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« Mikhaïl Kalinine » : différence entre les versions

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{{Voir homonymes|Kalinine}}
{{Voir homonymes|Kalinine}}
{{Infobox Politicien
{{Infobox Politicien
| charte = Chef d'État
| charte = Chef d'État
| nom = Mikhaïl Kalinine</br>{{lang|ru|Михаил Калинин}}
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| image = Калинин М. И. (1920).jpg
| légende = Mikhail Kalinine en 1920.
| légende = [[Portrait photographique]] de Mikhaïl Kalinine en 1920.
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| fonction1 = [[Liste des dirigeants de l'Union soviétique#Chefs de l'État|Président du Præsidium du Soviet suprême de l'URSS]]
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| conjoint = Ekaterina Lorberg <small>(née en [[1882]], mariés de [[1906]] à [[1946]], décédée en [[1960]])</small>
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| enfants = Valérien <small>(fils, avec Ekaterina, né en [[1904]] et décédé en [[1947]])</small></br>Julia <small>(fille, avec Ekaterina, née en [[1905]], date de décès inconnue)</small></br>Alexandre <small>(fils, avec Ekaterina, né en [[1908]] et décédé en [[1988]])</small></br>Lydia <small>(fille, avec Ekaterina, née en [[1912]] et décédée en [[1961]])</small>
| religion = Aucune ([[Athéisme|athéisme]])
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| emblème = Coat of arms of the Soviet Union 1946-1956.svg
| lieu de naissance = [[Oblast de Tver|Vierkhniaïa Troïtsa]] <br /> {{Russie impériale}}
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| conjoint = Ekaterina Lorberg <small>(née en [[1882]], mariés de [[1906]] à [[1946]], décédée en [[1960]])</small>
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| liste = [[Dirigeants de l'URSS]]
}}
}}

'''Mikhaïl Ivanovitch Kalinine''' (en {{lang-ru|Михаил Иванович Калинин}}), né à [[Oblast de Tver|Vierkhniaïa Troïtsa]] le {{date de naissance|19|novembre|1875}} <small>(correspond au [[7 novembre|7]] [[novembre]] du [[calendrier julien]])</small> et décédé à [[Moscou]] le {{date de décès|3|juin|1946}}, est un révolutionnaire, homme politique et dirigeant [[soviétique]], [[Dirigeants de l'URSS#Les chefs de l'État|président du Præsidium du Soviet suprême]], et donc dirigeant ''de jure'' de la [[République socialiste fédérative soviétique de Russie|RSFS de Russie]], puis de l'[[Union des républiques socialistes soviétiques|Union soviétique]] de [[1919]] à [[1946]].
'''Mikhaïl Ivanovitch Kalinine''' (en {{lang-ru|Михаил Иванович Калинин}}), né à [[Oblast de Tver|Vierkhniaïa Troïtsa]] le {{date de naissance|7|novembre|1875|julien=oui}} et mort à [[Moscou]] le {{date de décès|3|juin|1946}}, est un [[révolutionnaire]], [[homme politique]] et dirigeant [[Union des républiques socialistes soviétiques|soviétique]], [[Liste des dirigeants de l'Union soviétique#Chefs de l'État|président du Præsidium du Soviet suprême]], et donc dirigeant ''de jure'' de la [[République socialiste fédérative soviétique de Russie|RSFS de Russie]], puis de l'[[Union des républiques socialistes soviétiques|Union soviétique]] de [[1919]] à [[1946]].

Né dans une famille paysanne pauvre, il travailla comme métallurgiste à [[Saint-Pétersbourg]] et participa à la [[révolution russe de 1905]] où il rejoint les [[bolcheviks]]. Pendant et après la [[Révolution d'Octobre]], il fut maire de [[Petrograd]], puis devint le chef du [[République socialiste fédérative soviétique de Russie|nouvel État soviétique]], membre du [[Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique|comité central du parti]] et du [[Politburo du Parti communiste de l'Union soviétique|Politburo]].

L'ancienne ville de [[Königsberg]], en [[Prusse orientale]], annexée par l'Union soviétique en 1945, fut rebaptisée [[Kaliningrad]] en son honneur un an plus tard. Les villes de [[Tver]] et [[Korolev (ville)|Korolev]] en [[Russie]] avait également été renommée Kalinine et Kaliningrad respectivement jusqu'en [[1990]] et [[1996]].


== Biographie ==
== Biographie ==
=== Origine et activité révolutionnaire ===
Issu d'une famille russe paysanne pauvre de la région de [[Tver]], Kalinine travaille avec son père dans l'agriculture puis en usine à [[Saint-Pétersbourg]] en 1889, dans le Caucase, puis à Reval ([[Tallinn]]), au gré de ses arrestations et de ses exils. Ouvrier métallurgiste — il est à partir de 1896 tourneur aux usines [[Poutilov]] — il adhère au [[Parti ouvrier social-démocrate de Russie]] dès sa fondation en [[1898]] dans la faction [[bolchevik|bolchévique]] partisane des théories de [[Lénine]].
Né dans le village de Verkhnyaya Troitsa ({{lang|ru|Верхняя Троица}}), issu d'une famille russe paysanne pauvre, Kalinine travaille dans les champs avec son père jusqu'à {{nobr|13 ans}}. À {{nobr|10 ans}}, un vétéran lui apprend à lire et à écrire, lui permettant d'entrer dans une école primaire dirigée par une famille de propriétaires fonciers locaux l'année suivante. Une fois l'école terminée, sa famille l'emmène à [[Saint-Pétersbourg]] pour travailler comme valet de pied, sans succès.


À 16 ans, il devient apprenti dans une usine de cartouches, puis deux ans plus tard opérateur de tour dans les [[Usine Kirov|usines Poutilov]], où il adhère au [[Parti ouvrier social-démocrate de Russie]] dès sa fondation en 1898 et rejoint en 1905 la faction [[bolchevik|bolchévique]] partisane des théories de [[Vladimir Ilitch Lénine|Vladimir Lénine]]<ref>{{Ouvrage |auteur=Georges Haupt|titre=Makers of the Russian Revolution |date=1974 |éditeur=George Allen & Unwin |isbn=0 04 947021 3 |pages=134–36}}.</ref>.
Arrêté et exilé pour la première fois en [[1899]], il fait la connaissance de [[Staline]] l'année suivante à [[Tiflis]], ville où ils militent ensemble. Peu après, il participe aux actions révolutionnaires du parti lors de la [[Révolution russe de 1905]] dans la capitale. Quelques années plus tard, il retrouve Staline en 1912 au bureau russe du comité central et collabore alors à la fondation du journal la [[Pravda]]. Arrêté à Petrograd en 1916, exilé en [[Sibérie]] orientale, il est libéré par la [[Révolution de Février]]. Il se déclare alors favorable à un soutien critique au gouvernement provisoire et opposé aux « [[thèses d'avril]] » de Lénine.


Arrêté et exilé pour la première fois en 1899, il fait la connaissance de [[Joseph Staline]] l'année suivante à [[Tiflis]] (Tbilissi), ville où ils militent ensemble. Peu après, il participe aux actions révolutionnaires du parti lors de la [[révolution russe de 1905]] dans la capitale. Quelques années plus tard, il retrouve Staline en 1912 au bureau russe du comité central et collabore alors à la fondation du journal la ''[[Pravda]]''. Arrêté à Petrograd en 1916, exilé en [[Sibérie]] orientale, il est libéré par la [[révolution de Février]]. Il se déclare alors favorable à un soutien critique au gouvernement provisoire et opposé aux {{citation|[[thèses d'avril]]}} de Lénine.
[[Image:Delegates_VIII_Congress_of_the_RKP(b).jpg|left|thumb|275px|Kalinine (au deuxième rang) lors du VIII{{e}} congrès du Parti communiste, mars 1919.]]


=== Dirigeant de l'URSS ===
Lors du passage à l'insurrection, il adopte une attitude temporisatrice. Après la [[Révolution russe|Révolution d'Octobre]], il devient maire de [[Saint-Pétersbourg|Petrograd]] et l'un des membres du [[Comité exécutif central]] (CEC), puis membre du [[Politburo du Parti communiste de l'Union soviétique|Bureau politique]] du parti. La mort de [[Iakov Sverdlov|Sverdlov]] lui permet de devenir Président du CEC, c'est-à-dire en position (nominale) de chef de l'État. Ce choix aurait été fait au nom des origines rurales de Kalinine, Lénine désirant renforcer les liens entre la classe ouvrière et la paysannerie. Quoi qu'il en soit, il conserve ce poste durant 23 ans (si on compte à partir de la création de l'[[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]] et l'instauration de la présidence du Présidium du Soviet qui lui échoit alors), jusqu'à sa démission quelques mois avant son décès.
[[Fichier:Mikhail Kalinin working on a farmland.jpg|vignette|Kalinine dans son village natal le {{date|22|09|1922}}.]]
Lors du passage à l'insurrection, il adopte une attitude temporisatrice. Après la [[Révolution russe|révolution d'Octobre]], il devient maire de [[Saint-Pétersbourg|Petrograd]] et l'un des membres du [[Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique|Comité exécutif central]] (CEC), puis membre du [[Politburo du Parti communiste de l'Union soviétique|Bureau politique]] du parti. La mort de [[Iakov Sverdlov|Sverdlov]] lui permet de devenir Président du CEC, c'est-à-dire en position (nominale) de chef de l'État. Ce choix aurait été fait au nom des origines rurales de Kalinine, Lénine désirant renforcer les liens entre la classe ouvrière et la paysannerie. Quoi qu'il en soit, il conserve ce poste durant {{nobr|23 ans}} (si on compte à partir de [[Traité relatif à la formation de l'Union des Républiques socialistes soviétiques|la création]] de l'[[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]] et l'instauration de la présidence du Présidium du Soviet qui lui échoit alors), jusqu'à sa démission quelques mois avant son décès.


Pendant la [[Guerre civile russe|guerre civile]], il organise le train d'agitation de la Révolution d'Octobre qui a pour objectif de rallier ouvriers et paysans aux Rouges. Pendant toute la suite de sa carrière politique, Kalinine est membre (suppléant ou titulaire) du Politburo et soutient Staline, sauf en 1929-1930 où il apparait, très timidement, proche de l'opposition de droite et réticent à la collectivisation et la [[dékoulakisation]]. Il s'oppose d'ailleurs à Staline sur ce point, et est accusé par ce dernier de « défendre les koulaks ».
Pendant la [[Guerre civile russe|guerre civile]], il organise le train d'agitation de la révolution d'Octobre qui a pour objectif de rallier ouvriers et paysans aux « rouges ». Pendant toute la suite de sa carrière politique, Kalinine est membre (suppléant ou titulaire) du Politburo et soutient Staline, sauf en 1929-1930 où il apparait, très timidement, proche de l'opposition de droite et réticent à la collectivisation et la [[dékoulakisation]]. Il argumente d'ailleurs contre Staline sur ce point et est accusé par ce dernier de {{citation|défendre les koulaks}}{{sfn|Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I|p=101}} ; Staline lui gardera rancœur de cette opposition.


La sanction tombe rapidement : à l'été 1930, il est mis en cause par Staline pour détournement de fonds au profit d'une jeune ballerine, accusation inventée de toute pièce. Kalinine demande pardon, mais Staline l'attaque de nouveau en septembre. Kalinine est alors accusé de fréquenter ce « scélérat » de [[Rykov]]. Il est de nouveau pardonné mais ne s'opposera plus jamais à Staline.
À l'été 1930, il est mis en cause par Staline pour détournement de fonds au profit d'une jeune ballerine{{sfn|Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I|p=107}}. Kalinine demande pardon, mais Staline l'attaque de nouveau en septembre, l’accusant de fréquenter ce {{citation|scélérat}} de [[Alexeï Rykov|Rykov]]. Il est de nouveau pardonné mais ne s'oppose plus jamais à Staline{{sfn|Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I|p=110}}.


Ce « vieux bolchévique » extrêmement populaire et parait-il inoffensif {{incise|il est surnommé {{citation|papa}} et le {{citation|doyen de village pansoviétique}}{{sfn|Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I}}}} symbolise, à la tête de l'État, la permanence de la tradition révolutionnaire<ref>{{lien web|périodique=Le Monde|url=https://www.lemonde.fr/archives/article/1946/06/05/oncle-micha_1876504_1819218.html|date=5 juin 1946|titre =Oncle Micha}}.</ref>.
Sa femme Ekaterina est arrêtée et déportée en octobre 1938, pour des paroles critiques envers [[Staline]]. Elle ne sera libérée du [[Goulag]] qu'en 1946, l'année du décès de son mari. Impuissant à aider sa propre épouse, Kalinine l'est tout autant pour répondre aux multiples appels à l'aide qui lui parviennent de toutes parts, à l'exemple de [[Nadejda Kroupskaïa]], l'épouse de Lénine, elle aussi beaucoup sollicitée. Sa popularité est réelle comme le montre le courrier abondant qu'il reçoit de beaucoup de citoyens soviétiques de base qui ont longtemps persisté à voir en lui un recours. L'historienne [[Sheila Fitzpatrick]] mentionne qu'entre 1923 et 1935, son cabinet est l'objet de plus de 1,5 million de demandes d'aide écrites et orales. Elle souligne que Kalinine, du moins avant les [[Grandes Purges]] de 1937, est un des dirigeants les plus compréhensifs et serviables auprès de la population soviétique.


[[Simon Sebag Montefiore]] le décrit comme un {{citation|ex-paysan au regard doux, portant des lunettes rondes, un bouc et des moustaches tombantes}}{{sfn|Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I|p=101}}.
Pour autant, son désir de ne pas favoriser les oppositions durant la lutte pour le pouvoir en fait, dès 1928, l'allié et l'instrument de Staline, ce « vieux bolchévique » extrêmement populaire et inoffensif symbolisant, à la tête de l'État, la permanence de la tradition révolutionnaire. Le {{Date|5|mars|1940}}, Kalinine serait un des responsables soviétiques, à l'instar de [[Lazare Kaganovitch|Kaganovitch]], qui sans le signer, soutinrent l'ordre d'exécution de {{formatnum:25700}} Polonais faits prisonniers par l'Armée Rouge (''[[Massacre de Katyń]]'').


[[Fichier:Leon_Trotsky_attends_The_October_Revolution_parade_1924.jpg|vignette|centre|300px|[[Andreï Boubnov|Bubnov]], [[Kliment Voroshilov|Voroshilov]], [[Leon Trotsky|Trotsky]], Kalinine, et [[Mikhaïl Frounze|Frounze]], défilé militaire de l'anniversaire de la [[Révolution d'Octobre]], {{date|7|11|1924}}.]]
Kalinine reste président du Présidium du Soviet suprême de l'URSS jusqu'à sa démission le {{Date|19|mars|1946}}, très peu de temps avant sa mort.


Sa femme Ekaterina est arrêtée et déportée en {{date-|octobre 1938}}, pour des paroles critiques envers [[Staline]]. Elle n'est libérée du [[Goulag]] qu'en 1946, l'année du décès de son mari. Impuissant à aider sa propre épouse, Kalinine l'est tout autant pour répondre aux multiples appels à l'aide qui lui parviennent de toutes parts, à l'exemple de [[Nadejda Kroupskaïa]], l'épouse de Lénine, elle aussi beaucoup sollicitée. Sa popularité est réelle comme le montre le courrier abondant qu'il reçoit de beaucoup de citoyens soviétiques de base qui ont longtemps persisté à voir en lui un recours. L'historienne [[Sheila Fitzpatrick]] mentionne qu'entre 1923 et 1935, son cabinet est l'objet de plus de {{nobr|1,5 million}} de demandes d'aide écrites et orales. Elle souligne que Kalinine, du moins avant les [[Grandes Purges]] de 1937, est un des dirigeants les plus compréhensifs et serviables auprès de la population soviétique.
== Kaliningrad ==
===Seconde guerre mondiale===
{{...}}
Le {{Date-|5|mars|1940}}, Kalinine est un des responsables soviétiques avec les autres membres du Politburo ([[Staline]], [[Vorochilov]], [[Mikoyan]], [[Molotov]], [[Lazare Kaganovitch|Kaganovitch]]) qui, à la demande de [[Lavrenti Beria]], chef du [[NKVD]], décident d’appliquer la peine de mort par fusillade à {{nombre|25700 « prisonniers}} polonais, anciens officiers, fonctionnaires, agents de police, agents de renseignement, gendarmes […], membres de diverses organisations contre-révolutionnaires d’espions et de saboteurs », sans comparution devant des tribunaux, ni acte d’accusation, faits prisonniers par l'[[Armée rouge]]<ref>{{article|titre= Katyn, un mensonge persistant|url= https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/histoire/katyn-un-mensonge-persistant|périodique= [[Valeurs actuelles]]|auteur= Jean-Michel Demetz|date= 19-05-2022|consulté le=08-03-2024}}.</ref>{{,}}<ref>{{lien web|url= https://voyages.ideoz.fr/katyn-massacre-de-larmee-polonaise-par-staline-histoire-polonaise|titre= Katyn : retour sur un crime tragique du stalinisme longtemps oublié|auteur= Serge Uletski|consulté le= 08-03-2024}}.</ref>{{,}}<ref>{{lien web|url= https://www.pileface.com/sollers/spip.php?article2610|titre= Les bourreaux de Staline - Katyn, 1940|auteur= Albert Gauvin|date= 14-12-2021|consulté le= 08-03-2024}}.</ref>. Cet ordre a été retrouvé : il s'agit d'une lettre dont la première page porte le terme {{lang-ru|{{citation|За}}}} (oui, d'accord) dans la marge, accolé aux noms de Kalinine et de Kaganovitch<ref>{{ouvrage|url= https://www.cairn.info/revue-commentaire-2010-2-page-498.htm|titre= Lettre de Béria à Staline sur le massacre de Katyn|doi= 10.3917/comm.130.0498}}.</ref> : ceux-ci, absents de la réunion<ref>{{Ouvrage | auteur = [[Victor Zaslavsky]] | titre = Le massacre de Katyń | éditeur = Perrin | collection = Tempus | année = 2007 | lieu = Paris | pages totales = 202 | isbn = 978-2-262-02651-6 | présentation en ligne = http://rha.revues.org/3943 |passage=163-168}}.</ref>{{,}}<ref>[https://theatrum-belli.com/5-mars-1940-le-politburo-ordonne-le-massacre-de-katyn/ Theatrum Belli 5 mars 1940, le Politburo ordonne le massacre de Katyn].</ref>, ont par la suite approuvé la décision<ref>[https://books.google.fr/books?id=6Rc3AAAAQBAJ&printsec=frontcover&source=gb_mobile_entity&newbks=1&newbks_redir=0&hl=fr&gl=FR&redir_esc=y#v=onepage&q=Katyn%20Kalinine&f=false Patrick Pesnot, ''Les grands mensonges de l'histoire'', Hugo Document 2013], chapitre 15 (e-book sans pagination).</ref>.


===Fin de vie===
Les autorités soviétiques avaient pris habitude d'honorer les principaux dirigeants du parti décédés — et parfois vivants — en donnant leur nom à des villes : ainsi de Lénine ([[Léningrad]], [[Oulianovsk]], [[Leninabad]]), de [[Iakov Sverdlov|Sverdlov]] ([[Iekaterinbourg|Sverdlovsk]]), de [[Félix Dzerjinski|Dzerjinski]] ([[Dniprodzerjynsk|Dnieprodzerjinsk]]), de [[Mikhaïl Frounze|Frounze]], etc. L'URSS ayant annexé après la [[Seconde Guerre mondiale]] une partie de l'ancienne [[Prusse-Orientale]], la capitale [[Königsberg]] fut renommée [[Kaliningrad]]. Ce nom lui est resté depuis lors, à l'inverse de [[Tver]], sa ville natale, qui, nommée ''Kalinine'', en 1931, de son vivant, a retrouvé son ancien toponyme en 1991.
{{...}}
Kalinine reste [[Liste des dirigeants de l'Union soviétique#Chefs de l'État|président du présidium du Soviet suprême de l'URSS]] jusqu'à sa démission le {{Date-|19|mars|1946}}, très peu de temps avant sa mort d'un cancer le {{date|3 juin}} de la même année à [[Moscou]]. Il eut droit à des funérailles nationales et fut enterré dans la nécropole du {{lien|Moscow Kremlin Wall|texte=mur du Kremlin}}<ref>{{lien web|titre=Funeral Of Russia's President Kalinin (Funérailles du président russe Kalinine)|url=https://www.britishpathe.com/video/funeral-of-russias-president-kalinin|auteur=British Pathé}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur=Timothy Colton|url=https://books.google.com/books?id=lXM2H6tWHskC&pg=PA352|titre=Moscow: Governing the Socialist Metropolis|date=1995|éditeur=Harvard University Press|isbn=978-0-674-58749-6|pages=352}}.</ref>.


== Bibliographie ==
== Postérité et hommages ==
[[Fichier:Kremlin Wall Necropolis 24.JPG|vignette|Tombe de Kalinine à la nécropole du {{lien|Moscow Kremlin Wall|texte=mur du Kremlin}}]]
Les autorités soviétiques, reprenant la tradition impériale russe, avaient pris habitude d'honorer les principaux dirigeants du parti décédés — et parfois vivants — en donnant leur nom à des villes : ainsi de Lénine ([[Saint-Pétersbourg|Léningrad]], [[Oulianovsk]], [[Khodjent|Leninabad]]), de [[Iakov Sverdlov|Sverdlov]] ([[Iekaterinbourg|Sverdlovsk]]), de [[Félix Dzerjinski|Dzerjinski]] ([[Dzerjinsk (Russie)|Dzerjinsk]], [[Kamianske|Dnieprodzerjinsk]]), de [[Mikhaïl Frounze|Frounze]] ([[Bichkek|Frounze]]), Joseph Staline (pour [[Volgograd|Stalingrad]], [[Donetsk|Stalino]], [[Douchanbé|Stalinabad]]), etc. L'URSS ayant annexé, après la [[Seconde Guerre mondiale]], la partie nord de l'ancienne [[Prusse-Orientale]], la capitale [[Königsberg]] fut renommée [[Kaliningrad]]<ref>{{article|auteur=[[Pascal Cauchy]]|url=https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1992_num_55_1_1835 |titre=Königsberg, trophée de l'Armée rouge|périodique=Communications|année=1992|numéro= 55|pages=67-76}}</ref>. Ce nom lui est resté depuis lors, à l'inverse de [[Tver]], sa ville natale, et [[Korolev (ville)|Korolev]], nommées ''Kalinine'' et ''Kaliningrad'', en 1931 et 1938, de son vivant, ont retrouvé leurs anciens toponymes en 1990 et 1996.


Le nom de Kalinine a aussi été attribué à titre honorifique à la [[2e division de fusiliers motorisés de la Garde|{{2e|division}} de fusiliers motorisés de la Garde]], unité d'élite de l'[[armée de terre russe]], en 1946<ref>{{lien web |titre=В Таманской мотострелковой дивизии ЗВО установят бюст Председателя Президиума…<!-- Vérifiez ce titre --> |url=https://archive.wikiwix.com/cache/20200730000000/http://деятельность.минобороны.рф/news_page/country/more.htm?id=12241056@egNews |site=минобороны.рф via [[Wikiwix]] |consulté le=12-10-2023}}.</ref>.

== Distinctions ==
* {{Déco Ordre de Lénine}}
* {{Déco Ordre du Drapeau rouge}}

== Bibliographie ==
* [[Sheila Fitzpatrick]], ''Le Stalinisme au quotidien'', Flammarion, 2002.
* [[Sheila Fitzpatrick]], ''Le Stalinisme au quotidien'', Flammarion, 2002.
* [[Oleg Khlevniouk]], ''Le Cercle du Kremlin. Staline et le Bureau politique dans les années 1930 : les jeux du pouvoir'', Paris, Seuil, coll. « Archives du communisme », 1998, 331 p.
* [[Oleg Khlevniouk]], ''Le Cercle du Kremlin. Staline et le Bureau politique dans les années 1930 : les jeux du pouvoir'', Paris, Seuil, coll. « Archives du communisme », 1998, 331 p.
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|prénom1=Simon|nom1=Sebag Montefiore|traducteur=Florence La Bruyère et Antonina Roubichou-Stretz|titre=Staline|sous-titre=La cour du tsar rouge|volume=I. 1929-1941|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Perrin|Perrin]]|année=2010|pages totales=723|isbn=978-2-262-03434-4|id=Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I|plume=oui}}
* [[Simon Sebag Montefiore]], ''Staline. La cour du tsar rouge'', Syrtes, 2005.
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== Notes et références ==
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Dernière version du 15 juin 2024 à 11:02

Mikhaïl Kalinine
Михаил Калинин
Illustration.
Portrait photographique de Mikhaïl Kalinine en 1920.
Fonctions
Président du Præsidium du Soviet suprême de l'URSS
-
(8 ans, 2 mois et 2 jours)
Président du Conseil Viatcheslav Molotov (1930-1941)
Joseph Staline (1941-1953)
Prédécesseur présidence collective (1922-1938)
Successeur Nikolaï Chvernik
Membre du Præsidium du Comité central exécutif de l'URSS
-
(15 ans et 13 jours)
Prédécesseur poste créé
Successeur poste aboli
Biographie
Date de naissance 7 novembre 1875 ( dans le calendrier grégorien)
Lieu de naissance Vierkhniaïa Troïtsa
Drapeau de l'Empire russe Empire russe
Date de décès (à 70 ans)
Lieu de décès Moscou, RSFSR
Drapeau de l'URSS Union soviétique
Nationalité Drapeau de la Russie Russe (de 1875 à 1917)
Drapeau de la république socialiste fédérative soviétique de Russie Russe (de 1917 à 1922)
Drapeau de l'URSS Soviétique (de 1922 à 1946)
Parti politique POSDR (1898-1903)
POSDR(b) (1903-1918)
PCP(b) (1918-1946)
Conjoint Ekaterina Lorberg (née en 1882, mariés de 1906 à 1946, décédée en 1960)
Enfants Valérien (1904 - 1947)
Julia (1905 - ?)
Alexandre (1908 - 1988)
Lydia (1912 - 1961)
Religion Aucune (athéisme)

Signature de Mikhaïl KalinineМихаил Калинин

Mikhaïl Kalinine
Dirigeants de l'URSS

Mikhaïl Ivanovitch Kalinine (en russe : Михаил Иванович Калинин), né à Vierkhniaïa Troïtsa le 7 novembre 1875 ( dans le calendrier grégorien) et mort à Moscou le , est un révolutionnaire, homme politique et dirigeant soviétique, président du Præsidium du Soviet suprême, et donc dirigeant de jure de la RSFS de Russie, puis de l'Union soviétique de 1919 à 1946.

Né dans une famille paysanne pauvre, il travailla comme métallurgiste à Saint-Pétersbourg et participa à la révolution russe de 1905 où il rejoint les bolcheviks. Pendant et après la Révolution d'Octobre, il fut maire de Petrograd, puis devint le chef du nouvel État soviétique, membre du comité central du parti et du Politburo.

L'ancienne ville de Königsberg, en Prusse orientale, annexée par l'Union soviétique en 1945, fut rebaptisée Kaliningrad en son honneur un an plus tard. Les villes de Tver et Korolev en Russie avait également été renommée Kalinine et Kaliningrad respectivement jusqu'en 1990 et 1996.

Origine et activité révolutionnaire

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Né dans le village de Verkhnyaya Troitsa (Верхняя Троица), issu d'une famille russe paysanne pauvre, Kalinine travaille dans les champs avec son père jusqu'à 13 ans. À 10 ans, un vétéran lui apprend à lire et à écrire, lui permettant d'entrer dans une école primaire dirigée par une famille de propriétaires fonciers locaux l'année suivante. Une fois l'école terminée, sa famille l'emmène à Saint-Pétersbourg pour travailler comme valet de pied, sans succès.

À 16 ans, il devient apprenti dans une usine de cartouches, puis deux ans plus tard opérateur de tour dans les usines Poutilov, où il adhère au Parti ouvrier social-démocrate de Russie dès sa fondation en 1898 et rejoint en 1905 la faction bolchévique partisane des théories de Vladimir Lénine[1].

Arrêté et exilé pour la première fois en 1899, il fait la connaissance de Joseph Staline l'année suivante à Tiflis (Tbilissi), ville où ils militent ensemble. Peu après, il participe aux actions révolutionnaires du parti lors de la révolution russe de 1905 dans la capitale. Quelques années plus tard, il retrouve Staline en 1912 au bureau russe du comité central et collabore alors à la fondation du journal la Pravda. Arrêté à Petrograd en 1916, exilé en Sibérie orientale, il est libéré par la révolution de Février. Il se déclare alors favorable à un soutien critique au gouvernement provisoire et opposé aux « thèses d'avril » de Lénine.

Dirigeant de l'URSS

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Kalinine dans son village natal le .

Lors du passage à l'insurrection, il adopte une attitude temporisatrice. Après la révolution d'Octobre, il devient maire de Petrograd et l'un des membres du Comité exécutif central (CEC), puis membre du Bureau politique du parti. La mort de Sverdlov lui permet de devenir Président du CEC, c'est-à-dire en position (nominale) de chef de l'État. Ce choix aurait été fait au nom des origines rurales de Kalinine, Lénine désirant renforcer les liens entre la classe ouvrière et la paysannerie. Quoi qu'il en soit, il conserve ce poste durant 23 ans (si on compte à partir de la création de l'URSS et l'instauration de la présidence du Présidium du Soviet qui lui échoit alors), jusqu'à sa démission quelques mois avant son décès.

Pendant la guerre civile, il organise le train d'agitation de la révolution d'Octobre qui a pour objectif de rallier ouvriers et paysans aux « rouges ». Pendant toute la suite de sa carrière politique, Kalinine est membre (suppléant ou titulaire) du Politburo et soutient Staline, sauf en 1929-1930 où il apparait, très timidement, proche de l'opposition de droite et réticent à la collectivisation et la dékoulakisation. Il argumente d'ailleurs contre Staline sur ce point et est accusé par ce dernier de « défendre les koulaks »[2] ; Staline lui gardera rancœur de cette opposition.

À l'été 1930, il est mis en cause par Staline pour détournement de fonds au profit d'une jeune ballerine[3]. Kalinine demande pardon, mais Staline l'attaque de nouveau en septembre, l’accusant de fréquenter ce « scélérat » de Rykov. Il est de nouveau pardonné mais ne s'oppose plus jamais à Staline[4].

Ce « vieux bolchévique » extrêmement populaire et parait-il inoffensif — il est surnommé « papa » et le « doyen de village pansoviétique »[5] — symbolise, à la tête de l'État, la permanence de la tradition révolutionnaire[6].

Simon Sebag Montefiore le décrit comme un « ex-paysan au regard doux, portant des lunettes rondes, un bouc et des moustaches tombantes »[2].

Bubnov, Voroshilov, Trotsky, Kalinine, et Frounze, défilé militaire de l'anniversaire de la Révolution d'Octobre, .

Sa femme Ekaterina est arrêtée et déportée en , pour des paroles critiques envers Staline. Elle n'est libérée du Goulag qu'en 1946, l'année du décès de son mari. Impuissant à aider sa propre épouse, Kalinine l'est tout autant pour répondre aux multiples appels à l'aide qui lui parviennent de toutes parts, à l'exemple de Nadejda Kroupskaïa, l'épouse de Lénine, elle aussi beaucoup sollicitée. Sa popularité est réelle comme le montre le courrier abondant qu'il reçoit de beaucoup de citoyens soviétiques de base qui ont longtemps persisté à voir en lui un recours. L'historienne Sheila Fitzpatrick mentionne qu'entre 1923 et 1935, son cabinet est l'objet de plus de 1,5 million de demandes d'aide écrites et orales. Elle souligne que Kalinine, du moins avant les Grandes Purges de 1937, est un des dirigeants les plus compréhensifs et serviables auprès de la population soviétique.

Seconde guerre mondiale

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Le , Kalinine est un des responsables soviétiques avec les autres membres du Politburo (Staline, Vorochilov, Mikoyan, Molotov, Kaganovitch) qui, à la demande de Lavrenti Beria, chef du NKVD, décident d’appliquer la peine de mort par fusillade à 25 700 « prisonniers polonais, anciens officiers, fonctionnaires, agents de police, agents de renseignement, gendarmes […], membres de diverses organisations contre-révolutionnaires d’espions et de saboteurs », sans comparution devant des tribunaux, ni acte d’accusation, faits prisonniers par l'Armée rouge[7],[8],[9]. Cet ordre a été retrouvé : il s'agit d'une lettre dont la première page porte le terme russe : « За » (oui, d'accord) dans la marge, accolé aux noms de Kalinine et de Kaganovitch[10] : ceux-ci, absents de la réunion[11],[12], ont par la suite approuvé la décision[13].

Kalinine reste président du présidium du Soviet suprême de l'URSS jusqu'à sa démission le , très peu de temps avant sa mort d'un cancer le de la même année à Moscou. Il eut droit à des funérailles nationales et fut enterré dans la nécropole du mur du Kremlin (en)[14],[15].

Postérité et hommages

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Tombe de Kalinine à la nécropole du mur du Kremlin (en)

Les autorités soviétiques, reprenant la tradition impériale russe, avaient pris habitude d'honorer les principaux dirigeants du parti décédés — et parfois vivants — en donnant leur nom à des villes : ainsi de Lénine (Léningrad, Oulianovsk, Leninabad), de Sverdlov (Sverdlovsk), de Dzerjinski (Dzerjinsk, Dnieprodzerjinsk), de Frounze (Frounze), Joseph Staline (pour Stalingrad, Stalino, Stalinabad), etc. L'URSS ayant annexé, après la Seconde Guerre mondiale, la partie nord de l'ancienne Prusse-Orientale, la capitale Königsberg fut renommée Kaliningrad[16]. Ce nom lui est resté depuis lors, à l'inverse de Tver, sa ville natale, et Korolev, nommées Kalinine et Kaliningrad, en 1931 et 1938, de son vivant, ont retrouvé leurs anciens toponymes en 1990 et 1996.

Le nom de Kalinine a aussi été attribué à titre honorifique à la 2e division de fusiliers motorisés de la Garde, unité d'élite de l'armée de terre russe, en 1946[17].

Distinctions

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Bibliographie

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Notes et références

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  1. Georges Haupt, Makers of the Russian Revolution, George Allen & Unwin, , 134–36 p. (ISBN 0 04 947021 3).
  2. a et b Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I, p. 101.
  3. Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I, p. 107.
  4. Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I, p. 110.
  5. Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I.
  6. « Oncle Micha », Le Monde, .
  7. Jean-Michel Demetz, « Katyn, un mensonge persistant », Valeurs actuelles,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. Serge Uletski, « Katyn : retour sur un crime tragique du stalinisme longtemps oublié » (consulté le ).
  9. Albert Gauvin, « Les bourreaux de Staline - Katyn, 1940 », (consulté le ).
  10. Lettre de Béria à Staline sur le massacre de Katyn (DOI 10.3917/comm.130.0498, lire en ligne).
  11. Victor Zaslavsky, Le massacre de Katyń, Paris, Perrin, coll. « Tempus », , 202 p. (ISBN 978-2-262-02651-6, présentation en ligne), p. 163-168.
  12. Theatrum Belli 5 mars 1940, le Politburo ordonne le massacre de Katyn.
  13. Patrick Pesnot, Les grands mensonges de l'histoire, Hugo Document 2013, chapitre 15 (e-book sans pagination).
  14. British Pathé, « Funeral Of Russia's President Kalinin (Funérailles du président russe Kalinine) ».
  15. Timothy Colton, Moscow: Governing the Socialist Metropolis, Harvard University Press, , 352 p. (ISBN 978-0-674-58749-6, lire en ligne).
  16. Pascal Cauchy, « Königsberg, trophée de l'Armée rouge », Communications, no 55,‎ , p. 67-76 (lire en ligne)
  17. « В Таманской мотострелковой дивизии ЗВО установят бюст Председателя Президиума… », sur минобороны.рф via Wikiwix (consulté le ).

Liens externes

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