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« Jean Giono » : différence entre les versions

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{{Infobox Biographie2
{{sources à lier|date=septembre 2008}}
| charte = écrivain

| plaque = -
{{Infobox Écrivain
| nom = Jean Giono
| image = Jean-Giono-1932.png
| légende = Jean Giono en 1932.
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| langue = [[Français]]
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| membre de = l'[[Académie Goncourt]] (1954-1970)
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| distinctions = [[Ordre national de la Légion d'honneur|Légion d'honneur]]<br />[[Prix Prince-Pierre-de-Monaco|Prix littéraire Prince-Pierre-de-Monaco]] <br/>[[Prix Brentano|Prix littéraire américain Brentano]]<br/>[[Prix Northcliffe|Prix littéraire américain Northcliffe]]
| activité = [[Écrivain]]
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| date de naissance = {{Date de naissance|30|mars|1895}}
| œuvres principales = * ''[[Colline (roman)|Colline]]'' (1929)
| lieu de naissance = [[Manosque]]
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| date de décès = {{Date de décès|8|octobre|1970|30|mars|1895|âge=oui}}
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}}
'''Jean Giono''' ([[Manosque]], {{Date|30|mars|1895}} - Manosque, {{Date|8|octobre|1970}}) est un [[écrivain]] et [[scénariste]] [[France|français]], d'une famille d'origine piémontaise. Un grand nombre de ses ouvrages ont pour cadre le monde paysan [[Provence|provençal]]. Inspirée par son imagination et ses visions de la [[Grèce antique]], son œuvre romanesque dépeint la condition de l'Homme dans le monde, face aux questions morales et métaphysiques et possède une portée universelle. Il fut accusé à tort de soutenir le [[Régime de Vichy]] et d'être [[collaborateur]] avec l'[[Allemagne nazie]] pendant la [[Seconde Guerre mondiale]].
'''Jean Giono''' est un [[écrivain]] et [[cinéaste]] [[France|français]], né le {{Date de naissance-|30|mars|1895}} à [[Manosque]] où il est mort le {{Date de mort|9|octobre|1970}}.

Ses œuvres, souvent ancrées dans le monde paysan provençal, abordent des questions universelles sur la condition humaine. Bien qu'ami de nombreux écrivains et artistes célèbres, il demeure en dehors des courants littéraires dominants de son époque.

Il a vécu principalement à Manosque, et sa culture — notamment littéraire — est essentiellement autodidacte, se fondant sur des œuvres classiques. Il n'a jamais reçu de grand prix littéraire français, mais a été honoré par des prix américains et britanniques. Membre de l'[[académie Goncourt]] de 1954 à sa mort, il est parfois perçu à tort comme un simple écrivain régionaliste, alors que son œuvre est vaste et diversifiée. Ses écrits, bien que profondément enracinés dans la Provence, transcendent les frontières régionales et abordent des thèmes universels.


Giono a également réfléchi à l'art de l'écriture, notamment dans son livre ''Noé'', où il explore la relation entre un romancier et son imaginaire.
Il devint l'ami de [[Lucien Jacques]], d'[[André Gide]] et de [[Jean Guéhenno]], ainsi que du peintre [[Georges Gimel]]. Il resta néanmoins en marge de tous les courants de littérature de son temps.


== Biographie ==
== Biographie ==
=== Jeunesse et formation ===
[[Fichier:Jean Giono's house in Manosque.JPG|thumb|left|Plaque sur la [[Maison de Jean Giono|maison natale de Giono]] au 2, rue Torte angle rue Grande à Manosque.]]
[[File:Giono-Enfant.png|thumb|Jean Giono vers 1900, âgé d'environ 5-7 ans. Photo exposée dans sa maison d'enfance 14, rue Grande, à [[Manosque]]).]]
Jean Fernand Giono naît le {{date-|30 mars 1895}} à [[Manosque]]<ref name=actenaissance>{{Lien web |auteur institutionnel=Mairie de Manosque |description=Acte de naissance {{numéro|35}} avec mention marginale du décès |url=http://www.archives04.fr/ark:/58484/s00555c860f75ad6/559c20b42b948 |site=[[Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence]] |date=31 mars 1895 |page=vue 39 |consulté le=29 mars 2021 }}.</ref> de Jean Antoine Giono (né en 1845 à [[Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône)|Saint-Chamas]], mort en 1920), cordonnier [[anarchisme|anarchiste]] d'origine [[piémont]]aise, et de Pauline Victorine Pourcin (née en 1857 à [[Saint-Cloud]], morte en 1946), d'ascendance picarde par sa mère et provençale par son père, qui dirige un atelier de repassage. Giono a évoqué son enfance dans ''[[Jean le Bleu]]'', avec la « belle figure de guérisseur [[libertaire]] » de son père qui a marqué profondément l'écrivain<ref>Laurent Fourcaut, « Jean Giono (1895-1970) », [[Encyclopædia Universalis]], [http://www.universalis.fr/encyclopedie/jean-giono/ lire en ligne].</ref>. Son père aurait accueilli nombre de proscrits et d'exilés<ref>Sylvie Giono, {{opcit}}, {{p.|46}}</ref>.


Pour [[Pierre Citron]] son biographe, Giono, issu de cette famille très modeste, dont il est le fils unique (et très aimé), {{citation|son enfance est pauvre et heureuse. Pour lui c’est un âge d’or dont il fera revivre l’atmosphère, directement ou indirectement, tout au long de sa vie. Ce bonheur est fracassé par la guerre de 14}}<ref name="Pierre Citron et centre Jean Giono">[C'est l'auteur qui souligne] : {{Ouvrage|langue=fr|nom1=Pierre Citron|titre=Catalogue des Célébrations Nationales de 1995|sous-titre=présentation de Jean Giono|éditeur=Archives de France|année=1995|passage=page 167|isbn=|présentation en ligne=https://mediatheque.ville-bourges.fr/PATRIMOINE/doc/SYRACUSE/507999/celebrations-nationales-1995-france-direction-des-archives-de-france}}, {{ASIN|B006YM3RZS}}. Repris par le {{Lien web|langue=fr|auteur=Centre Jean Giono|titre=Jean Giono : 30 mars 1895 – 9 octobre 1970, biographie |url=https://centrejeangiono.com/biographie/ |site=centrejeangiono.com |consulté le= 29/01/2023}}. </ref>.
Giono est né à [[Manosque]] le {{Date|30|mars|1895}}. Il n'a ni frère ni sœur. Son père est un cordonnier anarchiste d'origine italienne qui passe beaucoup de temps à lire la [[Bible]] ; sa mère dirige un atelier de repassage américain. Giono a évoqué son enfance dans ''Jean le Bleu''. En [[1911]], la mauvaise santé de son père et les faibles ressources de sa famille l'obligent à arrêter les études. Il doit s'instruire en autodidacte pour assouvir sa soif de savoir. En [[1915]], pendant la [[Première Guerre mondiale]], il est incorporé à [[Briançon]], puis est envoyé au front à [[Bataille de Verdun|Verdun]] et au [[Mont Kemmel]], en [[Flandre-Occidentale]] ([[Belgique]]). Cette expérience de la guerre, au cœur d'une des batailles les plus terribles du conflit, va le traumatiser. Son meilleur ami et nombre de ses camarades sont tués à ses côtés. Lui ne sera que « légèrement » [[Arme chimique|gazé]]. Il reste choqué par l'horreur de la guerre, les massacres, la [[Barbare|barbarie]], l'atrocité de ce qu'il a vécu dans cet enfer, et il deviendra un [[Pacifisme|pacifiste]] convaincu.


En 1911, un an avant son bac, la mauvaise santé de son père et les faibles ressources de la famille l'obligent à interrompre ses études. Il travaille dans une banque, le [[Comptoir national d'escompte de Paris|Comptoir national d'escompte]]<ref name=parais-9>Sylvie Giono, ''Jean Giono à Manosque'', {{p.|9}}</ref>. Il doit parallèlement s'instruire en [[autodidacte]] pour assouvir sa soif de savoir. C’est cette année-là que naît le grand lecteur passionné qu'il deviendra : il se constitue l'amorce d'une bibliothèque où figurent les plus grands auteurs, notamment de l’[[Grèce antique|Antiquité grecque]] et latine, et la lecture sera son activité la plus indispensable. Tout naturellement, c'est en 1911 qu'il commence à écrire<ref name=Reymes>{{Lien web|titre=Manosque : "une ville de couvents (...)|url=http://jeangiono.blogspot.fr/2013/02/|site=Promenades en Provence dans l'univers de Jean Giono, par Michèle Reymes, 24/02/2013|consulté le=29/04/2018}}</ref>. Le futur écrivain commence ''Angélique'', un roman médiéval qu’il reprendra à plusieurs reprises avant de l’abandonner en 1923<ref>« Jean Giono, une vie, une œuvre », par Pierre Kyria, page 236, chez France Loisirs, {{ISBN|2-7242-8911-0}}</ref>. Gallimard publiera cette ébauche (bien avancée) en 1980.
Plus tard, la lecture des écrivains classiques (en particulier [[Virgile]]) l'amène à l'écriture ; son premier ouvrage ''Colline'' rencontre un certain succès. L'écriture prend de plus en plus d'importance dans sa vie, si bien qu'après la liquidation, en [[1929]], de la banque où il était employé, il décide d'arrêter toute activité professionnelle pour se consacrer exclusivement à son œuvre. Il reçoit en [[1929]], le [[Prix Brentano|prix américain Brentano]] pour ''Colline'', ainsi que le [[prix Northcliffe]] l'année suivante pour son roman ''[[Regain (roman)|Regain]]''. Il est nommé chevalier de la [[Légion d'honneur]] en [[1932]].
<gallery mode="packed" heights="200" caption="L'enfance de Giono">
File:Maison natale Giono Manosque 1.jpg|Maison natale de Jean Giono à Manosque.
File:Manosque Avenue de la Gare 1900.jpg|Avenue de la Gare (aujourd'hui rebaptisée avenue Jean Giono) à Manosque en [[1900 en France|1900]], époque de l'enfance de Giono.
</gallery>


=== Rencontre décisive ===
Les événements du début des années 1930 le poussent à s'engager politiquement. Il adhère à l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires (mouvance communiste), mais, par méfiance, il s'en dégage très rapidement.
Juste avant d’être mobilisé, dès le début de l’année 1914 (il a alors {{Nobr|19 ans}}), il rencontre Élise Marie Maurin (1897-1998)<ref name=":1">{{Lien web |auteur=Insee |titre=Fiche de Élise Marie Maurin (1897-1998) dans le fichier des personnes décédées |url=https://deces.matchid.io/id/wowAKWLZR8kO |site=deces.matchid.io |consulté le=2023-08-26}}</ref>, fille d'un coiffeur et d'une couturière<ref name=Reymes/> ; elle est interne au lycée d’Aix, puis répétitrice à Ajaccio et professeur suppléant au collège de Manosque. Giono lui lit les textes et poèmes qu’il compose alors<ref name=Kyria/>. C'est, presque tout de suite, le grand amour réciproque. Du fait de la guerre, ils ne se marieront que le {{date-|22 juin 1920}}<ref>[https://www.archives04.fr/ark:/58484/s00626fa7b1c03c2/626fa85d11655 Acte de mariage]</ref>, peu après la mort de son père le {{date-|26 avril 1920-}}. Ce mariage civil fait « soupirer » Pauline Giono, la mère de Jean, d'après son biographe [[Pierre Citron]]<ref name=Reymes/>. Jean et Élise Giono auront deux filles : [[Aline Giono|Aline]] (1926-1984) et [[Sylvie Durbet-Giono|Sylvie]], née le {{date-|11 août 1934}}, qui seront elles aussi écrivaines<ref>Pierre Kyria, {{opcit}}, {{pp.|240 et 246}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|titre=Jean Giono : chronologie|url=http://pages.infinit.net/poibru/giono/gionochr.htm|site=Jean Giono, le Voyageur immobile, par Bruno Poirier, 2002|consulté le=29/04/2018}}</ref>.


=== Soldat traumatisé par la Grande Guerre ===
En {{date||avril|1935|en littérature}}, il publie ''[[Que ma joie demeure]]'' qui connaît un grand succès, particulièrement auprès de la jeunesse. Ce titre est une allusion explicite à la cantate de [[Jean-Sébastien Bach]], ''[[Herz und Mund und Tat und Leben|Jésus que ma joie demeure]]'', par laquelle il souhaitait exprimer sa foi en une communauté des hommes, par-delà les religions (cf.la préface des ''Vraies Richesses'')<ref>Jean Giono. Préface de 1936 ; Les Vraies Richesses, Grasset</ref>. Giono et quelques amis, bloqués accidentellement dans le hameau du [[Montagne de Lure|Contadour]] lors d'une randonnée sur la montagne de Lure, décident, subjugués par la beauté des lieux, de s'y retrouver régulièrement : ainsi naissent [[les Rencontres du Contadour]]. C'est l'époque de la publication de l'essai ''Les Vraies Richesses'', dédié aux habitants du Contadour.
Jean Giono est mobilisé fin 1914. Il est envoyé comme élève aspirant à [[Montségur-sur-Lauzon|Montségur]], dans la [[Drôme (département)|Drôme]]. Il ne sera jamais aspirant, n’ayant manifestement pas le sens de l’armée, ni le goût de la chose militaire<ref name=Kyria>Pierre Kyria, {{opcit}}, {{p.|238}}</ref>. En {{date-|janvier 1915}}, pendant la [[Première Guerre mondiale]], il est affecté au 140<sup>e</sup> régiment d'infanterie. Il participe aux batailles les plus terribles du conflit ([[Bataille de l'Artois (mai-juin 1915)|Artois]], [[Bataille de Champagne (1915)|Champagne]], [[Bataille de Verdun (1916)|Verdun]], la [[Bataille de la Somme|Somme]], le [[Chemin des Dames|Chemin-des-Dames]]) et en ressort traumatisé. Son meilleur ami et nombre de ses camarades sont tués à ses côtés. En 1916, présent dans les tranchées, sur le front, il voit sa compagnie décimée, et il est commotionné par l'explosion d'un obus tout proche. Plus tard, en 1918, au cours de la bataille du [[mont Kemmel]], en Belgique, il n'est que « légèrement » [[gaz de combat|gazé]]<ref name=Kyria/>. Il reste cependant choqué par l'horreur de la guerre, les massacres, la [[Barbare|barbarie]], l'atrocité de ce qu'il a vécu dans cet enfer, et il devient un [[Pacifisme|pacifiste]] convaincu<ref>« absolu », selon le mot de sa fille, Sylvie Giono, {{opcit}}, {{p.|41}}</ref>{{,}}<ref>« adhérent de l’[[Association des écrivains et artistes révolutionnaires]] et engagé dans la lutte pour la paix », [[Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social]], « [[Le Maitron]] » : [https://maitron.fr/spip.php?article50731 Jean Giono].</ref>, comme bon nombre d’anciens [[poilu]]s. Son pacifisme ne sera pas d'abord rationnel, mais tout à la fois viscéral et spirituel<ref name=Reymes/>.


{{citation bloc|Nous avons fait [[Bataille des Éparges|les Éparges]], [[Bataille de Verdun (1916)|Verdun]], la prise de [[Noyon]], le siège de [[Saint-Quentin]], [[Bataille de la Somme|la Somme]] avec les Anglais, c’est-à-dire sans les Anglais, et la boucherie en plein soleil des [[Bataille du Chemin des Dames|attaques de Nivelle]] au [[Chemin des Dames]]. […] J’ai {{unité|22|ans}} et j’ai peur.|Jean Giono, 1917}}Démobilisé en {{date-|octobre 1919}}<ref name=Kyria/>, il aura traversé la guerre sans blessure trop grave malgré son gazage, « sans avancement, sans décoration et sans avoir tué personne » dira-t-il fièrement<ref name=Reymes/>.
Les prémices de la guerre se manifestent bientôt. Jean Giono rédige alors ses suppliques ''Refus d'obéissance'', ''Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix'', ''Précision'' et ''Recherche de la pureté''.
La déclaration de guerre interrompt la neuvième réunion. Les "disciples" attendent la réaction de Giono. Elle est difficile pour cet homme libre qui ne voulait pas être directeur de conscience et qui écrit « Marchez seul, que votre clarté vous suffise ».
Il va au centre de mobilisation de [[Digne]]. Cependant, à cause de son pacifisme (il n'assimilait pas les Allemands aux nazis), il est arrêté le [[14 septembre]] [[1939]]. Il est relâché après un [[non-lieu]], et libéré de ses obligations militaires.


=== Écrivain engagé pendant l'entre-deux-guerres ===
À la fin de la [[Seconde Guerre mondiale]], bien qu'il n'ait jamais pris position en faveur du [[régime de Vichy]] et encore moins en faveur de l'[[Allemagne]] [[nazi]]e, il est accusé d'avoir collaboré et de nouveau emprisonné, en septembre [[1944]], principalement pour avoir fait paraître ''Deux cavaliers de l'orage'' dans ''La Gerbe'', journal collaborationniste, et un reportage photo (publié sans son accord) dans ''Signal'', sorte de ''Paris Match'' nazi<ref>Jean Montenot, Giono, ''Lire'', n° 380, novembre 2009.</ref>. Il n'est libéré qu'en janvier [[1945]], sans avoir été inculpé. Néanmoins, le ''[[Comité national des écrivains]]'', organisme issu de la [[Résistance]], l'inscrit sur sa liste noire, ce qui interdisait de fait toute publication de son œuvre en France. Cette mise à l'index ne prend fin qu'en [[1947]], avec la parution de ''[[Un roi sans divertissement]]'', première en date des ''Chroniques''. Pourtant, tout au long de la guerre, il a protégé des fugitifs.
[[File:Serge Fiorio et son cousin Jean Giono.jpg|thumb|Jean Giono (à droite) et son cousin le peintre [[Serge Fiorio]], dans les [[années 1930]].]]
La lecture des écrivains classiques (en particulier [[Virgile]] et [[Homère]] : voir les allusions à « ''l'[[Iliade]] rousse'' » dans [[Jean le Bleu]]) l'amène à l'écriture. Son ami le peintre [[Lucien Jacques]] lit ses poésies, l’encourage et publie dans sa revue ''Les Cahiers de l’Artisan'' ses premiers poèmes, ''Accompagnés de la flûte''<ref>Sylvie Giono, {{opcit}}, {{p.|29}}</ref>. Son premier livre, publié en 1929, ''[[Colline (roman)|Colline]]'' est bien accueilli. L'écriture prend de plus en plus d'importance dans sa vie, si bien qu'après la liquidation, en 1929, de la banque dans laquelle il travaillait, il décide de cesser toute autre activité professionnelle pour se consacrer exclusivement à son œuvre. Ses trois romans suivants rencontrent également le succès, ce qui lui permet d’acquérir sa [[maison « Le Paraïs »]] à Manosque<ref name=parais-9/>. D'ailleurs, il reçoit en [[1929]], le [[Prix Brentano|prix américain Brentano]] pour ''Colline'', ainsi que le [[prix Northcliffe]] en 1930 pour son roman ''[[Regain (roman)|Regain]]''. Il est nommé [[Ordre national de la Légion d'honneur|chevalier de la Légion d'honneur]] en 1932.


Les événements du début des années 1930 le poussent à s'engager politiquement. Il adhère à l'[[Association des écrivains et artistes révolutionnaires]] (mouvance [[Communisme|communiste]]) mais, par méfiance, il s'en désengage très rapidement.
Dans les années qui suivent, Giono publie notamment ''Mort d'un personnage'' ([[1948]]), ''Les Âmes fortes'' ([[1950 en littérature|1950]]), ''[[Le Hussard sur le toit (roman)|Le Hussard sur le toit]]'' ([[1951 en littérature|1951]]), ''[[Le Moulin de Pologne]]'' ([[1953 en littérature|1953]]).


Entre 1930 et 1934 il a une liaison amoureuse avec [[Simone Téry]].
Avec le succès de ces livres, surtout celui du ''Hussard sur le toit'', adapté par la suite en long métrage, Giono retrouve pleinement la place qui est la sienne, celle de l'un des plus grands écrivains français du {{XXe siècle}}. En 1953, le [[Prix littéraire du Prince-Pierre-de-Monaco]] lui est décerné pour l'ensemble de son œuvre. Il est élu l'année suivante au sein de l'[[Académie Goncourt]]. De plus en plus intéressé par le cinéma (son film ''[[Crésus (film, 1960)|Crésus]]'' sort en [[1960]]), il préside le jury du [[Festival de Cannes]] en [[1961]]. Son dernier roman, ''L'Iris de Suse'', paraît l'année de sa mort, emporté par une crise cardiaque le [[8 octobre]] [[1970]]. Jean Giono est enterré à [[Manosque]].

En {{date-||avril|1935|en littérature}}, il publie ''[[Que ma joie demeure]]'' qui connaît un grand succès, particulièrement auprès de la jeunesse. Ce titre est une allusion explicite à la cantate de [[Johann Sebastian Bach|Jean-Sébastien Bach]], ''[[Herz und Mund und Tat und Leben|Jésus que ma joie demeure]]'', par laquelle il souhaitait exprimer sa foi en une communauté des hommes, par-delà les religions<ref>Jean Giono. « Préface de 1936 », ''Les Vraies Richesses'', Grasset</ref>. Il traduit également ''[[Moby Dick]]'' en français<ref>Sylvie Giono, {{opcit}}, {{p.|30}}</ref> avant de publier ''[[Pour saluer Melville]]''.

[[File:Redortiers - Ferme des Graves 1.jpg|thumb|[[Ferme des Graves]] à [[Redortiers]], qui a abrité les réunions des amis de Giono au Contadour.]]

Giono et quelques amis, bloqués accidentellement dans le hameau du [[Redortiers|Contadour]] lors d'une randonnée sur la [[montagne de Lure]], décident, subjugués par la beauté des lieux, de s'y retrouver régulièrement : ainsi naissent les [[Rencontres du Contadour]]. C'est l'époque de la publication de l'essai ''Les Vraies Richesses'', dédié aux habitants du Contadour.

Les prémices d'une nouvelle guerre se manifestent bientôt. Jean Giono rédige alors ses suppliques ''Refus d'obéissance'', ''Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix'', ''Précisions'' et ''Recherche de la pureté''.

[[Fichier:Eugène Martel Portrait de Jean Giono en 1937.jpg|vignette|redresse|gauche|Portrait de Jean Giono en 1937 par [[Eugène Martel]].]]
La déclaration de guerre interrompt la neuvième réunion au Contadour. Les « disciples » attendent la réaction de Giono. Elle est difficile pour cet homme libre qui ne voulait pas être directeur de conscience et qui écrit « Vous êtes, vous, de l’humain tout frais et tout neuf. Restez-le ! Ne vous laissez pas transformer comme de la matière première […] Ne suivez personne. Marchez seuls. Que votre clarté vous suffise<ref>cité par Sylvie Giono, {{opcit}}, {{p.|42}}</ref>. »

=== Pacifiste pendant la Seconde Guerre mondiale ===
À la déclaration de guerre, il se rend au centre de mobilisation de [[Digne-les-Bains|Digne]]<ref name=sg>Sylvie Giono, {{opcit}}, {{p.|42}}</ref>. Cependant, à cause de son [[pacifisme]], il est arrêté le {{date-|14|septembre|1939}}. Il est relâché après un [[Non-lieu en procédure pénale en France|non-lieu]], et libéré de ses obligations militaires<ref name=sg/>.

[[Fichier:Giono-1939.png|vignette|redresse|Giono à la fin des années 1930.]]
Ayant acheté deux fermes en 1939, il dispose d’abondantes ressources alimentaires, ce qui selon sa fille lui permet d’accueillir nombre de personnes de passage<ref>Sylvie Giono, {{opcit}}, {{p.|48}}</ref>. Pendant la guerre, Giono continue à publier sans respecter la directive du [[Comité national des écrivains]]. Le passage obligatoire par la censure de l'occupant l'a amené à avoir des contacts avec les autorités allemandes. Le succès de ses œuvres l'a enrichi considérablement<ref>Jean Giono, ''Journal de l'Occupation'', dans ''Journal, poèmes, essais'', Paris, Gallimard, 1995, {{p.|333}}.</ref>. Il se consacre longuement aux soins à donner à sa fille touchée par la [[tuberculose]], en l’emmenant dans la montagne, à [[Lalley]]<ref>Sylvie Giono, {{opcit}}, {{p.|51-52}}.</ref>.

Dès avant la fin de la [[Seconde Guerre mondiale]], on lui reproche sa proximité avec la collaboration. Il écrit pendant trois ans dans le journal ''[[Aujourd'hui (quotidien)|Aujourd'hui]]'', d'obédience [[collaboration en France|collaborationniste]], et est l'objet d'un reportage dans le journal nazi ''[[Signal (journal)|Signal]]''. Il est aussi l'une des voix de ''[[Radio Paris]]''<ref>Jean Garcin, ''De l'Armistice à la Libération dans les Alpes de Haute-Provence, 17 juin 1940-20 août 1944, Chronique - Essai sur l'histoire de la Résistance avec un prologue 1935-1940 et un épilogue 1944-1945'', DL {{4e|trimestre}} 1990, Imprimerie Vial, {{p.|81}}.</ref>. L'utilisation de sa pensée par le [[régime de Vichy]] est souvent restée très caricaturale, vantant son « néoprimitivisme », son « tarzanisme »<ref name=hp>Henri Pollès, ''L'opéra politique'', Paris, Gallimard, 1937, {{p.|207}}.</ref>, le retour à la terre ou l'artisanat.

Une bombe est déposée devant la maison de son domicile la nuit du 11 au {{date-|12 janvier 1943}} et explose sans faire de blessés, emportant cependant la porte d’entrée<ref>Sylvie Giono, {{opcit}}, {{p.|78}}</ref>. Après la guerre, il est accusé d'avoir collaboré et de nouveau emprisonné, en septembre [[1944]], principalement pour avoir fait paraître ''[[Deux cavaliers de l'orage]]'' dans ''[[La Gerbe (journal)|La Gerbe]]'', journal collaborationniste, et un reportage photo dans ''[[Signal (journal)|Signal]]'', sorte de ''Paris Match'' national-socialiste et toutefois reconnu pour sa qualité<ref>Jean Montenot, Giono, ''Lire'', {{numéro|380}}, novembre 2009.</ref>. Il n'est libéré qu'en janvier [[1945]], sans avoir été inculpé. Néanmoins, le Comité national des écrivains, organisme issu de la [[Résistance intérieure française|Résistance]], l'inscrit sur sa liste noire, ce qui interdisait de fait toute publication de son œuvre en France. Bien des résistants qui avaient lutté contre le régime de Vichy ne lui avaient pas pardonné cette phrase : {{citation|Je préfère être un Allemand vivant qu'un Français mort}} (Cahiers du Contadour, no III-IV, septembre 1937) considérant cette citation comme une offense à leurs sacrifices. Cette mise à l'index ne prend fin qu'en [[1947]], avec la parution d’''[[Un roi sans divertissement]]'', première en date des ''[[Chroniques romanesques|Chroniques]]''. Giono a cependant abrité [[Karl Fiedler]], architecte trotskiste allemand, l’épouse de [[Max Ernst]], et {{référence nécessaire|dit avoir aidé Jan Meyerowitz, musicien juif, qui, lui, n'en fait jamais mention}}. Sa fille mentionne également plusieurs autres personnes en fuite recueillies au Paraïs<ref>Sylvie Giono, {{opcit}}, {{p.|48-49}}</ref>. Pierre Citron affirme, dans la biographie de Giono, détenir les preuves de ces aides, sans les publier<ref>Il convient sans doute de citer ici longuement Pierre Citron. Aux pages 363 et 364 de sa biographie, l’auteur écrit : « Giono aide, plus d’une fois et de toutes les manières, le comédien Charles Blavette, réfugié à Manosque. Mais il fait beaucoup plus. Il y a au Paraïs depuis 1941 un Allemand, Karl Fiedler, que chacun appelle Charles ; à cet ancien architecte, trotskyste, âgé d’une quarantaine d’années, Giono donne du travail chez lui, à entretenir un peu le jardin et à faire de petits travaux : il le nourrit, le loge, le paie. Avant septembre 1943 [...], des policiers sont venus chercher Charles ; Giono les a retardés pendant que le banni se sauvait par le fond du jardin. » (''Giono 1895-1970'', {{p.|363}}). « Fiedler est discret et ne lui pose pas de problèmes. Il n’en va pas de même de Meyerowitz, autre Allemand, juif, âgé de trente ans, pianiste, compositeur ; il n’est pas en permanence au Paraïs, mais, depuis 1942, il est aidé et protégé par Giono, qui lui trouve des refuges, à Manosque, à Forcalquier, à Vachères, à Marseille. Certes, Meyerowitz court tous les dangers ; mais, avec une incroyable inconscience, il semble tout faire pour les aggraver, ne pouvant vivre sans son piano dans chacune des maisons qui le recueillent, et en jouant constamment […]. Toujours angoissé, chaque fois que se présente un problème réel ou imaginaire, il se précipite chez Giono, ou lui écrit s’il n’est pas à Manosque ; et il faut que Giono agisse aussitôt. En octobre 1943, il est arrêté et conduit au camp de travailleurs des Mées. Giono s’y rend et obtient sa libération en l’embauchant {{incise|comme ouvrier agricole !}} à la Margotte. Il y a aussi Luise Strauss {{incise|Lou Ernst, la femme de Max Ernst, également juive}} que, jusqu’à la fin d’avril 1944, date de son arrestation par les Allemands et de son départ pour un camp de concentration dont elle ne devait pas revenir, Giono aidera moralement et financièrement, lui payant même une opération chirurgicale et le coûteux traitement consécutif {{incise|ce qu’elle trouve naturel|fin}}, et elle n’en exprime guère de gratitude. » (''Giono 1895-1970'', {{p.|363-364}}). D’autre part, « [dans les années 1930] il accueille d’ailleurs toujours aussi amicalement ses amis juifs qui viennent le voir, comme le contadourien Rabinovitch, dit Rabi. Ses notations trahissent seulement un agacement épisodique. Des réactions analogues se manifestent d’ailleurs aussi dans le journal à l’égard de bien d’autres, et elles sont également contredites par la conduite de Giono. Il se méfie toujours des communistes […], mais il recueille chez lui, au début de décembre 1943, un cousin d’Élise, André Maurin, de Nîmes, interné pendant trois ans pour communisme. » (''Giono 1895-1970'', {{p.|364}}). Page 362 du même ouvrage nous lisons : « Mais, avec Lucien Jacques, c’est l’éloignement et le silence, depuis le début de l’année [1943] où Jean, avec générosité mais aussi avec inconscience, a donné à des résistants l’autorisation de s’installer dans la fermes des Graves, au Contadour, oubliant étourdiment qu’elle n’était pas à lui tout seul, et que Lucien, autre propriétaire, qui y venait souvent, courait ainsi de sérieux dangers. » Quelques pages plus loin : « Des brigandages ont lieu çà et là dans la région, parfois au nom de la Résistance. Des jeunes de plus en plus nombreux prennent le maquis. Giono en abrite six en permanence, plus quelques occasionnels, à la ferme du Criquet, chez ses fermiers les Bonnefoy. » (''Giono 1895-1970'', {{p.|366}}).</ref>.

Pour sa fille, cette longue période de mise à l’écart et de mépris populaire lui inspire l’épisode du ''Hussard sur le toit'' dans lequel Angelo, poursuivi par la foule qui cherche un bouc émissaire, se réfugie sur les toits de Manosque. D’après elle, ce fut une satisfaction de « faire mourir les habitants de Manosque de manière horrible, sale, souffrant physiquement et moralement, au milieu de vomissures et de diarrhée »<ref>Sylvie Giono, {{opcit}}, {{p.|79}}.</ref>.

=== Une attitude controversée pendant l'Occupation ===
Les défenseurs de Giono le présentent comme un pacifiste trompé par le [[régime de Vichy]] qui, pour lui, amenait la paix. Son soutien aux [[accords de Munich]] en 1938<ref name=golsan>{{lien web|url=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1998_num_54_1_2329|titre=Richard Golsan, ''Jean Giono et la « collaboration » : nature et destin politique'', ''Mots'' 54, mars 1998}}</ref> en résulterait. Le fait que le « néoprimitivisme » ou le « tarzanisme »<ref name=hp/> de Giono ait été admiré à la fois par les nazis et par le Régime de Vichy<ref name=golsan/> n'est pas selon eux une preuve que Giono était réciproquement un soutien au régime. Du reste, les Allemands ont tenté à plusieurs reprises de le faire venir au « Congrès des écrivains de l'Europe » à Weimar<ref name=golsan/>. Giono n'y a jamais participé, mais il a exprimé une reconnaissance qui a les accents de la sincérité<ref name=burin>Philippe Burin, ''La France à l'heure allemande'', Paris, Le Seuil, 1995, {{p.|354-355}}.</ref>.

Des études récentes montrent que Giono a pris lui-même contact avec les autorités allemandes<ref name=golsan/>. Le ''[[Sonderführer]]'' [[Gerhard Heller]] le trouvait {{Citation|« extrêmement bien disposé » envers la collaboration}}<ref name=burin/>. Dans le journal collaborationniste ''[[La Gerbe (journal)|La Gerbe]]'' du {{date-|19 mars 1942}}, Jean Giono qualifie la défaite de 1940 et Vichy de « grande expérience » après des « années d'erreurs ». Dans son journal il affirme qu'Allemands et Anglo-Américains, lorsque les premiers mitraillent les fuyards de l'Exode et les seconds bombardent [[Forcalquier]] « pour le plaisir », sont « semblables »<ref name=journal>Jean Giono, ''Journal de l'Occupation'', dans ''Journal, poèmes, essais'', Paris, Gallimard, 1995, {{p.|435}}.</ref>, et que les résistants sont des « assassins » et des « voyous », qui se cachent derrière un « patriotisme » dérisoire<ref name=golsan/>. Les mots durs que Giono utilise pour qualifier les résistants semblent faire écho à l'insensibilité qu'il affiche à l'égard des [[Juifs]]. Il répond ainsi à une sollicitation de l'écrivain [[Wladimir Rabinovitch]] : {{citation bloc|Il me demande ce que je pense du problème juif. Il voudrait que j'écrive sur le problème juif. Il voudrait que je prenne position. Je lui dis que je m'en fous, que je me fous des Juifs comme de ma première culotte ; qu'il y a mieux à faire sur terre qu'à s'occuper des Juifs. Quel narcissisme ! Pour lui, il n'y a pas d'autre sujet. Il n'y a pas d'autre chose à faire sur terre qu'à s'occuper des Juifs. Non. Je m'occupe d'autre chose<ref>Jean Giono, ''Journal de l'Occupation'', dans ''Journal, poèmes, essais'', Paris, Gallimard, 1995, {{p.|389}}.</ref>.}}

Il est avéré que Giono a caché et entretenu à partir de 1940 des réfractaires, des Juifs, des communistes<ref>{{Chapitre|langue=Français|auteur1=Laurent Fourcaut|titre chapitre=Jean Giono|titre ouvrage=Encyclopaedia Universalis|date=|lire en ligne=http://www.universalis.fr/encyclopedie/jean-giono/|pages=}}</ref>{{Source insuffisante}}. Son œuvre porte des traces de cette « résistance » à l'hitlérisme : outre ''Le Voyage en calèche'', interdit par l'occupant en {{date-|décembre 1943}}, et dont le personnage de Julio se prolonge dans celui d'Angelo, résistant italien à l'occupant autrichien en 1848 ''(Le Bonheur fou''), il faut mentionner Angelo III, traqué par les troupes allemandes, dans le début inédit de ''Mort d'un personnage'', et la mort de Clef-des-Cœurs dans le maquis (''Ennemonde''). Mais il écrira le {{date-|27 octobre 1943}} dans son ''Journal de l'Occupation'', au sujet de Meyerowitz, qu'il a hébergé à ''La Margotte'' :
{{citation bloc|Éberlué ! Mon intervention pour sauver Meyerowitz a fait grouiller tout le panier de crabes juif de Manosque. M. est juif, total quoique dissimulé, quoique catholique (est-ce pour cela ?), juif de lèvres, de nez, de cœur et d'âme, mais il semble que tous les Juifs ont collaboré à la dénonciation anonyme qui l'a envoyé aux Mées. Ils se sont associés au commissaire de police qui est franciste, c'est-à-dire qu'ils ont dénoncé M. au commissaire. On se perd dans cette complication, intelligente, sournoise et d'une méchanceté certaine.}}

=== Consécration ===
Dans les années qui suivent, Giono publie notamment ''[[Un roi sans divertissement]]'' (1947), ''Mort d'un personnage'' (1949), ''[[Les Âmes fortes]]'' (1950), ''[[Le Hussard sur le toit]]'' (1951), ''[[Le Moulin de Pologne]]'' (1953).

Avec le succès de ces livres, surtout ''[[Le Hussard sur le toit]]'', Giono est de nouveau considéré comme l’un des plus grands écrivains français du {{s-|XX}}. En 1953, le [[Prix littéraire du Prince-Pierre-de-Monaco]] lui est décerné pour l'ensemble de son œuvre. Il est élu l'année suivante au sein de l'[[académie Goncourt]]<ref>Sylvie Giono, {{opcit}}, {{p.|83}}</ref>. De plus en plus intéressé par le cinéma (son film ''[[Crésus (film)|Crésus]]''<ref>{{Lien web |auteur institutionnel=Association des amis de Jean Giono |titre=Giono et le cinéma |url={{Gallica|id=bpt6k9764863p/f98|url seulement=oui}} |site=[[Gallica]] |périodique=Bulletin Jean Giono ({{numéro|8}}) |lieu=Paris |date=printemps-été 1977 |consulté le=4 août 2020 |page=96-116 }}.</ref> sort en 1960), il préside le jury du [[Festival de Cannes 1961|Festival de Cannes en 1961]].

Parallèlement et alors que la [[guerre d'Algérie]] fait rage, il s'engage dans la défense du droit à l'[[objection de conscience]], entre autres en parrainant le comité créé par [[Louis Lecoin]], aux côtés d'[[André Breton]], [[Albert Camus]], [[Jean Cocteau]] et de l'[[abbé Pierre]]. Ce comité obtient en {{date-|décembre 1963}} un statut, restreint, pour les objecteurs.

Son dernier roman, ''L'Iris de Suse'', paraît en 1970.

=== Mort ===
Emporté par une crise cardiaque dans la nuit du {{date-|8 octobre- 1970-}} au {{date-|9|octobre|1970}}<ref name="actenaissance" />{{,}}<ref>{{harvsp|Citron|1990|p=569}}</ref> dans sa maison de Manosque, Jean Giono est enterré au [[cimetière ancien de Manosque|cimetière ancien de la ville]]<ref name=":0">{{Lien web |titre=MANOSQUE (04) : ancien cimetière - Cimetières de France et d'ailleurs |url=https://www.landrucimetieres.fr/spip/spip.php?article3478 |site=www.landrucimetieres.fr |consulté le=2023-08-26}}</ref>. Sa veuve, Élise, morte en 1998 à l’âge de {{Nobr|101 ans}}<ref name=":1" />, repose à ses côtés<ref name=":0" />.


== Giono et Manosque ==
== Giono et Manosque ==
[[Fichier:Giono's Manosque landscape.JPG|thumb|Paysage de Giono (près de Manosque).]]
Giono s'est surnommé « le voyageur immobile ». De fait, son œuvre évoque souvent de longs voyages ou cheminements, alors que lui-même n'a presque pas voyagé. Avant de vivre au Paraïs, qui surplombe Manosque, à partir de [[1929]], Jean Giono a habité à [[Manosque]] même : 1, rue Torte, où il est né le 30 mars 1895 ; 14, rue Grande, où ses parents déménagèrent peu de temps après ; 8, rue Grande, où il emménagea en [[1930]], après son mariage.
Giono s'est surnommé lui-même « le voyageur immobile ». De fait, son œuvre évoque souvent de longs voyages ou cheminements, alors que lui-même n'a presque pas voyagé, sauf de courts séjours en Écosse, à Majorque et en Italie (''Voyage en Italie'', œuvres complètes, la Pléiade). Mais il était un solide marcheur et un randonneur régulier. Avant de vivre au ''Paraïs'', qui surplombe [[Manosque]], à partir de [[1929]], Jean Giono a habité à [[Manosque]] même : 1, rue Torte, où il est né le {{date-|30 mars 1895}} ; 14, rue Grande, où ses parents déménagèrent peu de temps après ; 8, rue Grande, où il emménagea en [[1930]], après son mariage.


Sur le boulevard circulaire de Manosque se trouve aujourd'hui le [[Crédit agricole]], qui était le Comptoir d’escompte lorsque Giono y travaillait.
Sur le boulevard circulaire de [[Manosque]] se trouve aujourd'hui le [[Crédit agricole]], qui était le Comptoir d’escompte lorsque Giono y travaillait.


Il a également souvent séjourné dans le [[Trièves]] où il passait ses vacances, avant la guerre (à [[Tréminis]]) et après (à [[Lalley]]). Cette belle région montagneuse, située au nord du col de la Croix-Haute et qu'il qualifiait de « cloître de montagnes », lui a inspiré notamment ''Le Chant du monde'', ''Bataille dans la montagne'' (situé à Tréminis), ''[[Un roi sans divertissement]]'' (dont l'action se déroule dans un village correspondant à la situation de Lalley), ''Les Vraies richesses'' et ''Triomphe de la vie'', essais qui empruntent beaucoup à la sérénité bucolique du Trièves.
Il a également souvent séjourné dans le [[Trièves]] où il passait ses vacances, avant la guerre (à [[Tréminis]]) et après (à [[Lalley]], où vivait son amie [[Édith Berger]], artiste peintre). Cette région montagneuse, située au nord du [[col de la Croix-Haute]] (Drôme) et qu'il qualifiait de « cloître de montagnes », lui a inspiré notamment ''Le Chant du monde'', ''Batailles dans la montagne'' (situé à [[Tréminis]]), ''[[Un roi sans divertissement]]'' (dont l'action se déroule dans un village correspondant à la situation de [[Lalley]]), ''Les Vraies richesses'' et ''Triomphe de la vie'', essais qui empruntent beaucoup à la sérénité bucolique du [[Trièves]].


Malgré sa vie retirée à Manosque, Jean Giono se rendait régulièrement à Aix-en-Provence où il séjournait chez son amie Henriette Gabrielle Reboul, la célèbre antiquaire de La Maison d'Aix, et où il rencontra par son entremise les écrivains André Gide, André Malraux, et Boris Vian. Pour des impératifs professionnels, il se déplaçait aussi à Paris, sans beaucoup apprécier la vie de la capitale.
== L'œuvre ==
{{série littérature}}
L'œuvre de Jean Giono mêle un humanisme naturel à une révolte violente contre la société du {{XXe siècle}}, traversée par le totalitarisme et rongée par la médiocrité. Elle se divise en deux parties : les premiers livres sont écrits d'une façon très lyrique (ces œuvres sont souvent dites de « première manière ») et leur style est très différent des œuvres tardives plus élaborées et plus narratives, telles que les ''Chroniques romanesques'' et le ''Cycle du Hussard'' (œuvres dites de « seconde manière »). La nature est d'une certaine façon le personnage principal des premiers livres, tandis que l'Homme est celui des seconds.


== Analyse de l'œuvre ==
Soldat durant la [[Première Guerre mondiale]], Jean Giono n'aborde objectivement cette période de sa vie que dans ''Refus d'obéissance'', c'est-à-dire bien après ses premières publications. L'influence de la guerre est pourtant très forte tout au long de son œuvre. S'il est inclassable, Giono est sans conteste un ''humaniste'' et un ''pacifiste''.
L'œuvre de Jean Giono mêle un humanisme naturel à une révolte violente contre la société du {{s-|XX}}, traversée par le totalitarisme et rongée par la médiocrité, le [[consumérisme]] (au sens péjoratif) inféodé à la technique et à l'[[artificialisation]] du milieu de vie. Il chante et prône une vie humaine reconnectée au vivant et à la nature sauvage, une vie sociale plus communautaire et à taille humaine, il exprime souvent son admiration, sans angélisme naïf, pour la vie paysanne plus authentique.


Son œuvre se divise, chronologiquement et thématiquement, en deux parties : les premiers livres sont écrits d'une façon très lyrique (ces œuvres sont souvent dites de « première manière ») et leur style est très différent des œuvres tardives plus élaborées et plus narratives, telles que les ''[[Chroniques romanesques]]'' et le ''Cycle du Hussard'' (œuvres dites de « seconde manière »). La nature est d'une certaine façon le personnage principal des premiers livres, tandis que l'Homme est celui des seconds. Pour autant, la nature continue à jouer dans ces derniers un rôle tout de même parfois déterminant, comme le hêtre magnifique et emblématique du ''[[Un roi sans divertissement|Roi sans divertissement]]'', cet {{citation|[[Apollon]] [[wikt:citharède|citharède]] des hêtres}}, à la beauté sans doute consciente, et qui détient une des clés de l'énigme du roman. Mais, très perceptiblement, dans cette seconde manière le romanesque change de nature pourrait-on dire, de perspectives, ainsi que d'objet.
== Les premières œuvres ==
Les trois premiers livres de Jean Giono (''[[Colline (roman)|Colline]]'', ''[[Un de Baumugnes]]'' et ''[[Regain (roman)|Regain]]'') constituent la ''trilogie de Pan''. Le dieu [[Pan (mythologie)|Pan]] est une figure importante dans les livres de Giono. Il est explicitement présent au tout début, et restera jusqu'à la fin en filigrane. Il représente la nature unifiée dans un être unique. Bien que peu adepte des discussions philosophiques, Giono fait quelques brèves allusions au [[panthéisme]] (cf. [[Baruch Spinoza|Spinoza]], [[Parménide]]), qu'il développe allègrement de façon lyrique dans ses premiers livres. La nature y est présentée d'une façon bien différente de l'idyllique et bienveillante [[Provence]] de [[Marcel Pagnol|Pagnol]]. Chez Giono, la nature est belle, mais elle est aussi cruelle, destructrice et purificatrice : l'Homme en fait partie, mais elle n'est pas l'Homme. Ainsi, dans ''[[Le Hussard sur le toit (roman)|Le Hussard sur le toit]]'' (1951), la nature se manifeste par le [[choléra]] qui dévaste la Provence et tue aveuglément sans se soucier des préoccupations politiques qui agitent les hommes. (On retrouve du reste cette conception de la nature, particulièrement absente des idées de cette époque, dans un texte contemporain d'[[Albert Camus]], intitulé ''L'Exil d'Hélène'').


Soldat durant la [[Première Guerre mondiale]], Jean Giono n'aborde objectivement cette période de sa vie que dans ''Refus d'obéissance'' en 1937, c'est-à-dire bien après ses premières publications. L'influence de la guerre est pourtant très forte tout au long de son œuvre, notamment et explicitement dans son roman métaphorique ''[[Le Grand Troupeau]]'' en 1931, et dans la nouvelle ''Ivan Ivanovitch Kossiakoff'' reprise dans le recueil ''[[Solitude de la pitié]]'' en 1932 ; plus indirectement aussi dans ''[[Le hussard sur le toit]]'' (1951). S'il est inclassable, Giono est sans conteste un [[humanisme|humaniste]] et un [[Pacifisme|pacifiste]]. Et sans doute aussi un [[panthéisme|panthéiste]] inclusif, adepte et [[wikt:prosélyte|prosélyte]] par avance d'un [[écologisme]] [[holisme|holistique]] intuitif et [[sentiment océanique|océanique]] (au sens de [[Romain Rolland]]).
== L'héritage [[Honoré de Balzac|balzacien]] ==
À l'instar de [[Honoré de Balzac|Balzac]], et très impressionné par ''[[La Comédie humaine]]'', Giono avait en tête le projet d'un cycle romanesque en dix volumes « à la manière de Balzac ». Le premier volume de la série, écrit en six jours, a pour titre ''Angelo''.<ref>Angelo dans : ''Dictionnaire des œuvres'', Laffont-Bompiani, vol. I, p.160</ref>. Ceci devait être le premier volume de dix ouvrages qui auraient retracé « réinventer le {{XIXe}} siècle, pour mieux faire ressortir les tares du {{XXe}} siècle ». ''Angelo I'', écrit en [[1934]], paru en [[1958]], est considéré sans doute à tort comme le ''brouillon'' du ''[[Le Hussard sur le toit (roman)|Le Hussard sur le toit]]''. Il devait être suivi par une série d' ''Angelo'' dont le petit-fils, Angelo III, serait un Résistant en [[1940]]. Peut-être effrayé par l'ampleur de la tâche, Giono renonça au projet initial et ne publia que trois romans du cycle ''[[Le Hussard sur le toit (roman)|Le Hussard sur le toit]]'', '' [[Le Bonheur fou]]'' et ''[[Mort d’un personnage]]''.<ref>''Dictionnaire des littératures de langue française'', Bordas, 1985.</ref>


=== Première veine : la Nature prééminente ===
Le ''Cycle du Hussard'' est composé de quatre livres : ''Angelo'', ''Le Hussard sur le toit'', ''Le Bonheur fou'' (le héros de ces deux derniers livres est Angelo Pardi) et enfin ''Mort d'un personnage'' (le ''personnage'' en question est la marquise Pauline de Théus dans sa vieillesse).
Après ''[[Naissance de l'Odyssée]]'', qui ne sera publié que plus tard, les trois premiers livres de Jean Giono (''[[Colline (roman)|Colline]]'', ''[[Un de Baumugnes]]'' et ''[[Regain (roman)|Regain]]'') constituent la ''trilogie de Pan'' (1929-1930). Le dieu [[Pan]] est une figure importante dans les livres de Giono. Il est explicitement présent au tout début, et restera jusqu'à la fin en filigrane. Il représente la nature unifiée dans un être unique. Bien que peu adepte des discussions philosophiques, Giono fait quelques brèves allusions au [[panthéisme]] (cf. [[Baruch Spinoza|Spinoza]], [[Parménide]]), qu'il développe allègrement de façon lyrique dans ses premiers livres.


La nature y est présentée d'une façon bien différente de l'idyllique et bienveillante [[Provence]] pittoresque qu'on trouve parfois chez [[Marcel Pagnol|Pagnol]] (un peu plus rude, toutefois dans ''[[L'Eau des collines]]''). Il est vrai que Pagnol décrit plutôt la Provence littorale, quand Giono se situe plus souvent en Haute Provence, plus âpre. Chez Giono, la nature est belle, mais elle est aussi cruelle, destructrice et purificatrice : l'Homme en fait partie, mais elle n'est pas l'Homme. L'Homme s'est éloigné d'elle, mais elle se rappelle parfois durement à sa mémoire.
== Une spiritualité imprégnée de [[paganisme]] ==


Ainsi, dans ''[[Le Hussard sur le toit]]'' (1951), la nature se manifeste par le [[choléra]] qui dévaste la Provence et tue aveuglément sans se soucier des préoccupations politiques, sociales ou affectives qui agitent les hommes. L'épidémie épargne pourtant la jeunesse [[wikt:immarcescible|immarcescible]], la vertu, le courage un peu inconscient et la pureté d'Angelo. On retrouve du reste cette conception de la nature, particulièrement absente des idées de cette époque, dans un texte d'[[Albert Camus]] contemporain, intitulé ''L'Exil d'Hélène''. Peut-être aussi dans le Camus des ''[[Noces (Albert Camus)|Noces]]'' et de ''L'Été'', comme Giono imprégné des sources grecques antiques de la vie méditerranéenne, et comme lui cultivant une relation fusionnelle avec la nature.
Peut-on parler de spiritualité chez Giono ? La question est posée par l'un de ses biographes, Jean Carrière, qui répond "Oui, dans la mesure où celle-ci lui est venue non comme une expérience délibérée, mais comme une lente maturation à jouir des choses sans les posséder."<ref name=Carrière>Jean Carrière, ''Jean Giono'', La Manufacture, 1991</ref> Et cet esprit de jouissance-dépossession, qui s'apparente au ''carpe diem'' des antiques sagesses, accorde à celui qui s'y livre sans réserve et sans fausse pudeur, selon les propres termes de l'auteur, un sentiment de libération païenne :


[[File:DSC02224 - The Man Who Planted Trees (29890481897).jpg|thumb|Œuvre de [[mosaïculture]] en hommage à ''[[L'Homme qui plantait des arbres]]'' de Giono et au film d'animation qu'en a tiré [[Frédéric Back]].]]
{{Citation bloc|Ce n'est pas seulement l'homme qu'il faut libérer, c'est toute la terre... la maîtrise de la terre et des forces de la terre, c'est un rêve bourgeois chez les tenants des sociétés nouvelles. Il faut libérer la terre et l'homme pour que ce dernier puisse vivre sa vie de liberté sur la terre de liberté [...] Ce champ n'est à personne. Je ne veux pas de ce champ; je veux vivre avec ce champ et que ce champ vive avec moi, qu'il jouisse sous le vent et le soleil et la pluie, et que nous soyons en accord. Voilà la grande libération païenne.<ref name=Giono>Jean Giono, ''Le Voyage en Italie'', Gallimard, 1953</ref>}}


À cette première veine, qualifiée de chroniques paysannes, d'inspiration panthéiste et païenne, outre la ''trilogie de Pan'', appartiennent les ouvrages suivants (romans, nouvelles, essais, souvenirs d'enfance) : ''Présentation de Pan'' (1930), ''[[Naissance de l'Odyssée]]'' (1930), ''[[Jean le Bleu]]'' (1932), ''[[Solitude de la pitié]]'' (1932), ''Le Serpent d'étoiles'' (1933), ''[[Le Chant du monde (roman)|Le Chant du monde]]'' (1934)'', [[Que ma joie demeure]]'' (1936)'', [[Batailles dans la montagne]]'' (1937), ''[[L'Eau vive (Giono)|L'Eau vive]]'' (1943, nouvelles rééditées en collections de poche en deux volumes en 1973 : ''Rondeur des Jours'' et ''l'Oiseau bagué'', peut-être pour éviter la confusion avec le roman ''[[Hortense ou l'Eau vive]]'' publié en 1958 et tiré de son film homonyme en préambule à celui-ci), mais aussi : ''[[L'Homme qui plantait des arbres]]'' (1953), ''[[Faust au village]]'' (1977), ''Le Bestiaire'' (1991).
Cet appel à la libération de l'homme et de la terre s'inscrit en faux contre l'injonction biblique de prise de possession de la terre et de ses animaux par l'homme. Il est aussi une invitation à renouer pleinement avec les joies du corps, la sensualité naturelle, longtemps niée ou occultée par la morale chrétienne :


=== Seconde manière où l’Homme est au centre ===
{{Citation bloc|J'ai pris pour titre de mon livre le titre d'un choral de Bach : ''Jésus, que ma joie demeure !'' Mais j'ai supprimé le premier mot [...] parce qu'il est un renoncement. Il ne faut renoncer à rien. Il est facile d'acquérir une joie intérieure en se privant de son corps. Je crois plus honnête de rechercher une joie totale, en tenant compte de ce corps, puisque nous l'avons.<ref name=Giono2>Jean Giono, ''Les Vraies Richesses'', Grasset, 1936</ref>}}
À l'instar de [[Honoré de Balzac|Balzac]], et très impressionné par ''[[La Comédie humaine]]'', et sa récurrence de personnages forts, sa peinture en profondeur de toute une société en toile de fond de leurs itinéraires individuels et significatifs, Giono avait en tête le projet d'un cycle romanesque en dix volumes « à la manière de Balzac ».


De même, comme on l'a remarqué à l'époque et qu'il l'a d'ailleurs reconnu lui-même, Giono a aussi été inspiré pour cette veine de
Le paganisme de Jean Giono, apparaît dès les premiers romans écrit à la fin des années 1920, sous la forme d'une vision [[Panthéisme|panthéiste]], qui replonge les êtres au cœur du cosmos étoilé, mais aussi par la perception d'un sentiment tragique de la vie inspiré notamment par sa lecture enthousiaste des récits homériques dès la plus tendre enfance :
son œuvre par sa lecture de [[Stendhal]], particulièrement celui de ''[[La Chartreuse de Parme]]'' : à l'évidence la fougue courageuse, idéaliste, et la naïveté juvénile, enthousiaste, amoureuse de l'Angelo du ''[[Le Hussard sur le toit|Hussard sur le toit]]'' sont les sœurs de celles du jeune Fabrice de la ''Chartreuse''. Les deux romanciers ont encore en commun une sorte de vision à la fois mythique et intime, romantique, de l'Italie du {{s-|XIX}}.


Le premier volume de la série, écrit par Giono en six jours seulement, a justement pour titre ''Angelo''<ref>Angelo dans : ''Dictionnaire des œuvres'', Laffont-Bompiani, vol. I, {{p.|160}}</ref>. Ceci devait être le premier volume de dix ouvrages qui auraient « réinventé le {{s-|XIX}}, pour mieux faire ressortir les tares du {{s-|XX}} ». ''Angelo I'', écrit en 1934, paru en 1958, est considéré sans doute à tort comme le « brouillon » du ''[[Le Hussard sur le toit|Hussard sur le toit]]''. Il devait être suivi par une série d'''Angelo'' dont le petit-fils, Angelo III, serait un résistant en 1940. Peut-être effrayé par l'ampleur de la tâche, Giono renonça au projet initial et ne publia que trois romans pour ce cycle : ''[[Le Hussard sur le toit]]'' (1951), ''[[Le Bonheur fou]]'' ([[préquelle]], publiée en 1957, du ''Hussard'') et ''[[Mort d'un personnage]]''<ref>''Dictionnaire des littératures de langue française'', Bordas, 1985.</ref> (suite, à distance, du ''Hussard'', pourtant publiée avant lui en 1949, car le « personnage » en question n'est autre que la marquise Pauline de Théus, l'héroïne du ''Hussard'', dans sa vieillesse). Giono a en effet mis plus longtemps qu'à son habitude pour achever ce roman majeur du ''Hussard'', commencé avant plusieurs œuvres de cette époque mais publié après elles.
{{Citation bloc|Je lus ''L'Iliade'' au milieu des blés mûrs. [...] C'est en moi qu'Antiloque lançait l'épieu. C'est en moi qu'Achille damait le sol de sa tente, dans la colère de ses lourds pieds. C'est en moi que Patrocle saignait. C'est en moi que le vent de la mer se fendait sur les proues<ref name=Giono3>Jean Giono, ''Jean le Bleu'', Grasset, 1932</ref>}}


À cette seconde époque des chroniques historiques, appartiennent aussi les romans et nouvelles suivants : ''[[Un roi sans divertissement]]'' (autre roman majeur, écrit vite en revanche, sous le feu de l'inspiration, et publié en 1947), ''[[Fragments d'un paradis]]'' (1948), ''[[Les Âmes fortes]]'' (1949), ''[[Les Grands Chemins]]'' (1951), ''[[Le Moulin de Pologne]]'' (1952), ''[[Deux cavaliers de l'orage]]'' (1965), ''[[Ennemonde et autres caractères]]'' (1968), ''[[L'Iris de Suse]]'' (1970), le dernier roman publié de son vivant. On peut aussi rattacher à la fois au ''cycle du Hussard'' et au ''Roi sans divertissement'' (car on y retrouve des personnages et une époque communs à ces deux romans) les nouvelles réunies sous le titre ''[[Récits de la demi-brigade|Les Récits de la demi-brigade]]'', écrites entre 1955 et 1965 mais publiées en 1972. Appartiennent aussi à cette même veine d'inspiration humaniste, historique et romanesque les nouvelles posthumes ''[[Cœurs, passions, caractères]]'' (1982) et ''[[Caractères (Giono)|Caractères]]'' (1983), ainsi que les deux romans inachevés : ''[[Dragoon (Giono)|Dragoon]]'', ''[[Olympe (Giono)|Olympe]]'' ou de jeunesse : ''Angélique'', tous parus au début des années 1980.
La violence inspirée par une lecture sensuelle du récit homérique traverse toute l'œuvre de Jean Giono. Qu'on pense, par exemple, à la fin tragique de ''Que ma joie demeure'', ou, trente ans après, à la rivalité mortelle qui oppose les deux frères de ''Deux cavaliers de l'orage''. Elle est assumée sans jugement moral, et sans jamais faire ombre à la profonde joie païenne de celui qui ne croyait pas au problème résolu pour tout le monde ni au bonheur commun, mais qui disait : « Je crois que ce qui importe c'est d'être un joyeux pessimiste. »<ref name=Giono4>Jean Giono, ''Entretiens avec Jean Amrouche et Taos Amrouche'', Gallimard, 1990</ref>


=== Spiritualité imprégnée de paganisme ===
== Bibliographie ==
Peut-on parler de spiritualité chez Giono ? La question est posée par l'un de ses biographes, Jean Carrière, qui répond « Oui, dans la mesure où celle-ci lui est venue non comme une expérience délibérée, mais comme une lente maturation à jouir des choses sans les posséder<ref name=Carrière>Jean Carrière, ''Jean Giono'', La Manufacture, 1991</ref>. » Et cet esprit de jouissance-dépossession, qui s'apparente au ''carpe diem'' des antiques sagesses, accorde à celui qui s'y livre sans réserve et sans fausse pudeur, selon les propres termes de l'auteur, un sentiment de libération païenne :
{{Article détaillé|Bibliographie de Jean Giono}}


{{Citation bloc|Ce n'est pas seulement l'homme qu'il faut libérer, c'est toute la terre... la maîtrise de la terre et des forces de la terre, c'est un rêve bourgeois chez les tenants des sociétés nouvelles. Il faut libérer la terre et l'homme pour que ce dernier puisse vivre sa vie de liberté sur la terre de liberté [...] Ce champ n'est à personne. Je ne veux pas de ce champ; je veux vivre avec ce champ et que ce champ vive avec moi, qu'il jouisse sous le vent et le soleil et la pluie, et que nous soyons en accord. Voilà la grande libération païenne<ref name=Giono>Jean Giono, ''Le Voyage en Italie'', Gallimard, 1953</ref>.}}
L'œuvre de Jean Giono est assez dense et très variée. Certains de ses romans sont devenus des grands classiques de la littérature française du {{XXe siècle}} (''Regain'', ''[[Le Hussard sur le toit (roman)|Le Hussard sur le toit]]'' ou ''Un Roi sans divertissement''). Certains, traduits dans de nombreuses langues étrangères, ont acquis une renommée internationale.
Au-delà de ses romans, Jean Giono écrivit de nombreux essais grâce auxquels il transmit à ses lecteurs ses points de vue sur ses idées (ses écrits pacifistes), les événements qu'il vivait tels qu'il les ressentait (ses notes sur l'[[Affaire Dominici]]) ou ses idéaux (''Les Vraies Richesses'').
Il s'est essayé, avec une pointe de causticité, aux chroniques journalistiques.
Bien que la poésie ait toujours été présente dans ses textes, il a publié peu de recueils de poésie.
Jean Giono a signé en [[1955]] la préface du livre ''Moi mes souliers'' de [[Félix Leclerc]].


Cet appel à la libération de l'homme et de la terre s'inscrit en faux contre l'injonction biblique de prise de possession de la terre et de ses animaux par l'homme. Il est aussi une invitation à renouer pleinement avec les joies du corps, la sensualité naturelle, longtemps niée ou occultée par la morale chrétienne :
== Citations ==


{{Citation bloc|J'ai pris pour titre de mon livre le titre d'un choral de [[Johann Sebastian Bach|Bach]] : ''[[Herz und Mund und Tat und Leben|Jésus, que ma joie demeure !]]'' Mais j'ai supprimé le premier mot [...] parce qu'il est un renoncement. Il ne faut renoncer à rien. Il est facile d'acquérir une joie intérieure en se privant de son corps. Je crois plus honnête de rechercher une joie totale, en tenant compte de ce corps, puisque nous l'avons<ref name=Giono2>Jean Giono, ''Les Vraies Richesses'', Grasset, 1936</ref>.}}
* Les sentiers battus n'offrent guère de richesse, les autres en sont pleins.


Le paganisme de Jean Giono apparaît, dès les premiers romans écrits à la fin des années 1920, sous la forme d'une vision [[Panthéisme|panthéiste]] qui replonge les êtres au cœur du cosmos étoilé, mais aussi par la perception d'un sentiment tragique de la vie inspiré notamment par sa lecture enthousiaste des récits homériques dès la plus tendre enfance :
* Pour bien mentir il faut beaucoup de sincérité.


{{Citation bloc|Je lus ''L'Iliade'' au milieu des blés mûrs. [...] C'est en moi qu'Antiloque lançait l'épieu. C'est en moi qu'Achille damait le sol de sa tente, dans la colère de ses lourds pieds. C'est en moi que Patrocle saignait. C'est en moi que le vent de la mer se fendait sur les proues<ref name=Giono3>Jean Giono, ''Jean le Bleu'', Grasset, 1932.</ref>.}}
* Perdre est une sensation définitive, elle n'a que faire du temps. Quand on a perdu quelqu'un, on a beau le retrouver, on sait désormais qu'on peut le perdre.


La violence inspirée par une lecture sensuelle du récit homérique traverse toute l'œuvre de Jean Giono. Qu'on pense, par exemple, à la fin tragique de ''Que ma joie demeure'', ou, trente ans après, à la rivalité mortelle qui oppose les deux frères de ''[[Deux cavaliers de l'orage]]''. Elle est assumée sans jugement moral, et sans jamais faire ombre à la profonde joie païenne de celui qui ne croyait pas au problème résolu pour tout le monde ni au bonheur commun, mais qui disait : « Je crois que ce qui importe c'est d'être un joyeux pessimiste<ref name=Giono4>Jean Giono, ''Entretiens avec Jean Amrouche et Taos Amrouche'', Gallimard, 1990.</ref>. »
* L'innocence est toujours impossible à démontrer.


==== Vie et mort ====
* Vous m'aviez paru être trop confiants dans votre science. Vous n'aviez pas l'air de savoir que les temps modernes n'ont pas seulement résolu le problème de la désintégration de l'atome, mais qu'ils ont effectué la désintégration des esprits, libérant sans raison des forces spirituelles qui nous étaient nécessaires pour vivre une vie humaine.
En somme, pour caractériser la spiritualité de Jean Giono, on doit souvent faire appel à des formules en [[oxymore]] comme cette « joie pessimiste » qui conclut sa formule précédente.


Ainsi, Giono exprime souvent un [[Spiritualisme (philosophie)|spiritualisme]] [[Sensualité|sensuel]], tellurique, panique, et même charnel, voire [[Matérialisme|matérialiste]]. Par exemple, selon Dominique Bonnet qui étudie « L’Apocalypse selon Jean Giono: du ''Grand Troupeau'' au ''Grand Théâtre »''<ref name=Bonnet/>, pour Giono la mort faisait partie d’un processus naturel dans lequel tout est cyclique ; et de citer pour l’illustrer un passage emprunté au roman ''[[Ennemonde et autres caractères]]'' :
* Contenter l'intelligence n'est pas difficile ; contenter notre esprit n'est pas non plus trop difficile. Contenter notre corps, il semble que cela nous humilie. Lui seul pourtant connaît cependant une éblouissante science.


{{Citation bloc|L’[[Immortalité de l'âme|immortalité de l’âme]] est une grimace de clown pour amuser les enfants : ce qui éclate, ce qui s’étale au grand jour, c’est l’immortalité de la chair, l’immortalité de la matière, la chaîne de la transformation, la roue de la vie, l’infini des aventures et des avatars, le rayonnement des innombrables chemins de fuites et de gloire<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jean|nom1=Giono|titre=''Ennemonde et autres caractères''|éditeur=Paris: Gallimard|collection=Bibliothèque de la Pléiade, Tome VI|année=1983|pages totales=6|passage=p. 327|isbn=978-2-07-011071-1}}.</ref>.}}
* Qui n'a vu le monde changer, noircir ou fleurir, parce qu'une main ne touche plus la vôtre ou que des lèvres vous caressent (''Le Hussard sur le toit'')


Pour Giono donc la mort était essentielle au sein de son œuvre, omniprésente, autant que la vie et la nature (et d’ailleurs totalement intriquée à la vie, la mort comme condition ''sine qua non'' de la vie) « dans une volonté de normaliser, d’exorciser même les tabous « modernes » de cette présence de la mort, de l’intégrer de façon naturelle au cycle de la vie comme le rapportent aussi ses propos recueillis par Christian Michelfelder<ref name=Bonnet>{{Lien web|titre=L’Apocalypse selon Jean Giono : du Grand Troupeau au Grand Théâtre|url=https://revistas.ucm.es/index.php/AMAL/article/viewFile/42925/40897|site=Amaltea. Revista de mitocrítica Vol. 5 (2013) UNIVERSIDAD DE HUELVA, Dominique Bonnet, p. 38|consulté le=19/06/2018}}</ref> » : {{Citation bloc|Croyez-vous que la Nature, reine d’équilibre, serait tant dépensière, si la mort était vraiment une destruction ? Elle est un passage. Elle est une force de transformation comme la force qui hausse, abaisse et balance les vagues de la mer<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Christian|nom1=Michelfelder|titre=Jean Giono et les religions de la terre|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|collection=Blanche|année=1938|passage=pp. 222-223}}</ref>.}}Parfois, Giono fait preuve d’une sorte de [[Mystique|mysticisme]] cosmique mais sans [[transcendance]], ou plutôt d’une transcendance qui résiderait au cœur même d’une [[immanence]] ''[[sublime]]'' (oxymore, encore) - un peu comme [[Baruch Spinoza|Spinoza]] qui identifie Dieu à la ''[[Nature naturante]]''<ref>{{Chapitre|auteur1=|prénom1=Baruch|nom1=Spinoza|titre chapitre=Éthique. Première partie : De Dieu.|titre ouvrage=Éthique|éditeur=Charpentier|année=|date=1861 [nouvelle édition]|isbn=|lire en ligne=https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89thique_(Saisset,_1861)/Partie_I|consulté le=2020-07-17|passage=3–48}}</ref>. Ainsi, pour Jacques Chabot dans ''La Provence de Giono'', celui-ci serait un « mystique [[Agnosticisme|agnostique]] » (oxymore, toujours) qui postulerait un « arrière-pays » au « fond des choses », au cœur même des apparences du monde sensible (serait-ce un [[:wikt:idéalisme|idéalisme]] ''[[concret]]'' inspiré du [[Allégorie de la caverne|mythe de la caverne]] de [[Platon]] ?) :
* "Les péchés qu'on ne commet pas sont affreux ; ceux qu'on commet : zéro, poussière." (''Les Âmes fortes'', 1950)

{{Citation bloc|La voilà donc la Provence montagnarde de Giono, hautaine, âprement réservée, plus close qu’un jardin secret, ''[[hortus conclusus]]'' mystique {{incise|mais ce mystique baladeur et délirant est un matérialiste agnostique|stop}} : il ignore ''pratiquement'' tout du spirituel et plus encore du surnaturel [la nature est déjà ''en elle-même'' une « surnature », NDLR], mais il voit dans les apparences du monde sensible (pas « derrière » ni « au-delà », mais ''dans'', « superposé en volume ») ce qu’il appelle volontiers ''« l’arrière-pays »'' ou « le côté ''fond des choses'' »<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jacques|nom1=Chabot|titre=La Provence de Giono|éditeur=Édisud, Aix-en-Provence|collection=La Provence de|année=1991|pages totales=122|passage=p. 54|isbn=978-2-85744-429-9}}</ref>.}}

== Œuvres ==
{{Article détaillé|Liste des œuvres de Jean Giono}}

L'œuvre de Jean Giono est prolifique, assez dense et très variée. Certains de ses romans sont devenus des grands classiques de la littérature française du {{s-|XX}} (''[[Regain (roman)|Regain]]'', ''[[Le Hussard sur le toit]]'', ''[[Un roi sans divertissement]]'', ''[[Les Âmes fortes]]''), et ont été adaptés au cinéma (par lui-même ou par d'autres réalisateurs). Certains de ses romans et nouvelles, comme ''[[Que ma joie demeure]]'', ou encore ''[[L'Homme qui plantait des arbres]]'', traduits dans de nombreuses langues étrangères, ont acquis une renommée internationale.

Au-delà de ses romans, Jean Giono écrivit de nombreux essais grâce auxquels il transmit à ses lecteurs ses points de vue et ses idées sur les problèmes contemporains (ses écrits pacifistes, dont ''Refus d'obéissance'' en 1937, quand montait le risque de guerre et de retour du cauchemar), les événements qu'il vivait tels qu'il les ressentait (son ''Journal de l'occupation'' ou ses notes sur l'[[Affaire Dominici]]) ou encore ses idéaux (''Les Vraies Richesses'', ''le Poids du ciel''). Il s'est essayé, avec une pointe de causticité, aux chroniques journalistiques, par exemple à propos des centrales nucléaires installées dans sa chère Provence<ref>{{Lien web|titre=Protestation contre l'installation d'un centre nucléaire à Cadarache|url=http://cpourdireplus.over-blog.com/article-523182.html|site=c'est pour dire plus|consulté le=2/05/2018}}.</ref>. Bien que la poésie ait toujours été présente dans ses textes (et parfois centrale comme dans ''Le serpent d'étoiles'', sorte d'opéra archaïque et initiatique en plein air), il a publié peu de recueils de poésie proprement dite (réédités entre autres dans l'un des volumes de la [[Bibliothèque de la Pléiade]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|nom1=Jean Giono|titre=Journal, poèmes, essais|éditeur=Gallimard, publié sous la direction de [[Pierre Citron]] avec la collaboration de [[Laurent Fourcaut]], [[Henri Godard]], Violaine de Montmollin, André-Alain Morello et Mireille Sacotte|année=1995|pages totales=1664|isbn=9782070113750|présentation en ligne=https://www.la-pleiade.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-la-Pleiade/Journal-Poemes-Essais}}</ref>, voir la section « [[Liste des œuvres de Jean Giono #Poèmes |Poèmes ]] » de l'article consacré à la liste de ses œuvres) ; mais plusieurs de ses poèmes ont cependant été mis en musique et interprétés par [[Hélène Martin]]<ref>{{Lien web |auteur institutionnel=[[Agence France-Presse|AFP]] |titre=Hélène Martin, chanteuse et poète proche de Jean Giono, est décédée |url=https://www.huffingtonpost.fr/entry/helene-martin-chanteuse-et-poete-proche-de-jean-giono-est-decedee_fr_6032dcb1c5b67c32961e8e60 |site=[[Le HuffPost]] |date=21 février 2021 |consulté le=14 juillet 2022 }}.</ref>. Giono a signé en [[1955]] la préface du livre ''Moi mes souliers'' de [[Félix Leclerc]]. Il a également préfacé les ''Œuvres'' de Machiavel dans [[Bibliothèque de la Pléiade|la Pléiade]]. Enfin, il a traduit (en collaboration) ''[[Moby Dick]]'' (le roman allégorique bien connu d'[[Herman Melville]], en 1939) et ''[[L'Expédition de Humphry Clinker|L'Expédition d'Humphry Clinker]]'' (roman épistolaire et picaresque de [[Tobias Smollett]], en 1955), romanciers pour lesquels Giono a toujours eu beaucoup d'admiration, ce dont témoigne aussi son essai ''[[Pour saluer Melville]]'', paru en 1941.


== Giono et le cinéma ==
== Giono et le cinéma ==
Très tôt, Jean Giono s'intéresse au cinéma<ref>{{Lien web |titre=Jean Giono : Filmographie|url=http://pages.infinit.net/poibru/giono/giofilm.htm|site=Jean Giono, le voyageur immobile, copyright : Bruno Poirier, 2002|consulté le=26 avril 2018}}.</ref>. Il a vu, dans les [[années 1930]], l'impact qu'ont eu sur le public les films de [[Marcel Pagnol]] tirés de ses propres romans, avec des acteurs « provençaux » de la « troupe » de Pagnol et de premier plan comme [[Raimu]], [[Fernandel]], [[Fernand Charpin|Charpin]], [[Ginette Leclerc]], [[Charles Blavette]], [[Delmont]], [[Henri Poupon]], ou [[Orane Demazis]] : ce sont successivement ''[[Jofroi (film)|Jofroi]]'' 1933, ''[[Angèle (film, 1934)|Angèle]]'' 1934, ''[[Regain (film)|Regain]]'' 1937, ou ''[[La Femme du boulanger]]'' 1938. Mais il semble que Jean Giono soit lui-même venu au cinéma en réaction aux adaptations précédentes de ses romans qui, une fois portés à l'écran, ne gardaient selon lui que le côté anecdotique ou folklorique de son œuvre, parfois jusqu'à la caricature de la Provence et de ses habitants<ref>{{Lien web|titre=Jean Giono, carrière au cinéma|url=http://cinema.encyclopedie.personnalites.bifi.fr/index.php?pk=14031|site=Cinémathèque française|consulté le=26/04/2018}}.</ref>.


Après quelques courts essais, la première coréalisation de Giono est un documentaire de Georges Régnier, ''Manosque, pays de Jean Giono'' avec des textes du livre ''Manosque des Plateaux''. Il s'essaie ensuite en 1942 à l'adaptation du roman ''[[Le Chant du monde (roman)|Le Chant du monde]],'' qu'il ne termine pas. Mais il en a écrit le scénario et fait le découpage technique<ref name=Universalis/>, lesquels ont été publiés en 1980 dans le tome I (1938-1959) des ''Œuvres cinématographiques de Jean Giono''<ref> {{Lien web|titre=Jean Giono : bibliographie, le Chant du monde|url=http://pages.infinit.net/poibru/giono/gionobib.htm|site=Jean Giono, le voyageur immobile, Bruno Poirier, 2002|consulté le=03/05/2018}} </ref>{{,}}<ref> {{Lien web|titre=Giono Œuvres cinématographiques|url=https://www.amazon.fr/Oeuvres-cin%C3%A9matographiques-1938-1959-Jean-Giono/dp/2070218279/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1525346876&sr=1-1&keywords=Giono+%C5%92uvres+cin%C3%A9matographiques|site=Amazon.fr|consulté le=03/05/2018}}</ref>. Le film que Marcel Camus tirera en 1965 du même roman relève d'une autre adaptation. Dans les années 1950, Jean Giono travaille avec Alain Allioux au scénario de ''[[L'Eau vive]]'' (1956 à 1958), film de [[François Villiers]], avec qui il tourne aussi les courts métrages ''Le Foulard de Smyrne'' (1957) et ''La duchesse'' (1959), dont les thèmes sont des témoignages du projet de film qu'il avait à partir de son roman ''Le Hussard sur le toit'', projet qui n'aboutira pas lui non plus<ref name=Universalis>{{Lien web|titre=Giono et le cinéma|url=https://www.universalis.fr/encyclopedie/jean-giono/7-giono-et-le-cinema/|site=Encyclopaedia Universalis|consulté le=03/05/2018}}.</ref>. ''[[L'Eau vive]]'' est présenté en avant-première au festival de Cannes, en 1958.
Très tôt, Jean Giono s'intéresse au cinéma.
Il a vu, dans les années 1930, l'impact qu'ont eu sur le public les films de [[Marcel Pagnol]] tirés de ses propres romans (''[[Regain (film)|Regain]]'', ''[[La Femme du boulanger]]'', ''[[Jofroi (film)|Jofroi]]'' ou ''[[Angèle (film, 1934)|Angèle]]'').


En 1960, Giono écrit le scénario, les dialogues, et met en scène (avec l'aide de [[Claude Pinoteau]], [[Bernard Paul]] et [[Costa-Gavras]]) le film ''[[Crésus (film)|Crésus]]'' : c'est [[Fernandel]] qui joue dans le rôle-titre. En 1963, dans la froideur de l'[[Aubrac]], Giono supervise le tournage de l'adaptation de son roman ''[[Un roi sans divertissement (film, 1963)|Un roi sans divertissement]]'', réalisé par [[François Leterrier]]. Ces deux derniers films sont produits par la société de production que Giono avait créée : ''Les films Jean Giono''. Giono reconnaît dans la presse que le cinéma est un art difficile mais qu'il permet de raconter autrement les histoires.
Après quelques courts essais, la première coréalisation est un documentaire de Georges Régnier, ''Manosque, pays de Jean Giono'' avec des textes du livre ''Manosque des Plateaux''.


D'autres réalisateurs ont adapté des œuvres de Giono, de son vivant ou après sa mort, et ont tourné : ''[[Le Bout de la route (film)|Le Bout de la route]]'' ([[Émile Couzinet]], 1949), ''[[Les Grands Chemins (film, 1963)|Les Grands Chemins]]'' ([[Christian Marquand]], 1963), ''[[Le Chant du monde (film)|Le Chant du monde]]'' ([[Marcel Camus]], 1965), ''[[Les Cavaliers de l'orage|Les cavaliers de l'orage]]'' ([[Gérard Vergez]], 1983), ''[[Le Hussard sur le toit (film)|Le Hussard sur le toit]]'' ([[Jean-Paul Rappeneau]], 1995), ''[[Les Âmes fortes (film)|Les Âmes fortes]]'' ([[Raoul Ruiz]], 2001), ou ''[[L'Homme qui plantait des arbres (film)|L'Homme qui plantait des arbres]]'', [[film d'animation]] du québécois [[Frédéric Back]] en 1987.
Il s'essaie ensuite en 1942 à l'adaptation du roman ''[[Le Chant du monde]]'' qu'il ne termine pas.


=== Scénariste ===
Dans les années 1950, Jean Giono travaille avec Alain Allioux au scénario de ''[[L'Eau vive]]'' (1956), film de [[François Villiers]], avec qui il tourne le court-métrage ''le Foulard de Smyrne'' (1957).
{{Article détaillé|Bibliographie de Jean Giono}} (Voir notamment dans cet article détaillé la section plus développée consacrée aux [[Bibliographie de Jean Giono#Scénarios |scénarios ]] de Giono pour le cinéma).
''[[L'Eau vive]]'' est présenté en avant-première au festival de Cannes, en 1958.
Giono a donc écrit les scénarios et dialogues des films de fiction et des documentaires suivants, qu'il a aussi parfois réalisés ou co-réalisés :
* 1942 : ''[[Le Chant du monde (roman)|Le Chant du monde]]'' (projet de film inabouti).
* 1957 : ''Le Foulard de Smyrne'' (documentaire sur le choléra en Provence au {{s-|XIX}}, à partir d'une adaptation de son roman ''[[Le Hussard sur le toit]]'', projet de film encore une fois inabouti).
* 1958 : ''[[L'Eau vive]].''
* 1959 : ''La duchesse'' (documentaire sur le brigandage légitimiste en Provence au {{s-|XIX}}, toujours autour de son projet pour le ''Hussard'').
* 1959 : ''Platero et moi'', adaptation du récit de [[Juan Ramón Jiménez]] : ''[[Platero y yo]]'' (projet de film inabouti)<ref name=Universalis/>.
* 1960 : ''[[Crésus (film)|Crésus]]''.
* 1963 : ''[[Un roi sans divertissement (film, 1963)|Un roi sans divertissement]]''.
* 1968 : [[Provinces (série télévisée)|Provinces]] (émission ''La chevelure d'Atalante''), réalisation de [[Robert Mazoyer]].


== Hommages [[Éponymie|éponymes]] ==
Giono écrit le scénario, les dialogues, met en scène le film ''[[Crésus (film, 1960)|Crésus]]'' avec [[Claude Pinoteau]] et [[Costa-Gavras]].
''(liste non exhaustive)''


{{boîte déroulante|titre=Voies portant le nom de Jean Giono|contenu={{colonnes|nombre=3|
En 1963, dans la froideur de l'[[Aubrac]], Giono supervise le tournage de l'adaptation de son roman ''[[Un roi sans divertissement (film, 1963)|Un roi sans divertissement]]'', réalisé par [[François Leterrier]].
* Une avenue d'[[Aix-en-Provence]]
* Une rue d'[[Angers]]
* Une rue d'[[Arles]]
* Une rue d'[[Avignon]]
* Une allée de [[Bordeaux]]
* Une rue de [[Cabriès]]
* Une rue de [[Clermont-Ferrand]]
* Une allée de [[Colomiers]]
* Une rue de [[Corbières (Alpes-de-Haute-Provence)|Corbières]]
* Une rue de [[Digne-les-Bains]]
* Une avenue de [[Forcalquier]]
* Une rue d'[[Évry]]
* Une allée de [[Grasse]]
* Une avenue de [[Manosque]] ''(sa ville)''
* Une rue de [[Marignane]]
* Une rue et un square de [[Marseille]]
* Une rue de [[Martigues]]
* Une rue de [[Montélimar]]
* Une impasse de [[Montluçon]]
* Une rue de [[Montpellier]]
* Une allée de [[Nyons]]
* Une rue de [[Paris]]
* Une avenue de [[Perpignan]]
* Une avenue de [[Pierrefeu-du-Var]]
* Une avenue de [[Pierrevert]]
* Un boulevard de [[Rognac]]
* Une rue de [[Sorgues (Vaucluse)|Sorgues]]
* Une allée de [[La Seyne-sur-Mer]]
* Une rue de [[Toulouse]]
* Une avenue de [[Varages]]
* Une impasse de [[Villeneuve-Tolosane]]
* Une impasse de [[Vergèze]]
* Une allée de [[Vitrolles (Bouches-du-Rhône)|Vitrolles]]
* un boulevard de [[Volx]]
}}|alignB=center|largeur=}}


{{boîte déroulante|largeur=|alignB=center|titre=Établissements portant le nom de Jean Giono|contenu={{colonnes|nombre=3|
Ces deux derniers films sont produits par la société de production que Giono avait créée : ''Les films Jean Giono''.
* Une école d'[[Apt (Vaucluse)|Apt]]
Giono reconnaît dans la presse que le cinéma est un art difficile mais qu'il permet de raconter autrement les histoires.
* Une école élémentaire à [[La Seyne-sur-Mer]], pendant plusieurs années, rebaptisée [[Lucie Aubrac]] depuis sa fusion avec l'école [[André Malraux]] voisine
* Une clinique et un collège de [[Manosque]] ''(sa ville)''
* Un centre social à [[Miramas]]
* Un collège de [[Nice]]
* Un stade des [[Les Pennes-Mirabeau|Pennes-Mirabeau]]
* Collège à [[Marseille]]
* Collège à [[Saint-Genis-Laval]]
* Collège au [[Le Beausset|Beausset]]
* Une école élémentaire de [[La Crau]]
* L'[[École maternelle en France#Appellations|école maternelle d'application]] de [[Draguignan]]
}}}}


L'[[astéroïde]] {{PM1|6519|Giono}} [[éponymie|porte également son nom]].
D'autres réalisateurs ont adapté des œuvres de Giono, de son vivant ou après sa mort, et ont réalisé : ''[[Les Grands Chemins (film)|Les Grands Chemins]]'' ([[Christian Marquand]] – [[1963 au cinéma|1963]]), ''Deux cavaliers de l'orage'' ([[Gérard Vergez]] – 1983), ''[[Le Hussard sur le toit (film)|Le Hussard sur le toit]]'' ([[Jean-Paul Rappeneau]] – 1995), ''[[Les Âmes fortes (film)|Les Âmes fortes]]'' ([[Raoul Ruiz]] – 2001), ''Le Chant du monde'' ([[Marcel Camus]] – 1965) ou
''[[L'homme qui plantait des arbres]]'', film d'animation du québécois [[Frédéric Back]] en 1987.


<gallery mode="packed" heights="182" caption="Hommages à Jean Giono">
== L'Association des amis de Jean Giono ==
Fichier:Rose, Jean Giono, バラ, ジャン ジオノ, (15434937527).jpg|Une rose thé hybride nommée « Jean Giono » élevée par Alain Meilland (1940-...) en France, avant 1996<ref> {{Lien web|langue=en|titre="Jean Giono ®" rose description|url=https://www.helpmefind.com/rose/l.php?l=2.3479.0 |description=Help Me Find |site=www.helpmefind.com |consulté le= 29/01/2023}}. </ref>.
Créée en 1972, par Henri Fluchère et Aline Giono ''l'Association des amis de Jean Giono'' concourt à la mémoire de l'œuvre et de la vie de l'écrivain. Elle encourage et favorise la recherche universitaire, inventorie et conserve les archives de Giono, soutient et organise différentes manifestations (colloques, journées d'études, expositions, spectacles) comme les '''Rencontres Giono''', en juillet à Manosque, pour les adhérents de l'association et pour tous les publics.
Fichier:Plaque Rue Jean Giono - Paris XIII (FR75) - 2021-06-07 - 2.jpg|Plaque de la rue Jean Giono à Paris dans le {{13e arrondissement de Paris}}.
File:Ecole Jean Giono.JPG|Une des nombreuses écoles de France nommées Jean Giono.
</gallery>


== Maison de Giono ==
Depuis sa création, l'association rassemble des lecteurs fervents et fidèles qui partagent une connaissance et une admiration de l'œuvre de Giono. Le ''Bulletin de l'Association des Amis de Jean Giono'' a été remplacé en 2007 par la ''Revue Giono''.
{{Article détaillé|Maison « Le Paraïs »}}
Jean Giono achète en 1929, une petite maison au lieu-dit « Lou Paraïs » sur le flanc sud du mont d'Or, qui domine Manosque. {{citation|Un palmier, un laurier, un abricotier, un kaki, des vignes, un bassin grand comme un chapeau, une fontaine.}} Il transforme et agrandit cette maison où il écrit la plus grande partie de son œuvre. C'est aujourd'hui le siège de l'Association des amis de Jean Giono.


== La maison de Giono ==
== Association des amis de Jean Giono ==
Créée en 1972 au Paraïs de Manosque par [[Henri Fluchère]] et Aline Giono, l'Association des amis de Jean Giono concourt à la mémoire de l'œuvre et de la vie de l'écrivain. Elle encourage et favorise la recherche universitaire, inventorie et conserve les archives de Giono, soutient et organise différentes manifestations (colloques, journées d'études, expositions, spectacles) comme les Rencontres Giono, en juillet à Manosque, pour les adhérents de l'association et pour tous les publics. Depuis sa création, l'association rassemble des lecteurs fervents et fidèles qui partagent une connaissance et une admiration de l'œuvre de Giono. Le ''Bulletin de l'Association des amis de Jean Giono'' a été remplacé en 2007 par la ''Revue Giono''.
Jean Giono achète en 1929, une petite maison au lieu-dit « Lou Paraïs » sur le flanc sud du Mont d'Or, qui domine Manosque. « Un palmier, un laurier, un abricotier, un kaki, des vignes, un bassin grand comme un chapeau, une fontaine »<br />

Il transforme et agrandit cette maison où il écrit la plus grande partie de son œuvre y menant une vie simple, aux côtés d'Élise son épouse et de ses filles Aline et Sylvie. C'est aujourd'hui le siège de l'association des amis de Jean Giono.
== Notes et références ==
{{Références}}


== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
=== Sources sur Jean Giono ===
=== Sources et bibliographie ===
;Souvenirs
==== Biographies de Jean Giono ====
* Aline Giono (fille aînée de Jean Giono), ''Mon père : contes des jours ordinaires'', illustrations de Willi Glasauer, [[Gallimard Jeunesse]], 1987
* [[Pierre Citron]], ''Jean Giono'', éditions du Seuil, 1990
* Sylvie Giono (fille cadette de Jean Giono), ''Le goût du bonheur : La Provence gourmande de Jean Giono'', [[Éditions Belin|Belin]], 2000. Section : Littérature et revues, collection : BIBLIO BELIN SC. {{ISBN|978-2-7011-7734-2}}
* [[Jean Carrière]], ''Jean Giono, qui êtes-vous ?'', édition la Manufacture, 1985
* Sylvie Giono, ''Jean Giono à Manosque. Le Paraïs, la maison d’un rêveur'', [[Éditions Belin|Belin]], 2012. Collection « De l’intérieur ». {{ISBN|978-2-7011-5980-5}}, 103 p.
* [[Pierre Citron]], ''Giono'', éditions du Seuil, collection Écrivains de toujours, 1995
* Claudine Chonez, ''Giono'', éditions du Seuil, collection Écrivains de toujours, 1956
* Aline Giono (fille de Jean Giono), ''Mon père, contes des jours ordinaires'', Gallimard Jeunesse, 2003
* Henri Godard, ''Giono - Le roman, un divertissement de roi'', Gallimard, collection Découvertes Gallimard, 2004
* [[Pierre Magnan]], ''Pour saluer Giono'', 1990
* Maurice Chevaly, ''Giono vivant'', éditions Autres Temps, 1995
* Alfred Campozet, ''Le Pain d'étoile - Giono au Contadour'', éditions Pierre Fanlac, 1980
* Pierre-Emile Blairon, ''Jean Giono'', la nostalgie de l'ange, éd. Prolégomènes, 2009.


;Biographies
==== Études sur l'œuvre de Jean Giono ====
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Pierre-Émile Blairon |titre=Giono |sous-titre=la nostalgie de l'ange |lieu=Lambesc |éditeur=Prolégomènes |année=2009 |pages totales=216 |isbn=978-2-917584-13-2 |oclc=488486921}}.
* {{Ouvrage |auteur1=Pierre-Émile Blairon |titre=Giono |lieu=Grez |éditeur=Pardès |collection=Qui suis-je ? |année=2009 |isbn=}}.
* Alfred Campozet, ''[http://salon-litteraire.linternaute.com/fr/autobiographie/content/1950660-giono-au-contadour-le-pain-d-etoiles-enfin-reedite Le Pain d'étoiles : Giono au Contadour]'', éditions Pierre Fanlac, Périgueux, 1980.
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Jean Carrière]] |titre=Jean Giono, qui suis-je ? |lieu=Lyon |éditeur=édition la Manufacture |collection=Qui suis-je ? |année=1985 |pages totales=214 |isbn=2-904638-44-X}}.
* [[Maurice Chevaly]], ''Giono vivant'', éditions Autres Temps, Marseille, 1995.
* Maurice Chevaly, ''Giono à Manosque'', Le Temps Parallèle, 1986, Prix de la Société des Gens de Lettres.
* [[Claudine Chonez]], ''Giono'', éditions du Seuil, coll. « Écrivains de toujours », 1956.
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Pierre Citron]] |titre=Giono, 1895-1970 |lieu=Paris |éditeur=[[éditions du Seuil]] |année=1990 |pages totales=665 |isbn=2-02-012212-X}}.
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Pierre Citron |titre=Giono |lieu=Paris |éditeur=[[éditions du Seuil]] |collection=Écrivains de toujours |année=1995 |pages totales=188 |isbn=2-02-019785-5}}.
* [[Henri Godard]], ''Giono : Le roman, un divertissement de roi'', Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard », Paris, 2004 {{ISBN|2070315436}}.
* [[Pierre Magnan]], ''Pour saluer Giono'', Denoël, Paris, 1990.

;Études de l'œuvre
* Philippe Arnaud, ''Anatomie d'un chef-d'œuvre : essai sur « [[Un roi sans divertissement]] »'', L’Harmattan (coll. « Critiques littéraires »), 2001 {{ISBN|2-747-51326-2}}
* Philippe Arnaud, ''Anatomie d'un chef-d'œuvre : essai sur « [[Un roi sans divertissement]] »'', L’Harmattan (coll. « Critiques littéraires »), 2001 {{ISBN|2-747-51326-2}}
* Collectif sous la direction de Jean-François Durand et Jean-Yves Laurichesse, ''Giono dans sa culture'', Presses Universitaires de Perpignan, 2001
* Collectif sous la direction de Jean-François Durand et [[Jean-Yves Laurichesse]], ''Giono dans sa culture'', Presses Universitaires de Perpignan, 2001
* Jean-François Durand, ''Jean Giono - le Sud imaginaire'', Edisud, 2003
* Jean-François Durand, ''Jean Giono - le Sud imaginaire'', Edisud, 2003
* Grosse, Dominique. ''Jean Giono : Violence et création.'' Paris: L' Harmattan, (coll. Critiques Littéraires) 2003
* Julie Sabiani, ''Giono et la terre'', Édition [[Sang de la Terre]], 1988
* Alain Romestaing, ''Jean Giono, le corps à l'œuvre'', Honoré Champion, 2009
* Julie Sabiani, ''Giono et la terre'', Édition Sang de la Terre, 1988
* Le Page Patricia, [http://drum.lib.umd.edu/bitstream/1903/1446/1/umi-umd-1548.pdf Space of passion : the love letters of Jean Giono to Blanche Meyer], 2004
* Colette Trout et Derk Visser, ''Jean Giono'', Collection Monographique Rodopi en Littérature Française Contemporaine, 2006
* Annick Stevenson, ''Blanche Meyer et Jean Giono'', Actes Sud, 2007
* Annick Stevenson, ''Blanche Meyer et Jean Giono'', Actes Sud, 2007
* Sous la direction de Jean-Yves Laurichesse et Sylvie Vignes, ''Giono : La mémoire à l'œuvre'', Presses universitaires du Mirail, collection « Cribles », 2009 {{ISBN|978-2-8107-0083-7}}
* Sylvie Vignes, ''Giono et le travail des sensations'', Nizet, 1999
* Corinne Von Kymmel-Zimmermann, [http://www.theses.fr/2010ARTO0003/document ''Jean Giono ou l'expérience du désordre''], Thèse présentée en vue du Doctorat ès-Lettres Analyses littéraires et histoire de la langue française, sous la direction de Monsieur le Professeur Christian Morzewski, Université d’Artois Laboratoire Textes et Cultures (EA 4028), 2010
* Mirène Geninet, ''La fusion de l'Homme et de l'Univers dans les œuvres non romanesques de Jean Giono antérieures à 1939'', Thèse de doctorat de littérature française sous la direction de Pierre Citron, La Sorbonne Nouvelle - Université PARIS III - 1980.
* Jacques Ibanès, ''Le voyage à Manosque'', Pimientos 2011 {{ISBN|978-2-35660-015-8}}
* Édouard Schaelchli, ''Jean Giono. Le non-lieu imaginaire de la guerre'', Eurédit, 2016.
*Denis Labouret, ''Giono au-delà du roman,'' P.U.P.S., 2016.


=== Documentaires ===

* ''Le Mystère Giono'', un film de Jacques Mény (1995)
== Scénariste ==
* Émissions radiophoniques proposées et produites par Catherine Soullard à France-Culture :
* [[1968]] : [[Provinces (feuilleton télévisé)]] ''La chevelure d'Aatalante'' de [[Robert Mazoyer]]
** ''Les travaux et les jours'', série de Nuits magnétiques sur la vie d'autrefois dans les Alpes de Haute-Provence, inspirées par Jean Giono, émaillées par ses textes, diffusées du 12 au {{date-|15 octobre 1993}} : 1. ''Sur l'eau et les choses premières'' / 2. ''Les gestes et la terre'' / 3. ''Pierres des chemins, paysages'' / 4. ''Une forge, des feux''.

** ''Parce que c'est Giono'', Nuit magnétique diffusée le {{date-|6 décembre 1994}}, avec Elise et Sylvie Giono, Pierre Citron, Geneviève Frandon, Louis Michel et Marcel Arlaud.
==== Documentaire sur Jean Giono ====
** ''Le cinéma de Jean Giono'', Mardi du cinéma diffusé le {{date-|18 avril 1995}}, avec Sylvie Giono, Jean-Piere Rudin, François Leterrier, Jacques Chabot et Jacques Meny.
* ''[[Le Mystère Giono]]'', un film de [[Jacques Mény]] (1995)
** ''Mystère et vertiges chez Jean Giono'', série de Chemins de la connaissance diffusés du 17 au {{date-|21 avril 1995}} : 1. Le héros gionien, sauveur et déserteur, avec Pierre Citron / 2. Ce monstrueux objet du désir, avec Denis Labouret / 3. Le théâtre du sang, avec Laurent Fourcaut / 4. Des histoires et des vides, avec Mireille sacotte / 5. La musique de Jean Giono, avec Pierre Citron.
* Autre émission de France Culture : Jean Giono, émission de Claude Mourthé d'une durée de 5 heures et diffusée pour la première fois le {{date-|11 août 1990}}, avec, entre autres choses, des extraits d'entretiens entre Giono et divers interlocuteurs (dont Jean Carrière, Jean Amrouche), les témoignages de Pierre Citron, Jean Dutourd, P Magnan, J Meny, P Bergé, H Martin, J Carrière, G de Cortanze et Sylvie Durbet-Giono, une des filles de Giono.


=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
* [[Liste des œuvres de Jean Giono]]
* [[Rencontres du Contadour]]
* [[Réalisme merveilleux]]
* [[Réalisme merveilleux]]
* [[Maison natale de Jean Giono]] à [[Manosque]] (où il naît en 1895)
{{Wikisource}}
* [[Maison « Le Paraïs »]] de [[Manosque]] (où il vécut de 1929 à sa mort en 1970)
* [[Espace Giono]] (à [[Lalley]])
* [[Rue Jean-Giono]] (dans le {{13e arrondissement de Paris}})


=== Liens externes ===
=== Liens externes ===
{{Autres projets
* {{fr}}/{{en}} [http://www.idmb.com/name/nm0320274 Jean Giono] sur l'[[Internet Movie Database]]
|commons=Category:Jean Giono
* [http://www.site-magister.com/roi.htm Une étude de ''Un Roi sans divertissement'']
|wikiquote=Jean Giono
* [http://pages.infinit.net/poibru/giono/index.htm Site dédié à Giono]
|wikisource = Auteur:Jean Giono
* [http://www.centrejeangiono.com Centre Jean Giono de Manosque] (espace culturel dédié à la vie et l'œuvre de l'écrivain, dont les activités contribuent au développement de la culture littéraire et artistique au cœur de la Haute-Provence)
}}
* [http://www.giono.com Site non officiel sur Jean Giono]
{{Liens}}
* [http://www.centrejeangiono.com Centre Jean-Giono de Manosque], espace culturel consacré à la vie et l'œuvre de l'écrivain


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== Notes et références ==
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<references />

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[[pms:Jean Giono]]
[[pt:Jean Giono]]
[[ru:Жионо, Жан]]
[[sv:Jean Giono]]

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Jean Giono
Jean Giono en 1932.
Fonction
Président du jury du festival de Cannes
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Jean Fernand GionoVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Période d'activité
Père
Jean-Antoine Giono (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Élise Giono (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfants
Aline Giono (d)
Sylvie Durbet-Giono (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Membre de
l'Académie Goncourt (1954-1970)
Conflit
Genre artistique
Distinction
Archives conservées par
Œuvres principales

Jean Giono est un écrivain et cinéaste français, né le à Manosque où il est mort le .

Ses œuvres, souvent ancrées dans le monde paysan provençal, abordent des questions universelles sur la condition humaine. Bien qu'ami de nombreux écrivains et artistes célèbres, il demeure en dehors des courants littéraires dominants de son époque.

Il a vécu principalement à Manosque, et sa culture — notamment littéraire — est essentiellement autodidacte, se fondant sur des œuvres classiques. Il n'a jamais reçu de grand prix littéraire français, mais a été honoré par des prix américains et britanniques. Membre de l'académie Goncourt de 1954 à sa mort, il est parfois perçu à tort comme un simple écrivain régionaliste, alors que son œuvre est vaste et diversifiée. Ses écrits, bien que profondément enracinés dans la Provence, transcendent les frontières régionales et abordent des thèmes universels.

Giono a également réfléchi à l'art de l'écriture, notamment dans son livre Noé, où il explore la relation entre un romancier et son imaginaire.

Jeunesse et formation

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Plaque sur la maison natale de Giono au 2, rue Torte angle rue Grande à Manosque.
Jean Giono vers 1900, âgé d'environ 5-7 ans. Photo exposée dans sa maison d'enfance 14, rue Grande, à Manosque).

Jean Fernand Giono naît le à Manosque[3] de Jean Antoine Giono (né en 1845 à Saint-Chamas, mort en 1920), cordonnier anarchiste d'origine piémontaise, et de Pauline Victorine Pourcin (née en 1857 à Saint-Cloud, morte en 1946), d'ascendance picarde par sa mère et provençale par son père, qui dirige un atelier de repassage. Giono a évoqué son enfance dans Jean le Bleu, avec la « belle figure de guérisseur libertaire » de son père qui a marqué profondément l'écrivain[4]. Son père aurait accueilli nombre de proscrits et d'exilés[5].

Pour Pierre Citron son biographe, Giono, issu de cette famille très modeste, dont il est le fils unique (et très aimé), « son enfance est pauvre et heureuse. Pour lui c’est un âge d’or dont il fera revivre l’atmosphère, directement ou indirectement, tout au long de sa vie. Ce bonheur est fracassé par la guerre de 14 »[6].

En 1911, un an avant son bac, la mauvaise santé de son père et les faibles ressources de la famille l'obligent à interrompre ses études. Il travaille dans une banque, le Comptoir national d'escompte[7]. Il doit parallèlement s'instruire en autodidacte pour assouvir sa soif de savoir. C’est cette année-là que naît le grand lecteur passionné qu'il deviendra : il se constitue l'amorce d'une bibliothèque où figurent les plus grands auteurs, notamment de l’Antiquité grecque et latine, et la lecture sera son activité la plus indispensable. Tout naturellement, c'est en 1911 qu'il commence à écrire[8]. Le futur écrivain commence Angélique, un roman médiéval qu’il reprendra à plusieurs reprises avant de l’abandonner en 1923[9]. Gallimard publiera cette ébauche (bien avancée) en 1980.

Rencontre décisive

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Juste avant d’être mobilisé, dès le début de l’année 1914 (il a alors 19 ans), il rencontre Élise Marie Maurin (1897-1998)[10], fille d'un coiffeur et d'une couturière[8] ; elle est interne au lycée d’Aix, puis répétitrice à Ajaccio et professeur suppléant au collège de Manosque. Giono lui lit les textes et poèmes qu’il compose alors[11]. C'est, presque tout de suite, le grand amour réciproque. Du fait de la guerre, ils ne se marieront que le [12], peu après la mort de son père le . Ce mariage civil fait « soupirer » Pauline Giono, la mère de Jean, d'après son biographe Pierre Citron[8]. Jean et Élise Giono auront deux filles : Aline (1926-1984) et Sylvie, née le , qui seront elles aussi écrivaines[13],[14].

Soldat traumatisé par la Grande Guerre

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Jean Giono est mobilisé fin 1914. Il est envoyé comme élève aspirant à Montségur, dans la Drôme. Il ne sera jamais aspirant, n’ayant manifestement pas le sens de l’armée, ni le goût de la chose militaire[11]. En , pendant la Première Guerre mondiale, il est affecté au 140e régiment d'infanterie. Il participe aux batailles les plus terribles du conflit (Artois, Champagne, Verdun, la Somme, le Chemin-des-Dames) et en ressort traumatisé. Son meilleur ami et nombre de ses camarades sont tués à ses côtés. En 1916, présent dans les tranchées, sur le front, il voit sa compagnie décimée, et il est commotionné par l'explosion d'un obus tout proche. Plus tard, en 1918, au cours de la bataille du mont Kemmel, en Belgique, il n'est que « légèrement » gazé[11]. Il reste cependant choqué par l'horreur de la guerre, les massacres, la barbarie, l'atrocité de ce qu'il a vécu dans cet enfer, et il devient un pacifiste convaincu[15],[16], comme bon nombre d’anciens poilus. Son pacifisme ne sera pas d'abord rationnel, mais tout à la fois viscéral et spirituel[8].

« Nous avons fait les Éparges, Verdun, la prise de Noyon, le siège de Saint-Quentin, la Somme avec les Anglais, c’est-à-dire sans les Anglais, et la boucherie en plein soleil des attaques de Nivelle au Chemin des Dames. […] J’ai 22 ans et j’ai peur. »

— Jean Giono, 1917

Démobilisé en [11], il aura traversé la guerre sans blessure trop grave malgré son gazage, « sans avancement, sans décoration et sans avoir tué personne » dira-t-il fièrement[8].

Écrivain engagé pendant l'entre-deux-guerres

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Jean Giono (à droite) et son cousin le peintre Serge Fiorio, dans les années 1930.

La lecture des écrivains classiques (en particulier Virgile et Homère : voir les allusions à « l'Iliade rousse » dans Jean le Bleu) l'amène à l'écriture. Son ami le peintre Lucien Jacques lit ses poésies, l’encourage et publie dans sa revue Les Cahiers de l’Artisan ses premiers poèmes, Accompagnés de la flûte[17]. Son premier livre, publié en 1929, Colline est bien accueilli. L'écriture prend de plus en plus d'importance dans sa vie, si bien qu'après la liquidation, en 1929, de la banque dans laquelle il travaillait, il décide de cesser toute autre activité professionnelle pour se consacrer exclusivement à son œuvre. Ses trois romans suivants rencontrent également le succès, ce qui lui permet d’acquérir sa maison « Le Paraïs » à Manosque[7]. D'ailleurs, il reçoit en 1929, le prix américain Brentano pour Colline, ainsi que le prix Northcliffe en 1930 pour son roman Regain. Il est nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1932.

Les événements du début des années 1930 le poussent à s'engager politiquement. Il adhère à l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires (mouvance communiste) mais, par méfiance, il s'en désengage très rapidement.

Entre 1930 et 1934 il a une liaison amoureuse avec Simone Téry.

En , il publie Que ma joie demeure qui connaît un grand succès, particulièrement auprès de la jeunesse. Ce titre est une allusion explicite à la cantate de Jean-Sébastien Bach, Jésus que ma joie demeure, par laquelle il souhaitait exprimer sa foi en une communauté des hommes, par-delà les religions[18]. Il traduit également Moby Dick en français[19] avant de publier Pour saluer Melville.

Ferme des Graves à Redortiers, qui a abrité les réunions des amis de Giono au Contadour.

Giono et quelques amis, bloqués accidentellement dans le hameau du Contadour lors d'une randonnée sur la montagne de Lure, décident, subjugués par la beauté des lieux, de s'y retrouver régulièrement : ainsi naissent les Rencontres du Contadour. C'est l'époque de la publication de l'essai Les Vraies Richesses, dédié aux habitants du Contadour.

Les prémices d'une nouvelle guerre se manifestent bientôt. Jean Giono rédige alors ses suppliques Refus d'obéissance, Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix, Précisions et Recherche de la pureté.

Portrait de Jean Giono en 1937 par Eugène Martel.

La déclaration de guerre interrompt la neuvième réunion au Contadour. Les « disciples » attendent la réaction de Giono. Elle est difficile pour cet homme libre qui ne voulait pas être directeur de conscience et qui écrit « Vous êtes, vous, de l’humain tout frais et tout neuf. Restez-le ! Ne vous laissez pas transformer comme de la matière première […] Ne suivez personne. Marchez seuls. Que votre clarté vous suffise[20]. »

Pacifiste pendant la Seconde Guerre mondiale

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À la déclaration de guerre, il se rend au centre de mobilisation de Digne[21]. Cependant, à cause de son pacifisme, il est arrêté le . Il est relâché après un non-lieu, et libéré de ses obligations militaires[21].

Giono à la fin des années 1930.

Ayant acheté deux fermes en 1939, il dispose d’abondantes ressources alimentaires, ce qui selon sa fille lui permet d’accueillir nombre de personnes de passage[22]. Pendant la guerre, Giono continue à publier sans respecter la directive du Comité national des écrivains. Le passage obligatoire par la censure de l'occupant l'a amené à avoir des contacts avec les autorités allemandes. Le succès de ses œuvres l'a enrichi considérablement[23]. Il se consacre longuement aux soins à donner à sa fille touchée par la tuberculose, en l’emmenant dans la montagne, à Lalley[24].

Dès avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, on lui reproche sa proximité avec la collaboration. Il écrit pendant trois ans dans le journal Aujourd'hui, d'obédience collaborationniste, et est l'objet d'un reportage dans le journal nazi Signal. Il est aussi l'une des voix de Radio Paris[25]. L'utilisation de sa pensée par le régime de Vichy est souvent restée très caricaturale, vantant son « néoprimitivisme », son « tarzanisme »[26], le retour à la terre ou l'artisanat.

Une bombe est déposée devant la maison de son domicile la nuit du 11 au et explose sans faire de blessés, emportant cependant la porte d’entrée[27]. Après la guerre, il est accusé d'avoir collaboré et de nouveau emprisonné, en septembre 1944, principalement pour avoir fait paraître Deux cavaliers de l'orage dans La Gerbe, journal collaborationniste, et un reportage photo dans Signal, sorte de Paris Match national-socialiste et toutefois reconnu pour sa qualité[28]. Il n'est libéré qu'en janvier 1945, sans avoir été inculpé. Néanmoins, le Comité national des écrivains, organisme issu de la Résistance, l'inscrit sur sa liste noire, ce qui interdisait de fait toute publication de son œuvre en France. Bien des résistants qui avaient lutté contre le régime de Vichy ne lui avaient pas pardonné cette phrase : « Je préfère être un Allemand vivant qu'un Français mort » (Cahiers du Contadour, no III-IV, septembre 1937) considérant cette citation comme une offense à leurs sacrifices. Cette mise à l'index ne prend fin qu'en 1947, avec la parution d’Un roi sans divertissement, première en date des Chroniques. Giono a cependant abrité Karl Fiedler, architecte trotskiste allemand, l’épouse de Max Ernst, et dit avoir aidé Jan Meyerowitz, musicien juif, qui, lui, n'en fait jamais mention[réf. nécessaire]. Sa fille mentionne également plusieurs autres personnes en fuite recueillies au Paraïs[29]. Pierre Citron affirme, dans la biographie de Giono, détenir les preuves de ces aides, sans les publier[30].

Pour sa fille, cette longue période de mise à l’écart et de mépris populaire lui inspire l’épisode du Hussard sur le toit dans lequel Angelo, poursuivi par la foule qui cherche un bouc émissaire, se réfugie sur les toits de Manosque. D’après elle, ce fut une satisfaction de « faire mourir les habitants de Manosque de manière horrible, sale, souffrant physiquement et moralement, au milieu de vomissures et de diarrhée »[31].

Une attitude controversée pendant l'Occupation

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Les défenseurs de Giono le présentent comme un pacifiste trompé par le régime de Vichy qui, pour lui, amenait la paix. Son soutien aux accords de Munich en 1938[32] en résulterait. Le fait que le « néoprimitivisme » ou le « tarzanisme »[26] de Giono ait été admiré à la fois par les nazis et par le Régime de Vichy[32] n'est pas selon eux une preuve que Giono était réciproquement un soutien au régime. Du reste, les Allemands ont tenté à plusieurs reprises de le faire venir au « Congrès des écrivains de l'Europe » à Weimar[32]. Giono n'y a jamais participé, mais il a exprimé une reconnaissance qui a les accents de la sincérité[33].

Des études récentes montrent que Giono a pris lui-même contact avec les autorités allemandes[32]. Le Sonderführer Gerhard Heller le trouvait « « extrêmement bien disposé » envers la collaboration »[33]. Dans le journal collaborationniste La Gerbe du , Jean Giono qualifie la défaite de 1940 et Vichy de « grande expérience » après des « années d'erreurs ». Dans son journal il affirme qu'Allemands et Anglo-Américains, lorsque les premiers mitraillent les fuyards de l'Exode et les seconds bombardent Forcalquier « pour le plaisir », sont « semblables »[34], et que les résistants sont des « assassins » et des « voyous », qui se cachent derrière un « patriotisme » dérisoire[32]. Les mots durs que Giono utilise pour qualifier les résistants semblent faire écho à l'insensibilité qu'il affiche à l'égard des Juifs. Il répond ainsi à une sollicitation de l'écrivain Wladimir Rabinovitch :

« Il me demande ce que je pense du problème juif. Il voudrait que j'écrive sur le problème juif. Il voudrait que je prenne position. Je lui dis que je m'en fous, que je me fous des Juifs comme de ma première culotte ; qu'il y a mieux à faire sur terre qu'à s'occuper des Juifs. Quel narcissisme ! Pour lui, il n'y a pas d'autre sujet. Il n'y a pas d'autre chose à faire sur terre qu'à s'occuper des Juifs. Non. Je m'occupe d'autre chose[35]. »

Il est avéré que Giono a caché et entretenu à partir de 1940 des réfractaires, des Juifs, des communistes[36][source insuffisante]. Son œuvre porte des traces de cette « résistance » à l'hitlérisme : outre Le Voyage en calèche, interdit par l'occupant en , et dont le personnage de Julio se prolonge dans celui d'Angelo, résistant italien à l'occupant autrichien en 1848 (Le Bonheur fou), il faut mentionner Angelo III, traqué par les troupes allemandes, dans le début inédit de Mort d'un personnage, et la mort de Clef-des-Cœurs dans le maquis (Ennemonde). Mais il écrira le dans son Journal de l'Occupation, au sujet de Meyerowitz, qu'il a hébergé à La Margotte :

« Éberlué ! Mon intervention pour sauver Meyerowitz a fait grouiller tout le panier de crabes juif de Manosque. M. est juif, total quoique dissimulé, quoique catholique (est-ce pour cela ?), juif de lèvres, de nez, de cœur et d'âme, mais il semble que tous les Juifs ont collaboré à la dénonciation anonyme qui l'a envoyé aux Mées. Ils se sont associés au commissaire de police qui est franciste, c'est-à-dire qu'ils ont dénoncé M. au commissaire. On se perd dans cette complication, intelligente, sournoise et d'une méchanceté certaine. »

Consécration

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Dans les années qui suivent, Giono publie notamment Un roi sans divertissement (1947), Mort d'un personnage (1949), Les Âmes fortes (1950), Le Hussard sur le toit (1951), Le Moulin de Pologne (1953).

Avec le succès de ces livres, surtout Le Hussard sur le toit, Giono est de nouveau considéré comme l’un des plus grands écrivains français du XXe siècle. En 1953, le Prix littéraire du Prince-Pierre-de-Monaco lui est décerné pour l'ensemble de son œuvre. Il est élu l'année suivante au sein de l'académie Goncourt[37]. De plus en plus intéressé par le cinéma (son film Crésus[38] sort en 1960), il préside le jury du Festival de Cannes en 1961.

Parallèlement et alors que la guerre d'Algérie fait rage, il s'engage dans la défense du droit à l'objection de conscience, entre autres en parrainant le comité créé par Louis Lecoin, aux côtés d'André Breton, Albert Camus, Jean Cocteau et de l'abbé Pierre. Ce comité obtient en un statut, restreint, pour les objecteurs.

Son dernier roman, L'Iris de Suse, paraît en 1970.

Emporté par une crise cardiaque dans la nuit du au [3],[39] dans sa maison de Manosque, Jean Giono est enterré au cimetière ancien de la ville[40]. Sa veuve, Élise, morte en 1998 à l’âge de 101 ans[10], repose à ses côtés[40].

Giono et Manosque

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Paysage de Giono (près de Manosque).

Giono s'est surnommé lui-même « le voyageur immobile ». De fait, son œuvre évoque souvent de longs voyages ou cheminements, alors que lui-même n'a presque pas voyagé, sauf de courts séjours en Écosse, à Majorque et en Italie (Voyage en Italie, œuvres complètes, la Pléiade). Mais il était un solide marcheur et un randonneur régulier. Avant de vivre au Paraïs, qui surplombe Manosque, à partir de 1929, Jean Giono a habité à Manosque même : 1, rue Torte, où il est né le  ; 14, rue Grande, où ses parents déménagèrent peu de temps après ; 8, rue Grande, où il emménagea en 1930, après son mariage.

Sur le boulevard circulaire de Manosque se trouve aujourd'hui le Crédit agricole, qui était le Comptoir d’escompte lorsque Giono y travaillait.

Il a également souvent séjourné dans le Trièves où il passait ses vacances, avant la guerre (à Tréminis) et après (à Lalley, où vivait son amie Édith Berger, artiste peintre). Cette région montagneuse, située au nord du col de la Croix-Haute (Drôme) et qu'il qualifiait de « cloître de montagnes », lui a inspiré notamment Le Chant du monde, Batailles dans la montagne (situé à Tréminis), Un roi sans divertissement (dont l'action se déroule dans un village correspondant à la situation de Lalley), Les Vraies richesses et Triomphe de la vie, essais qui empruntent beaucoup à la sérénité bucolique du Trièves.

Malgré sa vie retirée à Manosque, Jean Giono se rendait régulièrement à Aix-en-Provence où il séjournait chez son amie Henriette Gabrielle Reboul, la célèbre antiquaire de La Maison d'Aix, et où il rencontra par son entremise les écrivains André Gide, André Malraux, et Boris Vian. Pour des impératifs professionnels, il se déplaçait aussi à Paris, sans beaucoup apprécier la vie de la capitale.

Analyse de l'œuvre

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L'œuvre de Jean Giono mêle un humanisme naturel à une révolte violente contre la société du XXe siècle, traversée par le totalitarisme et rongée par la médiocrité, le consumérisme (au sens péjoratif) inféodé à la technique et à l'artificialisation du milieu de vie. Il chante et prône une vie humaine reconnectée au vivant et à la nature sauvage, une vie sociale plus communautaire et à taille humaine, il exprime souvent son admiration, sans angélisme naïf, pour la vie paysanne plus authentique.

Son œuvre se divise, chronologiquement et thématiquement, en deux parties : les premiers livres sont écrits d'une façon très lyrique (ces œuvres sont souvent dites de « première manière ») et leur style est très différent des œuvres tardives plus élaborées et plus narratives, telles que les Chroniques romanesques et le Cycle du Hussard (œuvres dites de « seconde manière »). La nature est d'une certaine façon le personnage principal des premiers livres, tandis que l'Homme est celui des seconds. Pour autant, la nature continue à jouer dans ces derniers un rôle tout de même parfois déterminant, comme le hêtre magnifique et emblématique du Roi sans divertissement, cet « Apollon citharède des hêtres », à la beauté sans doute consciente, et qui détient une des clés de l'énigme du roman. Mais, très perceptiblement, dans cette seconde manière le romanesque change de nature pourrait-on dire, de perspectives, ainsi que d'objet.

Soldat durant la Première Guerre mondiale, Jean Giono n'aborde objectivement cette période de sa vie que dans Refus d'obéissance en 1937, c'est-à-dire bien après ses premières publications. L'influence de la guerre est pourtant très forte tout au long de son œuvre, notamment et explicitement dans son roman métaphorique Le Grand Troupeau en 1931, et dans la nouvelle Ivan Ivanovitch Kossiakoff reprise dans le recueil Solitude de la pitié en 1932 ; plus indirectement aussi dans Le hussard sur le toit (1951). S'il est inclassable, Giono est sans conteste un humaniste et un pacifiste. Et sans doute aussi un panthéiste inclusif, adepte et prosélyte par avance d'un écologisme holistique intuitif et océanique (au sens de Romain Rolland).

Première veine : la Nature prééminente

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Après Naissance de l'Odyssée, qui ne sera publié que plus tard, les trois premiers livres de Jean Giono (Colline, Un de Baumugnes et Regain) constituent la trilogie de Pan (1929-1930). Le dieu Pan est une figure importante dans les livres de Giono. Il est explicitement présent au tout début, et restera jusqu'à la fin en filigrane. Il représente la nature unifiée dans un être unique. Bien que peu adepte des discussions philosophiques, Giono fait quelques brèves allusions au panthéisme (cf. Spinoza, Parménide), qu'il développe allègrement de façon lyrique dans ses premiers livres.

La nature y est présentée d'une façon bien différente de l'idyllique et bienveillante Provence pittoresque qu'on trouve parfois chez Pagnol (un peu plus rude, toutefois dans L'Eau des collines). Il est vrai que Pagnol décrit plutôt la Provence littorale, quand Giono se situe plus souvent en Haute Provence, plus âpre. Chez Giono, la nature est belle, mais elle est aussi cruelle, destructrice et purificatrice : l'Homme en fait partie, mais elle n'est pas l'Homme. L'Homme s'est éloigné d'elle, mais elle se rappelle parfois durement à sa mémoire.

Ainsi, dans Le Hussard sur le toit (1951), la nature se manifeste par le choléra qui dévaste la Provence et tue aveuglément sans se soucier des préoccupations politiques, sociales ou affectives qui agitent les hommes. L'épidémie épargne pourtant la jeunesse immarcescible, la vertu, le courage un peu inconscient et la pureté d'Angelo. On retrouve du reste cette conception de la nature, particulièrement absente des idées de cette époque, dans un texte d'Albert Camus contemporain, intitulé L'Exil d'Hélène. Peut-être aussi dans le Camus des Noces et de L'Été, comme Giono imprégné des sources grecques antiques de la vie méditerranéenne, et comme lui cultivant une relation fusionnelle avec la nature.

Œuvre de mosaïculture en hommage à L'Homme qui plantait des arbres de Giono et au film d'animation qu'en a tiré Frédéric Back.

À cette première veine, qualifiée de chroniques paysannes, d'inspiration panthéiste et païenne, outre la trilogie de Pan, appartiennent les ouvrages suivants (romans, nouvelles, essais, souvenirs d'enfance) : Présentation de Pan (1930), Naissance de l'Odyssée (1930), Jean le Bleu (1932), Solitude de la pitié (1932), Le Serpent d'étoiles (1933), Le Chant du monde (1934), Que ma joie demeure (1936), Batailles dans la montagne (1937), L'Eau vive (1943, nouvelles rééditées en collections de poche en deux volumes en 1973 : Rondeur des Jours et l'Oiseau bagué, peut-être pour éviter la confusion avec le roman Hortense ou l'Eau vive publié en 1958 et tiré de son film homonyme en préambule à celui-ci), mais aussi : L'Homme qui plantait des arbres (1953), Faust au village (1977), Le Bestiaire (1991).

Seconde manière où l’Homme est au centre

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À l'instar de Balzac, et très impressionné par La Comédie humaine, et sa récurrence de personnages forts, sa peinture en profondeur de toute une société en toile de fond de leurs itinéraires individuels et significatifs, Giono avait en tête le projet d'un cycle romanesque en dix volumes « à la manière de Balzac ».

De même, comme on l'a remarqué à l'époque et qu'il l'a d'ailleurs reconnu lui-même, Giono a aussi été inspiré pour cette veine de son œuvre par sa lecture de Stendhal, particulièrement celui de La Chartreuse de Parme : à l'évidence la fougue courageuse, idéaliste, et la naïveté juvénile, enthousiaste, amoureuse de l'Angelo du Hussard sur le toit sont les sœurs de celles du jeune Fabrice de la Chartreuse. Les deux romanciers ont encore en commun une sorte de vision à la fois mythique et intime, romantique, de l'Italie du XIXe siècle.

Le premier volume de la série, écrit par Giono en six jours seulement, a justement pour titre Angelo[41]. Ceci devait être le premier volume de dix ouvrages qui auraient « réinventé le XIXe siècle, pour mieux faire ressortir les tares du XXe siècle ». Angelo I, écrit en 1934, paru en 1958, est considéré sans doute à tort comme le « brouillon » du Hussard sur le toit. Il devait être suivi par une série d'Angelo dont le petit-fils, Angelo III, serait un résistant en 1940. Peut-être effrayé par l'ampleur de la tâche, Giono renonça au projet initial et ne publia que trois romans pour ce cycle : Le Hussard sur le toit (1951), Le Bonheur fou (préquelle, publiée en 1957, du Hussard) et Mort d'un personnage[42] (suite, à distance, du Hussard, pourtant publiée avant lui en 1949, car le « personnage » en question n'est autre que la marquise Pauline de Théus, l'héroïne du Hussard, dans sa vieillesse). Giono a en effet mis plus longtemps qu'à son habitude pour achever ce roman majeur du Hussard, commencé avant plusieurs œuvres de cette époque mais publié après elles.

À cette seconde époque des chroniques historiques, appartiennent aussi les romans et nouvelles suivants : Un roi sans divertissement (autre roman majeur, écrit vite en revanche, sous le feu de l'inspiration, et publié en 1947), Fragments d'un paradis (1948), Les Âmes fortes (1949), Les Grands Chemins (1951), Le Moulin de Pologne (1952), Deux cavaliers de l'orage (1965), Ennemonde et autres caractères (1968), L'Iris de Suse (1970), le dernier roman publié de son vivant. On peut aussi rattacher à la fois au cycle du Hussard et au Roi sans divertissement (car on y retrouve des personnages et une époque communs à ces deux romans) les nouvelles réunies sous le titre Les Récits de la demi-brigade, écrites entre 1955 et 1965 mais publiées en 1972. Appartiennent aussi à cette même veine d'inspiration humaniste, historique et romanesque les nouvelles posthumes Cœurs, passions, caractères (1982) et Caractères (1983), ainsi que les deux romans inachevés : Dragoon, Olympe ou de jeunesse : Angélique, tous parus au début des années 1980.

Spiritualité imprégnée de paganisme

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Peut-on parler de spiritualité chez Giono ? La question est posée par l'un de ses biographes, Jean Carrière, qui répond « Oui, dans la mesure où celle-ci lui est venue non comme une expérience délibérée, mais comme une lente maturation à jouir des choses sans les posséder[43]. » Et cet esprit de jouissance-dépossession, qui s'apparente au carpe diem des antiques sagesses, accorde à celui qui s'y livre sans réserve et sans fausse pudeur, selon les propres termes de l'auteur, un sentiment de libération païenne :

« Ce n'est pas seulement l'homme qu'il faut libérer, c'est toute la terre... la maîtrise de la terre et des forces de la terre, c'est un rêve bourgeois chez les tenants des sociétés nouvelles. Il faut libérer la terre et l'homme pour que ce dernier puisse vivre sa vie de liberté sur la terre de liberté [...] Ce champ n'est à personne. Je ne veux pas de ce champ; je veux vivre avec ce champ et que ce champ vive avec moi, qu'il jouisse sous le vent et le soleil et la pluie, et que nous soyons en accord. Voilà la grande libération païenne[44]. »

Cet appel à la libération de l'homme et de la terre s'inscrit en faux contre l'injonction biblique de prise de possession de la terre et de ses animaux par l'homme. Il est aussi une invitation à renouer pleinement avec les joies du corps, la sensualité naturelle, longtemps niée ou occultée par la morale chrétienne :

« J'ai pris pour titre de mon livre le titre d'un choral de Bach : Jésus, que ma joie demeure ! Mais j'ai supprimé le premier mot [...] parce qu'il est un renoncement. Il ne faut renoncer à rien. Il est facile d'acquérir une joie intérieure en se privant de son corps. Je crois plus honnête de rechercher une joie totale, en tenant compte de ce corps, puisque nous l'avons[45]. »

Le paganisme de Jean Giono apparaît, dès les premiers romans écrits à la fin des années 1920, sous la forme d'une vision panthéiste qui replonge les êtres au cœur du cosmos étoilé, mais aussi par la perception d'un sentiment tragique de la vie inspiré notamment par sa lecture enthousiaste des récits homériques dès la plus tendre enfance :

« Je lus L'Iliade au milieu des blés mûrs. [...] C'est en moi qu'Antiloque lançait l'épieu. C'est en moi qu'Achille damait le sol de sa tente, dans la colère de ses lourds pieds. C'est en moi que Patrocle saignait. C'est en moi que le vent de la mer se fendait sur les proues[46]. »

La violence inspirée par une lecture sensuelle du récit homérique traverse toute l'œuvre de Jean Giono. Qu'on pense, par exemple, à la fin tragique de Que ma joie demeure, ou, trente ans après, à la rivalité mortelle qui oppose les deux frères de Deux cavaliers de l'orage. Elle est assumée sans jugement moral, et sans jamais faire ombre à la profonde joie païenne de celui qui ne croyait pas au problème résolu pour tout le monde ni au bonheur commun, mais qui disait : « Je crois que ce qui importe c'est d'être un joyeux pessimiste[47]. »

Vie et mort

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En somme, pour caractériser la spiritualité de Jean Giono, on doit souvent faire appel à des formules en oxymore comme cette « joie pessimiste » qui conclut sa formule précédente.

Ainsi, Giono exprime souvent un spiritualisme sensuel, tellurique, panique, et même charnel, voire matérialiste. Par exemple, selon Dominique Bonnet qui étudie « L’Apocalypse selon Jean Giono: du Grand Troupeau au Grand Théâtre »[48], pour Giono la mort faisait partie d’un processus naturel dans lequel tout est cyclique ; et de citer pour l’illustrer un passage emprunté au roman Ennemonde et autres caractères :

« L’immortalité de l’âme est une grimace de clown pour amuser les enfants : ce qui éclate, ce qui s’étale au grand jour, c’est l’immortalité de la chair, l’immortalité de la matière, la chaîne de la transformation, la roue de la vie, l’infini des aventures et des avatars, le rayonnement des innombrables chemins de fuites et de gloire[49]. »

Pour Giono donc la mort était essentielle au sein de son œuvre, omniprésente, autant que la vie et la nature (et d’ailleurs totalement intriquée à la vie, la mort comme condition sine qua non de la vie) « dans une volonté de normaliser, d’exorciser même les tabous « modernes » de cette présence de la mort, de l’intégrer de façon naturelle au cycle de la vie comme le rapportent aussi ses propos recueillis par Christian Michelfelder[48] » :

« Croyez-vous que la Nature, reine d’équilibre, serait tant dépensière, si la mort était vraiment une destruction ? Elle est un passage. Elle est une force de transformation comme la force qui hausse, abaisse et balance les vagues de la mer[50]. »

Parfois, Giono fait preuve d’une sorte de mysticisme cosmique mais sans transcendance, ou plutôt d’une transcendance qui résiderait au cœur même d’une immanence sublime (oxymore, encore) - un peu comme Spinoza qui identifie Dieu à la Nature naturante[51]. Ainsi, pour Jacques Chabot dans La Provence de Giono, celui-ci serait un « mystique agnostique » (oxymore, toujours) qui postulerait un « arrière-pays » au « fond des choses », au cœur même des apparences du monde sensible (serait-ce un idéalisme concret inspiré du mythe de la caverne de Platon ?) :

« La voilà donc la Provence montagnarde de Giono, hautaine, âprement réservée, plus close qu’un jardin secret, hortus conclusus mystique — mais ce mystique baladeur et délirant est un matérialiste agnostique : il ignore pratiquement tout du spirituel et plus encore du surnaturel [la nature est déjà en elle-même une « surnature », NDLR], mais il voit dans les apparences du monde sensible (pas « derrière » ni « au-delà », mais dans, « superposé en volume ») ce qu’il appelle volontiers « l’arrière-pays » ou « le côté fond des choses »[52]. »

L'œuvre de Jean Giono est prolifique, assez dense et très variée. Certains de ses romans sont devenus des grands classiques de la littérature française du XXe siècle (Regain, Le Hussard sur le toit, Un roi sans divertissement, Les Âmes fortes), et ont été adaptés au cinéma (par lui-même ou par d'autres réalisateurs). Certains de ses romans et nouvelles, comme Que ma joie demeure, ou encore L'Homme qui plantait des arbres, traduits dans de nombreuses langues étrangères, ont acquis une renommée internationale.

Au-delà de ses romans, Jean Giono écrivit de nombreux essais grâce auxquels il transmit à ses lecteurs ses points de vue et ses idées sur les problèmes contemporains (ses écrits pacifistes, dont Refus d'obéissance en 1937, quand montait le risque de guerre et de retour du cauchemar), les événements qu'il vivait tels qu'il les ressentait (son Journal de l'occupation ou ses notes sur l'Affaire Dominici) ou encore ses idéaux (Les Vraies Richesses, le Poids du ciel). Il s'est essayé, avec une pointe de causticité, aux chroniques journalistiques, par exemple à propos des centrales nucléaires installées dans sa chère Provence[53]. Bien que la poésie ait toujours été présente dans ses textes (et parfois centrale comme dans Le serpent d'étoiles, sorte d'opéra archaïque et initiatique en plein air), il a publié peu de recueils de poésie proprement dite (réédités entre autres dans l'un des volumes de la Bibliothèque de la Pléiade[54], voir la section « Poèmes  » de l'article consacré à la liste de ses œuvres) ; mais plusieurs de ses poèmes ont cependant été mis en musique et interprétés par Hélène Martin[55]. Giono a signé en 1955 la préface du livre Moi mes souliers de Félix Leclerc. Il a également préfacé les Œuvres de Machiavel dans la Pléiade. Enfin, il a traduit (en collaboration) Moby Dick (le roman allégorique bien connu d'Herman Melville, en 1939) et L'Expédition d'Humphry Clinker (roman épistolaire et picaresque de Tobias Smollett, en 1955), romanciers pour lesquels Giono a toujours eu beaucoup d'admiration, ce dont témoigne aussi son essai Pour saluer Melville, paru en 1941.

Giono et le cinéma

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Très tôt, Jean Giono s'intéresse au cinéma[56]. Il a vu, dans les années 1930, l'impact qu'ont eu sur le public les films de Marcel Pagnol tirés de ses propres romans, avec des acteurs « provençaux » de la « troupe » de Pagnol et de premier plan comme Raimu, Fernandel, Charpin, Ginette Leclerc, Charles Blavette, Delmont, Henri Poupon, ou Orane Demazis : ce sont successivement Jofroi 1933, Angèle 1934, Regain 1937, ou La Femme du boulanger 1938. Mais il semble que Jean Giono soit lui-même venu au cinéma en réaction aux adaptations précédentes de ses romans qui, une fois portés à l'écran, ne gardaient selon lui que le côté anecdotique ou folklorique de son œuvre, parfois jusqu'à la caricature de la Provence et de ses habitants[57].

Après quelques courts essais, la première coréalisation de Giono est un documentaire de Georges Régnier, Manosque, pays de Jean Giono avec des textes du livre Manosque des Plateaux. Il s'essaie ensuite en 1942 à l'adaptation du roman Le Chant du monde, qu'il ne termine pas. Mais il en a écrit le scénario et fait le découpage technique[58], lesquels ont été publiés en 1980 dans le tome I (1938-1959) des Œuvres cinématographiques de Jean Giono[59],[60]. Le film que Marcel Camus tirera en 1965 du même roman relève d'une autre adaptation. Dans les années 1950, Jean Giono travaille avec Alain Allioux au scénario de L'Eau vive (1956 à 1958), film de François Villiers, avec qui il tourne aussi les courts métrages Le Foulard de Smyrne (1957) et La duchesse (1959), dont les thèmes sont des témoignages du projet de film qu'il avait à partir de son roman Le Hussard sur le toit, projet qui n'aboutira pas lui non plus[58]. L'Eau vive est présenté en avant-première au festival de Cannes, en 1958.

En 1960, Giono écrit le scénario, les dialogues, et met en scène (avec l'aide de Claude Pinoteau, Bernard Paul et Costa-Gavras) le film Crésus : c'est Fernandel qui joue dans le rôle-titre. En 1963, dans la froideur de l'Aubrac, Giono supervise le tournage de l'adaptation de son roman Un roi sans divertissement, réalisé par François Leterrier. Ces deux derniers films sont produits par la société de production que Giono avait créée : Les films Jean Giono. Giono reconnaît dans la presse que le cinéma est un art difficile mais qu'il permet de raconter autrement les histoires.

D'autres réalisateurs ont adapté des œuvres de Giono, de son vivant ou après sa mort, et ont tourné : Le Bout de la route (Émile Couzinet, 1949), Les Grands Chemins (Christian Marquand, 1963), Le Chant du monde (Marcel Camus, 1965), Les cavaliers de l'orage (Gérard Vergez, 1983), Le Hussard sur le toit (Jean-Paul Rappeneau, 1995), Les Âmes fortes (Raoul Ruiz, 2001), ou L'Homme qui plantait des arbres, film d'animation du québécois Frédéric Back en 1987.

Scénariste

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(Voir notamment dans cet article détaillé la section plus développée consacrée aux scénarios de Giono pour le cinéma).

Giono a donc écrit les scénarios et dialogues des films de fiction et des documentaires suivants, qu'il a aussi parfois réalisés ou co-réalisés :

(liste non exhaustive)

L'astéroïde (6519) Giono porte également son nom.

Maison de Giono

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Jean Giono achète en 1929, une petite maison au lieu-dit « Lou Paraïs » sur le flanc sud du mont d'Or, qui domine Manosque. « Un palmier, un laurier, un abricotier, un kaki, des vignes, un bassin grand comme un chapeau, une fontaine. » Il transforme et agrandit cette maison où il écrit la plus grande partie de son œuvre. C'est aujourd'hui le siège de l'Association des amis de Jean Giono.

Association des amis de Jean Giono

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Créée en 1972 au Paraïs de Manosque par Henri Fluchère et Aline Giono, l'Association des amis de Jean Giono concourt à la mémoire de l'œuvre et de la vie de l'écrivain. Elle encourage et favorise la recherche universitaire, inventorie et conserve les archives de Giono, soutient et organise différentes manifestations (colloques, journées d'études, expositions, spectacles) comme les Rencontres Giono, en juillet à Manosque, pour les adhérents de l'association et pour tous les publics. Depuis sa création, l'association rassemble des lecteurs fervents et fidèles qui partagent une connaissance et une admiration de l'œuvre de Giono. Le Bulletin de l'Association des amis de Jean Giono a été remplacé en 2007 par la Revue Giono.

Notes et références

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  1. « http://hdl.handle.net/10079/fa/beinecke.gionocol »
  2. « http://www.archivesportaleurope.net/ead-display/-/ead/pl/aicode/FR-FRAD004/type/fa/id/FRAD00400AP_000000002 » (consulté le )
  3. a et b Mairie de Manosque, Acte de naissance no 35 avec mention marginale du décès, sur Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, (consulté le ), vue 39.
  4. Laurent Fourcaut, « Jean Giono (1895-1970) », Encyclopædia Universalis, lire en ligne.
  5. Sylvie Giono, op. cit., p. 46
  6. [C'est l'auteur qui souligne] : Pierre Citron, Catalogue des Célébrations Nationales de 1995 : présentation de Jean Giono, Archives de France, (présentation en ligne), page 167, (ASIN B006YM3RZS). Repris par le Centre Jean Giono, « Jean Giono : 30 mars 1895 – 9 octobre 1970, biographie », sur centrejeangiono.com (consulté le ).
  7. a et b Sylvie Giono, Jean Giono à Manosque, p. 9
  8. a b c d et e « Manosque : "une ville de couvents (...) », sur Promenades en Provence dans l'univers de Jean Giono, par Michèle Reymes, 24/02/2013 (consulté le )
  9. « Jean Giono, une vie, une œuvre », par Pierre Kyria, page 236, chez France Loisirs, (ISBN 2-7242-8911-0)
  10. a et b Insee, « Fiche de Élise Marie Maurin (1897-1998) dans le fichier des personnes décédées », sur deces.matchid.io (consulté le )
  11. a b c et d Pierre Kyria, op. cit., p. 238
  12. Acte de mariage
  13. Pierre Kyria, op. cit., pp. 240 et 246
  14. « Jean Giono : chronologie », sur Jean Giono, le Voyageur immobile, par Bruno Poirier, 2002 (consulté le )
  15. « absolu », selon le mot de sa fille, Sylvie Giono, op. cit., p. 41
  16. « adhérent de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires et engagé dans la lutte pour la paix », Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, « Le Maitron » : Jean Giono.
  17. Sylvie Giono, op. cit., p. 29
  18. Jean Giono. « Préface de 1936 », Les Vraies Richesses, Grasset
  19. Sylvie Giono, op. cit., p. 30
  20. cité par Sylvie Giono, op. cit., p. 42
  21. a et b Sylvie Giono, op. cit., p. 42
  22. Sylvie Giono, op. cit., p. 48
  23. Jean Giono, Journal de l'Occupation, dans Journal, poèmes, essais, Paris, Gallimard, 1995, p. 333.
  24. Sylvie Giono, op. cit., p. 51-52.
  25. Jean Garcin, De l'Armistice à la Libération dans les Alpes de Haute-Provence, 17 juin 1940-20 août 1944, Chronique - Essai sur l'histoire de la Résistance avec un prologue 1935-1940 et un épilogue 1944-1945, DL 4e trimestre 1990, Imprimerie Vial, p. 81.
  26. a et b Henri Pollès, L'opéra politique, Paris, Gallimard, 1937, p. 207.
  27. Sylvie Giono, op. cit., p. 78
  28. Jean Montenot, Giono, Lire, no 380, novembre 2009.
  29. Sylvie Giono, op. cit., p. 48-49
  30. Il convient sans doute de citer ici longuement Pierre Citron. Aux pages 363 et 364 de sa biographie, l’auteur écrit : « Giono aide, plus d’une fois et de toutes les manières, le comédien Charles Blavette, réfugié à Manosque. Mais il fait beaucoup plus. Il y a au Paraïs depuis 1941 un Allemand, Karl Fiedler, que chacun appelle Charles ; à cet ancien architecte, trotskyste, âgé d’une quarantaine d’années, Giono donne du travail chez lui, à entretenir un peu le jardin et à faire de petits travaux : il le nourrit, le loge, le paie. Avant septembre 1943 [...], des policiers sont venus chercher Charles ; Giono les a retardés pendant que le banni se sauvait par le fond du jardin. » (Giono 1895-1970, p. 363). « Fiedler est discret et ne lui pose pas de problèmes. Il n’en va pas de même de Meyerowitz, autre Allemand, juif, âgé de trente ans, pianiste, compositeur ; il n’est pas en permanence au Paraïs, mais, depuis 1942, il est aidé et protégé par Giono, qui lui trouve des refuges, à Manosque, à Forcalquier, à Vachères, à Marseille. Certes, Meyerowitz court tous les dangers ; mais, avec une incroyable inconscience, il semble tout faire pour les aggraver, ne pouvant vivre sans son piano dans chacune des maisons qui le recueillent, et en jouant constamment […]. Toujours angoissé, chaque fois que se présente un problème réel ou imaginaire, il se précipite chez Giono, ou lui écrit s’il n’est pas à Manosque ; et il faut que Giono agisse aussitôt. En octobre 1943, il est arrêté et conduit au camp de travailleurs des Mées. Giono s’y rend et obtient sa libération en l’embauchant — comme ouvrier agricole ! — à la Margotte. Il y a aussi Luise Strauss — Lou Ernst, la femme de Max Ernst, également juive — que, jusqu’à la fin d’avril 1944, date de son arrestation par les Allemands et de son départ pour un camp de concentration dont elle ne devait pas revenir, Giono aidera moralement et financièrement, lui payant même une opération chirurgicale et le coûteux traitement consécutif — ce qu’elle trouve naturel, et elle n’en exprime guère de gratitude. » (Giono 1895-1970, p. 363-364). D’autre part, « [dans les années 1930] il accueille d’ailleurs toujours aussi amicalement ses amis juifs qui viennent le voir, comme le contadourien Rabinovitch, dit Rabi. Ses notations trahissent seulement un agacement épisodique. Des réactions analogues se manifestent d’ailleurs aussi dans le journal à l’égard de bien d’autres, et elles sont également contredites par la conduite de Giono. Il se méfie toujours des communistes […], mais il recueille chez lui, au début de décembre 1943, un cousin d’Élise, André Maurin, de Nîmes, interné pendant trois ans pour communisme. » (Giono 1895-1970, p. 364). Page 362 du même ouvrage nous lisons : « Mais, avec Lucien Jacques, c’est l’éloignement et le silence, depuis le début de l’année [1943] où Jean, avec générosité mais aussi avec inconscience, a donné à des résistants l’autorisation de s’installer dans la fermes des Graves, au Contadour, oubliant étourdiment qu’elle n’était pas à lui tout seul, et que Lucien, autre propriétaire, qui y venait souvent, courait ainsi de sérieux dangers. » Quelques pages plus loin : « Des brigandages ont lieu çà et là dans la région, parfois au nom de la Résistance. Des jeunes de plus en plus nombreux prennent le maquis. Giono en abrite six en permanence, plus quelques occasionnels, à la ferme du Criquet, chez ses fermiers les Bonnefoy. » (Giono 1895-1970, p. 366).
  31. Sylvie Giono, op. cit., p. 79.
  32. a b c d et e « Richard Golsan, Jean Giono et la « collaboration » : nature et destin politique, Mots 54, mars 1998 »
  33. a et b Philippe Burin, La France à l'heure allemande, Paris, Le Seuil, 1995, p. 354-355.
  34. Jean Giono, Journal de l'Occupation, dans Journal, poèmes, essais, Paris, Gallimard, 1995, p. 435.
  35. Jean Giono, Journal de l'Occupation, dans Journal, poèmes, essais, Paris, Gallimard, 1995, p. 389.
  36. Laurent Fourcaut, « Jean Giono », dans Encyclopaedia Universalis (lire en ligne)
  37. Sylvie Giono, op. cit., p. 83
  38. Association des amis de Jean Giono, « Giono et le cinéma », sur Gallica, Bulletin Jean Giono (no 8), Paris, printemps-été 1977 (consulté le ), p. 96-116.
  39. Citron 1990, p. 569
  40. a et b « MANOSQUE (04) : ancien cimetière - Cimetières de France et d'ailleurs », sur www.landrucimetieres.fr (consulté le )
  41. Angelo dans : Dictionnaire des œuvres, Laffont-Bompiani, vol. I, p. 160
  42. Dictionnaire des littératures de langue française, Bordas, 1985.
  43. Jean Carrière, Jean Giono, La Manufacture, 1991
  44. Jean Giono, Le Voyage en Italie, Gallimard, 1953
  45. Jean Giono, Les Vraies Richesses, Grasset, 1936
  46. Jean Giono, Jean le Bleu, Grasset, 1932.
  47. Jean Giono, Entretiens avec Jean Amrouche et Taos Amrouche, Gallimard, 1990.
  48. a et b « L’Apocalypse selon Jean Giono : du Grand Troupeau au Grand Théâtre », sur Amaltea. Revista de mitocrítica Vol. 5 (2013) UNIVERSIDAD DE HUELVA, Dominique Bonnet, p. 38 (consulté le )
  49. Jean Giono, Ennemonde et autres caractères, Paris: Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade, Tome VI », , 6 p. (ISBN 978-2-07-011071-1), p. 327.
  50. Christian Michelfelder, Jean Giono et les religions de la terre, Gallimard, coll. « Blanche », , pp. 222-223
  51. Baruch Spinoza, « Éthique. Première partie : De Dieu. », dans Éthique, Charpentier, 1861 [nouvelle édition] (lire en ligne), p. 3–48
  52. Jacques Chabot, La Provence de Giono, Édisud, Aix-en-Provence, coll. « La Provence de », , 122 p. (ISBN 978-2-85744-429-9), p. 54
  53. « Protestation contre l'installation d'un centre nucléaire à Cadarache », sur c'est pour dire plus (consulté le ).
  54. Jean Giono, Journal, poèmes, essais, Gallimard, publié sous la direction de Pierre Citron avec la collaboration de Laurent Fourcaut, Henri Godard, Violaine de Montmollin, André-Alain Morello et Mireille Sacotte, , 1664 p. (ISBN 9782070113750, présentation en ligne)
  55. AFP, « Hélène Martin, chanteuse et poète proche de Jean Giono, est décédée », sur Le HuffPost, (consulté le ).
  56. « Jean Giono : Filmographie », sur Jean Giono, le voyageur immobile, copyright : Bruno Poirier, 2002 (consulté le ).
  57. « Jean Giono, carrière au cinéma », sur Cinémathèque française (consulté le ).
  58. a b et c « Giono et le cinéma », sur Encyclopaedia Universalis (consulté le ).
  59. « Jean Giono : bibliographie, le Chant du monde », sur Jean Giono, le voyageur immobile, Bruno Poirier, 2002 (consulté le )
  60. « Giono Œuvres cinématographiques », sur Amazon.fr (consulté le )
  61. (en) « "Jean Giono ®" rose description », Help Me Find, sur www.helpmefind.com (consulté le ).

Sources et bibliographie

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Souvenirs
  • Aline Giono (fille aînée de Jean Giono), Mon père : contes des jours ordinaires, illustrations de Willi Glasauer, Gallimard Jeunesse, 1987
  • Sylvie Giono (fille cadette de Jean Giono), Le goût du bonheur : La Provence gourmande de Jean Giono, Belin, 2000. Section : Littérature et revues, collection : BIBLIO BELIN SC. (ISBN 978-2-7011-7734-2)
  • Sylvie Giono, Jean Giono à Manosque. Le Paraïs, la maison d’un rêveur, Belin, 2012. Collection « De l’intérieur ». (ISBN 978-2-7011-5980-5), 103 p.
Biographies
Études de l'œuvre
  • Philippe Arnaud, Anatomie d'un chef-d'œuvre : essai sur « Un roi sans divertissement », L’Harmattan (coll. « Critiques littéraires »), 2001 (ISBN 2-747-51326-2)
  • Collectif sous la direction de Jean-François Durand et Jean-Yves Laurichesse, Giono dans sa culture, Presses Universitaires de Perpignan, 2001
  • Jean-François Durand, Jean Giono - le Sud imaginaire, Edisud, 2003
  • Grosse, Dominique. Jean Giono : Violence et création. Paris: L' Harmattan, (coll. Critiques Littéraires) 2003
  • Alain Romestaing, Jean Giono, le corps à l'œuvre, Honoré Champion, 2009
  • Julie Sabiani, Giono et la terre, Édition Sang de la Terre, 1988
  • Le Page Patricia, Space of passion : the love letters of Jean Giono to Blanche Meyer, 2004
  • Colette Trout et Derk Visser, Jean Giono, Collection Monographique Rodopi en Littérature Française Contemporaine, 2006
  • Annick Stevenson, Blanche Meyer et Jean Giono, Actes Sud, 2007
  • Sous la direction de Jean-Yves Laurichesse et Sylvie Vignes, Giono : La mémoire à l'œuvre, Presses universitaires du Mirail, collection « Cribles », 2009 (ISBN 978-2-8107-0083-7)
  • Sylvie Vignes, Giono et le travail des sensations, Nizet, 1999
  • Corinne Von Kymmel-Zimmermann, Jean Giono ou l'expérience du désordre, Thèse présentée en vue du Doctorat ès-Lettres Analyses littéraires et histoire de la langue française, sous la direction de Monsieur le Professeur Christian Morzewski, Université d’Artois Laboratoire Textes et Cultures (EA 4028), 2010
  • Mirène Geninet, La fusion de l'Homme et de l'Univers dans les œuvres non romanesques de Jean Giono antérieures à 1939, Thèse de doctorat de littérature française sous la direction de Pierre Citron, La Sorbonne Nouvelle - Université PARIS III - 1980.
  • Jacques Ibanès, Le voyage à Manosque, Pimientos 2011 (ISBN 978-2-35660-015-8)
  • Édouard Schaelchli, Jean Giono. Le non-lieu imaginaire de la guerre, Eurédit, 2016.
  • Denis Labouret, Giono au-delà du roman, P.U.P.S., 2016.

Documentaires

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  • Le Mystère Giono, un film de Jacques Mény (1995)
  • Émissions radiophoniques proposées et produites par Catherine Soullard à France-Culture :
    • Les travaux et les jours, série de Nuits magnétiques sur la vie d'autrefois dans les Alpes de Haute-Provence, inspirées par Jean Giono, émaillées par ses textes, diffusées du 12 au  : 1. Sur l'eau et les choses premières / 2. Les gestes et la terre / 3. Pierres des chemins, paysages / 4. Une forge, des feux.
    • Parce que c'est Giono, Nuit magnétique diffusée le , avec Elise et Sylvie Giono, Pierre Citron, Geneviève Frandon, Louis Michel et Marcel Arlaud.
    • Le cinéma de Jean Giono, Mardi du cinéma diffusé le , avec Sylvie Giono, Jean-Piere Rudin, François Leterrier, Jacques Chabot et Jacques Meny.
    • Mystère et vertiges chez Jean Giono, série de Chemins de la connaissance diffusés du 17 au  : 1. Le héros gionien, sauveur et déserteur, avec Pierre Citron / 2. Ce monstrueux objet du désir, avec Denis Labouret / 3. Le théâtre du sang, avec Laurent Fourcaut / 4. Des histoires et des vides, avec Mireille sacotte / 5. La musique de Jean Giono, avec Pierre Citron.
  • Autre émission de France Culture : Jean Giono, émission de Claude Mourthé d'une durée de 5 heures et diffusée pour la première fois le , avec, entre autres choses, des extraits d'entretiens entre Giono et divers interlocuteurs (dont Jean Carrière, Jean Amrouche), les témoignages de Pierre Citron, Jean Dutourd, P Magnan, J Meny, P Bergé, H Martin, J Carrière, G de Cortanze et Sylvie Durbet-Giono, une des filles de Giono.

Articles connexes

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Liens externes

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