
[[Abu Abd Allah ach-Chi'i]], qui déclare descendre de [[Fatima Zahra]] — fille de [[Mahomet]] et femme d’[[Ali ibn Abi Talib]], vénéré chez les [[Chiisme|chiites]]<ref name="lacdujardin44"/> —, aidé par les Berbères qui refusent la domination des Aghlabides, s’attaque à leur royaume. Appuyée par les tribus [[Kutama]] qui forment une armée fanatisée, l’action du [[Prosélytisme|prosélyte]] [[Ismaélisme|ismaélien]] entraîne la disparition de l’émirat en une quinzaine d’années ([[893]]-[[909]])<ref name="decretilal">{{fr}} [http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/les_invasions_hilaliennes_en_ifriqiya.asp François Decret, « Les invasions hilaliennes en Ifrîqiya », Clio, septembre 2003]</ref>. En décembre 909, [[Ubayd Allah al-Mahdi]] se proclame calife et fonde la dynastie des Fatimides, qui déclare usurpateurs les califes [[omeyyades]] et [[abbassides]] ralliés au [[sunnisme]]. Veillant à une politique fiscale rigoureuse et déterminé à imposer le [[chiisme]], il se heurte à une forte opposition illustrée par un complot déjoué dès [[911]]<ref name="decretilal"/>. Malgré cela, l’État fatimide s’impose progressivement sur toute l’Afrique du Nord en contrôlant les routes caravanières et le commerce avec l’[[Afrique sub-saharienne]]. En [[921]], la ville de [[Mahdia]], première capitale établie par les Arabes sur un littoral<ref name="decretilal"/>, est fondée et proclamée capitale du califat<ref name="lacdujardin44"/>. En [[945]], [[Abu Yazid]], de la grande tribu des [[Banou Ifren]], organise sans succès une grande révolte berbère pour chasser les Fatimides. Le troisième calife, [[Al-Mansur (Fatimide)|Ismâ`îl al-Mansûr]], transfère alors la capitale à Kairouan et s’empare de la Sicile<ref name="nomade707"/> en [[948]]. Lorsque la dynastie fatimide déplace sa base vers l’est en [[972]], trois ans après la conquête finale de la région, et sans abandonner pour autant sa suzeraineté sur l’Ifriqiya, le calife [[Al-Muizz li-Dîn Allah]] confie à [[Bologhine ibn Ziri]] — fondateur de la dynastie des Zirides — le soin de gouverner la province en son nom. Parallèlement, il lance une expédition vers l’Orient, où il fonde [[Le Caire]] en [[973]]. Les Zirides prennent peu à peu leur indépendance vis-à-vis du calife fatimide<ref name="nomade707"/>, ce qui culmine avec la rupture avec ce suzerain devenu lointain.


En décembre 909, [[Ubayd Allah al-Mahdi]] se proclame calife et fonde la dynastie des Fatimides, qui déclare usurpateurs les califes [[omeyyades]] et [[abbassides]] ralliés au [[sunnisme]]. Veillant à une politique fiscale rigoureuse et déterminé à imposer le [[chiisme]], il se heurte à une forte opposition illustrée par un complot déjoué dès [[911]]<ref name="decretilal"/>. Malgré cela, l'État fatimide s'impose progressivement sur toute l'Afrique du Nord en contrôlant les routes caravanières et le commerce avec l'[[Afrique subsaharienne]]. En [[921]], la ville de [[Mahdia]], première capitale établie par les Arabes sur un littoral<ref name="decretilal"/>, est fondée et proclamée capitale du califat{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=44}}.
En conséquence, Muizz ibn Badis est adoubé par le calife abbasside de Bagdad et inaugure l’ère de l’émancipation berbère<ref name="decretilal"/>. L’envoi depuis l’Égypte de tribus arabes nomades sur l’Ifriqiya marque la réplique des Fatimides à cette trahison<ref name="decretilal"/>. L’arrivée de ces tribus, qui remonterait à [[1048]], pourrait toutefois être plus ancienne selon certaines sources<ref name="decretilal"/>. Les [[Hilaliens]] suivis des [[Banu Sulaym]] — dont le nombre total est estimé à {{formatnum:50000}} guerriers et {{formatnum:200000}} bédouins<ref name="decretilal"/> — se mettent en route après que de véritables titres de propriété leur ont été distribués au nom du calife fatimide. Muizz ibn Badis subit un premier désastre près de [[Gabès]] alors que Kairouan résiste pendant cinq ans avant d’être occupée et pillée. Le souverain se réfugie alors à Mahdia en [[1057]] tandis que les nomades continuent de se répandre en direction de l’Algérie, la vallée de la [[Medjerda]] restant la seule route fréquentée par les marchands<ref name="decretilal"/>. En [[1087]], sous le règne de [[Tamin]] (1062-1108), fils de Muizz ibn Badis, les [[Pise|Pisans]] et les [[République de Gênes|Génois]], encouragés par le pape [[Victor III]], entrent brièvement dans la ville et la mettent à sac<ref name="decretilal"/>. Ayant échoué dans sa tentative pour s’établir dans la Sicile reprise par les [[Normands]], la dynastie ziride s’efforce sans succès pendant 90 ans de récupérer une partie de son territoire pour organiser des expéditions de [[pirate]]rie et s’enrichir grâce au commerce maritime. Les Normands prennent Mahdia en [[1148]] et s’y maintiennent durant une douzaine d’années. L’Ifriqiya est alors partagée entre les [[Hammadides]] à Tunis, les derniers Zirides, les Normands de Sicile et les princes hilaliens qui s’imposent à leur tour.


En [[945]], [[Abu Yazid]], de la grande tribu des [[Ifrenides|Banou Ifren]], organise sans succès une grande révolte berbère pour chasser les Fatimides. Le troisième calife, [[Al-Mansur (Fatimide)|Ismâ`îl al-Mansûr]], transfère alors la capitale à Kairouan et s'empare de la Sicile<ref name="nomade707"/> en [[948]]. Lorsque la dynastie fatimide déplace sa base vers l'est en [[972]], trois ans après la conquête finale de la région, et sans abandonner pour autant sa suzeraineté sur l'Ifriqiya, le calife [[Al-Muʿizz li-Dīn Allāh]] confie à [[Bologhine ibn Ziri]] — fondateur de la dynastie des Zirides — le soin de gouverner la province en son nom. Parallèlement, il lance une expédition vers l'Orient, où il fonde [[Le Caire]] en [[973]].
[[Image:The Blue Qur'an - 2 - Qur'anic Manuscript.jpg|upright=1.4|thumb|Coran bleu (parchemin du {{sp-|IX|e|ou|X|e}})]]


Les Zirides prennent peu à peu leur indépendance vis-à-vis du calife fatimide<ref name="nomade707"/>, ce qui culmine avec la rupture, vers le milieu du {{s-|XI}}, avec ce suzerain devenu lointain<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Hady Roger Idris|titre=La Berbérie orientale sous les Zīrīdes, {{sp-|X|-|XII}}s|lieu=Paris|éditeur=Librairie d'Amérique et d'Orient|année=1962|volume=I|passage=181}}.</ref>. En conséquence, [[Al-Muizz ben Badis]] est adoubé par le calife [[Abbassides|abbasside]] de [[Bagdad]] et inaugure l'ère de l'émancipation berbère<ref name="decretilal"/>. L'envoi depuis l'Égypte de tribus arabes nomades sur l'Ifriqiya marque la réplique des Fatimides à cette trahison<ref name="decretilal"/>. L'arrivée de ces tribus, qui remonterait à [[1048]], pourrait toutefois être plus ancienne selon certaines sources<ref name="decretilal"/>. Les [[Hilaliens]] suivis des [[Banu Sulaym]] — dont le nombre total est estimé à {{nombre|50000|guerriers}} et {{nombre|200000|bédouins}}<ref name="decretilal"/> — se mettent en route après que de véritables titres de propriété leur ont été distribués au nom du calife fatimide. Al-Muizz ben Badis subit un premier désastre près de [[Gabès]] alors que Kairouan résiste pendant cinq ans avant d'être occupée et pillée. Le souverain se réfugie alors à Mahdia en [[1057]] tandis que les nomades continuent de se répandre en direction de l'Algérie, la vallée de la [[Medjerda]] restant la seule route fréquentée par les marchands<ref name="decretilal"/>. En [[1087]], sous le règne de [[Tamim ben al-Muizz|Tamim]] (1062-1108), fils d'Al-Muizz ben Badis, les [[Pise|Pisans]] et les [[République de Gênes|Génois]], encouragés par le pape [[Victor III]], entrent brièvement dans la ville et la mettent à sac<ref name="decretilal"/>. Ayant échoué dans sa tentative pour s'établir dans la Sicile reprise par les [[Normands]], la dynastie ziride s'efforce sans succès pendant {{nobr|90 ans}} de récupérer une partie de son territoire pour organiser des expéditions de [[piraterie]] et s'enrichir grâce au commerce maritime. Les Normands prennent Mahdia en [[1148]] et s'y maintiennent durant une douzaine d'années. L'Ifriqiya est alors partagée entre les [[Hammadides]] à Tunis, les derniers Zirides, les Normands de Sicile et les princes hilaliens qui s'imposent à leur tour.
Au plan économique, les Hilaliens dévastent les cultures et pillent les villages, contraignant la population rurale à se réfugier dans les villes<ref name="decretilal"/>. De vastes domaines agricoles, qui vivaient en symbiose avec les agglomérations, retournent à la [[steppe]], ce qui entraîne un marasme général. Toutefois, les troupeaux des Hilaliens, constitués de chèvres, de moutons et d’ânes, sont mieux adaptés à la végétation, et la multiplication des dromadaires permet aux pasteurs de migrer plus vers le sud<ref name="decretilal"/>. Au plan politique, la chute de Kairouan signe l’effondrement du pouvoir central ziride et l’instauration de fiefs dont les chefs payent des tributs aux chefs hilaliens qui contrôlent leurs zones<ref name="decretilal"/>. La ville de Tunis fait même appel aux [[Hammadides]], qui installent un gouverneur ; ainsi se crée une principauté indépendante sous le règne de la dynastie des Khourassanides.


[[Fichier:Kairouani style.jpg|vignette|redresse|Feuillet d'un Coran kairouanais.]]
Les historiens arabes sont unanimes à considérer cette migration comme l’événement le plus décisif du Moyen Âge maghrébin, caractérisé par une progression diffuse de familles entières qui a rompu l’équilibre traditionnel entre nomades et sédentaires berbères<ref name="decretilal"/>. Les conséquences sociales et ethniques marquent ainsi définitivement l’histoire du Maghreb avec un métissage de la population. Depuis la seconde moitié du {{s|VII|e}}, la langue [[arabe]] demeurait l’apanage des élites citadines et des gens de cour. Avec l’invasion hilalienne, les [[Langues berbères|dialectes berbères]] sont plus ou moins influencés par l’arabisation, à commencer par ceux de l’Ifriqiya orientale<ref name="decretilal"/>.


Sur le plan économique, les Hilaliens dévastent les cultures et pillent les villages, contraignant la population rurale à se réfugier dans les villes<ref name="decretilal"/>. De vastes domaines agricoles, qui vivaient en symbiose avec les agglomérations, retournent à la [[steppe]], ce qui entraîne un marasme général. Toutefois, les troupeaux des Hilaliens, constitués de chèvres, de moutons et d'ânes, sont mieux adaptés à la végétation, et la multiplication des dromadaires permet aux pasteurs de migrer plus vers le sud<ref name="decretilal"/>. Sur le plan politique, la chute de Kairouan signe l'effondrement du pouvoir central ziride et l'instauration de fiefs dont les chefs payent des tributs aux chefs hilaliens qui contrôlent leurs zones<ref name="decretilal"/>. La ville de Tunis fait même appel aux [[Hammadides]], qui installent le gouverneur Abd al-Haq ibn Khourassan. Ainsi se crée une principauté indépendante sous le règne de la dynastie des [[Khourassanides]] ; ces derniers, qui font de Tunis une cité prospère, conservent leur pouvoir jusqu'en 1159, date à laquelle ils sont détrônés par les [[Almohades]]<ref>{{Lien web|langue=en|titre=Khurasanids|url=http://www.discoverislamicart.org/dynasty.php?id=14&|site=discoverislamicart.org}}.</ref>.
=== Almohades ===


Les historiens arabes sont unanimes à considérer cette migration comme l'événement le plus décisif du Moyen Âge maghrébin, caractérisé par une progression diffuse de familles entières qui a rompu l'équilibre traditionnel entre nomades et sédentaires berbères<ref name="decretilal"/>. Les conséquences sociales et ethniques marquent ainsi définitivement l'histoire du Maghreb avec un métissage de la population. Depuis la seconde moitié du {{VIIe siècle}}, la langue [[arabe]] demeurait l'apanage des élites citadines et des gens de cour. Avec l'[[Hilaliens|invasion hilalienne]], les [[Langues berbères|dialectes berbères]] sont plus ou moins influencés par l'arabisation, à commencer par ceux de l'Ifriqiya orientale<ref name="decretilal"/>.
{{Article général|Almohades}}


=== Afrique normande (1135-1160) ===
[[Image:Mosquée Zitouna Kassus.jpg|left|thumb|upright=1.1|Minaret de la [[mosquée Zitouna]] de style almohade]]


{{Article détaillé|Royaume d'Afrique}}
Cependant, l’ensemble du territoire d’Ifriqiya finit par être occupé par l’armée du sultan almohade [[Abd al-Mumin (Almohades)|Abd al-Mumin]] lors de son expédition depuis le nord du [[Maroc]] en [[1159]]<ref>Claude Horrut, ''Ibn Khaldun, un islam des Lumières ?'', éd. Complexe, Paris, 2006, p. 208 {{ISBN|9782870279981}}</ref>.
[[Fichier:Regnonormanno1160.jpg|vignette|Royaume d'Afrique (''Regno d'Africa'') entouré en rouge.]]


À partir du premier tiers du {{XIIe siècle}}, la Tunisie est régulièrement attaquée par les Normands de Sicile et du sud de l'Italie, basés dans le [[Royaume de Sicile|royaume normano-sicilien]]. En [[1135]], le roi normand [[Roger II (roi de Sicile)|Roger II]] s'empare de [[Djerba]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Michel Grenon|titre=Conflits sud-italiens et royaume normand|sous-titre=1016-1198|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2008|passage=345|isbn=|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=zRLVzpZ0HEcC&pg=PA345&dq=normands+prise+de+jerba+1135&cd=8#v=onepage&q&f=false}}.</ref> et, en [[1148]], ce sont Mahdia, [[Sousse]] et [[Sfax]] qui tombent aux mains des Normands.
À partir du premier tiers du {{s|XII|e}}, la Tunisie est régulièrement attaquée par les Normands de Sicile et du sud de l’Italie, basés dans le [[Royaume de Sicile|royaume normano-sicilien]]. En [[1135]], le roi normand [[Roger II de Sicile|Roger II]] s’empare de [[Djerba]] et, en [[1148]], ce sont Mahdia, [[Sousse]] et [[Sfax]] qui tombent aux mains des Normands. Toutefois, au cours des années suivantes, ils sont progressivement chassés par une flotte almohade de {{formatnum:200000}} hommes<ref name="pickens242">Samuel Pickens, ''Maroc : les cités impériales'', éd. ACR, Paris, 1995, p. 242 {{ISBN|2867700752}}</ref>. En sept mois, les Normands se voient repoussés jusqu’en Sicile<ref name="pickens242"/> et Mahdia, leur dernière place forte, est reprise par les Almohades marocains en [[1160]]<ref>Roger Le Tourneau, ''The Almohad Movement in North Africa in the Twelfth and Thirteenth Centuries'', éd. Princeton University Press, Princeton, 1969, pp. 48-57 {{OCLC|10645}}</ref>. Dans le même temps a lieu pour la première fois l’unification politique du Maghreb<ref name="lacdujardin44"/>, et, de fait, la constitution du plus puissant des États nord-africains musulmans du Moyen Âge<ref name="bonte115">Pierre Bonte, ''Al-Ansâb, la quête des origines : anthropologie historique de la société tribale arabe'', éd. Maison des sciences de l’homme, Paris, 1991, p. 115 {{ISBN|9782735104260}}</ref>. L’économie devient florissante<ref name="lacdujardin44"/> et des relations commerciales s’établissent avec les principales villes du pourtour méditerranéen ([[Pise]], [[Gênes]], [[Marseille]], [[Venise]] et certaines villes d’[[Espagne]]). L’essor touche également le domaine culturel<ref name="lacdujardin44"/> avec les œuvres du grand historien et père de la sociologie [[Ibn Khaldoun]] ; le siècle almohade est considéré comme l’« âge d’or » du Maghreb<ref name="lacdujardin44"/>. De grandes villes se développent et les plus belles mosquées sont érigées à cette époque<ref>Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin, ''op. cit.'', p. 44-45</ref>.


Le [[royaume d'Afrique]] est une extension de la frontière [[Baronnage italo-normand|siculo-normande]] dans l'ancienne [[Province d'Afrique|province romaine d'Afrique]] (alors appelée ''[[Ifriqiya]]''), qui correspond actuellement à la Tunisie ainsi qu'à une partie de l'[[Algérie]] et de la [[Libye]]. Les sources primaires ayant trait au royaume sont en [[arabe]]<ref>Les sources arabes sont compilées par {{Ouvrage|langue=it|auteur1=Michele Amari|titre=Biblioteca arabo-sicula|lieu=Rome/Turin|éditeur=Ermanno Loesher|année=1880}}.</ref> alors que les sources [[latin]]es (chrétiennes) sont plus rares. Selon [[Hubert Houben (historien)|Hubert Houben]], étant donné qu'{{citation|Afrique}} n'a jamais été officiellement ajouté aux titres royaux des rois de Sicile {{citation|on ne devrait pas parler d'un ‘Royaume Norman d'Afrique' à proprement parler}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Hubert Houben (historien)|Hubert Houben]]|titre=Roger II of Sicily|sous-titre=A Ruler Between East and West|lieu=Cambridge|éditeur=[[Cambridge University Press]]|année=2002|passage=83|isbn=}}.</ref>. L'{{citation|Afrique normande}} est plutôt une constellation de villes gouvernées par les Normands sur la côte ifriqiyenne<ref>{{Chapitre|langue=en|auteur1=Charles Dalli|titre chapitre=Bridging Europe and Africa: Norman Sicily's Other Kingdom|titre ouvrage=Bridging the Gaps: Sources, Methodology, and Approaches to Religion in History|lieu=Pise|éditeur=Pisa University Press|année=2008|isbn=|passage=79}}.</ref>.
=== Hafsides ===


La conquête sicilienne de l'Ifriqiya commence sous le règne de [[Roger II (roi de Sicile)|Roger II de Sicile]] en [[1146]]-[[1148]]. Le règne sicilien consiste en des [[garnison]]s militaires dans les principales villes, des exactions sur les populations musulmanes, la protection des chrétiens et le monnayage de pièces de monnaie. L'aristocratie locale est largement gardée en place et des princes musulmans se chargent des affaires civiles sous surveillance normande. Les relations économiques entre la Sicile et l'Ifriqiya, qui étaient déjà fortes avant la conquête, sont renforcées, tandis que les échanges entre l'Ifriqiya et le nord de l'Italie sont étendus. Sous le règne de [[Guillaume Ier (roi de Sicile)|Guillaume I{{er}}]], le royaume d'Afrique tombe aux mains des [[Almohades]] ([[1158]]-[[1160]]). Son héritage le plus durable est le réalignement des puissances méditerranéennes provoqué par sa disparition et la paix siculo-almohade finalisée en [[1180]].
{{Article général|Hafsides}}


=== Almohades (1121-1269) ===
Les Almohades confient la Tunisie à [[Abû Muhammad `Abd al-Wâhid ben Abî Hafs]] mais son fils [[Abû Zakariyâ Yahyâ]] se sépare d’eux en [[1228]] et fonde la nouvelle [[dynastie]] berbère<ref name="march238"/> des Hafsides<ref>{{en}} [http://www.islamicarchitecture.org/dynasties/almohads.html Dynastie almohade (Islamic Architecture)]</ref>. Elle acquiert son indépendance dès [[1236]]<ref name="bonte115"/> et dirige la Tunisie jusqu’en [[1574]]<ref name="quitout12"/>, ce qui en fait la première dynastie tunisienne par sa durée<ref name="borsbey">{{fr}} [http://213.150.177.30/realites/home/Realites-Lire-Article?=&a=1053863&t=162 Noura Borsali, « Tricentenaire de la dynastie husseinite (15 juillet 1705 - 25 juillet 1957) : les beys de Tunis à l’épreuve du temps et de l’Histoire », ''Réalités'', 27 mai 2008]</ref>. Elle établit la capitale du pays à Tunis<ref name="quitout12"/>, et la ville se développe grâce au commerce avec les Vénitiens, les Génois, les [[Royaume d'Aragon|Aragonais]] et les Siciliens<ref name="nomade707"/>.


{{Article détaillé|Almohades}}
En [[1319]], sous le règne d’[[Abu Yahya Abu Bakr al-Mutawakkil]] (1318-1346), les Hafsides élargissent leur territoire vers l’ouest jusqu’à [[Constantine]] et [[Béjaïa|Bougie]], et vers l’est jusqu’à la [[Tripolitaine]]<ref name="pinta196">Pierre Pinta, ''La Libye'', éd. Karthala, Paris, p. 196 {{ISBN|2845867166}}</ref>. À sa mort, en [[1346]], le royaume sombre dans l’anarchie<ref name="pinta196"/>.
[[Fichier:Mosquée Zitouna Kassus.jpg|gauche|vignette|redresse|Minaret de la [[mosquée Zitouna]] de style almohade.]]


Cependant, l'ensemble du territoire d'Ifriqiya finit par être occupé par l'armée du sultan almohade [[Abd al-Mumin (calife)|Abd al-Mumin]] lors de son expédition depuis les ports d'[[Honaïne]] et [[Oran]] en [[1159]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Claude Horrut|titre=Ibn Khaldun, un islam des Lumières ?|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Complexe|Complexe]]|année=2006|passage=208|isbn=978-2870279984}}.</ref>. Les Normands sont progressivement chassés par une flotte almohade de {{nombre|200000|hommes}}<ref name="pickens242">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Samuel Pickens|titre=Maroc|sous-titre=les cités impériales|lieu=Paris|éditeur=ACR|année=1995|passage=242|isbn=2867700752}}.</ref>. En sept mois, les Normands se voient repoussés jusqu'en Sicile<ref name="pickens242"/> et Mahdia, leur dernière place forte, est reprise par les Almohades en [[1160]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Roger Le Tourneau]]|titre=The Almohad Movement in North Africa in the Twelfth and Thirteenth Centuries|lieu=Princeton|éditeur=[[Princeton University Press]]|année=1969|passage=48-57|oclc=10645}}.</ref>.
Mise à part l’œuvre avant-gardiste d’[[Ibn Khaldoun]], la vie intellectuelle accuse un lourd recul durant l’ère hafside, qui « hésite entre des influences andalouses quelque peu décadentes et des influences orientales sans éclats »<ref>Charles-André Julien, ''Histoire de l’Afrique du Nord'', éd. Payot & Rivages, Paris, 1968, tome I, p. 509</ref>. Par ailleurs, Ibn Khaldoun lui-même reste mal connu, bien qu’« [[Ali I Bey]] en ''[ait copié]'' un exemplaire à [[Fès]] pour que les lettrés tunisiens puissent disposer d’un exemplaire de l’œuvre de leur illustre compatriote »<ref>Ahmed Abdessalem, ''Les historiens tunisiens des XVII{{e}}, XVIII{{e}} et XIX{{e}} siècles. Essai d’histoire culturelle'', éd. Université de Tunis, Tunis, 1973, vol. 11, p. 464 {{ISBN|9782252015759}}</ref>. [[Charles-André Julien]], pour sa part, qualifie les Hafsides de « mainteneurs d’une civilisation à laquelle ils n’ont pas apporté grand-chose d’original »<ref>Charles-André Julien, ''Histoire de l’Afrique du Nord'', 1968, p. 511</ref>.


Dans le même temps a lieu pour la première fois l'unification politique du Maghreb{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=44}}, et, de fait, la constitution du plus puissant des États nord-africains musulmans du Moyen Âge<ref name="bonte115">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Pierre Bonte (anthropologue)|Pierre Bonte]]|titre=Al-Ansâb, la quête des origines|sous-titre=anthropologie historique de la société tribale arabe|lieu=Paris|éditeur=[[Maison des Sciences de l'Homme]]|année=1991|passage=115|isbn=978-2735104260}}.</ref>. L'économie devient florissante{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=44}} et des relations commerciales s'établissent avec les principales villes du pourtour méditerranéen ([[Pise]], [[Gênes]], [[Marseille]], [[Venise]] et certaines villes d'[[Espagne]]). L'essor touche également le domaine culturel ; le siècle almohade est ainsi considéré comme l'« âge d'or » du Maghreb{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=44}}. De grandes villes se développent et les plus belles mosquées sont érigées à cette époque{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=44-45}}.
== Enjeu entre Ottomans et Espagnols ==


=== Hafsides (1228-1574) ===
{{Article détaillé|Tunisie beylicale}}


{{Article détaillé|Sultanat hafside de Tunis}}
=== Rivalités en Méditerranée ===


Les Almohades confient la Tunisie à [[Abû Muhammad `Abd al-Wâhid ben Abî Hafs]] mais son fils [[Abû Zakariyâ Yahyâ]] se sépare d'eux en [[1228]] et fonde la nouvelle [[dynastie]] berbère<ref name="march238"/> des Hafsides<ref>{{Lien web|langue=en|titre=Dynastie almohade|url=http://www.islamicarchitecture.org/dynasties/almohads.html|site=islamicarchitecture.org}}.</ref>. Elle acquiert son indépendance dès [[1236]]<ref name="bonte115"/> et dirige la Tunisie jusqu'en [[1574]]{{sfn|Quitout|2002|p=12}}, ce qui en fait la première dynastie tunisienne par sa durée<ref name="borsbey">{{Article|langue=fr|auteur1=[[Noura Borsali]]|titre=Tricentenaire de la dynastie husseinite (15 juillet 1705 - 25 juillet 1957) : les beys de Tunis à l'épreuve du temps et de l'Histoire|périodique=[[Réalités (magazine tunisien)|Réalités]]|date=27 mai 2008}}.</ref>. Elle établit la capitale du pays à Tunis{{sfn|Quitout|2002|p=12}}, et la ville se développe grâce au commerce avec les Vénitiens, les Génois, les [[Royaume d'Aragon|Aragonais]] et les [[Siciliens]]<ref name="nomade707"/>.
[[Image:Arudsch-barbarossa.jpg|thumb|right|upright=1.4|Portrait du corsaire Arudj Barberousse]]


[[Fichier:Monnaie hafside 825.png|vignette|Pièces de monnaie hafsides du musée du Bardo à [[Tunis]].]]
Les Hafsides de Tunis s’essoufflent et perdent peu à peu, après la [[bataille de Kairouan]] en 1348, le contrôle de leurs territoires au profit des [[Mérinides]] d’[[Abu Inan Faris]]<ref name="bonte115"/>, alors que, frappée de plein fouet par la [[peste]]<ref>Pierre Pinta (''La Libye'', p. 115) résume ainsi cette situation : « Ces derniers ''[les Mérinides]'' firent leur entrée dans Tunis en même temps que la peste ».</ref> de [[1384]], l’Ifriqiya continue de subir une désertification démographique amorcée par les invasions hilaliennes<ref name="rouxotto">{{fr}} [http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_afrique_du_nord_ottomane.asp Jean-Paul Roux, « L’Afrique du Nord ottomane », Clio, novembre 2002]</ref>. C’est alors que commencent à arriver les [[Maures (population)|Maures]] musulmans et [[Histoire des Juifs en Tunisie|juifs]] [[Al-Andalous|andalous]]<ref name="nomade707"/> fuyant la déchéance du [[royaume de Grenade]] en [[1492]] et occasionnant des problèmes d’assimilation<ref name="rouxotto"/>. À leur suite, les souverains espagnols [[Ferdinand II d'Aragon|Ferdinand d’Aragon]] et [[Isabelle Ire de Castille|Isabelle de Castille]] décident de poursuivre leur [[Reconquista|reconquête]] jusque sur les côtes maghrébines pour protéger leurs propres côtes<ref name="lacdujardin46">Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin, ''op. cit.'', p. 46</ref>. En une dizaine d’années, ils prennent les cités de [[Mers el-Kébir]], [[Oran]], [[Béjaïa|Bougie]], [[Tripoli (Libye)|Tripoli]] et l’îlot situé en face d’[[Alger]]. Pour s’en libérer, les autorités de la cité sollicitent l’aide de deux corsaires renommés, d’origine grecque : les frères [[Arudj Barberousse|Arudj]] et [[Khayr ad-Din Barberousse|Khayr ad-Din]]<ref>William Spencer, ''Algiers in the Age of the Corsairs'', éd. University of Oklahoma Press, Oklahoma, 1976, p. 18 {{ISBN|9780806113340}}</ref> Barbaros ou Barberousse. Car la [[pirate]]rie en Méditerranée est alors « une institution antique et généralisée » selon [[Fernand Braudel]]<ref name="rouxotto"/>. Cette intervention est un événement majeur qui inaugure une période de confrontation entre l’Espagne et l’[[Empire ottoman]] pour la domination des territoires du Maghreb, hormis le [[Maroc]], et celle du bassin occidental de la Méditerranée<ref name="lacdujardin46"/>.


Le successeur d'Abû Zakariyâ Yahyâ, [[Abû `Abd Allah Muhammad al-Mustansir]], se proclame [[calife]] en [[1255]] et poursuit la politique de son père. C'est durant son règne qu'a lieu la [[Huitième croisade|seconde croisade]] de [[Louis IX|saint Louis]] qui se solde par un échec. Débarqué à [[Carthage]], le roi meurt de la [[peste]] au milieu de son armée décimée par la maladie en [[1270]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Alia Mabrouk|titre=L'émir et les croisés|lieu=Tunis|éditeur=Clairefontaine|année=2005|passage=234|isbn=}}.</ref>. En [[1319]], sous le règne d'[[Abu Yahya Abu Bakr al-Mutawakkil]] (1318-1346), les Hafsides élargissent leur territoire vers l'ouest jusqu'à [[Constantine (Algérie)|Constantine]] et [[Béjaïa|Bougie]], et vers l'est jusqu'à la [[Tripolitaine]]<ref name="pinta196">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pierre Pinta|titre=La Libye|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Karthala|Karthala]]|année=2006|passage=196|isbn=2845867166}}.</ref>. À sa mort, en [[1346]], le royaume sombre dans l'anarchie<ref name="pinta196"/>. Mise à part l'œuvre avant-gardiste d'[[Ibn Khaldoun]], la vie intellectuelle accuse un lourd recul durant l'ère hafside, qui « hésite entre des influences andalouses quelque peu décadentes et des influences orientales sans éclats »<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Charles-André Julien]]|titre=Histoire de l'Afrique du Nord|lieu=Paris|éditeur=Payot|année=1968|tome=I|passage=509}}.</ref>. Par ailleurs, Ibn Khaldoun lui-même reste mal connu, bien qu'« [[Ali Ier Pacha|Ali {{Ier}} Bey]] en ''[ait copié]'' un exemplaire à [[Fès]] pour que les lettrés tunisiens puissent disposer d'un exemplaire de l'œuvre de leur illustre compatriote »{{sfn|Abdesselem|1973|p=464}}. [[Charles-André Julien]], pour sa part, qualifie les Hafsides de « mainteneurs d'une civilisation à laquelle ils n'ont pas apporté grand-chose d'original »{{sfn|Julien|1968|p=511}}.
La Tunisie offre un environnement favorable et les frères Barberousse s’y illustrent particulièrement. Arudj reçoit en effet du souverain hafside aux abois l’autorisation d’utiliser le port de [[La Goulette]] puis l’île de [[Djerba]] comme base<ref name="rouxotto"/>. Entourés de marins turcs, comme [[Dragut]], [[Calabre|calabrais]], siciliens, corses ou [[Danemark|danois]], ces pirates se font connaître en Europe sous le nom de « [[barbaresque]]s » en jouant sur les noms « [[barbare]]s », « berbères » et « Barbaros »<ref name="rouxotto"/>. Après la mort d’Arudj, son frère Khayr ad-Din se place dans la [[Féodalité|vassalité]] du sultan d’Istanbul. Nommé grand [[amiral]] de l’Empire ottoman, il s’empare de Tunis en [[1534]] mais doit se retirer après la [[Prise de Tunis|prise de la ville]] par l’armada — 400 vaisseaux — que [[Charles Quint]] mène en [[1535]]<ref name="nomade707"/>{{,}}<ref name="rouxotto"/>. Le sultan hafside est alors rétabli dans ses droits sous la protection de Charles Quint<ref name="march238"/> et le pays passe sous la tutelle du royaume d'Espagne<ref name="encarta"/>. Pendant ce temps, le gouvernement ottoman se dote de la flotte qui lui manquait. En [[1560]], [[Dragut]] parvient à Djerba et, en [[1574]], Tunis est reprise par les Ottomans<ref name="quitout12"/>, qui font de la Tunisie une province de l’empire<ref name="encyclo360"/> en [[1575]], même si les gouverneurs turcs vivent retranchés dans les ports<ref name="rouxotto"/>, les [[Bédouins]] restant livrés à eux-mêmes. En [[1581]], [[Philippe II d'Espagne]] reconnaît comme possession turque la régence de Tunis ainsi que celle d’Alger, la [[Cyrénaïque]] et la [[Tripolitaine]]<ref name="rouxotto"/>, qui deviennent pour les chrétiens les « régences barbaresques »<ref name="lacdujardin46"/>. Dès lors, l’[[Angleterre]] et la [[France]] prennent le relais de l’Espagne en Méditerranée occidentale : la première bombarde les bases barbaresques en [[1622]], [[1635]] et [[1672]], la seconde en [[1661]], [[1665]], [[1682]] et [[1683]]<ref name="rouxotto"/>.

== Régence de Tunis (1574-1705) ==
{{Article détaillé|Tunisie ottomane|Régence de Tunis}}
=== Rivalités en Méditerranée entre Ottomans et Espagnols ===
Les Hafsides de Tunis s'essoufflent et perdent peu à peu, après la [[bataille de Kairouan]] en 1348, le contrôle de leurs territoires au profit des [[Mérinides]] d'[[Abu Inan Faris]]<ref name="bonte115"/>, alors que, frappée de plein fouet par la [[peste]]<ref>{{harvsp|Pinta|2006|p=115}} résume ainsi cette situation : « Ces derniers ''[les Mérinides]'' firent leur entrée dans Tunis en même temps que la peste ».</ref> de [[1384]], l'Ifriqiya continue de subir une désertification démographique amorcée par les invasions hilaliennes<ref name="rouxotto">{{Lien web|langue=fr|auteur1=[[Jean-Paul Roux (historien)|Jean-Paul Roux]]|titre=L'Afrique du Nord ottomane|url=http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_afrique_du_nord_ottomane.asp|date=novembre 2002|site=clio.fr}}.</ref>. C'est alors que commencent à arriver les [[Al-Andalus|andalous]]<ref name="nomade707"/> [[Histoire des Juifs en Tunisie|juifs]] et musulmans fuyant la déchéance du [[royaume de Grenade]] en [[1492]] et occasionnant des problèmes d'assimilation<ref name="rouxotto"/>. À leur suite, les souverains espagnols [[Ferdinand le Catholique|Ferdinand d'Aragon]] et [[Isabelle la Catholique|Isabelle de Castille]] décident de poursuivre leur [[Reconquista|reconquête]] jusque sur les côtes maghrébines pour protéger leurs propres côtes{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=46}}. En une dizaine d'années, ils prennent les cités de [[Mers el-Kébir]], [[Oran]], [[Béjaïa|Bougie]], [[Tripoli (Libye)|Tripoli]] et l'îlot situé en face d'[[Alger]].

[[Fichier:Barbarossa Hayreddin Pasha.jpg|vignette|redresse|Portrait du corsaire [[Khayr ad-Din Barberousse]].]]

Pour s'en libérer, les autorités de la cité sollicitent l'aide de deux corsaires renommés, originaires de l'île de [[Lesbos]] dans la [[mer Égée]] : les frères [[Arudj Barberousse|Arudj]] et [[Khayr ad-Din Barberousse|Khayr ad-Din]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=William Spencer|titre=Algiers in the Age of the Corsairs|lieu=Norman|éditeur=[[University of Oklahoma Press]]|année=1976|passage=18|isbn=978-0806113340}}.</ref> Barbaros ou Barberousse. Car la [[piraterie]] en Méditerranée est alors « une institution antique et généralisée » selon [[Fernand Braudel]]<ref name="rouxotto"/>. Cette intervention est un événement majeur qui inaugure une période de confrontation entre l'Espagne et l'[[Empire ottoman]] pour la domination des territoires du Maghreb, hormis le [[Maroc]], et celle du bassin occidental de la Méditerranée{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=46}}. La Tunisie offre un environnement favorable et les frères Barberousse s'y illustrent particulièrement. Arudj reçoit en effet du souverain hafside aux abois l'autorisation d'utiliser le port de [[La Goulette]] puis l'île de [[Djerba]] comme base<ref name="rouxotto"/>. Entourés de marins turcs, comme [[Dragut]], [[Calabre|calabrais]], siciliens, corses ou [[Danemark|danois]], ces pirates se font connaître en Europe sous le nom de « [[barbaresques]] » en jouant sur les noms « [[barbare]]s », « berbères » et « Barbaros »<ref name="rouxotto"/>. Après la mort d'Arudj, son frère Khayr ad-Din se déclare [[Féodalité|vassal]] du sultan de Constantinople. Nommé grand amiral de l'Empire ottoman, il s'empare de Tunis en [[1534]] mais doit se retirer après la [[Conquête de Tunis (1535)|prise de la ville]] par l'armada — 400 vaisseaux — que [[Charles Quint]] mène en [[1535]]<ref name="nomade707"/>{{,}}<ref name="rouxotto"/>. Le sultan hafside est alors rétabli dans ses droits sous la protection de Charles Quint<ref name="march238"/> et le pays passe sous la tutelle du royaume d'Espagne<ref name="encarta"/>. Pendant ce temps, le gouvernement ottoman se dote de la flotte qui lui manquait. En [[1560]], [[Dragut]] parvient à Djerba et, en [[1574]], Tunis est reprise par les Ottomans{{sfn|Quitout|2002|p=12}}, qui font de la Tunisie une province de l'empire<ref name="encyclo360"/> en [[1575]], même si les gouverneurs turcs vivent retranchés dans les ports<ref name="rouxotto"/>, les [[Bédouins]] restant livrés à eux-mêmes. En [[1581]], [[Philippe II (roi d'Espagne)|Philippe II d'Espagne]] reconnaît comme possession turque la régence de Tunis ainsi que celle d'[[Régence d'Alger|Alger]], la [[Cyrénaïque]] et la [[Tripolitaine]]<ref name="rouxotto"/>, qui deviennent pour les chrétiens les « régences barbaresques »{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=46}}. Dès lors, l'[[Angleterre]] et la [[France]] prennent le relais de l'Espagne en Méditerranée occidentale : la première bombarde les bases barbaresques en [[1622]], [[1635]] et [[1672]], la seconde en [[1661]], [[1665]], [[1682]] et [[1683]]<ref name="rouxotto"/>.


=== Émancipation progressive ===
=== Émancipation progressive ===


[[Fichier:Nasri1761.png|vignette|Pièces de monnaie tunisiennes de [[1761]].]]
Pourtant, malgré leurs victoires, les Ottomans ne s’implantent guère en Tunisie et la conquête de l’intérieur des terres ne s’achève que sous les règnes d’[[Ali II Bey]] (1759-1782) et d’[[Hammouda Bey]] (1782-1814)<ref name="rouxotto"/>. Au cours du {{s|XVII|e}}, leur rôle ne cesse de décroître au profit des dirigeants locaux qui s’émancipent progressivement de la tutelle du sultan d’Istanbul<ref>Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin, ''op. cit.'', p. 51</ref> alors que seuls {{formatnum:4000}} [[janissaire]]s sont en poste à Tunis<ref name="rouxotto"/>. Au bout de quelques années d’administration turque, plus précisément en [[1590]]<ref name="march238"/>, ces janissaires s’insurgent, plaçant à la tête de l’État un dey et, sous ses ordres, un [[Bey (titre)|bey]]<ref name="lacdujardin46"/> chargé du contrôle du territoire et de la collecte des impôts. Ce dernier ne tarde pas à devenir le personnage essentiel de la régence<ref name="quitout12"/> aux côtés du [[Pacha (titre)|pacha]], qui reste confiné dans le rôle honorifique de représentant du [[Dynastie ottomane|sultan ottoman]], au point qu’une dynastie beylicale finit par être fondée par [[Mourad Bey (Tunisie)|Mourad Bey]] en [[1612]]. Durant la même période, les activités des corsaires connaissent leur paroxysme car l’autonomie croissante vis-à-vis du sultan entraîne une baisse de son soutien financier et la régence doit par conséquent accroître le nombre de ses prises en mer afin de survivre.

Pourtant, malgré leurs victoires, les Ottomans ne s'implantent guère en Tunisie et la conquête de l'intérieur des terres ne s'achève que sous les règnes d'[[Ali II Bey]] (1759-1782) et d'[[Hammouda Pacha]] (1782-1814)<ref name="rouxotto"/>. Au cours du {{XVIIe siècle}}, leur rôle ne cesse de décroître au profit des dirigeants locaux qui s'émancipent progressivement de la tutelle du sultan de Constantinople{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=51}} alors que seuls {{formatnum:4000}} [[janissaire]]s sont en poste à Tunis<ref name="rouxotto"/>. Au bout de quelques années d'administration turque, plus précisément en [[1590]]<ref name="march238"/>, ces janissaires s'insurgent, plaçant à la tête de l'État un dey dont le premier n'est autre que le pacha Ibrahim Roudesli (originaire de [[Rhodes]]), en poste de [[1591]] à [[1593]]. Et, sous ses ordres, un [[Bey (titre)|bey]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=46}} chargé du contrôle du territoire et de la collecte des impôts. Ce dernier ne tarde pas à devenir le personnage essentiel de la régence{{sfn|Quitout|2002|p=12}} aux côtés du [[Pacha (titre)|pacha]], qui reste confiné dans le rôle honorifique de représentant du [[Dynastie ottomane|sultan ottoman]], au point qu'une dynastie beylicale finit par être fondée par [[Mourad Bey (Tunisie)|Mourad Bey]] en [[1612]].

[[Fichier:Manouba palais la rose 10.jpg|vignette|Tableau représentant le retour du contingent tunisien de la [[guerre de Crimée]].]]


Le {{Date|15|juillet|1705}}, [[Hussein I Bey]] fonde la dynastie des [[Husseinites]]<ref name="borsbey"/>. Il cumulait les fonctions de bey, de dey et de pacha, et « disposait sur tous ses sujets du droit de haute et basse justice ; ses [[décret]]s et ses décisions avaient force de [[loi]]s »<ref>Ali Mahjoubi, ''L’établissement du protectorat français en Tunisie'', éd. Université de Tunis, Tunis, 1977, vol. 18, p. 13</ref>. Quoique toujours officiellement province de l’Empire ottoman, la Tunisie acquiert une grande autonomie au {{s|XIX|e}}<ref name="quitout12"/>, notamment avec [[Ahmed I Bey]], régnant de [[1837]] à [[1855]], qui enclenche un processus de modernisation<ref name="lacjardin54">Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin, ''op. cit.'', p. 54</ref>. À cette époque, le pays vit de profondes réformes, comme l’[[Esclavage en Tunisie|abolition de l’esclavage]] et l’adoption en [[1861]] d’une [[Constitutions de la Tunisie|constitution]]<ref name="lacjardin54"/>{{,}}<ref>{{ar}} {{pdf}} [http://www.archives.nat.tn/pdf_doc/364498.PDF Original de la constitution de 1861]</ref> — la première du [[monde arabe]] —, et manque même de devenir une république indépendante. La Tunisie, alors dotée d’une monnaie propre et d’une armée indépendante, adopte en [[1831]]<ref>{{fr}} [http://www.ministeres.tn/html/indexdrapeau.html Drapeau de la République tunisienne (Gouvernement tunisien)]</ref> son [[Drapeau de la Tunisie|drapeau]]<ref>Jean Ganiage, ''Histoire contemporaine du Maghreb. De 1830 à nos jours'', éd. Fayard, Paris, 1994, p. 46 {{ISBN|9782213591919}}</ref>.
Durant la même période, les activités des corsaires connaissent leur paroxysme car l'autonomie croissante vis-à-vis du sultan entraîne une baisse de son soutien financier et la régence doit par conséquent accroître le nombre de ses prises en mer afin de survivre. Le {{date|15 juillet 1705}}, [[Hussein Ier Bey|Hussein {{Ier}} Bey]] fonde la dynastie des [[Husseinites]]<ref name="borsbey"/>. Il cumulait les fonctions de bey, de dey et de pacha, et « disposait sur tous ses sujets du droit de haute et basse justice ; ses [[décret]]s et ses décisions avaient force de [[loi]]s »<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Ali Mahjoubi]]|titre=L'établissement du protectorat français en Tunisie|lieu=Tunis|éditeur=[[Université de Tunis]]|année=1977|volume=18|passage=13|isbn=}}.</ref>. Quoique toujours officiellement province de l'Empire ottoman, la Tunisie acquiert une grande autonomie au {{XIXe siècle}}{{sfn|Quitout|2002|p=12}}, notamment avec [[Ahmed Ier Bey|Ahmed {{Ier}} Bey]], régnant de [[1837]] à [[1855]], qui enclenche un processus de modernisation{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=54}}. À cette époque, le pays vit de profondes réformes, comme l'[[Esclavage en Tunisie|abolition de l'esclavage]] le 26 janvier 1846 et l'adoption en [[1861]] d'une [[Constitution tunisienne de 1861|Constitution]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=54}}{{,}}<ref>{{Lien web|format=pdf|titre=Constitution tunisienne de 1861|url=http://www.archives.nat.tn/pdf_doc/364498.PDF|site=archives.nat.tn}}.</ref> — la première du [[monde arabe]] —, et manque même de devenir une république indépendante. La Tunisie, alors dotée d'une monnaie propre et d'une armée indépendante, adopte en [[1831]] son [[Drapeau de la Tunisie|drapeau]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Jean Ganiage]]|titre=Histoire contemporaine du Maghreb|sous-titre=de 1830 à nos jours|lieu=Paris|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=1994|passage=46|isbn=978-2213591919}}.</ref>. Il est difficile de mesurer l'importance des influences turques qui demeurent en Tunisie. Quelques monuments affichent leur filiation ottomane : [[minaret]]s polygonaux et cylindriques ou mosquées sous une grande coupole centrale comme celle de [[Mosquée Sidi Mahrez|Sidi Mahrez]] à Tunis<ref name="rouxotto"/>.


Il est difficile de mesurer l’importance des influences turques qui demeurent en Tunisie. Quelques monuments affichent leur filiation ottomane : [[minaret]]s polygonaux et cylindriques ou mosquées sous une grande coupole centrale comme celle de [[Mosquée Sidi Mahrez|Sidi Mahrez]] à Tunis<ref name="rouxotto"/>. Dans un autre domaine, l’art des [[tapis]], qui existait pour certains avant l’arrivée des Ottomans, voit les productions de Kairouan présenter au {{s|XVIII|e}} des motifs purement [[anatolie]]ns<ref name="rouxotto"/>. Malgré ces influences perceptibles dans l’aspect des objets manufacturés, l’empreinte de l’Italie voisine se fait de plus en plus manifeste au cours du {{s|XVIII|e}}, tant dans l’architecture que dans la décoration, marquant ainsi une ouverture du pays à l’Europe<ref name="rouxotto"/>.
Dans un autre domaine, l'art des [[tapis]], qui existait pour certains avant l'arrivée des Ottomans, voit les productions de Kairouan présenter au {{XVIIIe siècle}} des motifs purement [[anatolie]]ns<ref name="rouxotto"/>. Malgré ces influences perceptibles dans l'aspect des objets manufacturés, l'empreinte de l'Italie voisine se fait de plus en plus manifeste au cours du {{XVIIIe siècle}}, tant dans l'architecture que dans la décoration, marquant ainsi une ouverture du pays à l'Europe<ref name="rouxotto"/>.


=== Apogée de la course ===
=== Apogée de la course ===


{{Article connexe|Marine beylicale tunisienne}}
Au début du {{s|XVI|e}}, l’[[Afrique du Nord]] que les Ottomans appellent [[Maghreb]] est en pleine décadence et traverse une crise politique profonde<ref name="pinta196"/>. Ces bouleversements favorisent l’émergence de principautés et de cités portuaires indépendantes qui relancent l’activité des [[corsaire]]s.
[[Fichier:Ottoman Galleon.jpg|vignette|redresse|Galion ottoman du {{XVIe siècle}} selon une estampe européenne.]]


Au début du {{XVIe siècle}}, l'[[Afrique du Nord]] que les Ottomans appellent [[Maghreb]] est en pleine décadence et traverse une crise politique profonde<ref name="pinta196"/>. Ces bouleversements favorisent l'émergence de principautés et de cités portuaires indépendantes qui relancent l'activité des [[corsaire]]s.
La « course » atteint son paroxysme sous le règne d’[[Hammouda Bey]] (1782-1814), où les navires, partant des ports de [[Bizerte]], [[La Goulette]], [[Ghar El Melh|Porto Farina]], [[Sfax]] ou [[Djerba]], s’emparent de vaisseaux espagnols, corses, napolitains, vénitiens<ref name="ghazali">{{fr}} [http://revel.unice.fr/cmedi/document.html?id=43 Maria Ghazali, « La régence de Tunis et l’esclavage en Méditerranée à la fin du {{s-|XVIII|e}} d’après les sources consulaires espagnoles », ''Cahiers de la Méditerranée'', vol. 65, 25 juillet 2005]</ref>... Le gouvernement entretient durant cette période de 15 à 20 corsaires, un même nombre d’entre eux étant rattachés à des compagnies ou à des particuliers — parmi lesquels parfois des personnages haut placés comme le garde des Sceaux Sidi Mustapha Khodja ou les [[caïd]]s de Bizerte, Sfax ou Porto Farina — et remettant au gouvernement un pourcentage sur toutes leurs prises, qui comprennent des esclaves chrétiens<ref name="ghazali"/>. Les traités de paix, qui se multiplient au {{s|XVIII|e}} — avec l’[[Autriche]] en [[1748]] et [[1784]], [[Venise]] en [[1764]]-[[1766]] et [[1792]], l’[[Espagne]] en [[1791]] ou les [[États-Unis]] en [[Traité américano-tunisien (1797)|1797]] —, réglementent la course et en limitent les effets<ref name="ghazali"/>. En premier lieu, ils imposent certaines exigences (possession de passeports aussi bien pour les navires que pour les hommes) et précisent également les conditions des prises en mer (distance par rapport aux côtes), de façon à éviter de possibles abus. Il faut attendre le [[Congrès de Vienne]] et la [[Congrès d'Aix-la-Chapelle (1818)|Congrès d’Aix-la-Chapelle]] pour que les puissances européennes somment les États barbaresques de mettre un terme à la course, ce qui sera effectif et définitif après l’intervention des Français en [[1836]]<ref name="ghazali"/>.


La « course » atteint son paroxysme sous le règne d'[[Hammouda Pacha]] (1782-1814), où les navires, partant des ports de [[Bizerte]], [[La Goulette]], [[Ghar El Melh|Porto Farina]], [[Sfax]] ou [[Djerba]], s'emparent de vaisseaux espagnols, corses, napolitains ou vénitiens<ref name="ghazali">{{Article|langue=fr|auteur1=Maria Ghazali|titre=La régence de Tunis et l'esclavage en Méditerranée à la fin du {{s-|XVIII}} d'après les sources consulaires espagnoles|périodique=[[Cahiers de la Méditerranée]]|numéro=65|date=2002|pages=77-98|issn=1773-0201|lire en ligne=https://journals.openedition.org/cdlm/43}}.</ref>. Le gouvernement entretient durant cette période de 15 à 20 corsaires, un même nombre d'entre eux étant rattachés à des compagnies ou à des particuliers — parmi lesquels parfois des personnages haut placés comme le garde des Sceaux Sidi Mustapha Khodja ou les [[caïd]]s de Bizerte, Sfax ou Porto Farina — et remettant au gouvernement un pourcentage sur toutes leurs prises, qui comprennent des esclaves chrétiens<ref name="ghazali"/>. Les traités de paix, qui se multiplient au {{XVIIIe siècle}} — avec l'[[Autriche]] en [[1748]] et [[1784]], [[Venise]] en [[1764]]-[[1766]] et [[1792]], l'[[Espagne]] en [[1791]] ou les [[États-Unis]] en [[Traité américano-tunisien|1797]] —, réglementent la course et en limitent les effets<ref name="ghazali"/>. En premier lieu, ils imposent certaines exigences (possession de passeports aussi bien pour les navires que pour les hommes) et précisent également les conditions des prises en mer (distance par rapport aux côtes), de façon à éviter de possibles abus. Il faut attendre le [[congrès de Vienne]] et le [[Congrès d'Aix-la-Chapelle (1818)|congrès d'Aix-la-Chapelle]] pour que les puissances européennes somment les États barbaresques de mettre un terme à la course, ce qui sera effectif et définitif après l'intervention des Français en [[1836]]<ref name="ghazali"/>.
== De la mise sous tutelle au protectorat français ==


== De la mise sous tutelle au protectorat français (1864-1956) ==
{{Article détaillé|Protectorat français en Tunisie}}


{{Article détaillé|Protectorat français de Tunisie}}
Toutefois, en raison de la politique ruineuse des [[Bey de Tunis|beys]], de la hausse des impôts<ref name="borsbey"/> et d’interférences étrangères dans l’économie, le pays connaît peu à peu de graves difficultés financières<ref name="lacjardin54"/>. Tous ces facteurs contraignent le gouvernement à déclarer la banqueroute en [[1869]] et à créer une commission financière internationale anglo-franco-italienne<ref name="nomade708">Collectif, ''L’encyclopédie nomade 2006'', p. 708</ref>. La constitution sera même suspendue le {{1er mai}} [[1864]]<ref name="borsbey"/>. C’est l’occasion pour les grandes puissances européennes (la France, l’Italie et le Royaume-Uni) de s’introduire dans le pays<ref name="nomade707"/>. La Tunisie se dirige à peine vers une réelle indépendance en [[1873]], avec [[Kheireddine Pacha]]<ref name="lacjardin54"/>, qu’elle retombe sous le joug d’une puissance étrangère.
[[Fichier:Insurrection de 1864.jpg|vignette|Bataille de Kalâa Kebira lors de l'insurrection de 1864.]]


Toutefois, en raison de la politique ruineuse des [[Bey de Tunis|beys]], de la hausse des impôts<ref name="borsbey"/> et d'interférences étrangères dans l'économie, le pays connaît peu à peu de graves difficultés financières{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=54}}. À la suite du doublement de la [[mejba]], une [[Insurrection de 1864 (Tunisie)|insurrection générale]] éclate en [[1864]]. Réprimée dans le sang, elle achève de ruiner le pays et entraine la suspension de la Constitution. Tous ces facteurs contraignent le gouvernement à déclarer la banqueroute en [[1869]] et à créer une commission financière internationale anglo-franco-italienne<ref name="nomade708">Collectif, ''L'encyclopédie nomade 2006'', {{p.|708}}.</ref>. C'est l'occasion pour les grandes puissances européennes, la France, l'Italie et le Royaume-Uni, de s'introduire dans le pays<ref name="nomade707"/>. La Tunisie se dirige à peine vers une réelle indépendance en [[1873]], avec [[Kheireddine Pacha]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=54}}, qu'elle retombe sous le joug d'une puissance étrangère.
Car la régence apparaît vite comme un enjeu stratégique de première importance de par la situation géographique du pays, à la charnière des bassins occidental et oriental de la Méditerranée<ref name="conrad">{{fr}} [http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/le_maghreb_sous_domination_francaise_1830-1962.asp Philippe Conrad, « Le Maghreb sous domination française (1830-1962) », Clio, janvier 2003]</ref>. La Tunisie fait donc l’objet des convoitises rivales de la France et de l’Italie : la première souhaite sécuriser les frontières de l’[[Algérie française]] et éviter que la seconde ne contrarie ses ambitions en [[Égypte]] et au [[Levant]] en contrôlant l’accès à la Méditerranée orientale. La seconde, confrontée à une surpopulation, rêve d’une politique coloniale et le territoire tunisien, où la minorité européenne est alors constituée essentiellement d’[[Italo-tunisiens|Italiens]], est un objectif prioritaire<ref name="conrad"/>. Les [[Consul (diplomatie)|consuls]] français et italien tentent de profiter des difficultés financières du bey, la France comptant sur la neutralité de l’Angleterre (peu désireuse de voir l’Italie prendre le contrôle de la route du [[canal de Suez]]) et bénéficiant des calculs de [[Otto von Bismarck|Bismarck]], qui souhaite la détourner de la question de l’[[Alsace-Lorraine]]<ref name="conrad"/>. Après le [[congrès de Berlin]] du [[13 juin]] au {{Date|13|juillet|1878}}, l’Allemagne et l’Angleterre permettent à la France d’annexer la Tunisie<ref name="quitout12"/>{{,}}<ref name="lacjardin54"/>, et cela au détriment de l’Italie, qui voyait ce pays comme son domaine réservé<ref>{{en}} [http://www.bartleby.com/65/tu/Tunisia.html Article sur la Tunisie (The Columbia Encyclopedia)]</ref>.


Car la régence apparaît vite comme un enjeu stratégique de première importance de par la situation géographique du pays, à la charnière des bassins occidental et oriental de la Méditerranée<ref name="conrad">{{Lien web|langue=fr|auteur1=[[Philippe Conrad]]|titre=Le Maghreb sous domination française (1830-1962)|url=http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/le_maghreb_sous_domination_francaise_1830-1962.asp|date=janvier 2003|site=clio.fr}}.</ref>. La Tunisie fait donc l'objet des convoitises rivales de la France et de l'Italie : la première souhaite sécuriser les frontières de l'[[Algérie française|Algérie]] et éviter que la seconde ne contrarie ses ambitions en [[Égypte]] et au [[Levant (Proche-Orient)|Levant]] en contrôlant l'accès à la Méditerranée orientale. La seconde, confrontée à une surpopulation, rêve d'une politique coloniale et le territoire tunisien, où la minorité européenne est alors constituée essentiellement d'[[Italo-Tunisiens|Italiens]], est un objectif prioritaire<ref name="conrad"/>. Les [[Consulat (diplomatie)|consuls]] français et italien tentent de profiter des difficultés financières du bey, la France comptant sur la neutralité de l'Angleterre (peu désireuse de voir l'Italie prendre le contrôle de la route du [[canal de Suez]]) et bénéficiant des calculs de [[Otto von Bismarck|Bismarck]], qui souhaite la détourner de la question de l'[[Alsace-Lorraine]]<ref name="conrad"/>. Après le [[congrès de Berlin]] du [[13 juin]] au {{date|13 juillet 1878}}, l'Allemagne et l'Angleterre permettent à la France d'annexer la Tunisie{{sfn|Quitout|2002|p=12}}{{,}}{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=54}}, et cela au détriment de l'Italie, qui voyait ce pays comme son domaine réservé<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur1=[[Bernard Lugan]]|titre chapitre=Tunisie : de la régence au protectorat|titre ouvrage=Histoire de l'Afrique du Nord : des origines à nos jours|lieu=Monaco|éditeur=[[Éditions du Rocher]]|année=2016|isbn=978-2268021478|passage=353-354}}.</ref>.
[[Image:Prise de Sfax - 1881.jpg|left|upright=1.0|thumb|Représentation de la prise de Sfax en 1881]]


[[Fichier:Traité du Bardo.jpg|vignette|Signature du traité du Bardo au palais de Ksar Saïd le {{date|12 mai 1881}}.]]
Les incursions de « pillards » [[Kroumirie|khroumirs]] en territoire algérien fournissent un prétexte à [[Jules Ferry]], soutenu par [[Léon Gambetta]] face à un parlement hostile, pour souligner la nécessité de s’emparer de la Tunisie<ref name="conrad"/>. En avril [[1881]], les troupes françaises y pénètrent sans résistance majeure et parviennent à [[Occupation de Tunis|occuper Tunis]]<ref name="lacjardin54"/> en trois semaines, sans combattre<ref>Jean-François Martin, ''op. cit.'', pp. 41-43</ref>. Le [[12 mai]] [[1881]], le [[protectorat]] est officialisé lorsque [[Sadok Bey]] signe forcé, sous [[peine de mort]]<ref>Michel Camau et Vincent Geisser, ''Habib Bourguiba. La trace et l’héritage'', éd. Karthala, Paris, 2004, p. 227 {{ISBN|9782845865066}}</ref>, le [[traité du Bardo]]<ref>{{fr}} {{pdf}} [http://www.archives.nat.tn/pdf_doc/287807.PDF Original du traité de protectorat]</ref> au palais de Ksar Saïd<ref>Hédi Saïdi et Janine Ponty, ''Mémoire de l’immigration et histoire coloniale'', éd. L’Harmattan, Paris, 2007, p. 117 {{ISBN|9782296024199}}</ref>. Ce qui n’empêche pas, quelques mois plus tard, les troupes françaises de faire face à des révoltes rapidement étouffées dans les régions de [[Kairouan]] et [[Sfax]]<ref name="conrad"/>.


Le régime du protectorat est renforcé par les [[conventions de la Marsa]] du {{Date|8|juin|1883}} qui accordent à la France le droit d’intervenir dans la politique étrangère, la défense et les affaires internes de la Tunisie<ref name="lacjardin56">Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin, ''op. cit.'', p. 56</ref>{{,}}<ref name="quitout13">Michel Quitout, ''Parlons l’arabe tunisien : langue et culture'', p. 13</ref> : le pays conserve son gouvernement et son administration, désormais placés sous contrôle français, les différents services administratifs étant dirigés par de hauts fonctionnaires français et un [[Résident général de France en Tunisie|résident général]] gardant la haute main sur le gouvernement<ref name="conrad"/>. La France représente dès lors la Tunisie sur la scène internationale, et ne tarde pas à abuser de ses droits et prérogatives de protecteur pour exploiter le pays comme une [[Empire colonial français|colonie]], en contraignant le bey à abandonner la quasi-totalité de ses pouvoirs au résident général<ref name="fred13">Frédéric Angleviel [sous la dir. de], ''Chants pour l’au-delà des mers : mélanges en l’honneur du professeur Jean Martin'', éd. L’Harmattan, Paris, 2008, p. 13 {{ISBN|9782296054080}}</ref>.
Les incursions de « pillards » [[Kroumirie|khroumirs]] en territoire algérien fournissent un prétexte à [[Jules Ferry]], soutenu par [[Léon Gambetta]] face à un parlement hostile, pour souligner la nécessité de s'emparer de la Tunisie<ref name="conrad"/>. En avril [[1881]], les troupes françaises y pénètrent sans résistance majeure et parviennent [[Conquête de la Tunisie par la France|jusqu'aux abords de Tunis]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=54}} en trois semaines{{sfn|Martin|2003|p=41-43}}. Le {{date|12 mai 1881}}, le [[protectorat]] est officialisé lorsque [[Sadok Bey]] signe forcé, menacé d'être destitué et remplacé par son frère Taïeb Bey<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Hachemi Karoui|auteur2=[[Ali Mahjoubi]]|titre=Quand le soleil s'est levé à l'ouest|lieu=Tunis|éditeur=Cérès Productions|année=1983|passage=86|isbn=2857030118}}.</ref>{{,}}<ref>John P. Entelis (professeur à l'[[université Fordham]]) prétend — sans citer ses sources — que Sadok Bey a été menacé de mort selon {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Michel Camau|auteur2=[[Vincent Geisser]]|titre=Habib Bourguiba|sous-titre=la trace et l'héritage|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Karthala|Karthala]]|année=2004|passage=227|isbn=978-2845865068}}.</ref>, le [[traité du Bardo]]<ref>{{Lien web|langue=fr|format=pdf|titre=Traité du Bardo|url=http://www.archives.nat.tn/pdf_doc/287807.PDF|site=archives.nat.tn}}.</ref> au [[palais de Ksar Saïd]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Hédi Saïdi (chercheur)|Hédi Saïdi]]|auteur2=[[Janine Ponty]]|titre=Mémoire de l'immigration et histoire coloniale|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2007|passage=117|isbn=978-2296024199}}.</ref>. Ce qui n'empêche pas, quelques mois plus tard, les troupes françaises de faire face à des révoltes rapidement étouffées dans les régions de [[Kairouan]] et [[Sfax]]<ref name="conrad"/>. Le régime du protectorat est renforcé par les [[conventions de La Marsa]] du {{date|8 juin 1883}} qui accordent à la France le droit d'intervenir dans la politique étrangère, la défense et les affaires internes de la Tunisie{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=56}}{{,}}{{sfn|Quitout|2002|p=13}} : le pays conserve son gouvernement et son administration, désormais placés sous contrôle français, les différents services administratifs étant dirigés par de hauts fonctionnaires français et un [[Résident général de France en Tunisie|résident général]] gardant la haute main sur le gouvernement<ref name="conrad"/>. La France représente dès lors la Tunisie sur la scène internationale, et ne tarde pas à abuser de ses droits et prérogatives de protecteur pour exploiter le pays comme une [[Empire colonial français|colonie]], en contraignant le bey à abandonner la quasi-totalité de ses pouvoirs au résident général<ref name="fred13">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Frédéric Angleviel|directeur1=oui|titre=Chants pour l'au-delà des mers|sous-titre=mélanges en l'honneur du professeur Jean Martin|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2008|passage=13|isbn=978-2296054080}}.</ref>. Néanmoins, des progrès économiques ont lieu, notamment via les banques et les compagnies{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=56}}. Un réseau ferroviaire se développe<ref name="nomade708"/>. La colonisation permet l'expansion des cultures de céréales et de la production d'huile d'olive ainsi que l'exploitation des mines de [[phosphate]]s<ref name="nomade708"/> et de [[fer]].


Néanmoins, des progrès économiques ont lieu, notamment via les banques et les compagnies<ref name="lacjardin56"/>. Un réseau ferroviaire se développe<ref name="nomade708"/>. La colonisation permet l’expansion des cultures de céréales et de la production d’huile d'olive ainsi que l’exploitation des mines de [[phosphate]]s<ref name="nomade708"/> et de [[fer]]. Un important port militaire est aménagé à [[Bizerte]]<ref name="conrad"/>. De plus, dans le domaine de l’éducation, les Français établissent un système bilingue arabe et français qui donne l’opportunité à l’élite tunisienne de se former dans les deux langues<ref>Michel Camau et Vincent Geisser, ''op. cit.'', pp. 227-228</ref>.
Un important port militaire est aménagé à [[Bizerte]]<ref name="conrad"/>. De plus, dans le domaine de l'éducation, les Français établissent un système bilingue arabe et français qui donne l'opportunité à l'élite tunisienne de se former dans les deux langues{{sfn|Camau|Geisser|2004|p=227-228}}.


== De la remise en cause du protectorat à l’indépendance ==
== De la remise en cause du protectorat à l'indépendance ==
{{Article détaillé|Mouvement national tunisien}}
=== Embryon de mouvement national ===
=== Embryon de mouvement national ===


[[Fichier:Vieuxdestour.jpg|vignette|Délégation du Destour à [[Naceur Bey]].]]
[[Image:Zaouche affaire djellaz.jpg|left|thumb|upright=1.4|Procès de l’[[affaire du Djellaz]] en [[1911]]]]


La lutte contre l’occupation française commence dès le début du {{s|XX|e}}. La Tunisie est le premier État du monde arabe influencé par le [[nationalisme]] moderne<ref name="camgeihab228">Michel Camau et Vincent Geisser, ''op. cit.'', p. 228</ref>, avec le mouvement réformiste et intellectuel des [[Jeunes Tunisiens]] fondé en [[1907]]<ref name="lacjardin57">Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin, ''op. cit.'', p. 57</ref> par [[Béchir Sfar]], [[Ali Bach Hamba]] et [[Abdeljelil Zaouche]]. Ce courant nationaliste se manifeste par l’[[affaire du Djellaz]] en [[1911]] et le [[boycott des tramways tunisois]] en [[1912]]<ref name="fred13"/>. Ces événements marquent la transformation des Jeunes Tunisiens en militants agissant par des mouvements de rue<ref name="fred14">Frédéric Angleviel, ''op. cit.'', p. 14</ref>. Le résident général fait exiler ses principaux dirigeants<ref name="fred13"/>. De [[1914]] à [[1921]], le pays vit en état d’urgence et la presse anticolonialiste est interdite<ref name="encarta"/>.
La lutte contre l'occupation française commence dès le début du {{XXe siècle}}. La Tunisie est le premier État du monde arabe influencé par le [[nationalisme]] moderne{{sfn|Camau|Geisser|2004|p=228}}, avec le mouvement réformiste et intellectuel des [[Jeunes Tunisiens]] fondé en [[1907]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=57}} par [[Béchir Sfar]], [[Ali Bach Hamba]] et [[Abdeljelil Zaouche]]. Ce courant nationaliste se manifeste par l'[[affaire du Djellaz]] en [[1911]] et le [[boycott des tramways tunisois]] en [[1912]]<ref name="fred13"/>. Ces événements marquent la transformation des Jeunes Tunisiens en militants agissant par des mouvements de rue{{sfn|Angleviel|2008|p=14}}. Le résident général fait exiler ses principaux dirigeants<ref name="fred13"/>. De [[1914]] à [[1921]], le pays vit en état d'urgence et la presse anticolonialiste est interdite<ref name="encarta"/>. Malgré tout, le mouvement national ne cesse pas d'exister<ref name="fred13"/>. Dès la fin de la [[Première Guerre mondiale]], une nouvelle génération organisée autour d'[[Abdelaziz Thâalbi]] prépare la naissance du parti du [[Destour]]<ref name="fred13"/>. Entré en conflit avec le régime du protectorat{{sfn|Angleviel|2008|p=14}}, le parti expose, dès la proclamation officielle de sa création le {{date|4 juin 1920}}{{sfn|Quitout|2002|p=13}}, un programme en neuf points. À partir de novembre [[1925]], le Destour, affaibli, devient clandestin et renonce à l'action politique directe{{sfn|Angleviel|2008|p=14}}.


[[Fichier:Congress of ksar Hellal.jpg|vignette|Délégation présente lors du congrès de Ksar Hellal.]]
Malgré tout, le mouvement national ne cesse pas d’exister<ref name="fred13"/>. Dès la fin de la [[Première Guerre mondiale]], une nouvelle génération organisée autour d’[[Abdelaziz Thâalbi]] prépare la naissance du parti du [[Destour]]<ref name="fred13"/>. Entré en conflit avec le régime du protectorat<ref name="fred14"/>, le parti expose, dès la proclamation officielle de sa création le {{Date|4|juin|1920}}<ref name="quitout13"/>, un programme en huit points. À partir de novembre [[1925]], le Destour, affaibli, devient clandestin et renonce à l’action politique directe<ref name="fred14"/>. Après avoir fustigé le régime du protectorat dans des journaux comme ''La Voix du Tunisien'' et ''L’Étendard tunisien''<ref>Frédéric Angleviel, ''op. cit.'', p. 15</ref>, l’avocat [[Habib Bourguiba]] fonde en [[1932]], avec [[Tahar Sfar]], [[Mahmoud Materi]] et Bahri Guiga, le journal ''[[L'Action Tunisienne]]''<ref name="labidi">{{fr}} [http://www.monde-diplomatique.fr/2006/03/LABIDI/13253 Kamel Labidi, « La longue descente aux enfers de la Tunisie », ''Le Monde diplomatique'', mars 2006, pp. 10-11]</ref>, qui, outre l’indépendance, prône la [[laïcité]]<ref name="chautard165">Sophie Chautard, ''Les dictateurs du {{s-|XX|e}}'', éd. Studyrama, Levallois-Perret, 2006, p. 165 {{ISBN|9782844727855}}</ref>.


Cette position originale conduit le {{Date|2|mars|1934}}<ref name="quitout13"/>, lors du congrès de [[Ksar Hellal]]<ref name="fred14"/>, à la scission du parti en deux branches, l’une islamisante qui conserve le nom ''Destour'', et l’autre moderniste et laïque, le [[Néo-Destour]]<ref name="nomade708"/>, une formation politique moderne, structurée sur les modèles des partis socialistes et communistes européens, et déterminée à conquérir le pouvoir pour transformer la société<ref name="labidi"/>. Le parti privilégie l’action politique, la mobilisation de ses adhérents, leur prise de conscience, et estime qu’il doit convaincre l’opinion française tout en adaptant sa stratégie aux nécessités de l’action<ref name="chater">{{fr}} [http://www.afkaronline.org/francais/archives/mar-avr2006/chater.html Khelifa Chater, « Cinquantenaire de l’indépendance. Le rappel d’une épopée spécifique du peuple tunisien », ''Afkar'', mars-avril 2006]</ref>.
Après avoir fustigé le régime du protectorat dans des journaux comme ''La Voix du Tunisien'' et ''L'Étendard tunisien''{{sfn|Angleviel|2008|p=15}}, l'avocat [[Habib Bourguiba]] fonde en [[1932]], avec [[Tahar Sfar]], [[Mahmoud El Materi]] et Bahri Guiga, le journal ''[[L'Action tunisienne]]''<ref name="labidi">{{Article|langue=fr|auteur1=Kamel Labidi|titre=La longue descente aux enfers de la Tunisie|périodique=[[Le Monde diplomatique]]|date=mars 2006|pages=10-11|issn=0026-9395|lire en ligne=http://www.monde-diplomatique.fr/2006/03/LABIDI/13253}}.</ref>, qui, outre l'indépendance, prône la [[laïcité]]<ref name="chautard165">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Sophie Chautard|titre=Les dictateurs du {{s-|XX}}|lieu=Levallois-Perret|éditeur=Studyrama|année=2006|passage=165|isbn=978-2844727855}}.</ref>. Cette position originale conduit le {{date|2 mars 1934}}{{sfn|Quitout|2002|p=13}}, lors du [[congrès de Ksar Hellal]]{{sfn|Angleviel|2008|p=14}}, à la scission du parti en deux branches, l'une islamisante qui conserve le nom ''Destour'', et l'autre moderniste et laïque, le [[Néo-Destour]]<ref name="nomade708"/>, une formation politique moderne, structurée sur les modèles des partis socialistes et communistes européens, et déterminée à conquérir le pouvoir pour transformer la société<ref name="labidi"/>. Le parti privilégie l'action politique, la mobilisation de ses adhérents, leur prise de conscience, et estime qu'il doit convaincre l'opinion française tout en adaptant sa stratégie aux nécessités de l'action<ref name="chater">{{Article|langue=fr|auteur1=[[Khalifa Chater]]|titre=Cinquantenaire de l'indépendance : le rappel d'une épopée spécifique du peuple tunisien|périodique=Afkar|date=mars-avril 2006|lire en ligne=http://www.afkaronline.org/francais/archives/mar-avr2006/chater.html}}.</ref>.


[[Fichier:April 8th 1938 protests in Rue des Maltais in Tunis.jpg|gauche|vignette|Manifestation du 8 avril 1938 à Tunis.]]
Après l’échec des négociations engagées par le [[Gouvernement Léon Blum (1)|gouvernement Blum]], des incidents sanglants éclatent en [[1937]]<ref name="nomade708"/> et les [[Événements du 9 avril 1938|émeutes d’avril 1938]] sont sévèrement réprimées<ref name="chautard165"/> : état de siège à Tunis le [[9 avril|9]], emprisonnement d’Habib Bourguiba en France pour conspiration contre la sûreté de l’État pour cinq ans<ref name="encarta"/>, arrestation de Slimane Ben Slimane, de [[Salah Ben Youssef]] et de {{formatnum:3000}} membres du Néo-Destour<ref name="lacjardin60">Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin, ''op. cit.'', p. 60</ref>. Cette répression conduit à la clandestinité du Néo-Destour, qui incite les nouveaux dirigeants à ne pas exclure l'éventualité d'une lutte plus active<ref name="lacjardin60"/>{{,}}<ref name="chater"/>. Ainsi, le sixième bureau politique formé fin [[1939]] et animé par Habib Thameur enjoint aux cellules d’entretenir l’agitation. Il sera toutefois démantelé le {{Date|13|janvier|1941}} et ses principaux membres arrêtés. En [[1940]], le [[régime de Vichy]] livre Bourguiba à l’[[Italie]], à la demande de [[Benito Mussolini]], qui espère l’utiliser pour affaiblir la [[Résistance dans l'Empire colonial français|Résistance française]] en [[Afrique du Nord]]<ref name="chautard165"/>. Cependant Bourguiba ne désire pas cautionner les [[Fascisme|régimes fascistes]] et lance le {{Date|8|août|1942}} un appel pour le soutien aux [[Alliés de la Seconde Guerre mondiale|troupes alliées]]<ref name="chautard165"/> : {{Début citation}}Les Alliés ne tromperont pas nos espoirs ''[d’indépendance]''<ref name="lacjardin60"/>.{{Fin citation}}


Après l'échec des négociations engagées par le [[Gouvernement Léon Blum (1)|gouvernement Blum]], des incidents sanglants éclatent en [[1937]]<ref name="nomade708"/> et les [[Événements du 9 avril 1938|manifestations d'avril 1938]] sont sévèrement réprimées<ref name="chautard165"/> : état de siège à Tunis le [[9 avril|9]], emprisonnement de Habib Bourguiba en France pour conspiration contre la sûreté de l'État pour cinq ans<ref name="encarta"/>, arrestation de [[Slimane Ben Slimane]], de [[Salah Ben Youssef]] et de {{nombre|3000|membres}} du Néo-Destour{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=60}}. Cette répression conduit à la clandestinité du Néo-Destour, qui incite les nouveaux dirigeants à ne pas exclure l'éventualité d'une lutte plus active{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=60}}{{,}}<ref name="chater"/>. Ainsi, le sixième bureau politique formé fin [[1939]] et animé par Habib Thameur enjoint aux cellules d'entretenir l'agitation. Il sera toutefois démantelé le {{date|13 janvier 1941}} et ses principaux membres arrêtés. En [[mai 1940]], le [[régime de Vichy]] transfère Bourguiba en [[France]]. Il est, fin 1942, libéré par les Allemands et envoyé en [[Royaume d'Italie (1861-1946)|Italie]], où [[Benito Mussolini]] espère l'utiliser pour affaiblir la [[Histoire de l'empire colonial français pendant la Seconde Guerre mondiale|Résistance française]] en [[Afrique française du Nord|Afrique du Nord]]<ref name="chautard165"/>. Cependant, Bourguiba ne désire pas cautionner les [[Fascisme|régimes fascistes]] et lance le {{date|8 août 1942}} un appel pour le soutien aux [[Alliés de la Seconde Guerre mondiale|troupes alliées]]<ref name="chautard165"/> : {{Début citation bloc}}Les Alliés ne tromperont pas nos espoirs ''[d'indépendance]''{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=60}}.{{Fin citation bloc}}
[[Image:Axis prisoners of war.jpg|right|thumb|upright=1.4|Prisonniers de guerre allemands quittant Tunis]]


[[Fichier:Axis prisoners of war are herded out of the city as Allied armies enter Tunis. - NARA - 195472.jpg|vignette|Prisonniers de guerre italiens et allemands quittant Tunis.]]
Ce choix lui vaut d’être aussitôt arrêté par les [[Nazisme|nazis]], mais cela mènera à sa remise en liberté par les autorités issues de la [[France libre]], en [[1944]]<ref name="chautard165"/>. Pendant ce temps, la Tunisie est le théâtre d’importantes opérations militaires<ref name="lacjardin57"/> connues sous le nom de [[campagne de Tunisie]]<ref name="nomade708"/> : des troupes [[Troisième Reich|allemandes]] prennent position dans le pays dès le lancement de l’[[Opération Torch]] (débarquement des Alliés en Afrique du Nord) le {{Date|8|novembre|1942}}. L’[[Deutsches Afrika Korps|Afrika Korps]] du [[Erwin Rommel|général Rommel]] se replie depuis la [[Libye]] derrière la [[ligne Mareth]]. Après plusieurs mois de combats et une contre-offensive blindée allemande dans la région de [[Bataille de Kasserine|Kasserine]] et [[Sbeïtla]] au début de l’année [[1943]], les troupes du [[Troisième Reich]] sont contraintes de capituler le [[11 mai]] dans le [[cap Bon]], quatre jours après l’arrivée des forces alliées à [[Tunis]]<ref>{{fr}} [http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=AFE00003049 « Défilé de la victoire à Tunis », ''Les actualités françaises'', 1{{er}} janvier 1944]</ref>.


Le {{Date|26|mars|1945}}, Bourguiba s’achemine clandestinement vers l’[[Égypte]], et le {{Date|20|janvier|1946}} l’[[Union générale tunisienne du travail]] (UGTT) est fondée par [[Farhat Hached]]<ref>{{fr}} [http://www.ugtt.org.tn/default.htm Site officiel de l’UGTT]</ref>. Ce syndicat compte, durant cette période, {{formatnum:100000}} adhérents, et il joue un rôle considérable dans le mouvement national<ref name="lacjardin60"/> car sa naissance dote le Néo-Destour d’un allié dans la lutte pour la libération et la construction du nouvel État, même si les tentatives visant à le mettre au pas débutent dès les premiers mois de l’indépendance, entravant du même coup le développement d’un contre-pouvoir<ref name="labidi"/>. Après la [[Seconde Guerre mondiale]], les dirigeants nationalistes inscrivent la résistance armée dans la stratégie de libération nationale<ref name="chater"/>. En [[1949]], un Comité national de la résistance constitué et dirigé par [[Ahmed Tlili]] désigne dix responsables régionaux chargés d’organiser des groupes armés strictement cloisonnés<ref name="chater"/>.
Pendant ce temps, la Tunisie est le théâtre d'importantes opérations militaires{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=57}} connues sous le nom de [[campagne de Tunisie]]<ref name="nomade708"/> : des troupes [[Troisième Reich|allemandes]] prennent position dans le pays dès le lancement de l'[[Opération Torch|opération ''Torch'']] (débarquement des Alliés en Afrique du Nord) le {{date|8 novembre 1942}}. L'[[Deutsches Afrikakorps|Afrika Korps]] du [[Erwin Rommel|général Rommel]] se replie depuis la [[Libye]] derrière la [[ligne Mareth]]. À son retour à Tunis, le {{date|8 avril 1943}}, Bourguiba s'assure que son message soit transmis à toute la population et à ses militants. Après plusieurs mois de combats et une contre-offensive blindée allemande dans la région de [[Bataille de Kasserine|Kasserine]] et [[Sbeïtla]] au début de l'année [[1943]], les troupes du [[Troisième Reich]] sont contraintes de capituler le [[11 mai]] dans le [[cap Bon]], quatre jours après l'arrivée des forces alliées à [[Tunis]]<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Défilé de la victoire à Tunis|url=http://www.ina.fr/histoire-et-conflits/seconde-guerre-mondiale/video/AFE00003049/defile-de-la-victoire-a-tunis-le-20-mai-1943.fr.html|date=1 janvier 1944|site=ina.fr}}.</ref>. Bourguiba se voit remis en liberté par les [[Forces françaises libres]] le {{date|23 juin}}. Le {{date|26 mars 1945}}, Bourguiba s'achemine clandestinement vers l'[[Égypte]], et le {{date|20 janvier 1946}} l'[[Union générale tunisienne du travail]] (UGTT) est fondée par [[Farhat Hached]]<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Union générale tunisienne du travail|url=http://www.ugtt.org.tn/default.htm|site=ugtt.org.tn}}.</ref>. Ce syndicat compte, durant cette période, {{nombre|100000|adhérents}}, et il joue un rôle considérable dans le mouvement national{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=60}} car sa naissance dote le Néo-Destour d'un allié dans la lutte pour la libération et la construction du nouvel État, même si les tentatives visant à le mettre au pas débutent dès les premiers mois de l'indépendance, entravant du même coup le développement d'un contre-pouvoir<ref name="labidi"/>.


Après la [[Seconde Guerre mondiale]], les dirigeants nationalistes inscrivent la résistance armée dans la stratégie de libération nationale<ref name="chater"/>. En [[1949]], un Comité national de la résistance constitué et dirigé par [[Ahmed Tlili]] désigne dix responsables régionaux chargés d'organiser des groupes armés strictement cloisonnés<ref name="chater"/>.
=== De la violence aux négociations ===


=== De la violence aux négociations (1945-1956) ===
[[Image:Bourguiba Bizerte.jpg|left|thumb|upright=1.4|Habib Bourguiba à Bizerte en [[1952]]]]


[[Fichier:Bourguiba Bizerte.jpg|vignette|gauche|Discours prononcé par Bourguiba le 15 janvier 1952.]]
Des pourparlers sont menés après la guerre avec le [[gouvernement français]]<ref name="lacjardin60"/>, si bien que [[Robert Schuman]] évoque en [[1950]] l’indépendance de la Tunisie en plusieurs étapes<ref name="quitout13"/>. Mais des troubles nationalistes en [[1951]] précipitent leur échec<ref name="quitout13"/> : la note du gouvernement français du [[15 décembre]] rejette les revendications tunisiennes et interrompt le processus de négociation avec le gouvernement Chenik. Avec l’arrivée du nouveau résident général, Jean de Hauteclocque, le {{Date|13|janvier|1952}}, et l’arrestation, le [[18 janvier]], de 150 destouriens dont Bourguiba revenu d’Égypte le [[2 janvier]], débutent la révolte armée<ref name="nomade708"/> — avec grèves, manifestations de rue et diverses formes de mobilisation populaire<ref name="chater"/> —, la répression militaire française<ref name="quitout13"/> et un durcissement des positions de chaque camp<ref name="lacjardin61">Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin, ''op. cit.'', p. 61</ref>. La répression provoque une escalade et met à l’ordre du jour le sabotage, l’exécution des collaborateurs, l’attaque des fermes puis les opérations contre les troupes coloniales. Toutefois, le Néo-Destour adopte une stratégie adaptée aux événements alors que la complexité des situations laisse une grande marge de manœuvre aux chefs locaux dans le cadre des directives générales<ref name="chater"/>.
[[Fichier:Sabotage train Tunisie.jpg|vignette|Train saboté par des militants nationalistes.]]


Des pourparlers sont menés après la guerre avec le [[Gouvernement de la République française|gouvernement français]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=60}}, si bien que [[Robert Schuman]] évoque en [[1950]] l'indépendance de la Tunisie en plusieurs étapes{{sfn|Quitout|2002|p=13}}. Mais des troubles nationalistes en [[1951]] précipitent leur échec{{sfn|Quitout|2002|p=13}} : la note du gouvernement français du [[15 décembre]] rejette les revendications tunisiennes et interrompt le processus de négociation avec le [[Gouvernement M'hamed Chenik (2)|gouvernement Chenik]].
Le [[22 janvier]], le colonel Durand est abattu au cours d’une manifestation de protestation organisée par le Néo-Destour à [[Sousse]]. Les affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre, le [[23 janvier]] à [[Moknine]], se terminent par une fusillade, et de nombreux faits similaires se produisent à travers le pays<ref name="chater"/>. Le ratissage du [[cap Bon]] par l’armée française dès le [[26 janvier]] — touchant principalement durant six jours les localités de [[Tazerka]], [[El Maâmoura]] et [[Kélibia]] — fait près de 200 morts<ref name="decock">{{fr}} [http://www.hermes.jussieu.fr/rephisto.php?id=25 Laurence Decock, « Histoire et mémoire de la décolonisation tunisienne », ''Histoire en réseau des Méditerranées'', éd. Université de Paris VII, 2001]</ref>.


Avec l'arrivée du nouveau résident général, [[Jean de Hauteclocque]], le {{date|13 janvier 1952}}, et l'arrestation, le [[18 janvier]], de 150 destouriens dont [[Habib Bourguiba|Bourguiba]] revenu d'Égypte le [[2 janvier]], débutent la révolte armée<ref name="nomade708"/> — avec grèves, manifestations de rue et diverses formes de mobilisation populaire<ref name="chater"/> —, la répression militaire française{{sfn|Quitout|2002|p=13}} et un durcissement des positions de chaque camp{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=61}}.
Les archives sont très pauvres sur ce sujet mais quelques documents reflètent la polémique engendrée par ces exactions commises à l’instigation du [[Pierre-François-Marie-Joseph Garbay|général Garbay]]. En réponse aux enquêtes, la résidence prétexte l’exagération à des fins propagandistes, mais ces exactions ne sont plus mises en doute, même si on en ignore encore la teneur exacte<ref name="decock"/>. De plus, avec l’assassinat du syndicaliste Farhat Hached par l’organisation colonialiste extrémiste<ref name="chautard166">Sophie Chautard, ''op. cit.'', p. 166</ref> [[La Main rouge]]<ref>Claude Liauzu, ''L’Europe et l’Afrique méditerranéenne. De Suez (1869) à nos jours'', éd. Complexe, Paris, 1994, p. 156 {{ISBN|9782870275146}}</ref>, le [[5 décembre]], se déclenchent manifestations, émeutes, grèves, tentatives de sabotage et jets de bombes artisanales<ref name="chater"/>. Le développement de la répression, accompagnée de l’apparition du [[Antiterrorisme|contre-terrorisme]], incite les nationalistes à prendre plus spécifiquement pour cibles les colons, les fermes, les entreprises françaises et les structures gouvernementales<ref name="chater"/>. C’est pourquoi les années [[1953]] et [[1954]] sont marquées par la multiplication des attaques contre le système colonial : le mouvement nationaliste encourage la création de véritables unités de combat dans les différentes régions alors que les modestes ressources permettent difficilement de les entretenir. Protégés par leur insertion dans leur milieu social et connaissant le théâtre des opérations, les maquisards réussissent à organiser une guérilla de harcèlement<ref name="chater"/>. En réponse, près de {{formatnum:70000}} soldats français sont mobilisés pour arrêter les guérillas des groupes tunisiens dans les campagnes<ref name="camgeihab229">Michel Camau et Vincent Geisser, ''op. cit.'', p. 229</ref>. Cette situation difficile est apaisée par la reconnaissance de l’autonomie interne de la Tunisie, concédée par [[Pierre Mendès France]] le {{Date|31|juillet|1954}}<ref name="quitout13"/>{{,}}<ref>{{fr}} [http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=AFE85005760 « Voyage du Président Mendès France en Tunisie », ''Les actualités françaises'', 5 août 1954]</ref> : {{Début citation}}L’autonomie interne de l’État tunisien est recouvrée et proclamée sans arrière-pensée par le gouvernement français<ref name="lacjardin61"/>.{{Fin citation}} C’est finalement le {{Date|3|juin|1955}}<ref name="camgeihab229"/> que les conventions franco-tunisiennes sont signées entre le [[Premier ministre (Tunisie)|premier ministre]] tunisien [[Tahar Ben Ammar]] et son homologue français [[Edgar Faure]]<ref name="chautard166"/>. Elles prévoient le transfert au gouvernement tunisien de toutes les compétences à l’exception de celles des affaires étrangères et de la défense. En dépit de l’opposition de [[Salah Ben Youssef]], qui sera exclu du parti<ref name="encyclo360"/>, les conventions sont approuvées par le congrès du Néo-Destour tenu à [[Sfax]] le [[15 novembre]] de la même année<ref name="lacjardin61"/>. Après de nouvelles négociations, la France finit par reconnaître « solennellement l’indépendance de la Tunisie »<ref name="lacjardin61"/> le {{Date|20|mars|1956}}<ref>{{ar}} {{pdf}} [http://www.archives.nat.tn/pdf_doc/549572.PDF Original de la proclamation d’indépendance]</ref>, tout en conservant la base militaire de [[Bizerte]].


[[Fichier:Ruines Tazarka.jpg|vignette|redresse|Ruines consécutives à une attaque sur Tazarka.]]
== Période nationale ==


La répression provoque une escalade : dans certains lieux, elle est suivie par le sabotage, l'exécution des collaborateurs, l'attaque des fermes puis les opérations contre les troupes coloniales. Toutefois, le [[Néo-Destour]] adopte une stratégie qui s'adapte aux événements alors que la complexité des situations laisse une grande marge de manœuvre aux chefs locaux dans le cadre des directives générales<ref name="chater"/>. Le [[22 janvier]], le colonel Durand est frappé et poignardé au cours d'une manifestation de protestation organisée par le Néo-Destour à [[Sousse]]. Les affrontements entre les manifestants et les forces de l'ordre, le [[23 janvier]] à [[Moknine]], se terminent par une fusillade, et de nombreux faits similaires se produisent à travers le pays<ref name="chater"/>. Le ratissage du [[cap Bon]] par l'[[Forces armées françaises|armée française]], dès le [[28 janvier]] — touchant principalement durant trois jours les localités de [[Tazarka]], [[El Maâmoura]] et [[Béni Khiar]] — fait trente morts, d'après la commission d'enquête des ministres [[Mahmoud El Materi]] et [[Mohamed Ben Salem (1915-2001)|Mohamed Ben Salem]] qui y incluent les victimes des répressions des manifestations à [[Nabeul]] et [[Hammamet]] (20 janvier) et [[Kélibia]] (25 janvier)<ref>{{Lien web|langue=fr|format=pdf|titre=Rapport des ministres Materi et Ben Salem sur le ratissage du cap Bon|url=https://watchingtunisia.files.wordpress.com/2014/01/materi-bensalem-capbon-08-090252.pdf|date=janvier 2014|site=watchingtunisia.files.wordpress.com}}.</ref>.
{{Article détaillé|Tunisie depuis 1956}}


Le résident général exige ensuite de [[Lamine Bey]] qu'il congédie les ministres qui avaient fait une requête auprès de l'ONU. Face à son refus, Jean de Hauteclocque les [[Coup de force du 26 mars 1952 en Tunisie|fait arrêter et interner]] à [[Kébili]] pendant un mois et demi. Un nouveau [[Gouvernement Slaheddine Baccouche (2)|gouvernement]] est nommé mais le bey refuse de travailler avec lui. Le résident général propose alors un programme de réformes qu'il juge insuffisantes : il convoque lui-même une assemblée de quarante personnalités tunisiennes de toutes opinions politiques qui concluent au rejet de ce programme le [[9 septembre]].
Le [[25 mars]]<ref name="borsbey"/>, l’[[Parlement (Tunisie)|Assemblée nationale constituante]] est élue : le Néo-Destour en remporte tous les sièges et Bourguiba est porté à sa tête le [[8 avril]]<ref name="encarta"/>{{,}}<ref name="lacjardin57"/>. Le [[11 avril]], il devient le premier ministre de [[Lamine Bey]]<ref name="chautard166"/>. Le [[12 novembre]], la Tunisie fait son entrée à l’[[Organisation des Nations unies]]<ref name="encarta"/>. Le [[Code du statut personnel (Tunisie)|Code du statut personnel]], à tendance progressiste, est proclamé le [[13 août]]<ref>{{fr}} {{pdf}} [http://www.cnudst.rnrt.tn/jortsrc/1956/1956f/jo10456.pdf Décret du 13 août 1956 portant promulgation du Code du statut personnel, ''Journal officiel tunisien'', n°104, 28 décembre 1956, p. 1742]</ref> et, le {{Date|25|juillet|1957}}, la monarchie est abolie, la Tunisie devenant une [[république]]<ref>{{fr}} [http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=AFE85007495 « Proclamation de la république en Tunisie », ''Les actualités françaises'', 31 juillet 1957]</ref> dont Bourguiba est élu président<ref name="lacjardin74">Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin, ''op. cit.'', p. 74</ref> le {{Date|8|novembre|1959}}<ref name="chautard167">Sophie Chautard, ''op. cit.'', p. 167</ref>. Son passé de résistant puis les mesures prises au lendemain de l’indépendance pour émanciper les femmes et combattre la pauvreté ainsi que l’analphabétisme contribuent à affermir son autorité<ref name="labidi"/>. La constitution républicaine est définitivement ratifiée le {{1er juin}} [[1959]]<ref name="chautard167"/>.


Avec l'assassinat le [[5 décembre]] du syndicaliste [[Farhat Hached]]{{sfn|Chautard|2006|p=166}} par l'organisation de la [[La Main rouge (groupe armé)|Main rouge]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Claude Liauzu]]|titre=L'Europe et l'Afrique méditerranéenne|sous-titre=de Suez (1869) à nos jours|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Complexe|Complexe]]|année=1994|passage=156|isbn=978-2870275146}}.</ref>, se déclenchent manifestations, émeutes, grèves, tentatives de sabotage et jets de bombes artisanales<ref name="chater"/>. Le développement de la répression, accompagnée de l'apparition du [[Antiterrorisme|contre-terrorisme]], incite les nationalistes à prendre plus spécifiquement pour cibles les colons, les fermes, les entreprises françaises et les structures gouvernementales<ref name="chater"/>. C'est pourquoi les années [[1953]] et [[1954]] sont marquées par la multiplication des attaques contre le système colonial : le mouvement nationaliste encourage la création de véritables unités de combat dans les différentes régions alors que les modestes ressources permettent difficilement de les entretenir. Protégés par leur insertion dans leur milieu social et connaissant le théâtre des opérations, les maquisards réussissent à organiser une guérilla de harcèlement<ref name="chater"/>.
Le {{Date|8|février|1958}}, en pleine [[guerre d'Algérie]], des avions de l’[[armée française]] franchissent la [[Frontière entre l'Algérie et la Tunisie|frontière algéro-tunisienne]] et [[Bombardement de Sakiet Sidi Youssef|bombardent]] le village tunisien de [[Sakiet Sidi Youssef]]<ref name="encarta"/>. En [[1961]], dans un contexte d’achèvement prévisible de la guerre, la Tunisie revendique la rétrocession de la base de Bizerte<ref name="quitout13"/> : la [[Crise de Bizerte|crise]] qui suit fait près d’un millier de morts, essentiellement tunisiens<ref name="quitout13"/>, et la France finit, le {{Date|15|octobre|1963}}, par rétrocéder la base à l’État tunisien<ref name="lacjardin74"/>.


[[Image:Bourguiba photo officielle.jpg|upright=1.2|left|thumb|Photo officielle de [[Habib Bourguiba]]]]
[[Fichier:Bourguiba Lamine Bey Ben Ammar.jpg|vignette|Tahar Ben Ammar, Lamine Bey et Habib Bourguiba.]]


En réponse, près de {{nombre|70000|soldats}} français sont mobilisés pour arrêter les guérillas des groupes tunisiens dans les campagnes{{sfn|Camau|Geisser|2004|p=229}}. Cette situation difficile est apaisée par la reconnaissance de l'autonomie interne de la Tunisie, concédée le {{date|31 juillet 1954}} lors du [[discours de Carthage]] prononcé par [[Pierre Mendès France]], [[Président du Conseil des ministres (France)|président du Conseil]] en France depuis seulement un mois{{sfn|Quitout|2002|p=13}}{{,}}<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Voyage du Président Mendès France en Tunisie|url=http://www.ina.fr/histoire-et-conflits/decolonisation/video/AFE85005760/voyage-du-president-mendes-france-en-tunisie.fr.html|date=5 août 1954|site=ina.fr}}.</ref> : {{Début citation bloc}}L'autonomie interne de l'État tunisien est recouvrée et proclamée sans arrière-pensée par le gouvernement français{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=61}}.{{Fin citation bloc}} C'est finalement le {{date|3 juin 1955}}{{sfn|Camau|Geisser|2004|p=229}} que les conventions franco-tunisiennes sont signées entre le chef du gouvernement tunisien [[Tahar Ben Ammar]] et son homologue français [[Edgar Faure]]{{sfn|Chautard|2006|p=166}}. Elles prévoient le transfert au gouvernement tunisien de toutes les compétences à l'exception de celles des affaires étrangères et de la défense. En dépit de l'opposition de [[Salah Ben Youssef]], qui sera exclu du parti<ref name="encyclo360"/>, les conventions sont approuvées par le congrès du Néo-Destour tenu à [[Sfax]] le [[15 novembre]] de la même année{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=61}}. Après de nouvelles négociations, la France finit par reconnaître « solennellement l'indépendance de la Tunisie »{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=61}} le {{date|20 mars 1956}}<ref>{{Lien web|format=pdf|titre=Proclamation d'indépendance|url=http://www.archives.nat.tn/pdf_doc/549572.PDF|site=archives.nat.tn}}.</ref>, tout en conservant la base militaire de [[Bizerte]].
Dans les [[années 1960]], alors que toutes les institutions du pays sont tenues par le parti au pouvoir, désormais connu sous le nom de [[Parti socialiste destourien]] (PSD), l’[[Université de Tunis]] demeure encore un forum où les questions de développement et de démocratie sont débattues et les choix politiques de Bourguiba critiqués<ref name="labidi"/>. Cela n’empêche pas, le {{Date|12|août|1961}}, l’assassinat de Salah Ben Youssef, principal opposant de Bourguiba depuis 1955<ref name="lacjardin74"/>, à [[Francfort-sur-le-Main|Francfort]], tandis que le [[Mouvement Ettajdid|Parti communiste]] (PCT) est interdit le {{Date|8|janvier|1963}}. La République tunisienne devient donc un régime de [[parti unique]] dirigé par le Néo-Destour<ref name="lacjardin74"/>. En mars 1963, [[Ahmed Ben Salah]] entame une politique « socialiste » d’étatisation pratiquement totale de l’[[Économie de la Tunisie|économie]], avec la nationalisation des terres agricoles encore aux mains d’étrangers le [[12 mai]] [[1964]]<ref name="lacjardin74"/>. Des émeutes contre la collectivisation des terres dans le [[Sahel tunisien]] le {{Date|26|janvier|1969}} poussent au limogeage de Ben Salah le [[8 septembre]] avec la fin de l’expérience socialiste<ref name="lacjardin74"/>. En avril [[1972]], un Code des investissements très libéral est promulgué sous l’impulsion du premier ministre [[Hédi Nouira]]<ref name="encarta"/>, changeant ainsi la philosophie économique du pays<ref name="lacjardin74"/>.


== République (depuis 1956) ==
Avec une économie affaiblie par la fin du socialisme et un [[panarabisme]] défendu par [[Mouammar Kadhafi]], un projet politique qui unifierait la Tunisie et la [[Libye]] sous le nom de [[Union tuniso-libyenne|République arabe islamique]] est lancé en [[1974]] mais échoue très rapidement en raison des tensions tant nationales qu’internationales. Après la condamnation à une lourde peine de prison de Ben Salah, rendu responsable de l’échec de la politique des [[coopérative]]s, viennent l’épuration de l’aile libérale du PSD animée par [[Ahmed Mestiri]] puis la proclamation de Bourguiba comme président à vie en [[1975]]<ref name="encarta"/>. C’est dans ces conditions, marquées par un léger desserrement de l’étau du PSD sous le gouvernement d’[[Hédi Nouira]], que l’UGTT gagne en autonomie à travers son hebdomadaire ''Echaab'' (Le Peuple) tandis que naissent en [[1977]] la [[Ligue tunisienne des droits de l'homme]] et le journal indépendant ''Errai'' (Opinion)<ref name="labidi"/>. Le coup de force du « [[Jeudi noir (Tunisie)|Jeudi noir]] » contre l’UGTT en [[janvier 1978]] puis l’[[Événements de Gafsa|attaque]] contre la ville minière de [[Gafsa]], en janvier [[1980]], ne suffisent pas à museler la société civile émergente. Malgré le harcèlement de journaux comme ''Errai'' ou ''Al Maarifa'', de nouvelles publications telles que ''Le Phare'', ''Démocratie'', ''L’Avenir'', ''Al Mojtama’a'' ou ''15-21'' voient le jour<ref name="labidi"/>.
{{Article détaillé|Histoire de la Tunisie depuis 1956}}
=== Présidence de Habib Bourguiba (1956-1987) ===


[[Fichier:1er Juin 1959, Habib Bourguiba signant la constitution.jpg|vignette|Habib Bourguiba tenant la Constitution du {{1er}} juin 1959.]]
Dès le début des [[années 1980]], le pays traverse une crise politique et sociale<ref name="chautard169">Sophie Chautard, ''op. cit.'', p. 169</ref> où se conjuguent le développement du [[clientélisme]] et de la [[corruption]], la paralysie de l’État devant la dégradation de la santé de Bourguiba, les luttes de succession et le durcissement du régime. En [[1981]], la restauration partielle du pluralisme politique, avec la levée de l’interdiction frappant le Parti communiste, suscite des espoirs qui seront déçus par la falsification des résultats aux élections législatives de novembre, auxquelles prennent part le PSD, le PCT et deux nouvelles formations non encore légalisées : le [[Mouvement des démocrates socialistes]] et le futur [[Parti de l'unité populaire]]<ref name="labidi"/>. Par la suite, la répression sanglante des « [[émeutes du pain]] » de décembre [[1983]]<ref name="chautard169"/>, la nouvelle déstabilisation de l’UGTT et l’arrestation de son dirigeant [[Habib Achour]], tout comme le recours de plus en plus fréquent à la manière forte face à la contestation sociale et islamiste, contribuent à accélérer la chute du président vieillissant<ref name="labidi"/>. En [[1986]], le pays passe également par une grave crise financière : Bourguiba désigne alors le [[8 juillet]] le technocrate [[Rachid Sfar]] comme premier ministre et le charge de mettre en œuvre un plan d’ajustement structurel de l’économie recommandé par le [[Fonds monétaire international]] et destiné à rétablir les équilibres financiers du pays<ref name="chautard169"/>. Mais la situation favorise la montée de l’[[islamisme]]<ref name="chautard166"/> et le long règne de Bourguiba s’achève dans une lutte contre l’islamisme menée par [[Zine el-Abidine Ben Ali]], nommé ministre de l’intérieur puis premier ministre en [[octobre 1987]]<ref name="lacjardin74"/>.


Le {{date|25 mars 1956-}}<ref name="borsbey"/>, l'[[Assemblée nationale constituante tunisienne de 1956|Assemblée constituante]] est élue : le Néo-Destour en remporte tous les sièges et Bourguiba est porté à sa tête le {{date|8 avril 1956-}}<ref name="encarta"/>{{,}}{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=71}}. Le {{date|11 avril 1956-}}, il devient le Premier ministre de [[Lamine Bey]]{{sfn|Chautard|2006|p=166}}. Le {{date|12 novembre 1956-}}, la Tunisie fait son entrée à l'[[Organisation des Nations unies]]<ref name="encarta"/>. Le [[Code du statut personnel (Tunisie)|Code du statut personnel]], à tendance progressiste, est proclamé le {{date|13 août 1956-}}<ref>{{Article|langue=fr|format=pdf|titre=Décret du 13 août 1956 portant promulgation du Code du statut personnel|périodique=[[Journal officiel de la République tunisienne|Journal officiel tunisien]]|numéro=104|date=28 décembre 1956|pages=1742|issn=0330-7921|lire en ligne=https://www.pist.tn/jort/1956/1956F/Jo10456.pdf}}.</ref> et, le {{date|25 juillet 1957}}, la monarchie est abolie, la Tunisie devenant une [[république]]<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Proclamation de la république en Tunisie|url=http://www.ina.fr/video/AFE85007495/proclamation-de-la-republique-en-tunisie.fr.html|date=31 juillet 1957|site=ina.fr}}.</ref> dont Bourguiba est élu président{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=74}} le {{date|8 novembre 1959}}{{sfn|Chautard|2006|p=167}}. Son passé de résistant puis les mesures prises au lendemain de l'indépendance pour émanciper les femmes et combattre la pauvreté ainsi que l'analphabétisme contribuent à affermir son autorité<ref name="labidi"/>. La [[Constitution tunisienne de 1959|Constitution républicaine]] est définitivement ratifiée le {{date|1 juin 1959}}{{sfn|Chautard|2006|p=167}}.
Le {{Date|7|novembre|1987}}, Ben Ali dépose le président pour sénilité, action accueillie favorablement par une large fraction du monde politique<ref name="chautard169"/>. Élu le {{Date|2|avril|1989}} avec 99,27 % des voix<ref name="gharbi">{{fr}} [http://www.jeuneafrique.com/jeune_afrique/article_jeune_afrique.asp?art_cle=LIN02116radionoitce0 Samir Gharbi, « Radiographie d’une élection », ''Jeune Afrique'', 2 novembre 1999]</ref>, le nouveau président réussit à relancer l’économie alors que, sur le plan de la sécurité, le régime s’enorgueillit d’avoir épargné au pays les convulsions islamistes qui ensanglantent l’Algérie voisine, grâce à la neutralisation du parti [[Ennahda]] au prix de l’arrestation de dizaines de milliers de militants et de multiples procès au début des [[années 1990]]<ref name="labidi"/>. Les opposants laïques signent quant à eux le Pacte national en [[1988]], plate-forme destinée à la démocratisation du régime. Pourtant, l’[[Opposition politique en Tunisie|opposition]] et de nombreuses [[Organisation non gouvernementale|ONG]] de défense des [[droits de l'homme]] accusent peu à peu le régime d’attenter aux libertés publiques<ref name="nomade708"/> en étendant la répression au-delà du mouvement islamiste. En [[1994]], le président Ben Ali est réélu avec 99,91 % des voix<ref>{{fr}} [http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_761588595/Ben_Ali_Zine_el-Abidine.html Encarta] avance le chiffre de 99,80 %.</ref>{{,}}<ref name="camaugeisser241">Michel Camau et Vincent Geisser, ''op. cit.'', p. 241</ref> et signe l’année suivante un accord de libre-échange avec l’[[Union européenne]]<ref name="quitout13"/>.


Le {{date|8 février 1958}}, en pleine [[guerre d'Algérie]], des avions de l'[[Forces armées françaises|armée française]] franchissent la [[Frontière entre l'Algérie et la Tunisie|frontière algéro-tunisienne]] et [[Bombardement de Sakiet Sidi Youssef|bombardent]] le village tunisien de [[Sakiet Sidi Youssef]]<ref name="encarta"/>. En [[1961]], dans un contexte d'achèvement prévisible de la guerre, la Tunisie revendique la rétrocession de la base de Bizerte{{sfn|Quitout|2002|p=13}} : la [[Crise de Bizerte|crise]] qui suit fait près d'un millier de morts, essentiellement tunisiens{{sfn|Quitout|2002|p=13}}, et la France finit, le {{date|15 octobre 1963}}, par rétrocéder la base à l'État tunisien{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=74}}.
[[Image:Powel Ben Ali.jpg|right|thumb|upright=1.4|Rencontre entre [[Colin Powell]] et Ben Ali ({{Date|17|février|2004}})]]


[[Fichier:Nouira bourguiba 1974.jpg|vignette|Bourguiba et le Premier ministre Hédi Nouira au congrès du PSD en 1974.]]
Les [[Élection présidentielle tunisienne de 1999|élections]] du {{Date|24|novembre|1999}}, bien qu’elles soient les premières présidentielles à être pluralistes avec trois candidats, voient le président Ben Ali réélu avec un score comparable aux scrutins précédents<ref name="gharbi"/>{{,}}<ref name="camaugeisser241"/> (99,45 %<ref>{{fr}} [http://fr.ca.encarta.msn.com/encyclopedia_761568505_7/Tunisie.html Encarta] avance le chiffre de 99,44 % et ''[[Le Canard enchaîné]]'' n°4581 (« Carthage de ses artères », 13 août 2008, p. 8) celui de 99,40 %.</ref>). La réforme de la constitution approuvée par [[référendum]] le [[26 mai]] [[2002]] accroît encore les pouvoirs du président, repousse l’âge limite des candidats, supprime la limite des trois mandats réintroduite en 1988 et permet au président de briguer de nouveaux mandats au-delà de l’échéance de [[2004]] tout en bénéficiant d’une immunité judiciaire à vie<ref name="labidi"/>.


Dans les [[années 1960]], alors que toutes les institutions du pays sont tenues par le parti au pouvoir, désormais connu sous le nom de [[Parti socialiste destourien (1964-1988)|Parti socialiste destourien]] (PSD), l'[[université de Tunis]] demeure encore un forum où les questions de développement et de démocratie sont débattues et les choix politiques de Bourguiba critiqués<ref name="labidi"/>. Cela n'empêche pas, le {{date|12 août 1961}}, l'assassinat de Salah Ben Youssef, principal opposant de Bourguiba à partir de 1955{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=74}}, à [[Francfort-sur-le-Main|Francfort]], tandis que le [[Mouvement Ettajdid|Parti communiste]] (PCT) est interdit le {{date|8 janvier 1963}}.
Le {{Date|11|avril|2002}}, un attentat au camion piégé vise la [[synagogue de la Ghriba]] et provoque la mort de 19 personnes dont 14 [[Tourisme en Tunisie|touristes]] [[Allemagne|allemands]].


[[Fichier:Ahmed Bensalah.jpg|gauche|vignette|Ahmed Ben Salah prononçant un discours.]]
Entre [[2004]] et [[2006]], la vie politique se caractérise par la poursuite de la répression politique. En [[septembre 2005]], un texte de loi voté par la [[Chambre des députés (Tunisie)|Chambre des députés]] accorde des avantages aux « présidents de la République dès la cessation de leurs fonctions » et à leurs familles en cas de décès<ref name="labidi"/>. En [[novembre 2005]], le pays attire l’attention de la communauté internationale en organisant la deuxième phase du [[Sommet mondial sur la société de l'information]] sous l’égide de l’[[Organisation des Nations unies|ONU]]. En plein sommet, les actions menées par l’opposition focalisent les médias internationaux sur la question de la liberté d’expression. À cette occasion, le rapprochement entre islamistes et personnalités laïques comme Ahmed Néjib Chebbi et [[Hamma Hammami]] suscite une campagne de diffamation de la part du pouvoir mais aussi de vives réactions venant de personnalités indépendantes et d’animateurs du [[mouvement Ettajdid]]<ref name="labidi"/>.


La République tunisienne devient donc un régime de [[parti unique]] dirigé par le Néo-Destour{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=74}}. En {{date|mars 1963}}, [[Ahmed Ben Salah]] entame une politique « socialiste » d'étatisation pratiquement totale de l'[[Économie de la Tunisie|économie]], avec la nationalisation des terres agricoles encore aux mains d'étrangers le {{date|12 mai 1964}}{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=74}}.
== Notes et références ==


Des émeutes contre la collectivisation des terres dans le [[Sahel tunisien]] le {{date|26 janvier 1969}} poussent au limogeage de Ben Salah le {{date|8 septembre 1969-}} avec la fin de l'expérience socialiste{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=74}}. En avril [[1972]], un Code des investissements très libéral est promulgué sous l'impulsion du Premier ministre [[Hédi Nouira]]<ref name="encarta"/>, changeant ainsi la philosophie économique du pays{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=74}}. Avec une économie affaiblie par la fin du socialisme et un [[panarabisme]] défendu par [[Mouammar Kadhafi]], un projet politique qui unifierait la Tunisie et la [[Jamahiriya arabe libyenne|Libye]] sous le nom de [[Projet d'union entre la Tunisie et la Libye|République arabe islamique]] est lancé en [[1974]] mais échoue très rapidement en raison des tensions tant nationales qu'internationales. Après la condamnation à une lourde peine de prison de Ben Salah, rendu responsable de l'échec de la politique des [[coopérative]]s, viennent l'épuration de l'aile libérale du PSD animée par [[Ahmed Mestiri]] puis la proclamation de Bourguiba comme président à vie en [[1975]]<ref name="encarta"/>. C'est dans ces conditions, marquées par un léger desserrement de l'étau du PSD sous le gouvernement d'[[Hédi Nouira]], que l'UGTT gagne en autonomie à travers son hebdomadaire ''Echaab'' (Le Peuple) tandis que naissent en [[1977]] la [[Ligue tunisienne des droits de l'homme]] et le journal indépendant ''[[Erraï]]'' (L'Opinion)<ref name="labidi"/>.
{{Références|colonnes=2}}


[[Fichier:26jan78.jpg|vignette|Manifestation devant le siège de l'UGTT le 26 janvier 1978.]]
== Bibliographie ==
=== Antiquité ===


Le coup de force du « [[Jeudi noir (1978)|Jeudi noir]] » contre l'UGTT en [[janvier 1978]] puis l'[[Événements de Gafsa (1980)|attaque]] contre la ville minière de [[Gafsa]], en janvier [[1980]], ne suffisent pas à museler la société civile émergente. Malgré le harcèlement de journaux comme ''Errai'' ou ''Al Maarifa'', de nouvelles publications telles que ''Le Phare'', ''Démocratie'', ''L'Avenir'', ''Al Mojtama'a'' ou ''15-21'' voient le jour<ref name="labidi"/>. Dès le début des [[années 1980]], le pays traverse une crise politique et sociale{{sfn|Chautard|2006|p=169}} où se conjuguent le développement du [[clientélisme]] et de la [[corruption]], la paralysie de l'État devant la dégradation de la santé de Bourguiba, les luttes de succession et le durcissement du régime. En [[1981]], la restauration partielle du pluralisme politique, avec la levée de l'interdiction frappant le Parti communiste, suscite des espoirs qui seront déçus par la falsification des résultats aux élections législatives de novembre, auxquelles prennent part le PSD, le PCT et deux nouvelles formations non encore légalisées : le [[Mouvement des démocrates socialistes]] et le futur [[Parti de l'unité populaire]]<ref name="labidi"/>. Par la suite, la répression sanglante des « [[émeutes du pain]] » de décembre [[1983]]{{sfn|Chautard|2006|p=169}}, la nouvelle déstabilisation de l'UGTT et l'arrestation de son dirigeant [[Habib Achour]], tout comme le recours de plus en plus fréquent à la manière forte face à la contestation sociale et islamiste, contribuent à accélérer la chute du président vieillissant<ref name="labidi"/>. En [[1986]], le pays passe également par une grave crise financière : Bourguiba désigne alors le {{date|8 juillet 1986-}} le technocrate [[Rachid Sfar]] comme Premier ministre et le charge de mettre en œuvre un plan d'ajustement structurel de l'économie recommandé par le [[Fonds monétaire international]] et destiné à rétablir les équilibres financiers du pays{{sfn|Chautard|2006|p=169}}. Mais la situation favorise la montée de l'[[islamisme]]{{sfn|Chautard|2006|p=166}} et le long règne de Bourguiba s'achève dans une lutte contre l'islamisme menée par [[Zine el-Abidine Ben Ali]], nommé ministre de l'Intérieur puis Premier ministre en octobre [[1987]]{{sfn|Lacoste|Lacoste-Dujardin|1991|p=74}}.
{|width="100%"
| valign="top" width="50%" |
*François Decret, ''Carthage ou l’empire de la mer'', éd. du Seuil (coll. Points histoire), Paris, 1977 {{ISBN|2020047128}}
*Hédi Dridi, ''Carthage et le monde punique'', éd. Les Belles Lettres, Paris, 2006 {{ISBN|2251410333}}
*[[M'hamed Hassine Fantar]], ''Carthage. Approche d’une civilisation'', éd. Alif, Tunis, 1993 {{ISBN|0012452578}}
*Christophe Hugoniot, ''Rome en Afrique. De la chute de Carthage aux débuts de la conquête arabe'', éd. Flammarion, Paris, 2000 {{ISBN|2080830031}}
| valign="top" width="50%" |
*[[Serge Lancel]], ''Carthage'', éd. Cérès, Tunis, 1999 {{ISBN|9973194209}}
*[[Yann Le Bohec]], ''Histoire militaire des guerres puniques. 264-146 avant J.-C.'', éd. du Rocher, Monaco, 2003 {{ISBN|9782268021478}}
*Ammar Mahjoubi, ''Villes et structures de la province romaine d’Afrique'', éd. Centre de publication universitaire, Tunis, 2000 {{ISBN|9973937953}}
*Hédi Slim et Nicolas Fauqué, ''La Tunisie antique. De Hannibal à saint Augustin'', éd. Mengès, Paris, 2001 {{ISBN|285620421X}}
*Jean-Paul Morel, ''La Tunisie, carrefour du monde antique'', éd. Faton, Paris, 2000 {{ISBN|9782878440201}}
|}


=== Présidence de Zine el-Abidine Ben Ali (1987-2011) ===
=== Conquête arabe à la période ottomane ===
==== Période 1987-1999 ====
Le {{date|7 novembre 1987}}, Ben Ali dépose le président pour sénilité, action accueillie favorablement par une large fraction du monde politique{{sfn|Chautard|2006|p=169}}. Élu le {{date|2 avril 1989}} avec 99,27 % des voix<ref name="gharbi">{{Article|langue=fr|auteur1=Samir Gharbi|titre=Radiographie d'une élection|périodique=[[Jeune Afrique]]|date=2 novembre 1999|issn=1950-1285|lire en ligne=http://www.jeuneafrique.com/jeune_afrique/article_jeune_afrique.asp?art_cle=LIN02116radionoitce0}}.</ref>, le nouveau président réussit à relancer l'économie alors que, sur le plan de la sécurité, le régime s'enorgueillit d'avoir épargné au pays les convulsions islamistes qui ensanglantent l'Algérie voisine, grâce à la neutralisation du parti [[Ennahdha]] au prix de l'arrestation de dizaines de milliers de militants et de multiples procès au début des [[années 1990]]<ref name="labidi"/>. Les opposants laïques signent quant à eux le Pacte national en [[1988]], plate-forme destinée à la démocratisation du régime. Pourtant, l'[[Zine el-Abidine Ben Ali#Oppositions|opposition]] et de nombreuses [[Organisation non gouvernementale|ONG]] de défense des [[droits de l'homme]] accusent peu à peu le régime d'attenter aux libertés publiques<ref name="nomade708"/> en étendant la répression au-delà du mouvement islamiste. En [[1994]], le président Ben Ali est réélu avec 99,91 % des voix<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Ben Ali, Zine el-Abidine|url=http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_761588595/Ben_Ali_Zine_el-Abidine.html|site=fr.encarta.msn.com}} avance le chiffre de 99,80 %.</ref>{{,}}{{sfn|Camau|Geisser|2004|p=241}} et signe l'année suivante un accord de libre-échange avec l'[[Union européenne]]{{sfn|Quitout|2002|p=13}}.


==== Période 1999-2010 ====
{|width="100%"
| valign="top" width="50%" |
*Taoufik Bachrouch, ''Les élites tunisiennes du pouvoir et de la dévotion : contribution à l’étude des groupes sociaux dominants. 1782-1881'', éd. Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, Tunis, 1989
*Khelifa Chater, ''Dépendance et mutations précoloniales. La Régence de Tunis de 1815 à 1857'', éd. Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, Tunis, 1984
*Mohamed-Hédi Cherif, ''Pouvoir et société dans la Tunisie de H’usayn bin Ali (1705-1740)'', éd. Faculté des lettres et des sciences humaines de Tunis, Tunis, 1984-1986
*Bernard Doumerc, ''Venise et l’émirat hafside de Tunis. 1231-1535'', éd. L’Harmattan, Paris, 1999 {{ISBN|2738480454}}
| valign="top" width="50%" |
*Micheline Galley et Abderrahman Ayoub, ''Histoire des Beni Hilal, et de ce qui leur advint dans leur marche vers l’ouest : versions tunisiennes de la geste hilalienne'', éd. Armand Colin, Paris, 1983
*Abdelhamid Larguèche, ''L’abolition de l’esclavage en Tunisie à travers les archives. 1841-1846'', éd. Alif, Tunis, 1990 {{ISBN|9973716248}}
*[[Paul Sebag]], ''Tunis au {{s-|XVII|e}}. Une cité barbaresque au temps de la course'', éd. L’Harmattan, Paris, 1989 {{ISBN|2738404499}}
|}


[[Fichier:Powell Ben Ali.jpg|vignette|Rencontre entre [[Colin Powell]] et Ben Ali ({{date|17 février 2004}}).]]
=== Protectorat français ===


Les [[Élection présidentielle tunisienne de 1999|élections]] du {{date|24 novembre 1999}}, bien qu'elles soient les premières présidentielles à être pluralistes avec trois candidats, voient le président Ben Ali réélu avec un score comparable aux scrutins précédents<ref name="gharbi"/>{{,}}{{sfn|Camau|Geisser|2004|p=241}} (99,45 %<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Tunisie|url=http://fr.ca.encarta.msn.com/encyclopedia_761568505_7/Tunisie.html|site=fr.ca.encarta.msn.com}} avance le chiffre de 99,44 % alors que {{Article|langue=fr|titre=Carthage de ses artères|périodique=[[Le Canard enchaîné]]|numéro=4581|date=13 août 2008|pages=8|issn=0008-5405}} celui de 99,40 %.</ref>). La réforme de la Constitution approuvée par [[Référendum constitutionnel tunisien de 2002|référendum]] le {{date|26 mai 2002}} accroît encore les pouvoirs du président, repousse l'âge limite des candidats, supprime la limite des trois mandats réintroduite en 1988 et permet au président de briguer de nouveaux mandats au-delà de l'échéance de [[2004]] tout en bénéficiant d'une immunité judiciaire à vie<ref name="labidi"/>.
{|width="100%"
| valign="top" width="50%" |
*Souad Bakalti, ''La femme tunisienne au temps de la colonisation (1881-1956)'', éd. L’Harmattan, Paris, 1996 {{ISBN|2738445497}}
*Abdesslem Ben Hamida, ''Le syndicalisme tunisien. De la Deuxième Guerre mondiale à l’autonomie interne'', éd. Université de Tunis I, Tunis, 1989
*Juliette Bessis, ''La Méditerranée fasciste. L’Italie mussolinienne et la Tunisie'', éd. Karthala, Paris, 1981 {{ISBN|2865370275}}
*[[Paul Henri Balluet d'Estournelles de Constant|Paul d’Estournelles de Constant]], ''La conquête de la Tunisie. Récit contemporain couronné par l’Académie française'', éd. Sfar, Paris, 2002 {{ISBN|978-2951193697}}
*Geneviève Goussaud-Falgas, ''Français de Tunisie. Les dernières années du protectorat'', éd. Alan Sutton, Saint-Cyr-sur-Loire, 2004 {{ISBN|9782849100011}}
| valign="top" width="50%" |
*Serge La Barbera, ''Les Français de Tunisie (1930-1950)'', éd. L’Harmattan, Paris, 2006 {{ISBN|229601075X}}
*Jean-François Martin, ''Histoire de la Tunisie contemporaine. De Ferry à Bourguiba. 1881-1956'', éd. L’Harmattan, Paris, 2003 {{ISBN|9782747546263}}
*Antoine Méléro, ''La Main rouge. L’armée secrète de la république'', éd. du Rocher, Paris, 1997 {{ISBN|226802699X}}
*Louis Périllier, ''La conquête de l’indépendance tunisienne. Souvenirs et témoignages'', éd. Robert Laffont, Paris, 1979 {{ISBN|2221003373}}
|}


Le {{date|11 avril 2002}}, un attentat au camion piégé vise la [[Synagogue de la Ghriba (Djerba)|synagogue de la Ghriba]] et provoque la mort de {{nobr|19 personnes}} dont quatorze [[Tourisme en Tunisie|touristes]] [[Allemagne|allemands]]. Entre [[2004]] et [[2006]], la vie politique se caractérise par la poursuite de la répression politique. En [[septembre 2005]], un texte de loi voté par la [[Chambre des députés (Tunisie)|Chambre des députés]] accorde des avantages aux « présidents de la République dès la cessation de leurs fonctions » et à leurs familles en cas de décès<ref name="labidi"/>. En [[novembre 2005]], le pays attire l'attention de la communauté internationale en organisant la deuxième phase du [[Sommet mondial sur la société de l'information]] sous l'égide de l'[[Organisation des Nations unies|ONU]]. En plein sommet, les actions menées par l'opposition focalisent les médias internationaux sur la question de la liberté d'expression. À cette occasion, le rapprochement entre islamistes et personnalités laïques comme [[Ahmed Néjib Chebbi]] et [[Hamma Hammami]] suscite une campagne de diffamation de la part du pouvoir mais aussi de vives réactions venant de personnalités indépendantes et d'animateurs du [[mouvement Ettajdid]]<ref name="labidi"/>.
=== Indépendance ===


Durant le premier semestre [[2008]], de [[Grèves de Gafsa|graves troubles]] secouent la région minière de [[Gouvernorat de Gafsa|Gafsa]] durement frappée par le [[chômage]] et la [[pauvreté]] ; ce sont les plus importants troubles sociaux depuis l'arrivée au pouvoir du président Ben Ali<ref>{{Chapitre|langue=fr|auteur1=Amin Allal|titre chapitre=Ici si ça ne « bouge » pas, ça n'avance pas !|titre ouvrage=L'État face aux débordements du social au Maghreb|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Karthala|Karthala]]|année=2010|isbn=2845867166|lire en ligne=https://books.google.be/books?id=Qmt0mVylj84C&pg=PA173|passage=173 et suiv.}}.</ref>.
{|width="100%"
| valign="top" width="50%" |
*Driss Abbassi et [[Robert Ilbert]], ''Entre Bourguiba et Hannibal. Identité tunisienne et histoire depuis l’indépendance'', éd. Karthala, Paris, 2005 {{ISBN|2845866402}}
*Tahar Belkhodja, ''Les trois décennies Bourguiba. Témoignage'', éd. Publisud, Paris, 1998 {{ISBN|9782866007874}}
*[[Taoufik Ben Brik]], ''Une si douce dictature. Chroniques tunisiennes 1991-2000'', éd. La Découverte, Paris, 2000 {{ISBN|9782707133243}}
*Michel Camau et [[Vincent Geisser]] (sous la dir. de), ''Tunisie. Dix ans déjà...'', éd. La Documentation française, Paris, 1997 {{ISBN|9783331801577}}
| valign="top" width="50%" |
*Kamel Chenoufi, Gilles Gallo et [[Ahmed Ben Salah]], ''La Tunisie en décolonisation (1957-1972). Genèse des structures de développement et des structures de la République'', éd. Du Lau, Le Pradet, 2004 {{ISBN|9782847500837}}
*Abdelaziz Chneguir, ''La politique extérieure de la Tunisie. 1956-1987'', éd. L’Harmattan, Paris, 2004 {{ISBN|9782747562133}}
*Patrick-Charles Renaud, ''La bataille de Bizerte (Tunisie). 19 au 23 juillet 1961'', éd. L’Harmattan, Paris, 2000 {{ISBN|2738442862}}
|}


=== Révolution tunisienne (2010-2011) ===
== Voir aussi ==
=== Lien interne ===


{{Article détaillé|Révolution tunisienne}}
*[[Chronologie de la Tunisie]]
*[[Esclavage en Tunisie]]
*[[Histoire des Juifs en Tunisie]]
*[[Mouvement national tunisien]]


[[Fichier:Moment historique de la Révolution Tunisienne devant le Ministère de l'Intérieur (DEGAGE) - Avenue Habib Bourguiba - Tunis - 14.01.2011.ogg|vignette|Manifestation du 14 janvier 2011 à Tunis.]]
=== Liens externes ===
[[Fichier:Sit-inKasba3.jpg|vignette|Sit-in à la place de la Kasbah à Tunis le 28 janvier 2011.]]
==== Sites ====


À partir du {{date|18 décembre 2010}}, le pays fait face à une violente crise sociale, à la suite du suicide d'un jeune chômeur, [[Mohamed Bouazizi]], par immolation à [[Sidi Bouzid (Tunisie)|Sidi Bouzid]]<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=Audrey Pelé|titre=Tunisie : décès du jeune homme immolé par le feu|périodique=[[Le Figaro]]|date=5 janvier 2011|issn=0182-5852|lire en ligne=http://www.lefigaro.fr/international/2011/01/05/01003-20110105ARTFIG00544-tunisie-deces-du-jeune-homme-immole-par-le-feu.php}}.</ref>. Le mouvement de contestation, dont les revendications sont à la fois sociales et politiques, s'étend ensuite à d'autres villes du pays<ref>{{Article|langue=fr|titre=Près d'un mois de troubles sociaux en Tunisie|périodique=[[La Dépêche du Midi]]|date=12 janvier 2011|issn=0181-7981|lire en ligne=https://www.ladepeche.fr/article/2011/01/12/989025-Pres-d-un-mois-de-troubles-sociaux-en-Tunisie.html}}.</ref>. Le {{date|13 janvier 2011}}, le président [[Zine el-Abidine Ben Ali]] fait un discours retransmis sur la chaîne télévisée [[Télévision tunisienne 1|Tunisie 7]] et répond à plusieurs questions soulevées par le peuple et l'[[Zine el-Abidine Ben Ali#Oppositions|opposition]], déclare que son mandat en cours serait le dernier et qu'il quitterait donc le pouvoir en [[2014]]<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=[[Pierre Vermeren]]|titre=Tunisie : le goût amer de la Révolution de jasmin|périodique=[[L'Express]]|date=14 janvier 2011|issn=0014-5270|lire en ligne=http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/tunisie-le-gout-amer-de-la-revolution-de-jasmin_952360.html}}.</ref>. Malgré ces initiatives de la part du chef de l'État, des manifestations spontanées ont lieu le [[14 janvier]] sur l'[[avenue Habib-Bourguiba]] à [[Tunis]]. Lors de ces manifestations, toutes les classes sociales sont présentes et manifestent leur volonté de voir partir le président en place. Cependant, elles tournent mal et les forces de police interviennent en utilisant du [[gaz lacrymogène]] et des balles en caoutchouc. Ce même jour, après environ un mois de crise sociale, le président Ben Ali limoge son gouvernement et prévoit des élections législatives anticipées dans les six mois. Après cette déclaration, l'[[état d'urgence]] est décrété puis le président quitte le pays par la voie aérienne<ref>{{Article|langue=fr|titre=Le jour où Ben Ali a fui la Tunisie|périodique=[[L'Express]]|date=14 janvier 2011|issn=0014-5270|lire en ligne=https://www.lexpress.fr/actualite/monde/le-jour-ou-ben-ali-a-fui-la-tunisie_952419.html}}.</ref>. C'est son Premier ministre [[Mohamed Ghannouchi]] qui devient le président par intérim, avant que [[Fouad Mebazaa]] ne soit proclamé le lendemain par le [[Conseil constitutionnel (Tunisie)|Conseil constitutionnel]] en sa qualité de président de la [[Chambre des députés (Tunisie)|Chambre des députés]]<ref>{{Article|langue=fr|titre=Tunisie : Mebazaa président par intérim|périodique=[[Le Figaro]]|date=15 janvier 2011|issn=0182-5852|lire en ligne=http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/01/15/97001-20110115FILWWW00390-tunisie-mebazaa-president-par-interim.php}}.</ref>. Celui-ci confirme Ghannouchi comme Premier ministre et lui demande de former un [[Gouvernement Mohamed Ghannouchi (2)|gouvernement d'union nationale]] dont beaucoup de membres font partie du [[Rassemblement constitutionnel démocratique]] (RCD) au pouvoir<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Tunisie : le président et le PM quittent le RCD|url=http://www.europe1.fr/International/Tunisie-le-president-et-le-PM-quittent-le-RCD-377213/|date=18 janvier 2011|site=europe1.fr}}.</ref>. À la suite des différentes contestations, Ghannouchi est remplacé le [[27 février]] remplacé par [[Béji Caïd Essebsi]]<ref>{{Article|langue=fr|titre=Tunisie : le Premier ministre annonce sa démission|périodique=[[Le Figaro]]|date=27 février 2011|issn=0182-5852|lire en ligne=http://www.lefigaro.fr/international/2011/02/27/01003-20110227ARTFIG00129-tunisie-le-premier-ministre-annonce-sa-demission.php}}.</ref>. Le [[3 mars]], le président par intérim annonce l'élection d'une [[Assemblée nationale constituante tunisienne de 2011|Assemblée constituante]] qui doit rédiger une nouvelle [[Constitution de la Tunisie|Constitution]]. Le [[7 mars]], Caïd Essebsi nomme son [[Gouvernement Béji Caïd Essebsi|gouvernement]] avant que le RCD soit dissous deux jours plus tard.
{{CommonsCat|History of Tunisia|l’histoire de Tunisie}}


=== Transition et présidence de Moncef Marzouki (2011-2014) ===
*{{fr}} [http://www.ishmn.rnu.tn/presentation.htm Institut supérieur d’histoire du mouvement national]
*{{fr}} [http://www.archives.nat.tn/fr/default.asp Archives nationales de Tunisie]
*{{fr}} [http://www.italianiditunisia.com/frm-main.php?lingua=FRA Italiens de Tunisie]
*{{fr}} [http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?action=ft&mc=Tunisie&cs_page=0&cs_order=3 Documents de l’Institut national de l’audiovisuel (France)]


{{Article détaillé|Transition démocratique en Tunisie}}
==== Documents ====
*{{fr}} [http://revel.unice.fr/cmedi/document.html?id=100 Abdesslem Ben Hamida, « Identité tunisienne et représentation de l’Autre à l’époque coloniale », ''Cahiers de la Méditerranée'', vol. 66, 21 juillet 2005]
*{{fr}} [http://revel.unice.fr/cmedi/document.html?id=104 Fayçal El Ghoul, « Le Français de Tunisie et l’Autre dans les années 1920-1930 », ''Cahiers de la Méditerranée'', vol. 66, 21 juillet 2005]
*{{fr}} {{pdf}} [http://www.celat.ulaval.ca/histoire.memoire/b2006/Kazdaghli.pdf Habib Kazdaghli, « Rétrospective des politiques mémorielles en Tunisie à travers l’histoire des statues et des monuments ({{sp-|XIX|e|-|XX|e|s}}</small> », colloque « Expériences et mémoire : partager en français la diversité du monde », 2006]


L'Assemblée constituante est élue le [[Élections constituantes tunisiennes de 2011|23 octobre 2011]] au [[Scrutin proportionnel plurinominal|scrutin de liste à la proportionnelle]], avec une parité hommes-femmes et une répartition au plus fort reste. Les [[Islamisme|islamistes]] d'[[Ennahdha]] obtiennent une majorité relative ({{nobr|89 sièges}} sur 217) et concluent une [[Troïka (Tunisie)|coalition gouvernementale]] avec le [[Congrès pour la République (Tunisie)|Congrès pour la République]] (CPR), un parti de gauche nationaliste, et [[Ettakatol]], un parti [[Social-démocratie|social-démocrate]], sur la base d'une répartition des responsabilités<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Signature d'une « déclaration d'entente » entre Ennahdha, le CPR et Ettakatol|url=http://www.algerieinfos-saoudi.com/article-tunisie-signature-d-une-declaration-d-entente-entre-ennahdha-le-cpr-et-ettakatol-89508226.html|date=21 novembre 2011|site=algerieinfos-saoudi.com}}.</ref> : la présidence de la République va à [[Moncef Marzouki]] (CPR), la présidence du gouvernement à [[Hamadi Jebali]] (Ennahdha) et la présidence de l'assemblée à [[Mustapha Ben Jaafar]] (Ettakatol). Cette alliance provoque des dissidences à l'intérieur des deux partenaires d'Ennahdha sans toutefois mettre en danger le gouvernement, puisque la coalition conserve la majorité absolue.
{{Histoire de la Tunisie}}
{{HistoireAfrique}}
{{Article potentiellement de qualité|oldid=32786827|date=26 août 2008}}
{{Portail|Tunisie|Cliopédia}}


[[Fichier:RIP Chokri Belaid.JPG|vignette|Enterrement de Chokri Belaïd au cimetière du Djellaz.]]
<!--[[en:History of ancient Tunisia]]-->

Plusieurs crises sécuritaires se succèdent alors, avec des manifestations qui dégénèrent<ref>{{Lien web|langue=fr|auteur1=Synda Tajine|auteur2=Monia Ben Hamadi|titre=Tunisie - Manifestations du 9 avril : le régime policier marque un retour fracassant !|url=http://www.businessnews.com.tn/Tunisie---Manifestations-du-9-avril--Le-r%C3%A9gime-policier-marque-un-retour-fracassant!,519,30424,1|date=9 avril 2012|site=businessnews.com.tn}}.</ref> mais aussi avec l'attaque de l'ambassade américaine et de l'[[American Cooperative School of Tunis|école américaine]] par des salafistes le {{date|14 septembre 2012-}}<ref>{{Lien web|langue=fr|auteur=Noureddine Hlaoui|titre=La Tunisie humiliée par ses enfants salafistes|url=http://www.businessnews.com.tn/details_article.php?t=519&a=33425&temp=1&lang=|date=14 septembre 2012|site=businessnews.com.tn}}.</ref>. Cette période est surtout marquée par l'irruption de la violence politique : le {{date|18 octobre 2012-}}, le coordinateur de [[Nidaa Tounes]] à [[Tataouine]], Lotfi Nagdh, est mortellement blessé à la suite d'une manifestation violente déclenchée par des membres de la [[Ligue de protection de la révolution]]<ref>{{Article|langue=fr|titre=Tunisie : un mort dans le Sud lors de violences entre adversaires politiques|périodique=[[L'Orient-Le Jour]]|date=18 octobre 2012|issn=1564-0280|lire en ligne=https://www.lorientlejour.com/article/783357/Tunisie%253A_un_mort_dans_le_Sud_lors_de_violences_entre_adversaires_politiques.html}}.</ref> ; le {{date|6 février 2013}}, [[Chokri Belaïd]], un opposant politique, est assassiné en quittant en voiture son domicile du quartier d'[[El Menzah]] VI<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Chokri Belaïd assassiné|url=http://mag14.com/national/40-politique/1510-chokri-belaid-assassine.html|date=6 février 2013|site=mag14.com}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=Isabelle Mandraud|titre=Mort de l'opposant tunisien Chokri Belaïd : « On a assassiné un démocrate »|périodique=[[Le Monde]]|date=6 février 2013|issn=0395-2037|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/tunisie/article/2013/02/06/mort-de-l-opposant-tunisien-chokri-belaid-on-a-assassine-un-democrate_1827859_1466522.html}}.</ref>. Ce meurtre ébranle le gouvernement, alors empêtré dans une interminable crise ministérielle. Le soir même, Hamadi Jebali annonce, unilatéralement et sans consultation des [[Partis politiques en Tunisie|partis politiques]], sa décision de former un gouvernement de [[Technocratie|technocrates]] dont la mission serait limitée à la gestion des affaires du pays jusqu'à la tenue d'élections<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Démission du gouvernement tunisien après la mort d'un opposant|url=https://reuters.com/article/topNews/idFRPAE91501B20130206?sp=true|date=6 février 2013|site=reuters.com}}.</ref>. Bien accueillie par une large partie de la population et par l'opposition, cette initiative se heurte à l'hostilité farouche de son propre parti et de son allié, le CPR<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Ennahdha dit non à la dissolution du gouvernement|url=http://www.businessnews.com.tn/Ennahdha-dit-non-%C3%A0-la-dissolution-du-gouvernement-(audio),520,36138,3|date=7 février 2013|site=businessnews.com.tn}}.</ref>. Après plusieurs jours de concertations, le chef du gouvernement finit par annoncer sa démission le [[19 février]] ; Ennahdha désigne alors [[Ali Larayedh]], [[Ministère de l'Intérieur (Tunisie)|ministre de l'Intérieur]], pour lui succéder.

[[Fichier:CeremonieEnterrementMohamedBrahmi 3.JPG|vignette|Enterrement de Mohamed Brahmi au cimetière du Djellaz.]]
[[Fichier:Tunisian National Dialogue Quartet Visit to Vienna March 2016 (25285867191).jpg|vignette|Représentants du quartet du dialogue national au premier plan.]]

Le [[Gouvernement Ali Larayedh|gouvernement Larayedh]] comporte des personnalités indépendantes aux postes de souveraineté ([[Ministère de la Défense (Tunisie)|Défense]], [[Ministère de l'Intérieur (Tunisie)|Intérieur]], [[Ministère des Affaires étrangères (Tunisie)|Affaires étrangères]] et [[Ministère de la Justice (Tunisie)|Justice]]) mais ne parvient pas à rétablir la confiance. La crise politique s'aggrave encore lorsqu'une seconde personnalité politique, [[Mohamed Brahmi]], est assassinée le {{date|25 juillet 2013-}} puis lorsque huit soldats sont tués dans une [[Bataille de Chaambi|embuscade]] au [[djebel Chambi]] le {{date|29 juillet 2013-}}. La contestation contre Ennahdha culmine alors que le renversement en [[Égypte]] du président islamiste [[Mohamed Morsi]] quelques jours plus tôt, le {{date|3 juillet 2013-}}, fait prendre conscience au parti qu'il joue sa survie politique. Un [[Quartet du dialogue national|dialogue national]] s'instaure alors, sous la direction d'un quartette issu de la société civile et dirigé par le puissant syndicat de l'[[Union générale tunisienne du travail]]<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Assassinats politiques : la Tunisie revient de très loin|url=http://www.gnet.tn/temps-fort/assassinats-politiques-la-tunisie-revient-de-tres-loin/id-menu-325.html|date=6 février 2014|site=gnet.tn}}.</ref>. Le projet constitutionnel est totalement réorganisé et rationalisé<ref>{{Article|langue=fr|titre=Tunisie : le vote de la Constitution, mode d'emploi en {{nobr|4 points}}|périodique=[[Jeune Afrique]]|date=9 janvier 2014|issn=1950-1285|lire en ligne=http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20140109162825/tunisie-revolution-tunisienne-constituante-tunisienne-constitution-tunisennetunisie-le-vote-de-la-constitution-mode-d-emploi-en-4-points.html}}.</ref> et une feuille de route organise une sortie de crise par l'achèvement rapide des travaux de l'Assemblée constituante et la mise en place d'un gouvernement de technocrates chargé du maintien de l'ordre, de la gestion des affaires courantes et de l'organisation des premières élections présidentielle et législatives sous le régime de la nouvelle [[Constitution tunisienne de 2014|Constitution]]. Après de nombreux remous, le texte est finalement adopté le {{date|26 janvier 2014}} et [[Mehdi Jomaa]], jusqu'alors [[Ministère de l'Industrie (Tunisie)|ministre de l'Industrie]], est chargé de former le nouveau gouvernement, qui est intronisé le [[29 janvier]].

=== Présidence de Béji Caïd Essebsi (2014-2019) ===
À la suite des [[Élections législatives tunisiennes de 2014|élections législatives du 26 octobre 2014]], le parti [[Nidaa Tounes]] arrive en tête du scrutin mais sans [[majorité absolue]] alors qu'[[Ennahdha]], qui avait remporté les élections de 2011, termine deuxième, en fort recul. Ainsi l'[[Assemblée des représentants du peuple]] remplace l'Assemblée constituante. Le premier tour de l'[[Élection présidentielle tunisienne de 2014|élection présidentielle]] a lieu le [[23 novembre]] et voit s'affronter 27 candidats dont deux, en la personne de [[Béji Caïd Essebsi]] ([[Nidaa Tounes]]) avec 39,46 % des voix et Moncef Marzouki avec 33,43 % des voix<ref>{{Article|langue=fr|titre=Présidentielle en Tunisie : Essebsi récolte 39,46 % des suffrages|périodique=[[Le Figaro]]|date=25 novembre 2014|issn=0182-5852|lire en ligne=http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/11/25/97001-20141125FILWWW00160-presidentielle-en-tunisie-essebsi-recolte-3946-des-suffrages.php}}.</ref>, sont qualifiés pour le second tour organisé le [[21 décembre]] et qui permet à Caïd Essebsi de remporter le scrutin avec 55,68 % des voix contre 44,32 % des voix pour Marzouki<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Tunisie : le candidat laïque Béji Caïd Essebsi remporte la présidentielle avec 55,68 % des voix|url=https://www.francetvinfo.fr/monde/tunisie/elections-en-tunisie/tunisie-le-candidat-laique-beji-caid-essebsi-remporte-la-presidentielle-avec-55-68-des-voix_779133.html|date=25 novembre 2014|site=francetvinfo.fr}}.</ref> et de devenir ainsi le premier président issu d'une élection démocratique et transparente. Le [[quartet du dialogue national]], association de quatre organisations s'étant donné pour but d'organiser des négociations entre les [[Partis politiques en Tunisie|partis politiques]] pour assurer la transition vers un régime démocratique permanent, obtient le [[prix Nobel de la paix]] [[2015]]<ref name=":0">{{Lien web|langue=en|titre=The Nobel Peace Prize 2015|url=http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/peace/laureates/2015/|site=nobelprize.org}}.</ref>. Ce prix est le premier [[Prix Nobel|Nobel]] attribué à un ressortissant ou organisation de la Tunisie<ref name=":0"/> après son indépendance<ref>[[Charles Nicolle]] reçoit le [[prix Nobel de physiologie ou médecine]] [[1928]] « pour ses travaux sur le [[typhus]] » à la tête de l'[[Institut Pasteur de Tunis]].</ref>. [[Ban Ki-moon]], [[secrétaire général des Nations unies]], exprime sa joie et félicite le quartet tout en affirmant que ce prix est dédié à tous les Tunisiens qui ont commencé le [[Printemps arabe]]<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=L'ONU salue l'attribution du Prix Nobel de la paix au Quartet du dialogue national tunisien|url=http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=35814#.VmiCcbyiaQs|date=|site=un.org}}.</ref>.

Le {{date|18 mars 2015}}, une [[Attaque du musée du Bardo|attaque terroriste]] a lieu au [[Le Bardo|Bardo]], près de [[Tunis]], sous la forme d'une fusillade, d'abord près du [[Assemblée des représentants du peuple|Parlement]], où ont lieu des auditions sur la loi anti-terroriste puis au [[Musée national du Bardo (Tunisie)|musée national du Bardo]]. Événement inédit jusqu'alors pour le pays, l'attentat cause la mort de {{unité|25|personnes}}, dont {{unité|22|touristes}}, {{unité|un|agent}} des forces de l'ordre et les {{unité|deux|terroristes}}, ainsi que {{unité|47|blessés}}<ref name="match">{{Article|langue=fr|titre=Qui sont les victimes du Bardo ?|périodique=[[Paris Match]]|date=19 mars 2015|issn=0397-1635|lire en ligne=http://www.parismatch.com/Actu/International/Qui-sont-les-victimes-du-Bardo-728576}}.</ref>{{,}}<ref name="liberation20">{{Article|langue=fr|titre=Tunisie : un troisième Français est mort après l'attaque du Bardo|périodique=[[Libération (journal)|Libération]]|date=20 mars 2015|issn=0335-1793|lire en ligne=http://www.liberation.fr/monde/2015/03/20/tunisie-un-3e-francais-est-mort-apres-l-attaque-du-bardo_1224706}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=fr|titre=Tunis, une troisième victime française identifiée|périodique=[[Le Figaro]]|date=20 mars 2015|issn=0182-5852|lire en ligne=http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2015/03/20/97001-20150320FILWWW00132-tunis-une-troisieme-victime-francaise-identifiee.php}}.</ref>. L'attaque est revendiquée par l'[[État islamique (organisation)|État islamique]].

En 2017 et 2018, le pays est touché par plusieurs vagues de contestation. Des Tunisiens expriment leur ras le bol face à la cherté de la vie, à l'[[inflation]], et au chômage qui reste au-dessus de 15 %, et dépasse 30 % chez les jeunes diplômés. Globalement, le pays connaît une certaine morosité et inquiétude économique<ref>{{Article|langue=fr|titre=En Tunisie, des contestations nourries par une économie bloquée|périodique=[[Le Point]]|date=17 janvier 2018|issn=0242-6005|lire en ligne=https://www.lepoint.fr/monde/en-tunisie-des-contestations-nourries-par-une-economie-bloquee-17-01-2018-2187366_24.php}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=Alexis Feertchak|titre=Manifestations, grèves, violences : comprendre la crise en Tunisie en quatre questions|périodique=[[Le Figaro]]|date=11 janvier 2018|issn=0182-5852|lire en ligne=http://www.lefigaro.fr/international/2018/01/11/01003-20180111ARTFIG00199-manifestations-greves-violences-comprendre-la-crise-en-tunisie-en-quatre-questions.php}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Tunisie : le point sur les mouvements sociaux qui grondent|url=https://www.francetvinfo.fr/monde/tunisie/crise-en-tunisie/tunisie-le-point-sur-les-mouvements-sociaux-qui-grondent_2555263.html|date=10 janvier 2018|site=francetvinfo.fr}}.</ref>. L'Observatoire social tunisien recense {{nombre|5000|mouvements}} de protestation en 2015, plus de {{formatnum:11000}} en 2017 et {{formatnum:4500}} pour les quatre premiers mois de 2018<ref name=":2">{{Article|langue=fr|auteur1=Thierry Brésillon|titre=Une Tunisie contre l'autre|périodique=[[Le Monde diplomatique]]|numéro=776|date=novembre 2018|pages=11|issn=0026-9395|lire en ligne=https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BRESILLON/59254}}.</ref>.

=== Présidence de Kaïs Saïed (depuis 2019) ===

[[Fichier:Kaïs Saïed 3.jpg|vignette|redresse|Kaïs Saïed à son arrivée au palais de Carthage pour son investiture.]]

Le président [[Béji Caïd Essebsi]] meurt le {{date|25 juillet 2019}}, à {{nobr|92 ans}}. Fin 2019, un double scrutin, [[Élections législatives tunisiennes de 2019|législatif]] le {{date|6 octobre}}, et [[Élection présidentielle tunisienne de 2019|présidentiel]], avec un premier tour en septembre et le second tour le {{date|13 octobre}}, se déroule sans heurts, montrant une certaine maturité de la démocratie électorale en Tunisie. Les élections législatives aboutissent cependant à une assemblée fragmentée entre diverses formations<ref>{{Article|langue=fr|titre=Élections législatives en Tunisie : le parti d'inspiration islamiste Ennahda en tête mais loin de la majorité|périodique=[[Le Monde]]|date=10 octobre 2019|issn=0395-2037|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/10/legislatives-en-tunisie-le-parti-d-inspiration-islamiste-ennahdha-en-tete-mais-loin-de-la-majorite_6014883_3210.html}}.</ref>. L'élection présidentielle propulse à la tête de l'État un nouveau venu dans le monde politique, un juriste et universitaire spécialiste du [[droit constitutionnel]], âgé de {{nobr|61 ans}}, [[Kaïs Saïed]], élu avec une confortable avance face, au second tour, à l'homme d'affaires [[Nabil Karoui]]. Kaïs Saïed propose durant sa campagne une vision associant un certain conservatisme moral et religieux, un [[souverainisme]], et un mode de fonctionnement démocratique à rebours de l'organisation centralisée [[Habib Bourguiba|bourguibienne]]<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=Frédéric Bobin|auteur2=Mohamed Haddad|auteur3=Lilia Blaise|titre=Élection présidentielle en Tunisie : Kaïs Saïed, ou le nouveau paradigme tunisien|périodique=[[Le Monde]]|date=13 octobre 2019|issn=0395-2037|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/10/13/election-presidentielle-en-tunisie-kais-saied-ou-le-nouveau-paradigme-tunisien_6015361_3212.html}}.</ref>.

Conformément à la Constitution, ce nouveau président propose à [[Habib Jemli]] de former un gouvernement. Habib Jemli est désigné par le parti islamiste [[Ennahdha]], la formation la mieux placée aux élections législatives, sans pour autant disposer de la majorité : ce parti ne détient que {{nobr|54 sièges}} sur 217. L'Assemblée des représentants du peuple lui refuse sa confiance<ref>{{Article|langue=fr|titre=Tunisie : le gouvernement de Habib Jemli rejeté par le Parlement|périodique=[[Le Monde]]|date=11 janvier 2020|issn=0395-2037|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/11/tunisie-le-gouvernement-de-habib-jemli-rejete-par-le-parlement_6025484_3210.html}}.</ref>. [[Elyes Fakhfakh]], membre du parti [[Ettakatol]], est alors désigné par le président pour tenter de constituer un gouvernement, comme le prévoit l'article 89 de la Constitution<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Officiel : Elyes Fakhfakh, nouveau chef du gouvernement désigné|url=https://www.mosaiquefm.net/fr/actualite-politique-tunisie/674137/officiel-elyes-fakhfakh-nouveau-chef-du-gouvernement-designe|date=20 janvier 2020|site=mosaiquefm.net}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=fr|auteur=Hamza Marzouk|titre=Elyes Fakhfakh futur chef de gouvernement, est-ce possible ?|url=https://www.leconomistemaghrebin.com/2020/01/21/elyes-fakhfakh-futur-chef-gouvernement-possible/|date=21 janvier 2020|site=leconomistemaghrebin.com}}.</ref>. Il reçoit le soutien du [[bloc démocrate]] et de [[Tahya Tounes]]<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Le Bloc démocratique et Tahya Tounes voteront pour le gouvernement Fakhfakh|url=http://www.webdo.tn/2020/01/21/le-bloc-democratique-et-tahya-tounes-voteront-pour-le-gouvernement-fakhfakh/|date=21 janvier 2020|site=webdo.tn}}.</ref>. Finalement, le 19 février 2020, un accord est trouvé pour former un [[Gouvernement Elyes Fakhfakh|gouvernement]]<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Officiel : la composition du gouvernement Fakhfakh|url=http://kapitalis.com/tunisie/2020/02/19/officiel-la-composition-du-gouvernement-fakhfakh-video/|date=19 février 2020|site=kapitalis.com}}.</ref>, d'intenses négociations ayant été nécessaires avec l'intervention, en médiateurs, de la centrale syndicale ([[Union générale tunisienne du travail|UGTT]]) et de l'organisation patronale ([[Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat|UTICA]]). Le parti [[Ennahdha]] apporte son soutien à ce gouvernement et y obtient sept ministères, mais pas ceux de l'[[Ministère de l'Intérieur (Tunisie)|Intérieur]] et de la [[Ministère de la Justice (Tunisie)|Justice]] qu'il escomptait<ref>{{Article|langue=fr|titre=En Tunisie, bras de fer au sommet autour de la formation d'un gouvernement|périodique=[[Le Monde]]|date=20 février 2020|issn=0395-2037|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/02/20/en-tunisie-bras-de-fer-au-sommet-autour-de-la-formation-d-un-gouvernement_6030218_3212.html}}.</ref>. Le 25 juillet 2020, [[Hichem Mechichi]] est désigné pour remplacer Fakhfakh<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Tunisie : le ministre de l'Intérieur Hichem Mechichi désigné chef du gouvernement|url=https://www.france24.com/fr/20200725-tunisie-le-ministre-de-l-intérieur-hichem-mechichi-désigné-chef-du-gouvernement|date=25 juillet 2020|site=france24.com}}.</ref>.

Le {{date|25 juillet 2021}}, à la suite d'un mouvement de manifestations dans le pays, le président Kaïs Saïed, invoquant l'article 80 de la Constitution, limoge le [[Gouvernement Hichem Mechichi|gouvernement Mechichi]] avec effet immédiat et gèle le parlement, ce qui déclenche une [[Crise politique de 2021-2024 en Tunisie|crise politique]]<ref>{{Article|langue=fr|titre=En Tunisie, des milliers de manifestants défilent contre leurs dirigeants|périodique=[[Le Temps (quotidien suisse)|Le Temps]]|date=25 juillet 2021|issn=1423-3967|lire en ligne=https://www.letemps.ch/monde/tunisie-milliers-manifestants-defilent-contre-leurs-dirigeants}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Kais Saied prend tous les pouvoirs en main, suspend le parlement, limoge Mechichi et s'érige en chef de l'exécutif et du parquet|url=https://www.leaders.com.tn/article/32197-kais-saied-prend-tous-les-pouvoirs-en-main-suspend-le-parlement-limoge-mechichi-et-s-erige-en-chef-de-l-executif-et-du-parquet|date=25 juillet 2021|site=leaders.com.tn}}.</ref>. Le 11 octobre, il nomme [[Najla Bouden]] au poste de chef du gouvernement<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Tunisie : Najla Bouden Romdhane chargée de former un nouveau gouvernement|url=https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20210929-tunisie-najla-bouden-romdhane-charg%C3%A9e-de-former-un-nouveau-gouvernement-officiel|date=29 septembre 2021|site=france24.com}}.</ref>. Après la tenue d'une [[Vote électronique|consultation électronique]], du 15 janvier au 20 mars 2022, le président de la République annonce la tenue d'un [[Référendum constitutionnel tunisien de 2022|référendum constitutionnel]] le 25 juillet et d'[[Élections législatives tunisiennes de 2022-2023|élections législatives]] le 17 décembre<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=[[Mathieu Galtier]]|titre=Tunisie : Kaïs Saied propose des élections législatives pour… fin 2022|périodique=[[Libération (journal)|Libération]]|date=14 décembre 2021|issn=0335-1793|lire en ligne=https://www.liberation.fr/international/afrique/tunisie-kais-saied-propose-des-elections-legislatives-pour-fin-2022-20211214_SAQFGP5NDRGPTDMDCRINMDDLSM/}}.</ref>.

== Notes et références ==
{{Références}}

== Bibliographie ==
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Sophie Bessis]]|titre=Histoire de la Tunisie|sous-titre=de Carthage à nos jours|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Tallandier|Tallandier]]|année=2019|pages totales=528|isbn=979-1021021433}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Mohamed Hédi Chérif]]|titre=Histoire de la Tunisie|sous-titre=de la Préhistoire à l'indépendance|lieu=Tunis|éditeur=Cérès|année=2008|isbn=}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Neila Saadi|titre=Héritages berbères de Tunisie|sous-titre=processus de déconstruction et de construction d'un patrimoine|lieu=Tunis|éditeur=Kalima|année=2022|pages totales=471|isbn=978-9938929959}}.

=== Antiquité ===
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[François Decret]]|titre=Carthage ou l'empire de la mer|collection=Points histoire|lieu=Paris|éditeur=Éditions du Seuil|année=1977|pages totales=251|isbn=978-2020047128}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Hédi Dridi]]|titre=Carthage et le monde punique|lieu=Paris|éditeur=[[Les Belles Lettres]]|année=2006|pages totales=287|isbn=978-2251410333}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[M'hamed Hassine Fantar]]|titre=Carthage|sous-titre=approche d'une civilisation|lieu=Tunis|éditeur=Alif|année=1993|isbn=978-0012452578}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Christophe Hugoniot|titre=Rome en Afrique|sous-titre=de la chute de Carthage aux débuts de la conquête arabe|lieu=Paris|éditeur=Flammarion|année=2000|pages totales=349|isbn=978-2080830036}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Serge Lancel]]|titre=Carthage|lieu=Tunis|éditeur=Cérès|année=1999|pages totales=643|isbn=978-9973194206}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Yann Le Bohec]]|titre=Histoire militaire des guerres puniques|sous-titre=264-146 avant J.-C.|lieu=Monaco|éditeur=[[Éditions du Rocher]]|année=2003|pages totales=342|isbn=978-2268021478}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Ammar Mahjoubi]]|titre=Villes et structures de la province romaine d'Afrique|lieu=Tunis|éditeur=[[Centre de publication universitaire]]|année=2000|pages totales=271|isbn=978-9973937957}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jean-Paul Morel|titre=La Tunisie|sous-titre=carrefour du monde antique|lieu=Dijon|éditeur=Faton|année=1994|pages totales=134|isbn=978-2878440201}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Hédi Slim]]|auteur2=Nicolas Fauqué|titre=La Tunisie antique|sous-titre=de Hannibal à saint Augustin|lieu=Paris|éditeur=Mengès|année=2001|pages totales=259|isbn=978-2856204214}}.

=== Conquête arabe à la période ottomane ===
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Ahmed Abdesselem|titre=Les historiens tunisiens des {{XVIIe|s}}, {{s2-|XVIII|XIX}}|sous-titre=essai d'histoire culturelle|lieu=Paris|éditeur=[[Klincksieck]]|année=1973|pages totales=590|isbn=978-2252015759}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Taoufik Bachrouch]]|titre=Le saint et le prince en Tunisie|sous-titre=les élites tunisiennes du pouvoir et de la dévotion, contribution à l'étude des groupes sociaux dominants (1782-1881)|lieu=Tunis|éditeur=[[Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis]]|année=1989|pages totales=710|isbn=}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Khalifa Chater]]|titre=Dépendance et mutations précoloniales|sous-titre=la régence de Tunis de 1815 à 1857|lieu=Tunis|éditeur=[[Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis|Faculté des lettres et des sciences humaines de Tunis]]|année=1984|pages totales=660|isbn=}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Mohamed Hédi Chérif]]|titre=Pouvoir et société dans la Tunisie de H'usayn bin Ali (1705-1740)|lieu=Tunis|éditeur=[[Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis|Faculté des lettres et des sciences humaines de Tunis]]|année=1984-1986|isbn=}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Bernard Doumerc|titre=Venise et l'émirat hafside de Tunis|sous-titre=1231-1535|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=1999|pages totales=243|isbn=978-2738480453}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Abderrahman Ayoub|auteur2=Micheline Galley|titre=Histoire des Beni Hilal, et de ce qui leur advint dans leur marche vers l'ouest|sous-titre=versions tunisiennes de la geste hilalienne|lieu=Paris|éditeur=[[Armand Colin]]|année=1983|pages totales=254|isbn=}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Abdelhamid Larguèche|titre=L'abolition de l'esclavage en Tunisie à travers les archives, 1841-1846|lieu=Tunis|éditeur=Alif|année=1990|pages totales=93|isbn=978-9973716248}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Paul Sebag]]|titre=Tunis au {{s-|XVII}}|sous-titre=une cité barbaresque au temps de la course|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=1989|pages totales=267|isbn=978-2738404497}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Hédi Slim]]|auteur2=[[Ammar Mahjoubi]]|auteur3=Khaled Belkhodja|auteur4=[[Hichem Djaït]]|auteur5=[[Abdelmajid Ennabli]]|titre=Histoire générale de la Tunisie|volume=II|titre volume=Le Moyen Âge|lieu=Tunis|éditeur=Sud Éditions|année=2005|pages totales=454|isbn=978-9973844507}}.

=== Protectorat français ===
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Souad Bakalti|titre=La femme tunisienne au temps de la colonisation, 1881-1956|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=1996|pages totales=307|isbn=978-2738445490}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Abdesslem Ben Hamida]]|titre=Le syndicalisme tunisien, de la Deuxième Guerre mondiale à l'autonomie interne|lieu=Tunis|éditeur=[[Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis]]|année=1989|pages totales=435|isbn=}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Juliette Bessis]]|titre=La Méditerranée fasciste|sous-titre=l'Italie mussolinienne et la Tunisie|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Karthala|Karthala]]|année=1981|pages totales=412|isbn=978-2865370276}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Paul Henri Balluet d'Estournelles de Constant|Paul d'Estournelles de Constant]]|titre=La conquête de la Tunisie|sous-titre=récit contemporain couronné par l'Académie française|lieu=Paris|éditeur=Sfar|année=2002|pages totales=446|isbn=978-2951193697}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Daniel Goldstein|titre=Libération ou annexion|sous-titre=aux chemins croisés de l'histoire tunisienne, 1914-1922|lieu=Tunis|éditeur=Maison tunisienne de l'édition|année=1978|pages totales=535|isbn=}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Geneviève Goussaud-Falgas|titre=Français de Tunisie|sous-titre=les dernières années du protectorat|lieu=Saint-Cyr-sur-Loire|éditeur=Alan Sutton|année=2004|pages totales=128|isbn=978-2849100011}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Serge La Barbera|auteur2=[[Lucette Valensi]]|titre=Les Français de Tunisie, 1930-1950|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2006|pages totales=405|isbn=978-2296010758}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jean-François Martin|titre=Histoire de la Tunisie contemporaine|sous-titre=de Ferry à Bourguiba, 1881-1956|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2003|pages totales=275|isbn=978-2747546263|lire en ligne=https://books.google.ch/books?id=eeOf8EanADkC&newbks=1&newbks_redir=0&lpg=PP1&hl=fr&pg=PP1#v=onepage&q&f=false}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Antoine Méléro]]|titre=La Main rouge|sous-titre=l'armée secrète de la république|lieu=Monaco|éditeur=[[Éditions du Rocher]]|année=1997|pages totales=259|isbn=978-2268026992}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Louis Périllier]]|titre=La conquête de l'indépendance tunisienne|sous-titre=souvenirs et témoignages|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Robert Laffont|Robert Laffont]]|année=1979|pages totales=303|isbn=978-2221003374}}.

=== Indépendance ===
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Driss Abbassi|auteur2=[[Robert Ilbert]]|titre=Entre Bourguiba et Hannibal|sous-titre=identité tunisienne et histoire depuis l'indépendance|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Karthala|Karthala]]|année=2005|pages totales=265|isbn=978-2845866409}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Tahar Belkhodja]]|titre=Les trois décennies Bourguiba|sous-titre=témoignage|lieu=Paris|éditeur=Publisud|année=1998|pages totales=286|isbn=978-2866007874}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Taoufik Ben Brik]]|titre=Une si douce dictature|sous-titre=chroniques tunisiennes, 1991-2000|lieu=Paris|éditeur=[[La Découverte]]|année=2000|pages totales=286|isbn=978-2707133243}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Michel Camau|auteur2=[[Vincent Geisser]]|directeur2=oui|titre=Tunisie : dix ans déjà...|lieu=Paris|éditeur=[[La Documentation française]]|année=1997|pages totales=213|isbn=}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Kamel Chenoufi|auteur2=Gilles Gallo|auteur3=[[Ahmed Ben Salah]]|titre=La Tunisie en décolonisation (1957-1972)|sous-titre=genèse des structures de développement et des structures de la République|lieu=Le Pradet|éditeur=Du Lau|année=2004|pages totales=352|isbn=978-2847500837}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Abdelaziz Chneguir|titre=La politique extérieure de la Tunisie|sous-titre=1956-1987|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2004|pages totales=309|isbn=978-2747562133}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Patrick-Charles Renaud|titre=La bataille de Bizerte|sous-titre=Tunisie, 19 au 23 juillet 1961|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|année=2000|pages totales=199|isbn=978-2738442864}}.

== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
* [[Archives nationales de Tunisie]]
* [[Histoire du Maghreb]] et de l'[[Histoire de l'Afrique du Nord|Afrique du Nord]]
* [[Liste du patrimoine mondial en Tunisie]]
* [[Liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité en Tunisie]]
* [[Liste des sites archéologiques de Tunisie]]
* [[Liste de musées en Tunisie]]

==== Période antique ====
* [[Voies romaines en Afrique du Nord]]
* [[Systèmes défensifs de l'Afrique romaine]]
* [[Littérature latine d'Afrique romaine]]
* [[Diocèse d'Afrique]]

==== Période islamique ====
* [[Chronologie des gouverneurs et des souverains de Tunisie depuis la conquête musulmane]]
* [[Liste de scientifiques d'Ifriqiya]]
* Art [[Art hafside, zianide et mérinide|hafside, zianide et mérinide]], [[Art ziride et hammadide|ziride et hammadide]], [[Art almoravide et almohade|almoravide et almohade]]

==== Période ottomane ====
* [[Dey de Tunis]], [[Beylicat de Tunis]]
* [[Révolutions de Tunis]]
* [[Échelles du Levant]]
* [[Côte des Barbaresques]], [[traite des esclaves de Barbarie]], [[esclavage dans l'Empire ottoman]]

==== Période contemporaine ====
* [[Pandémie de Covid-19 en Tunisie]]

=== Liens externes ===
{{Autres projets|commons=Category:History of Tunisia}}
{{Liens}}
* {{Lien web|langue=fr|titre=Tunisie|url=https://www.ina.fr/recherche?q=Tunisie&espace=1&sort=pertinence&order=desc|site=ina.fr}}.


[[Catégorie:Histoire de la Tunisie|*]]
{{Palette|Histoire de la Tunisie|Histoire de l'Afrique}}
{{Portail|Tunisie|histoire}}
{{Article de qualité|oldid=33564346|date=26 septembre 2008}}


[[Catégorie:Histoire de la Tunisie| ]]
[[ar:تاريخ تونس]]
[[ca:Història de Tunísia]]
[[de:Geschichte Tunesiens]]
[[en:History of Tunisia]]
[[es:Historia de Túnez]]
[[he:היסטוריה של תוניסיה]]
[[ja:チュニジアの歴史]]
[[lt:Tuniso istorija]]
[[pl:Historia Tunezji]]
[[pt:História da Tunísia]]
[[ru:История Туниса]]
[[sl:Zgodovina Tunizije]]
[[sr:Историја Туниса]]
[[sv:Tunisiens historia]]
[[vec:Storia de la Tunixia]]

Dernière version du 12 juillet 2024 à 08:46

Bataille de Zama, symbole de l'affaiblissement de la Carthage punique.
Amphithéâtre d'El Jem comme apothéose de la culture romaine en Tunisie.
Grande Mosquée de Kairouan, la plus ancienne mosquée de Tunisie et de tout l'Occident musulman, constituant un symbole de l'enracinement de l'islam dans le pays.
Statue d'Ibn Khaldoun devant la cathédrale Saint-Vincent-de-Paul de Tunis.

L'histoire de la Tunisie est celle d'une nation d'Afrique du Nord indépendante depuis 1956. Mais elle s'inscrit au-delà pour couvrir l'histoire du territoire tunisien depuis la période préhistorique du Capsien et la civilisation antique des Puniques, avant que le territoire ne passe sous la domination des Romains, des Vandales puis des Byzantins. Le VIIe siècle marque un tournant décisif dans l'itinéraire d'une population qui s'islamise et s'arabise peu à peu sous le règne de diverses dynasties qui font face à la résistance des populations berbères.

Par son emplacement stratégique au cœur du bassin méditerranéen, la Tunisie devient l'enjeu de la rivalité des puissances successives, l'Espagne de Charles Quint, le jeune Empire ottoman puis la France, qui prend le contrôle de la province ottomane pour devancer sa rivale italienne. Marquée par de profondes transformations structurelles et culturelles, la Tunisie voit s'affirmer rapidement un mouvement nationaliste qui conclut avec la puissance tutélaire les accords aboutissant à l'indépendance en 1956. Dès lors, le pays est conduit à marche forcée vers la modernisation et l'intégration économique sous l'impulsion d'un parti politique resté dominant jusqu'à la révolution de 2011.

Historiographie en développement

[modifier | modifier le code]

L'historiographie tunisienne ne prend véritablement son envol qu'au milieu des années 1980[1]. En 1972, Béchir Tlili décrivait déjà une situation difficile :

« La recherche historique décolle difficilement en Tunisie. C'est peut-être le secteur le plus sous-développé ou le plus sous-analysé des sciences sociales. Hormis quelques travaux spécialisés d'universitaires tunisiens, qui ne font pas nombre au demeurant, ou quelques essais d'historiographie, des pans entiers de la construction historique ont été en effet négligés et ignorés[2]. »

En 1987, la revue IBLA de l'Institut des belles lettres arabes consacre un numéro spécial à l'historiographie tunisienne où ses auteurs dont Taoufik Bachrouch soulignent une lente évolution de la recherche historique et une inégalité qui demeure dans le « défrichement » des divers domaines, notamment en matière d'histoire contemporaine[3]. En 1998, cette évolution se poursuit avec la publication de près de 200 travaux de recherche universitaires consacrés à l'histoire nationale, phénomène marqué par l'ouverture de l'histoire vers les autres sciences sociales[4].

L'histoire nationale demeure l'objet central des travaux, en particulier ses aspects sociaux, politiques et économiques alors que les aspects culturels et religieux restent relativement en retrait[5]. La part la plus importante de la production concerne l'histoire moderne — débutant avec la prise de Tunis en 1574 — et contemporaine — débutant avec la signature du traité du Bardo en 1881 — et constitue désormais les deux-tiers des travaux universitaires d'histoire soutenus entre 1985 et 1998[6]. L'étude de la période médiévale, débutant avec l'arrivée de l'islam, est également abordée de manière significative alors que l'étude de l'histoire antique possède son statut propre qui la distingue de celle des autres époques[6] : elle connaît un nombre de travaux plus limité en raison de l'absence de formation adaptée pour les jeunes chercheurs, notamment sur l'accès aux sources, l'archéologie et les langues antiques étant relativement peu enseignées. Toutefois, des efforts ont conduit à la création d'une maîtrise de lettres classiques en 1997[7].

En termes de contenus, alors que l'étude de l'histoire ancienne se tourne surtout vers le champ social et la vie quotidienne, et plus récemment vers l'épigraphie et l'archéologie[7], l'étude de l'époque médiévale touche à des thématiques plus variées, notamment en anthropologie et en politique. Si les XVIe et XVIIe siècles restent encore peu abordés, ce sont les XVIIIe et XIXe siècles qui sont les plus traités en raison de l'abondance des sources de documentation disponibles, sur les thématiques sociales et économiques en particulier[8]. Des sujets politiques, en dehors de l'étude du mouvement national, et éducatifs sont également abordés. La diversification des thèmes est aussi illustrée par la « nouvelle histoire » traitant des minorités, des femmes, des entreprises, etc[9]. L'histoire régionale est une thématique émergente, elle aussi liée à l'abondance des archives offertes aux chercheurs, qui permettrait selon ses adeptes d'effectuer des synthèses au niveau national pour compenser la faiblesse de la sociologie tunisienne[9].

Préhistoire

[modifier | modifier le code]

Paléolithique

[modifier | modifier le code]

Moustériens

[modifier | modifier le code]
Hermaïon d'El Guettar exposé au musée national du Bardo.

Les premières traces de présence humaine en Tunisie datent du Paléolithique. C'est à vingt kilomètres à l'est de Gafsa, dans l'oasis d'El Guettar, que se rassemble une petite population nomade de chasseurs-cueilleurs moustériens[10]. Michel Gruet, l'archéologue qui découvre le site, relève qu'ils consomment des dattes dont il retrouve le pollen aux alentours de la source[11] désormais asséchée[12]. Le site en lui-même livre une structure formée par un amas de 4 000 silex[12], taillés en sphéroïdes et disposés en un cône d'environ 75 centimètres de haut[10] pour un diamètre de 130 centimètres. Ces pierres sont associées à des ossements de capridés[13], à des dents de mammifères[12] et à des objets de silex taillé moustériens ainsi qu'à une pointe pédonculée atérienne.

Cette construction, découverte vers les années 1950 et vieille de près de 40 000 ans, constitue le plus ancien édifice religieux connu de l'humanité[10],[12]. Gruet y voit une offrande à la source voisine et le signe d'un sentiment religieux ou magique[13],[14]. L'endroit est connu sous le nom d'Hermaïon d'El Guettar en référence aux pierres jetées aux pieds d'Hermès par les divinités olympiennes lors du meurtre du géant Argos[10]. Cette pratique était une manière pour les dieux de se prononcer pour l'innocence d'Hermès[10].

À une culture ibéromaurusienne, répartie sur le littoral[15] et relativement minime en Tunisie[16], succède la période du Capsien, nom créé par Jacques de Morgan et issu du latin Capsa, qui a lui-même donné le nom de l'actuelle Gafsa[17]. Morgan définit le Capsien comme étant une culture allant du Paléolithique supérieur au Néolithique, couvrant ainsi une période qui s'étend du VIIIe au Ve millénaires av. J.-C.[18]. Selon Charles-André Julien, « les Protoméditerranéens capsiens constituent [...] le fond du peuplement actuel du Maghreb »[19] alors que, selon les termes de Gabriel Camps, un groupe d'archéologues avaient négligé des squelettes capsiens, croyant qu'il s'agissait d'intrus récemment inhumés :

Localisation du noyau à l'origine de la culture capsienne.

« Un de ces crânes séjourna même un certain temps dans le greffe du tribunal d'Aïn M'lila, une petite ville d'Algérie orientale, car on avait cru à l'inhumation clandestine de la victime d'un meurtre[20] ! »

D'un point de vue ethnologique et archéologique, le Capsien prend une importance plus grande puisque des ossements et des traces d'activité humaine remontant à plus de 15 000 ans sont découverts dans la région. Outre la fabrication d'outils en pierre et en silex, les Capsiens produisaient, à partir d'ossements, divers outils dont des aiguilles pour coudre des vêtements à partir de peaux d'animaux. Le gisement capsien d'El Mekta, identifié en 1907 par Morgan et Louis Capitan[21], a révélé des sculptures en calcaire de forme humaine mesurant quelques centimètres de haut[22]. Quant aux gravures que l'on a trouvées, elles sont souvent abstraites, même si certaines « représentent avec une certaine maladresse des animaux »[23].

Néolithique

[modifier | modifier le code]
Mégalithes près de Makthar.

Au Néolithique (4500 à 2500 av. J.-C. environ), arrivé tardivement dans cette région, la présence humaine est conditionnée par la formation du désert saharien, qui acquiert son climat actuel. De même, c'est à cette époque que le peuplement de la Tunisie s'enrichit par l'apport des Berbères[24], issus semble-t-il de la migration vers le nord de populations libyques[25] (ancien terme grec désignant les populations africaines en général[26]).

Bref, la question des origines du peuple berbère reste encore ouverte et soumise à débat de nos jours, mais sa présence est attestée depuis le IVe millénaire av. J.-C.[25]. La première inscription libyco-berbère découverte à Dougga par Thomas d'Arcos en 1631 a fait l'objet d'une multitude de déchiffrements infructueux à ce jour[27]. Le Néolithique voit également le contact s'établir entre les Phéniciens de Tyr, les futurs Carthaginois qui fondent la civilisation punique, et les peuples autochtones de l'actuelle Tunisie, dont les Berbères sont désormais devenus une composante essentielle.

On observe le passage de la Préhistoire à l'Histoire principalement dans l'apport des populations phéniciennes, même si le mode de vie néolithique continue un temps à exister aux côtés de celui des nouveaux arrivants. Cet apport est nuancé, notamment à Carthage (centre de la civilisation punique en Occident), par la coexistence de différentes populations minoritaires mais dynamiques comme les Berbères, les Grecs, les Italiens ou les Ibères d'Espagne. Les nombreux mariages mixtes contribuent à l'établissement de la civilisation punique[28]. On trouve par ailleurs la trace d'un peuple pacifique du Néolithique tunisien dans l'Odyssée d'Homère, lorsque Ulysse rencontre les Lotophages (mangeurs de lotus) qui semblent vivre dans l'actuelle île de Djerba[29].

Carthage : émergence, apogée et chute d'une puissance

[modifier | modifier le code]

L'entrée de la Tunisie dans l'histoire se fait de façon fracassante, par l'expansion d'une cité issue d'une colonisation proche-orientale[30]. De phénicienne au départ, la cité constitue rapidement une civilisation originale dite punique.

L'expansionnisme punique dans le bassin occidental de la Méditerranée se fonde sur le commerce, même si la thalassocratie trouve face à elle l'expansion romaine à volonté continentale et hégémonique. Bien que les relations entre Puniques et Romains soient cordiales dans un premier temps, les deux systèmes ne tardent pas à s'affronter et, même si la question a pu se poser de qui allait l'emporter[31], les Puniques s'effacent finalement en 146 av. J.-C., non sans avoir marqué de leur empreinte l'espace tunisien, que la puissance de Rome ne va pas effacer totalement.

Fondation et expansion

[modifier | modifier le code]
Énée décrit à Didon la chute de Troie par Pierre-Narcisse Guérin, 1815, Paris, musée du Louvre.

La Tunisie accueille progressivement une série de comptoirs phéniciens comme bien d'autres régions méditerranéennes, du Maroc à Chypre. Le premier comptoir selon la tradition est celui d'Utique[32], qui date de 1101 av. J.-C[33]. C'est ici que prend racine une puissance fondamentale dans l'histoire de l'Antiquité dans le bassin méditerranéen. En 814 av. J.-C., des colons phéniciens venus de Tyr[34] fondent la ville de Carthage[35]. D'après la légende, c'est la reine Élyssa (Didon pour les Romains), sœur du roi de Tyr Pygmalion, qui est à l'origine de la cité[36]. Il existe toutefois un doute sur l'exactitude de la date donnée par la tradition littéraire[37], le débat étant alimenté par les découvertes archéologiques. En effet, les plus anciens objets découverts à ce jour sont des céramiques proto-corinthiennes de la moitié du milieu du VIIIe siècle av. J.-C. provenant du dépôt de fondation de la chapelle Cintas, trouvée dans le tophet de Carthage par Pierre Cintas en 1947. Néanmoins, au vu des incertitudes dans les datations des céramiques antiques, rien ne permet d'écarter la datation issue de la tradition littéraire.

Poids carré en plomb portant le signe de Tanit, Ve-IIe siècle av. J.-C., Paris, musée du Louvre.

La population originelle de l'espace tunisien est libyco-berbère et, lorsqu'elle vit à proximité des comptoirs, elle se punicise dans une certaine mesure. En témoignent par exemple les découvertes archéologiques de stèles à motifs de signe de Tanit gravées de façon maladroite, en particulier sur un site comme celui de l'antique Clupea, la Kélibia actuelle. Ces maladresses évoquent une appropriation du symbolisme punique par des populations en contact avec les citoyens des comptoirs. Ouverte sur la mer, Carthage est également ouverte structurellement sur l'extérieur. Cette croissance pacifique — autant qu'on en sache de par les sources existantes — laisse la place à une lutte d'influence qui aboutit à plusieurs cycles de conflits. Un siècle et demi après la fondation de la ville, les Carthaginois ou Puniques étendent leur emprise sur le bassin occidental de la mer Méditerranée : ils s'affirment en Sicile, en Sardaigne, aux Baléares, en Espagne, en Corse[38] et en Afrique du Nord — du Maroc à la Libye —, qui est partagée entre les Grecs de Cyrénaïque et les Carthaginois y compris sur la côte atlantique du Maroc. Cette présence prend diverses formes, incluant celle de la colonisation[35], mais reste d'abord commerciale[38] (comptoirs de commerce, signature de traités, etc.).

Représentation d'un navire sur un relief romain en marbre du IIe siècle trouvé en Tunisie et exposée au British Museum.

De plus, les Carthaginois s'appuient dans ces régions sur une présence phénicienne antérieure à la création de Carthage, sauf peut-être le long de la côte atlantique. La nouvelle puissance de Carthage supplante celle déclinante des anciennes cités de Phénicie dans cet espace de la Méditerranée. De même, les Carthaginois s'allient aux Étrusques et leurs deux flottes réunies sortent victorieuses de la bataille navale d'Alalia, au large de la Corse, contre les Grecs de Massalia (actuelle Marseille). Ces derniers, venus des côtes de l'actuelle Turquie (Ionie), tentent de s'installer en Corse, île située en face de l'Étrurie et au nord de la Sardaigne, zone d'influence et de colonisation punique. Cette dernière île est également sur le trajet le plus court entre les cités massaliotes et les autres cités grecques du sud de l'Italie puis, plus loin, avec la Méditerranée orientale. C'est avec le déclin étrusque que la Corse entre dans l'orbite carthaginoise et que se forme un nouvel empire maritime.

La mutation vers un empire plus terrestre se heurte aux Grecs de Sicile puis à la puissance montante de Rome[35] et de ses alliés massaliotes, campaniens ou italiotes. Le cœur carthaginois qu'est la Tunisie, à la veille des guerres puniques, possède une capacité de production agricole supérieure à celle de Rome et de ses alliés réunis, et son exploitation fait l'admiration des Romains. Les avantages de la géographie, avec en particulier les riches terres céréalières de la vallée de la Medjerda, s'ajoutent au talent agronome d'un peuple dont un traité (celui de Magon) sera longtemps admiré.

La cité-État de Carthage et les territoires sous son influence politique et/ou commerciale vers 264 av. J.-C..

Parallèlement à cette expansion — la Sardaigne est en voie de colonisation et les implantations espagnoles se consolident —, la superpuissance commerciale, maritime, terrestre et agricole est en passe de vaincre les Grecs en Sicile.

Carthage et Rome, des traités aux guerres puniques (550-)

[modifier | modifier le code]
Forces en présence avant la première guerre punique.

Les relations entre Rome et la thalassocratie punique sont d'abord cordiales, comme en témoigne le premier traité signé en 509 av. J.-C.[39]. Toutefois, les relations se dégradent et laissent place à de la défiance à mesure que se développent les deux cités-États, l'affrontement devenant dès lors inévitable.

La lutte entre Rome et Carthage prend de l'ampleur avec l'essor des deux cités : ce sont les trois guerres puniques, qui faillirent voir la prise de Rome mais se conclurent par la destruction de Carthage, en 146 av. J.-C., après un siège de trois ans[38].

Dessin d'un cavalier numide.

La première guerre punique, qui couvre les années 264 à 241 av. J.-C., est un conflit naval et terrestre en Sicile et en Tunisie. Elle a pour origine les luttes d'influence en Sicile[38], terre située à mi-chemin entre Rome et Carthage, l'enjeu principal étant la possession du détroit de Messine. Les Carthaginois prennent d'abord la ville de Messine, ce qui inquiète les Romains, cette cité se situant à proximité des villes grecques d'Italie qui viennent de passer sous leur protection. Appius Claudius Caudex traverse donc le détroit et prend par surprise la garnison punique de Messine, événement qui déclenche le début de la guerre. À la suite de ce revers, le gouvernement de Carthage rassemble ses troupes à Agrigente mais les Romains, menés par Claudius et Manius Valerius Maximus Corvinus Messalla, s'emparent des villes de Ségeste et d'Agrigente au terme d'un siège de sept mois. Après avoir conclu la paix avec les Romains, Carthage doit réprimer une révolte de ses mercenaires.

Batailles de la deuxième guerre punique.

La deuxième guerre punique, dans les années 218 à 202 av. J.-C.[38], a pour point culminant la campagne d'Italie : le général Hannibal Barca, issu de la famille des Barcides, parvient à traverser les Pyrénées et les Alpes avec ses éléphants de guerre. Pourtant, il renonce à entrer dans Rome. Le prétexte de la guerre avait été le siège de Sagonte par les Carthaginois car, selon le traité de 241 av. J.-C., les Carthaginois auraient dû rester au sud de l'Èbre, fleuve qui délimitait les zones d'influence respectives.

L'attentisme d'Hannibal permet finalement aux Romains, alliés à Massinissa[35], premier roi de la Numidie unifiée, de contre-attaquer et de réussir à retourner le conflit en leur faveur à la bataille de Zama, en 202 av. J.-C., prenant à Carthage la totalité de ses possessions hispaniques, détruisant sa flotte et lui interdisant toute remilitarisation[38]. Pourtant, malgré la victoire finale, cette guerre ne satisfait pas les Romains. Poussés par la crainte d'avoir encore à affronter Carthage, ils décident, selon le fameux mot de Caton l'Ancien (Delenda Carthago, « Il faut détruire Carthage »), que la destruction totale de la cité ennemie est le seul moyen d'assurer la sécurité de la République romaine. En conséquence, la troisième guerre punique (149-146 av. J.-C.) est déclenchée par une offensive romaine en Afrique qui aboutit à la défaite et à la destruction de Carthage après un siège de trois ans. Après la deuxième guerre punique, Carthage retrouve lentement une certaine prospérité économique[38] entre 200 et 149 av. J.-C. sans toutefois réussir à reconstituer une flotte de guerre ou une armée importante. De son côté, le rétablissement de Rome, malgré ses pertes navales, permet au Sénat romain de décider d'une courte campagne destinée à amener les troupes romaines à pied d'œuvre pour le siège de Carthage, conduit par Scipion Émilien[38], surnommé dès lors « le second Africain ». Le siège s'achève par la destruction totale de la ville : les Romains emmènent les navires phéniciens au port et les incendient au pied de la cité. Puis ils vont de maison en maison en exécutant ou asservissant la population. La cité qui brûle pendant dix-sept jours est rayée de la carte et ne laisse que des ruines.

Au XXe siècle, une théorie indique que les Romains ont répandu du sel sur les terres agricoles de Carthage pour empêcher de cultiver la terre, théorie fortement mise en doute, l'Afrique devenant par la suite le « grenier à blé » de Rome[40], le territoire de l'ancienne cité étant néanmoins déclaré sacer, c'est-à-dire maudit.

Partie intégrante de l'Afrique romaine ( à 435)

[modifier | modifier le code]
Carte de la Tunisie antique.

Continuité de la civilisation punique ou rupture ?

[modifier | modifier le code]
Théâtre de Dougga dominant une riche plaine céréalière en contrebas.

À l'issue de la troisième guerre punique, Rome écrase définitivement Carthage et s'installe sur les décombres de la ville en 146 av. J.-C.[35]. La fin des guerres puniques marque l'établissement de la province romaine d'Afrique dont Utique devient la première capitale, même si le site de Carthage s'impose à nouveau par ses avantages et redevient capitale en 14[35],[41]. Une première tentative de colonisation par les Gracques avec la constitution d'une Colonia Junonia Carthago avorte en 122 av. J.-C.[42], et provoque la chute et le décès de son promoteur, Caius Sempronius Gracchus. En 44 av. J.-C., Jules César décide d'y fonder une colonie romaine, la Colonia Julia Carthago[42], mais il faudra attendre quelques décennies pour qu'Auguste lance les travaux de la cité[43], qui sera plus tard la capitale de la province. La parure monumentale de la ville jouera un rôle majeur dans la romanisation de la région[44], cette « Rome africaine » se diffusant elle-même dans le riche tissu urbain du territoire de l'actuelle Tunisie. La région connaît alors une période de prospérité où l'Afrique devient pour Rome un fournisseur essentiel de productions agricoles[25], comme le blé et l'huile d'olive[43], grâce aux plantations d'oliviers chères aux Carthaginois[35]. Le fameux port de Carthage se mue en port d'attache monumental d'une flotte céréalière dont l'arrivée est chaque année impatiemment attendue à Rome[43], avec l'annone, l'institution de la distribution de blé à la plèbe[45]. À Chemtou, on exploite un marbre aux veines jaunes et roses que l'on exporte à travers l'empire, alors qu'à El Haouaria le grès est extrait pour bâtir Carthage[43].

Partie restaurée de l'aqueduc de Zaghouan.
Arène de l'amphithéâtre d'El Jem.

Parmi les autres productions figurent les céramiques et les produits dérivés du poisson. La province se couvre d'un dense réseau de cités romanisées dont les vestiges encore visibles à l'heure actuelle demeurent impressionnants : il suffit de mentionner les sites de Dougga (antique Thugga), Sbeïtla (Sufetula), Bulla Regia, El Jem (Thysdrus) ou Thuburbo Majus. Parmi les symboles de la richesse provinciale se trouvent l'amphithéâtre de Thysdrus, l'un des plus grands du monde romain, et le théâtre de Dougga. À côté des vestiges des bâtiments publics resurgissent de riches habitations privées, villas au sol couvert de mosaïques que la terre du pays ne cesse de restituer aux archéologues. Partie intégrante de la République puis de l'empire avec la Numidie[35], la Tunisie devient pendant six siècles le siège d'une civilisation romano-africaine d'une exceptionnelle richesse, fidèle à sa vocation de « carrefour du monde antique ». La Tunisie est alors le creuset de l'art de la mosaïque, qui s'y distingue par son originalité et ses innovations[43]. Sur les stèles à caractère religieux on distingue d'anciens symboles tels le croissant lunaire ou le signe de Tanit. Concurrents des dieux romains, des dieux indigènes apparaissent sur des frises d'époque impériale, et le culte de certaines divinités, Saturne et Caelestis, s'inscrit dans la continuité du culte voué par les Puniques à Ba'al Hammon et à Tanit sa parèdre[46]. Le « carrefour du monde antique » voit aussi l'installation précoce de communautés juives[42] et, dans le sillage de celles-ci, des premières communautés chrétiennes. La langue punique elle-même reste longtemps en usage, fortement jusqu'au Ier siècle, et elle est attestée dans une moindre mesure jusqu'à l'époque de saint Augustin[47].

Mosaïque d'Africa et les Saisons à El Jem.

L'apogée du IIe et du début du IIIe siècle ne va toutefois pas sans heurts[35], la province connaissant quelques crises au IIIe siècle : elle est frappée en 238 par la répression de la révolte de Gordien Ier ; elle subit de même les affrontements entre usurpateurs au début du IVe siècle. La province est l'une des moins touchées par les difficultés que connaît l'Empire romain entre 235 et le début du IVe siècle.

Avec la Tétrarchie, la province recouvre une prospérité que révèlent les vestiges archéologiques, provenant tant de constructions publiques que d'habitations privées. Cette époque est aussi le premier siècle du christianisme officiel, devenu religion licite en 313 et religion personnelle de l'empereur Constantin[35].

Centre d'expansion du christianisme

[modifier | modifier le code]
Carte des évêchés africains en 256.

Dans un espace ouvert sur l'extérieur comme l'est alors la province d'Afrique — Carthage est notamment reliée aux grandes cités d'Alexandrie et d'Antioche, qui constituent deux grands centres d'évangélisation[48] —, le christianisme se développe de façon précoce[49] grâce aux colons, commerçants et soldats[48], et la région devient l'un des foyers essentiels de la diffusion de la nouvelle foi, même si les affrontements religieux y sont violents avec les païens. Ainsi, la nouvelle religion se heurte d'abord à l'opposition populaire car le christianisme déchire un tissu social très serré, le paganisme imprégnant toute la vie quotidienne, et ses adeptes sont contraints de vivre à l'écart de la vie domestique et de la vie publique. La cohésion sociale paraît alors menacée, ce qui entraîne des ripostes comme le saccage de tombes chrétiennes. Dès le IIe siècle, la province applique aussi les sanctions impériales, les premiers martyrs étant attestés dès le [48] : ceux qui refusent de se rallier au culte officiel peuvent être torturés, relégués sur des îles, décapités, livrés aux bêtes féroces, brûlés voire crucifiés.

Saint Augustin (354-430), figure du christianisme d'Afrique.

À la fin du IIe siècle, la nouvelle religion progresse dans la province car, malgré une situation difficile, la nouvelle foi s'implante plus vite qu'en Europe, notamment en raison du rôle social joué par l'Église d'Afrique, qui apparaît dans la seconde moitié du IIIe siècle, et du fait de la très forte densité urbaine. C'est à partir d'environ 400 que, sous l'action dynamique d'Augustin d'Hippone et l'impulsion de quelques évêques, les grands propriétaires terriens et l'aristocratie citadine se rallient au christianisme, où ils voient leur intérêt, l'Église intégrant alors les diverses couches sociales. Rapidement, la province d'Afrique est considérée comme un phare du christianisme latin occidental[48] ; Tertullien est l'un des premiers auteurs chrétiens de langue latine et Saint Cyprien, premier évêque de Carthage, est martyrisé le [48], à une époque où la nouvelle religion est déjà largement répandue dans la société.

Cette expansion rencontre toutefois des obstacles, en particulier lors du schisme donatiste[35] — conséquence des rivalités de prélats avides d'occuper le siège du primat d'Afrique — qui est condamné de façon définitive à l'issue de la conférence de Carthage, ouvert le [48] et organisé par son plus ardent contradicteur en la personne de l'évêque Augustin d'Hippone. Ce dernier accuse les schismatiques d'avoir coupé les liens entre l'Église catholique africaine et les Églises orientales originelles[48]. En dépit de cette lutte religieuse, la conjoncture économique, sociale et culturelle est relativement favorable au moment du triomphe du christianisme[50], comme en témoignent les nombreux vestiges, notamment de basiliques à Carthage — en particulier celle de Damous El Karita — et de nombreuses églises aménagées dans d'anciens temples païens (comme à Sbeïtla) ou même certaines églises rurales découvertes récemment.

Ce dynamisme perdurera longtemps, y compris pendant la période vandale.

Antiquité tardive

[modifier | modifier le code]

Royaume vandale (435-534)

[modifier | modifier le code]
Inscription de la Tunisie dans les invasions barbares.

En 429[51], menés par leur chef Genséric, les Vandales et les Alains franchissent le détroit de Gibraltar[52]. Le , après s'être rendus maîtres d'Hippone[53], ils entrent dans Carthage, où ils installent leur royaume pour près d'un siècle[52]. Les Vandales sont adeptes de l'arianisme[54], déclarée hérésie chrétienne au concile de Nicée, ce qui ne facilite pas les relations entre eux et les notables locaux majoritairement chalcédoniens. Le clergé africain s'oppose en effet à ce qui représente à ses yeux un double préjudice : la domination des barbares et celle des hérétiques[55].

Or, les Vandales exigent de la population une totale allégeance à leur pouvoir et à leur foi[55]. En conséquence, ceux qui tentent de s'opposer aux Vandales ou à l'arianisme sont persécutés : de nombreux hommes d'Église sont martyrisés, emprisonnés ou exilés[56] dans des camps au sud de Gafsa. Dans le domaine économique, les Vandales appliquent à l'Église la politique de confiscation dont doivent pâtir les grands propriétaires[55]. Les domaines et leurs esclaves sont transférés au clergé arien[55]. Cette politique se durcit lorsque Hunéric succède à son père[55]. Il entame une sanglante persécution contre les manichéens, puis fait interdire à tous ceux qui n'adhèrent pas à l'Église officielle d'occuper une fonction dans les administrations publiques[55].

Étendue approximative du royaume vandale vers 455.

À la mort d'Hunéric, ses neveux Gunthamund puis Thrasamund lui succèdent et poursuivent la politique d'« arianisation »[55]. Le clergé chalcédonien est surchargé de taxes et d'amendes, et Thrasamund condamne 120 évêques à l'exil[55]. Les témoignages littéraires sur la période vandale, en particulier de Victor de Vite, sont très sévères sur ce mode de gouvernance[57]. L'archéologie rend compte également de destructions importantes à l'époque du royaume vandale[57], comme le montrent le théâtre et l'odéon de Carthage. Néanmoins, « la plupart des historiens modernes [considèrent cette période] comme un court passage, un événement de courte durée »[58] ou « un épisode »[59].

Cependant, la culture latine reste largement préservée[60] et le christianisme prospère tant qu'il ne s'oppose pas au souverain en place. Les Vandales eux-mêmes, devenus les maîtres de l'ancienne province romaine la plus riche de l'Empire, se laissent aller à la douceur de vivre de la Tunisie. Le recrutement de leur armée en souffre à tel point qu'ils préfèrent enrôler des autochtones berbères, romanisés pour la plupart[61]. Leur territoire, enserré par des principautés berbères, est attaqué par les tribus de nomades chameliers : leur défaite, en décembre 533 à la bataille de Tricaméron[57], confirme l'anéantissement de la puissance militaire vandale.

Exarchat byzantin de Carthage (581-698)

[modifier | modifier le code]

Carthage est prise facilement par les Romains d'Orient (dits « Byzantins ») dirigés par le général Bélisaire[62], envoyé par Justinien Ier[63]. Le premier objectif de l'empereur Justinien est de contrôler la Méditerranée occidentale en vue de reconstituer l'unité de l'Empire romain[63]. L'armée byzantine, composée en fait de légionnaires surtout hérules et slaves[64],[65], enfonce la cavalerie vandale autrefois tant redoutée, et le dernier roi, Gélimer, se rend en 534[63]. Ensuite, les Byzantins établissent de lourds impôts qui suscitent la résistance des Berbères[66],[67]. La plupart des Vandales sont déportés vers l'Orient en tant que prisonniers (qui seront établis en Anatolie), tandis que d'autres sont enrôlés de gré ou de force dans l'armée comme soldats auxiliaires, aux côtés des Hérules et des Slaves. Cela leur permet de rester dans le pays, alors que l'administration romaine est restaurée.

Extension de l'Empire romain d'Orient sous le règne de l'empereur Justinien.

À l'occasion du concile de 534, l'évêque de Carthage réunit 220 de ses collègues pour contester la volonté impériale de les contrôler[55]. Ce concile déclare que, même si l'empereur doit faire appliquer les directives ecclésiastiques, il n'a pas à les déterminer[55]. Justinien réagit : les réfractaires sont passibles de châtiments corporels et d'exil, pendant que les plus réticents sont remplacés par des hommes dévoués à l'empereur[55]. L'Église d'Afrique est donc mise au pas[55] et Carthage devient le siège de son diocèse d'Afrique.

À la fin du VIe siècle, la région est placée sous l'autorité d'un exarque cumulant les pouvoirs civil et militaire, et disposant d'une large autonomie vis-à-vis de l'empereur. Au nom de l'Église, les exarques pourchassent le paganisme (encore fréquent chez les Berbères), et combattent le judaïsme et les « hérésies » chrétiennes[67].

Mais ils échouent face au monothélisme, tandis que les empereurs byzantins laissent faire : un état d'esprit insurrectionnel monte dans les confédérations de tribus sédentarisées, polythéistes ou monothélistes et constituées en principautés[68]. Ces tribus berbères sont d'autant plus hostiles au pouvoir central byzantin qu'elles ont conscience de leur propre force[55]. Quant au peuple, subordonné à l'administration, pressuré par le fisc et exposé aux abus des gouverneurs, il en vient à regretter le temps des Vandales[55]. Avant même sa prise par les Arabes en 698[61], la capitale et dans une certaine mesure — moins aisée à appréhender — la province d'Afrique ont été en grande partie abandonnées par leurs habitants romains et grecs, et investies par les Berbères descendus des montagnes ou montés du désert : Abdelmajid Ennabli évoque à propos de Carthage une cité « délaissée par le pouvoir central préoccupé de sa propre survie »[69]. Dès le début du VIIe siècle, l'archéologie témoigne en effet d'un repli[70].

Moyen Âge arabo-musulman

[modifier | modifier le code]

Cette ère est marquée par le développement urbanistique du pays et par l'apparition de grands penseurs tels que Ibn Khaldoun, historien et père de la sociologie moderne.

Islamisation et arabisation du territoire

[modifier | modifier le code]

Trois expéditions sont nécessaires pour que les Arabes réussissent à conquérir la Tunisie. Dans ce contexte, la conversion des tribus ne se déroule pas uniformément et connaît des résistances, des apostasies ponctuelles ou l'adoption de syncrétismes. L'arabisation se fera de manière plus lente encore.

Minaret de la Grande Mosquée de Kairouan fondée en 670 par Oqba Ibn Nafi al-Fihri.

La première expédition est lancée en 647[61]. L'exarque Grégoire est battu à Sbeïtla[71], ce qui illustre l'existence de points faibles chez les Byzantins. En 661, une deuxième offensive se termine par la prise de Bizerte. La troisième, menée en 670 par Oqba Ibn Nafi al-Fihri, est décisive : ce dernier fonde la ville de Kairouan ainsi que sa Grande Mosquée[72] au cours de la même année[67] et cette ville devient la base des expéditions contre le nord et l'ouest du Maghreb[25]. L'invasion complète manque d'échouer avec la mort d'Ibn Nafi en 683[71]. Un chef maure, Koceïla, reprend alors Kairouan[71]. Envoyé en 693 avec une puissante armée arabe, le général ghassanide Hassan Ibn Numan réussit à vaincre l'exarque et à prendre Carthage[73] en 695. Seuls résistent certains Berbères dirigés par la Kahena[73]. Les Byzantins, profitant de leur supériorité navale, débarquent une armée qui s'empare de Carthage en 696 pendant que la Kahena remporte une bataille contre les Arabes en 697[73]. Ces derniers, au prix d'un nouvel effort, finissent cependant par reprendre définitivement Carthage en 698 et par vaincre et tuer la Kahena[71]. Carthage est progressivement abandonnée au profit d'un nouveau port tout proche, Tunis, et les musulmans, fort actifs en Méditerranée occidentale, commencent à razzier la Sicile et les côtes italiennes.

Contrairement aux précédents envahisseurs, les Arabes ne se contentent pas d'occuper la côte et entreprennent de conquérir l'intérieur du pays. Après avoir résisté, les Berbères se convertissent à la religion de leurs vainqueurs[71], principalement à travers leur recrutement dans les rangs de l'armée victorieuse. Des centres de formation religieuse s'organisent alors, comme à Kairouan, au sein des nouveaux ribats. De plus, la mosquée Zitouna est édifiée à Tunis par les Omeyyades vers 732[74]. On ne saurait toutefois estimer l'ampleur de ce mouvement d'adhésion à l'islam. D'ailleurs, refusant l'assimilation, nombreux sont ceux qui rejettent la religion dominante et adhèrent au kharidjisme, hérésie née en Orient et proclamant l'égalité de tous les musulmans sans distinction de race ni de classe[75]. En 745, les kharidjites berbères s'emparent de Kairouan sous le commandement d'Abou Qurra, de la tribu des Banou Ifren.

La région reste une province omeyyade jusqu'en 750, quand la lutte entre Omeyyades et Abbassides voit ces derniers l'emporter[75]. De 767 à 776, les kharidjites berbères sous le commandement d'Abou Qurra s'emparent de tout le territoire, mais ils se retirent finalement dans leur royaume de Tlemcen, après avoir tué Omar ibn Hafs, surnommé Hezarmerd, dirigeant de la Tunisie à cette époque[76].

Aghlabides (800-909)

[modifier | modifier le code]
Bassins des Aghlabides à Kairouan.

En 800, le calife abbasside Hâroun ar-Rachîd délègue son pouvoir en Ifriqiya à l'émir Ibrahim ibn Al-Aghlab[77] et lui donne le droit de transmettre ses fonctions par voie héréditaire[78]. Al-Aghlab établit la dynastie des Aghlabides, qui règne durant un siècle sur le Maghreb central et oriental. Le territoire bénéficie d'une indépendance formelle tout en reconnaissant la souveraineté abbasside[78]. Par la suite, les émirs aghlabides continuent de prêter allégeance au calife abbasside[25], si bien que, sous le règne d'Al-Ma'mūn (813-833), les Aghlabides versent annuellement des redevances de 120 tapis[79].

Extension maximale des Aghlabides.

La Tunisie devient un foyer culturel important avec le rayonnement de Kairouan, dotée d'une maison de la sagesse ouverte aux savants, et de sa Grande Mosquée, un centre intellectuel de haute renommée[80]. La mosquée Zitouna de Tunis, deuxième plus vaste mosquée de Tunisie après celle de Kairouan, est reconstruite en totalité[78]. Kairouan, décrite par Oqba Ibn Nafi al-Fihri comme un « rempart de l'islam jusqu'à la fin des temps »[81], est choisie comme capitale avant d'être remplacée par Raqqada et El Abbasiyya, considérées comme ses « satellites »[79].

L'essor économique de l'Ifriqiya est le plus significatif du Maghreb grâce aux importations d'or de Nigritie[82]. Une bonne politique de l'eau est menée, entraînant le développement de l'agriculture[83] : de nombreux ouvrages hydrauliques romains sont rénovés — notamment la citerne de la Sufra de Sousse[84] — et un bon nombre sont construits, dont les bassins de Kairouan[78].

D'un point de vue militaire, les Aghlabides érigent des fortifications, en particulier les murailles de Sfax, et les ribats de Sousse et de Monastir[78]. Ils se dotent d'une puissante flotte de combat pour écarter le danger chiite qui vient de la mer, tout en entretenant de bonnes relations avec l'Égypte et le royaume de Tahert[78]. Cette flotte et ces protections leur permettent en outre de prendre Malte[85] mais surtout d'attaquer la Sicile en 827, sous le règne de Ziadet Allah Ier (817-838), avant de s'en emparer en 902 sous Ibrahim II (875-902)[78]. À la fin du règne de ce dernier, Tunis devient la capitale de l'émirat jusqu'en 909[86].

Fatimides et Zirides (909-1148)

[modifier | modifier le code]

Abu Abd Allah ach-Chi'i, qui déclare descendre de Fatima Zahra — fille de Mahomet et femme d'Ali ibn Abi Talib, vénéré chez les chiites[82] —, aidé par les Berbères qui refusent la domination des Aghlabides, s'attaque à leur royaume. Appuyée par les tribus Ketamas qui forment une armée fanatisée, l'action du prosélyte ismaélien entraîne la disparition de l'émirat en une quinzaine d'années (893-909)[87].

Grande Mosquée de Mahdia construite par les Fatimides chiites.

En décembre 909, Ubayd Allah al-Mahdi se proclame calife et fonde la dynastie des Fatimides, qui déclare usurpateurs les califes omeyyades et abbassides ralliés au sunnisme. Veillant à une politique fiscale rigoureuse et déterminé à imposer le chiisme, il se heurte à une forte opposition illustrée par un complot déjoué dès 911[87]. Malgré cela, l'État fatimide s'impose progressivement sur toute l'Afrique du Nord en contrôlant les routes caravanières et le commerce avec l'Afrique subsaharienne. En 921, la ville de Mahdia, première capitale établie par les Arabes sur un littoral[87], est fondée et proclamée capitale du califat[82].

En 945, Abu Yazid, de la grande tribu des Banou Ifren, organise sans succès une grande révolte berbère pour chasser les Fatimides. Le troisième calife, Ismâ`îl al-Mansûr, transfère alors la capitale à Kairouan et s'empare de la Sicile[61] en 948. Lorsque la dynastie fatimide déplace sa base vers l'est en 972, trois ans après la conquête finale de la région, et sans abandonner pour autant sa suzeraineté sur l'Ifriqiya, le calife Al-Muʿizz li-Dīn Allāh confie à Bologhine ibn Ziri — fondateur de la dynastie des Zirides — le soin de gouverner la province en son nom. Parallèlement, il lance une expédition vers l'Orient, où il fonde Le Caire en 973.

Les Zirides prennent peu à peu leur indépendance vis-à-vis du calife fatimide[61], ce qui culmine avec la rupture, vers le milieu du XIe siècle, avec ce suzerain devenu lointain[88]. En conséquence, Al-Muizz ben Badis est adoubé par le calife abbasside de Bagdad et inaugure l'ère de l'émancipation berbère[87]. L'envoi depuis l'Égypte de tribus arabes nomades sur l'Ifriqiya marque la réplique des Fatimides à cette trahison[87]. L'arrivée de ces tribus, qui remonterait à 1048, pourrait toutefois être plus ancienne selon certaines sources[87]. Les Hilaliens suivis des Banu Sulaym — dont le nombre total est estimé à 50 000 guerriers et 200 000 bédouins[87] — se mettent en route après que de véritables titres de propriété leur ont été distribués au nom du calife fatimide. Al-Muizz ben Badis subit un premier désastre près de Gabès alors que Kairouan résiste pendant cinq ans avant d'être occupée et pillée. Le souverain se réfugie alors à Mahdia en 1057 tandis que les nomades continuent de se répandre en direction de l'Algérie, la vallée de la Medjerda restant la seule route fréquentée par les marchands[87]. En 1087, sous le règne de Tamim (1062-1108), fils d'Al-Muizz ben Badis, les Pisans et les Génois, encouragés par le pape Victor III, entrent brièvement dans la ville et la mettent à sac[87]. Ayant échoué dans sa tentative pour s'établir dans la Sicile reprise par les Normands, la dynastie ziride s'efforce sans succès pendant 90 ans de récupérer une partie de son territoire pour organiser des expéditions de piraterie et s'enrichir grâce au commerce maritime. Les Normands prennent Mahdia en 1148 et s'y maintiennent durant une douzaine d'années. L'Ifriqiya est alors partagée entre les Hammadides à Tunis, les derniers Zirides, les Normands de Sicile et les princes hilaliens qui s'imposent à leur tour.

Feuillet d'un Coran kairouanais.

Sur le plan économique, les Hilaliens dévastent les cultures et pillent les villages, contraignant la population rurale à se réfugier dans les villes[87]. De vastes domaines agricoles, qui vivaient en symbiose avec les agglomérations, retournent à la steppe, ce qui entraîne un marasme général. Toutefois, les troupeaux des Hilaliens, constitués de chèvres, de moutons et d'ânes, sont mieux adaptés à la végétation, et la multiplication des dromadaires permet aux pasteurs de migrer plus vers le sud[87]. Sur le plan politique, la chute de Kairouan signe l'effondrement du pouvoir central ziride et l'instauration de fiefs dont les chefs payent des tributs aux chefs hilaliens qui contrôlent leurs zones[87]. La ville de Tunis fait même appel aux Hammadides, qui installent le gouverneur Abd al-Haq ibn Khourassan. Ainsi se crée une principauté indépendante sous le règne de la dynastie des Khourassanides ; ces derniers, qui font de Tunis une cité prospère, conservent leur pouvoir jusqu'en 1159, date à laquelle ils sont détrônés par les Almohades[89].

Les historiens arabes sont unanimes à considérer cette migration comme l'événement le plus décisif du Moyen Âge maghrébin, caractérisé par une progression diffuse de familles entières qui a rompu l'équilibre traditionnel entre nomades et sédentaires berbères[87]. Les conséquences sociales et ethniques marquent ainsi définitivement l'histoire du Maghreb avec un métissage de la population. Depuis la seconde moitié du VIIe siècle, la langue arabe demeurait l'apanage des élites citadines et des gens de cour. Avec l'invasion hilalienne, les dialectes berbères sont plus ou moins influencés par l'arabisation, à commencer par ceux de l'Ifriqiya orientale[87].

Afrique normande (1135-1160)

[modifier | modifier le code]
Royaume d'Afrique (Regno d'Africa) entouré en rouge.

À partir du premier tiers du XIIe siècle, la Tunisie est régulièrement attaquée par les Normands de Sicile et du sud de l'Italie, basés dans le royaume normano-sicilien. En 1135, le roi normand Roger II s'empare de Djerba[90] et, en 1148, ce sont Mahdia, Sousse et Sfax qui tombent aux mains des Normands.

Le royaume d'Afrique est une extension de la frontière siculo-normande dans l'ancienne province romaine d'Afrique (alors appelée Ifriqiya), qui correspond actuellement à la Tunisie ainsi qu'à une partie de l'Algérie et de la Libye. Les sources primaires ayant trait au royaume sont en arabe[91] alors que les sources latines (chrétiennes) sont plus rares. Selon Hubert Houben, étant donné qu'« Afrique » n'a jamais été officiellement ajouté aux titres royaux des rois de Sicile « on ne devrait pas parler d'un ‘Royaume Norman d'Afrique' à proprement parler »[92]. L'« Afrique normande » est plutôt une constellation de villes gouvernées par les Normands sur la côte ifriqiyenne[93].

La conquête sicilienne de l'Ifriqiya commence sous le règne de Roger II de Sicile en 1146-1148. Le règne sicilien consiste en des garnisons militaires dans les principales villes, des exactions sur les populations musulmanes, la protection des chrétiens et le monnayage de pièces de monnaie. L'aristocratie locale est largement gardée en place et des princes musulmans se chargent des affaires civiles sous surveillance normande. Les relations économiques entre la Sicile et l'Ifriqiya, qui étaient déjà fortes avant la conquête, sont renforcées, tandis que les échanges entre l'Ifriqiya et le nord de l'Italie sont étendus. Sous le règne de Guillaume Ier, le royaume d'Afrique tombe aux mains des Almohades (1158-1160). Son héritage le plus durable est le réalignement des puissances méditerranéennes provoqué par sa disparition et la paix siculo-almohade finalisée en 1180.

Almohades (1121-1269)

[modifier | modifier le code]
Minaret de la mosquée Zitouna de style almohade.

Cependant, l'ensemble du territoire d'Ifriqiya finit par être occupé par l'armée du sultan almohade Abd al-Mumin lors de son expédition depuis les ports d'Honaïne et Oran en 1159[94]. Les Normands sont progressivement chassés par une flotte almohade de 200 000 hommes[95]. En sept mois, les Normands se voient repoussés jusqu'en Sicile[95] et Mahdia, leur dernière place forte, est reprise par les Almohades en 1160[96].

Dans le même temps a lieu pour la première fois l'unification politique du Maghreb[82], et, de fait, la constitution du plus puissant des États nord-africains musulmans du Moyen Âge[97]. L'économie devient florissante[82] et des relations commerciales s'établissent avec les principales villes du pourtour méditerranéen (Pise, Gênes, Marseille, Venise et certaines villes d'Espagne). L'essor touche également le domaine culturel ; le siècle almohade est ainsi considéré comme l'« âge d'or » du Maghreb[82]. De grandes villes se développent et les plus belles mosquées sont érigées à cette époque[98].

Hafsides (1228-1574)

[modifier | modifier le code]

Les Almohades confient la Tunisie à Abû Muhammad `Abd al-Wâhid ben Abî Hafs mais son fils Abû Zakariyâ Yahyâ se sépare d'eux en 1228 et fonde la nouvelle dynastie berbère[41] des Hafsides[99]. Elle acquiert son indépendance dès 1236[97] et dirige la Tunisie jusqu'en 1574[77], ce qui en fait la première dynastie tunisienne par sa durée[100]. Elle établit la capitale du pays à Tunis[77], et la ville se développe grâce au commerce avec les Vénitiens, les Génois, les Aragonais et les Siciliens[61].

Pièces de monnaie hafsides du musée du Bardo à Tunis.

Le successeur d'Abû Zakariyâ Yahyâ, Abû `Abd Allah Muhammad al-Mustansir, se proclame calife en 1255 et poursuit la politique de son père. C'est durant son règne qu'a lieu la seconde croisade de saint Louis qui se solde par un échec. Débarqué à Carthage, le roi meurt de la peste au milieu de son armée décimée par la maladie en 1270[101]. En 1319, sous le règne d'Abu Yahya Abu Bakr al-Mutawakkil (1318-1346), les Hafsides élargissent leur territoire vers l'ouest jusqu'à Constantine et Bougie, et vers l'est jusqu'à la Tripolitaine[102]. À sa mort, en 1346, le royaume sombre dans l'anarchie[102]. Mise à part l'œuvre avant-gardiste d'Ibn Khaldoun, la vie intellectuelle accuse un lourd recul durant l'ère hafside, qui « hésite entre des influences andalouses quelque peu décadentes et des influences orientales sans éclats »[103]. Par ailleurs, Ibn Khaldoun lui-même reste mal connu, bien qu'« Ali Ier Bey en [ait copié] un exemplaire à Fès pour que les lettrés tunisiens puissent disposer d'un exemplaire de l'œuvre de leur illustre compatriote »[104]. Charles-André Julien, pour sa part, qualifie les Hafsides de « mainteneurs d'une civilisation à laquelle ils n'ont pas apporté grand-chose d'original »[105].

Régence de Tunis (1574-1705)

[modifier | modifier le code]

Rivalités en Méditerranée entre Ottomans et Espagnols

[modifier | modifier le code]

Les Hafsides de Tunis s'essoufflent et perdent peu à peu, après la bataille de Kairouan en 1348, le contrôle de leurs territoires au profit des Mérinides d'Abu Inan Faris[97], alors que, frappée de plein fouet par la peste[106] de 1384, l'Ifriqiya continue de subir une désertification démographique amorcée par les invasions hilaliennes[107]. C'est alors que commencent à arriver les andalous[61] juifs et musulmans fuyant la déchéance du royaume de Grenade en 1492 et occasionnant des problèmes d'assimilation[107]. À leur suite, les souverains espagnols Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille décident de poursuivre leur reconquête jusque sur les côtes maghrébines pour protéger leurs propres côtes[108]. En une dizaine d'années, ils prennent les cités de Mers el-Kébir, Oran, Bougie, Tripoli et l'îlot situé en face d'Alger.

Portrait du corsaire Khayr ad-Din Barberousse.

Pour s'en libérer, les autorités de la cité sollicitent l'aide de deux corsaires renommés, originaires de l'île de Lesbos dans la mer Égée : les frères Arudj et Khayr ad-Din[109] Barbaros ou Barberousse. Car la piraterie en Méditerranée est alors « une institution antique et généralisée » selon Fernand Braudel[107]. Cette intervention est un événement majeur qui inaugure une période de confrontation entre l'Espagne et l'Empire ottoman pour la domination des territoires du Maghreb, hormis le Maroc, et celle du bassin occidental de la Méditerranée[108]. La Tunisie offre un environnement favorable et les frères Barberousse s'y illustrent particulièrement. Arudj reçoit en effet du souverain hafside aux abois l'autorisation d'utiliser le port de La Goulette puis l'île de Djerba comme base[107]. Entourés de marins turcs, comme Dragut, calabrais, siciliens, corses ou danois, ces pirates se font connaître en Europe sous le nom de « barbaresques » en jouant sur les noms « barbares », « berbères » et « Barbaros »[107]. Après la mort d'Arudj, son frère Khayr ad-Din se déclare vassal du sultan de Constantinople. Nommé grand amiral de l'Empire ottoman, il s'empare de Tunis en 1534 mais doit se retirer après la prise de la ville par l'armada — 400 vaisseaux — que Charles Quint mène en 1535[61],[107]. Le sultan hafside est alors rétabli dans ses droits sous la protection de Charles Quint[41] et le pays passe sous la tutelle du royaume d'Espagne[25]. Pendant ce temps, le gouvernement ottoman se dote de la flotte qui lui manquait. En 1560, Dragut parvient à Djerba et, en 1574, Tunis est reprise par les Ottomans[77], qui font de la Tunisie une province de l'empire[54] en 1575, même si les gouverneurs turcs vivent retranchés dans les ports[107], les Bédouins restant livrés à eux-mêmes. En 1581, Philippe II d'Espagne reconnaît comme possession turque la régence de Tunis ainsi que celle d'Alger, la Cyrénaïque et la Tripolitaine[107], qui deviennent pour les chrétiens les « régences barbaresques »[108]. Dès lors, l'Angleterre et la France prennent le relais de l'Espagne en Méditerranée occidentale : la première bombarde les bases barbaresques en 1622, 1635 et 1672, la seconde en 1661, 1665, 1682 et 1683[107].

Émancipation progressive

[modifier | modifier le code]
Pièces de monnaie tunisiennes de 1761.

Pourtant, malgré leurs victoires, les Ottomans ne s'implantent guère en Tunisie et la conquête de l'intérieur des terres ne s'achève que sous les règnes d'Ali II Bey (1759-1782) et d'Hammouda Pacha (1782-1814)[107]. Au cours du XVIIe siècle, leur rôle ne cesse de décroître au profit des dirigeants locaux qui s'émancipent progressivement de la tutelle du sultan de Constantinople[110] alors que seuls 4 000 janissaires sont en poste à Tunis[107]. Au bout de quelques années d'administration turque, plus précisément en 1590[41], ces janissaires s'insurgent, plaçant à la tête de l'État un dey dont le premier n'est autre que le pacha Ibrahim Roudesli (originaire de Rhodes), en poste de 1591 à 1593. Et, sous ses ordres, un bey[108] chargé du contrôle du territoire et de la collecte des impôts. Ce dernier ne tarde pas à devenir le personnage essentiel de la régence[77] aux côtés du pacha, qui reste confiné dans le rôle honorifique de représentant du sultan ottoman, au point qu'une dynastie beylicale finit par être fondée par Mourad Bey en 1612.

Tableau représentant le retour du contingent tunisien de la guerre de Crimée.

Durant la même période, les activités des corsaires connaissent leur paroxysme car l'autonomie croissante vis-à-vis du sultan entraîne une baisse de son soutien financier et la régence doit par conséquent accroître le nombre de ses prises en mer afin de survivre. Le , Hussein Ier Bey fonde la dynastie des Husseinites[100]. Il cumulait les fonctions de bey, de dey et de pacha, et « disposait sur tous ses sujets du droit de haute et basse justice ; ses décrets et ses décisions avaient force de lois »[111]. Quoique toujours officiellement province de l'Empire ottoman, la Tunisie acquiert une grande autonomie au XIXe siècle[77], notamment avec Ahmed Ier Bey, régnant de 1837 à 1855, qui enclenche un processus de modernisation[112]. À cette époque, le pays vit de profondes réformes, comme l'abolition de l'esclavage le 26 janvier 1846 et l'adoption en 1861 d'une Constitution[112],[113] — la première du monde arabe —, et manque même de devenir une république indépendante. La Tunisie, alors dotée d'une monnaie propre et d'une armée indépendante, adopte en 1831 son drapeau[114]. Il est difficile de mesurer l'importance des influences turques qui demeurent en Tunisie. Quelques monuments affichent leur filiation ottomane : minarets polygonaux et cylindriques ou mosquées sous une grande coupole centrale comme celle de Sidi Mahrez à Tunis[107].

Dans un autre domaine, l'art des tapis, qui existait pour certains avant l'arrivée des Ottomans, voit les productions de Kairouan présenter au XVIIIe siècle des motifs purement anatoliens[107]. Malgré ces influences perceptibles dans l'aspect des objets manufacturés, l'empreinte de l'Italie voisine se fait de plus en plus manifeste au cours du XVIIIe siècle, tant dans l'architecture que dans la décoration, marquant ainsi une ouverture du pays à l'Europe[107].

Apogée de la course

[modifier | modifier le code]
Galion ottoman du XVIe siècle selon une estampe européenne.

Au début du XVIe siècle, l'Afrique du Nord que les Ottomans appellent Maghreb est en pleine décadence et traverse une crise politique profonde[102]. Ces bouleversements favorisent l'émergence de principautés et de cités portuaires indépendantes qui relancent l'activité des corsaires.

La « course » atteint son paroxysme sous le règne d'Hammouda Pacha (1782-1814), où les navires, partant des ports de Bizerte, La Goulette, Porto Farina, Sfax ou Djerba, s'emparent de vaisseaux espagnols, corses, napolitains ou vénitiens[115]. Le gouvernement entretient durant cette période de 15 à 20 corsaires, un même nombre d'entre eux étant rattachés à des compagnies ou à des particuliers — parmi lesquels parfois des personnages haut placés comme le garde des Sceaux Sidi Mustapha Khodja ou les caïds de Bizerte, Sfax ou Porto Farina — et remettant au gouvernement un pourcentage sur toutes leurs prises, qui comprennent des esclaves chrétiens[115]. Les traités de paix, qui se multiplient au XVIIIe siècle — avec l'Autriche en 1748 et 1784, Venise en 1764-1766 et 1792, l'Espagne en 1791 ou les États-Unis en 1797 —, réglementent la course et en limitent les effets[115]. En premier lieu, ils imposent certaines exigences (possession de passeports aussi bien pour les navires que pour les hommes) et précisent également les conditions des prises en mer (distance par rapport aux côtes), de façon à éviter de possibles abus. Il faut attendre le congrès de Vienne et le congrès d'Aix-la-Chapelle pour que les puissances européennes somment les États barbaresques de mettre un terme à la course, ce qui sera effectif et définitif après l'intervention des Français en 1836[115].

De la mise sous tutelle au protectorat français (1864-1956)

[modifier | modifier le code]
Bataille de Kalâa Kebira lors de l'insurrection de 1864.

Toutefois, en raison de la politique ruineuse des beys, de la hausse des impôts[100] et d'interférences étrangères dans l'économie, le pays connaît peu à peu de graves difficultés financières[112]. À la suite du doublement de la mejba, une insurrection générale éclate en 1864. Réprimée dans le sang, elle achève de ruiner le pays et entraine la suspension de la Constitution. Tous ces facteurs contraignent le gouvernement à déclarer la banqueroute en 1869 et à créer une commission financière internationale anglo-franco-italienne[116]. C'est l'occasion pour les grandes puissances européennes, la France, l'Italie et le Royaume-Uni, de s'introduire dans le pays[61]. La Tunisie se dirige à peine vers une réelle indépendance en 1873, avec Kheireddine Pacha[112], qu'elle retombe sous le joug d'une puissance étrangère.

Car la régence apparaît vite comme un enjeu stratégique de première importance de par la situation géographique du pays, à la charnière des bassins occidental et oriental de la Méditerranée[117]. La Tunisie fait donc l'objet des convoitises rivales de la France et de l'Italie : la première souhaite sécuriser les frontières de l'Algérie et éviter que la seconde ne contrarie ses ambitions en Égypte et au Levant en contrôlant l'accès à la Méditerranée orientale. La seconde, confrontée à une surpopulation, rêve d'une politique coloniale et le territoire tunisien, où la minorité européenne est alors constituée essentiellement d'Italiens, est un objectif prioritaire[117]. Les consuls français et italien tentent de profiter des difficultés financières du bey, la France comptant sur la neutralité de l'Angleterre (peu désireuse de voir l'Italie prendre le contrôle de la route du canal de Suez) et bénéficiant des calculs de Bismarck, qui souhaite la détourner de la question de l'Alsace-Lorraine[117]. Après le congrès de Berlin du 13 juin au , l'Allemagne et l'Angleterre permettent à la France d'annexer la Tunisie[77],[112], et cela au détriment de l'Italie, qui voyait ce pays comme son domaine réservé[118].

Signature du traité du Bardo au palais de Ksar Saïd le .

Les incursions de « pillards » khroumirs en territoire algérien fournissent un prétexte à Jules Ferry, soutenu par Léon Gambetta face à un parlement hostile, pour souligner la nécessité de s'emparer de la Tunisie[117]. En avril 1881, les troupes françaises y pénètrent sans résistance majeure et parviennent jusqu'aux abords de Tunis[112] en trois semaines[119]. Le , le protectorat est officialisé lorsque Sadok Bey signe forcé, menacé d'être destitué et remplacé par son frère Taïeb Bey[120],[121], le traité du Bardo[122] au palais de Ksar Saïd[123]. Ce qui n'empêche pas, quelques mois plus tard, les troupes françaises de faire face à des révoltes rapidement étouffées dans les régions de Kairouan et Sfax[117]. Le régime du protectorat est renforcé par les conventions de La Marsa du qui accordent à la France le droit d'intervenir dans la politique étrangère, la défense et les affaires internes de la Tunisie[124],[125] : le pays conserve son gouvernement et son administration, désormais placés sous contrôle français, les différents services administratifs étant dirigés par de hauts fonctionnaires français et un résident général gardant la haute main sur le gouvernement[117]. La France représente dès lors la Tunisie sur la scène internationale, et ne tarde pas à abuser de ses droits et prérogatives de protecteur pour exploiter le pays comme une colonie, en contraignant le bey à abandonner la quasi-totalité de ses pouvoirs au résident général[126]. Néanmoins, des progrès économiques ont lieu, notamment via les banques et les compagnies[124]. Un réseau ferroviaire se développe[116]. La colonisation permet l'expansion des cultures de céréales et de la production d'huile d'olive ainsi que l'exploitation des mines de phosphates[116] et de fer.

Un important port militaire est aménagé à Bizerte[117]. De plus, dans le domaine de l'éducation, les Français établissent un système bilingue arabe et français qui donne l'opportunité à l'élite tunisienne de se former dans les deux langues[127].

De la remise en cause du protectorat à l'indépendance

[modifier | modifier le code]

Embryon de mouvement national

[modifier | modifier le code]
Délégation du Destour à Naceur Bey.

La lutte contre l'occupation française commence dès le début du XXe siècle. La Tunisie est le premier État du monde arabe influencé par le nationalisme moderne[128], avec le mouvement réformiste et intellectuel des Jeunes Tunisiens fondé en 1907[129] par Béchir Sfar, Ali Bach Hamba et Abdeljelil Zaouche. Ce courant nationaliste se manifeste par l'affaire du Djellaz en 1911 et le boycott des tramways tunisois en 1912[126]. Ces événements marquent la transformation des Jeunes Tunisiens en militants agissant par des mouvements de rue[130]. Le résident général fait exiler ses principaux dirigeants[126]. De 1914 à 1921, le pays vit en état d'urgence et la presse anticolonialiste est interdite[25]. Malgré tout, le mouvement national ne cesse pas d'exister[126]. Dès la fin de la Première Guerre mondiale, une nouvelle génération organisée autour d'Abdelaziz Thâalbi prépare la naissance du parti du Destour[126]. Entré en conflit avec le régime du protectorat[130], le parti expose, dès la proclamation officielle de sa création le [125], un programme en neuf points. À partir de novembre 1925, le Destour, affaibli, devient clandestin et renonce à l'action politique directe[130].

Délégation présente lors du congrès de Ksar Hellal.

Après avoir fustigé le régime du protectorat dans des journaux comme La Voix du Tunisien et L'Étendard tunisien[131], l'avocat Habib Bourguiba fonde en 1932, avec Tahar Sfar, Mahmoud El Materi et Bahri Guiga, le journal L'Action tunisienne[132], qui, outre l'indépendance, prône la laïcité[133]. Cette position originale conduit le [125], lors du congrès de Ksar Hellal[130], à la scission du parti en deux branches, l'une islamisante qui conserve le nom Destour, et l'autre moderniste et laïque, le Néo-Destour[116], une formation politique moderne, structurée sur les modèles des partis socialistes et communistes européens, et déterminée à conquérir le pouvoir pour transformer la société[132]. Le parti privilégie l'action politique, la mobilisation de ses adhérents, leur prise de conscience, et estime qu'il doit convaincre l'opinion française tout en adaptant sa stratégie aux nécessités de l'action[134].

Manifestation du 8 avril 1938 à Tunis.

Après l'échec des négociations engagées par le gouvernement Blum, des incidents sanglants éclatent en 1937[116] et les manifestations d'avril 1938 sont sévèrement réprimées[133] : état de siège à Tunis le 9, emprisonnement de Habib Bourguiba en France pour conspiration contre la sûreté de l'État pour cinq ans[25], arrestation de Slimane Ben Slimane, de Salah Ben Youssef et de 3 000 membres du Néo-Destour[135]. Cette répression conduit à la clandestinité du Néo-Destour, qui incite les nouveaux dirigeants à ne pas exclure l'éventualité d'une lutte plus active[135],[134]. Ainsi, le sixième bureau politique formé fin 1939 et animé par Habib Thameur enjoint aux cellules d'entretenir l'agitation. Il sera toutefois démantelé le et ses principaux membres arrêtés. En mai 1940, le régime de Vichy transfère Bourguiba en France. Il est, fin 1942, libéré par les Allemands et envoyé en Italie, où Benito Mussolini espère l'utiliser pour affaiblir la Résistance française en Afrique du Nord[133]. Cependant, Bourguiba ne désire pas cautionner les régimes fascistes et lance le un appel pour le soutien aux troupes alliées[133] :

« Les Alliés ne tromperont pas nos espoirs [d'indépendance][135]. »

Prisonniers de guerre italiens et allemands quittant Tunis.

Pendant ce temps, la Tunisie est le théâtre d'importantes opérations militaires[129] connues sous le nom de campagne de Tunisie[116] : des troupes allemandes prennent position dans le pays dès le lancement de l'opération Torch (débarquement des Alliés en Afrique du Nord) le . L'Afrika Korps du général Rommel se replie depuis la Libye derrière la ligne Mareth. À son retour à Tunis, le , Bourguiba s'assure que son message soit transmis à toute la population et à ses militants. Après plusieurs mois de combats et une contre-offensive blindée allemande dans la région de Kasserine et Sbeïtla au début de l'année 1943, les troupes du Troisième Reich sont contraintes de capituler le 11 mai dans le cap Bon, quatre jours après l'arrivée des forces alliées à Tunis[136]. Bourguiba se voit remis en liberté par les Forces françaises libres le . Le , Bourguiba s'achemine clandestinement vers l'Égypte, et le l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) est fondée par Farhat Hached[137]. Ce syndicat compte, durant cette période, 100 000 adhérents, et il joue un rôle considérable dans le mouvement national[135] car sa naissance dote le Néo-Destour d'un allié dans la lutte pour la libération et la construction du nouvel État, même si les tentatives visant à le mettre au pas débutent dès les premiers mois de l'indépendance, entravant du même coup le développement d'un contre-pouvoir[132].

Après la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants nationalistes inscrivent la résistance armée dans la stratégie de libération nationale[134]. En 1949, un Comité national de la résistance constitué et dirigé par Ahmed Tlili désigne dix responsables régionaux chargés d'organiser des groupes armés strictement cloisonnés[134].

De la violence aux négociations (1945-1956)

[modifier | modifier le code]
Discours prononcé par Bourguiba le 15 janvier 1952.
Train saboté par des militants nationalistes.

Des pourparlers sont menés après la guerre avec le gouvernement français[135], si bien que Robert Schuman évoque en 1950 l'indépendance de la Tunisie en plusieurs étapes[125]. Mais des troubles nationalistes en 1951 précipitent leur échec[125] : la note du gouvernement français du 15 décembre rejette les revendications tunisiennes et interrompt le processus de négociation avec le gouvernement Chenik.

Avec l'arrivée du nouveau résident général, Jean de Hauteclocque, le , et l'arrestation, le 18 janvier, de 150 destouriens dont Bourguiba revenu d'Égypte le 2 janvier, débutent la révolte armée[116] — avec grèves, manifestations de rue et diverses formes de mobilisation populaire[134] —, la répression militaire française[125] et un durcissement des positions de chaque camp[138].

Ruines consécutives à une attaque sur Tazarka.

La répression provoque une escalade : dans certains lieux, elle est suivie par le sabotage, l'exécution des collaborateurs, l'attaque des fermes puis les opérations contre les troupes coloniales. Toutefois, le Néo-Destour adopte une stratégie qui s'adapte aux événements alors que la complexité des situations laisse une grande marge de manœuvre aux chefs locaux dans le cadre des directives générales[134]. Le 22 janvier, le colonel Durand est frappé et poignardé au cours d'une manifestation de protestation organisée par le Néo-Destour à Sousse. Les affrontements entre les manifestants et les forces de l'ordre, le 23 janvier à Moknine, se terminent par une fusillade, et de nombreux faits similaires se produisent à travers le pays[134]. Le ratissage du cap Bon par l'armée française, dès le 28 janvier — touchant principalement durant trois jours les localités de Tazarka, El Maâmoura et Béni Khiar — fait trente morts, d'après la commission d'enquête des ministres Mahmoud El Materi et Mohamed Ben Salem qui y incluent les victimes des répressions des manifestations à Nabeul et Hammamet (20 janvier) et Kélibia (25 janvier)[139].

Le résident général exige ensuite de Lamine Bey qu'il congédie les ministres qui avaient fait une requête auprès de l'ONU. Face à son refus, Jean de Hauteclocque les fait arrêter et interner à Kébili pendant un mois et demi. Un nouveau gouvernement est nommé mais le bey refuse de travailler avec lui. Le résident général propose alors un programme de réformes qu'il juge insuffisantes : il convoque lui-même une assemblée de quarante personnalités tunisiennes de toutes opinions politiques qui concluent au rejet de ce programme le 9 septembre.

Avec l'assassinat le 5 décembre du syndicaliste Farhat Hached[140] par l'organisation de la Main rouge[141], se déclenchent manifestations, émeutes, grèves, tentatives de sabotage et jets de bombes artisanales[134]. Le développement de la répression, accompagnée de l'apparition du contre-terrorisme, incite les nationalistes à prendre plus spécifiquement pour cibles les colons, les fermes, les entreprises françaises et les structures gouvernementales[134]. C'est pourquoi les années 1953 et 1954 sont marquées par la multiplication des attaques contre le système colonial : le mouvement nationaliste encourage la création de véritables unités de combat dans les différentes régions alors que les modestes ressources permettent difficilement de les entretenir. Protégés par leur insertion dans leur milieu social et connaissant le théâtre des opérations, les maquisards réussissent à organiser une guérilla de harcèlement[134].

Tahar Ben Ammar, Lamine Bey et Habib Bourguiba.

En réponse, près de 70 000 soldats français sont mobilisés pour arrêter les guérillas des groupes tunisiens dans les campagnes[142]. Cette situation difficile est apaisée par la reconnaissance de l'autonomie interne de la Tunisie, concédée le lors du discours de Carthage prononcé par Pierre Mendès France, président du Conseil en France depuis seulement un mois[125],[143] :

« L'autonomie interne de l'État tunisien est recouvrée et proclamée sans arrière-pensée par le gouvernement français[138]. »

C'est finalement le [142] que les conventions franco-tunisiennes sont signées entre le chef du gouvernement tunisien Tahar Ben Ammar et son homologue français Edgar Faure[140]. Elles prévoient le transfert au gouvernement tunisien de toutes les compétences à l'exception de celles des affaires étrangères et de la défense. En dépit de l'opposition de Salah Ben Youssef, qui sera exclu du parti[54], les conventions sont approuvées par le congrès du Néo-Destour tenu à Sfax le 15 novembre de la même année[138]. Après de nouvelles négociations, la France finit par reconnaître « solennellement l'indépendance de la Tunisie »[138] le [144], tout en conservant la base militaire de Bizerte.

République (depuis 1956)

[modifier | modifier le code]

Présidence de Habib Bourguiba (1956-1987)

[modifier | modifier le code]
Habib Bourguiba tenant la Constitution du 1er juin 1959.

Le [100], l'Assemblée constituante est élue : le Néo-Destour en remporte tous les sièges et Bourguiba est porté à sa tête le [25],[145]. Le , il devient le Premier ministre de Lamine Bey[140]. Le , la Tunisie fait son entrée à l'Organisation des Nations unies[25]. Le Code du statut personnel, à tendance progressiste, est proclamé le [146] et, le , la monarchie est abolie, la Tunisie devenant une république[147] dont Bourguiba est élu président[148] le [149]. Son passé de résistant puis les mesures prises au lendemain de l'indépendance pour émanciper les femmes et combattre la pauvreté ainsi que l'analphabétisme contribuent à affermir son autorité[132]. La Constitution républicaine est définitivement ratifiée le [149].

Le , en pleine guerre d'Algérie, des avions de l'armée française franchissent la frontière algéro-tunisienne et bombardent le village tunisien de Sakiet Sidi Youssef[25]. En 1961, dans un contexte d'achèvement prévisible de la guerre, la Tunisie revendique la rétrocession de la base de Bizerte[125] : la crise qui suit fait près d'un millier de morts, essentiellement tunisiens[125], et la France finit, le , par rétrocéder la base à l'État tunisien[148].

Bourguiba et le Premier ministre Hédi Nouira au congrès du PSD en 1974.

Dans les années 1960, alors que toutes les institutions du pays sont tenues par le parti au pouvoir, désormais connu sous le nom de Parti socialiste destourien (PSD), l'université de Tunis demeure encore un forum où les questions de développement et de démocratie sont débattues et les choix politiques de Bourguiba critiqués[132]. Cela n'empêche pas, le , l'assassinat de Salah Ben Youssef, principal opposant de Bourguiba à partir de 1955[148], à Francfort, tandis que le Parti communiste (PCT) est interdit le .

Ahmed Ben Salah prononçant un discours.

La République tunisienne devient donc un régime de parti unique dirigé par le Néo-Destour[148]. En , Ahmed Ben Salah entame une politique « socialiste » d'étatisation pratiquement totale de l'économie, avec la nationalisation des terres agricoles encore aux mains d'étrangers le [148].

Des émeutes contre la collectivisation des terres dans le Sahel tunisien le poussent au limogeage de Ben Salah le avec la fin de l'expérience socialiste[148]. En avril 1972, un Code des investissements très libéral est promulgué sous l'impulsion du Premier ministre Hédi Nouira[25], changeant ainsi la philosophie économique du pays[148]. Avec une économie affaiblie par la fin du socialisme et un panarabisme défendu par Mouammar Kadhafi, un projet politique qui unifierait la Tunisie et la Libye sous le nom de République arabe islamique est lancé en 1974 mais échoue très rapidement en raison des tensions tant nationales qu'internationales. Après la condamnation à une lourde peine de prison de Ben Salah, rendu responsable de l'échec de la politique des coopératives, viennent l'épuration de l'aile libérale du PSD animée par Ahmed Mestiri puis la proclamation de Bourguiba comme président à vie en 1975[25]. C'est dans ces conditions, marquées par un léger desserrement de l'étau du PSD sous le gouvernement d'Hédi Nouira, que l'UGTT gagne en autonomie à travers son hebdomadaire Echaab (Le Peuple) tandis que naissent en 1977 la Ligue tunisienne des droits de l'homme et le journal indépendant Erraï (L'Opinion)[132].

Manifestation devant le siège de l'UGTT le 26 janvier 1978.

Le coup de force du « Jeudi noir » contre l'UGTT en janvier 1978 puis l'attaque contre la ville minière de Gafsa, en janvier 1980, ne suffisent pas à museler la société civile émergente. Malgré le harcèlement de journaux comme Errai ou Al Maarifa, de nouvelles publications telles que Le Phare, Démocratie, L'Avenir, Al Mojtama'a ou 15-21 voient le jour[132]. Dès le début des années 1980, le pays traverse une crise politique et sociale[150] où se conjuguent le développement du clientélisme et de la corruption, la paralysie de l'État devant la dégradation de la santé de Bourguiba, les luttes de succession et le durcissement du régime. En 1981, la restauration partielle du pluralisme politique, avec la levée de l'interdiction frappant le Parti communiste, suscite des espoirs qui seront déçus par la falsification des résultats aux élections législatives de novembre, auxquelles prennent part le PSD, le PCT et deux nouvelles formations non encore légalisées : le Mouvement des démocrates socialistes et le futur Parti de l'unité populaire[132]. Par la suite, la répression sanglante des « émeutes du pain » de décembre 1983[150], la nouvelle déstabilisation de l'UGTT et l'arrestation de son dirigeant Habib Achour, tout comme le recours de plus en plus fréquent à la manière forte face à la contestation sociale et islamiste, contribuent à accélérer la chute du président vieillissant[132]. En 1986, le pays passe également par une grave crise financière : Bourguiba désigne alors le le technocrate Rachid Sfar comme Premier ministre et le charge de mettre en œuvre un plan d'ajustement structurel de l'économie recommandé par le Fonds monétaire international et destiné à rétablir les équilibres financiers du pays[150]. Mais la situation favorise la montée de l'islamisme[140] et le long règne de Bourguiba s'achève dans une lutte contre l'islamisme menée par Zine el-Abidine Ben Ali, nommé ministre de l'Intérieur puis Premier ministre en octobre 1987[148].

Présidence de Zine el-Abidine Ben Ali (1987-2011)

[modifier | modifier le code]

Période 1987-1999

[modifier | modifier le code]

Le , Ben Ali dépose le président pour sénilité, action accueillie favorablement par une large fraction du monde politique[150]. Élu le avec 99,27 % des voix[151], le nouveau président réussit à relancer l'économie alors que, sur le plan de la sécurité, le régime s'enorgueillit d'avoir épargné au pays les convulsions islamistes qui ensanglantent l'Algérie voisine, grâce à la neutralisation du parti Ennahdha au prix de l'arrestation de dizaines de milliers de militants et de multiples procès au début des années 1990[132]. Les opposants laïques signent quant à eux le Pacte national en 1988, plate-forme destinée à la démocratisation du régime. Pourtant, l'opposition et de nombreuses ONG de défense des droits de l'homme accusent peu à peu le régime d'attenter aux libertés publiques[116] en étendant la répression au-delà du mouvement islamiste. En 1994, le président Ben Ali est réélu avec 99,91 % des voix[152],[153] et signe l'année suivante un accord de libre-échange avec l'Union européenne[125].

Période 1999-2010

[modifier | modifier le code]
Rencontre entre Colin Powell et Ben Ali ().

Les élections du , bien qu'elles soient les premières présidentielles à être pluralistes avec trois candidats, voient le président Ben Ali réélu avec un score comparable aux scrutins précédents[151],[153] (99,45 %[154]). La réforme de la Constitution approuvée par référendum le accroît encore les pouvoirs du président, repousse l'âge limite des candidats, supprime la limite des trois mandats réintroduite en 1988 et permet au président de briguer de nouveaux mandats au-delà de l'échéance de 2004 tout en bénéficiant d'une immunité judiciaire à vie[132].

Le , un attentat au camion piégé vise la synagogue de la Ghriba et provoque la mort de 19 personnes dont quatorze touristes allemands. Entre 2004 et 2006, la vie politique se caractérise par la poursuite de la répression politique. En septembre 2005, un texte de loi voté par la Chambre des députés accorde des avantages aux « présidents de la République dès la cessation de leurs fonctions » et à leurs familles en cas de décès[132]. En novembre 2005, le pays attire l'attention de la communauté internationale en organisant la deuxième phase du Sommet mondial sur la société de l'information sous l'égide de l'ONU. En plein sommet, les actions menées par l'opposition focalisent les médias internationaux sur la question de la liberté d'expression. À cette occasion, le rapprochement entre islamistes et personnalités laïques comme Ahmed Néjib Chebbi et Hamma Hammami suscite une campagne de diffamation de la part du pouvoir mais aussi de vives réactions venant de personnalités indépendantes et d'animateurs du mouvement Ettajdid[132].

Durant le premier semestre 2008, de graves troubles secouent la région minière de Gafsa durement frappée par le chômage et la pauvreté ; ce sont les plus importants troubles sociaux depuis l'arrivée au pouvoir du président Ben Ali[155].

Révolution tunisienne (2010-2011)

[modifier | modifier le code]
Manifestation du 14 janvier 2011 à Tunis.
Sit-in à la place de la Kasbah à Tunis le 28 janvier 2011.

À partir du , le pays fait face à une violente crise sociale, à la suite du suicide d'un jeune chômeur, Mohamed Bouazizi, par immolation à Sidi Bouzid[156]. Le mouvement de contestation, dont les revendications sont à la fois sociales et politiques, s'étend ensuite à d'autres villes du pays[157]. Le , le président Zine el-Abidine Ben Ali fait un discours retransmis sur la chaîne télévisée Tunisie 7 et répond à plusieurs questions soulevées par le peuple et l'opposition, déclare que son mandat en cours serait le dernier et qu'il quitterait donc le pouvoir en 2014[158]. Malgré ces initiatives de la part du chef de l'État, des manifestations spontanées ont lieu le 14 janvier sur l'avenue Habib-Bourguiba à Tunis. Lors de ces manifestations, toutes les classes sociales sont présentes et manifestent leur volonté de voir partir le président en place. Cependant, elles tournent mal et les forces de police interviennent en utilisant du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc. Ce même jour, après environ un mois de crise sociale, le président Ben Ali limoge son gouvernement et prévoit des élections législatives anticipées dans les six mois. Après cette déclaration, l'état d'urgence est décrété puis le président quitte le pays par la voie aérienne[159]. C'est son Premier ministre Mohamed Ghannouchi qui devient le président par intérim, avant que Fouad Mebazaa ne soit proclamé le lendemain par le Conseil constitutionnel en sa qualité de président de la Chambre des députés[160]. Celui-ci confirme Ghannouchi comme Premier ministre et lui demande de former un gouvernement d'union nationale dont beaucoup de membres font partie du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) au pouvoir[161]. À la suite des différentes contestations, Ghannouchi est remplacé le 27 février remplacé par Béji Caïd Essebsi[162]. Le 3 mars, le président par intérim annonce l'élection d'une Assemblée constituante qui doit rédiger une nouvelle Constitution. Le 7 mars, Caïd Essebsi nomme son gouvernement avant que le RCD soit dissous deux jours plus tard.

Transition et présidence de Moncef Marzouki (2011-2014)

[modifier | modifier le code]

L'Assemblée constituante est élue le 23 octobre 2011 au scrutin de liste à la proportionnelle, avec une parité hommes-femmes et une répartition au plus fort reste. Les islamistes d'Ennahdha obtiennent une majorité relative (89 sièges sur 217) et concluent une coalition gouvernementale avec le Congrès pour la République (CPR), un parti de gauche nationaliste, et Ettakatol, un parti social-démocrate, sur la base d'une répartition des responsabilités[163] : la présidence de la République va à Moncef Marzouki (CPR), la présidence du gouvernement à Hamadi Jebali (Ennahdha) et la présidence de l'assemblée à Mustapha Ben Jaafar (Ettakatol). Cette alliance provoque des dissidences à l'intérieur des deux partenaires d'Ennahdha sans toutefois mettre en danger le gouvernement, puisque la coalition conserve la majorité absolue.

Enterrement de Chokri Belaïd au cimetière du Djellaz.

Plusieurs crises sécuritaires se succèdent alors, avec des manifestations qui dégénèrent[164] mais aussi avec l'attaque de l'ambassade américaine et de l'école américaine par des salafistes le [165]. Cette période est surtout marquée par l'irruption de la violence politique : le , le coordinateur de Nidaa Tounes à Tataouine, Lotfi Nagdh, est mortellement blessé à la suite d'une manifestation violente déclenchée par des membres de la Ligue de protection de la révolution[166] ; le , Chokri Belaïd, un opposant politique, est assassiné en quittant en voiture son domicile du quartier d'El Menzah VI[167],[168]. Ce meurtre ébranle le gouvernement, alors empêtré dans une interminable crise ministérielle. Le soir même, Hamadi Jebali annonce, unilatéralement et sans consultation des partis politiques, sa décision de former un gouvernement de technocrates dont la mission serait limitée à la gestion des affaires du pays jusqu'à la tenue d'élections[169]. Bien accueillie par une large partie de la population et par l'opposition, cette initiative se heurte à l'hostilité farouche de son propre parti et de son allié, le CPR[170]. Après plusieurs jours de concertations, le chef du gouvernement finit par annoncer sa démission le 19 février ; Ennahdha désigne alors Ali Larayedh, ministre de l'Intérieur, pour lui succéder.

Enterrement de Mohamed Brahmi au cimetière du Djellaz.
Représentants du quartet du dialogue national au premier plan.

Le gouvernement Larayedh comporte des personnalités indépendantes aux postes de souveraineté (Défense, Intérieur, Affaires étrangères et Justice) mais ne parvient pas à rétablir la confiance. La crise politique s'aggrave encore lorsqu'une seconde personnalité politique, Mohamed Brahmi, est assassinée le puis lorsque huit soldats sont tués dans une embuscade au djebel Chambi le . La contestation contre Ennahdha culmine alors que le renversement en Égypte du président islamiste Mohamed Morsi quelques jours plus tôt, le , fait prendre conscience au parti qu'il joue sa survie politique. Un dialogue national s'instaure alors, sous la direction d'un quartette issu de la société civile et dirigé par le puissant syndicat de l'Union générale tunisienne du travail[171]. Le projet constitutionnel est totalement réorganisé et rationalisé[172] et une feuille de route organise une sortie de crise par l'achèvement rapide des travaux de l'Assemblée constituante et la mise en place d'un gouvernement de technocrates chargé du maintien de l'ordre, de la gestion des affaires courantes et de l'organisation des premières élections présidentielle et législatives sous le régime de la nouvelle Constitution. Après de nombreux remous, le texte est finalement adopté le et Mehdi Jomaa, jusqu'alors ministre de l'Industrie, est chargé de former le nouveau gouvernement, qui est intronisé le 29 janvier.

Présidence de Béji Caïd Essebsi (2014-2019)

[modifier | modifier le code]

À la suite des élections législatives du 26 octobre 2014, le parti Nidaa Tounes arrive en tête du scrutin mais sans majorité absolue alors qu'Ennahdha, qui avait remporté les élections de 2011, termine deuxième, en fort recul. Ainsi l'Assemblée des représentants du peuple remplace l'Assemblée constituante. Le premier tour de l'élection présidentielle a lieu le 23 novembre et voit s'affronter 27 candidats dont deux, en la personne de Béji Caïd Essebsi (Nidaa Tounes) avec 39,46 % des voix et Moncef Marzouki avec 33,43 % des voix[173], sont qualifiés pour le second tour organisé le 21 décembre et qui permet à Caïd Essebsi de remporter le scrutin avec 55,68 % des voix contre 44,32 % des voix pour Marzouki[174] et de devenir ainsi le premier président issu d'une élection démocratique et transparente. Le quartet du dialogue national, association de quatre organisations s'étant donné pour but d'organiser des négociations entre les partis politiques pour assurer la transition vers un régime démocratique permanent, obtient le prix Nobel de la paix 2015[175]. Ce prix est le premier Nobel attribué à un ressortissant ou organisation de la Tunisie[175] après son indépendance[176]. Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, exprime sa joie et félicite le quartet tout en affirmant que ce prix est dédié à tous les Tunisiens qui ont commencé le Printemps arabe[177].

Le , une attaque terroriste a lieu au Bardo, près de Tunis, sous la forme d'une fusillade, d'abord près du Parlement, où ont lieu des auditions sur la loi anti-terroriste puis au musée national du Bardo. Événement inédit jusqu'alors pour le pays, l'attentat cause la mort de 25 personnes, dont 22 touristes, un agent des forces de l'ordre et les deux terroristes, ainsi que 47 blessés[178],[179],[180]. L'attaque est revendiquée par l'État islamique.

En 2017 et 2018, le pays est touché par plusieurs vagues de contestation. Des Tunisiens expriment leur ras le bol face à la cherté de la vie, à l'inflation, et au chômage qui reste au-dessus de 15 %, et dépasse 30 % chez les jeunes diplômés. Globalement, le pays connaît une certaine morosité et inquiétude économique[181],[182],[183]. L'Observatoire social tunisien recense 5 000 mouvements de protestation en 2015, plus de 11 000 en 2017 et 4 500 pour les quatre premiers mois de 2018[184].

Présidence de Kaïs Saïed (depuis 2019)

[modifier | modifier le code]
Kaïs Saïed à son arrivée au palais de Carthage pour son investiture.

Le président Béji Caïd Essebsi meurt le , à 92 ans. Fin 2019, un double scrutin, législatif le , et présidentiel, avec un premier tour en septembre et le second tour le , se déroule sans heurts, montrant une certaine maturité de la démocratie électorale en Tunisie. Les élections législatives aboutissent cependant à une assemblée fragmentée entre diverses formations[185]. L'élection présidentielle propulse à la tête de l'État un nouveau venu dans le monde politique, un juriste et universitaire spécialiste du droit constitutionnel, âgé de 61 ans, Kaïs Saïed, élu avec une confortable avance face, au second tour, à l'homme d'affaires Nabil Karoui. Kaïs Saïed propose durant sa campagne une vision associant un certain conservatisme moral et religieux, un souverainisme, et un mode de fonctionnement démocratique à rebours de l'organisation centralisée bourguibienne[186].

Conformément à la Constitution, ce nouveau président propose à Habib Jemli de former un gouvernement. Habib Jemli est désigné par le parti islamiste Ennahdha, la formation la mieux placée aux élections législatives, sans pour autant disposer de la majorité : ce parti ne détient que 54 sièges sur 217. L'Assemblée des représentants du peuple lui refuse sa confiance[187]. Elyes Fakhfakh, membre du parti Ettakatol, est alors désigné par le président pour tenter de constituer un gouvernement, comme le prévoit l'article 89 de la Constitution[188],[189]. Il reçoit le soutien du bloc démocrate et de Tahya Tounes[190]. Finalement, le 19 février 2020, un accord est trouvé pour former un gouvernement[191], d'intenses négociations ayant été nécessaires avec l'intervention, en médiateurs, de la centrale syndicale (UGTT) et de l'organisation patronale (UTICA). Le parti Ennahdha apporte son soutien à ce gouvernement et y obtient sept ministères, mais pas ceux de l'Intérieur et de la Justice qu'il escomptait[192]. Le 25 juillet 2020, Hichem Mechichi est désigné pour remplacer Fakhfakh[193].

Le , à la suite d'un mouvement de manifestations dans le pays, le président Kaïs Saïed, invoquant l'article 80 de la Constitution, limoge le gouvernement Mechichi avec effet immédiat et gèle le parlement, ce qui déclenche une crise politique[194],[195]. Le 11 octobre, il nomme Najla Bouden au poste de chef du gouvernement[196]. Après la tenue d'une consultation électronique, du 15 janvier au 20 mars 2022, le président de la République annonce la tenue d'un référendum constitutionnel le 25 juillet et d'élections législatives le 17 décembre[197].

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Abbassi et Ilbert 2005, p. 159.
  2. Abbassi et Ilbert 2005, p. 159-160.
  3. Abbassi et Ilbert 2005, p. 160.
  4. Abbassi et Ilbert 2005, p. 166.
  5. Abbassi et Ilbert 2005, p. 161.
  6. a et b Abbassi et Ilbert 2005, p. 162.
  7. a et b Abbassi et Ilbert 2005, p. 163.
  8. Abbassi et Ilbert 2005, p. 63-64.
  9. a et b Abbassi et Ilbert 2005, p. 165.
  10. a b c d et e Ahmed Moro et Bernard Kalaora (dir.), Le désert : de l'écologie du divin au développement durable, Paris, L'Harmattan, (ISBN 274759677X), p. 110.
  11. Michel Gruet, « Le gisement d'El Guettar et sa flore », Libyca,‎ , p. 79-126 (ISSN 0459-3030).
  12. a b c et d « Hermaïon d'El Guettar », sur inp.rnrt.tn.
  13. a et b Michel Gruet, « Le gisement moustérien d'El Guettar », Karthago, vol. V,‎ , p. 1-79 (ISSN 0453-3429).
  14. Jean Chavaillon, « El Guettar. Tunisie », dans Dictionnaire de la Préhistoire, Paris, Presses universitaires de France, , p. 354.
  15. Marcel Otte, Denis Vialou et Patrick Plumet, La Préhistoire, Louvain-la-Neuve, De Boeck Université, (ISBN 2804144178), p. 176.
  16. Georges Larrouy, « La place de l'anthropobiologie dans l'étude du peuplement berbère : affirmations, contradictions, conclusions », sur didac.ehu.es, .
  17. Magdeleine Moureau et Gérald Brace, Dictionnaire des sciences de la terre, Paris, Technip, (ISBN 2710807491), p. 76.
  18. Mohamed-Habib Daghari-Ounissi, Tunisie, habiter sa différence, Paris, L'Harmattan, (ISBN 2747521869), p. 32.
  19. Charles-André Julien, Histoire de l'Afrique du Nord, Paris, Payot et Rivages, (ISBN 2228887897), p. 59.
  20. Gabriel Camps, Berbères, aux marges de l'histoire, Paris, Éditions des Hespérides, (ISBN 2855880068), p. 42.
  21. « Biographie de Jacques de Morgan », sur annales.com.
  22. Ginette Aumassip et Jean Guilaine, L'Algérie des premiers hommes, Paris, Maison des Sciences de l'Homme, (ISBN 2735109321), p. 191.
  23. Camps 1980, p. 44.
  24. (en) Lloyd Cabot Briggs, Tribes of the Sahara, Cambridge, Harvard University Press, (ISBN 978-0674908703), p. 34-36.
  25. a b c d e f g h i j k l et m « Tunisie », sur fr.encarta.msn.com.
  26. Michel Quitout, Les langues orales dans les pays méditerranéens : situation, enseignement et recherche, Paris, L'Harmattan, (ISBN 2747507505), p. 43.
  27. Mebarek Slaouti Taklit, L'alphabet latin serait-il d'origine berbère ?, Paris, L'Harmattan, (ISBN 2747565351), p. 50.
  28. En particulier entre les Puniques et les populations locales selon Dridi 2006, p. 28.
  29. (en) Gerald K. Gresseth, « The Homeric Sirens », Transactions and Proceedings of the American Philological Association, vol. 101,‎ , p. 208 (ISSN 0065-9711).
  30. Yves Lacoste et Camille Lacoste-Dujardin (dir.), L'état du Maghreb, Paris, La Découverte, (ISBN 2707120146), p. 118.
  31. D'où l'interrogation dans Jean-Paul Brisson, Carthage ou Rome ?, Paris, Fayard, .
  32. Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 39.
  33. Véronique Krings, La civilisation phénicienne et punique : manuel de recherche, Leyde, Brill, (ISBN 9004100687), p. 112.
  34. Attilio Gaudio, Les Îles Canaries, Paris, Karthala, (ISBN 2865375587), p. 23.
  35. a b c d e f g h i j et k Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 38.
  36. Anne Zali et Annie Berthier (dir.), L'aventure des écritures, Paris, Bibliothèque nationale de France, (ISBN 2717720235), p. 100.
  37. Serge Lancel, Carthage, Paris, Fayard, (ISBN 2213028389), p. 23-25.
  38. a b c d e f g et h Jacques Simon, Algérie : le passé, l'Algérie française, la révolution (1954-1958), Paris, L'Harmattan, (ISBN 2296028586), p. 13.
  39. Gilbert Charles-Picard et Colette Picard, Vie et mort de Carthage, Paris, Hachette, , p. 72-78.
  40. (en) Ronald T. Ridley, « To Be Taken with a Pinch of Salt: The Destruction of Carthage », Classical Philology, vol. 81, no 2,‎ (ISSN 0009-837X).
  41. a b c et d Philippe Lemarchand (dir.), L'Afrique et l'Europe : atlas du XXe siècle, Paris, Complexe, (ISBN 978-2870275184), p. 238.
  42. a b et c Dominique Arnauld, Histoire du christianisme en Afrique : les sept premiers siècles, Paris, Karthala, (ISBN 2845861907), p. 58.
  43. a b c d et e Jean-Paul Morel, « La Tunisie romaine », sur clio.fr, .
  44. Connaissance des arts, no 69 « Carthage (hors-série) », 1995, p. 33 ( (ISSN 0293-9274)).
  45. Jean-Claude Golvin, L'Antiquité retrouvée, Paris, Errance, , p. 98.
  46. Voir à ce sujet le travail de Marcel Le Glay, Saturne africain, Paris, De Boccard, .
  47. Maria Giulia Amadasi Guzzo, Carthage, Paris, Presses universitaires de France, , p. 123-124.
  48. a b c d e f et g François Decret, « Carthage chrétienne », sur clio.fr, .
  49. Fethi Béjaoui, « La Carthage de saint Augustin », Connaissance des arts, no 69 « Carthage (hors-série) »,‎ , p. 55 (ISSN 0293-9274).
  50. Aïcha Ben Abed, « Carthage : capitale de l'Africa », Connaissance des arts, no 69 « Carthage (hors-série) »,‎ , p. 44 (ISSN 0293-9274).
  51. Selon les sources, cette date varie de 427 à 429. Charles Clémencet, L'Art de vérifier les dates, t. I, Paris, Desprez, , p. 403 donne mai 429.
  52. a et b Moncef Ben Moussa, La production de sigillées africaines : recherches d'histoire et d'archéologie en Tunisie septentrionale et centrale, Barcelone, Université de Barcelone, (ISBN 8447531767), p. 22.
  53. Hélène Ménard, Maintenir l'ordre à Rome : IIe – IVe siècles ap. J.-C., Seyssel, Champ Vallon, (ISBN 2876734036), p. 251.
  54. a b et c Collectif, Encyclopédie 360, vol. 12, Paris, Rombaldi/Paris Match, , p. 161.
  55. a b c d e f g h i j k l m et n François Decret, « L'Afrique chrétienne, de l'invasion vandale au Maghreb musulman », sur clio.fr, .
  56. Guillaume Bernard, Introduction à l'histoire du droit et des institutions, Levallois-Perret, Studyrama, (ISBN 2844724426), p. 70.
  57. a b et c Arnauld 2001, p. 274.
  58. Ben Moussa 2007, p. 23.
  59. Pierre Salama, « De Rome à l'islam », dans Histoire générale de l'Afrique, Paris, Unesco, (ISBN 9232017075), p. 539-551.
  60. Alban Gautier, 100 dates qui ont fait le monde : 3 000 ans de mondialisation, Levallois-Perret, Studyrama, (ISBN 2844726577), p. 105.
  61. a b c d e f g h et i Collectif, L'Encyclopédie nomade 2006, Paris, Larousse, (ISBN 978-2035202505), p. 707.
  62. Georg Ostrogorsky, Histoire de l'État byzantin, Paris, Payot, (ISBN 978-2228902069), p. 95.
  63. a b et c Ephrem-Isa Yousif, Les chroniqueurs syriaques, Paris, L'Harmattan, (ISBN 2747527093), p. 75.
  64. Ostrogorsky 1983, p. 97 et suiv..
  65. Jean Castrillo, Constantinople : la perle du Bosphore, Paris, L'Harmattan, (ISBN 2296001742), p. 191.
  66. Ostrogorsky 1983, p. 98 et suiv..
  67. a b et c Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 42.
  68. Ostrogorsky 1983, p. 101 et suiv..
  69. Abdelmajid Ennabli, « Carthage », dans Encyclopædia Universalis, Paris, (ISBN 2852295504), p. 1041 et suiv..
  70. Ceci étant particulièrement évident à Carthage comme l'indique Liliane Ennabli Ennabli 2002.
  71. a b c d et e Michel Quitout, Parlons l'arabe tunisien : langue et culture, Paris, L'Harmattan, (ISBN 2747528863), p. 11.
  72. « Grande Mosquée de Kairouan », sur kairouan.org.
  73. a b et c Yousif 2002, p. 358.
  74. Quitout 2002, p. 17.
  75. a et b Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 43.
  76. Ibn Khaldoun (trad. William Mac Guckin de Slane), Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique septentrionale, Alger, Berti, (ISBN 978-9961691885).
  77. a b c d e f et g Quitout 2002, p. 12.
  78. a b c d e f et g Jacques Thiry, Le Sahara libyen dans l'Afrique du nord médiévale, Louvain, Peeters Publishers, (ISBN 978-9068317398), p. 166.
  79. a et b Collectif, Encyclopédie de l'Islam, Leyde, Brill, (ISBN 9004063811), p. 144.
  80. Rafik Saïd, La Politique culturelle en Tunisie, Paris, Unesco, (lire en ligne), p. 14.
  81. Saïd 1970, p. 12.
  82. a b c d e et f Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 44.
  83. Pierre Teisserenc (dir.), La mobilisation des acteurs dans l'action publique locale : au Brésil, en France et en Tunisie, Paris, L'Harmattan, (ISBN 978-2296008892), p. 132.
  84. Alexandre Lézine, Deux villes d'Ifriqiya : études d'archéologie, d'urbanisme, de démographie, Sousse, Tunis, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, , p. 77-82.
  85. « Aghlabides », sur fr.ca.encarta.msn.com
  86. Paul Sebag, Tunis : histoire d'une ville, Paris, L'Harmattan, (ISBN 2738466109), p. 87.
  87. a b c d e f g h i j k l m et n François Decret, « Les invasions hilaliennes en Ifrîqiya », sur clio.fr, .
  88. Hady Roger Idris, La Berbérie orientale sous les Zīrīdes, Xe – XIIe siècles, vol. I, Paris, Librairie d'Amérique et d'Orient, , p. 181.
  89. (en) « Khurasanids », sur discoverislamicart.org.
  90. Michel Grenon, Conflits sud-italiens et royaume normand : 1016-1198, Paris, L'Harmattan, (lire en ligne), p. 345.
  91. Les sources arabes sont compilées par (it) Michele Amari, Biblioteca arabo-sicula, Rome/Turin, Ermanno Loesher, .
  92. (en) Hubert Houben, Roger II of Sicily : A Ruler Between East and West, Cambridge, Cambridge University Press, , p. 83.
  93. (en) Charles Dalli, « Bridging Europe and Africa: Norman Sicily's Other Kingdom », dans Bridging the Gaps: Sources, Methodology, and Approaches to Religion in History, Pise, Pisa University Press, , p. 79.
  94. Claude Horrut, Ibn Khaldun, un islam des Lumières ?, Paris, Complexe, (ISBN 978-2870279984), p. 208.
  95. a et b Samuel Pickens, Maroc : les cités impériales, Paris, ACR, (ISBN 2867700752), p. 242.
  96. (en) Roger Le Tourneau, The Almohad Movement in North Africa in the Twelfth and Thirteenth Centuries, Princeton, Princeton University Press, (OCLC 10645), p. 48-57.
  97. a b et c Pierre Bonte, Al-Ansâb, la quête des origines : anthropologie historique de la société tribale arabe, Paris, Maison des Sciences de l'Homme, (ISBN 978-2735104260), p. 115.
  98. Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 44-45.
  99. (en) « Dynastie almohade », sur islamicarchitecture.org.
  100. a b c et d Noura Borsali, « Tricentenaire de la dynastie husseinite (15 juillet 1705 - 25 juillet 1957) : les beys de Tunis à l'épreuve du temps et de l'Histoire », Réalités,‎ .
  101. Alia Mabrouk, L'émir et les croisés, Tunis, Clairefontaine, , p. 234.
  102. a b et c Pierre Pinta, La Libye, Paris, Karthala, (ISBN 2845867166), p. 196.
  103. Charles-André Julien, Histoire de l'Afrique du Nord, t. I, Paris, Payot, , p. 509.
  104. Abdesselem 1973, p. 464.
  105. Julien 1968, p. 511.
  106. Pinta 2006, p. 115 résume ainsi cette situation : « Ces derniers [les Mérinides] firent leur entrée dans Tunis en même temps que la peste ».
  107. a b c d e f g h i j k l m et n Jean-Paul Roux, « L'Afrique du Nord ottomane », sur clio.fr, .
  108. a b c et d Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 46.
  109. (en) William Spencer, Algiers in the Age of the Corsairs, Norman, University of Oklahoma Press, (ISBN 978-0806113340), p. 18.
  110. Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 51.
  111. Ali Mahjoubi, L'établissement du protectorat français en Tunisie, vol. 18, Tunis, Université de Tunis, , p. 13.
  112. a b c d e et f Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 54.
  113. « Constitution tunisienne de 1861 » [PDF], sur archives.nat.tn.
  114. Jean Ganiage, Histoire contemporaine du Maghreb : de 1830 à nos jours, Paris, Fayard, (ISBN 978-2213591919), p. 46.
  115. a b c et d Maria Ghazali, « La régence de Tunis et l'esclavage en Méditerranée à la fin du XVIIIe siècle d'après les sources consulaires espagnoles », Cahiers de la Méditerranée, no 65,‎ , p. 77-98 (ISSN 1773-0201, lire en ligne).
  116. a b c d e f g et h Collectif, L'encyclopédie nomade 2006, p. 708.
  117. a b c d e f et g Philippe Conrad, « Le Maghreb sous domination française (1830-1962) », sur clio.fr, .
  118. Bernard Lugan, « Tunisie : de la régence au protectorat », dans Histoire de l'Afrique du Nord : des origines à nos jours, Monaco, Éditions du Rocher, (ISBN 978-2268021478), p. 353-354.
  119. Martin 2003, p. 41-43.
  120. Hachemi Karoui et Ali Mahjoubi, Quand le soleil s'est levé à l'ouest, Tunis, Cérès Productions, (ISBN 2857030118), p. 86.
  121. John P. Entelis (professeur à l'université Fordham) prétend — sans citer ses sources — que Sadok Bey a été menacé de mort selon Michel Camau et Vincent Geisser, Habib Bourguiba : la trace et l'héritage, Paris, Karthala, (ISBN 978-2845865068), p. 227.
  122. « Traité du Bardo » [PDF], sur archives.nat.tn.
  123. Hédi Saïdi et Janine Ponty, Mémoire de l'immigration et histoire coloniale, Paris, L'Harmattan, (ISBN 978-2296024199), p. 117.
  124. a et b Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 56.
  125. a b c d e f g h i et j Quitout 2002, p. 13.
  126. a b c d et e Frédéric Angleviel (dir.), Chants pour l'au-delà des mers : mélanges en l'honneur du professeur Jean Martin, Paris, L'Harmattan, (ISBN 978-2296054080), p. 13.
  127. Camau et Geisser 2004, p. 227-228.
  128. Camau et Geisser 2004, p. 228.
  129. a et b Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 57.
  130. a b c et d Angleviel 2008, p. 14.
  131. Angleviel 2008, p. 15.
  132. a b c d e f g h i j k l et m Kamel Labidi, « La longue descente aux enfers de la Tunisie », Le Monde diplomatique,‎ , p. 10-11 (ISSN 0026-9395, lire en ligne).
  133. a b c et d Sophie Chautard, Les dictateurs du XXe siècle, Levallois-Perret, Studyrama, (ISBN 978-2844727855), p. 165.
  134. a b c d e f g h i et j Khalifa Chater, « Cinquantenaire de l'indépendance : le rappel d'une épopée spécifique du peuple tunisien », Afkar,‎ (lire en ligne).
  135. a b c d et e Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 60.
  136. « Défilé de la victoire à Tunis », sur ina.fr, .
  137. « Union générale tunisienne du travail », sur ugtt.org.tn.
  138. a b c et d Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 61.
  139. « Rapport des ministres Materi et Ben Salem sur le ratissage du cap Bon » [PDF], sur watchingtunisia.files.wordpress.com, .
  140. a b c et d Chautard 2006, p. 166.
  141. Claude Liauzu, L'Europe et l'Afrique méditerranéenne : de Suez (1869) à nos jours, Paris, Complexe, (ISBN 978-2870275146), p. 156.
  142. a et b Camau et Geisser 2004, p. 229.
  143. « Voyage du Président Mendès France en Tunisie », sur ina.fr, .
  144. « Proclamation d'indépendance » [PDF], sur archives.nat.tn.
  145. Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 71.
  146. « Décret du 13 août 1956 portant promulgation du Code du statut personnel », Journal officiel tunisien, no 104,‎ , p. 1742 (ISSN 0330-7921, lire en ligne [PDF]).
  147. « Proclamation de la république en Tunisie », sur ina.fr, .
  148. a b c d e f g et h Lacoste et Lacoste-Dujardin 1991, p. 74.
  149. a et b Chautard 2006, p. 167.
  150. a b c et d Chautard 2006, p. 169.
  151. a et b Samir Gharbi, « Radiographie d'une élection », Jeune Afrique,‎ (ISSN 1950-1285, lire en ligne).
  152. « Ben Ali, Zine el-Abidine », sur fr.encarta.msn.com avance le chiffre de 99,80 %.
  153. a et b Camau et Geisser 2004, p. 241.
  154. « Tunisie », sur fr.ca.encarta.msn.com avance le chiffre de 99,44 % alors que « Carthage de ses artères », Le Canard enchaîné, no 4581,‎ , p. 8 (ISSN 0008-5405) celui de 99,40 %.
  155. Amin Allal, « Ici si ça ne « bouge » pas, ça n'avance pas ! », dans L'État face aux débordements du social au Maghreb, Paris, Karthala, (ISBN 2845867166, lire en ligne), p. 173 et suiv..
  156. Audrey Pelé, « Tunisie : décès du jeune homme immolé par le feu », Le Figaro,‎ (ISSN 0182-5852, lire en ligne).
  157. « Près d'un mois de troubles sociaux en Tunisie », La Dépêche du Midi,‎ (ISSN 0181-7981, lire en ligne).
  158. Pierre Vermeren, « Tunisie : le goût amer de la Révolution de jasmin », L'Express,‎ (ISSN 0014-5270, lire en ligne).
  159. « Le jour où Ben Ali a fui la Tunisie », L'Express,‎ (ISSN 0014-5270, lire en ligne).
  160. « Tunisie : Mebazaa président par intérim », Le Figaro,‎ (ISSN 0182-5852, lire en ligne).
  161. « Tunisie : le président et le PM quittent le RCD », sur europe1.fr, .
  162. « Tunisie : le Premier ministre annonce sa démission », Le Figaro,‎ (ISSN 0182-5852, lire en ligne).
  163. « Signature d'une « déclaration d'entente » entre Ennahdha, le CPR et Ettakatol », sur algerieinfos-saoudi.com, .
  164. Synda Tajine et Monia Ben Hamadi, « Tunisie - Manifestations du 9 avril : le régime policier marque un retour fracassant ! », sur businessnews.com.tn, .
  165. Noureddine Hlaoui, « La Tunisie humiliée par ses enfants salafistes », sur businessnews.com.tn, .
  166. « Tunisie : un mort dans le Sud lors de violences entre adversaires politiques », L'Orient-Le Jour,‎ (ISSN 1564-0280, lire en ligne).
  167. « Chokri Belaïd assassiné », sur mag14.com, .
  168. Isabelle Mandraud, « Mort de l'opposant tunisien Chokri Belaïd : « On a assassiné un démocrate » », Le Monde,‎ (ISSN 0395-2037, lire en ligne).
  169. « Démission du gouvernement tunisien après la mort d'un opposant », sur reuters.com, .
  170. « Ennahdha dit non à la dissolution du gouvernement », sur businessnews.com.tn, .
  171. « Assassinats politiques : la Tunisie revient de très loin », sur gnet.tn, .
  172. « Tunisie : le vote de la Constitution, mode d'emploi en 4 points », Jeune Afrique,‎ (ISSN 1950-1285, lire en ligne).
  173. « Présidentielle en Tunisie : Essebsi récolte 39,46 % des suffrages », Le Figaro,‎ (ISSN 0182-5852, lire en ligne).
  174. « Tunisie : le candidat laïque Béji Caïd Essebsi remporte la présidentielle avec 55,68 % des voix », sur francetvinfo.fr, .
  175. a et b (en) « The Nobel Peace Prize 2015 », sur nobelprize.org.
  176. Charles Nicolle reçoit le prix Nobel de physiologie ou médecine 1928 « pour ses travaux sur le typhus » à la tête de l'Institut Pasteur de Tunis.
  177. « L'ONU salue l'attribution du Prix Nobel de la paix au Quartet du dialogue national tunisien », sur un.org.
  178. « Qui sont les victimes du Bardo ? », Paris Match,‎ (ISSN 0397-1635, lire en ligne).
  179. « Tunisie : un troisième Français est mort après l'attaque du Bardo », Libération,‎ (ISSN 0335-1793, lire en ligne).
  180. « Tunis, une troisième victime française identifiée », Le Figaro,‎ (ISSN 0182-5852, lire en ligne).
  181. « En Tunisie, des contestations nourries par une économie bloquée », Le Point,‎ (ISSN 0242-6005, lire en ligne).
  182. Alexis Feertchak, « Manifestations, grèves, violences : comprendre la crise en Tunisie en quatre questions », Le Figaro,‎ (ISSN 0182-5852, lire en ligne).
  183. « Tunisie : le point sur les mouvements sociaux qui grondent », sur francetvinfo.fr, .
  184. Thierry Brésillon, « Une Tunisie contre l'autre », Le Monde diplomatique, no 776,‎ , p. 11 (ISSN 0026-9395, lire en ligne).
  185. « Élections législatives en Tunisie : le parti d'inspiration islamiste Ennahda en tête mais loin de la majorité », Le Monde,‎ (ISSN 0395-2037, lire en ligne).
  186. Frédéric Bobin, Mohamed Haddad et Lilia Blaise, « Élection présidentielle en Tunisie : Kaïs Saïed, ou le nouveau paradigme tunisien », Le Monde,‎ (ISSN 0395-2037, lire en ligne).
  187. « Tunisie : le gouvernement de Habib Jemli rejeté par le Parlement », Le Monde,‎ (ISSN 0395-2037, lire en ligne).
  188. « Officiel : Elyes Fakhfakh, nouveau chef du gouvernement désigné », sur mosaiquefm.net, .
  189. Hamza Marzouk, « Elyes Fakhfakh futur chef de gouvernement, est-ce possible ? », sur leconomistemaghrebin.com, .
  190. « Le Bloc démocratique et Tahya Tounes voteront pour le gouvernement Fakhfakh », sur webdo.tn, .
  191. « Officiel : la composition du gouvernement Fakhfakh », sur kapitalis.com, .
  192. « En Tunisie, bras de fer au sommet autour de la formation d'un gouvernement », Le Monde,‎ (ISSN 0395-2037, lire en ligne).
  193. « Tunisie : le ministre de l'Intérieur Hichem Mechichi désigné chef du gouvernement », sur france24.com, .
  194. « En Tunisie, des milliers de manifestants défilent contre leurs dirigeants », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne).
  195. « Kais Saied prend tous les pouvoirs en main, suspend le parlement, limoge Mechichi et s'érige en chef de l'exécutif et du parquet », sur leaders.com.tn, .
  196. « Tunisie : Najla Bouden Romdhane chargée de former un nouveau gouvernement », sur france24.com, .
  197. Mathieu Galtier, « Tunisie : Kaïs Saied propose des élections législatives pour… fin 2022 », Libération,‎ (ISSN 0335-1793, lire en ligne).

Bibliographie

[modifier | modifier le code]

Conquête arabe à la période ottomane

[modifier | modifier le code]

Protectorat français

[modifier | modifier le code]

Indépendance

[modifier | modifier le code]

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Période antique

[modifier | modifier le code]

Période islamique

[modifier | modifier le code]

Période ottomane

[modifier | modifier le code]

Période contemporaine

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :