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« Frankenstein ou le Prométhée moderne » : différence entre les versions

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| éditeur = Corréard<ref>[http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb313619271 Notice du Catalogue général], BNF.</ref>
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'''''Frankenstein ou le Prométhée moderne''''' ('''''{{lang|en|Frankenstein; or, The Modern Prometheus}}''''') est un roman publié en [[1818 en littérature|1818]] par la jeune [[Royaume-Uni|Anglaise]] [[Mary Shelley]], maîtresse et future épouse du poète [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]].
'''''Frankenstein ou le [[Prométhée]] moderne''''' ('''''{{langue|en|Frankenstein; or, The Modern Prometheus}}''''') est un [[roman épistolaire]] publié anonymement le {{Date|1er janvier 1818}} par [[Mary Shelley]], et traduit pour la première fois en français par Jules Saladin, en 1821. Il relate la création par un jeune savant [[suisse]], [[Victor Frankenstein]], d'un être vivant assemblé avec des parties de chairs mortes. Horrifié par l'aspect hideux de l'être auquel il a donné la vie, Frankenstein abandonne son « [[Monstre de Frankenstein|monstre]] ». Mais ce dernier, doué d'intelligence, se venge par la suite d'avoir été rejeté par son créateur et persécuté par la société.


Son système narratif est fondé sur une série de récits en [[Mise en abyme|abyme]] enchâssés les uns dans les autres. Le cadre général est celui d'une tentative d'[[exploration polaire]] par Robert Walton ; à l'intérieur se situe l'histoire de la vie de [[Victor Frankenstein]], recueilli par l'explorateur sur la banquise ; enfin, cette dernière recèle la narration faite à Frankenstein par le « monstre » qu'il a fabriqué et auquel il a donné l'étincelle de vie, et en particulier celle des tourments endurés par cette créature qui nourrit envers son créateur une haine tenace, mais à ses yeux justifiée.
Le système narratif est fondé sur une série de récits en [[Mise en abyme|abyme]] enchâssés les uns dans les autres. Le cadre général est celui d'une tentative d'[[exploration polaire]] par Robert Walton ; à l'intérieur se situe l'histoire de la vie de Victor Frankenstein, recueilli par l'explorateur sur la [[banquise]] ; enfin, cette dernière recèle la narration faite à Frankenstein par le monstre, en particulier des tourments qu'il a endurés.


Le roman trouve son origine dans le séjour en Suisse, en juin [[1816]], d'un groupe de jeunes [[Romantisme|romantiques]], parmi lesquels [[Mary Shelley|Mary Wollstonecraft Godwin]], son amant et futur mari [[Percy Bysshe Shelley]], et leur ami [[Lord Byron]]. Ce dernier propose, pour passer le temps, que chacun écrive une histoire d'épouvante. Byron entame un brouillon qui sera repris par [[John Polidori]] et publié sous le titre ''[[Le Vampire (nouvelle)|Le Vampire]]'', un court récit qui lance le thème du [[vampire|vampirisme]] en littérature ; c'est cependant Mary {{Incise|alors âgée de dix-neuf ans}} qui signe avec ''Frankenstein ou le Prométhée moderne'' le texte le plus élaboré et le plus abouti.
Dès sa parution, ''Frankenstein'' est catalogué en [[Roman gothique|roman gothique]] et, à quelques exceptions près, promu au rang de chef-d'œuvre. La vague gothique, qui a pris naissance avec ''{{lang|en|[[Le Château d'Otrante|The Castle of Otranto]]}}'' de [[Horace Walpole]] (1764), puis ''{{lang|en|[[Vathek]]}}'' de l'aristocrate [[William Thomas Beckford|William Beckford]] (1787)<ref name="Max Duperray-39">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=39}}.</ref>, ensuite trouvé un sommet avec les ouvrages de [[Ann Radcliffe|Mrs Radcliffe]] (1791-1797) et quelque sursaut avec ''[[Le Moine]]'' de [[Matthew Gregory Lewis|Lewis]] (1796), est alors très nettement sur le déclin. De fait, le gothique est décrié et Mary Shelley, en lui donnant son dernier grand roman, du même coup, marque sa fin<ref name="Duperray-38-39">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=38-39}}.</ref>. Après elle, le roman passe à autre chose ; il devient historique avec [[Walter Scott]] et plus tard réellement [[Romantisme|romantique]] avec les [[Famille Brontë|sœurs Brontë]]. Le gothique persiste cependant au sein du roman [[Époque victorienne|victorien]], en particulier chez [[Wilkie Collins]] et [[Charles Dickens]], mais seulement à l'état de relents<ref name="Duperray-38-39"/>.


Dès sa parution, ''Frankenstein'' est catalogué en [[roman gothique]] ; tiré à {{nobr|500 exemplaires}} seulement, il est ensuite considéré par la plupart des critiques comme un chef-d'œuvre de ce genre littéraire qui était auparavant décrié. Récit à la fois horrifique et philosophique, l'œuvre de [[Mary Shelley]] est également l'un des textes précurseurs de la [[science-fiction]].
Avant 1818, en effet, au moment de la composition de ''Frankenstein'', le genre passe pour de mauvais goût, voire pour franchement risible. En conformité avec les mises en garde d'[[Edmund Burke]]<ref>[[Edmund Burke]], ''{{lang|en|[[Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau|A Philosophical Enquiry into the Origin of Our Ideas of the Sublime and Beautiful]]}}'', 1757 (première traduction française par l'abbé Des François, en 1765, sous le titre ''Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau'').</ref>, on a, semble-t-il, franchi la limite entre le [[fantastique]] et le ridicule. Ainsi, [[Samuel Taylor Coleridge|Coleridge]], familier des [[William Godwin|Godwin]], donc de Mary Shelley, écrit dès 1797, à propos du roman de [[Matthew Gregory Lewis|M. G. Lewis]], ''[[Le Moine]]'', que {{citation|l'horrible et le surnaturel […], de puissants stimulants, ne sont jamais requis, à moins que ce ne soit pour la torpeur d'un appétit assoupi ou épuisé}}. Il fustige les {{citation|ennemis lassants, les personnages sans consistance, les cris, meurtres, donjons souterrains, […] l'imagination et la pensée à bout de souffle, […] un goût vulgaire et bas}}<ref>[[Samuel Taylor Coleridge]], « Compte rendu de ''[[Le Moine]]'' de [[Matthew Gregory Lewis]] », ''Critical Review'', {{2nd-en}} Series, 19 février 1797, {{p.|194-200}}.</ref>. Dans ''{{lang|en|[[Northanger Abbey]]}}'', publié en décembre 1817, [[Jane Austen]] fait donner une leçon de bon sens à l'héroïne, [[Catherine Morland]], par Henry Tilney<ref>{{ouvrage|auteur=Barbara Karolina Seeber|titre=General consent in Jane Austen: a study of dialogism|éditeur=McGill-Queen's University Press|année=2000|passage=121|langue=en|isbn=9780773520660}}</ref> : {{citation|Souvenez-vous que nous sommes Anglais, que nous sommes chrétiens. Faites appel à votre compréhension, votre appréciation de la vraisemblance, votre sens de l'observation […] votre éducation vous prépare-t-elle à semblables atrocités ?}}<ref>[[Jane Austen]], ''[[Northanger Abbey]]'', {{lien web|url=http://www.classic-novels.com/author/austen/northangerabbey/northangerabbey038.shtml|titre=Chapitre 24|consulté le=26 avril 2013}}.</ref>. Autrement dit, la critique fait sienne le ''{{lang|la|Incredulus odi}}'' du poète [[Horace]]<ref>[[Horace]], ''[[Art poétique|De l'Art poétique]]'', épître aux Pisons, traduite par le C. Lefebvre-Laroche, Paris, P. Didot l'aîné, 1798, v. 188, {{p.|22}}.</ref> auquel conduit une surdose de [[merveilleux]], dont la nature même, comme le précise [[Walter Scott]] en 1818, est d'être {{citation|facilement épuisé}} (''{{lang|en|easily exhausted}}'')<ref>[[Samuel Taylor Coleridge]], « ''On the Supernatural in Literary Composition; and Particularly on the Works of Ernest Theodore William Hoffman'' », ''Foreign Quarterly Review'', vol. 1, {{numéro|1}}, 1827, {{p.|64}}, {{lien web|url=http://www.litgothic.com/Texts/scott_supernatural.pdf|titre=Article de Coleridge|consulté le=26 avril 2013}}.</ref>.


Le succès immédiat, et jamais démenti, de ''Frankenstein'' repose donc sur des fondations différentes de celles de ses prédécesseurs, sinon dans leur aspect, du moins dans leur essence. Le roman de Mary Shelley substitue en effet l'horreur à la terreur, se déleste de tout merveilleux, privilégie l'intériorisation et s'ancre dans la rationalité, au point que son gothique en devient presque [[Réalisme (littérature)|réaliste]] et, du coup, prend valeur de révélation.
Le succès immédiat et continu de ''Frankenstein''<ref name=":0">{{lien web|url=http://documystere.com/histoires-legendes/histoire-de-frankenstein|titre=Succès de ''Frankenstein''|consulté le=10 juin 2016}}.</ref> repose sur des fondations différentes de celles des précédents romans gothiques, sinon dans leur aspect, du moins dans leur essence. Substituant l'horreur à la terreur, le roman de Mary Shelley se déleste de tout merveilleux, privilégie l'intériorisation et s'ancre dans la rationalité, au point que son gothique en devient presque [[Réalisme (littérature)|réaliste]]<ref name="Max Duperray-23" />.


Depuis sa publication, ''Frankenstein'' ne cesse de susciter diverses adaptations, tant pour la scène du théâtre ou du music-hall que pour le cinéma et la télévision. La bande dessinée s'est elle aussi emparée du sujet et, quitte à le déformer, de nombreux jeux vidéo, issus du monde entier, l'utilisent également comme support.
Depuis sa publication, ''Frankenstein'' a suscité [[Adaptations de Frankenstein|de très nombreuses adaptations]], tant pour la scène du [[théâtre]] ou du [[music-hall]] que pour le [[cinéma]] et la [[télévision]] : d'autres supports comme la [[bande dessinée]] ou les [[jeu vidéo|jeux vidéo]] se sont également emparés du sujet, quitte à le déformer. Après avoir été un {{citation|[[mythe]]}} littéraire, ''Frankenstein'' devient un mythe cinématographique, et plus largement un élément de la [[culture populaire]]. Bien que souvent représentés sous des formes très éloignées du récit originel de Mary Shelley, l'histoire de Frankenstein et les personnages qui y sont associés demeurent des archétypes, voire des [[stéréotype]]s, du [[fantastique]] et de l'[[Horreur (littérature)|épouvante]].


{{Sommaire|niveau=2}}
{{Sommaire|niveau=2}}


==Préambule==
== Intrigue ==
''Frankenstein'' est un [[roman épistolaire]], [[genre littéraire]] populaire au {{s-|XVIII}}<ref>Margaret Drablle, ''The Oxford Comanion to English Literature'', Londres, Guild Publishing London, 1985, {{p.|323}}.</ref>. Il est composé de [[Mise en abyme|plusieurs couches de récits emboîtés]] émanant de différents [[Correspondance|correspondants]] et, enchâssées dans l'ensemble, plusieurs [[Biographie|histoires de vie]].
[[Fichier:MaryShelleyEaston3.jpg|thumb|alt=portrait de Mary Shelley|[[Mary Shelley]], par Reginald Easton.]]
Selon [[Francis Lacassin]], ''Frankenstein'' se lit aujourd'hui {{citation|par malentendu}}<ref name="F. Lacassin-34">{{harvsp|Francis Lacassin|1991|p=34}}.</ref>. Ce malentendu risque de faire découvrir au lecteur {{citation|au lieu d'un monstre dont la laideur déclenche des réactions apeurées et hurlantes, un être mystérieux qui se manifeste peu}}<ref name="Frankenstein_trad_hangest">{{harvsp|texte=''Frankenstein'', trad. G. d'Hangest|1979|p=18|id=hangest}}.</ref>. Il est vrai, ajoute Max Duperray, que le texte peut paraître primaire, les personnages diserts, l'intrigue échevelée, le monstre larmoyant<ref name="Max Duperray-21" />. En fait, sous cette apparente primarité, ''Frankenstein'' est un nœud complexe de connotations et de références : c'est au pays de Rousseau que Mary Shelley en rédige la version initiale, {{citation|à la fois produit du hasard […] et celui d'une nécessité historique}}<ref name="Max Duperray-22">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=22}}.</ref>. Passent en effet à travers ce récit, d'abord pastiche des histoires à faire peur, un souffle de révolte et une inquiétude devant ses conséquences. Avec son roman, Mary Shelley met en scène une mise au monde, un texte, un sujet qui s'implique dans une écriture, une interrogation sur la création : à tout cela répond après coup sa [[Préface (littérature)|préface]] du {{date|15|octobre|1831}}<ref>{{harvsp|Mary Shelley|1992|p=8}}</ref> :
{|
|
{{citation étrangère|lang=en|Everything must have a beginning […] and that beginning must be linked to something that went before […] Invention, it must be humbly admitted, does not consist in creating out of the void, but out of chaos; the materials must, in the first place, be afforded; it can give form to dark, shapeless substances, but cannot bring into being the substance itself.}}
|
|
|
{{citation|Chaque chose doit avoir un commencement […] et ce commencement doit être lié à quelque chose l'ayant précédé […] L'invention, admettons-le dans l'humilité, ne consiste pas à créer à partir du vide, mais du chaos ; le matériau doit d'abord être apporté, il peut donner forme à des substances obscures et informes, mais ne saurait mettre au monde cette substance.}}
|}


=== Introduction : récit-cadre de Robert Walton ===
Ainsi se souligne le poids de l'histoire et affleure, quoique discrètement, l'angoisse de la création où se conjuguent écriture et naissance<ref name="Max Duperray-22"/>. Le parallélisme entre la fabrication du monstre vivant et la composition du roman s'impose d'abord, mais l'interrogation sur la substance, soit l'essence des choses, indique d'emblée le fil conducteur à ceux qui l'accompagne, en particulier [[William Godwin]] son père, l'auteur de ''Caleb Williams'' et ''St Leon'', tous les deux préoccupés par le secret de la vie<ref name="Max Duperray-23">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=23}}.</ref>. Ces romans ouvrent déjà une perspective psychologique et y pointe la question [[ontologie (philosophie)|ontologique]] sur l'origine des choses, doublée d'une question [[Épistémologie|épistémologique]] : les choses sont-elles conformes à leur apparence<ref name="Max Duperray-23"/> ?
Le premier et principal correspondant, Robert Walton, raconte à sa sœur, Margaret Walton Saville, les aventures qu'il vit lors de son expédition maritime vers le [[pôle Nord]]. Il aperçoit un traîneau conduit par un géant (qui est le monstre), puis rencontre un homme et son traîneau, identique au précédent, à la dérive sur un bloc de glace. C'est [[Victor Frankenstein]] qui, désespéré et désabusé, lui raconte la raison de ses malheurs.


=== Récit enchâssé de Victor Frankenstein ===
D'autre part, la fréquentation intime de l'auteur avec les grands poètes [[Romantisme|romantiques]] incite à penser qu'elle a partagé leur désir d'émancipation par rapport à la tyrannie sociale de la convention et aussi au [[déterminisme]] [[Biologie|biologique]]. L'éducation occupe le cœur du roman et cette nourriture spirituelle par laquelle la créature accède à la civilisation peut inciter à faire de ''Frankenstein'' un roman à thèse célébrant la promotion sociale par la lecture. De plus, Max Duperray écrit que {{citation|la folle ambition romantique vis à vis du monde projette Mary Shelley dans une fiction du [[solipsisme]]<ref group="N">Le solipsisme (du [[latin]] ''{{lang|la|solus}}'', seul et ''{{lang|la|ipse}}'', soi-même) est une attitude générale, pouvant, le cas échéant, être théorisée sous une forme [[Philosophie|philosophique]] et non [[métaphysique]], {{citation|[…] d'après laquelle il n'y aurait pour le [[Sujet (philosophie)|sujet]] [[Pensée|pensant]] d'autre réalité que lui-même […]}}.</ref>{{,}}<ref>''Le Petit Robert de la langue française'', Paris, 1990, {{p.|1830}}.</ref> : solitude partagée du créateur et de sa créature ; […] espoir démesuré de s'affranchir […] du réel et de dévoiler le secret de la vie, […] avec quoi flirtaient les recherches scientifiques de l'époque}}<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=23-24}}.</ref>. Chacun des narrateurs est habité d'un mystère qui l'isole et l'enferme dans une [[claustrophobie]] monstrueusement [[Paradoxe|paradoxale]] puisqu'ils n'ont de cesse de voyager jusqu'aux extrêmes. Il y a là cohabitation d'un discours scientifique et d'un autre, poétique, conjuguant leur prétention à repousser les frontières du savoir<ref name="Max Duperray-24">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=24}}.</ref>.
Il est issu d'une famille relativement nombreuse qui s'est fixée à [[Genève]]. D'abord étudiant en [[philosophie naturelle]], il s'est découvert une passion pour la [[pierre philosophale]] et est parti poursuivre ses travaux à [[Ingolstadt]]. Ses progrès lui ayant rapidement permis de découvrir le moyen de donner la vie, il se consacre corps et âme à ce projet qui l'occupe pendant des mois, et réussit à assembler un être surhumain mais d'aspect très repoussant. Lorsque cette créature accède à la vie, Frankenstein, horrifié, prend la fuite. Le lendemain, il rencontre son ami d'enfance, Clerval, et tombe gravement malade. Terrassé par le mal pendant de longs mois, il finit par recouvrer la santé et, alors qu'il se prépare à retourner à Genève, il apprend que son frère William a été assassiné par un "voleur". Il se rend sur place et, près du lieu du crime, aperçoit son monstre. Justine Moritz, la servante de la famille Frankenstein, est accusée du meurtre et, bien que Victor soit convaincu de son innocence, elle est condamnée à mort et exécutée. En proie au plus grand désarroi, Frankenstein part à [[Chamonix-Mont-Blanc|Chamonix]] où il rencontre son monstre, envers lequel il éprouve une haine féroce.


C'est alors que la créature lui conte son histoire.
Ainsi, ce n'est ni dans le sensationnel, ni dans le [[Drame (théâtre)|dramatique]], voire le [[Mélodrame (théâtre)|mélodramatique]] (le roman est porté à la scène dès 1823) que se situe l'intérêt de ''Frankenstein'', mais dans le concept de monstruosité, l'animation de l'inanimé, la transgression morale, {{citation|l'aventure faustienne laïcisée}}, la modernité d'un mythe ancien<ref name="Max Duperray-24"/>. ''Frankenstein'' doit donc être lu comme un texte pluriel, dans ce que Muriel Spark appelle {{citation|la variété des niveaux d'interprétation}}<ref>{{harvsp|Muriel Spark|1951|p=161}}.</ref>.


=== Histoire dans l'histoire : récit du monstre ===
==Genèse ==
Livré à lui-même, le monstre a appris seul à survivre. Il est vite entré en contact avec des humains, mais s'est vu repoussé et chassé tant son aspect difforme les a effrayés. Il en vient à observer une famille où l'éducation d'une étrangère nouvellement arrivée et la découverte des livres lui permettent d'apprendre à parler et à lire. Au bout de quelque temps, il entre en contact avec le père, aveugle, mais se trouve chassé par le reste de la famille. Il s'enfuit, décide de se rendre à [[Genève]] pour rencontrer son créateur, dont il sait qu'il l'a abandonné ; mûrissant une sourde vengeance contre l'espèce humaine qui le rejette, il y croise William, le jeune frère de Victor Frankenstein, qui le moque pour sa laideur et lui apprend qu'il est lui-même un Frankenstein ; sur quoi il le tue en l'étranglant et camoufle la scène de façon qu'une tierce personne, en l'occurrence Justine Moritz, puisse être accusée du meurtre de William.
[[Fichier:Villa diodati 2008.07.27 rg 5.JPG|thumb|alt=La villa Diodati, lieu de création du roman|La [[Villa Diodati]].]]
Les événements ayant conduit à la genèse de ce roman sont racontés par [[Mary Shelley]] dans sa préface de 1831, soit treize ans après la première idée qu'elle a eue de son texte, qu'elle n'a cessé, pendant ce laps de temps, de revoir et d'amender avant de le présenter à nouveau au public<ref>{{lien web|url=http://www.rc.umd.edu/editions/frankenstein/1831v1/preface.html|titre=Préface de 1831|consulté le=26 mai 2013}}.</ref>. D'après Max Duperray, sa première source est à trouver dans le désir inconscient de l'auteur de réanimer un être mort<ref name="Max Duperray-1">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=1}}.</ref> : dans son journal de 1815, en effet, Mary Shelley raconte la perte de son bébé de sept mois, le deuil qu'elle a porté et, dans un rêve échevelé, la folle impulsion de rendre le petit cadavre à la vie en le massant frénétiquement. Cette renaissance onirique annonce les termes mêmes de la préface de 1831, en particulier la référence au [[#Un cauchemar fondateur et un environnement propice|{{citation|pâle étudiant […] agenouillé}}]]<ref name="Max Duperray-1"/>.
Ce rêve est dans l'air du temps : les sources en étant à la fois intimes et objectives, miroir d'une âme troublée et aussi des turbulences d'un siècle basculant dans une autre modernité<ref name="Max Duperray-2"/>.


=== Reprise du récit enchâssé de Victor Frankenstein ===
===Une idée de Byron===
Le monstre demande à Frankenstein de lui concevoir une compagne avec laquelle il pourrait vivre à l'écart de la société dans l'isolement et le bonheur. Frankenstein accepte à contrecœur et, sachant que le monstre a le projet de le suivre et de le surveiller, part pour l'[[Angleterre]] avec Clerval qui choisit de résider chez des amis. Lui se rend aux Îles [[Orcades]] pour s'y installer un laboratoire et mettre son nouveau projet en œuvre. Alors qu'il est en plein travail et que sa deuxième créature est en voie d'achèvement, il prend soudain conscience qu'il est en train de générer une lignée monstrueuse représentant un grave péril pour l'espèce humaine. Au moment même où il s'acharne à détruire sa création inachevée, le monstre apparaît et, avant de prendre la fuite, lui annonce que désormais, il va s'employer à faire de son existence un enfer. Frankenstein jette ses instruments de chimie à l'eau, mais est entraîné vers le rivage [[Irlande (île)|irlandais]] où il apprend le meurtre de Clerval, son meilleur ami, forfait dont il se voit à tort accusé.
[[Fichier:Byron 1824.jpg|thumb|alt=portrait de Byron|left|upright=0.8|[[George Gordon Byron|Byron]] en 1824.]]
En juin 1816, [[John Polidori|John William Polidori]], médecin italien ayant grandi dans le milieu des expatriés de [[Soho (Londres)|Soho]], et [[George Gordon Byron|Lord Byron]], chef de file du mouvement romantique et déjà une célébrité internationale<ref name="Max Duperray-2">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=2}}.</ref>, résident à la [[Villa Diodati]] à [[Cologny]] près de [[Genève]] sur le bord du [[lac Léman|Léman]]. Ils y reçoivent la visite de Shelley, Mary et sa demi-sœur [[Claire Clairmont]]. C'est un groupe de jeunes romantiques que lient des relations illicites : Mary s'est enfuie avec Shelley qui s'est brouillé avec son père ; Claire Clairmont a séduit Byron<ref name="Max Duperray-2"/>. Tous ont à voir avec la littérature, mais aussi avec le deuil et la mort ; Polidori, outre ses ouvrages jamais terminés, partage avec Shelley les interrogations scientifiques conduisant Mary à rêver l'[[Androïde|homme artificiel]]. Sa sœur épousera [[Dante Gabriel Rossetti]], le chef de file des [[Préraphaélisme|Préraphaélites]] ; Claire Clairmont aura une autre vie mythique dans la fiction de [[Henry James]] qui reprendra son personnage sous les traits de Juliana Bordereau dans ''{{lang|en|The Aspen Papers}}''<ref>{{harvsp|Neil Cornwell|1990|p=72}}.</ref> ; Polidori se verra expulsé d'Italie après une bagarre à [[Milan]] et finira par se donner la mort en 1821 ; quant à Shelley, c'est la deuxième fois qu'il prend la fuite avec une jeune fille de seize ans : en 1811, il avait séduit [[Percy Bysshe Shelley#Vie agitée|Harriet Westbrook]] puis l'avait quittée en 1814, alors qu'elle était enceinte, pour Mary Godwin. Harriet avait perdu la vie en se jetant dans la [[Serpentine (rivière)|Serpentine]] en décembre 1816, son suicide suivant celui de la demi-sœur de Mary, Fanny, en octobre de la même année ; deux enfants de Mary mourront, Clara en septembre 1818 à Venise, et William en juin 1819 à Rome, avant que Shelley ne périsse tragiquement par [[noyade]] en 1822 dans [[La Spezia|le golfe de Spezia]]<ref name="Max Duperray-3">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=3}}.</ref>.


À nouveau terrassé par une grave maladie, il finit par prendre le chemin de la guérison et son innocence est reconnue grâce à l'action de son père venu le soutenir en Angleterre. De retour en sa patrie, il se prépare à épouser sa sœur adoptive, Elizabeth. Cependant, ce projet est connu du monstre déterminé à poursuivre sa vengeance qui assassine la jeune femme dans la nuit suivant la cérémonie. Horrifié, Frankenstein s'en va apprendre la nouvelle à son père qui, sous le choc, s'effondre et meurt. Désormais, il dédie sa vie à la traque à mort du monstre qu'il a créé et qui, s'amusant de ce jeu morbide et tout à fait conscient de sa supériorité, l'emmène vers le Nord dont le froid glacé n'a pas de prise sur lui. Frankenstein, malgré l'aide des esprits des victimes, perd sa trace et s'égare.
Étant retenus à l'intérieur par la pluie incessante de l'[[année sans été]] ou de « l'été perdu »<ref group="N">« Perdu » parce que le mauvais temps est censé résulter d'[[Éruption volcanique|éruptions volcaniques]] secouant l'[[hémisphère sud]].</ref>, que décrit son poème ''{{lang|en|Darkness}}'', thème que reprend Mary dans sa préface de 1831 lorsqu'elle évoque ''{{lang|en|the ungenial summer}}'' (« l'été inclément »), Byron propose le 16 à ses hôtes d'écrire chacun une « histoire de fantôme » (''{{lang|en|ghost-story}}'')<ref name="Max Duperray-2"/>.


=== Conclusion : récit-cadre de Robert Walton ===
===Un cauchemar fondateur et un environnement propice===
Forcé par l'équipage à rebrousser chemin, Walton assiste, impuissant, à la mort de son nouvel ami, trop affaibli pour poursuivre sa traque. Le monstre se présente peu après et apprenant la disparition de son créateur, exprime son dégoût de lui-même. La vengeance qu'il a perpétrée envers un créateur irresponsable, père indigne ayant abandonné son enfant, lui a répugné car il a été doté d'une aspiration innée au bien dont la méchanceté humaine a fini par avoir raison. Désormais, la gravité des crimes qu'il a commis lui devient insoutenable. Le monstre annonce à Walton qu'il va se donner la mort en s'immolant sur un bûcher. Puis, fuyant le bateau, il disparaît dans le brouillard.
[[Fichier:MontBlanc2c.jpg|thumb|alt=Le mont Blanc|upright=1.5|Le mont Blanc vu de l'[[aiguille du Midi]].]]
Chacun s'acquitte plus ou moins de sa tâche. Byron rédige un scénario fragmentaire dont Polidori s'inspire pour écrire, {{citation|en deux ou trois matinées}}, ''{{lang|en|[[Le Vampire (nouvelle)|The Vampyre]]}}'', roman à l'origine du genre qui inspirera [[Dracula]]. Shelley compose une historiette dont il se désintéresse rapidement et qui n'a pas été conservée. Mary, quant à elle, s'estime d'abord incapable d'en inventer une, mais les circonstances vont lui être favorables. Ainsi, l'auteur du ''[[Le Moine|Moine]]'', [[Matthew Gregory Lewis|M. G. Lewis]] rend visite au couple Shelley et fait grande impression sur Mary<ref>[[Thomas Medwin]], ''Conversations of Lord Byron'', Londres, Henry Colburn, 1824.</ref>, ce qu'elle confirmera dans son article ''Des Fantômes'' publié dans le ''London Magazine'' en 1824<ref name="Max Duperray-3"/>. Puis la lecture, entre le 10 et le {{date|16|juin|1816}}, des ''[[Fantasmagoriana]]'' allemandes<ref name="Max Duperray-2"/>, dans leur version française, et du ''[[Vathek]]'' de [[William Thomas Beckford|William Beckford]] imprègnent son imagination. Après une discussion animée sur les découvertes d'[[Erasmus Darwin]], et une bonne dose d'[[opium]], elle fait un cauchemar où elle a la vision du {{citation|pâle étudiant des arts profanes agenouillé aux côtés de la chose qu'il avait assemblée}} (''{{lang|en|the pale student of unhallowed arts kneeling beside the thing he had put together}}'').


== Personnages ==
Les expériences locales se sont également avérées déterminantes dans la mise en forme géographique et sentimentale du roman : une excursion à [[Chamonix-Mont-Blanc|Chamonix]] avec Shelley et Claire pour contempler le [[Mont Blanc]] est à l'origine de la scène au cours de laquelle Victor rencontre le monstre ; le voyage de Frankenstein en Angleterre emprunte aussi à la fuite du couple en Suisse, puis dans la vallée du Rhin<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=4}}.</ref>.
* '''[[Victor Frankenstein]]''', [[Éponymie|éponyme]] du roman, [[protagoniste]] et narrateur de la plus grande partie de l'histoire. Lors de ses études à [[Ingolstadt]], il découvre le secret de la vie et, dans les profondeurs d'un laboratoire, fabrique un monstre d'aspect hideux, mais doué d'intelligence. Il éprouve d'emblée du dégoût envers sa créature et l'abandonne, tout en ne révélant à personne son existence. Un sentiment de culpabilité l'accable irrémédiablement lorsqu'il se rend compte de son impuissance à empêcher son « enfant » de répandre la terreur et de représenter une menace pour l'espèce humaine<ref name="Cliffs">{{lien web|url=https://www.cliffsnotes.com/literature/f/frankenstein/character-list|titre=Personnages de ''Frankenstein''}}.</ref>{{,}}<ref name="Gradesaver">{{lien web|url=http://www.gradesaver.com/frankenstein/study-guide/character-list|titre=Liste des personnages}}.</ref>.
* '''[[Henri-Corneille Agrippa de Nettesheim|Cornelius Agrippa]]''', un Allemand passionné par les sciences occultes et considéré savant ésotériste. À l'âge de 13 ans, Victor commencera à s'intéresser à ses ouvrages
* '''[[Monstre de Frankenstein|Le monstre]]''', géant de huit [[Pied (unité)|pieds]]<ref group="N">Soit environ {{unité|2.44|mètres}}.</ref>, hideux mais sensible et intelligent, tente de s'intégrer dans la communauté humaine dont il acquiert par imitation les habitudes et les rites. Cependant, son aspect grotesque et terrifiant éloigne toutes les personnes qu'il rencontre. Ulcéré par sa solitude forcée, aigri par l'abandon dont il est l'objet, il cherche à se venger de son créateur et sème la terreur dans l'entourage de ce dernier<ref name="Cliffs"/>{{,}}<ref name="Gradesaver"/>.
* '''Robert Walton''', explorateur de l'[[Arctique]], ses lettres servent d'introduction et de conclusion au roman. Lors de sa traversée vers le Nord, il rencontre Victor à la dérive sur la banquise, le recueille et le soigne. C'est à lui que Victor confie l'incroyable histoire qui suit, dont ses lettres à sa sœur Mrs Margaret Saville, restée en Angleterre, rendent compte fidèlement<ref name="Cliffs"/>{{,}}<ref name="Gradesaver"/>.
* '''Alphonse Frankenstein''', père de Victor, qui soutient son fils jusqu'au bout de ses forces, lui prodiguant conseils et encouragements, lui rappelle sans cesse l'importance des liens familiaux<ref name="Cliffs"/>{{,}}<ref name="Gradesaver"/>.
* '''Elizabeth Lavenza''', orpheline qui n'a pas tout à fait un an de différence avec Victor, a été adoptée par les Frankenstein. Il existe une variante entre les éditions quant à son véritable statut : en 1818, elle est présentée comme la cousine de Victor, fille de la sœur d'Alphonse ; en 1831, elle est sauvée de la misère d'une masure italienne par la mère de Victor. C'est un modèle de femme au foyer qui demeure très attentionnée envers son frère adoptif<ref name="Cliffs"/>{{,}}<ref name="Gradesaver"/>.
* '''Henry Clerval''', ami d'enfance de Victor, qui l'a soigné lors d'une grave maladie à Ingolstadt. D'abord malheureux dans son travail auprès de son père, il suit le chemin tracé par Victor et se consacre aux sciences. Tout au long du roman, il affiche un optimisme à tout crin qui fait pendant à la morosité de son ami. Il est assassiné par le monstre, crime dont est accusé Victor lui-même<ref name="Cliffs"/>{{,}}<ref name="Gradesaver"/>.
* '''Ernest Frankenstein''', le cadet des frères Frankenstein, il sera le dernier survivant de la famille Frankenstein.
* '''William Frankenstein''', le benjamin des frères de Victor, c'est le chéri de la famille Frankenstein. Le monstre l'étranglera dans les bois jouxtant [[Genève]] pour punir Victor de l'avoir abandonné, meurtre qui exacerbe la culpabilité de Victor<ref name="Cliffs"/>{{,}}<ref name="Gradesaver"/>.
* '''Justine Moritz''', jeune fille elle aussi adoptée par les Frankenstein pendant l'enfance de Victor, qui se voit accusée du meurtre de William, est condamnée à tort puis exécutée.
* '''Caroline Beaufort''', fille de Beaufort. Après le décès de son père, elle est recueillie par Alphonse Frankenstein, puis devient sa femme. Elle meurt de la [[scarlatine]] après avoir été contaminée par Elizabeth juste avant que Victor ne quitte le foyer à dix-sept ans pour rejoindre Ingolstadt<ref name="Cliffs"/>{{,}}<ref name="Gradesaver"/>.
* '''Beaufort''', négociant, ami du père de Victor.
* '''De Lacey''', famille de paysans dont le patriarche est un vieil homme aveugle qui vit avec ses enfants, Felix et Agatha, et une étrangère appelée Safie. C'est en les observant par une fissure que le monstre apprend à parler et se comporter en société. Cependant, lorsque enfin il ose se présenter à eux dans l'espoir de gagner leur amitié, il est repoussé et chassé avec horreur<ref name="Cliffs"/>{{,}}<ref name="Gradesaver"/>.
* '''M. Waldman''', professeur de [[chimie]] ayant éveillé la vocation de Victor pour les sciences. Convaincu que la science peut expliquer les « grandes questions », par exemple celle de l'origine de la vie, et fustigeant les conclusions jugées fantaisistes des [[Alchimie|alchimistes]], il incite Victor à préférer une approche rationaliste des choses.
* '''M. Krempe''', professeur de « philosophie naturelle » à Ingolstadt, qui lui aussi juge qu'étudier l'alchimie est une perte de temps<ref name="Cliffs"/>{{,}}<ref name="Gradesaver"/>.
* '''Mr Kirwin''', magistrat qui accuse Victor du meurtre d'Henry Clerval.


== Genèse ==
===Préface de Shelley et publication===
[[Fichier:Villa diodati 2008.07.27 rg 5.JPG|vignette|alt=La villa Diodati, lieu de création du roman|La [[Villa Diodati]].]]
[[Fichier:Editions of Frankenstein.jpg|center|thumb|alt=alignement de différentes éditions de Frankenstein|upright=2.5|Différentes éditions de ''Frankenstein''.]]
Les événements ayant conduit à la genèse de ''Frankenstein ou le Prométhée moderne'' sont racontés par [[Mary Shelley]] dans sa préface à la réédition du roman en 1831, soit treize ans après la première publication. Pendant ce laps de temps, elle n'a cessé de revoir et d'amender son texte avant de le présenter à nouveau au public<ref>{{lien web|url=http://www.rc.umd.edu/editions/frankenstein/1831v1/preface.html|titre=Préface de 1831|consulté le=26 mai 2013}}.</ref>.
Le 10 décembre 1816, Harriet, [[Percy Bysshe Shelley#Période sombre|l'épouse de Shelley]], enceinte, se suicide. Le 30 décembre, Shelley et Mary se marient et Godwin accepte de revoir sa fille qui avait quitté le domicile paternel à seize ans. Mary, désormais Mrs Shelley, termine ''Frankenstein'' pendant l'été de 1817. Shelley rédige une courte préface datée « [[Marlow|Marlowe]], septembre 1817 », dans laquelle il souligne l'originalité de l'œuvre, la proclame [[Réalisme (littérature)|irréaliste]] en dépit des opinions exprimées par le docteur [[Erasmus Darwin|Darwin]] et « les écrivains physiologistes allemands »<ref group="N">'''Erasmus Darwin''' ({{date de naissance|12|décembre|1731}}, [[Elston]], [[Nottingham]] – {{date de décès|18|avril|1802}}), est un poète, médecin, botaniste et inventeur [[Royaume-Uni|britannique]]. 70 ans avant les travaux de son petit-fils [[Charles Darwin]] - face au [[créationnisme]] alors dominant - il amorce de façon significative les réflexions sur l'origine de la vie et son évolution.</ref>{{,}}<ref>{{lien web|url=http://www.academicroom.com/topics/study-of-physiology|titre=Physiologistes allemands|consulté le=26 mai 2013}}.</ref>. Il montre également que son intérêt principal ne réside pas dans les {{citation|terreurs surnaturelles, […] des spectres et de la magie}}, mais dans sa révélation des {{citation|vérités des principes premiers de la nature humaine}}<ref>{{lien web|url=http://classiclit.about.com/library/bl-etexts/mshelley/bl-mshelley-frank-preface.htm|titre=Préface de 1817|consulté le=26 mai 2013}}.</ref>.


=== Les sources d'inspiration de Mary Shelley ===
Le livre est d'abord rejeté par l'éditeur de Byron et celui de Shelley, puis accepté par Lackington, Allen & Co. et enfin publié anonymement au début du printemps 1818.
D'après le [[critique littéraire]] Max Duperray{{note|groupe=N|Enseignant-chercheur, spécialiste de la [[Fantastique|littérature fantastique]] et du [[roman gothique]], Max Duperray a été le premier directeur du Laboratoire d’Études et de Recherche sur le Monde Anglophone (LERMA, [[université d'Aix-Marseille]])<ref>{{Lien web|auteur= |titre=Fiche de Max Duperray, Bibliothèque nationale de France |url=http://data.bnf.fr/12153714/max_duperray/|date=|site=data.bnf.fr|consulté le=13 septembre 2016}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|auteur= |titre=Page personnelle de Max Duperray sur le site de l'université d'Aix-Marseille|url=http://gsite.univ-provence.fr/gsite/document.php?pagendx=6002&project=lerma|date=|site=Université d'Aix-Marseille http://www.univ-amu.fr|consulté le=13 septembre 2016}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|auteur=Alain Lauzanne |titre=Compte rendu de l'ouvrage ''Le Roman noir dit « gothique »'' de Max Duperray sur le portail Persée|url=http://www.persee.fr/doc/xvii_0291-3798_2000_num_51_1_1551|date=|site=[[Persée (portail)|Persée]] http://www.persee.fr|consulté le=13 septembre 2016}}.</ref>.}}, la première source du roman serait à trouver dans le désir inconscient de l'auteur de réanimer un être mort<ref name="Max Duperray-1">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=1}}.</ref> : dans son journal de 1815, en effet, Mary Shelley raconte la perte de son bébé de sept mois, le deuil qu'elle a porté et, dans un rêve échevelé, la folle impulsion de rendre le petit cadavre à la vie en le massant frénétiquement. Cette renaissance par le rêve annoncerait les termes mêmes de la préface de 1831, en particulier la référence au [[#Un cauchemar fondateur et un environnement propice|{{citation|pâle étudiant […] agenouillé}}]]<ref name="Max Duperray-1" />. Ce rêve serait dans l'air du temps : les sources en étant à la fois intimes et objectives, reflèteraient une âme troublée ainsi que les turbulences d'un siècle basculant dans une autre modernité<ref name="Max Duperray-2" />.


De manière plus générale, en effet, ''Frankenstein'' puise ses sources dans une période historique tourmentée. Jean-Jacques Lecercle, auteur de l'ouvrage '' Frankenstein : mythe et philosophie'', rappelle que l'enfance de Mary Shelley et celle de {{citation|la seconde génération [[Romantisme|romantique]]}} se déroulent dans une époque {{citation|de bouleversements, d'aventures et d'héroïsme ; mais aussi période douloureuse pour ces [[Radicalisme (Royaume-Uni)|radicaux anglais]] à la fois horrifiés et fascinés par les violences de la [[Révolution française|Révolution]], et par celles de son héritier illicite, [[Napoléon Ier|Napoléon]]}}<ref>{{harvsp|Lecercle|1994|p=15}}, {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4809128x/f23.image}}.</ref>. Il est possible, par ailleurs, que Mary Shelley ait eu à l'esprit l'affaire de [[George Forster (meurtrier)|George Forster]] {{Incise|un meurtrier exécuté dont le cadavre avait fait l'objet, en public, d'une expérience de [[galvanisme]]}} lorsqu'elle a imaginé un savant qui redonnerait la vie à des chairs mortes<ref>[http://www.huffingtonpost.com/2012/05/15/mad-science-giovanni-aldini_n_1519723.html Mad Science: Giovanni Aldini, Corpse Reanimator], ''The Huffington Post'', {{date-|16 mai 2012}}.</ref>. Selon des recherches publiées dans le [[Journal of the Royal Society of Medecine]], le personnage du {{Dr|Frankenstein}}, aurait été inspiré par un ami proche de Percy Shelley. Celui-ci avait partagé avec elle son enthousiasme pour les expériences électriques sur des êtres vivants de son ancien professeur de physique d'Eton, l'Écossais [[James Lind]]<ref>[https://www.lalibre.be/culture/cinema/2002/05/15/my-name-is-frank-einstein-ZWLHRTRLS5DTBDGSAO7RCGFKD4/ Site lalibre.be, article "My name is Frank Einstein"].</ref>.
===Des variantes significatives entre les deux éditions===
[[Fichier:Percy Bysshe Shelley by Alfred Clint.jpg|thumb|alt=portrait du poète Percy Shelley|upright=0.8|[[Percy Bysshe Shelley|Shelley]] par Alfred Clint en 1819.]]
Mary Shelley reste insatisfaite de cette première version et son journal témoigne que huit mois après sa publication, elle en révise déjà le texte. Les premières modifications, et le succès de la pièce ''{{lang|en|Presumption or the Fate of Frankenstein}}'' de [[Richard Brinsley Peake]], conduisent à une nouvelle édition en 1823, cette fois signée par Mary Shelley<ref>{{ouvrage|langue=en|prénom1=Susan E.|nom1= Lederer|lien auteur1=|titre=Frankenstein|sous-titre=Penetrating the Secrets of Nature|éditeur=Rutgers University Press|lien éditeur=|collection=|lieu=|année=2002|volume=|tome=|pages totales=78|passage=32|isbn=9780813532004}}</ref>, mais ce n'est qu'avec la publication de 1831 qu'elle est pleinement satisfaite de son travail<ref name="Max Duperray-5">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=5}}.</ref>. La version définitive en un seul volume, vendue à ''Colburn & Bentley'' pour leur collection ''{{lang|en|Standard Novels}}'', présente de nombreuses variantes par rapport au texte original, en particulier une plus grande importance est attribuée à la poésie de [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]], au poème ''Mont Blanc'', surtout, composé en juillet 1816<ref>{{lien web|url=http://www.poetryfoundation.org/poem/174397|titre=Poème ''Mont Blanc'' de Shelley|consulté le=28 mai 2013}}.</ref>, et à celle de [[Samuel Taylor Coleridge|Coleridge]]<ref name="Max Duperray-5"/>.


Une nouvelle publiée par [[François-Félix Nogaret]] en [[1790]], ''Le Miroir des événemens actuels ou la Belle au plus offrant''<ref>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=François-Félix Nogaret |titre=Le Miroir des événemens actuels ou la Belle au plus offrant |lieu=Paris |éditeur=Palais-royal |année=1790 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k854529k}}.</ref>, préfigure, tant par son intrigue (une fable d'invention scientifique) que par l'un de ses protagonistes {{incise|un inventeur nommé Frankésteïn qui crée un « homme artificiel » (un automate)}}, le chef-d'œuvre de [[Mary Shelley]]<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Julia V. |nom1=Douthwaite |auteur2=Daniel Richter|titre=The Frankenstein of the French Revolution: Nogaret’s Automaton Tale of 1790|périodique=European Romantic Review|volume=20|numéro=3|date=2009|pages=381–411|doi=10.1080/10509580902986369|lire en ligne=https://www.academia.edu/9512220/}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage |langue=fr |langue originale=en |prénom1=Julia V. |nom1=Douthwaite |titre=Le Frankenstein français et la littérature de l'ère révolutionnaire |titre original=The Frankenstein of 1790 and other Lost Chapters from Revolutionary France |éditeur=Classiques Garnier |année=2016 |passage=89-140 |isbn= |numéro chapitre=2 |titre chapitre=Le Frankenstein de la Révolution française}}.</ref>.
En fait, bien que Mary se soit démarquée de son mari dans sa préface de 1831, James Rieger a montré qu'il avait supervisé le manuscrit pendant sa rédaction, avec des annotations, des suggestions de digression, toutes aussitôt adoptées ; c'est lui qui a l'idée d'envoyer Frankenstein à Londres pour la création d'une compagne, qui suscite la comparaison entre la Suisse et les nations dites « autoritaires », qui révise l'épilogue{{etc}}<ref>{{harvsp|James Rieger|1963|p=XVIII}}.</ref>. Cependant, les variantes de la version de 1831 révèlent que Mary Shelley s'est bien éloignée de son [[Radicalisme (Royaume-Uni)|radicalisme]] de naguère : Victor y décrit sa créature comme {{citation|un monument d'orgueil et d'ignorance}}, qualifie sa manipulation de vie artificielle d'« éloignée du sacré » (''{{lang|en|unhallowed}}'') et le [[galvanisme]] de « [[transgression]] »<ref>Chris Baldick, ''Frankenstein's Shadow: Myth, Monstrosity, and Nineteenth-Century Writings, Oxford, Clarendon Press, 1987, {{p.|61}}.</ref>. Max Duperray ajoute que Walton y évoque ses illusions trompeuses d'explorateur, ce qui souligne le caractère transgressif lui aussi de ses aventures. Du coup, la morale que porte le livre apparaît encore plus clairement que dans l'original<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=6}}.</ref>.


=== Proposition de Byron ===
==Accueil==
[[Fichier:Byron 1813 by Phillips.jpg|vignette|alt=portrait de Byron|gauche|upright=0.8|[[Lord Byron]] en 1824.]]
===Premières critiques===
En juin 1816, [[John Polidori|John William Polidori]], médecin italien ayant grandi dans le milieu des expatriés de [[Soho (Londres)|Soho]], et [[Lord Byron]], chef de file du mouvement romantique et déjà une célébrité internationale<ref name="Max Duperray-2">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=2}}.</ref>, résident à la [[Villa Diodati]] à [[Cologny]] près de [[Genève]] sur le bord du [[Léman]]. Ils y reçoivent la visite de Shelley, [[Mary Shelley|Mary Godwin]] et sa demi-sœur [[Claire Clairmont]].
Les premières critiques du livre sont favorables, le rangeant toutes dans la catégorie [[Roman gothique]], célébrant son pouvoir imaginatif et aussi mélodramatique. Seul, le ''[[Quarterly Review]]'' se montre hostile et dénonce ce qu'il qualifie de {{citation|tissu d'absurdités aussi horribles que répugnantes}}, tout en admettant qu'il y avait {{citation|quelque chose de formidablement puissant dans le vide dépourvu de sens de son chant et la vague obscurité de ses images}}<ref>''[[Quarterly Review]]'', 18 janvier 1814.</ref>. Cependant, [[Walter Scott]] lui consacre un article dans le ''[[Blackwood's Magazine|Blackwood's Edinburgh Magazine]]'', dans lequel il conclut que le fantastique peut avoir du mérite dans la mesure où les personnages se comportent en êtres humains. Il loue également l'humanisation du monstre au contact de la famille De Lacey, ce qui ne l'empêche pas de recommander à l'auteur d'{{citation|écrire quelque chose de plus sérieux la prochaine fois}}<ref>Sir [[Walter Scott]], compte rendu de ''Frankenstein'', ''[[Blackwood's Magazine|Blackwood's Edinburgh Magazine]]'', {{p.|379}}.</ref>{{,}}<ref>{{lien web|url=http://www.crossref-it.info/textguide/Frankenstein/7/400|titre=[[Walter Scott]] sur ''Frankenstein''|consulté le=28 mai 2013}}.</ref>.


C'est un groupe de jeunes romantiques que lient des relations illicites : Mary s'est enfuie avec Shelley, qui s'est brouillé avec son père ; Claire Clairmont a séduit Byron<ref name="Max Duperray-2"/>.
En le rangeant aussitôt dans le genre gothique, la critique de l'époque ne relève pas l'importance de l'acte de création de Victor Frankenstein, acte qui fait de lui, outre un inventeur scientifique, un artiste [[Romantisme|romantique]], typique des turbulences agitant la fin d'un siècle et basculant dans la modernité<ref name="Max Duperray-1"/>.


Tous ont à voir avec la littérature, mais aussi avec le deuil et la mort.
Deux autres comptes rendus de l'époque, où l'auteur est identifié comme {{citation|la fille de William Godwin}}, s'en prennent au fait que Mary Shelley est une femme : le ''[[British Critic]]'' déplore que l'auteur ait pu oublier la {{citation|douceur inhérente à son sexe}}<ref>''British Critic'', 1818, {{p.|408}}.</ref>, et le ''The Literary Panorama and National Register'' voit en ''Frankenstein'' {{citation|une pâle imitation des romans de Mr Godwin […] par la fille même du célèbre romancier}}<ref>''The Literary Panorama and National Register'', 1818, {{p.|414}}.</ref>.
Polidori, outre ses ouvrages jamais terminés, partage avec Shelley les interrogations scientifiques, conduisant Mary à rêver l'[[Androïde|homme artificiel]].
Quant à Shelley, c'est la deuxième fois qu'il prend la fuite avec une jeune fille de seize ans : en 1811, il avait séduit [[Percy Bysshe Shelley#Vie agitée|Harriet Westbrook]], puis, alors qu'elle était enceinte, l'avait quittée en 1814 pour Mary Godwin.


Harriet perdit la vie en se jetant dans la [[Serpentine (rivière)|Serpentine]] en décembre 1816, son suicide suivant celui de la demi-sœur de Mary, Fanny, en octobre de la même année.
===La critique moderne===
Par la suite, deux enfants de Mary mourront, Clara en septembre 1818 à Venise, et William en juin 1819 à Rome, avant que Shelley ne périsse tragiquement par [[noyade]] en 1822 dans [[La Spezia|le golfe de Spezia]]<ref name="Max Duperray-3">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=3}}.</ref>.
Depuis le milieu du {{s-|XX|e}}, cependant, la critique s'est faite plutôt favorable<ref>{{lien web|url=http://www.enotes.com/nineteenth-century-criticism/frankenstein-modern-prometheus-mary-wollstonecraft |titre=''Frankenstein'' sur Enotes.com|consulté le=1juin 2013}}.</ref>, et au cours des dernières décennies, le roman s'est vu accaparé par les mouvances [[Psychanalyse|psychanalytique]] et [[Féminisme|féministe]]. Aujourd'hui, il apparaît comme un jalon entre la littérature [[Roman gothique|gothique]] et le [[Romantisme]]<ref>{{lien web|url=http://www.utm.edu/staff/lalexand/frankqst.htm UTM.edu|titre=Lynn Alexander, Department of English, [[Université du Tennessee à Martin|University of Tennessee at Martin]] sur ''Frankenstein''|consulté le=1 juin 2013}}.</ref>.
Polidori se verra expulsé d'Italie après une bagarre à [[Milan]] et finira par se donner la mort en 1821. Sa sœur [[Frances Polidori]] épousera le poète [[Gabriele Rossetti]], père de [[Dante Gabriel Rossetti]], le chef de file des [[Préraphaélisme|Préraphaélites]].
Claire Clairmont aura une autre vie mythique dans la fiction de [[Henry James]], qui reprendra son personnage sous les traits de Juliana Bordereau dans ''{{langue|en|[[Les Papiers d'Aspern|The Aspern Papers]]}}'' (1888)<ref>{{harvsp|Neil Cornwell|1990|p=72}}.</ref>.


Étant retenus à l'intérieur par la pluie incessante de l'{{citation|[[année sans été]]}} ou de « l'été perdu »<ref group="N">« Perdu » parce que le mauvais temps est censé résulter d'[[Éruption volcanique|éruptions volcaniques]] secouant l'[[hémisphère sud]].</ref>, que décrit son poème ''{{langue|en|Darkness}}'', thème que reprend Mary dans sa préface de 1831 lorsqu'elle évoque ''{{langue|en|the ungenial summer}}'' (« l'été inclément »), Byron propose le 16 à ses hôtes d'écrire chacun une « histoire de fantôme » (''{{langue|en|ghost-story}}'')<ref name="Max Duperray-2"/>.
Dans son ouvrage de 1981, ''[[Anatomie de l'horreur|Danse Macabre]]'', [[Stephen King]] considère que le monstre de Frankenstein, tout comme [[Dracula]] et le [[Lycanthrope|loup-garou]]<ref group="N">L'équivalent anglais du [[Lycanthrope|Loup-garou]].</ref>, représentent les prototypes de la veine de l'horreur ayant saisi tant la littérature que le film. Si, pense-t-il, le roman est un vrai drame [[William Shakespeare|shakespearien]], {{citation|son unité classique n'est brisée que par l'incertitude de l'auteur quant à sa faille originelle : est-elle à trouver dans l’''[[hybris|hubris]]'' de Victor usurpant un pouvoir n'appartenant qu'à Dieu ou dans son déficit de responsabilité après qu'il a octroyé à sa créature l'étincelle de vie ?}}<ref>{{ouvrage|lang=en|auteur=Stephen King|titre=''Danse Macabre''|lieu=New York|éditeur=Everest House|année=1981|isbn= 978-0896961005}}.</ref>.


=== Un cauchemar fondateur et un environnement propice ===
==Intrigue==
[[Fichier:Frankenstein Cooke 1823.jpg|thumb|alt=dessin d'un passage d'une adaptation théâtrale de 1823|upright=0.8|L'acteur T.P. Cooke dans le rôle de Frankenstein au théâtre en 1823.]]
[[Fichier:MontBlanc2c.jpg|vignette|alt=Le mont Blanc|upright=1.5|Le mont Blanc vu de l'[[aiguille du Midi]].]]
Chacun s'acquitte plus ou moins de sa tâche. Byron rédige un scénario fragmentaire dont Polidori s'inspire pour écrire, {{citation|en deux ou trois matinées}}, ''{{langue|en|[[Le Vampire (nouvelle)|Le Vampire]]}}'' (''The Vampyre''), un court roman à l'origine du genre qui inspirera ''[[Dracula]]''. Shelley compose une historiette dont il se désintéresse rapidement et qui n'a pas été conservée. Mary Shelley, quant à elle, s'estime d'abord incapable d'en inventer une, mais les circonstances vont lui être favorables. Ainsi, l'auteur du ''[[Le Moine|Moine]]'', [[Matthew Gregory Lewis|M. G. Lewis]], rend visite au couple Shelley et fait grande impression sur la jeune femme<ref>[[Thomas Medwin]], ''Conversations of Lord Byron'', Londres, Henry Colburn, 1824.</ref>, ce qu'elle confirmera dans son article ''Des Fantômes'' publié dans le ''London Magazine'' en 1824<ref name="Max Duperray-3"/>. Puis la lecture, entre le 10 et le {{date|16|juin|1816}}, des ''[[Fantasmagoriana]]'' allemandes<ref name="Max Duperray-2"/>, dans leur version française<ref>''[[Fantasmagoriana]]'', [http://www.otrante.fr/editions.html#fantasmagoriana Éditions Otrante], 2015.</ref>, et du ''[[Vathek]]'' de [[William Thomas Beckford|William Beckford]] imprègnent son imagination. Après une discussion animée sur les découvertes d'[[Erasmus Darwin]], et avoir absorbé de l'[[opium]], elle fait un cauchemar où elle a la vision du {{citation|pâle étudiant des arts profanes agenouillé aux côtés de la chose qu'il avait assemblée}} (''{{langue|en|the pale student of unhallowed arts kneeling beside the thing he had put together}}'')<ref>{{lien web|url=https://www.theguardian.com/theguardian/2012/nov/26/mary-shelley-frankenstein-preface-1831-archive|titre=From the archive, 26 November 1831: The origins of Frankenstein|consulté le=16 juin 2016}}.</ref>.
''Frankenstein'' est un roman épistolaire dans la veine prévalant au {{s-|XVIII|e}}, illustrée en France par ''[[Julie ou la Nouvelle Héloïse|La Nouvelle Héloïse]]'' ou ''[[Les Liaisons dangereuses]]'', en Angleterre par ''[[Paméla ou la Vertu récompensée |Pamela]]'' ou sa [[parodie]] ''[[Shamela]]'', et en Allemagne par ''[[Les Souffrances du jeune Werther|Werther]]''. Il comporte plusieurs couches narratives, avec différents correspondants et, insérées dans ce tissu, des histoires de vie racontées puis rapportées.


Les expériences locales se sont également avérées déterminantes dans la mise en forme géographique et sentimentale du roman : une excursion à [[Chamonix-Mont-Blanc|Chamonix]] pour contempler le [[mont Blanc]] est à l'origine de la scène au cours de laquelle Victor rencontre le monstre, la « cabane dans la montagne » étant inspirée du [[refuge de Blair]]<ref name="euromanticism">{{Lien web |url=https://www.euromanticism.org/le-consumerisme-et-le-romantisme/le-temple-de-la-nature-chamonix/ |titre=Le Temple de la Nature, Chamonix |consulté le=15 décembre 2022}}.</ref> ; le voyage de Frankenstein en Angleterre emprunte aussi à la fuite du couple Shelley en Suisse, puis dans la vallée du Rhin<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=4}}.</ref>.
===Introduction : récit-cadre de Robert Walton===
Ainsi, le premier et principal correspondant, Robert Walton, raconte à sa sœur, Margaret Walton Saville, les aventures qu'il vit lors de son expédition maritime vers le [[pôle Nord]]. Il aperçoit un traîneau conduit par un géant, puis rencontre un homme et son traîneau, identique au précédent, à la dérive sur un bloc de glace. C'est [[Victor Frankenstein]] qui, désespéré et désabusé, lui raconte la raison de ses malheurs.


=== Préface de Shelley et publication ===
===Récit enchâssé de Victor Frankenstein===
[[Fichier:Editions of Frankenstein.jpg|centré|vignette|alt=alignement de différentes éditions de Frankenstein|upright=2.5|Différentes éditions actuelles en anglais de ''Frankenstein''.]]
Il est issu d'une famille relativement nombreuse qui s'est fixée à [[Genève]]. D'abord étudiant en [[philosophie naturelle]], il s'est découvert une passion pour la [[pierre philosophale]] et est parti poursuivre ses travaux à [[Ingolstadt]]. Ses progrès lui ayant rapidement permis de découvrir le moyen de donner la vie, il se consacre corps et âme à ce projet qui l'occupe pendant des mois, et réussit à assembler un être surhumain mais d'aspect hideux. Lorsque cette créature accède à la vie, Frankenstein, horrifié, prend la fuite. Le lendemain, il fait la rencontre de son ami d'enfance Clerval et tombe gravement malade. Terrassé par le mal pendant de longs mois, il finit par recouvrer la santé et, alors qu'il se prépare à retourner à Genève, il apprend que son frère William a été assassiné par un voleur. Il se rend sur place et, près du lieu du crime, aperçoit son monstre. Justine Moritz, la servante de la famille Frankenstein, est accusée du meurtre et, bien que Victor soit convaincu de son innocence, condamnée à mort et exécutée. En proie au plus grand désarroi, Frankenstein part à [[Chamonix-Mont-Blanc|Chamonix]] où il rencontre son monstre, envers lequel il éprouve une haine féroce.
Le {{date-|10 décembre 1816}}, l'épouse enceinte de [[Percy Bysshe Shelley#Période sombre|Percy Shelley]], Harriet, se suicide. Le 30 décembre, Mary Godwin et lui se marient et le père Godwin accepte de revoir sa fille qui avait quitté le domicile paternel à dix-sept ans<ref name="Drabble-894">{{harvsp|Margaret Drabble|1985|p=894}}.</ref>. Devenue Mary Shelley, elle termine ''Frankenstein'' pendant l'été 1817<ref name="Drabble-894"/>. Percy Shelley rédige une courte préface datée {{citation|[[Marlow]]e, septembre 1817}}, dans laquelle il souligne l'originalité de l'œuvre, la déclare [[Réalisme (littérature)|irréaliste]] en dépit des opinions exprimées par [[Erasmus Darwin]] et {{citation|les écrivains physiologistes allemands}}<ref>{{lien web|url=http://www.academicroom.com/topics/study-of-physiology|titre=Physiologistes allemands|consulté le=26 mai 2013}}.</ref>{{référence incomplète}}. Il montre également que son intérêt principal ne réside pas dans les {{citation|terreurs surnaturelles, […] des spectres et de la magie}}, mais dans sa révélation des {{citation|vérités des principes premiers de la nature humaine}}<ref>{{lien web|url=http://classiclit.about.com/library/bl-etexts/mshelley/bl-mshelley-frank-preface.htm|titre=Préface de 1817|consulté le=26 mai 2013}}{{référence incomplète}}.</ref>.


Le livre est d'abord refusé par l'éditeur de Byron et celui de Shelley, puis accepté par Lackington, Allen & Co. et enfin publié anonymement le {{Date|1er janvier 1818}}<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=Betty T. Bennett |titre=Mary Wollstonecraft Shelley |sous-titre=An Introduction |lieu=Baltimore |éditeur=[[Johns Hopkins University Press]] |année=1998 |mois=octobre |jour=13 |pages totales=177 |isbn=0-8018-5975-1 |lccn=98016237}}.</ref>{{,}}<ref>{{En}}D. L. Macdonald and Kathleen Scherf, « A Note on the Text », <nowiki>''</nowiki>Frankenstein<nowiki>''</nowiki>, {{2nd-en}} ed., Peterborough: Broadview Press, 1999.</ref>.
C'est alors que la créature lui conte son histoire.


=== Des variantes importantes entre les deux éditions ===
===Histoire dans l'histoire : récit du monstre===
[[Fichier:Percy Bysshe Shelley by Alfred Clint.jpg|vignette|alt=portrait du poète Percy Shelley|upright=0.8|[[Percy Bysshe Shelley|Percy Shelley]] par Alfred Clint en 1819.]]
Livré à lui-même, le monstre a appris seul à survivre. Il est vite entré en contact avec des humains, mais s'est vu repoussé et chassé tant son aspect difforme les a effrayés. Il en vient à observer une famille où l'éducation d'une étrangère nouvellement arrivée et la découverte des livres lui permettent d'apprendre à parler et à lire. Au bout de quelque temps, il entre en contact avec le père, aveugle, mais se trouve chassé par le reste de la famille. Il s'enfuit, décide de se rendre à [[Genève]] pour rencontrer son créateur, dont il sait qu'il l'a abandonné ; mûrissant une sourde vengeance contre l'espèce humaine qui le rejette, il y croise William, le jeune frère de Victor Frankenstein, qui le moque pour sa laideur et lui apprend qu'il est lui-même un Frankenstein ; sur quoi il le tue et camoufle la scène de façon qu'une tierce personne, en l'occurrence Justine Moritz, puisse être accusée du crime.
Mary Shelley reste réservée sur cette première version et son journal témoigne que huit mois après sa publication, elle en révise déjà le texte. Les premières modifications, et le succès de la pièce ''{{langue|en|Presumption or the Fate of Frankenstein}}'' de [[Richard Brinsley Peake]], conduisent à une nouvelle édition en 1823, cette fois signée par Mary Shelley<ref>{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Susan E. |nom1=Lederer |titre=Frankenstein |sous-titre=Penetrating the Secrets of Nature |éditeur=Rutgers University Press |année=2002 |pages totales=78 |passage=32 |isbn=978-0-8135-3200-4 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=Jo6zIsom94AC&printsec=frontcover}}.</ref>, mais ce n'est qu'avec la publication de 1831 qu'elle est satisfaite de son travail<ref name="Max Duperray-5">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=5}}.</ref>. La version définitive en un seul volume, vendue à ''Colburn & Bentley'' pour leur collection ''{{langue|en|Standard Novels}}'', présente de nombreuses variantes par rapport au texte original, en particulier une plus grande importance est attribuée à la poésie de [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]], au poème ''Mont Blanc'', surtout, composé en juillet 1816<ref>{{lien web|url=http://www.poetryfoundation.org/poem/174397|titre=Poème ''Mont Blanc'' de Shelley|consulté le=28 mai 2013}}.</ref>, et à celle de [[Samuel Taylor Coleridge|Coleridge]]<ref name="Max Duperray-5"/>.


En fait, bien que Mary Shelley se soit démarquée de son mari dans sa préface de 1831, James Rieger a montré qu'il avait supervisé le manuscrit pendant sa rédaction, avec des annotations, des suggestions de digression, toutes aussitôt adoptées ; c'est lui qui a l'idée d'envoyer Frankenstein à Londres pour la création d'une compagne, qui suscite la comparaison entre la Suisse et les nations dites « autoritaires », qui révise l'épilogue{{etc.}}<ref>{{harvsp|James Rieger|1963|p=XVIII}}.</ref>. Cependant, les variantes de la version de 1831 révèlent que Mary Shelley s'est bien éloignée de son [[Radicalisme (Royaume-Uni)|radicalisme]] de naguère : Victor y décrit sa créature comme {{citation|un monument d'orgueil et d'ignorance}}, qualifie sa manipulation de vie artificielle d'« éloignée du sacré » (''{{langue|en|unhallowed}}'') et le [[galvanisme]] de « [[transgression]] »<ref>Chris Baldick, ''Frankenstein's Shadow: Myth, Monstrosity, and Nineteenth-Century Writings'', Oxford, Clarendon Press, 1987, {{p.|61}}.</ref>. Max Duperray ajoute que Walton y évoque ses illusions d'explorateur, ce qui souligne le caractère transgressif lui aussi de ses aventures. Du coup, la morale que porte le livre apparaît encore plus clairement que dans l'original<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=6}}.</ref>.
===Reprise du récit enchâssé de Victor Frankenstein===
Le monstre demande à Frankenstein de lui concevoir une compagne avec laquelle il pourrait vivre à l'écart de la société dans l'isolement et le bonheur. Frankenstein accepte à contrecœur et, sachant que le monstre a le projet de le suivre et de le surveiller, part pour l'[[Angleterre]] avec Clerval qui choisit de résider chez des amis. Lui se rend aux Îles [[Orcades]] pour s'y installer un laboratoire et mettre son nouveau projet en œuvre. Alors qu'il est en plein travail et que sa deuxième créature est en voie d'achèvement, il prend soudain conscience qu'il est en train de générer une lignée monstrueuse représentant un grave péril pour l'espèce humaine. Au moment même où il s'acharne à détruire sa création inachevée, le monstre apparaît et, avant de prendre la fuite, lui annonce que désormais, il va s'employer à faire de son existence un enfer. Frankenstein jette ses instruments de chimie à l'eau, mais est entraîné vers le rivage [[Irlande (île)|irlandais]] où il apprend le meurtre de Clerval, son meilleur ami, forfait dont il se voit à tort accusé.


== Accueil ==
À nouveau terrassé par une grave maladie, il finit par prendre le chemin de la guérison et son innocence est reconnue grâce à l'action de son père venu le soutenir en Angleterre. De retour en sa patrie, il se prépare, avec le reste de la famille, à fêter le mariage de sa sœur adoptive, Elizabeth. Cependant, sa présence est connue du monstre déterminé à poursuivre sa vengeance et qui assassine la jeune femme le jour de la cérémonie. Horrifié, Frankenstein s'en va apprendre la nouvelle à son père qui, sous le choc, s'effondre et meurt. Désormais, il dédie sa vie à la traque à mort du monstre qu'il a créé et qui, s'amusant de ce jeu morbide et tout à fait conscient de sa supériorité, l'emmène vers le Nord dont le froid glacé n'a pas de prise sur lui. Frankenstein, malgré l'aide des esprits des victimes, perd sa trace et s'égare.
=== Premières critiques ===
Les premières critiques du livre sont favorables, et le rangent toutes dans la catégorie du [[roman gothique]]. Avant sa parution, ce courant littéraire, que beaucoup de critiques jugeaient de mauvais goût, voire franchement risible, avait pourtant mauvaise réputation : en conformité avec les mises en garde d'[[Edmund Burke]]<ref>[[Edmund Burke]], ''{{langue|en|[[Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau|A Philosophical Enquiry into the Origin of Our Ideas of the Sublime and Beautiful]]}}'', 1757 (première traduction française par l'abbé Des François, en 1765, sous le titre ''Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau'').</ref>, on avait alors, semble-t-il, franchi la limite entre le [[fantastique]] et le ridicule<ref>[[Samuel Taylor Coleridge]], « Compte rendu de ''[[Le Moine]]'' de [[Matthew Gregory Lewis]] », ''Critical Review'', {{2nd-en}} Series, {{date-|19 février 1797}}, {{p.|194-200}}.</ref>.


L'accueil de ''Frankenstein'' est au contraire très positif, la majorité des critiques faisant l'éloge de son pouvoir imaginatif et mélodramatique<ref>{{Lien web|langue=en|titre=Reception: 1818 » Frankenstein Study Guide from Crossref-it.info|url=http://crossref-it.info/textguide/Frankenstein/7/400|site=crossref-it.info|consulté le=2016-06-27}}.</ref>. Seul, le ''[[The Quarterly Review|Quarterly Review]]'' se montre réellement hostile et dénonce ce qu'il qualifie de {{citation|tissu d'absurdités aussi horribles que répugnantes}}, tout en admettant qu'il y avait {{citation|quelque chose de formidablement puissant dans le vide dépourvu de sens de son chant et la vague obscurité de ses images}}<ref>''[[The Quarterly Review]]'', {{date-|18 janvier 1814}}.</ref>. [[Walter Scott]] consacre un article au roman dans le ''[[Blackwood's Magazine|Blackwood's Edinburgh Magazine]]'', dans lequel il conclut que {{citation|le fantastique peut avoir du mérite dans la mesure où les personnages se comportent en êtres humains}}. Il loue également {{citation|l'humanisation du monstre}} au contact de la famille De Lacey, ce qui ne l'empêche pas de recommander à l'auteur d'{{citation|écrire quelque chose de plus sérieux la prochaine fois}}<ref>Sir [[Walter Scott]], compte rendu de ''Frankenstein'', ''[[Blackwood's Magazine|Blackwood's Edinburgh Magazine]]'', {{p.|379}}.</ref>{{,}}<ref>{{lien web|url=http://www.crossref-it.info/textguide/Frankenstein/7/400|titre=Walter Scott sur ''Frankenstein''|consulté le=28 mai 2013}}.</ref>.
===Conclusion : récit-cadre de Robert Walton===
Forcé par l'équipage à rebrousser chemin, Walton assiste, impuissant, à la mort de son nouvel ami, trop affaibli pour poursuivre sa traque. Le monstre se présente peu après et apprenant la disparition de son créateur, exprime son dégoût de lui-même. La vengeance qu'il a perpétrée envers un créateur irresponsable, père indigne ayant abandonné son enfant, lui a répugné car il a été doté d'une aspiration innée au bien dont la méchanceté humaine a fini par avoir raison. Désormais, la gravité des crimes commis lui devient insoutenable et il annonce son projet de se donner la mort, puis disparaît dans le brouillard.


Selon Max Duperray, en le rangeant aussitôt dans le genre gothique, la critique de l'époque ne relève pas l'importance de l'acte de création de Victor Frankenstein, acte qui fait de lui, outre un inventeur scientifique, un artiste [[Romantisme|romantique]], typique des turbulences agitant la fin d'un siècle et basculant dans la modernité<ref name="Max Duperray-1"/>.
==Personnages==

* '''Victor Frankenstein''', [[protagoniste]] et narrateur de la plus grande partie de l'histoire. Lors de ses études à [[Ingolstadt]], il découvre le secret de la vie et, dans les profondeurs d'un laboratoire, fabrique un monstre d'aspect grotesque mais intelligent. Il éprouve d'emblée du dégoût envers sa créature et l'abandonne, tout en gardant son existence secrète. Un sentiment de culpabilité l'accable irrémédiablement lorsqu'il se rend compte de son impuissance à empêcher son « enfant » de répandre la terreur et de représenter une menace pour l'espèce humaine.
Deux autres comptes rendus de l'époque, où l'auteure est identifiée comme {{citation|la fille de William Godwin}}, s'en prennent au fait que Mary Shelley est une femme : le ''[[British Critic]]'' déplore qu'elle ait pu oublier la {{citation|douceur inhérente à son sexe}}<ref>''British Critic'', 1818, {{p.|408}}.</ref>, et le ''The Literary Panorama and National Register'' voit en ''Frankenstein'' {{citation|une pâle imitation des romans de Mr Godwin […] par la fille même du célèbre romancier}}<ref>''The Literary Panorama and National Register'', 1818, {{p.|414}}.</ref>.
* '''Le monstre''', géant de huit pieds<ref group="N">Soit {{unité|2.4384|mètres}}.</ref>, hideux mais sensible et intelligent, tente de s'intégrer dans la communauté humaine dont il acquiert par imitation les habitudes et les rites. Cependant, son aspect grotesque et terrifiant éloigne toutes les personnes qu'il rencontre. Ulcéré par sa solitude forcée, aigri par l'abandon dont il est l'objet, il cherche à se venger de son créateur et sème la terreur dans son entourage.

* '''Robert Walton''', explorateur de l'[[Arctique]], ses lettres servent d'introduction et de conclusion au roman. Lors de sa traversée vers le Nord, il rencontre Victor à la dérive sur la banquise, le recueille et le soigne. C'est à lui que Victor confie l'incroyable histoire qui suit, dont ses lettres à sa sœur Mrs Margaret Saville, restée en Angleterre, rendent compte fidèlement.
=== Critique contemporaine ===
* '''Alphonse Frankenstein''', père de Victor, qui soutient son fils jusqu'au bout de ses forces, lui prodiguant conseils et encouragements, lui rappelle sans cesse l'importance des liens familiaux.
Au {{s-|XX}} la critique continue de juger favorablement ce roman. Depuis le milieu du siècle<ref>{{Lien web|langue=en|titre=Frankenstein Essay - Essays and Criticism - eNotes.com|url=http://www.enotes.com/topics/frankenstein/critical-essays/essays-criticism|site=eNotes|date=|consulté le=2016-08-04}}.</ref>, et au cours des dernières décennies, le roman s'est vu accaparé par les mouvances [[Psychanalyse|psychanalytique]] et [[Féminisme|féministe]]. Aujourd'hui, il apparaît comme un jalon entre la littérature [[Roman gothique|gothique]] et le [[Romantisme]]<ref>{{Lien web|langue=en|titre=Frankenstein|url=http://www.utm.edu/staff/lalexand/frankqst.htm|site= Department of English, [[Université du Tennessee à Martin|University of Tennessee at Martin]]|consulté le=1 juin 2013}}.</ref>.
* '''Elizabeth Lavenza''', orpheline de quatre ou cinq ans plus jeune que Victor, a été adoptée par les Frankenstein. Il existe une variante entre les éditions quant à son véritable statut : en 1818, elle est présentée comme la cousine de Victor, fille de la sœur d'Alphonse ; en 1831, elle est sauvée de la misère d'une masure italienne par la mère de Victor. C'est un modèle de femme au foyer qui demeure très attentionnée envers son frère adoptif.

* '''Henry Clerval''', ami d'enfance de Victor, qui l'a soigné lors d'une grave maladie à Ingolstadt. D'abord malheureux dans son travail auprès de son père, il suit le chemin tracé par Victor et se consacre aux sciences. Tout au long du roman, il affiche un optimisme à tout crin qui fait pendant à la morosité de son ami. Il est assassiné par le monstre, crime dont est accusé Victor lui-même.
Dans son ouvrage de 1981, ''[[Anatomie de l'horreur|Danse Macabre]]'', [[Stephen King]] considère que le monstre de Frankenstein, tout comme [[Dracula]] et le [[Lycanthrope|loup-garou]], représentent les prototypes de la veine de l'horreur ayant saisi tant la littérature que le film. Si, pense-t-il, le roman est un vrai drame [[William Shakespeare|shakespearien]], {{citation|son unité classique n'est brisée que par l'incertitude de l'auteur quant à sa faille originelle : est-elle à trouver dans l’''[[hybris|hubris]]'' de Victor usurpant un pouvoir n'appartenant qu'à Dieu ou dans son déficit de responsabilité après qu'il a octroyé à sa créature l'étincelle de vie ?}}<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=Stephen King |titre=''Danse Macabre'' |lieu=New York |éditeur=Everest House |année=1981 |isbn=978-0-89696-100-5}}.</ref>.
* '''William Frankenstein''', le benjamin des frères de Victor, c'est le chéri de la famille Frankenstein. Le monstre l'étranglera dans les bois jouxtant [[Genève]] pour punir Victor de l'avoir abandonné, meurtre qui exaspère la culpabilité de Victor.

* '''Justine Moritz''', jeune fille elle aussi adoptée par les Frankenstein pendant l'enfance de Victor, qui se voit accusée du meurtre de William, est condamnée puis exécutée.
== Analyses ==
* '''Caroline Beaufort''', fille de Beaufort. Après le décès de son père, elle est recueillie par Alphonse Frankenstein, puis devient sa femme. Elle meurt de la [[scarlatine]] après avoir été contaminée par Elizabeth juste avant que Victor ne quitte le foyer à dix-sept ans pour rejoindre Ingolstadt.
[[Fichier:Shelley Easton.tif|vignette|alt=portrait de Mary Shelley|[[Mary Shelley]], par Reginald Easton.]]
* '''Beaufort''', négociant, ami du père de Victor.
Selon [[Francis Lacassin]] en 1991, ''Frankenstein'' se lit aujourd'hui {{citation|par malentendu}}<ref name="F. Lacassin-34">{{harvsp|Francis Lacassin|1991|p=34}}.</ref>. Ce malentendu risque de faire découvrir au lecteur {{citation|au lieu d'un monstre dont la laideur déclenche des réactions apeurées et hurlantes, un être mystérieux qui se manifeste peu}}<ref name="Frankenstein_trad_hangest">{{harvsp|texte=''Frankenstein'', trad. G. d'Hangest|1979|p=18|id=hangest}}.</ref>. Max Duperray ajoute que le texte peut en effet paraître {{citation|primaire}}, les personnages {{citation|diserts}}, l'intrigue {{citation|échevelée}}, et le monstre {{citation|larmoyant}}<ref name="Max Duperray-21" />, alors que, sous cette primarité apparente, ''Frankenstein'' est {{citation|un nœud complexe de connotations et de références }} : c'est {{citation|au pays de [[Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]]}}, autrement dit en Suisse, que Mary Shelley en rédige la version initiale, {{citation|à la fois produit du hasard […] et celui d'une nécessité historique}}. Passent en effet à travers ce récit, d'abord [[pastiche]] des histoires à faire peur, un souffle de révolte et une inquiétude devant ses conséquences<ref name="Max Duperray-22">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=22}}.</ref>. L'universitaire Siv Jansson évoque dans la [[Préface (littérature)|préface]] du {{date|15|octobre|1831}} la mise en scène d'{{citation|une mise au monde, un texte, un sujet qui s'implique dans une écriture, une interrogation sur la création}}<ref>{{harvsp|Mary Shelley|1992|p=8}}.</ref> :
* '''De Lacey''', famille de paysans dont le patriarche est un vieil homme aveugle qui vit avec ses enfants, Felix et Agatha, et une étrangère appelée Safie. C'est en les observant par une fissure que le monstre apprend à parler et se comporter en société. Cependant, lorsqu'enfin il ose se présenter à eux dans l'espoir de gagner leur amitié, il est repoussé et chassé avec horreur.

* '''M. Waldman''', professeur de [[chimie]] ayant éveillé la vocation de Victor pour les sciences. Convaincu que la science peut expliquer les « grandes questions », par exemple celle de l'origine de la vie, et fustigeant les conclusions jugées fantaisistes des [[Alchimie|alchimistes]], il incite Victor à préférer une approche rationaliste des choses.
{{citation bilingue bloc|lang=en|Everything must have a beginning […] and that beginning must be linked to something that went before […] Invention, it must be humbly admitted, does not consist in creating out of the void, but out of chaos; the materials must, in the first place, be afforded; it can give form to dark, shapeless substances, but cannot bring into being the substance itself.
* '''M. Krempe''', professeur de « philosophie naturelle » à Ingolstadt, qui lui aussi juge qu'étudier l'alchimie est une perte de temps.
|Chaque chose doit avoir un commencement […] et ce commencement doit être lié à quelque chose l'ayant précédé […] L'invention, admettons-le dans l'humilité, ne consiste pas à créer à partir du vide, mais du chaos ; le matériau doit d'abord être apporté, il peut donner forme à des substances obscures et informes, mais ne saurait mettre au monde cette substance.}}
* '''Mr Kirwin''', magistrat qui accuse Victor du meurtre d'Henry Clerval.

Ainsi se souligne le poids de l'histoire et affleure, quoique discrètement, l'angoisse de la création où se conjuguent écriture et naissance<ref name="Max Duperray-22"/>. Le parallélisme entre la fabrication du monstre vivant et la composition du roman s'impose d'abord, mais l'interrogation sur la substance, soit l'essence des choses, indique d'emblée le fil conducteur à ceux qui l'accompagnent, en particulier [[William Godwin]] son père, l'auteur de ''Caleb Williams'' et ''St Leon'', tous les deux préoccupés par le secret de la vie<ref name="Max Duperray-23">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=23}}.</ref>. Ces romans ouvrent déjà une perspective psychologique et y pointe la question [[ontologie (philosophie)|ontologique]] sur l'origine des choses, doublée d'une question [[Épistémologie|épistémologique]] : les choses sont-elles conformes à leur apparence<ref name="Max Duperray-23"/> ?

D'autre part, la fréquentation intime de l'auteur avec les grands poètes [[Romantisme|romantiques]] incite à penser qu'elle a partagé leur désir d'émancipation par rapport à la tyrannie sociale de la convention et aussi au [[déterminisme]] [[Biologie|biologique]]<ref name="MD 23-24">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=23-24}}.</ref>. L'éducation occupe le cœur du roman et cette nourriture spirituelle par laquelle la créature accède à la civilisation peut inciter à faire de ''Frankenstein'' un roman à thèse célébrant la promotion sociale par la lecture<ref name="MD 23-24"/>. De plus, Max Duperray écrit que {{citation|la folle ambition romantique vis-à-vis du monde projette Mary Shelley dans une fiction du [[solipsisme]]<ref group="N">Le solipsisme (du [[latin]] ''{{langue|la|solus}}'', seul et ''{{langue|la|ipse}}'' (soi-même) est une attitude générale, pouvant, le cas échéant, être théorisée sous une forme [[Philosophie|philosophique]] et non [[métaphysique]], {{citation|[…] d'après laquelle il n'y aurait pour le [[Sujet (philosophie)|sujet]] [[Pensée|pensant]] d'autre réalité que lui-même […]}}.</ref>{{,}}<ref>''Le Petit Robert de la langue française'', Paris, 1990, {{p.|1830}}.</ref> : solitude partagée du créateur et de sa créature ; […] espoir démesuré de s'affranchir […] du réel et de dévoiler le secret de la vie, […] avec quoi flirtaient les recherches scientifiques de l'époque}}<ref name="MD 23-24" />. Chacun des narrateurs est habité d'un mystère qui l'isole et l'enferme dans une [[claustrophobie]] monstrueusement [[Paradoxe|paradoxale]] puisqu'ils n'ont de cesse de voyager jusqu'aux extrêmes. Il y a là cohabitation d'un discours scientifique et d'un autre, poétique, conjuguant leur prétention à repousser les frontières du savoir<ref name="Max Duperray-24">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=24}}.</ref>.

Ainsi, ce n'est ni dans le sensationnel, ni dans le [[Drame (théâtre)|dramatique]], voire le [[Mélodrame (théâtre)|mélodramatique]] (le roman est porté à la scène dès 1823) que se situerait l'intérêt de ''Frankenstein'', mais dans le concept de monstruosité, l'animation de l'inanimé, la transgression morale, {{citation|l'aventure faustienne laïcisée}}, la modernité d'un mythe ancien<ref name="Max Duperray-24"/>. ''Frankenstein'' se lirait donc comme un texte pluriel, offrant une {{citation|variété des niveaux d'interprétation}}, selon les termes de Muriel Spark<ref>{{harvsp|Muriel Spark|1951|p=161}}.</ref>.


==Structure narrative==
=== Structure narrative ===
[[Fichier:FrankensteinDraft.jpg|thumb|alt=brouillon de Frankenstein|upright=0.8|Brouillon de ''Frankenstein''.]]
[[Fichier:FrankensteinDraft.jpg|vignette|alt=brouillon de Frankenstein|upright=0.8|Brouillon de ''Frankenstein''.]]
Réduit à sa plus simple expression, le schéma narratif ressemble à une [[course de relais]], chaque participant se passant le témoin tour à tour : Walton écrit à sa sœur ; sur son bateau, l'équipage aperçoit et recueille un naufragé en train de se noyer ; lorsque ce nouveau venu reprend ses esprits, il raconte son histoire à Walton, la création, le monstre, la trahison, l'évasion, la réunion. Puis le récit du monstre, rapporté par Victor, occupe l'espace diégétique, avant d'être relayé par celui de Frankenstein, lequel redonne le témoin à l'explorateur qui termine sa lettre. Ainsi, la boucle est bouclée : aventurier, savant, monstre, savant, aventurier, Walton demeurant le narrateur central, présent au départ et à l'arrivée, et rapportant l'ensemble pour Mrs Saville et la postérité<ref name="Gregory Schneider">{{lien web|url=http://voices.yahoo.com/narrative-passing-mary-shelleys-frankenstein-11599.html|titre=Structure narrative de ''Frankenstein'' en course de relais|consulté le=16 juin 2013}}.</ref>.
Réduit à sa plus simple expression, le schéma narratif ressemble à une [[course de relais]], chaque participant se passant le témoin tour à tour : Walton écrit à sa sœur ; sur son bateau, l'équipage aperçoit et recueille un naufragé en train de se noyer ; lorsque ce nouveau venu reprend ses esprits, il raconte son histoire à Walton, la création, le monstre, la trahison, l'évasion, la réunion. Puis le récit du monstre, rapporté par Victor, occupe l'espace diégétique, avant d'être relayé par celui de Frankenstein, lequel redonne le témoin à l'explorateur qui termine sa lettre. Ainsi, la boucle est bouclée : aventurier, savant, monstre, savant, aventurier, Walton demeurant le narrateur central, présent au départ et à l'arrivée, et rapportant l'ensemble pour Mrs Saville et la postérité<ref name="Gregory Schneider">{{lien web|url=http://voices.yahoo.com/narrative-passing-mary-shelleys-frankenstein-11599.html|titre=Structure narrative de ''Frankenstein'' en course de relais|consulté le=16 juin 2013}}.</ref>.


De façon plus détaillée, Jean-Jacques Lecercle y découvre une démarche linéaire avec une série de voyages et de poursuites, combinée à une autre d'inversions et d'échanges de rôles, le tout orienté selon un système de symétries en miroir<ref name="Jean-Jacques Lecercle-83-84">{{harvsp|Jean-Jacques Lecercle|1988|p=83-84}}.</ref>. Devant tant de complexité, le lecteur peut se poser la question de savoir qui parle, qui détient l'autorité auctoriale, qui même est l'ultime destinataire<ref name="Max Duperray-55-56">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=55-56}}.</ref> ? Walton, qui certes fait profession d'exactitude et survit assez pour dire le dernier mot<ref group="N">La correspondance à sens unique de Walton s'étend sur {{unité|15|mois}}.</ref>, mais semble, bien que rien ne se sache sans lui, n'être là qu'en médiateur des autres voix ? Mrs Saville, sa bienveillante mais lointaine lectrice, qui ne répond pas bien qu'{{citation|il ne connaisse [avec elle] aucune espèce de désunion et de dispute}}, à qui la correspondance parvient, qu'elle conserve et même divulgue, sinon comment l'histoire peut-elle être rapportée<ref name="Gregory Schneider"/> ?
De façon plus détaillée, Jean-Jacques Lecercle y découvre une démarche linéaire avec une série de voyages et de poursuites, combinée à une autre d'inversions et d'échanges de rôles, le tout orienté selon un système de symétries en miroir<ref name="Jean-Jacques Lecercle-83-84">{{harvsp|Jean-Jacques Lecercle|1988|p=83-84}}.</ref>. {{citation|Devant tant de complexité, le lecteur peut se poser la question de savoir qui parle, qui détient l'autorité auctoriale, qui même est l'ultime destinataire}}<ref name="Max Duperray-55-56">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=55-56}}.</ref> ? Walton, qui certes fait profession d'exactitude et survit assez pour dire le dernier mot<ref group="N">La correspondance à sens unique de Walton s'étend sur {{nobr|15 mois}}.</ref>, mais semble, bien que rien ne se sache sans lui, n'être là qu'en médiateur des autres voix ? Mrs Saville, sa bienveillante mais lointaine lectrice, qui ne répond pas bien qu'{{citation|il ne connaisse [avec elle] aucune espèce de désunion et de dispute}}, à qui la correspondance parvient, qu'elle conserve et même divulgue, sinon comment l'histoire peut-elle être rapportée<ref name="Gregory Schneider"/> ?


D'où l'impression que la structure narrative constitue, pour l'auteur du roman, très jeune et femme de surcroît, un paravent derrière lequel se dissimuler aux yeux du public, s'exprimer tout en s'effaçant, s'affirmer sans risquer le rejet social<ref>{{harvsp|Mary Poovey|1985|p=130}}.</ref>.
La [[critique littéraire]] {{Lien|lang=en|trad=Mary Poovey|fr=Mary Poovey}} observe que la structure narrative constitue, pour l'auteur du roman, un paravent derrière lequel se dissimuler aux yeux du public, s'exprimer tout en s'effaçant, s'affirmer sans risquer le rejet social en raison de son âge et de sa condition féminine<ref name="MP-131">{{harvsp|Mary Poovey|1985|p=131}}.</ref>.


===Une série de récits en miroir===
==== Une série de récits en miroir ====
[[Fichier:Sea ice terrain.jpg|thumb|alt=les glaces arctiques|left|Les glaces [[Arctique|arctiques]], où se situe une bonne partie de l'action.]]
[[Fichier:Sea ice terrain.jpg|vignette|alt=les glaces arctiques|gauche|Les glaces [[arctique]]s, où se situent le début et la fin du roman.]]
Trois récits concentriques, donc, émanant d'interlocuteurs très semblables, se succédant en même temps qu'ils se reflètent<ref name="Jean-Jacques Lecercle-83-84"/>. C'est Walton qui pilote le récit, le documente et le transmet : trois lettres introductives rendant compte de cinq mois de voyage, puis une quatrième qui enclenche l'intrigue. La section médiane, consacrée au monstre, occupe à elle seule six chapitres, d'abord explicatifs du meurtre du jeune frère de Victor, puis objets de digressions emboîtées les unes dans les autres relatant les expériences vécues après sa sortie du laboratoire. Ainsi, ses vagabondages, ses cachettes, puis son regard porté sur une famille, les De Lacey, si insistant et fouillé que l'épisode en devient un récit quasi autonome, et où, de surcroît, se niche celui d'une jeune visiteuse arabe, Safie, qui, à son tour, narre l'histoire de sa mère ; successions de « je », donc, qui tous, en ce que Max Duperray appelle une {{citation|régression vers les origines}}<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=49}}.</ref>, en reviennent au même thème : la création, puis l'abandon.
Trois récits concentriques, donc, émanant d'interlocuteurs très semblables, se succédant en même temps qu'ils se reflètent<ref name="Jean-Jacques Lecercle-83-84"/>. C'est Walton qui pilote le récit, le documente et le transmet : trois lettres introductives rendant compte de cinq mois de voyage, puis une quatrième qui enclenche l'intrigue. La section médiane, consacrée au monstre, occupe à elle seule six chapitres, d'abord explicatifs du meurtre du jeune frère de Victor, puis objets de digressions emboîtées les unes dans les autres relatant les expériences vécues après sa sortie du laboratoire. Ainsi, ses vagabondages, ses cachettes, puis son regard porté sur une famille, les De Lacey, si insistant et fouillé que l'épisode en devient un récit quasi autonome, et où, de surcroît, se niche celui d'une jeune visiteuse arabe, Safie, qui, à son tour, narre l'histoire de sa mère ; successions de « je », donc, qui tous, en ce que Max Duperray appelle une {{citation|régression vers les origines}}<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=49}}.</ref>, en reviennent au même thème : la création, puis l'abandon.


Walton s'exprime en une langue châtiée, un style soutenu, un rythme et un phrasé qui, eux aussi, se transmettent aux autres narrateurs. Il rappelle à sa sœur qu'elle est éprise de beau langage et l'assure du bonheur qu'elle éprouvera à lire sa retranscription fidèle du récit de Victor, tant en illuminent {{citation|la clarté et la précision, puis une grande facilité d’expression, et une voix dont la richesse d’intonations est une musique qui plie l’âme}}<ref>{{harvsp|''Frankenstein ou le Prométhée moderne'', trad. et introduction de Germain d'Hangest|1922|p=non paginé|id=hangest}}, Lettre IV du 13 août 17.</ref>. Personne, au cours de cette succession, ne fait preuve de singularité expressive<ref name="Gregory Schneider"/>, et il semble qu'à chaque passage de témoin, l'auteur, Mary Shelley, s'éloigne de plus en plus, jusqu'à, du moins en apparence, abandonner la responsabilité narrative à ses délégués qui, chacun à son tour, occupent le devant de la scène, avant que les rênes ne soient reprises par le narrateur principal<ref name="Gregory Schneider"/>.
Walton s'exprime en une langue châtiée, un style soutenu, un rythme et un phrasé qui, eux aussi, se transmettent aux autres narrateurs. Il rappelle à sa sœur qu'elle est éprise de beau langage et l'assure du bonheur qu'elle éprouvera à lire sa retranscription fidèle du récit de Victor, tant en illuminent {{citation|la clarté et la précision, puis une grande facilité d’expression, et une voix dont la richesse d’intonations est une musique qui plie l’âme}}<ref>{{harvsp|''Frankenstein ou le Prométhée moderne'', trad. et introduction de Germain d'Hangest|1922|p=non paginé|id=hangest}}, Lettre IV du 13 août 17.</ref>. Personne, au cours de cette succession, ne fait preuve de singularité expressive<ref name="Gregory Schneider"/>, et il semble qu'à chaque passage de témoin, l'auteur, Mary Shelley, s'éloigne de plus en plus, jusqu'à, du moins en apparence, abandonner la responsabilité narrative à ses délégués qui, chacun à son tour, occupent le devant de la scène, avant que les rênes ne soient reprises par le narrateur principal<ref name="Gregory Schneider"/>.


En un parallélisme rigoureux, en effet, ces récits se préfigurent l'un l'autre : l'entreprise de Walton, audacieuse et transgressive en soi, annonce les passages à l'acte, puis les errances de Frankenstein en des terres de désolation ; le premier a outrepassé l'injonction de son père tout comme le fera Victor, et le monstre lui aussi arpentera les pics et les plaines avant de semer la terreur et la désolation. Telle la mélopée du [[Chœur (théâtre)|chœur antique]], tous, souffrant de la même aliénation vis à vis de la chaîne humaine, se lamentent de leur solitude, Walton dès sa deuxième lettre, Victor après sa rencontre avec lui, le monstre lors de sa prise de parole. Tous échouent aussi à communiquer, d'où les catastrophes qui se succèdent et, sans doute, les constants transferts de la responsabilité narrative<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=50}}.</ref>.
En un parallélisme rigoureux, en effet, ces récits se préfigurent l'un l'autre : l'entreprise de Walton, audacieuse et transgressive en soi, annonce les passages à l'acte, puis les errances de Frankenstein en des terres de désolation ; le premier a outrepassé l'injonction de son père tout comme le fera Victor, et le monstre lui aussi arpentera les pics et les plaines avant de semer la terreur et la désolation. Telle la mélopée du [[Chœur (théâtre)|chœur antique]], tous, souffrant de la même aliénation vis-à-vis de la chaîne humaine, se lamentent de leur solitude, Walton dès sa deuxième lettre, Victor après sa rencontre avec lui, le monstre lors de sa prise de parole. Tous échouent aussi à communiquer, d'où les catastrophes qui se succèdent et, sans doute, les constants transferts de la responsabilité narrative<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=50}}.</ref>.


Au cœur du récit, en sa « matrice » (''{{lang|en|womb}}''), comme l'écrit Gregory Schneider, demeure le monstre<ref name="Gregory Schneider"/>, ce que comprend et révèle Walton dans sa dernière lettre :
Au cœur du récit, en sa « matrice » (''{{langue|en|womb}}''), comme l'écrit Gregory Schneider, demeure le monstre<ref name="Gregory Schneider"/>, ce que comprend et révèle Walton dans sa dernière lettre :


{{citation bloc|Vous avez lu, Margaret, cette étrange et effrayante histoire ; ne sentez-vous pas votre sang se glacer de la même horreur qui, en ce moment même, glace le mien ? Parfois, en proie à une souffrance atroce et soudaine, il ne pouvait continuer son histoire ; parfois, d’une voix brisée, mais perçante, il prononçait avec peine ces paroles si chargées de souffrance. Ses yeux nobles et charmants tantôt s’enflammaient d’indignation, tantôt exprimaient l’abattement du chagrin, éteints en une infinie misère. Parfois, il commandait à ses traits et à ses intonations, et racontait d’une voix calme les incidents les plus horribles en supprimant toute marque d’agitation ; puis, comme un volcan qui éclate, soudain sa physionomie exprimait la rage la plus effrénée, au milieu d’imprécations perçantes adressées à son persécuteur.<br />
{{citation bloc|Vous avez lu, Margaret, cette étrange et effrayante histoire ; ne sentez-vous pas votre sang se glacer de la même horreur qui, en ce moment même, glace le mien ? Parfois, en proie à une souffrance atroce et soudaine, il ne pouvait continuer son histoire ; parfois, d’une voix brisée, mais perçante, il prononçait avec peine ces paroles si chargées de souffrance. Ses yeux nobles et charmants tantôt s’enflammaient d’indignation, tantôt exprimaient l’abattement du chagrin, éteints en une infinie misère. Parfois, il commandait à ses traits et à ses intonations, et racontait d’une voix calme les incidents les plus horribles en supprimant toute marque d’agitation ; puis, comme un volcan qui éclate, soudain sa physionomie exprimait la rage la plus effrénée, au milieu d’imprécations perçantes adressées à son persécuteur.<br/>
Son récit est coordonné, et fait avec l’apparence d’une sincérité la plus simple ; je vous avoue cependant que les lettres de Félix et de Safie, qu’il m’a montrées, et, d’autre part, l’apparition du monstre aperçu de notre navire m’ont convaincu davantage de la véracité de son histoire que ses protestations elles-mêmes, si énergiques et si coordonnées qu’elles aient été. Il est donc vrai qu’un monstre semblable existe ! Je ne peux en douter ; et, pourtant, je suis éperdu de surprise et d’admiration. J’ai parfois essayé de savoir de Frankenstein les détails mêmes de sa création ; mais il est, sur ce point, resté impénétrable<ref>{{harvsp|''Frankenstein ou le Prométhée moderne'', trad. et introduction de Germain d'Hangest|1922|p=non paginé.|id=hangest}}</ref>.}}
Son récit est coordonné, et fait avec l’apparence d’une sincérité la plus simple ; je vous avoue cependant que les lettres de Félix et de Safie, qu’il m’a montrées, et, d’autre part, l’apparition du monstre aperçu de notre navire m’ont convaincu davantage de la véracité de son histoire que ses protestations elles-mêmes, si énergiques et si coordonnées qu’elles aient été. Il est donc vrai qu’un monstre semblable existe ! Je ne peux en douter ; et, pourtant, je suis éperdu de surprise et d’admiration. J’ai parfois essayé de savoir de Frankenstein les détails mêmes de sa création ; mais il est, sur ce point, resté impénétrable<ref>{{harvsp|''Frankenstein ou le Prométhée moderne'', trad. et introduction de Germain d'Hangest|1922|p=non paginé|id=hangest}}.</ref>.}}


===La lettre comme vecteur du récit===
==== La lettre comme vecteur du récit ====
Max Duperray écrit que la dynamique épistolaire du roman le structure de différentes façons<ref name="Max Duperray-55-56" />. Le lecteur prend plusieurs masques, Mrs Margaret Saville au loin, Robert Walton hypnotisé, Victor Frankenstein, à la fois acteur et jouet, le monstre bientôt redoutable [[Rhétorique|rhétoricien]]. D'autres lettres se présentent à souhait pour un témoignage approprié. Cette multiplicité de correspondants implique une certaine compétition quant à l'autorité narrative : avec eux, le roman fluctue en un va-et-vient de multiples versions de la même histoire<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=56}}.</ref>.
Max Duperray écrit que la dynamique épistolaire du roman le structure de différentes façons<ref name="Max Duperray-55-56" />. Le lecteur prend plusieurs masques, Mrs Margaret Saville au loin, Robert Walton hypnotisé, Victor Frankenstein, à la fois acteur et jouet, le monstre bientôt redoutable [[Rhétorique|rhétoricien]]. D'autres lettres se présentent à souhait pour un témoignage approprié. Cette multiplicité de correspondants implique une certaine compétition quant à l'autorité narrative : avec eux, le roman fluctue en un va-et-vient de multiples versions de la même histoire<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=56}}.</ref>.


Cependant, le modèle épistolaire s'avère insuffisant à rendre compte de tout : Walton se réfugie dans le [[Journal intime|journal]]<ref group="N">Il existe une différence en anglais entre ''{{lang|en|journal}}'' et ''{{lang|en|diary}}'' : le premier ressortit plus à la chronique, le second penche davantage vers l'intimité de soi. En français, on parle de « journal » et de « journal intime ».</ref>, et après avoir sauvé Victor des eaux glacées, ses lettres se font confessions [[Autobiographie|autobiographiques]]. Puis, le récit du monstre fait irruption dans l'espace narratif et l'occupe tout entier. Lorsque Walton reprend les rênes pour conclure, les formalités épistolaires disparaissent, comme si, écrit M. A. Favret, {{citation|le roman épistolaire restait impuissant à s'accommoder de la difformité qu'il [le monstre] représente}}<ref>M. A. Favret, « ''The Letters of Frankenstein'' », ''Genre'', 20, {{numéro|1}}, 1987, {{p.|12}}.</ref>.
Cependant, le modèle épistolaire s'avère insuffisant à rendre compte de tout : Walton se réfugie dans le [[Journal intime|journal]]<ref group="N">Il existe une différence en anglais entre ''{{langue|en|journal}}'' et ''{{langue|en|diary}}'' : le premier ressortit plus à la chronique, le second penche davantage vers l'intimité de soi. En français, on parle de « journal » et de « journal intime ».</ref>, et après avoir sauvé Victor des eaux glacées, ses lettres se font confessions [[Autobiographie|autobiographiques]]. Puis, le récit du monstre fait irruption dans l'espace narratif et l'occupe tout entier. Lorsque Walton reprend les rênes pour conclure, les formalités épistolaires disparaissent, comme si, écrit M. A. Favret, {{citation|le roman épistolaire restait impuissant à s'accommoder de la difformité qu'il [le monstre] représente}}<ref>M. A. Favret, « ''The Letters of Frankenstein'' », ''Genre'', 20, {{numéro|1}}, 1987, {{p.|12}}.</ref>.


À ce compte, dans quel genre ranger ''Frankenstein'' ? Roman épistolaire ou roman gothique ? Le lecteur peut hésiter parce que {{citation|son schéma structurel […] inclut plusieurs genres littéraires : épistolaire, rhétorique, lyrique, sentimental, mêlant adroitement le discours politique de l'époque, ceux de [[William Godwin|Godwin]], [[George Gordon Byron|Byron]], [[Edmund Burke|Burke]], au [[stéréotype]] [[Roman gothique|gothique]] et à l'[[John Milton|épopée chrétienne]] de la [[Bible]], avec une touche [[Orientalisme|orientaliste]]<ref group="N">Il s'agit de l'histoire de Safie et de sa mère.</ref> alors populaire et qu'on retrouve dans ''Vathek'' de Beckford}}<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=58}}.</ref>.
Selon Duperray, ''Frankenstein'' {{citation|inclut plusieurs genres littéraires : épistolaire, rhétorique, lyrique, sentimental, mêlant adroitement le discours politique de l'époque, ceux de [[William Godwin|Godwin]], [[Lord Byron|Byron]], [[Edmund Burke|Burke]], au [[stéréotype]] [[Roman gothique|gothique]] et à l'[[John Milton|épopée chrétienne]] de la [[Bible]], avec une touche [[Orientalisme|orientaliste]]<ref group="N">Il s'agit de l'histoire de Safie et de sa mère.</ref> alors populaire et qu'on retrouve dans ''Vathek'' de Beckford}}<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=58}}.</ref>.


===Métaphore ou parodie ?===
==== Métaphore ou parodie ====
Cette structure en récits emboîtés, qui donnent naissance à d'autres, qui eux-mêmes portent puis libèrent des histoires enfantant à leur tour, apparaît comme une métaphore de la grossesse et de l'accouchement, thème dominant du roman<ref>Marc Rubinstein, « ''My Accursed Origin: the Search for the Mother in Frankenstein'', ''Studies in Romanticism, 15, 1976, {{p.|97-115}}.</ref>. Quel en est le cœur, se demande R. J. Dunn ? Peut-être l'idylle domestique des De Lacey, modèle d'idéal domestique diffusant après coup sa douce bienveillance à travers les différentes couches narratives<ref>{{harvsp|R. J. Dunn|1974|p=414}}.</ref>, relié aux nostalgies de piété filiale, de sentiment fraternel et de bonheur domestique qu'exprime Victor, au besoin de calme harmonie familiale que Walton recherche par lettres interposées auprès de sa sœur, à la quête désespérée d'un lien parental menée par le monstre. Pourtant, les De Lacey sont des exilés vivant d'expédients, bénéficiant de la générosité cachée du monstre, et leur bonheur représente une exception au sein d'une société oppressive : le bonheur serait-il pour Mary Shelley une retraite passive loin de la tyrannie d'un monde sans pitié ? ou n'est-il à y voir qu'une parodie de la fiction sentimentale<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=59}}.</ref> ? L'ambiguïté demeure. En tous les cas, comme le note Gregory Schneider, en soi, la méthode de narration adoptée par Mary Shelley, est à l'image de ce que cette narration expose, {{citation|son propre monstre, un être littéraire organique, complet, avec son ensemble de forces et de failles}}<ref name="Gregory Schneider"/>.
Cette structure en récits emboîtés, qui donnent naissance à d'autres, qui eux-mêmes portent puis libèrent des histoires enfantant à leur tour, apparaît comme une métaphore de la grossesse et de l'accouchement, thème dominant du roman<ref>Marc Rubinstein, « ''My Accursed Origin: the Search for the Mother in Frankenstein'', ''Studies in Romanticism'', 15, 1976, {{p.|97-115}}.</ref>. D'après Dunn, le cœur en serait l'idylle domestique des De Lacey, modèle d'idéal domestique diffusant après coup sa bienveillance à travers les différentes couches narratives<ref>{{harvsp|Dunn|1974|p=414}}.</ref>, relié aux nostalgies de piété filiale, de sentiment fraternel et de bonheur domestique qu'exprime Victor, au besoin d'harmonie familiale que Walton recherche par lettres interposées auprès de sa sœur, à la quête désespérée d'un lien parental menée par le monstre. Pourtant, les De Lacey sont des exilés vivant d'expédients, bénéficiant de la générosité cachée du monstre, et leur bonheur représente une exception au sein d'une société oppressive : le bonheur serait pour Mary Shelley une retraite passive loin de la tyrannie d'un monde sans pitié ou elle se livre ici à une parodie de la fiction sentimentale<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=59}}.</ref>. Gregory Schneider souligne que la méthode de narration adoptée est à l'image même de ce que cette narration expose, qu'il considère comme {{citation|son propre monstre, un être littéraire organique, complet, avec son ensemble de forces et de failles}}<ref name="Gregory Schneider"/>.


Des faiblesses, en effet : Rand Miller montre qu'il est impossible d'établir une [[chronologie]] serrée<ref name="Rand Miller-60-73">{{harvsp|Rand Miller|1989|p=60-73}}.</ref> : bien que l'histoire soit dite se dérouler au {{s-|XVIII|e}}, les [[Anachronisme|anachronismes]] restent légion : Walton se réfère à ''[[La Complainte du vieux marin]]'' de [[Samuel Taylor Coleridge|Coleridge]] qui date de [[1798 en littérature|1798]], Frankenstein cite ''Mutability'' de [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]], publié en 1816, et ''Tintern Abbey'' de [[William Wordsworth|Wordsworth]], compris dans les ''[[Lyrical Ballads|Ballades lyriques]]'' de 1798. Il en est d'autres, [[Leigh Hunt]], [[Charles Lamb]], [[George Gordon Byron|Byron]], auteurs contemporains de Mary Shelley se trouvant placés dans un contexte relatif au siècle précédent. C'est là un cas d'« assymmétrie temporelle »<ref name="Max Duperray-53">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=53}}.</ref> qui, ajoute Rand Miller, reflète la dualité du texte faite d'illusion réaliste et d'angélisme (''{{lang|en|otherworldliness}}'')<ref name="Rand Miller-60-73"/>. Et pendant la poursuite, temps et espace se brouillent : Victor prétend être arrivé Outre-Manche en octobre et décembre de la même année, si bien qu'il se trouve à la fois, dit-il, {{citation|à l'intérieur et à l'extérieur de l'Angleterre}}<ref name="Max Duperray-53" />.
Au sujet des faiblesses, Rand Miller remarque qu'il est impossible d'établir une [[chronologie]] serrée<ref name="Rand Miller-60-73">{{harvsp|Rand Miller|1989|p=60-73}}.</ref> : bien que l'histoire soit dite se dérouler au {{s-|XVIII}}, les [[anachronisme]]s restent légion : Walton se réfère à ''[[La Complainte du vieux marin]]'' de [[Samuel Taylor Coleridge|Coleridge]] qui date de [[1798 en littérature|1798]], Frankenstein cite ''Mutability'' de [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]], publié en 1816, et ''Tintern Abbey'' de [[William Wordsworth|Wordsworth]], compris dans les ''[[Lyrical Ballads|Ballades lyriques]]'' de 1798. Il en est d'autres, [[Leigh Hunt]], [[Charles Lamb]], [[Lord Byron|Byron]], auteurs contemporains de Mary Shelley se trouvant placés dans un contexte relatif au siècle précédent. C'est là un cas d'« asymétrie temporelle »<ref name="Max Duperray-53">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=53}}.</ref> qui, ajoute Rand Miller, reflète la dualité du texte faite d'illusion réaliste et d'angélisme (''{{langue|en|otherworldliness}}'')<ref name="Rand Miller-60-73"/>. Et pendant la poursuite, temps et espace se brouillent : Victor prétend être arrivé Outre-Manche en octobre et décembre de la même année, si bien qu'il se trouve à la fois, dit-il, {{citation|à l'intérieur et à l'extérieur de l'Angleterre}}<ref name="Max Duperray-53" />.


===La « figure en forme de huit » (Muriel Spark)===
==== La « figure en forme de huit » (Muriel Spark) ====
[[Fichier:Midhowe Broch.jpg|thumb|alt=paysage des Orcades|Dans les [[Orcades]].]]
[[Fichier:Midhowe Broch.jpg|vignette|alt=paysage des Orcades|Dans les [[Orcades]].]]
À partir du chapitre V, le monstre prend le rôle de poursuivant et erre dans les régions où réside son créateur, massacrant ses proches faute de pouvoir le localiser ; puis, le savant voyage jusqu'aux [[Orcades]] où il est à nouveau débusqué. Il y a là ce que [[Muriel Spark]] présente comme des « huit » (''{{lang|en|figure-of-eight}}'')<ref>{{lien web|url=http://www.thefreedictionary.com/figure-of-eight|titre=''Figure-of-eight''|consulté le=15 juin 2013}}.</ref> exécutés par deux partenaires virtuoses qui se déplacent en des directions opposées tout en se suivant : la collision se situe à l'intersection des deux boucles du huit, quand Frankenstein se décide à supprimer la créature femelle qu'il a assemblée, puis le ballet reprend de plus belle. Alors les rôles s'inversent, tout comme les vitesses de déplacement, le poursuivant devenant le poursuivi et vice-versa, le monstre ralentissant tandis que Victor accélère sa cadence jusqu'à la frénésie. Et nouvel avatar [[Ironie|ironique]], la « délectation fanatique de la poursuite », comme la nomme Muriel Spark, s'est emparée de Victor, désormais convaincu, lui qui s'est pris pour le Créateur, que Dieu l'a choisi pour annihiler la créature qu'il a créée<ref>{{harvsp|Muriel Spark|1951|p=162-163}}.</ref>.
À partir du chapitre V, le monstre prend le rôle de poursuivant et erre dans les régions où réside son créateur, massacrant ses proches faute de pouvoir le localiser ; puis, le savant voyage jusqu'aux [[Orcades]] où il est à nouveau débusqué. [[Muriel Spark]] présente cela comme des « huit » (''{{langue|en|figure-of-eight}}'')<ref>{{lien web|url=http://www.thefreedictionary.com/figure-of-eight|titre=''Figure-of-eight''|consulté le=15 juin 2013}}.</ref> exécutés par deux partenaires virtuoses qui se déplacent en des directions opposées tout en se suivant : la collision se situe à l'intersection des deux boucles du huit, quand Frankenstein se décide à supprimer la créature femelle qu'il a assemblée, puis le ballet reprend de plus belle. Alors les rôles s'inversent, tout comme les vitesses de déplacement, le poursuivant devenant le poursuivi et vice-versa, le monstre ralentissant tandis que Victor accélère sa cadence jusqu'à la frénésie. Et nouvel avatar [[Ironie|ironique]], la « délectation fanatique de la poursuite », comme la nomme Muriel Spark, s'est emparée de Victor, désormais convaincu, lui qui s'est pris pour le Créateur, que Dieu l'a choisi pour annihiler la créature qu'il a créée<ref>{{harvsp|Muriel Spark|1951|p=162-163}}.</ref>.


En somme, l'architecture narrative du roman apparaît comme un jeu entre le [[Probabilité|probable]] et le [[Déterminisme|déterminé]], la [[liberté]] et le [[destin]]<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=54}}.</ref>, autant d'impulsions contradictoires chez des personnages en face de situations incontrôlables, éveillant la sympathie tout en encourant le blâme, acteurs d'un drame épouvantable secoués par des interprétations antagonistes : une oscillation entre ce que Rand Miller appelle « l'évolution et l'entropie »<ref name="Rand Miller">{{harvsp| Rand Miller|1989|p=24}}.</ref>.
En somme, l'architecture narrative du roman apparaît comme un jeu entre le [[Probabilité|probable]] et le [[Déterminisme|déterminé]], la [[liberté]] et le [[destin]]<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=54}}.</ref>, autant d'impulsions contradictoires chez des personnages en face de situations incontrôlables, éveillant la sympathie tout en encourant le blâme, acteurs d'un drame épouvantable secoués par des interprétations antagonistes : une oscillation entre ce que Rand Miller appelle « l'évolution et l'entropie »<ref name="Rand Miller">{{harvsp| Rand Miller|1989|p=24}}.</ref>.


==Sources du récit==
=== Sources du récit ===
Les sources du récit sont multiples, comprenant à la fois des éléments biographiques et ce que Max Duperray appelle {{citation|la nébuleuse intellectuelle et philosophique qui en entoure la genèse}}<ref name="Max Duperray-7">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=7}}.</ref>.
Les sources du récit sont multiples, comprenant à la fois des éléments biographiques et ce que Max Duperray appelle {{citation|la nébuleuse intellectuelle et philosophique qui en entoure la genèse}}<ref name="Max Duperray-7">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=7}}.</ref>.


===Les sources subjectives===
==== Sources subjectives ====
''Frankenstein'', écrit-il, {{citation|est une histoire de famille […] tous les personnages [se trouvant] être parents par la naissance ou par l'adoption et beaucoup [étant] aussi orphelins}}<ref name="Max Duperray-7"/>.
''Frankenstein'', écrit-il, {{citation|est une histoire de famille […] tous les personnages [se trouvant] être parents par la naissance ou par l'adoption et beaucoup [étant] aussi orphelins}}<ref name="Max Duperray-7"/>.
====Une ascendance exceptionnelle====
===== Origines de Mary Shelley =====
[[Fichier:WilliamGodwin.jpg|thumb|alt=portrait de Willian Godwin|upright=0.8|[[William Godwin]] en 1802.]]
[[Fichier:WilliamGodwin.jpg|vignette|alt=portrait de Willian Godwin|upright=0.8|[[William Godwin]] en 1802.]]
Selon Cathy Bernheim, l'ascendance de Mary Shelley est exceptionnelle : portant successivement plusieurs noms, elle hérite chaque fois d'une histoire de famille et grandit sous le signe du [[Radicalisme (Royaume-Uni)|radicalisme]] intellectuel et du [[Romantisme]] littéraire : poursuivie par la gloire ambiguë d'une mère de passion et de liberté, [[Mary Wollstonecraft]], la première [[Féminisme|féministe]] anglaise, elle est élevée par un père, [[William Godwin]], qui, à la fin du {{s-|XVIII|e}}, est le penseur le plus radical du pays et le chantre éclairé de la [[Révolution française]] ; enfant, elle fréquente des écrivains de renom, le poète [[Samuel Taylor Coleridge|Coleridge]] et l'essayiste [[Charles Lamb]]<ref name="Max Duperray-7"/> ; et elle s'éprend de [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]] qui pratique un véritable [[mystique|mysticisme]] de la raison<ref>{{harvsp|Cathy Bernheim|1988|p=36}}.</ref> et préfigure l'homme révolté<ref>{{harvsp|Monette Vacquin|1989|p=151}}.</ref>.
Selon Cathy Bernheim, l'ascendance de Mary Shelley est exceptionnelle : portant successivement plusieurs noms, elle hérite chaque fois d'une histoire de famille et grandit sous le signe du [[Radicalisme (Royaume-Uni)|radicalisme]] intellectuel et du [[Romantisme]] littéraire : poursuivie par la gloire ambiguë d'une mère de passion et de liberté, [[Mary Wollstonecraft]], la première [[Féminisme|féministe]] anglaise, elle est élevée par un père, [[William Godwin]], qui, à la fin du {{s-|XVIII}}, est le penseur le plus radical du pays et le chantre éclairé de la [[Révolution française]] ; enfant, elle fréquente des écrivains de renom, le poète [[Samuel Taylor Coleridge|Coleridge]] et l'essayiste [[Charles Lamb]]<ref name="Max Duperray-7"/> ; et elle s'éprend de [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]] qui pratique un véritable [[mystique|mysticisme]] de la raison<ref>{{harvsp|Cathy Bernheim|1988|p=36}}.</ref> et préfigure l'homme révolté<ref>{{harvsp|Monette Vacquin|1989|p=151}}.</ref>.


Pour autant, {{citation|ce cadre stupéfiant pour une enfance d'exception guidée par des esprits d'avant-garde}}<ref name="Max Duperray-9">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=9}}.</ref> prélude à une existence tragique. En effet, sa foi dans les idées novatrices, par exemple celle, [[William Godwin|godwinienne]], de la perfectibilité des choses, entraîne une volonté de libération immédiate et le passage à l'acte, ce qui fonde d'ailleurs l'histoire de Frankenstein puisque {{citation|de la métaphore de la création on passe à sa réalisation concrète et pseudo-scientifique}}<ref name="Max Duperray-9"/>, cette réalisation totale du désir se heurte à la barrière du réel et aux impératifs de la loi. Comme Mary et Shelley eux-mêmes, en butte, dès leur première escapade, à la colère des pères, l'inflexible patriarche Timothy Shelley, soucieux d'éviter toute souillure, et William Godwin se sentant outragé par tant de déraison, Walton, le premier narrateur qui encadre le récit, passe outre les interdits familiaux pour poursuivre une folle ambition<ref name="Max Duperray-9"/>.
Pour autant, {{citation|ce cadre stupéfiant pour une enfance d'exception guidée par des esprits d'avant-garde}}<ref name="Max Duperray-9">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=9}}.</ref> prélude à une existence tragique. En effet, sa foi dans les idées novatrices, par exemple celle, [[William Godwin|godwinienne]], de la perfectibilité des choses, entraîne une volonté de libération immédiate et le passage à l'acte, ce qui fonde d'ailleurs l'histoire de Frankenstein puisque {{citation|de la métaphore de la création on passe à sa réalisation concrète et pseudo-scientifique}}<ref name="Max Duperray-9"/>, cette réalisation totale du désir se heurte à la barrière du réel et aux impératifs de la loi. Comme Mary et Percy Bysshe Shelley eux-mêmes, en butte, dès leur première escapade, à la colère des pères, l'inflexible patriarche Timothy Shelley, soucieux d'éviter toute souillure, et William Godwin se sentant outragé par tant de déraison, Walton, le premier narrateur qui encadre le récit, passe outre les interdits familiaux pour poursuivre une folle ambition<ref name="Max Duperray-9"/>.


====Sous le signe du deuil====
===== Thème du deuil =====
Mary Shelley a perdu trois enfants, le bébé qu'elle rêve de réanimer en 1815, puis Clara (née en 1817) en septembre 1818, et William (né en 1816) en juin 1819<ref group=N>Clara meurt de [[dysenterie]] à Venise à l'âge d'un an, et William de [[Paludisme|malaria]] à Rome à trois ans et demi.</ref>. C'est en 1816, lors de l'été suivant son premier deuil que le couple qu'elle forme avec [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]] rejoint [[George Gordon Byron|Byron]] aux bords du [[Lac Léman|Léman]]. Groupe d'adolescents immatures et révoltés, des « monstres », écrit-elle dans son journal<ref>{{harvsp|Cathy Bernheim|1988|p=48}}.</ref>, tous sont empreints d'un rêve de renaissance, de recommencement, car l'arrière-fond reste morbide : tentatives de suicide au [[laudanum]] (réussie avec [[Fanny Imlay|Fanny]]), noyade volontaire de [[Percy Bysshe Shelley#Période sombre|Harriet]], garde de ses enfants retirée à Shelley, puis veuvage prématuré. Mary est {{citation|comme poursuivie par une fatalité}}<ref name="Max Duperray-11">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=11}}.</ref> et son premier roman est marqué par un destin funeste et expiatoire, avec des disparitions, des meurtres en série, des condamnations infâmes, un suicide. ''Frankenstein'' devient donc, selon la formulation de Monette Vacquin, {{citation|le premier acte de contention de la dépression […] Ce que Mary fait accomplir au monstre, elle le redoute pour elle-même ; le vide qu'il creuse tout autour de Victor, c'est celui dont la perspective l'épouvante}}<ref>{{harvsp|Monette Vacquin|1989|p=81}}.</ref>. De fait, comme l'a noté Jean-Jacques Lecercle, tous les personnages présentés dans la première phase du roman sont voués à un destin tragique ou à la solitude dans la deuxième<ref>{{harvsp|Jean-Jacques Lecercle|1988|p=23}}.</ref>.
Mary Shelley a perdu trois enfants, le bébé qu'elle rêve de réanimer en 1815, puis Clara (née en 1817) en septembre 1818, et William (né en 1816) en juin 1819<ref group=N>Clara meurt de [[dysenterie]] à Venise à l'âge d'un an, et William de [[Paludisme|malaria]] à Rome à trois ans et demi.</ref>. C'est en 1816, lors de l'été suivant son premier deuil que le couple qu'elle forme avec [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]] rejoint [[Lord Byron|Byron]] aux bords du [[Léman]]. Groupe d'adolescents immatures et révoltés, des « monstres », écrit-elle dans son journal<ref>{{harvsp|Cathy Bernheim|1988|p=48}}.</ref>, tous sont empreints d'un rêve de renaissance, de recommencement, car l'arrière-fond reste morbide : tentatives de suicide au [[laudanum]] (réussie avec [[Fanny Imlay]]), noyade volontaire de [[Percy Bysshe Shelley#Période sombre|Harriet]], garde de ses enfants retirée à Shelley, puis veuvage prématuré. Mary Shelley est {{citation|comme poursuivie par une fatalité}}<ref name="Max Duperray-11">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=11}}.</ref> et son premier roman est marqué par un destin funeste et expiatoire, avec des disparitions, des meurtres en série, des condamnations infâmes, un suicide. ''Frankenstein'' devient donc, selon la formulation de Monette Vacquin, {{citation|le premier acte de contention de la dépression […] Ce que Mary [Shelley] fait accomplir au monstre, elle le redoute pour elle-même ; le vide qu'il creuse tout autour de Victor, c'est celui dont la perspective l'épouvante}}<ref>{{harvsp|Monette Vacquin|1989|p=81}}.</ref>. De fait, comme l'a noté Jean-Jacques Lecercle, tous les personnages présentés dans la première phase du roman sont voués à un destin tragique ou à la solitude dans la deuxième<ref>{{harvsp|Jean-Jacques Lecercle|1988|p=23}}.</ref>.


====« Deux impulsions antagonistes » (Max Duperray)====
===== « Deux impulsions antagonistes » (Max Duperray) =====
Mary Poovey, d'après le journal intime de Mary et un chapitre écrit en 1838, note qu'une contradiction profonde la marque en tant qu'auteur face à son milieu<ref name="Mary Poovey-115-116">{{harvsp|Mary Poovey|1985|p=115-116}}.</ref>. Si elle tient à figurer dans une lignée de femmes écrivains, elle cherche aussi dans l'expression artistique une identité propre. Issue d'une grande famille littéraire où chacun rivalise de talent créatif<ref group="N">Claire Clairmont écrit à ce sujet : {{citation|<nowiki>Dans notre famille […] si on ne peut écrire une épopée ou un roman dont l'originalité assène un grand coup à tous les autres, on n'est que digne de mépris</nowiki>}}.</ref>{{,}}<ref name="Mary Poovey-115-116"/>, elle fait de l'écriture un exutoire et une expression de soi<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=12}}.</ref>.
Mary Poovey, d'après le journal intime de Mary Shelley et un chapitre écrit en 1838, note qu'une contradiction profonde la marque en tant qu'auteur face à son milieu<ref name="Mary Poovey-115-116">{{harvsp|Mary Poovey|1985|p=115-116}}.</ref>. Si elle tient à figurer dans une lignée de femmes écrivains, elle cherche aussi dans l'expression artistique une identité propre. Issue d'une grande famille littéraire où chacun rivalise de talent créatif<ref group="N">Claire Clairmont écrit à ce sujet : {{citation|Dans notre famille […] si on ne peut écrire une épopée ou un roman dont l'originalité assène un grand coup à tous les autres, on n'est que digne de mépris}}.</ref>{{,}}<ref name="Mary Poovey-115-116"/>, elle fait de l'écriture un exutoire et une expression de soi<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=12}}.</ref>.


De plus, bien que consciente de l'hostilité rencontrée par les idées de [[Mary Wollstonecraft|sa mère]], elle les met en pratique, en transgressant l'ordre établi, par sa fugue avec un [[Percy Bysshe Shelley|radical]] [[William Godwin|godwinien]], dont le maître à penser, son propre père, n'approuve pas cette liaison, ce qui {{citation|[pèse] sans doute lourd dans [son] univers mental}}. D'ailleurs, ''Frankenstein'' a été publié anonymement, {{citation|[…] par crainte du qu'en dira-t-on et peut-être aussi pour ne pas voir son œuvre écartée d'avance parce que celle d'une femme}}<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=13}}.</ref>. Aussi la critique [[Féminisme|féministe]] a-t-elle beau jeu de souligner que ce roman trahit un certain[[ conservatisme]] : narrateurs masculins, femmes réduites à un rôle secondaire, vertus domestiques exaltées<ref>Johanna M. Smith, ''Frankenstein, a Case Study in Contemporary Criticism'', Boston, Bedford Books of St. Martin's Press, 1992.</ref>.
De plus, bien que consciente de l'hostilité rencontrée par les idées de [[Mary Wollstonecraft|sa mère]], elle les met en pratique, en transgressant l'ordre établi, par sa fugue avec un [[Percy Bysshe Shelley|radical]] [[William Godwin|godwinien]], dont le maître à penser, son propre père, n'approuve pas cette liaison, ce qui {{citation|[pèse] sans doute lourd dans [son] univers mental}}. D'ailleurs, ''Frankenstein'' a été publié anonymement, {{citation|[…] par crainte du qu'en-dira-t-on et peut-être aussi pour ne pas voir son œuvre écartée d'avance parce que celle d'une femme}}<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=13}}.</ref>. Aussi la critique [[Féminisme|féministe]] souligne que le roman trahit un certain [[conservatisme]] : narrateurs masculins, femmes réduites à un rôle secondaire, vertus domestiques exaltées<ref>Johanna M. Smith, ''Frankenstein, a Case Study in Contemporary Criticism'', Boston, Bedford Books of St. Martin's Press, 1992.</ref>.


====Sous le signe du subconscient====
===== Thème du subconscient =====
[[Mary Shelley]] manifeste partout sa foi dans la connaissance par le rêve, clef, chez elle, d'une vérité seconde, déterminant la marche des événements tel un oracle<ref name="Max Duperray-17">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=17}}.</ref>. De fait, ''Frankenstein'' est fondé sur un songe<ref group="N">Comme le seront d'autres de ses romans, en particulier ''Mathilda''.</ref>. Selon [[Jean de Palacio]], plus qu'une forme de superstition, ce respect pour le sens des songes et la lecture de leurs signes correspond profondément à la personnalité de l'auteur<ref>{{harvsp|Jean de Palacio|1969|p=107}}.</ref>.
[[Mary Shelley]] manifeste partout sa foi dans la connaissance par le rêve, clef, chez elle, d'une vérité seconde, déterminant la marche des événements tel un oracle<ref name="Max Duperray-17">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=17}}.</ref>. De fait, ''Frankenstein'' est fondé sur un songe<ref group="N">Comme le seront d'autres de ses romans, en particulier ''Mathilda''.</ref>. Selon [[Jean de Palacio]], plus qu'une forme de superstition, ce respect pour le sens des songes et la lecture de leurs signes correspond profondément à la personnalité de l'auteur<ref>{{harvsp|Jean de Palacio|1969|p=107}}.</ref>.


Si le terme « rêve » a dans le roman plusieurs significations (songe d'une nuit, rêverie éveillée, méditation sur la création), c'est d'une plongée dans l'irréel que procède la fabrication du monstre<ref name="Max Duperray-17"/>, l'expression « comme dans un rêve » (''{{lang|en|as in a dream}}'') revenant, tel un ''[[leitmotiv]]''. De la [[métaphore]], on passe ensuite dans le rêve en tant que tel, prémonitoire, cauchemardesque, compensatoire, renvoyant toujours à [[#Un cauchemar fondateur et un environnement propice|celui, fondateur]], de Mary, présent dans le hors-texte de l'introduction, et à celui de Victor après l'apparition de la créature (''{{lang|en|the wildest dream}}'')<ref name="Max Duperray-17"/>. Ainsi, l'[[Rêve|onirisme]] s'avère essentiel pour le déchiffrement de ce conte situé au confluent de diverses sources : tendance visionnaire à la lecture des signes, utilisation de l'écriture comme révélation, présence du genre [[Roman gothique|gothique]]<ref name="Max Duperray-18">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=18}}.</ref>, d'où {{citation|la tension profonde entre l’''[[hybris|hubris]]'' et la révolte, entre [[Prométhée]] et [[Faust]], entre la nature et la société}}<ref name="Lecercle-24">{{harvsp|Jean-Jacques Lecercle|1988|p=24}}.</ref>.
Si le terme « rêve » a dans le roman plusieurs significations (songe d'une nuit, rêverie éveillée, méditation sur la création), c'est d'une plongée dans l'irréel que procède la fabrication du monstre<ref name="Max Duperray-17"/>, l'expression « comme dans un rêve » (''{{langue|en|as in a dream}}'') revenant, tel un ''[[leitmotiv]]''. De la [[métaphore]], on passe ensuite dans le rêve en tant que tel, prémonitoire, cauchemardesque, compensatoire, renvoyant toujours à [[#Un cauchemar fondateur et un environnement propice|celui, fondateur]], de Mary, présent dans le hors-texte de l'introduction, et à celui de Victor après l'apparition de la créature (''{{langue|en|the wildest dream}}'')<ref name="Max Duperray-17"/>. Ainsi, l'[[Rêve|onirisme]] s'avère essentiel pour le déchiffrement de ce conte situé au confluent de diverses sources : tendance visionnaire à la lecture des signes, utilisation de l'écriture comme révélation, présence du genre [[Roman gothique|gothique]]<ref name="Max Duperray-18">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=18}}.</ref>, d'où {{citation|la tension profonde entre l’''[[hybris|hubris]]'' et la révolte, entre [[Prométhée]] et [[Faust]], entre la nature et la société}}<ref name="Lecercle-24">{{harvsp|Jean-Jacques Lecercle|1988|p=24}}.</ref>.


===Les sources objectives===
==== Sources objectives ====
[[Fichier:Albatros coleridge.jpeg|thumb|alt=Illustration de La Complainte du vieux marin de Coleridge|left|upright=0.8||Illustration de ''La Complainte du vieux marin''.]]
[[Fichier:Albatros coleridge.jpeg|vignette|alt=Illustration de La Complainte du vieux marin de Coleridge|gauche|upright=0.8|Illustration de ''La Complainte du vieux marin''.]]
D'après Muriel Spark, deux forces sont à l'œuvre pour pourvoir au matériau du roman, la force subjective liée au [[surnaturel]] et le concept scientifique de la réanimation<ref>{{harvsp|Muriel Spark|1951|p=166}}.</ref>. Max Duperray ajoute que cette double corde appelle la comparaison avec ''[[La Complainte du vieux marin]]'' de [[Samuel Taylor Coleridge|Coleridge]]<ref group="N">''[[La Complainte du vieux marin]]'' (titre original : ''{{lang|en|The Rime of the Ancient Mariner}}''), composé entre 1797 et 1799, décrit les aventures surnaturelles d'un capitaine de bateau ayant fait naufrage. Le poème est souvent décrit comme une allégorie chrétienne.</ref>, référence permanente au [[surnaturel]], qu'il soit réel ou imaginaire, mais aussi celle de l'[[empirisme]] de [[William Godwin|Godwin]]<ref name="Max Duperray-18" />.
D'après Muriel Spark, deux forces sont à l'œuvre pour pourvoir au matériau du roman, la force subjective liée au [[surnaturel]] et le concept scientifique de la réanimation<ref>{{harvsp|Muriel Spark|1951|p=166}}.</ref>. Max Duperray ajoute que cette double corde appelle la comparaison avec ''[[La Complainte du vieux marin]]'' de [[Samuel Taylor Coleridge|Coleridge]], référence permanente au [[surnaturel]], qu'il soit réel ou imaginaire, mais aussi celle de l'[[empirisme]] de [[William Godwin|Godwin]]<ref name="Max Duperray-18" />.
====La fascination pour les sciences naturelles====
===== Fascination pour les sciences naturelles =====
[[Mary Shelley]] s'intéresse particulièrement aux [[science de la nature|sciences naturelles]], auxquelles elle fait constamment allusion dans le livre : la [[chimie]] de [[Humphry Davy]], la [[botanique]] d'[[Erasmus Darwin]], la [[physique]] de [[Luigi Galvani|Galvani]]<ref name="Max Duperray-19">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=19}}.</ref>. D'ailleurs, la seconde préface, écrite de sa main, évoque la possibilité que le [[galvanisme]] réanime un corps mort, et la première, rédigée par [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]], insiste sur la {{citation|vérité dont dépend l'histoire sans les inconvénients des contes de spectres et de magie}}<ref>[[Percy Bysshe Shelley]], Préface de ''Frankenstein'', 1818.</ref>. Max Duperray lie cette foi en l'électricité à la fascination pour la nature, ses terrifiantes potentialités, ses tempêtes et ses éclairs<ref name="Max Duperray-19"/>. Si ''Frankenstein'' n'en doit pas pour autant être considéré comme annonçant la [[science-fiction]], {{citation|les redoutables pouvoirs à l'œuvre dans la recherche scientifique [permettent à Mary], selon le schéma [[Le Paradis perdu|miltonien]], de réactiver le vieux mythe de l'usurpation de la divinité comme agent de création}}<ref name="Max Duperray-19"/>.
[[Mary Shelley]] s'intéresse particulièrement aux [[science de la nature|sciences naturelles]], auxquelles elle fait constamment allusion dans le livre : la [[chimie]] de [[Humphry Davy]], la [[botanique]] d'[[Erasmus Darwin]], la [[physique]] de [[Luigi Galvani|Galvani]]<ref name="Max Duperray-19">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=19}}.</ref>. D'ailleurs, la seconde préface, écrite de sa main, évoque la possibilité que le [[galvanisme]] réanime un corps mort, et la première, rédigée par [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]], insiste sur la {{citation|vérité dont dépend l'histoire sans les inconvénients des contes de spectres et de magie}}<ref>[[Percy Bysshe Shelley]], Préface de ''Frankenstein'', 1818.</ref>. Max Duperray lie cette foi en l'électricité à la fascination pour la nature, ses terrifiantes potentialités, ses tempêtes et ses éclairs<ref name="Max Duperray-19"/>. Si ''Frankenstein'' n'en doit pas pour autant être considéré comme annonçant la [[science-fiction]], {{citation|les redoutables pouvoirs à l'œuvre dans la recherche scientifique [permettent à Mary], selon le schéma [[Le Paradis perdu (John Milton)|miltonien]], de réactiver le vieux mythe de l'usurpation de la divinité comme agent de création}}<ref name="Max Duperray-19"/>.


===== Influence de l'œuvre de John Milton =====
====L'influence miltonienne====
{{Article détaillé|Sources miltoniennes de Frankenstein{{!}}Sources miltoniennes de ''Frankenstein''}}
{{Article détaillé|Sources miltoniennes de Frankenstein{{!}}Sources miltoniennes de ''Frankenstein''}}
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John-milton.jpg|alt=portrait de John Milton|[[John Milton]].
John-milton.jpg|alt=portrait de John Milton|[[John Milton]].
milton paradise.jpg|alt=Couverture de la première édition de ''{{lang|en|Paradise Lost}}''|Couverture de la première édition de ''{{lang|en|Paradise Lost}}''.
milton paradise.jpg|alt=Couverture de la première édition de Paradise Lost|Couverture de la première édition de ''{{langue|en|Paradise Lost}}''.
GustaveDoreParadiseLostSatanProfile.jpg|alt=gravure de Gustave Doré représentant Satan|Satan dans ''Le Paradis perdu'' ([[Gustave Doré]]).
GustaveDoreParadiseLostSatanProfile.jpg|alt=gravure de Gustave Doré représentant Satan|Satan dans ''Le Paradis perdu'' ([[Gustave Doré]]).
Paradise Lost 16.jpg|alt=gravure de Gustave Doré représentant Ève parlant à Adam|Ève parlant à Adam dans ''Le Paradis perdu'' ([[Gustave Doré]]).
Paradise Lost 16.jpg|alt=gravure de Gustave Doré représentant Ève parlant à Adam|Ève parlant à Adam dans ''Le Paradis perdu'' ([[Gustave Doré]]).
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La référence au mythe de [[Prométhée]] que contient le titre va de pair avec l'épigraphe issue du ''{{lang|en|Paradis perdu}}'' : {{citation étrangère|lang=en|Did I request thee, Maker, from my clay / To mould a man? Did I solicit thee? / From darkness to promote me?}} (« T'ai-je demandé, Créateur, de façonner mon argile en homme / T'ai-je sollicité de me promouvoir à la lumière ? »<ref>[[John Milton]], ''Paradise Lost'', Livre X, vers 743–745.</ref>{{,}}<ref group="N">Il s'agit là de la plainte d'[[Adam]] pleurant sa chute.</ref>. L'[[épopée]] de Milton fascinait la maison [[William Godwin|Godwin]] et Mary parle dans son journal de l'influence qu'elle en a reçue, en particulier le thème de {{citation|la tentation du savoir et le châtiment de l'aliénation}} ({{citation étrangère|lang=en|the temptation of knowledge and the punishment of estrangement}})<ref name="Max Duperray-20">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=20}}.</ref>. De plus, le poème devient l'une des lectures préférées du monstre, et tel le Dieu de Milton, Victor a l'ambition de créer une nouvelle espèce, tandis qu'ironiquement, la créature laissée sans soin se transforme en un second [[Satan]]<ref>{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=44}}.</ref>, rebelle parce que désespéré<ref name="Max Duperray-20"/>.
La référence au mythe de [[Prométhée]] que contient le titre va de pair avec l'épigraphe issue du ''{{langue|en|Paradis perdu}}'' : {{citation étrangère|lang=en|Did I request thee, Maker, from my clay / To mould a man? Did I solicit thee? / From darkness to promote me?}} (« T'ai-je demandé, Créateur, de façonner mon argile en homme / T'ai-je sollicité de me promouvoir à la lumière ? »<ref>[[John Milton]], ''Paradise Lost'', Livre X, vers 743–745.</ref>{{,}}<ref group="N">Il s'agit là de la plainte d'[[Adam]] pleurant sa chute.</ref>. L'[[épopée]] de Milton fascinait la maison [[William Godwin|Godwin]] et Mary parle dans son journal de l'influence qu'elle en a reçue, en particulier le thème de {{citation|la tentation du savoir et le châtiment de l'aliénation}} ({{citation étrangère|lang=en|the temptation of knowledge and the punishment of estrangement}})<ref name="Max Duperray-20">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=20}}.</ref>. De plus, le poème devient l'une des lectures préférées du monstre, et tel le Dieu de Milton, Victor a l'ambition de créer une nouvelle espèce, tandis qu'ironiquement, la créature laissée sans soin se transforme en un second [[Satan]]<ref>{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=44}}.</ref>, rebelle parce que désespéré<ref name="Max Duperray-20"/>.


Le poème de Milton présente le thème chrétien de la [[Création (théologie)|Création]], recoupant en partie, outre le mythe fondateur d'[[Icare]], l'homme-oiseau détruit par l'ordre physique de l'univers<ref>[[Geneviève Férone]], [[Jean-Didier Vincent]], ''Bienvenue en Transhumanie : Sur l'homme de demain'', Paris, Grasset, 2011, 304 pages, {{2e}} partie, chapitre 1.</ref>, la légende [[prométhée|prométhéenne]] du [[Titan (mythologie)|Titan]] victime de la colère de [[Zeus]], très prisée des [[Romantisme|Romantiques]]<ref name="Max Duperray-20"/>, en particulier de [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]] qui célèbre le Prométhée délivré<ref group="N">Voir son ''{{lang|en|Prometheus Unbound}}''.</ref>, et rappelant aussi le mythe de [[Faust]]<ref name="Essaka">Essaka Joshua, ''Mary Shelley: Frankenstein'', Humanities-Ebooks, 2008, 77 p.</ref> que la soif du savoir conduit au [[blasphème]]<ref name="Lecercle-24" />. En effet, les références morales abondent pour accompagner le processus de la fabrication d'un être artificiel, monté à partir de chairs mortes exhumées de charniers, qui s'humanise jusqu'à éveiller la sympathie et s'avère capable de raconter le désastre de sa rencontre avec le monde dans lequel il a été lâché<ref name="Max Duperray-20"/>.
Le poème de Milton présente le thème chrétien de la [[Création (Bible)|Création]], recoupant en partie, outre le mythe fondateur d'[[Icare]], l'homme-oiseau détruit par l'ordre physique de l'univers<ref>[[Geneviève Férone]], [[Jean-Didier Vincent]], ''Bienvenue en Transhumanie : Sur l'homme de demain'', Paris, Grasset, 2011, {{nobr|304 pages}}, {{2e|partie}}, {{nobr|chapitre 1}}.</ref>, la légende [[prométhée]]nne du [[Titan (mythologie)|Titan]] victime de la colère de [[Zeus]], très prisée des [[Romantisme|Romantiques]]<ref name="Max Duperray-20"/>, en particulier de [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]] qui célèbre le Prométhée délivré<ref group="N">Voir son ''{{langue|en|Prometheus Unbound}}''.</ref>, et rappelant aussi le mythe de [[Faust]]<ref name="Essaka">{{Ouvrage|prénom1=Joshua|nom1=Essaka|titre=Mary Shelley|sous-titre=Frankenstein|éditeur=Humanities-Ebooks|année=2008|pages totales=77|isbn=}}</ref> que la soif du savoir conduit au [[blasphème]]<ref name="Lecercle-24" />. En effet, les références morales abondent pour accompagner le processus de la fabrication d'un être artificiel, monté à partir de chairs mortes exhumées de charniers, qui s'humanise jusqu'à éveiller la sympathie et s'avère capable de raconter le désastre de sa rencontre avec le monde dans lequel il a été lâché<ref name="Max Duperray-20"/>.


Cependant, le schéma [[Christianisme|chrétien]] dépasse le thème de la création et, au lieu de distribuer des rôles bien définis, Mary Shelley fait en sorte que ses deux personnages principaux, Victor et sa créature, se comparent ou font appel aux mêmes personnages du ''Paradis perdu''. Frankenstein se déclare un nouvel ange déchu à la fois Adam et Ange déchus, homme et Satan : {{citation étrangère|lang=en|the apple was already easten and the angel's arm bared to drive me from all hope}} (« la pomme avait déjà été croquée et le bras de l'ange dénudé pour me chasser de tout espoir »)<ref>Mary Shelley, ''Frankenstein'', chapitre XXII.</ref>, ou encore {{citation étrangère|lang=en|like an archangel who aspired to omnipotence, I am chained in eternal hell}} (tel l'archange qui aspirait à la toute-puissance, me voici enchaîné dans l'éternel enfer »)<ref>Mary Shelley, ''Frankenstein'', chapitre XXIV.</ref>. James Rieger en tire la conclusion qu'il s'agit là d'une morale miltonienne selon laquelle les êtres déchus sont {{citation| leur propre tentation, leur propre dépravation […] la conscience se crée et se détruit}}<ref>{{harvsp|James Rieger|1963|p=XXXIII}}</ref>. Dans ''Frankenstein'', l'enfer de soi réapparaît dans les terres [[Arctique|arctiques]], mais inversé : cette fois, c'est la proie qui devient le prédateur et le prédateur la proie<ref name="Robert Ferrieux-43" />.
Cependant, le schéma [[Christianisme|chrétien]] dépasse le thème de la création et, au lieu de distribuer des rôles bien définis, Mary Shelley fait en sorte que ses deux personnages principaux, Victor et sa créature, se comparent ou font appel aux mêmes personnages du ''Paradis perdu''. Frankenstein se déclare un nouvel ange déchu à la fois Adam et Ange déchus, homme et Satan : {{citation étrangère|lang=en|the apple was already easten and the angel's arm bared to drive me from all hope}} (« la pomme avait déjà été croquée et le bras de l'ange dénudé pour me chasser de tout espoir »)<ref>Mary Shelley, ''Frankenstein'', chapitre XXII.</ref>, ou encore {{citation étrangère|lang=en|like an archangel who aspired to omnipotence, I am chained in eternal hell}} (tel l'archange qui aspirait à la toute-puissance, me voici enchaîné dans l'éternel enfer »)<ref>Mary Shelley, ''Frankenstein'', chapitre XXIV.</ref>. James Rieger en tire la conclusion qu'il s'agit là d'une morale miltonienne selon laquelle les êtres déchus sont {{citation| leur propre tentation, leur propre dépravation […] la conscience se crée et se détruit}}<ref>{{harvsp|James Rieger|1963|p=XXXIII}}.</ref>. Dans ''Frankenstein'', l'enfer de soi réapparaît dans les terres [[arctique]]s, mais inversé : cette fois, c'est la proie qui devient le prédateur et le prédateur la proie<ref name="Robert Ferrieux-43" />.


Ainsi, l'influence miltonienne de ''Frankenstein'' se résume essentiellement à trois composants : le concept [[Faust|faustien]] de l'ivresse mortifère du savoir, la « nouvelle espèce » se métamorphosant en un « nouveau [[Satan]] » et l'intériorisation de l'Enfer<ref name="Max Duperray-21">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=21}}.</ref>.
Ainsi, l'influence miltonienne de ''Frankenstein'' se résume essentiellement à trois composants : le concept [[faust]]ien de l'ivresse mortifère du savoir, la « nouvelle espèce » se métamorphosant en un « nouveau [[Satan]] » et l'intériorisation de l'Enfer<ref name="Max Duperray-21">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=21}}.</ref>.


====Le Romantisme====
===== Le Romantisme =====
Le monstre raconte son histoire et, en particulier celle de son éveil à la conscience sociale jusqu'à sa rencontre avec son créateur dans les [[Alpes]]. Par lui affleurent ainsi les sources philosophiques et toute la dimension intellectuelle propres à son histoire d'épouvante<ref name="Max Duperray-21"/>. En quelque sorte, cette créature, d'abord nimbée d'innocence vierge, représente le type même de « l'homme [[État de nature|naturel]] », son récit récapitulant les différentes phases de son ascension à la [[civilisation]]<ref name="Robert Ferrieux-43">{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=43}}.</ref>. En cela, malgré le risque narratif inhérent à toute digression didactique<ref name="Max Duperray-21"/>, Mary Shelley puise abondamment dans son patrimoine culturel, surtout dans les écrits des philosophes du {{s-|XVIII|e}} et aussi de ses proches, [[William Godwin|son père]] et [[Percy Bysshe Shelley|son mari]]. Ainsi, elle se fait, par monstre interposé, le porte-parole d'idées empruntées à [[John Locke|Locke]] et [[Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]], puis [[William Godwin|Godwin]] et [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]]<ref name="Robert Ferrieux-43"/>.
Le monstre raconte son histoire et, en particulier celle de son éveil à la conscience sociale jusqu'à sa rencontre avec son créateur dans les [[Alpes]]. Par lui affleurent ainsi les sources philosophiques et toute la dimension intellectuelle propres à son histoire d'épouvante<ref name="Max Duperray-21"/>. En quelque sorte, cette créature, d'abord nimbée d'innocence vierge, représente le type même de « l'homme [[État de nature|naturel]] », son récit récapitulant les différentes phases de son ascension à la [[civilisation]]<ref name="Robert Ferrieux-43">{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=43}}.</ref>. En cela, malgré le risque narratif inhérent à toute digression didactique<ref name="Max Duperray-21"/>, Mary Shelley puise abondamment dans son patrimoine culturel, surtout dans les écrits des philosophes du {{s-|XVIII}} et aussi de ses proches, [[William Godwin|son père]] et [[Percy Bysshe Shelley|son mari]]. Ainsi, elle se fait, par monstre interposé, le porte-parole d'idées empruntées à [[John Locke|Locke]] et [[Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]], puis [[William Godwin|Godwin]] et [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]]<ref name="Robert Ferrieux-43"/>.


=====Les théoriciens du {{s-|XVIII|e}}=====
====== Les théoriciens du {{s-|XVIII}} ======
[[Fichier:JohnLocke.png|thumb|alt=portrait de John Locke|upright=0.8|[[John Locke]] par Sir [[Godfrey Kneller]] (1697).]]
[[Fichier:JohnLocke.png|vignette|alt=portrait de John Locke|upright=0.8|[[John Locke]] par Sir [[Godfrey Kneller]] (1697).]]
L'''[[Essai sur l'entendement humain]]'' (''{{lang|en|Essay concerning Human Understanding}}'') de [[John Locke]] (1632-1704)<ref group="N"> Qualifié par [[John Stuart Mill]] d'{{citation|indubitable fondateur de la philosophie analytique de l'esprit}}, l'essai de [[John Locke]] a été traduit en français. Les plus récentes éditions sont : ''Essai philosophique sur l'entendement humain : Livres I et II'', traduction par Jean-Michel Vienne, Paris, Vrin, 2002 et ''Essai philosophique sur l'entendement humain : Livres III et IV'', traduction par Jean-Michel Vienne, Paris, Vrin, 2006.</ref>, publié en 1689, s'est vu complété en 1693 par ''[[Pensées sur l'éducation]]'' (''{{lang|en|Essay on Education}}''). Le fondement de toute idée est l'expérience, c'est-à-dire {{citation|l'observation des choses extérieures et des opérations internes de l'esprit}}, soit « sensation » ou « réflexion »<ref name="Robert Ferrieux-43"/>.
L{{'}}''[[Essai sur l'entendement humain]]'' (''{{langue|en|Essay concerning Human Understanding}}'') de [[John Locke]] (1632-1704)<ref group="N">Qualifié par [[John Stuart Mill]] d'{{citation|indubitable fondateur de la philosophie analytique de l'esprit}}, l'essai de [[John Locke]] a été traduit en français. Les plus récentes éditions sont : ''Essai philosophique sur l'entendement humain : Livres I et II'', traduction par Jean-Michel Vienne, Paris, Vrin, 2002 et ''Essai philosophique sur l'entendement humain : Livres III et IV'', traduction par Jean-Michel Vienne, Paris, Vrin, 2006.</ref>, publié en 1689, s'est vu complété en 1693 par ''[[Pensées sur l'éducation]]'' (''{{langue|en|Essay on Education}}''). Le fondement de toute idée est l'expérience, c'est-à-dire {{citation|l'observation des choses extérieures et des opérations internes de l'esprit}}, soit « sensation » ou « réflexion »<ref name="Robert Ferrieux-43"/>.


La sensation ressortit à la « qualité », soit « primaire » (taille, mobilité, nombre) ou « secondaire », attribuée par l'esprit selon la perception qu'il en a. Les idées se présentant souvent en groupe, l'esprit leur présuppose un substrat dit « substance » dont l'origine reste inconnue. Le savoir, intuitif, c'est-à-dire direct, ou « démonstratif », soit par l'intermédiaire d'une autre idée, consiste en la perception de l'accord ou du désaccord entre les idées. Ainsi, l'intuition perçoit l'existence individuelle, la démonstration, celle de Dieu ; en tout état de cause, le savoir reste limité au ''{{lang|la|hic and nunc}}'' et s'avère impuissant à prouver la nécessité de la coexistence des idées perçues<ref name="Robert Ferrieux-43"/>.
La sensation ressortit à la « qualité », soit « primaire » (taille, mobilité, nombre) ou « secondaire », attribuée par l'esprit selon la perception qu'il en a. Les idées se présentant souvent en groupe, l'esprit leur présuppose un substrat dit « substance » dont l'origine reste inconnue. Le savoir, intuitif, c'est-à-dire direct, ou « démonstratif », soit par l'intermédiaire d'une autre idée, consiste en la perception de l'accord ou du désaccord entre les idées. Ainsi, l'intuition perçoit l'existence individuelle, la démonstration, celle de Dieu ; en tout état de cause, le savoir reste limité au ''{{langue|la|hic and nunc}}'' et s'avère impuissant à prouver la nécessité de la coexistence des idées perçues<ref name="Robert Ferrieux-43"/>.


[[Fichier:EmileTitle.jpeg|thumb|upright=0.8|alt=couverture de l'Émile de Rousseau|left|''[[Émile ou De l'éducation]]'', édition hollandaise.]]
[[Fichier:EmileTitle.jpeg|vignette|upright=0.8|alt=couverture de l'Émile de Rousseau|gauche|''[[Émile ou De l'éducation]]'', édition hollandaise.]]
''[[Émile ou De l'éducation|L'Émile]]'', publié en 1762 par [[Jean-Jacques Rousseau]] se présente comme un traité d'éducation des jeunes garçons divisé en quatre livres : « Le nourrisson », « L'âge de la nature », « La puberté », « L’âge adulte : le mariage, la famille, et l’éducation des femmes »<ref>{{lien web
''[[Émile ou De l'éducation|L'Émile]]'', publié en 1762 par [[Jean-Jacques Rousseau]] se présente comme un traité d'éducation des jeunes garçons divisé en quatre livres : « Le nourrisson », « L'âge de la nature », « La puberté », « L’âge adulte : le mariage, la famille, et l’éducation des femmes »<ref>{{lien web
|url=http://www.rousseau-2012.fr/connaitre-rousseau/loeuvre-et-lesprit-de-rousseau/rousseau-et-leducation
|url=http://www.rousseau-2012.fr/connaitre-rousseau/loeuvre-et-lesprit-de-rousseau/rousseau-et-leducation
|titre=''[[Émile ou De l'éducation]]''
|titre=''Émile ou De l'éducation''
|consulté le=3 juin 2013}}.</ref>.
|consulté le=3 juin 2013}}.</ref>.


Il fonde sa doctrine éducative sur le retour à la nature : né et élevé dans la campagne, nourri au sein, libéré des langes, l'homme reçoit une éducation qui se fixe comme but la libération par l'exemple du cœur et de l'intelligence. L'instruction s'opère par l'observation des phénomènes naturels et de la solidarité sociale. L'éducation morale, fondée sur le respect et l'estime de soi, est confiée à l'étude de l'histoire ancienne et de la vie des hommes célèbres du passé, puis par le voyage. La religion est d'ordre naturel et non révélée, avec une divinité bienveillante régulant l'univers, une âme immortelle, la justice et la vertu innées. Quant à la femme, elle se doit d'être élevée pour servir et consoler l'homme, auquel elle doit docilité et soumission<ref name="Robert Ferrieux-43"/>.
Il fonde sa doctrine éducative sur le retour à la nature : né et élevé dans la campagne, nourri au sein, libéré des langes, l'homme reçoit une éducation qui se fixe comme but la libération par l'exemple du cœur et de l'intelligence. L'instruction s'opère par l'observation des phénomènes naturels et de la solidarité sociale. L'éducation morale, fondée sur le respect et l'estime de soi, est confiée à l'étude de l'histoire ancienne et de la vie des hommes célèbres du passé, puis par le voyage. La religion est d'ordre naturel et non révélée, avec une divinité bienveillante régulant l'univers, une âme immortelle, la justice et la vertu innées. Quant à la femme, elle se doit d'être élevée pour servir et consoler l'homme, auquel elle doit docilité et soumission<ref name="Robert Ferrieux-43"/>.


Les premiers chapitres du récit du monstre présentent des éléments empruntés à Locke comme à Rousseau. Deux grandes étapes sont distinguées : l'éveil à la conscience cognitive et l'accession à la conscience morale. La première s'effectue par paliers, l'accès au souvenir, ce qui implique une pensée préalable à l'acquisition du langage, l'apprentissage des sensations et des perceptions, lumière, plaisir, cause et effet{{etc}}<ref>{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=44-45}}.</ref> ; la seconde s'effectue d'abord négativement face à « la barbarie humaine », puis positivement grâce à la famille De Lacey, pourvoyeuse de beauté (musique), de douceur (la fille du logis), permettant la compréhension des relations familiales et aussi de la différence entre les classes de la société ; enfin vient l'apprentissage de la lecture (''[[Les Souffrances du jeune Werther|Werther]]'', [[Plutarque]], [[John Milton|Milton]], [[Volney]]) et de l'écriture<ref>{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=46}}.</ref>.
Les premiers chapitres du récit du monstre présentent des éléments empruntés à Locke comme à Rousseau. Deux grandes étapes sont distinguées : l'éveil à la conscience cognitive et l'accession à la conscience morale. La première s'effectue par paliers, l'accès au souvenir, ce qui implique une pensée préalable à l'acquisition du langage, l'apprentissage des sensations et des perceptions, lumière, plaisir, cause et effet{{etc.}}<ref>{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=44-45}}.</ref> ; la seconde s'effectue d'abord négativement face à « la barbarie humaine », puis positivement grâce à la famille De Lacey, pourvoyeuse de beauté (musique), de douceur (la fille du logis), permettant la compréhension des relations familiales et aussi de la différence entre les classes de la société ; enfin vient l'apprentissage de la lecture (''[[Les Souffrances du jeune Werther|Werther]]'', [[Plutarque]], [[John Milton|Milton]], [[Volney]]) et de l'écriture<ref>{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=46}}.</ref>.


Cependant, Mary Shelley s'efforce de dissocier l'impression qu'a Victor de sa créature de celle qu'elle souhaite faire naître chez le lecteur : si le premier se convainc que le monstre est l'incarnation du mal, il appartient au second de comprendre que cette méchanceté ne lui est pas innée mais le résultat du contact avec la société, le mépris, le rejet provoquant sa métamorphose en être vengeur et meurtrier. En cela, Mary Shelley reste fidèle aux enseignements de [[John Locke|Locke]] qu'elle a lu en 1815<ref name="Max Duperray-23" />, de [[Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]], également mentionné dans son journal, et de [[William Godwin]]<ref name="Robert Ferrieux-47">{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=47}}.</ref>. La plaidoirie pour l'obtention d'une compagne renvoie au ''[[Le Paradis perdu|Paradis perdu]]'' de [[John Milton|Milton]] : bien que Mary Shelley ne fasse aucune allusion à des besoins sexuels, la réalisation de cet être femelle par le même créateur (géniteur en quelque sorte) implique une possible relation [[Inceste|incestueuse]], ce qui ajoute à la violence faite à la mère-nature et aggrave le blasphème<ref name="Robert Ferrieux-47"/>{{,}}<ref group="N">Le mode d'éducation choisi par Mary Shelley trouve également son origine dans la mode du {{s-|XVIII|e}} mettant en scène un observateur naïf des mœurs de la société, cette naïveté servant d'arme pour en dénoncer les abus ; ainsi, les ''[[Lettres persanes]] de [[Montesquieu]] et ''[[L'Ingénu]]'' de [[Voltaire]].</ref>.
Cependant, Mary Shelley s'efforce de dissocier l'impression qu'a Victor de sa créature de celle qu'elle souhaite faire naître chez le lecteur : si le premier se convainc que le monstre est l'incarnation du mal, il appartient au second de comprendre que cette méchanceté ne lui est pas innée mais le résultat du contact avec la société, le mépris, le rejet provoquant sa métamorphose en être vengeur et meurtrier. En cela, Mary Shelley reste fidèle aux enseignements de [[John Locke|Locke]] qu'elle a lu en 1815<ref name="Max Duperray-23" />, de [[Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]], également mentionné dans son journal, et de [[William Godwin]]<ref name="Robert Ferrieux-47">{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=47}}.</ref>. La plaidoirie pour l'obtention d'une compagne renvoie au ''[[Le Paradis perdu (John Milton)|Paradis perdu]]'' de [[John Milton|Milton]] : bien que Mary Shelley ne fasse aucune allusion à des besoins sexuels, la réalisation de cet être femelle par le même créateur (géniteur en quelque sorte) implique une possible relation [[Inceste|incestueuse]], ce qui ajoute à la violence faite à la mère-nature et aggrave le blasphème<ref name="Robert Ferrieux-47"/>{{,}}<ref group="N">Le mode d'éducation choisi par Mary Shelley trouve également son origine dans la mode du {{s-|XVIII}} mettant en scène un observateur naïf des mœurs de la société, cette naïveté servant d'arme pour en dénoncer les abus ; ainsi, les ''[[Lettres persanes]]'' de [[Montesquieu]] et ''[[L'Ingénu]]'' de [[Voltaire]].</ref>.


====La Révolution française et les Romantiques====
===== La Révolution française et les Romantiques =====
Aussi bien [[William Godwin|Godwin]] que [[William Wordsworth|Wordsworth]] ont été convaincus que la [[Révolution française]] ouvrait une nouvelle ère d'espoir : débarrassée du despotisme, la société pouvait désormais se rénover par la raison universelle, le nouvel ordre se fondant sur les [[droits de l'homme]]<ref name="Max Duperray-22" />. D'ailleurs la préface des ''[[Lyrical Ballads|Ballades lyriques]]'', rédigée pour l'édition de [[1798 en littérature|1798]] par Wordsworth prévoit l'avènement d'un homme nouveau. Le héros de Mary Shelley, Frankenstein, agit en conformité avec ce principe, soucieux dès le départ de créer une version parfaite de l'être humain et, tout comme Walton, le premier narrateur, cet explorateur [[Idéalisme (philosophie)|idéaliste]], il se voit en héros [[Prométhée|prométhéen]] défiant le législateur attardé dans la tradition et la réaction<ref name="Max Duperray-22"/>. En cela, Mary suit son mari qui, dans son pamphlet ''{{lang|en|A Defence of Poetry}}'' souligne le rôle primordial de l'art et décrit l'artiste comme {{citation|le législateur du monde}}<ref>{{lien web|url=http://www.fordham.edu/halsall/mod/shelley-poetry.asp|titre=''Défense de la poésie'' par Shelley|consulté le=3 juin 2013}}.</ref>.
Aussi bien [[William Godwin|Godwin]] que [[William Wordsworth|Wordsworth]] ont été convaincus que la [[Révolution française]] ouvrait une nouvelle ère d'espoir : débarrassée du despotisme, la société pouvait désormais se rénover par la raison universelle, le nouvel ordre se fondant sur les [[droits de l'homme]]<ref name="Max Duperray-22" />. D'ailleurs la préface des ''[[Lyrical Ballads|Ballades lyriques]]'', rédigée pour l'édition de [[1798 en littérature|1798]] par Wordsworth prévoit l'avènement d'un homme nouveau. Le héros de Mary Shelley, Frankenstein, agit en conformité avec ce principe, soucieux dès le départ de créer une version parfaite de l'être humain et, tout comme Walton, le premier narrateur, cet explorateur [[Idéalisme (philosophie)|idéaliste]], il se voit en héros [[prométhée]]n défiant le législateur attardé dans la tradition et la réaction<ref name="Max Duperray-22"/>. En cela, Mary suit son mari qui, dans son pamphlet ''{{langue|en|A Defence of Poetry}}'' souligne le rôle primordial de l'art et décrit l'artiste comme {{citation|le législateur du monde}}<ref>{{lien web|url=http://www.fordham.edu/halsall/mod/shelley-poetry.asp|titre=''Défense de la poésie'' par Shelley|consulté le=3 juin 2013}}.</ref>.


==Thématique==
=== Thématique ===
Si ''Frankenstein'' peut apparaître comme une œuvre littéraire fabriquée avec d'autres écrits, procédé que certains critiques appellent « bibliogénèse », s'il est serti de références croisées à la littérature de l'époque et inspiré par la poésie [[Romantisme|romantique]], si enfin il reste écrit à la manière [[Roman gothique|gothique]], le résultat, tels les travaux de Victor, diffère notablement de ces modèles<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=29}}.</ref>.
Si ''Frankenstein'' peut apparaître comme une œuvre littéraire fabriquée avec d'autres écrits, procédé que certains critiques appellent « bibliogénèse », s'il est serti de références croisées à la littérature de l'époque et inspiré par la poésie [[Romantisme|romantique]], si enfin il reste écrit à la manière [[Roman gothique|gothique]], le résultat, tels les travaux de Victor, diffère notablement de ces modèles<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=29}}.</ref>.


Son thème principal est celui de la transgression, à la fois [[Prométhée|prométhéenne]] dans l'acte de création et [[esthétique]] par son culte du [[sublime]], certains critiques n'y voyant d'ailleurs, mais à tort puisque le sublime, loin d'y servir d'ornement, y assure un rôle fonctionnel, qu'un récit de voyage avec une intrigue (''{{lang|en|a travelogue with a plot}}'')<ref>Stephen Boyd, ''Frankenstein: Study Notes (York Notes)'', Londres, Longman, 1985, 72 pages, [ISBN:0582792630/13: 978-0582792630].</ref>. De plus, l'association du sublime à la terreur le relie au [[roman gothique]], qui atteint avec lui sa culmination et bascule dans un au-delà littéraire<ref>{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=31}}.</ref>.
Son thème principal est celui de la transgression, à la fois [[prométhée]]nne dans l'acte de création et [[esthétique]] par son culte du [[sublime]], certains critiques n'y voyant d'ailleurs, mais à tort puisque le sublime, loin d'y servir d'ornement, y assure un rôle fonctionnel, qu'un récit de voyage avec une intrigue (''{{langue|en|a travelogue with a plot}}'')<ref>Stephen Boyd, ''Frankenstein: Study Notes (York Notes)'', Londres, Longman, 1985, {{nobr|72 pages}}, [{{ISBN|0582792630}}/13: 978-0582792630].</ref>. De plus, l'association du sublime à la terreur le relie au [[roman gothique]], qui atteint avec lui sa culmination et bascule dans un au-delà littéraire<ref>{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=31}}.</ref>.


===''Frankenstein'' et le mythe de Prométhée===
==== Mythe de Prométhée ====
{{Article détaillé|Dimension prométhéenne de Frankenstein{{!}}Dimension prométhéenne de ''Frankenstein''}}
{{Article détaillé|Dimension prométhéenne de Frankenstein{{!}}Dimension prométhéenne de ''Frankenstein''}}
[[Fichier:Eduard Müller Prometheus Alte Nationalgalerie.jpg|thumb|alt=sculpture de Prométhée par Eduard Müller|upright=0.6|[[Prométhée]] par [[Eduard Müller (sculpteur)|Eduard Müller]].]]
[[Fichier:Eduard Müller Prometheus Alte Nationalgalerie.jpg|vignette|alt=sculpture de Prométhée par Eduard Müller|upright=0.6|[[Prométhée]] par [[Eduard Müller (sculpteur)|Eduard Müller]].]]
[[Mary Shelley]] a d'emblée mis l'accent sur la rénovation de la vieille légende de [[Prométhée]], qu'elle a surtout connue en lisant [[Ovide]], d'autant que la quête du savoir interdit est centrale à la poésie [[romantisme|romantique]], en particulier chez [[George Gordon Byron|Byron]] et [[Mary Shelley|Shelley]]<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=30}}.</ref>. Max Duperray note que le sens du nom « Prométhée », celui qui réfléchit avant, s'avère aussitôt [[Ironie|ironique]] car c'est justement la qualité dont manque Victor, ce créateur inconscient des implications morales de son acte et aussi des besoins éprouvés par sa créature<ref name="Max Duperray-31">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=31}}.</ref>. Son histoire est celle d'une progressive destruction, comme si, à la manière romantique, il courtisait la torture de soi : il transgresse la loi naturelle en déchiffrant le secret de l'univers, et sa création, résultat pourtant techniquement fructueux de ses recherches, annihile sa famille et ses amis, tout en l'aliénant de ses frères<ref name="Max Duperray-31"/>.
[[Mary Shelley]] a d'emblée mis l'accent sur la rénovation de la vieille légende de [[Prométhée]], qu'elle a surtout connue en lisant [[Ovide]], d'autant que la quête du savoir interdit est centrale à la poésie [[romantisme|romantique]], en particulier chez [[Lord Byron|Byron]] et Shelley elle-même<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=30}}.</ref>. Max Duperray note que le sens du nom {{citation|Prométhée}} ({{citation|celui qui réfléchit avant}}), s'avère aussitôt [[Ironie|ironique]] car c'est justement la qualité dont manque Victor, créateur inconscient des implications morales de son acte et des besoins éprouvés par sa créature<ref name="Max Duperray-31">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=31}}.</ref>. Son histoire est celle d'une progressive destruction, comme si, à la manière romantique, il courtisait la torture de soi : il transgresse la loi naturelle en déchiffrant le secret de l'univers, et sa création, résultat pourtant techniquement fructueux de ses recherches, annihile sa famille et ses amis, tout en l'aliénant de ses frères<ref name="Max Duperray-31"/>.


À vrai dire, le traitement que Mary Shelley lui fait subir emprunte à la fois au mythe grec, le voleur de feu, et au mythe latin, le créateur d'un homme, ce qui l'entraîne, écrit Jean-Jacques Lecercle, à une certaine ambiguïté dans sa sanction des quêtes respectives de Walton et de Victor. {{citation|Le contraste n'est pas entre ces deux figures, écrit-il, mais à l'intérieur de chacune d'elles}}<ref>{{harvsp|Jean-Jacques Lecercle|1988|p=41}}.</ref>. Ainsi, d'abord d'un point de vue scientifique, chacun franchit une limite de l'interdit, l'un géographiquement en s'obstinant à forcer un passage vers le Nord, l'autre d'abord moralement en bafouant le tabou de l'étincelle de vie, puis socialement vu le désastre du résultat. Cependant, la première leçon que semble tirer Mary Shelley est que si le paravent des bonnes intentions reste impuissant à dissimuler le désir de gloire personnelle, il n'en demeure pas moins que le projet animant les deux aventuriers garde sa noblesse, même si sa réalisation ne l'est plus<ref name="Max Duperay-32">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=32}}.</ref>.
Le traitement que Mary Shelley lui fait subir emprunte à la fois au mythe grec, le voleur de feu, et au mythe latin, le créateur d'un homme, ce qui l'entraîne, écrit Jean-Jacques Lecercle, à une certaine ambiguïté dans sa sanction des quêtes respectives de Walton et de Victor. {{citation|Le contraste n'est pas entre ces deux figures, écrit-il, mais à l'intérieur de chacune d'elles}}<ref>{{harvsp|Jean-Jacques Lecercle|1988|p=41}}.</ref>. Ainsi, d'abord d'un point de vue scientifique, chacun franchit une limite de l'interdit, l'un géographiquement en s'obstinant à forcer un passage vers le Nord, l'autre d'abord moralement en bafouant le tabou de l'étincelle de vie, puis socialement vu le désastre du résultat. Cependant, la première leçon que semble tirer Mary Shelley est que si le paravent des bonnes intentions reste impuissant à dissimuler le désir de gloire personnelle, il n'en demeure pas moins que le projet animant les deux aventuriers garde sa noblesse, même si sa réalisation ne l'est plus<ref name="Max Duperay-32">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=32}}.</ref>.


[[Fichier:Edmund Burke2 c.jpg|thumb|alt=portrait de Edmund Burke|upright=05|left|[[Edmund Burke]].]]
[[Fichier:Edmund Burke2 c.jpg|vignette|alt=portrait de Edmund Burke|upright=05|gauche|[[Edmund Burke]].]]
Inhérent à l'idée prométhéenne se dégage aussi dans le livre un questionnement [[esthétique]] fondé sur la notion de [[Sublime#Esthétique du sublime|sublime]], tel qu'il s'est vu exposé par [[Edmund Burke]] en [[1756]]<ref>[[Edmund Burke]], ''Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau'', traduction française par l'abbé Des François, 1765.</ref>. Selon Burke, sublime et terreur sont liés et naissent de l'obscurité, de la grandeur, du vaste, bref de l'étonnement (''{{lang|en|astonishment}}'')<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=34}}.</ref>. Ainsi, lorsque Frankenstein entreprend son funeste voyage dans les Alpes, il décrit sa contemplation du [[Mont Blanc]] en une langue extatique rappelant la poésie [[Percy Bysshe Shelley|shelleyenne]]<ref>[[Percy Bysshe Shelley]], ''Mont Blanc: Lines Written in the Vale of Chamouni'', 1816, vers 52-54 : {{citation étrangère|lang=en|[…] some omnipotence unfurled}}.</ref> : {{citation|le bruit de la rivière […], puissance proche de l'omnipotence, […] beauté singulière […], qu'intensifiaient jusqu'au sublime les grandioses Alpes}} ou {{citation|la sublimité et la magnificence de ces scènes me comblaient d'extase jusqu'au sublime}}<ref>Mary Shelley, ''Frankenstein'', chapitre X.</ref>. {{citation|Contrairement aux effets scéniques sensationnels d'une [[Ann Radcliffe|Mrs Radcliffe]], écrit Rieger, les immensités [[Arctique|arctiques]] de Mary Shelley possèdent une nudité (''{{lang|en|starkness}}'') à laquelle les romanciers [[Roman gothique|gothiques]] ne se risquaient que rarement}}<ref>{{harvsp|James Rieger|1963|p=XXVI}}.</ref>.
Inhérent à l'idée prométhéenne se dégage aussi dans le livre un questionnement [[esthétique]] fondé sur la notion de [[Sublime#Esthétique du sublime|sublime]], tel qu'il s'est vu exposé par [[Edmund Burke]] en [[1756]]<ref>[[Edmund Burke]], ''Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau'', traduction française par l'abbé Des François, 1765.</ref>. Selon Burke, sublime et terreur sont liés et naissent de l'obscurité, de la grandeur, du vaste, bref de l'étonnement (''{{langue|en|astonishment}}'')<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=34}}.</ref>. Ainsi, lorsque Frankenstein entreprend son funeste voyage dans les Alpes, il décrit sa contemplation du [[Mont Blanc]] en une langue extatique rappelant la poésie [[Percy Bysshe Shelley|shelleyenne]]<ref>[[Percy Bysshe Shelley]], ''Mont Blanc: Lines Written in the Vale of Chamouni'', 1816, vers 52-54 : {{citation étrangère|lang=en|[…] some omnipotence unfurled}}.</ref> : {{citation|le bruit de la rivière […], puissance proche de l'omnipotence, […] beauté singulière […], qu'intensifiaient jusqu'au sublime les grandioses Alpes}} ou {{citation|la sublimité et la magnificence de ces scènes me comblaient d'extase jusqu'au sublime}}<ref>Mary Shelley, ''Frankenstein'', chapitre X.</ref>. {{citation|Contrairement aux effets scéniques sensationnels d'une [[Ann Radcliffe|Mrs Radcliffe]], écrit Rieger, les immensités [[arctique]]s de Mary Shelley possèdent une nudité (''{{langue|en|starkness}}'') à laquelle les romanciers [[Roman gothique|gothiques]] ne se risquaient que rarement}}<ref>{{harvsp|James Rieger|1963|p=XXVI}}.</ref>.


La notion de sublime s'installe progressivement dans ''Frankenstein'' : d'abord associée à une magnificence et une douceur héritées de [[Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]] et aussi de [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]]<ref group="N">Citation : {{citation|Il semble qu'en s'élevant au-dessus du séjour des hommes, on y laisse tous les sentiments bas et terrestres}}.</ref>{{,}}<ref>[[Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]], ''[[Julie ou la Nouvelle Héloïse]]'', Lettre XXIII.</ref>, elle se focalise ensuite sur la grandeur et l'inquiétude que suscite la tempête, alors véritable ''leitmotiv'' du roman. L'extérieur génère bientôt son écho intérieur : {{citation|Au fond de mon être, je sentais passer le souffle de l'insurrection et du bouleversement}}, s'exclame le jeune Victor après avoir vu l'éclair lézarder les grands arbres<ref name="Max Duperray-36">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=36}}.</ref>.
La notion de sublime s'installe progressivement dans ''Frankenstein'' : d'abord associée à une magnificence et une douceur héritées de [[Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]] et aussi de [[Percy Bysshe Shelley|Shelley]]<ref group="N">Citation : {{citation|Il semble qu'en s'élevant au-dessus du séjour des hommes, on y laisse tous les sentiments bas et terrestres}}.</ref>{{,}}<ref>[[Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]], ''[[Julie ou la Nouvelle Héloïse]]'', Lettre XXIII.</ref>, elle se focalise ensuite sur la grandeur et l'inquiétude que suscite la tempête, alors véritable ''leitmotiv'' du roman. L'extérieur génère bientôt son écho intérieur : {{citation|Au fond de mon être, je sentais passer le souffle de l'insurrection et du bouleversement}}, s'exclame le jeune Victor après avoir vu l'éclair lézarder les grands arbres<ref name="Max Duperray-36">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=36}}.</ref>.


En définitive, outre le grandiose des pics et des ravins<ref group="N">{{citation|Les montagnes et les précipices immenses qui me surplombaient de tous côtés, le bruit de la rivière mugissant à travers les rocs et les chutes d’eau qui se précipitaient tout alentour, chantaient une puissance égale à l’Omnipotence, et je cessai de craindre, ou de me courber devant un être quelconque moins redoutable que celui qui avait créé et qui gouvernait les éléments, dont la force se manifestait ici sous sa forme la plus terrifiante (chapitre IX)}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Frankenstein ou le Prométhée moderne, trad. et introduction de Germain d'Hangest|1922|p=non paginé.|id=hangest}}</ref>, comme l'explique Lecercle, contrairement au classique qui privilégie la beauté<ref name="Max Duperray-36"/>, par sa hideur physique puis morale, la créature que crée Victor finit par générer lui-même le sublime : {{citation|On y aura reconnu, écrit-il, son univers habituel : orages, glaciers, ténèbres. On y reconnaîtra aussi son caractère : colérique, mais aussi porté vers la mélancolie}}<ref>{{harvsp|Jean-Jacques Lecercle|1988|p=45-46}}.</ref>.
En définitive, outre le grandiose des pics et des ravins<ref group="N">{{citation|Les montagnes et les précipices immenses qui me surplombaient de tous côtés, le bruit de la rivière mugissant à travers les rocs et les chutes d’eau qui se précipitaient tout alentour, chantaient une puissance égale à l’Omnipotence, et je cessai de craindre, ou de me courber devant un être quelconque moins redoutable que celui qui avait créé et qui gouvernait les éléments, dont la force se manifestait ici sous sa forme la plus terrifiante (chapitre IX)}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Frankenstein ou le Prométhée moderne, trad. et introduction de Germain d'Hangest|1922|p=non paginé|id=hangest}}.</ref>, comme l'explique Lecercle, contrairement au classique qui privilégie la beauté<ref name="Max Duperray-36"/>, par sa hideur physique puis morale, la créature que crée Victor finit par générer lui-même le sublime : {{citation|On y aura reconnu, écrit-il, son univers habituel : orages, glaciers, ténèbres. On y reconnaîtra aussi son caractère : colérique, mais aussi porté vers la mélancolie}}<ref>{{harvsp|Jean-Jacques Lecercle|1988|p=45-46}}.</ref>.


Il y a là, certes mâtinés de [[Romantisme]]<ref group="N">Voir l'image du daim blessé au chapitre IX, rappelant le poème ''{{lang|en|The Task}}'' (III, vers 108-109) de [[William Cowper]], ou le ''{{lang|en|[[Manfred (Lord Byron)|Manfred]]}}'' de [[George Gordon Byron|Byron]] avec un héros dont l'orgueil démesuré engendre le mal, ou encore ''{{lang|en|[[La Complainte du vieux marin|The Rime of the Ancient Mariner]]}}'' de [[Samuel Taylor Coleridge|Coleridge]] où le marin, par le meurtre de l'albatros, bouleverse l'ordre de l'univers et est laissé à l'abandon sur un océan déserté.</ref>, de fort relents du [[Roman gothique|genre gothique]]<ref>{{harvsp|Jean-Jacques Lecercle|1988|p=46}}.</ref>.
Il y a là, certes mâtinés de [[Romantisme]]<ref group="N">Voir l'image du daim blessé au chapitre IX, rappelant le poème ''{{langue|en|The Task}}'' (III, vers 108-109) de [[William Cowper]], ou le ''{{langue|en|[[Manfred (Lord Byron)|Manfred]]}}'' de [[Lord Byron|Byron]] avec un héros dont l'orgueil démesuré engendre le mal, ou encore ''{{langue|en|[[La Complainte du vieux marin|The Rime of the Ancient Mariner]]}}'' de [[Samuel Taylor Coleridge|Coleridge]] où le marin, par le meurtre de l'albatros, bouleverse l'ordre de l'univers et est laissé à l'abandon sur un océan déserté.</ref>, de fort relents du [[Roman gothique|genre gothique]]<ref>{{harvsp|Jean-Jacques Lecercle|1988|p=46}}.</ref>.


===''Frankenstein'', le gothique===
==== Influence gothique ====
{{Article détaillé|Aspects du gothique dans Frankenstein{{!}}Aspects du gothique dans ''Frankenstein''}}
{{Article détaillé|Aspects du gothique dans Frankenstein{{!}}Aspects du gothique dans ''Frankenstein''}}
[[Mary Shelley]] avait une grande curiosité pour le bizarre<ref group="N">Dans son ''Journal'' de 1815, Mary Shelley rappelle la mort de son bébé de sept mois, et a la vision de son retour à la vie par les frictions qu'elle lui administre.</ref>, le démoniaque ou le surnaturel<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=1 et 38}}.</ref> ; aussi, c'est naturellement qu'elle a continué la veine [[Sensationnalisme|sensationnaliste]] de la littérature dite « frénétique »<ref name="Max Duperray-39" />. Elle a donc hérité d'une panoplie de ténèbres, d'orages, de clairs de lune, tous nimbés d'un merveilleux d'essence magique, avec pour interprètes {{citation|des nonnes cloîtrées, des armures géantes, des spectres enchaînés, des femmes sans tête}}<ref name="F. Lacassin-34"/>, bref, une {{citation|machinerie à faire peur, dessinant une typographie de la frayeur}} (''{{lang|en|fear}}'')<ref name="Max Duperray-39"/>.
[[Mary Shelley]] avait une grande curiosité pour le bizarre<ref group="N">Dans son ''Journal'' de 1815, Mary Shelley rappelle la mort de son bébé de sept mois, et a la vision de son retour à la vie par les frictions qu'elle lui administre.</ref>, le démoniaque ou le surnaturel<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=1 et 38}}.</ref> ; aussi, c'est naturellement qu'elle a continué la veine [[Sensationnalisme|sensationnaliste]] de la littérature dite « frénétique »<ref name="Max Duperray-39">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=39}}.</ref>. Elle a donc hérité d'une panoplie de ténèbres, d'orages, de clairs de lune, tous nimbés d'un merveilleux d'essence magique, avec pour interprètes {{citation|des nonnes cloîtrées, des armures géantes, des spectres enchaînés, des femmes sans tête}}<ref name="F. Lacassin-34"/>, bref, une {{citation|machinerie à faire peur, dessinant une typographie de la frayeur}} (''{{langue|en|fear}}'')<ref name="Max Duperray-39"/>.


====L'horreur substituée à la terreur====
===== Substitution de la terreur par l'horreur =====
[[Fichier:Lewis - Le Moine Maradan tome1 1811.jpeg|thumb|alt=Frontispice du roman Le Moine de Lewis|upright=0.7|Fronstispice du ''[[Le Moine|Moine]]'' (tome I).]]
[[Fichier:Lewis - Le Moine Maradan tome1 1811.jpeg|vignette|alt=Frontispice du roman Le Moine de Lewis|upright=0.7|Fronstispice du ''[[Le Moine|Moine]]'' (tome I).]]
L'un des débats de l'époque portant sur la place du mal et du bien dans l'esprit humain, et par là sur la nature d'une [[esthétique]] de la terreur, elle choisit par opposition l'« horreur »<ref>{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=32}}.</ref>, impliquant davantage le lecteur dans les profondeurs transgressives des héros. De ce fait, elle se coule dans une nouvelle vague du [[Roman gothique|gothique]] qu'illustrent déjà l'un des visiteurs de la [[Villa Diodati]], [[Matthew Gregory Lewis|M. G. Lewis]], avec ''[[Le Moine]]'', et l'aristocrate Beckford avec ''Vathek''. Il s'agit désormais d'intérioriser l'épouvante<ref>{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=34}}.</ref>, et à ce titre, ''Frankenstein'' {{citation|témoigne d'une maturation du genre gothique}}<ref name="Max Duperray-40">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=40}}.</ref>, ce que [[Muriel Spark]] décrit comme à la fois {{citation|un sommet et un arrêt de mort, les mystères étant résolus par le questionnement rationnel}}<ref>{{harvsp|Muriel Spark|1951|p=154}}.</ref> et, ajoute Francis Lacassin, le surnaturel interprété {{citation|de façon matérialiste}}<ref name="F. Lacassin-41">{{harvsp|Francis Lacassin|1991|p=41}}.</ref>.
L'un des débats de l'époque portant sur la place du mal et du bien dans l'esprit humain, et par là sur la nature d'une [[esthétique]] de la terreur, elle choisit par opposition l'« horreur »<ref>{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=32}}.</ref>, impliquant davantage le lecteur dans les profondeurs transgressives des héros. De ce fait, elle se coule dans une nouvelle vague du [[Roman gothique|gothique]] qu'illustrent déjà l'un des visiteurs de la [[Villa Diodati]], [[Matthew Gregory Lewis|M. G. Lewis]], avec ''[[Le Moine]]'', et l'aristocrate Beckford avec ''Vathek''. Il s'agit désormais d'intérioriser l'épouvante<ref>{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=34}}.</ref>, et à ce titre, ''Frankenstein'' {{citation|témoigne d'une maturation du genre gothique}}<ref name="Max Duperray-40">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=40}}.</ref>, ce que [[Muriel Spark]] décrit comme à la fois {{citation|un sommet et un arrêt de mort, les mystères étant résolus par le questionnement rationnel}}<ref>{{harvsp|Muriel Spark|1951|p=154}}.</ref> et, ajoute Francis Lacassin, le surnaturel interprété {{citation|de façon matérialiste}}<ref name="F. Lacassin-41">{{harvsp|Francis Lacassin|1991|p=41}}.</ref>.


D'ailleurs, la facture du roman, avec pour cadre du récit un échange épistolaire « de bon aloi »<ref name="Max Duperray-42">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=42}}</ref>, se trouve bien loin du roman dit terrifiant. Nous sommes entre gens de bonne compagnie, Mrs Saville lit les lettres de son frère (Walton) dans son salon huppé de Londres ; les ancêtres de Victor sont des notables de la ville de Genève, les De Lacey des paysans plutôt raffinés, pétris de vertus domestiques<ref name="Robert Ferrieux-36">{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=36}}.</ref>. Frankenstein, privilégiant le sérieux du rationnel aux divagations de l'imaginaire<ref name="Robert Ferrieux-36"/>, obéit à des réflexes de conduite inculqués par son éducation. Rien d'étonnant, donc, que sa créature soit elle-même dotée d'une curiosité scientifique proche de l'avidité culturelle et s'éveille par l'intellect aux beautés du monde<ref name="Max Duperray-42"/>. En somme, tous ces personnages vivent dans les livres<ref name="Robert Ferrieux-36"/>, ouvrages de voyage comme Walton, de philosophie pour Victor, de littérature surtout pour le monstre<ref name="Max Duperay-43">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=43}}.</ref>. Vibrant aux beautés de la nature, attendris par le « bonheur terrestre », enthousiasmés par le grandiose des sommets, ils ont foi dans les {{citation|vertus réparatrices de l'ordre naturel}}<ref name="Max Duperay-43"/>.
D'ailleurs, la facture du roman, avec pour cadre du récit un échange épistolaire « de bon aloi »<ref name="Max Duperray-42">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=42}}.</ref>,
se trouve bien loin du roman dit terrifiant. Nous sommes entre gens de bonne compagnie, Mrs Saville lit les lettres de son frère (Walton) dans son salon huppé de Londres ; les ancêtres de Victor sont des notables de la ville de Genève, les De Lacey des paysans plutôt raffinés, pétris de vertus domestiques<ref name="Robert Ferrieux-36">{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=36}}.</ref>. Frankenstein, privilégiant le sérieux du rationnel aux divagations de l'imaginaire<ref name="Robert Ferrieux-36"/>, obéit à des réflexes de conduite inculqués par son éducation. Rien d'étonnant, donc, que sa créature soit elle-même dotée d'une curiosité scientifique proche de l'avidité culturelle et s'éveille par l'intellect aux beautés du monde<ref name="Max Duperray-42"/>. En somme, tous ces personnages vivent dans les livres<ref name="Robert Ferrieux-36"/>, ouvrages de voyage comme Walton, de philosophie pour Victor, de littérature surtout pour le monstre<ref name="Max Duperay-43">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=43}}.</ref>. Vibrant aux beautés de la nature, attendris par le « bonheur terrestre », enthousiasmés par le grandiose des sommets, ils ont foi dans les {{citation|vertus réparatrices de l'ordre naturel}}<ref name="Max Duperay-43"/>.


Dans cet ordre bourgeois, l'excès devient suspect, la hâte nocive, la frénésie répréhensible. Aussi voit-on se dessiner en sous-main un procédé [[Ironie|ironique]] latent qui vise à miner l'éloquence [[Lyrisme|lyrique]] des personnages, en particulier les élans de Victor. Le passage à peine marqué au « grotesque » (''{{lang|en|ludicrous}}'') par excès devient comme une punition littéraire que Mary Shelley inflige à son personnage ; pour lui, le rêve devient l'existence réelle et, d'ailleurs, après la mort d'Elizabeth, c'est uniquement pendant le sommeil qu'il peut « goûter la joie »<ref name="Robert Ferrieux-36"/> : l'auteur semble mettre le lecteur en garde contre la tromperie des apparences. Alors, les agissements du monstre deviennent une véritable leçon par l'exemple, exemple ''{{lang|la|a contrario}}'' des conséquences d'un acte irréfléchi, donc perturbateur et transgressif<ref>{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=37}}.</ref>.
Dans cet ordre bourgeois, l'excès devient suspect, la hâte nocive, la frénésie répréhensible. Aussi voit-on se dessiner en sous-main un procédé [[Ironie|ironique]] latent qui vise à miner l'éloquence [[Lyrisme|lyrique]] des personnages, en particulier les élans de Victor. Le passage à peine marqué au « grotesque » (''{{langue|en|ludicrous}}'') par excès devient comme une punition littéraire que Mary Shelley inflige à son personnage ; pour lui, le rêve devient l'existence réelle et, d'ailleurs, après la mort d'Elizabeth, c'est uniquement pendant le sommeil qu'il peut « goûter la joie »<ref name="Robert Ferrieux-36"/> : l'auteur semble mettre le lecteur en garde contre la tromperie des apparences. Alors, les agissements du monstre deviennent une véritable leçon par l'exemple, exemple ''{{langue|la|a contrario}}'' des conséquences d'un acte irréfléchi, donc perturbateur et transgressif<ref>{{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=37}}.</ref>.


====L'ironie fondatrice du texte====
==== L'ironie fondatrice du texte ====
Tel est d'ailleurs l'argument développé par George Levine dans sa lecture de la tradition réaliste de ''Frankenstein'' : les conventions du langage gothique sont utilisées, mais pour mieux fonder l'ironie fondatrice du texte : à l'opposé de Melmoth, Frankenstein n'a pas pactisé avec le [[Diable]]<ref>{{harvsp|George Levine|1973|p=17}}.</ref>. Son acte relève d'une impulsion généreuse (le monstre lui-même en convient), et il est possédé par le désir obsessionnel du savant qui {{citation|s'acharne à créer comme plus tard il s'acharnera à détruire}}<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=45}}.</ref>.
Tel est d'ailleurs l'argument développé par George Levine dans sa lecture de la tradition réaliste de ''Frankenstein'' : les conventions du langage gothique sont utilisées, mais pour mieux fonder l'ironie fondatrice du texte : à l'opposé de Melmoth, Frankenstein n'a pas pactisé avec le [[Diable]]<ref>{{harvsp|George Levine|1973|p=17}}.</ref>. Son acte relève d'une impulsion généreuse (le monstre lui-même en convient), et il est possédé par le désir obsessionnel du savant qui {{citation|s'acharne à créer comme plus tard il s'acharnera à détruire}}<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=45}}.</ref>.


Ainsi, ce roman conjugue le réalisme avec l'esthétique du sublime pour ce que Max Duperray appelle {{citation|un face-à-face avec le monstrueux}}<ref name="Max Duperray-46">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=46}}.</ref> qui affiche sa [[sémantique]] du regard (''{{lang|la|monstare}}'') et les dangers qui l'accompagnent : tromperie des apparences, conviction [[Emmanuel Kant|kantienne]] que la beauté est symbole de bien et la laideur physique, ''{{lang|la|ipso facto}}'', son inverse. Et l'éloquence - cette apparence des mots - devient suspecte, à la mesure de la [[rhétorique]] [[Romantisme|romantique]] nourrissant le sublime<ref name="Max Duperray-46"/>, d'où, conclut-il, {{citation|l'autre sens de « monstre », ''{{lang|la|monstrum}}'', le signe, la prophétie, la mise en garde}}<ref name="Max Duperray-46"/>, non plus véhicule de la réalité mais entrée en matière de l'irreprésentable : le monstre est lui-même avertissement, signe des dieux, vivant reproche<ref name="Robert Ferrieux-43" />.
Ainsi, ce roman conjugue le réalisme avec l'esthétique du sublime pour ce que Max Duperray appelle {{citation|un face-à-face avec le monstrueux}}<ref name="Max Duperray-46">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=46}}.</ref> qui affiche sa [[sémantique]] du regard (''{{langue|la|monstare}}'') et les dangers qui l'accompagnent : tromperie des apparences, conviction [[Emmanuel Kant|kantienne]] que la beauté est symbole de bien et la laideur physique, ''{{langue|la|ipso facto}}'', son inverse. Et l'éloquence - cette apparence des mots - devient suspecte, à la mesure de la [[rhétorique]] [[Romantisme|romantique]] nourrissant le sublime<ref name="Max Duperray-46"/>, d'où, conclut-il, {{citation|l'autre sens de « monstre », ''{{langue|la|monstrum}}'', le signe, la prophétie, la mise en garde}}<ref name="Max Duperray-46"/>, non plus véhicule de la réalité mais entrée en matière de l'irreprésentable : le monstre est lui-même avertissement, signe des dieux, vivant reproche<ref name="Robert Ferrieux-43" />.


===Le motif du double===
==== Le motif du double ====
''Frankenstein'' illustre, selon Masao Miyoshi, la tradition [[Romantisme|romantique]] de la personnalité divisée (''{{lang|en|the divided self}}'')<ref>Masao Miyoshi, ''The Divided Self'', New York, New York University Press, 1969, {{p.|XIV}}.</ref>.
''Frankenstein'' illustre, selon [[Masao Miyoshi]], la tradition [[Romantisme|romantique]] de la personnalité divisée (''{{langue|en|the divided self}}'')<ref>[[Masao Miyoshi]], ''The Divided Self'', New York, New York University Press, 1969, {{p.|XIV}}.</ref>.


====L'ambivalence constitutive====
==== L'ambivalence constitutive ====
Même pour ses proches, [[Mary Shelley]] est restée plutôt mystérieuse. Lord Dillion, par exemple, souligne la différence existant entre ses écrits et sa façon d'être : {{citation|À la lire, écrivait-il, on la jugerait enthousiaste, assez indiscrète et même extravagante}} ; alors que dans sa vie de femme, elle était {{citation|décontractée, calme et féminine au plus haut point}}<ref>Cité par {{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=42}}.</ref>. Simple décalage entre l'art et la vie ou plutôt, selon Mary Poovey, une « division du soi » (''{{lang|en|self-division}}'')<ref>{{ouvrage|lang=en|auteur=Mary Poovey|titre=My Hideous Progeny, Mary Shelley and the Feminization of Romanticism|lieu=Los Angeles|éditeur=Modern Language Association, Vol. 95, N° 3|mois=mai|année=1980|pages=|isbn=}}, {{p.|332-347}}.</ref> ? Fille de deux célèbres rebelles romantiques, épouse d'un troisième, elle s'est vue, dès sa prime jeunesse, encouragée à {{citation|s'inscrire sur le registre de la gloire}}, à se prouver à elle-même par son imagination et sa plume. Ce faisant, elle n'a pas renoncé à se conformer au modèle prévalant de la femme dévouée à sa famille, effacée et non carriériste. D'où cette forme d'ambivalence, voire d'ambiguïté caractérisant son expression. Ainsi, la préface à ''Frankenstein'' de 1818 critique l'imagination égoïste ayant donné vie à une monstruosité hideuse, certes, mais attachante. En 1831, cependant, elle applique ce même jugement à sa propre transgression, tout en ajoutant que tout artiste est victime d'un implacable destin, ce qui élève d'autant l'expression artistique d'une femme à la hauteur d'un mythe<ref>{{lien web|url= http://www.jstor.org/stable/461877|titre=Article de Mary Poovey en ligne|consulté le=19 juin 2013}}.</ref>.
Même pour ses proches, [[Mary Shelley]] est restée plutôt mystérieuse. Lord Dillion, par exemple, souligne la différence existant entre ses écrits et sa façon d'être : {{citation|À la lire, écrivait-il, on la jugerait enthousiaste, assez indiscrète et même extravagante}} ; alors que dans sa vie de femme, elle était {{citation|décontractée, calme et féminine au plus haut point}}<ref>Cité par {{harvsp|Robert Ferrieux|1994|p=42}}.</ref>. Simple décalage entre l'art et la vie ou plutôt, selon Mary Poovey, une « division du soi » (''{{langue|en|self-division}}'')<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=Mary Poovey |titre=My Hideous Progeny, Mary Shelley and the Feminization of Romanticism |lieu=Los Angeles |éditeur=Modern Language Association, Vol. 95, N° 3 |année=1980 |mois=mai |isbn=}}, {{p.|332-347}}.</ref> ? Fille de deux célèbres rebelles romantiques, épouse d'un troisième, elle s'est vue, dès sa prime jeunesse, encouragée à {{citation|s'inscrire sur le registre de la gloire}}, à se prouver à elle-même par son imagination et sa plume. Ce faisant, elle n'a pas renoncé à se conformer au modèle prévalant de la femme dévouée à sa famille, effacée et non carriériste. D'où cette forme d'ambivalence, voire d'ambiguïté caractérisant son expression. Ainsi, la préface à ''Frankenstein'' de 1818 critique l'imagination égoïste ayant donné vie à une monstruosité hideuse, certes, mais attachante. En 1831, cependant, elle applique ce même jugement à sa propre transgression, tout en ajoutant que tout artiste est victime d'un implacable destin, ce qui élève d'autant l'expression artistique d'une femme à la hauteur d'un mythe<ref>{{lien web|url= https://www.jstor.org/stable/461877|titre=Article de Mary Poovey en ligne|consulté le=19 juin 2013}}.</ref>.


[[Fichier:William Hogarth - Caliban.JPG|thumb|alt=Caliban peint par William Hogarth |upright=0.6|[[Caliban (Shakespeare)|Caliban]], vu par [[William Hogarth]].]]
[[Fichier:William Hogarth - Caliban.JPG|vignette|alt=Caliban peint par William Hogarth |upright=0.6|[[Caliban (Shakespeare)|Caliban]], vu par [[William Hogarth]].]]
Cette ambivalence constitutive, se dramatisant en des scènes, confrontations ou tableaux, se retrouve tout au long du texte.
Cette ambivalence constitutive, se dramatisant en des scènes, confrontations ou tableaux, se retrouve tout au long du texte.


Au chapitre VII, Victor s'écrie à propos du monstre : {{citation|Je ne voyais, en cet être que j’avais déchaîné au milieu des hommes, doué de la volonté et de la puissance de réaliser des projets horribles, tel que l’acte qu’il venait d’accomplir, que mon propre vampire, mon propre fantôme libéré de la tombe}}<ref name="Frankenstein_trad_hangest"/>. Ainsi, lorsque le monstre agit, c'est lui, reconnaît-il, qui est coupable : si le savant téméraire qu'il a été s'en est d'emblée écarté, son ombre le suit où qu'il aille, à l'image du démon s'accrochant au vieux marin dans le [[La Complainte du vieux marin|poème]] de [[Samuel Taylor Coleridge|Coleridge]]<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=62}}.</ref>. Transparaît ici une [[sympathie]] cachée entre le créateur et sa créature, mais qui éclate au grand jour dans le chagrin du monstre lors du décès du savant.
Au chapitre VII, Victor s'écrie à propos du monstre : {{citation|Je ne voyais, en cet être que j’avais déchaîné au milieu des hommes, doué de la volonté et de la puissance de réaliser des projets horribles, tel que l’acte qu’il venait d’accomplir, que mon propre vampire, mon propre fantôme libéré de la tombe}}<ref name="Frankenstein_trad_hangest"/>. Ainsi, lorsque le monstre agit, c'est lui, reconnaît-il, qui est coupable : si le savant téméraire qu'il a été s'en est d'emblée écarté, son ombre le suit où qu'il aille, à l'image du démon s'accrochant au vieux marin dans le [[La Complainte du vieux marin|poème]] de [[Samuel Taylor Coleridge|Coleridge]]<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=62}}.</ref>. Transparaît ici une [[sympathie]] cachée entre le créateur et sa créature, mais qui éclate au grand jour dans le chagrin du monstre lors du décès du savant.


Les images de naissance, d'héritier et de mort de l'ascendant qui parsèment le texte tracent le chemin régressif de Victor qui, niant la part obscure de son être, refuse son double monstrueux, à l'inverse de [[Prospero (Shakespeare)|Prospero]] reconnaissant [[La Tempête (Shakespeare)|Caliban]]<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=63}}.</ref>{{,}}<ref group="N">Il s'agit d'un personnage monstrueux et vil, esclave du mage [[Prospero (Shakespeare)|Prospero]] et fils de la sorcière [[Sycorax (Shakespeare)|Sycorax]]. Son nom serait une anagramme de ''canibal''. Il aurait été inspiré par la lecture de l'essai de Montaigne ''Des cannibales'' ([http://www.ditl.info/arttest/art3602.php Dictionnaire International des Termes Littéraires]).</ref>. D'après George Levine, ce motif du ''{{lang|de|Doppelgänger}}''<ref group="N">''{{lang|de|Doppelgänger}}'' est un mot d'origine allemande signifiant « [[sosie]] », employé dans le domaine du [[paranormal]] pour désigner le double fantomatique d'une personne vivante, le plus souvent un jumeau maléfique, ou le phénomène de [[bilocation]] (ou [[ubiquité]]), ou bien encore le fait d'apercevoir fugitivement sa propre image du coin de l'œil..</ref>, variation sur le thème de l'aliénation identitaire, s'étend au-delà de Frankenstein, par exemple à Elizabeth et Justine qui s'accusent de crimes non commis. Aussi {{citation|le trouble est-il jeté sur l'autonomie des personnes au profit du [[Complexe d'Œdipe|nœud œdipien]] sous-tendant le roman}}<ref>{{harvsp|George Levine|1973|p=21}}.</ref>.
Les images de naissance, d'héritier et de mort de l'ascendant qui parsèment le texte tracent le chemin régressif de Victor qui, niant la part obscure de son être, refuse son double monstrueux, à l'inverse de [[Prospero (Shakespeare)|Prospero]] reconnaissant [[La Tempête (Shakespeare)|Caliban]]<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=63}}.</ref>{{,}}<ref group="N">Il s'agit d'un personnage monstrueux et vil, esclave du mage [[Prospero (Shakespeare)|Prospero]] et fils de la sorcière [[Sycorax (Shakespeare)|Sycorax]]. Son nom serait une anagramme de ''canibal''. Il aurait été inspiré par la lecture de l'essai de Montaigne ''Des cannibales'' ([http://www.ditl.info/arttest/art3602.php Dictionnaire International des Termes Littéraires]).</ref>. D'après George Levine, ce motif du ''{{langue|de|Doppelgänger}}''<ref group="N">''{{langue|de|Doppelgänger}}'' est un mot d'origine allemande signifiant « [[sosie]] », employé dans le domaine du [[paranormal]] pour désigner le double fantomatique d'une personne vivante, le plus souvent un jumeau maléfique, ou le phénomène de [[bilocation]] (ou [[ubiquité]]), ou bien encore le fait d'apercevoir fugitivement sa propre image du coin de l'œil.</ref>, variation sur le thème de l'aliénation identitaire, s'étend au-delà de Frankenstein, par exemple à Elizabeth et Justine qui s'accusent de crimes non commis. Aussi {{citation|le trouble est-il jeté sur l'autonomie des personnes au profit du [[Complexe d'Œdipe|nœud œdipien]] sous-tendant le roman}}<ref>{{harvsp|George Levine|1973|p=21}}.</ref>.


====« Œdipe ou la mère macabre ? » (Claire Kahane)====
==== « Œdipe ou la mère macabre ? » (Claire Kahane) ====
En créant dans la douleur, Victor usurpe le rôle de la femme qui, absente de la sphère sociale et des sentiments, {{citation|n'en est pas moins le sujet nodal ou l'objet imaginaire que problématise le récit}}<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=65}}.</ref>. Il se soustrait progressivement à l'ordre diurne qui ne lui convient pas, celui de son père, patriarche défenseur de la loi, qui condamne, incarcère et exécute, pour se réfugier dans le régime nocturne où les lois de la reproduction échappent au schéma des successions. C'est une retraite régressive, où domine le secret désir de conférer la vie et où règne l'ordre maternel<ref name=Max Duperray-67">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=67}}</ref>. D'ailleurs, à Walton, Frankenstein évoque ce secret, l'impossible à dire, {{citation|celui de la naissance des enfants, ce dont on ne peut parler, qu'on peut seulement rêver dans l'isolement d'un univers matriciel, comme celui d'un laboratoire}}<ref>{{harvsp|Marc Rubinstein|1976|p=165-184}}.</ref>.
En créant dans la douleur, Victor usurpe le rôle de la femme qui, absente de la sphère sociale et des sentiments, {{citation|n'en est pas moins le sujet nodal ou l'objet imaginaire que problématise le récit}}<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=65}}.</ref>. Il se soustrait progressivement à l'ordre diurne qui ne lui convient pas, celui de son père, patriarche défenseur de la loi, qui condamne, incarcère et exécute, pour se réfugier dans le régime nocturne où les lois de la reproduction échappent au schéma des successions. C'est une retraite régressive, où domine le secret désir de conférer la vie et où règne l'ordre maternel<ref name="Max Duperray-67">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=67}}.</ref>. D'ailleurs, à Walton, Frankenstein évoque ce secret, l'impossible à dire, {{citation|celui de la naissance des enfants, ce dont on ne peut parler, qu'on peut seulement rêver dans l'isolement d'un univers matriciel, comme celui d'un laboratoire<ref>{{harvsp|Rubenstein|1976|p=165-184}}.</ref>.}}


Il est un songe de Frankenstein sans doute lourd de signification : alors que son travail est accompli, il y embrasse Elizabeth, sa sœur adoptive et future épouse, qui, dans l'étreinte, se mue en corps de la mère morte. L'ambition de posséder le formidable secret de l'univers et de créer la vie serait-elle associée au spectacle de la mère perdue ? Pour reprendre la formulation de Max Duperray, {{citation|l'acte créateur […] peut se lire comme concomitant de la disparition de la mère, quasiment compensatoire}}<ref name=Max Duperray-67"/>. Selon J. M. Hill, l'introspection qu'il pratique, d'abord lucide mais bientôt maladive, remonte le mécanisme fatal ayant conduit du bonheur familial au drame, de la lumière aux ténèbres ; et il en arrive au mariage du père qui, en l'épousant, a sauvé une orpheline, schéma réitéré avec Elizabeth<ref>J. M. Hill, « Frankenstein and the Physiognomy of Desire », American Imago, N° 5, 32, 1975, {{p.|344}}.</ref>. D'où une contradiction flagrante du récit, horreur née d'intentions touchantes, crime perpétré au nom de grands sentiments, désir auto-détruit dans sa réalisation<ref name="Max Duperray-70">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=70}}.</ref>.
Il est un songe de Frankenstein sans doute lourd de signification : alors que son travail est accompli, il y embrasse Elizabeth, sa sœur adoptive et future épouse, qui, dans l'étreinte, se mue en corps de la mère morte. L'ambition de posséder le formidable secret de l'univers et de créer la vie serait-elle associée au spectacle de la mère perdue ? Pour reprendre la formulation de Max Duperray, {{citation|l'acte créateur […] peut se lire comme concomitant de la disparition de la mère, quasiment compensatoire}}<ref name="Max Duperray-67"/>. Selon J. M. Hill, l'introspection qu'il pratique, d'abord lucide mais bientôt maladive, remonte le mécanisme fatal ayant conduit du bonheur familial au drame, de la lumière aux ténèbres ; et il en arrive au mariage du père qui, en l'épousant, a sauvé une orpheline, schéma réitéré avec Elizabeth<ref>{{Article|langue=en|auteur1=John M. Hill|titre=''Frankenstein'' and the Physiognomy of Desire|périodique=American Imago|volume=32|numéro=4|date=hiver 1975|pages=344|issn=0065-860X|e-issn=1085-7931|oclc=7787910331|jstor=26303110}}.</ref>. D'où une contradiction flagrante du récit, horreur née d'intentions touchantes, crime perpétré au nom de grands sentiments, désir auto-détruit dans sa réalisation<ref name="Max Duperray-70">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=70}}.</ref>.


Comme le rappelle Claire Kahane, si le lecteur masculin voit plutôt l'intrigue [[Complexe d'Œdipe|œdipienne]] et l'affleurement [[Inceste|incestueux]], {{citation|la critique [[Féminisme|féministe]] articule le texte sur le rôle de la « mère macabre », présence spectrale dont le corps devient synonyme du secret où se confondent mère et fille dans des reflets en miroir}}<ref>Claire Kahane, « ''Gothic Mirrors and Feminine Identity'' », ''Centennial Review'' 24, N°. 1, hiver 1980, {{p.|45-46}}.</ref>. La terreur [[Roman gothique|gothique]] de ce roman serait-elle celle de la procréation ?
Comme le rappelle Claire Kahane, si le lecteur masculin voit plutôt l'intrigue [[Complexe d'Œdipe|œdipienne]] et l'affleurement [[Inceste|incestueux]], {{citation|la critique [[Féminisme|féministe]] articule le texte sur le rôle de la « mère macabre », présence spectrale dont le corps devient synonyme du secret où se confondent mère et fille dans des reflets en miroir}}<ref>Claire Kahane, « ''Gothic Mirrors and Feminine Identity'' », ''Centennial Review'' 24, N°. 1, hiver 1980, {{p.|45-46}}.</ref>. La terreur [[Roman gothique|gothique]] de ce roman serait-elle celle de la procréation ?


====L'inscription dans l'ordre du langage====
==== L'inscription dans l'ordre du langage ====
Le monstre affiche sans cesse son désir de s'inscrire dans l'ordre du langage, le seul dont il dispose impunément. En cela, il poursuit l'ambition de son créateur ''{{lang|la|alter ego}}'', comme d'ailleurs tous les narrateurs du récit qui peuvent {{citation|disséquer, analyser, donner des noms}}<ref>{{harvsp|''Frankenstein ou le Prométhée moderne'', trad. et introduction de Germain d'Hangest|1922|p=non paginé.|id=hangest}}, chapitre II</ref>. Chacun d'eux appartient à la chaîne signifiante à quoi le monstre aspire et pour mettre son désir en pratique, il acquiert la « science divine »<ref>{{harvsp|''Frankenstein ou le Prométhée moderne'', trad. et introduction de Germain d'Hangest|1922|p=non paginé.|id=hangest}}, chapitre IIi</ref> et ses premiers mots désignent les liens familiaux. Cependant, souligne Peter Brooks, {{citation|son initiation linguistique […] lui apprend sans faute que le langage est du côté de la culture et non de celui de la nature […], découverte vitale, car le côté de la nature est irrémédiablement marqué par l'absence, le monstrueux}}<ref>Peter Brooks, « ''Godlike Science, Unallowed Arts: Language and Monstrosity in Frankenstein'' », ''New Literary History'', N° 9, 1978, {{p.|594}}.</ref>.
Le monstre affiche sans cesse son désir de s'inscrire dans l'ordre du langage, le seul dont il dispose impunément. En cela, il poursuit l'ambition de son créateur ''{{langue|la|alter ego}}'', comme d'ailleurs tous les narrateurs du récit qui peuvent {{citation|disséquer, analyser, donner des noms}}<ref>{{harvsp|''Frankenstein ou le Prométhée moderne'', trad. et introduction de Germain d'Hangest|1922|p=non paginé|id=hangest}}, chapitre II.</ref>. Chacun d'eux appartient à la chaîne signifiante à quoi le monstre aspire et pour mettre son désir en pratique, il acquiert la « science divine »<ref>{{harvsp|''Frankenstein ou le Prométhée moderne'', trad. et introduction de Germain d'Hangest|1922|p=non paginé|id=hangest}}, chapitre IIi.</ref> et ses premiers mots désignent les liens familiaux. Cependant, souligne Peter Brooks, {{citation|son initiation linguistique […] lui apprend sans faute que le langage est du côté de la culture et non de celui de la nature […], découverte vitale, car le côté de la nature est irrémédiablement marqué par l'absence, le monstrueux}}<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Peter Brooks|titre=Godlike Science/Unhallowed Arts: Language and Monstrosity in Frankenstein |périodique=New Literary History|volume=9|numéro=3|date=printemps 1978|pages=594|issn=0028-6087|e-issn=1080-661X|oclc=5552740468|doi=10.2307/468457|jstor=468457|lire en ligne=http://marinellienglishclass.pbworks.com/f/godlike+science.pdf}}.</ref>.


Ainsi, le roman se sépare des attendus [[Jean-Jacques Rousseau|rousseauistes]] d'une nature [[Éden|édénique]]<ref name="Max Duperay-73">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=73}}.</ref>. Plutôt force démoniaque et amorale, c'est en elle que Frankenstein trouve les ingrédients « naturels » de son ambition « contre-nature ». Comme l'écrit Max Duperray, {{citation|les objets sont là, mais c'est leur mise en relation qui pose problème, leur interrelation et le système de signification que cela implique, autrement dit le langage}}<ref name="Max Duperay-73"/>.
Ainsi, le roman se sépare des attendus [[Jean-Jacques Rousseau|rousseauistes]] d'une nature [[Éden|édénique]]<ref name="Max Duperay-73">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=73}}.</ref>. Plutôt force démoniaque et amorale, c'est en elle que Frankenstein trouve les ingrédients « naturels » de son ambition « contre nature ». Comme l'écrit Max Duperray, {{citation|les objets sont là, mais c'est leur mise en relation qui pose problème, leur interrelation et le système de signification que cela implique, autrement dit le langage}}<ref name="Max Duperay-73"/>.


====La non-résolution du texte====
==== La non-résolution du texte ====
David Collins reprend deux des trois ordres [[Jacques Lacan|lacaniens]], l'imaginaire et le symbolique : le premier correspond au stade primaire du développement, celui, spéculaire, du miroir, où le sujet se voit illusoirement comme autre ; le second, ultérieur, décrit le stade où il accède au système symbolique organisant la relation avec autrui, c'est-à-dire le langage<ref>David Collins ''in'' Johanna Smith, ''Frankenstein: A Case Study in Contemporary Criticism'', Boston, Bedford Books of St Martin's Press, 1992.</ref>. Victor, selon lui, se situe entre cet ordre second qu'incarne la société patriarcale dont il est issu - c'est son côté diurne –, et le premier qui l'enferme dans la solitude de la nuit et l'écarte des études sur le langage, ce qu'il explique au chapitre II. Il choisit de s'abîmer dans l'[[ésotérisme]] des sciences magiques, {{citation|par où il compte retrouver le pôle maternel perdu […] recréant la mère par l'artifice du corps reconstitué}}<ref name="Max Duprray-75">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=75}}.</ref>. Ainsi, Victor fabriquerait le monstre en réaction contre l'ordre symbolique, mais ce dernier refuse sa condamnation à l'ordre imaginaire : chez lui, l'exil devient [[Ontologie (philosophie)|ontologique]]<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=76}}.</ref>.
David Collins reprend deux des trois ordres [[Jacques Lacan|lacaniens]], l'imaginaire et le symbolique : le premier correspond au stade primaire du développement, celui, spéculaire, du miroir, où le sujet se voit illusoirement comme autre ; le second, ultérieur, décrit le stade où il accède au système symbolique organisant la relation avec autrui, c'est-à-dire le langage<ref>David Collins ''in'' Johanna Smith, ''Frankenstein: A Case Study in Contemporary Criticism'', Boston, Bedford Books of St Martin's Press, 1992.</ref>. Victor, selon lui, se situe entre cet ordre second qu'incarne la société patriarcale dont il est issu - c'est son côté diurne –, et le premier qui l'enferme dans la solitude de la nuit et l'écarte des études sur le langage, ce qu'il explique au chapitre II. Il choisit de s'abîmer dans l'[[ésotérisme]] des sciences magiques, {{citation|par où il compte retrouver le pôle maternel perdu […] recréant la mère par l'artifice du corps reconstitué}}<ref name="Max Duprray-75">{{harvsp|Max Duperray|1994|p=75}}.</ref>. Ainsi, Victor fabriquerait le monstre en réaction contre l'ordre symbolique, mais ce dernier refuse sa condamnation à l'ordre imaginaire : chez lui, l'exil devient [[Ontologie (philosophie)|ontologique]]<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=76}}.</ref>.


À ce compte, ni la métaphore du [[Le Paradis perdu|paradis perdu]], ni le surnaturel [[Roman gothique|gothique]], ni l'esprit de progrès, ni même l'élan [[Révolution française|révolutionnaire]] ne peuvent cerner la nature du roman. Situé, selon Rosemary Jackson, entre l'étrangeté et le familier, il fait du mal, non un absolu, mais un échec des ambitions humaines : futilité des rêves rationalistes, inanité de la sur-nature [[Romantisme|romantique]] ; ne reste à contempler que {{citation|le moi comme autre, grotesque métamorphose dénuée de gratification}}<ref>Rosemary Jackson, « ''Fantasy, the Literature of Subversion '' », ''New Accents'', Londres et New York, Methuen, 1981, chapitre IV : « ''Gothic Tales and Novels'' ».</ref>. Et, ajoute Max Duperray, en reprenant la formulation de Rand Miller<ref name="Rand Miller"/>, {{citation|la fiction inaugurale de l'homme nouveau s'abîme en une entropie, l'indifférenciation du pôle, la confusion entre l'homme et le monstre, préfigurant la fiction terminale, un roman de l'[[apocalypse]], ''[[Le Dernier Homme (Mary Shelley)|Le Dernier Homme]]'' (''{{lang|en|The Last Man}}'')}}<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=78}}.</ref>{{,}}<ref group="N"> Dix ans après ''Frankenstein'', qui stigmatisait l'orgueil impie de l'homme prétendant s'égaler à Dieu, ''Le Dernier Homme'' est une nouvelle variation sur le thème du châtiment d'une espèce condamnable et condamnée. Il n'y a aucune vraisemblance dans ce conte dont l'intérêt réside dans son aspect philosophique très noir, reflet de l'état d'âme de la première génération [[Romantisme|romantique]] en [[Europe]], [[Pessimisme|pessimiste]] et [[Nihilisme|nihiliste]], y compris chez certains auteurs français comme [[Alfred de Musset|Musset]] ou [[Gérard de Nerval|Nerval]].</ref>.
À ce compte, ni la métaphore du [[Le Paradis perdu (John Milton)|paradis perdu]], ni le surnaturel [[Roman gothique|gothique]], ni l'esprit de progrès, ni même l'élan [[Révolution française|révolutionnaire]] ne peuvent cerner la nature du roman. Situé, selon Rosemary Jackson, entre l'étrangeté et le familier, il fait du mal, non un absolu, mais un échec des ambitions humaines : futilité des rêves rationalistes, inanité de la sur-nature [[Romantisme|romantique]] ; ne reste à contempler que {{citation|le moi comme autre, grotesque métamorphose dénuée de gratification}}<ref>Rosemary Jackson, « ''Fantasy, the Literature of Subversion '' », ''New Accents'', Londres et New York, Methuen, 1981, chapitre IV : « ''Gothic Tales and Novels'' ».</ref>. Et, ajoute Max Duperray, en reprenant la formulation de Rand Miller<ref name="Rand Miller"/>, {{citation|la fiction inaugurale de l'homme nouveau s'abîme en une entropie, l'indifférenciation du pôle, la confusion entre l'homme et le monstre, préfigurant la fiction terminale, un roman de l'[[apocalypse]], ''[[Le Dernier Homme (Mary Shelley)|Le Dernier Homme]]'' (''{{langue|en|The Last Man}}'')}}<ref>{{harvsp|Max Duperray|1994|p=78}}.</ref>{{,}}<ref group="N">Dix ans après ''Frankenstein'', qui stigmatisait l'orgueil impie de l'homme prétendant s'égaler à Dieu, ''Le Dernier Homme'' est une nouvelle variation sur le thème du châtiment d'une espèce condamnable et condamnée. Il n'y a aucune vraisemblance dans ce conte dont l'intérêt réside dans son aspect philosophique très noir, reflet de l'état d'âme de la première génération [[Romantisme|romantique]] en [[Europe]], [[Pessimisme|pessimiste]] et [[Nihilisme|nihiliste]], y compris chez certains auteurs français comme [[Alfred de Musset|Musset]] ou [[Gérard de Nerval|Nerval]].</ref>.


== Adaptations ==
== Adaptations ==
{{Article détaillé|Adaptations de Frankenstein}}
{{Article détaillé|Adaptations de Frankenstein}}
Le roman de Mary Shelley a été adapté de multiples façons, au théâtre, au ballet, en bande dessinée, en jeu, mais c'est surtout au cinéma et pour la télévision qu'il est mis en scène, très souvent avec des artistes prestigieux.
Le roman de Mary Shelley a été adapté de multiples façons, au théâtre, au ballet, en [[bande dessinée]], ou sous forme de [[jeu vidéo]]. Mais c'est surtout au [[cinéma]] et à la [[télévision]] que l'histoire de Frankenstein est représentée, dans de grosses productions comme dans des [[série B|séries B]].
=== Adaptations cinématographiques et télévisuelles ===
[[Fichier:Poster Frankenstein film 1910.jpg|left|thumb|alt=affiche de la première adaptation cinématographique de Frankenstein en 1910|upright=0.8|Affiche du film de 1910.]]
[[Fichier:Frankenstein's monster (Boris Karloff).jpg|thumb|alt=Boris Karloff grimé en monstre de Frankenstein|upright=0.8|[[Boris Karloff]] (photo publicitaire pour le film ''La fiancée de Frankenstein'').]]
[[Fichier:Bride gip.jpg|thumb|alt=photogramme du film La fiancée de Frankenstein|upright=0.8|''La fiancée de Frankenstein'', 1935.]]
Le premier film a été réalisé en 1910 par [[J. Searle Dawley]] mais c'est celui sorti en [[1931]] par [[James Whale]], avec [[Boris Karloff]] dans le rôle de la créature, qui reste dans les mémoires. Le maquillage avait été créé par [[Jack Pierce]] et est resté célèbre. En 1935, le même James Whale réalise une suite, ''[[La Fiancée de Frankenstein]]'' (''{{lang|en|The Bride of Frankenstein}}''), généralement considéré comme un grand classique supérieur à son prédécesseur<ref>{{en}} {{Lien web|url=http://www.empireonline.com/500/58.asp|titre={{lang|en|The 500 Greatest Movies of All Time}}|éditeur=''[[Empire (magazine)|Empire]]''|consulté le=13 septembre 2013}}</ref>. Suivront un nombre important d'adaptations, dont les plus connues sont sans doute celles du studio britannique [[Hammer Film Productions|Hammer]], dans les [[années 1950]], et, plus récemment, le film de [[Kenneth Branagh]], ''[[Frankenstein (film, 1994)|Frankenstein]]'' (1994), avec [[Robert De Niro]] dans le rôle du monstre.


Les lecteurs français découvrent le texte en 1821. Il faut attendre 1922 pour une traduction de l'édition anglaise de 1831<ref>[https://fr.wikisource.org/wiki/Frankenstein_%281831%29 ''Frankenstein (1831)''], traduction de Germain d'Hangest [pas dans le domaine public], Paris, La Renaissance du livre, 1922 — sur ''Wikisources''.</ref>.
Diverses autres adaptations, où parfois la créature rencontre d'autres personnages de fiction comme Dracula, le Loup-Garou ou encore Sherlock Holmes ont eu quelque succès : parmi elles, figurent ''[[Frankenstein vs. Baragon]]'' de [[Ishirō Honda]] en 1965, ''Dracula, prisonnier de Frankenstein'' (''Drácula contra Frankenstein'') de [[Jesús Franco]] en 1978, ''[[La Résurrection de Frankenstein]]'' de [[Roger Corman]] en 1990, etc.


=== Théâtre et littérature ===
Des films comiques ou parodiques ont aussi mis en scène Frankenstein comme ''[[Deux nigauds contre Frankenstein]]'' (''{{lang|en|Abbott & Costello Meet Frankenstein}}'') de [[Charles Barton]] en 1948 ou ''[[Frankenstein Junior]]'' (''{{lang|en|Young Frankenstein}}'') de [[Mel Brooks]] en 1974.
[[Fichier:Frankenstein Cooke 1823.jpg|vignette|alt=dessin d'un passage d'une adaptation théâtrale de 1823|L'acteur T. P. Cooke interprétant le rôle du monstre dans la pièce de théâtre ''Presumption or the Fate of Frankenstein'', {{nobr|en 1823}}.]]
Le triomphe de ''Frankenstein'' lui vaut d'être adapté au [[théâtre]] dès [[1823]] par [[Richard Brinsley Peake]], dans la pièce ''Presumption or the Fate of Frankenstein''. À Paris, dès 1826 le sujet est transposé dans ''Le Monstre et le Magicien, mélodrame-féérie en trois actes, à grand spectacle'' de [[Jean-Toussaint Merle]] et [[Antony Béraud]], (théâtre de la porte Saint Martin, première le {{date-|10 juin 1826}}, avec la célèbre actrice [[Marie Dorval]]). La pièce sera reprise en 1861 à l'Ambigu<ref>P. H. Biger, « "Le Monstre et le Magicien" : un éventail de théâtre, de mode et d’actualité », Le Vieux Papier, F. 412, avril 2014, {{p.|265-271}}.</ref>.


En [[1927]], [[Peggy Webling]] signe une nouvelle version théâtrale, simplement intitulée ''Frankenstein''. Ces pièces, qui remportent des grands succès en leur temps, contribueront à inspirer les films adaptés plus ou moins fidèlement du roman. Le livre de Mary Shelley a par ailleurs fait l'objet de plus d'une centaine d'adaptations au théâtre<ref>{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Amnon |nom1=Kabatchnik |titre=Blood on the Stage, 1975-2000 |sous-titre=Milestone Plays of Crime, Mystery and Detection |éditeur=Scarecrow Press |année=2012 |pages totales=646 |passage=176 |isbn=}}.</ref>. Récemment encore, [[Kornél Mundruczó]] en a proposé une adaptation libre dans ''[[Tender Son: The Frankenstein Project]]'' qu'il a portée au cinéma en 2010 et en 2011<ref>{{Lien web |langue=fr |nom=AlloCine |titre=Tender Son : The Frankenstein Project |url=https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=181172.html |consulté le=2021-01-28}}.</ref>, puis que Danny Boyle a mis en scène cette même année pour le théâtre sous le titre ''[[Frankenstein (pièce de théâtre)|Frankenstein]]'' (2011), avec [[Benedict Cumberbatch]] et [[Jonny Lee Miller]] jouant alternativement le rôle de la créature et de Victor Frankenstein<ref>{{lien web|langue=en|url=https://ticketing.nationaltheatre.org.uk/production.aspx?performanceNumber=16595|titre=''Frankenstein''|site=National Theatre|consulté le=29 février 2012}}.</ref>.
=== Adaptations au théâtre et au ballet ===
Dès 1823, le roman de Mary Shelley est adapté à la scène. Richard Brinsley Peake monte ''{{lang|en|Presumption or the Fate of Frankenstein}}'' qui obtient un grand succès. C'est le début d'une série d'adaptations et l'on peut voir Frankenstein dans quatorze autres versions au cours des trois années suivantes. Depuis, le roman a été adapté pour la scène plus d'une centaine de fois<ref>{{ouvrage|langue=en|prénom1=Amnon|nom1=Kabatchnik|lien auteur1=|titre=Blood on the Stage, 1975-2000|sous-titre=Milestone Plays of Crime, Mystery and Detection|lien titre=|numéro d'édition=|éditeur=Scarecrow Press|lieu=|année=2012|volume=|tome=|pages totales=646|passage=176|isbn=Milestone Plays of Crime, Mystery and Detection}}</ref>. Récemment encore, [[Kornél Mundruczó]] en a proposé une adaptation libre dans ''[[Tender Son - The Frankenstein Project]]'' qu'il a portée au cinéma en 2010 et en 2011, puis que Danny Boyle a mis en scène cette même année pour le théâtre sous le titre ''[[Frankenstein (pièce de théâtre, 2011)|Frankenstein]]'' (2011), avec [[Benedict Cumberbatch]] et [[Jonny Lee Miller]] jouant alternativement le rôle de la créature et de Victor Frankenstein.


Pour le ballet ont été créés en 1986 ''{{lang|en|Frankenstein, the modern Prometheus}}'' par Wayne Eagling à [[Covent Garden]]<ref>{{ouvrage|langue=en|prénom1=H. Philip|nom1=Bolton|titre=Women Writers Dramatized|sous-titre=A Calendar of Performances from Narrative Works Published in English to 1900|lien titre=|numéro d'édition=|éditeur=Continuum|lien éditeur=|collection=|lieu=|année=2000|volume=3|tome=|pages totales=460|passage=300|isbn=9780720121179|consulté le=}}</ref>, et au Grand Théâtre de Genève en 2007, ''Frankenstein'', chorégraphie et dramaturgie de Guilhermo Botelho.
Des adaptations pour le ballet ont été créés, comme en 1986 avec ''{{langue|en|Frankenstein, the modern Prometheus}}'' par Wayne Eagling à [[Covent Garden]]<ref>{{Ouvrage |langue=en |prénom1=H. Philip |nom1=Bolton |titre=Women Writers Dramatized |sous-titre=A Calendar of Performances from Narrative Works Published in English to 1900 |volume=3 |éditeur=Continuum |année=2000 |pages totales=460 |passage=300 |isbn=978-0-7201-2117-9 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=3n1msu2y1WgC&printsec=frontcover}}.</ref>, et en 2007 avec ''Frankenstein'' par Guilhermo Botelho au [[Grand Théâtre (Genève)|Grand Théâtre de Genève]]<ref>{{Article |langue=fr |titre=Frankenstein, monstre en mal d'amour |périodique=Le Temps |date=2007-01-09 |issn=1423-3967 |lire en ligne=https://www.letemps.ch/culture/frankenstein-monstre-mal-damour |consulté le=2021-01-28 }}.</ref>.

En littérature, divers écrivains ont signé des variations autour du mythe, comme [[Jean-Claude Carrière]] {{Incise|auteur chez [[Fleuve éditions|Fleuve noir]], entre 1957 et 1959, de six romans ''Frankenstein'' censés être la suite de celui de Mary Shelley}} ou [[Brian Aldiss]], auteur en 1973 du roman de science-fiction ''[[Frankenstein délivré]]'', qui mêle les personnages de ''Frankenstein ou le Prométhée moderne'' {{Incise|ainsi que Mary Shelley elle-même}} à une histoire de voyage dans le temps. Entre 2005 et 2011, [[Dean Koontz]] a publié cinq romans constituant une suite de l'œuvre de Mary Shelley. L'écrivain [[André-François Ruaud]] a écrit les [[Essai (littérature)|essais]] ''Les Nombreuses vies de Frankenstein'' en 2008 et ''Sur les traces de Frankenstein'' en 2017 dans lesquels il mêle fiction littéraire et histoire.

=== Cinéma et télévision ===
[[Fichier:Poster Frankenstein film 1910.jpg|gauche|vignette|alt=affiche de la première adaptation cinématographique de Frankenstein en 1910|upright=0.8|Affiche du [[Frankenstein (film, 1910)|film muet de 1910]].]]
[[Fichier:Frankenstein's monster (Boris Karloff).jpg|vignette|alt=Boris Karloff grimé en monstre de Frankenstein|upright=0.8|[[Boris Karloff]] dans le rôle du [[Monstre de Frankenstein|monstre]] (photo publicitaire pour le film ''[[La Fiancée de Frankenstein]]'', [[1935 au cinéma|1935]]).]]
[[Fichier:The Bride of Frankenstein (1935 poster).jpg|vignette|alt=affiche du film ''La fiancée de Frankenstein''|upright=0.8|''[[La Fiancée de Frankenstein]]'', 1935.]]
La première adaptation du roman au [[cinéma]] est réalisée dès 1910 par [[J. Searle Dawley]]. C'est cependant avec [[Frankenstein (film, 1931)|le film sorti en 1931]], adapté de la pièce de [[Peggy Webling]]<ref>[https://www.telegraph.co.uk/culture/theatre/8343915/The-metamorphosis-of-Shelleys-Frankenstein.html The metamorphosis of Shelley’s Frankenstein], ''The Telegraphe'', {{date-|24 février 2011}}.</ref> et réalisé par [[James Whale]] pour [[Universal Pictures]] avec [[Boris Karloff]] dans le rôle de la créature, que le roman de Mary Shelley donne naissance à un véritable filon cinématographique. Le maquillage créé par [[Jack Pierce (maquilleur)|Jack Pierce]] reste célèbre, de même que divers aspects du film qui marquent suffisamment le public pour devenir des [[stéréotype]]s de l'épouvante. En 1935, James Whale réalise une suite, ''[[La Fiancée de Frankenstein]]'' (''{{langue|en|The Bride of Frankenstein}}''), généralement considéré comme un grand classique du genre, supérieur à son prédécesseur<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.empireonline.com/500/58.asp|titre={{langue|en|The 500 Greatest Movies of All Time}}|éditeur=''[[Empire (magazine)|Empire]]''|consulté le=13 septembre 2013}}.</ref>. Ce second film, tout en s'écartant encore plus du roman que le précédent, rend néanmoins hommage à sa genèse littéraire en faisant apparaître, dans un prologue, les époux Shelley et lord Byron. Boris Karloff reprend à nouveau son rôle en 1939 dans un troisième film, ''[[Le Fils de Frankenstein]]''. Le monstre {{Incise|interprété par d'autres acteurs, dont [[Lon Chaney Jr.]] et [[Béla Lugosi]]}} apparaît dans d'autres productions de la Universal, jusqu'à ce que la mode des [[Universal Monsters]] décline à la fin des [[années 1940]].

À la fin de la décennie suivante, le studio britannique [[Hammer Film Productions|Hammer]] lance une nouvelle série de films, qui mettent en vedette non plus le monstre mais le [[Victor Frankenstein|docteur Frankenstein]], interprété la plupart du temps par [[Peter Cushing]] et présenté cette fois comme un [[savant fou]]. Le mythe de Frankenstein, devenu l'un des archétypes du [[Film d'horreur|cinéma d'horreur]], est abordé dans de très nombreux films ou téléfilms, dont la plupart n'ont qu'un lointain rapport avec le texte d'origine. En [[1994]], [[Kenneth Branagh]] réalise ''[[Frankenstein (film, 1994)|Frankenstein]]'' {{Incise|avec lui-même dans le rôle de Victor Frankenstein et [[Robert De Niro]] dans celui du monstre}} qui, contrairement à la majorité des autres films, adapte directement le roman de Mary Shelley (son titre original étant d'ailleurs ''Mary Shelley's Frankenstein''). On peut également citer la mini-série télévisée ''[[Frankenstein (mini-série)|Frankenstein]]'' (2004) ou le film ''[[Docteur Frankenstein (film)|Docteur Frankenstein]]'' (2015). Plus de cent films s'inspirent de manière plus ou moins directe du roman de Mary Shelley {{Incise|ou des films de James Whale}} qu'il s'agisse d'en adapter l'histoire ou simplement de mettre en scène ses personnages<ref>Esther Schor (sous la direction de), ''The Cambridge Companion to Mary Shelley'', Princeton University, 2003, page 81.</ref>.

Par ailleurs, une confusion s'opère avec le temps dans l'esprit du public entre [[Victor Frankenstein]] et [[Monstre de Frankenstein|le monstre qu'il a créé]]. La méprise, qui date de la pièce de [[Peggy Webling]], est renforcée par les films de [[James Whale]], et notamment ''La Fiancée de Frankenstein'', où le monstre et le savant ont tous deux une {{citation|fiancée}} : la créature, qui n'a à l'origine pas de nom, tend fréquemment à être appelée ''Frankenstein'', apparaissant parfois dans des œuvres qui continuent d'utiliser le nom de Frankenstein bien que le personnage de Victor Frankenstein n'y figure pas.

Diverses autres adaptations font parfois se rencontrer la créature {{Incise|et/ou son créateur}} et d'autres personnages de fiction, comme [[Dracula]], voire [[Sherlock Holmes]]. Cette tendance débute dès [[1943]] avec ''[[Frankenstein rencontre le loup-garou]]'', où [[Universal Pictures|Universal]] organise l'affrontement de deux de ses monstres-vedettes. Parmi les variations {{Incise|parfois fantaisistes}} autour de Frankenstein, on peut citer ''[[Frankenstein vs. Baragon]]'' (qui mêle le mythe de Frankenstein avec le genre des [[Kaijū|monstres géants japonais]]) réalisé en 1965 par [[Ishirō Honda]], ''Dracula, prisonnier de Frankenstein'' (''Drácula contra Frankenstein'') et ''Les Expériences érotiques de Frankenstein'' (''La Maldición de Frankenstein'') tous deux réalisés par [[Jesús Franco]] en 1972, ''[[La Résurrection de Frankenstein]]'' (adaptation de ''[[Frankenstein délivré]]'') de [[Roger Corman]] en 1990, ''[[Van Helsing (film)|Van Helsing]]'' de [[Stephen Sommers]] en 2004, etc.

Des films comiques ou parodiques ont aussi mis en scène Frankenstein (et/ou sa créature) comme ''[[Deux Nigauds contre Frankenstein]]'' (''{{langue|en|Abbott & Costello Meet Frankenstein}}'') de [[Charles Barton]] en 1948 ou ''[[Frankenstein Junior]]'' (''{{langue|en|Young Frankenstein}}'') de [[Mel Brooks]] en 1974.

On peut également citer ''[[Gothic (film)|Gothic]]'' de [[Ken Russell]], sorti en 1986, et ''Un été en enfer'' (''Haunted summer'') de [[Ivan Passer]], sorti en 1988<ref>{{Ouvrage |prénom1=Arnaud |nom1=Huftier |directeur1=oui |titre=Littérature et reproduction |sous-titre=L'homme artificiel |lieu=Valenciennes |éditeur=Presses universitaires de Valenciennes |année=2001 |pages totales=170 |passage=76, {{n.}}73 |isbn=978-2-905725-14-1}}.</ref>, deux films qui s'inspirent non pas du roman mais de sa genèse, en dépeignant le séjour des Shelley et de leurs amis au lac Léman<ref>{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Caroline Joan S. |nom1=Picart |prénom2=Frank |nom2=Smoot |prénom3=Jayne |nom3=Blodgett |préface=Noël Carroll |titre=The Frankenstein Film Sourcebook |lieu=Westport (Connecticut) / Londres |éditeur=[[Greenwood Publishing Group|Greenwood Press]] |collection=Bibliographies and Indexes in Popular Culture |numéro dans collection=8 |année=2001 |pages totales=368 |passage=137-138 ; 149-150 |isbn=0-313-31350-4 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=3f820XIzkN8C&printsec=frontcover}}.</ref>. Le [[film biographique]] ''[[Mary Shelley (film)|Mary Shelley]]'' (2018) revient également sur cet épisode.


=== Bande dessinée ===
=== Bande dessinée ===
Des auteurs de bande dessinée se sont aussi intéressés à l'histoire de Frankenstein, qu'ils soient européens, asiatiques ou américains. Comme pour les adaptations filmiques, ces bandes dessinées racontent plus ou moins fidèlement le roman (par exemple ''[[Frankenstein (bande dessinée)|Frankenstein]]'' de [[Marion Mousse]] et Marie Galopin en 2007 chez [[Delcourt (maison d'édition)|Delcourt]]), ou reprennent seulement les grands thèmes du roman pour raconter une toute nouvelle histoire (tel '' Frankenstein encore et toujours'' d'[[Alex Baladi]] publié en 2001 par [[Atrabile]]).
Des auteurs de [[bande dessinée]] se sont aussi intéressés à l'histoire de Frankenstein, qu'ils soient européens, asiatiques ou américains. Comme pour les adaptations filmiques, ces bandes dessinées racontent plus ou moins fidèlement le roman (par exemple ''[[Frankenstein (bande dessinée)|Frankenstein]]'' de [[Marion Mousse]] et Marie Galopin en 2007 chez [[Delcourt (maison d'édition)|Delcourt]]), ou reprennent seulement les grands thèmes du roman pour raconter une toute nouvelle histoire (tel '' Frankenstein encore et toujours'' d'[[Alex Baladi]] publié en 2001 par [[Atrabile (maison d'édition)|Atrabile]]). L'Italien [[Guido Crepax]] signe en 2002 un ''Frankenstein'' qui adapte directement le roman de Mary Shelley<ref>[http://www.actuabd.com/Le-Comte-Dracula-et-Frankenstein Le Comte Dracula et Frankenstein servis par l’élégance fantastique de Guido Crepax], ''Actua BD'', {{date-|3 juin 2014}}.</ref>. En 2021, c'est l'auteur [[Georges Bess]] qui adapte l'histoire de Frankenstein, dans un ouvrage publié par les éditions [[Glénat]]<ref name=":0" />.


Ce n'est pas seulement la bande dessinée européenne qui s'est ainsi parfois intéressée au mythe mais aussi les mangas (ainsi ''Embalming - Une autre histoire de Frankenstein'' de [[Nobuhiro Watsuki]]<ref>{{Lien web |langue= |auteur=Rémi I. |lien auteur= |coauteurs= |url=http://www.bodoi.info/critiques/2010-04-27/embalming-%E2%80%93-une-autre-histoire-de-frankenstein-1-%C2%B0/32774 |titre=Embalming – Une autre histoire de Frankenstein #1 |série= |jour=27 |mois=avril |année=2010 |site=www.bodoi.info |éditeur= |isbn= |page= |citation= |en ligne le= |consulté le= 11 septembre 2013}}</ref>) ou les comics (dès 1940 dans le comic book ''{{lang|en|Prize Comics}}'' édité par [[Prize Publications]] écrit et dessiné par [[Dick Briefer]]). Les deux plus importants éditeurs de comics américains, [[Marvel Comics]] et [[DC Comics]] font aussi du monstre de Frankenstein un personnage de comics. Le premier en 1973 dans un [[comic book]] scénarisé par [[Gary Friedrich]] et dessiné par [[Mike Ploog]]<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=Don Markstein |lien auteur= |coauteurs= |url=http://www.toonopedia.com/franken3.htm |titre=Monster of Frankenstein |série= |jour= |mois=mars |année=2003 |site=www.toonopedia.com |éditeur=|en ligne le= |consulté le= 10 septembre 2013}}</ref> ; le second en 2005, dans la maxi-série ''{{lang|en|Seven Soldiers}}'' de [[Grant Morrison]] qui remporte un [[Eisner Award]] en 2006 dans la catégorie « Meilleure série limitée »<ref>{{Lien web |langue=en |auteur= |lien auteur= |coauteurs= |url=http://www.comic-con.org/awards/2000s |titre=2000s : Comic-Con International : San Diego |série= |jour= |mois= |année= |site=www.comic-con.org |éditeur= |consulté le= 10 septembre 2013}}</ref>.
Outre la [[bande dessinée européenne]], le mythe est présent aussi bien dans les [[comics]] américains (dès 1940 dans le comic book ''{{langue|en|Prize Comics}}'' édité par [[Prize Publications]] écrit et dessiné par [[Dick Briefer]]) que dans les [[manga]]s japonais (ainsi ''[[Frankenstein (manga)|Frankenstein]]'' de [[Junji Itō]] ou ''Embalming - Une autre histoire de Frankenstein'' de [[Nobuhiro Watsuki]]<ref>{{Lien web |langue= |auteur=Rémi I. |lien auteur= |auteur2= |url=http://www.bodoi.info/critiques/2010-04-27/embalming-%E2%80%93-une-autre-histoire-de-frankenstein-1-%C2%B0/32774 |titre=Embalming – Une autre histoire de Frankenstein #1 |série= |jour=27 |mois=avril |année=2010 |site=bodoi.info |éditeur= |isbn= |page= |citation= |en ligne le= |consulté le= 11 septembre 2013}}.</ref>). Les deux plus importants éditeurs américains de comics, [[Marvel Comics|Marvel]] et [[DC Comics|DC]], ont inclus le monstre de Frankenstein parmi leurs personnages. Le premier en 1973 dans une série de [[comic book]]s scénarisée par [[Gary Friedrich]] et dessinée par [[Mike Ploog]], dont la créature est la vedette<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=Don Markstein |lien auteur= |auteur2= |url=http://www.toonopedia.com/franken3.htm |titre=Monster of Frankenstein |série= |jour= |mois=mars |année=2003 |site=toonopedia.com |éditeur=|en ligne le= |consulté le= 10 septembre 2013}}.</ref> ; le second en 2005, dans la maxi-série ''{{langue|en|Seven Soldiers}}'' de [[Grant Morrison]] qui remporte un [[Prix Eisner]] en 2006 dans la catégorie « Meilleure série limitée »<ref>{{Lien web |langue=en |auteur= |lien auteur= |auteur2= |url=http://www.comic-con.org/awards/2000s |titre=2000s : Comic-Con International : San Diego |série= |jour= |mois= |année= |site=comic-con.org |éditeur= |consulté le= 10 septembre 2013}}.</ref>. Marvel a par ailleurs publié en [[1983]] une édition intégrale du roman illustrée par [[Bernie Wrightson]]<ref>[http://weeklycomicbookreview.com/2008/11/08/bernie-wrightsons-frankenstein-review/ Bernie Wrightson’s Frankenstein – Review], ''Weekly Comic book review'', {{date-|8 novembre 2008}}.</ref>.


==Annexes==
=== Chansons ===
Le monstre a inspiré plusieurs chansons, œuvres surtout influencées par [[Frankenstein (film, 1931)|le film sorti en 1931]] et réalisé par [[James Whale]]. [[Boris Vian]] crée en 1959 un morceau intitulé ''Frankenstein'' (« ...Frankenstein est le grand ami de Fantômas ! ») dans lequel il met en scène le monstre de façon plutôt farfelue. Ce titre est interprété par [[Louis Massis]] et [[Roland Gerbeau]]. [[Nicole Paquin]] enregistre en 1961, avec ''Mon Mari C'est Frankenstein'', l'un de ses plus grands succès. [[Jean-Claude Massoulier]] écrit et interprète ''Frankenstein et Dracula'' (« L'un était affreux, l'autre était atroce ») en 1964. Sur une musique parodiant celles des films d'horreur, [[Serge Gainsbourg]] compose le titre ''Frankenstein'' interprété par [[France Gall]] en 1972 (« Fallait un cerveau aussi grand qu'Einstein / Pour en greffer un autre à Frankenstein / Faire de plusieurs cadavres en un instant / Un mort vivant). La Créature est l'objet de nombreuses autres musiques et chansons : ''Frankenstein'' par [[Edgar Winter|The Edgar Winter Group]] (1972), ''Frankenstein'' par [[Louis Chedid]] (1976), ''{{Langue|de|texte=UrUr Enkel von Frankenstein}}'' par [[Frank Zander]] (1974 et 2006), ''{{Langue|en|texte=Feed My Frankenstein}}'' par [[Alice Cooper]] (1991), ''Frankenstei'' par [[Iced Earth]] (2001), ''Frankenstein'' par [[Marcus Miller]] (2005)<ref>{{Ouvrage |auteur1=[[Michel Faucheux]] |titre=Frankenstein, une biographie |éditeur=[[Éditions de l'Archipel|Archipel]] |année=2015 |passage=137 |isbn=}}.</ref>.
===Bibliographie===
====Texte====
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Mary Shelley|titre=''Frankenstein ou le Prométhée moderne''|lieu=Ware, Hertfordshire|éditeur=Wordsworth Classics|année=1992|pages=208|isbn1=1853260231 |isbn2= 978-1853260230}}, introduction et notes de Dr Siv Jansson, Université de Greenwich
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Mary Shelley, Susan J. Wolfson|titre=''Frankenstein ou le Prométhée moderne''|lieu=New York|éditeur= Pearson Longman|année=2007|isbn= 0321399536}}.
====Traductions françaises====
* ''Frankenstein ou le Prométhée moderne'', trad. Jules Saladin, Paris, Corréard, 1821, 3 vols.
* {{Ouvrage|langue =|prénom1 =|nom1 =|lien auteur1 =|titre = ''Frankenstein ou le Prométhée moderne'', trad. et introduction de Germain d'Hangest|sous-titre =|lien titre =|numéro d'édition =|éditeur = La Renaissance du livre|collection =|lien éditeur =|lieu = Paris|année = 1922|mois =|volume =|tome =|pages totales = 247|passage =| isbn =|lire en ligne =|consulté le =|présentation en ligne =|id = hangest}}
* ''Frankenstein'', trad. Hannah Betjeman, Préface et filmographie par Michel Boujut, Lausanne, éditions Rencontre, 1964.
* ''Frankenstein'', trad. Eugène Rocartel et [[Georges Cuvelier]], Club géant, Paris, Presses de la Renaissance (Belfont), préface d'[[Hubert Juin]] « Au Pays des monstres », {{p.|473-483}}, 1967.
* ''Frankenstein'', trad. Raymonde de Gans, Genève, éditions de l'Érable, 1969.
* ''Frankenstein'', trad. Joe Ceurvost, avant-propos de Jacques Bergier, Verviers, Gérard & Co., éditions Marabout, 1978.
* ''Frankenstein ou le Prométhée moderne'', trad. Jean-Marie Mellet, Librairie des Champs-Élysées, 1979.
* ''Frankenstein ou le Prométhée moderne'', trad. [[Paul Couturiau]], Éd. du Rocher, 1988.


== Notes et références ==
====Ouvrages généraux====
=== Notes ===
* {{ouvrage|lang=en|auteur=N. H. Brailsford|titre=Shelley, Godwin and Their Circle|lieu=New York|éditeur=H. Holi and Co.|1913}}, réédition Londres, Williams and Norgate, 1951.
{{références|groupe="N"}}
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Muriel Spark|titre=Child of light, a Reassessment of Mary Wollstonecraft Shelley|lieu=Hadleigh, Essex|éditeur=Tower Bridge Publications|année=1951}}.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Eliz Nitchie|titre=Mary Shelley: Author of ''Frankenstein''|lieu=New Brunswick; N. J.|éditeur=Rutgers University Press|année=1953}}.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Julia Marshall|titre=Mary Shelley, Author of ''Frankenstein''|lieu=Westport|éditeur=Greenwood Press|année=1953}}.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=P. Davendra Varma|titre=The Gothic Flame|lieu=Londres|éditeur=Arthur Baker|année=1957}}.
* {{fr}} {{ouvrage|lang=fr|auteur=Jean de Palacio|titre=Mary Shelley dans son œuvre : contribution aux études sheleyiennes|lieu=Paris|éditeur=Klinksieck|année=1969}}.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Robert M. Philmus|titre=Into the Unknown, the Evolution of Science Fiction from Francis Godwin to H. G. Welles|lieu=Berkeley|éditeur=University of California Press|année=1970}}.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Norman Sylvia|titre chapitre=Mary W. Shelley|titre=Shelley and His Circle|lieu=Cambridge, Mass.|éditeur=Harvard University Press (Kenneth Neill Cameron)|année=1970|pages=|isbn=}}.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Robert Kiely|titre=The Romantic Novel in England|lieu=Cambridge, Mass.|éditeur=Harvard University Press|année=1972}}.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Brian W. Aldriss|titre=Billion Year Spree|lieu=Londres|éditeur=Weidenfeld and Nicholson|année=1973}}.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Robert Scholes et Eric S. Rabkin|titre=science Fiction History, Science Vision|lieu=New York|éditeur=Oxford University Press|année=1977}}.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=William Veeder|titre=May Shelley and ''Frankenstein'': The Fate of Androgyny|lieu=Chicago|éditeur=University of Chicago Press|année=1986}}.
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Cathy Bernheim|titre=Mary Shelley, qui êtes-vous ?|lieu=Lyon|éditeur=La Manufacture|année=1988}}, {{p.|83-102}}.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Annik Mellor|titre=Mary Shelley, Her Life, Her Fiction, Her Monsters|lieu=New York|éditeur=Methuen|année=1988}}.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Muriel Spark|titre=Mary Shelley|lieu=Londres|éditeur=Constable|année=1988|pages=|isbn=}}, chapitre 11 sur ''Frankenstein''.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Emily Sunstein|titre=Mary Shelley: Romance and Realmity|lieu=Boston|éditeur=Little|année=1989}}.
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Monette Vacquin|titre=''Frankenstein'' ou les délires de la raison|lieu=Paris|éditeur=François Bourin|année=1989}}.


====Ouvrages spécifiques====
=== Références ===
{{Traduction/Référence|en|Frankenstein|554471346}}
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Gustave Moeckli|titre=Un Genevois méconnu : Frankenstein|lieu=Genève|éditeur=Musée de Genève, 111|mois=novembre et décembre|année=1962}}, {{p.|10-13}}.
{{Références}}
* {{ouvrage|lang=en|auteur=James Rieger|titre=Studies in English Literature 1500-1900, N°3|lieu=Houston|éditeur=Rice University MS-46|année=1963}}, {{p.|461-472}}

* {{ouvrage|lang=en|auteur=B. R. Pollin|titre chapitre=« ''Philosophical and Lierary Sources of ''Frankenstein''|titre=''Comparative Literature'', 17.2|lieu=|éditeur=|année=1965}}, {{p.|97-108}}.
== Annexes ==
* {{Ouvrage|lang=en|auteur=R. D. Hume|titre=Gothic vs Romantic; A Revaluation of the Gothic Novel|lieu=Los Angeles|éditeur=PMLA 84|1969}}, {{p.|282-290}} ; {{fr}} trad. ''in'' ''Romantisme noir'', Paris, L'Herne, {{p.|37-51}}.
=== Bibliographie ===
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Wilfred Cude|titre chapitre=« ''M. Shelley's Modern Prometheus: A Study in the ethics of scientific creativity'' »|titre=The Dalhousie Review|lieu=Dalhousie|éditeur=Dalhousie University|année=1969}}, {{p.|212-225}}, réédition en 1972.
* {{plume}} Textes utilisés pour rédiger l'article.
* {{Ouvrage|lang=en|auteur=R. Scholes & Eric S. Rabkin|titre=SF, History, Science, Vision|lieu=Londres|éditeur=Weidenfeld & Nicholson|année=1972}}, {{p.|182-183}}.
==== Texte ====
* {{ouvrage|lang=en|auteur=R. J. Dunn|titre=Narrative Distance in ''Frankenstein''. ''Studies in the Novel'' 6|lieu=|éditeur=|année=1974|isbn=}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Mary Shelley |titre=Frankenstein ou le Prométhée moderne |lieu=Ware, Hertfordshire |éditeur=Wordsworth Classics |année=1992 |pages totales=208 |isbn=1-85326-023-1 |isbn2=978-1853260230}}, introduction et notes de {{Dr|Siv Jansson}}, Université de Greenwich
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Marc Rubinstein|titre chapitre=My Accurs'd Origin: The Search for the Mother in ''Frankenstein''|titre=Studies in Romanticism'', n° 15|année=1976|pages=1656-184}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Mary Shelley |auteur2=Susan J. Wolfson |titre=Frankenstein ou le Prométhée moderne |lieu=New York |éditeur=Pearson Longman |année=2007 |isbn=978-0-321-39953-3 |isbn2=0-321-39953-6 |plume=oui}}
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Hubert Teyssandier|titre chapitre=Les formes de la création romanesque à l'époque de Walter Scott et de Jane Austen (1814-1820)|titre=Études anglaises, n° 24|lieu=Paris|éditeur=Didier|année=1977}}.
==== Traductions françaises ====
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Liliane Abensour et Françoise Charras|titre=Romantisme noir|lieu=Paris|éditeur=L'Herne|année=1978|titre chapitre=Gothique au féminin}}, {{p.|244-252}}.
===== Présentation =====
* {{ouvrage|lang=en|auteur=David Ketterer|titre=Frankenstein's Creation, The Book, The Monster and the Human Reality|lieu=Victoria|éditeur=Victoria University Press|année=1979}}.

* {{ouvrage|lang=en|auteur=David Punter|titre=The Literature of Terror: A History of Gothic Fictions from 1765 to the present day|lieu=Londres|éditeur=Longman|année=1980}}.
Il existe une dizaine de traductions françaises de ce roman<ref group="B">{{NooSFere livre|consulté le=2016-06-26}}.</ref>.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Rosemary Jackson|titre chapitre|Gothic Tales and Novels|titre=Fantasy, The Literature of Subversion|collection=New Accents|lieu=Londres et New York|éditeur=Methuen|année=1981}}.

* {{ouvrage|lang=en|auteur=Mary Poovey|titre=The Proper Lady and the Woman Writer: Ideology as Style in the Works of Mary Wollstonecraft, Mary Shelley, and Jane Austen|lieu=Chicago|éditeur=Chicago University Press|collection=''Women in Culture and Society Series''|année=1985|pages=290|isbn=0226675289/13: 978-0226675282}}
La première traduction française, par Jules Saladin, est publiée chez [[Alexandre Corréard|Corréard]] seulement trois ans après la publication originale du roman, le {{Date|21 juillet 1821}}<ref group="B">{{Ouvrage |auteur1=[[Cathy Bernheim]] |titre=Mary Shelley |sous-titre=qui êtes-vous ? |éditeur=La Manufacture |année=1988 |passage=241 |isbn=}}.</ref>.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Chris Baldick|titre=In Frankenstein's Shadow: Myth, Monstrosity and 19th Century Writing|lieu=Oxford|éditeur=Clarendon Press|année=1987}}, {{p.|1-63}}.

* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Jean-Jacques Lecercle|titre=''Frankenstein'' : mythe et philosophie|lieu=Paris|éditeur=PUF|année=1988}}.
Ce n'est qu'un siècle plus tard, en [[1922 en littérature|1922]], que parait une deuxième traduction française, par Germain d'Hangest, puis en [[1932 en littérature|1932]], une troisième traduction, aux Éditions Cosmopolites, dont l'auteur n'est pas mentionné.
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Rand Miller|titre chapitre=The Being and Becoming in ''Frankenstein''|titre=''Sub-stance'', vol. 18, n° 3|année=1989|p=60-73}}.

* {{ouvrage|lang=en|auteur=Neil Cornwell|titre=The Literary Fantastic from Gothic to Postmodernism|lieu=New York et Toronto|éditeur=Harvester Wheatsheaf|année=1990}}.
Dans les années [[1940 en littérature|1940]], se succèdent trois nouvelles traductions : Eugène Rocartel et Georges Cuvelier ([[1945 en littérature|1945]]), Henry Langon ([[1946 en littérature|1946]]), Hannah Betjeman ([[1947 en littérature|1947]]).
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Francis Lacassin|titre=Mythologie et fantastique : les rivages de la nuit|lieu=Paris|éditeur=Les Rivages de la nuit, jean-Pierre Bertrand éd.1991|titre chapitre=''Frankenstein'' ou l'hygiène du macabre|année=1991}}, {{p.|29-51}}.

* {{ouvrage|lang=en|auteur=Johanna Smith|titre=''Frankenstein'', A Case Study in Contemporary Criticism|Lieu=Boston|éditeur=Bedford Books of st Martin's Press|1992}}.
Puis, entre [[1947 en littérature|1947]] et [[1964 en littérature|1964]], tout comme pour le roman ''[[Dracula]]'' de [[Bram Stoker]], il ne semble pas y avoir de nouvelles rééditions françaises de ces deux romans, y compris pendant les cinq années qui suivirent le succès des films de la [[Hammer Film Productions|Hammer]] portant sur ces deux personnages mythiques, sortis en [[1957 en littérature|1957]] et [[1958 en littérature|1958]].
* {{ouvrage|lang=en|auteur=George Levine|titre chapitre=''Frankenstein'' and the tradition of Realism|titre=Novel, 7|année=1973}}, {{p.|14-30}}.

* {{fr}} {{ouvrage|auteur=G. Ponneau|titre=Le mythe de Frankenstein et le retour aux images|lieu=Paris|éditeur=Trames|année=1976}}, collection : Littérature comparée, {{p.|3-16}}.
Il faut attendre [[1964 en littérature|1964]], pour que l'éditeur [[Marabout (maison d'édition)|Marabout]], à la suite du succès de la publication de la traduction de [[Lucienne Molitor]] pour ''[[Dracula]]'' en [[1963 en littérature|1963]] dans sa collection Marabout Géant, publie une nouvelle traduction de Frankenstein, par [[Joe Ceurvorst]], toutes deux rééditées de nombreuses fois par la suite.
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=J. C. Petit|titre=Frankenstein, Dracula, Elephant Man: Terreur, Solitude, Esthétique|lieu=paris|éditeur=Université de Paris VII|année=1988}}.

* {{fr}} {{en}} {{ouvrage|auteur=Max Duperray|titre=Mary Shelley, ''Frankenstein''|lieu=Vanves|éditeur=CNED|année=1994|pages=80}}
Les anciennes traductions commencent alors à être rééditées progressivement, excepté celle de Henry Langon, uniquement parue au Scribe en [[1946 en littérature|1946]], et celle parue aux Éditions Cosmopolites en [[1932 en littérature|1932]], dont le nom du traducteur n'est pas connu.
* {{fr}} {{en}} {{ouvrage|auteur=Robert Ferrieux|titre=Mary Shelley, ''Frankenstein''|lieu=Perpignan|éditeur=Université de Perpignan Via Domitia|année=1994|pages=102}}

* {{ouvrage|lang=en|auteur= Mary Shelley, Morton D. Paley|titre=[[Le Dernier Homme (Mary Shelley)|The Last Man]]|lieu=Oxford|éditeur= Oxford Paperbacks|année=1998|isbn= 0192838652}}.
Si l'on excepte les trois traductions parues dans les années [[1970 en littérature|1970]], par Raymonde de Gans ''(Famot, Crémille, Ferni)'', Guy Abadia ''(Hachette, coll. Poche Rouge)'', Jean-Marie Mellet ''(Le Masque Fantastique)'', pour la plupart jamais rééditées, seules se distinguent ensuite celles de [[Paul Couturiau]], parue en [[1988 en littérature|1988]], puis d'[[Alain Morvan]] et Marc Porée parue aux [[Éditions Gallimard]] dans la [[Bibliothèque de la Pléiade]] en [[2014 en littérature|2014]].

===== Chronologie =====

'''1821 - Traduction de Jules Saladin'''

* 1821 - Corréard, {{nobr|3 volumes}}.
* ...
* 1975 - Cercle Européen du Livre,
* 1984 - Albin Michel, illustré par [[Bernie Wrightson]], préface de [[Stephen King]], {{nobr|180 p.}}
* 2001 - Éditions Biotop, collection 3/2 Le Mini-Livre ({{unité|3.2|cm}} x {{unité|2.5|cm}}) (extraits), 74p.
* 2010 - Soleil, illustré par [[Bernie Wrightson]], {{nobr|235 p.}}
* 2012 - Éditions Archipoche, La bibliothèque du collectionneur, {{nobr|286 p.}}
* 2015 - Éditions Pages Ouvertes, {{nobr|256 p.}} (traduction révisée par Pierre Bouvet)

{{citeref|hangest|'''1922 - Traduction de Germain d'Hangest'''}}

* 1922 - La Renaissance du Livre, {{nobr|248 p.}}
* 1979 - GF-Flammarion, {{n°|320}}, {{nobr|382 p.}} (rééd. 1989, 1999)
* 2000 - Garnier, L'Homme fabriqué (anthologie)
* 2001 - Flammarion, Étonnants classiques, {{n°|2128}} (extraits) (rééd.2007, 2012)
* 2003 - Le Soir, La Bibliothèque du Soir, {{n°|4}}

'''1932 - Traducteur non mentionné'''

* 1932 - Éditions Cosmopolites, collection du lecteur, {{n°|91}}<ref group="B">Certains exemplaires portent par erreur le {{n°|96}}.</ref>, Paris, 1932, {{nobr|248 p.}}

'''1945 - Traduction d'Eugène Rocartel et Georges Cuvelier'''

* 1945 - Éditions La Boétie, {{nobr|237 p.}}
* 1967 - Les Éditions de la Renaissance, coll. Club du Livre Sélectionné (limité à 3000 ex.)
* 1967 - Les Éditions de la Renaissance, coll. Club Géant, {{nobr|494 p.}} préface d'[[Hubert Juin]] « Au Pays des monstres », {{p.|473-483}}.
* 1994 - France Loisirs, {{nobr|256 p.}}
* 1995 - Pocket Cinéma, {{n°|3252}}, {{nobr|358 p.}} (rééd. 2002, 2006)

'''1946 - Traduction de Henry Langon'''

* 1946 - Le Scribe, {{nobr|132 p.}}

'''1947 - Traduction de Hannah Betjeman'''

* 1947 - Éditions du Rocher, {{nobr|232 p.}}
* 1963 - Éditions Rencontre, {{nobr|250 p.}}
* 1964 - UGE (Union Générale d'Éditions), coll 10-18, {{n°|219}}-220, {{nobr|320 p.}} (rééd. 1971)
* 1968 - Edito-Service, Les Chefs-d'œuvre du roman fantastique, {{n°|4}}
* 1982 - Gallimard Jeunesse, 1000 soleils Or, {{nobr|256 p.}}
* 1987 - Gallimard Jeunesse, Folio junior, {{n°|407}}, {{nobr|256 p.}} (rééd. 1989)
* 1992 - Gallimard Jeunesse, Folio junior Édition Spéciale, {{n°|675}}, {{nobr|288 p.}} (rééd. 1999)
* 1994 - Omnibus, Les Savants fous (anthologie)
* 2010 - Folio Junior

'''1964 - Traduction de [[Joe Ceurvorst]]'''

* 1964 - Marabout Géant {{n°|203}}, {{nobr|416 p.}} (rééd. 1971, 1976, 1978, 1982, 1984, 1988 - Marabout, Les chefs-d'œuvre de l'épouvante, {{n°|34}}, 1993 - Marabout {{n°|9002}}, 1994 - Marabout, Littérature, {{n°|9010}}, 2009 - Marabout, Marabout fantastic).
* 1967 - Éditions Baudelaire, Livre-club des Champs-Élysées, {{nobr|408 p.}}
* 1979 - Prodifu, Les Cent un chefs-d'œuvre du génie humain, {{nobr|432 p.}}
* 1989 - Robert Laffont, Bouquins, ''Les Évadés des ténèbres'' (anthologie)
* 1994 - J'ai Lu, Épouvante, {{n°|3567}}, {{nobr|284 p.}} (réed. 1997, 1999, 2005)
* 1996 - Livre de Poche Jeunesse, {{n°|1108}}, {{nobr|320 p.}}
* 1997 - Livre de Poche, Classiques de poche, {{n°|3147}}, {{nobr|256 p.}} (rééd. 2001, 2008, 2009 : Classiques de poche, {{n°|31266}}, {{nobr|352 p.}})

'''1968 - Traduction de Raymonde de Gans'''

* 1968 - Éditions de l'Érable, Les Chefs-d'œuvre du Mystère et du Fantastique, {{nobr|276 p.}}
* 1974 - Famot, Les Chefs-d'œuvre du mystère et du fantastique, {{nobr|276 p.}}
* 1978 - Ferni, coll. Les Cent livres, {{nobr|268 p.}}
* 1992 - Crémille, {{nobr|276 p.}}

'''1976 - Traduction de Guy Abadia'''

* 1976 - Hachette, coll. Poche Rouge, Illustration [[Tibor Csernus]], {{nobr|184 p.}}

'''1979 - Traduction de Jean-Marie Mellet'''

* 1979 - Le Masque Fantastique, {{2e|série}}, {{n°|22}}, {{nobr|320 p.}}

'''1988 - Traduction de [[Paul Couturiau]]'''

* 1988 - Éditions du Rocher, Grand Livre du Mois, {{nobr|256 p.}}
* 1994 - Éditions du Rocher, Les Grands classiques, {{n°|1}}, {{nobr|252 p.}}
* 1997 - Gallimard Jeunesse, Chefs-d'Œuvre Universels, {{n°|8}}, {{nobr|256 p.}}
* 1997 - Gallimard, Folioplus, {{n°|29}}, {{nobr|374 p.}} (rééd. 2008)
* 2000 - Gallimard, Folio SF, {{n°|5}}, {{nobr|320 p.}} (rééd. 2005)
* 2001 - Éditions Hemma, Livre club jeunesse, {{n°|75}}
* 2005 - Maxi poche, {{nobr|224 p.}}

'''2014 - Traduction d'[[Alain Morvan]] et Marc Porée'''

* 2014 - Gallimard, coll. "Bibliothèque de la Pléiade" {{n°|599}}, ''Frankenstein et autres romans gothiques'' (anthologie), {{nobr|1440 p.}}
* 2015 - Gallimard, Folio SF, {{n°|533}}, {{nobr|336 p.}}

==== Ouvrages généraux ====
{{Début de colonnes|taille=30}}
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Claude Aziza]] |titre=Dictionnaire Frankenstein |lieu=Paris |éditeur=Omnibus |collection=Bibliomnibus |année=2018 |pages totales=205 |isbn=978-2-258-15040-9 |présentation en ligne={{NooSFere édition|id=2146596250|texte=présentation en ligne}}}}.
* {{Ouvrage |auteur1=[[Michel Faucheux]] |titre=Frankenstein |sous-titre=une biographie |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions de l'Archipel|Archipel]] |année=2015 |pages totales=280 |isbn=}}
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=N. H. Brailsford |titre=Shelley, Godwin and Their Circle |lieu=New York |éditeur=H. Holi and Co. |année=1913 }}, réédition Londres, Williams and Norgate, 1951.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Muriel Spark |titre=Child of light, a Reassessment of Mary Wollstonecraft Shelley |lieu=Hadleigh, Essex |éditeur=Tower Bridge Publications |année=1951 |plume=oui}}
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Elizabeth Nitchie |titre=Mary Shelley |sous-titre=Author of ''Frankenstein'' |lieu=New Brunswick |éditeur=Rutgers University Press |année=1953 |pages totales={{XIV}}-255 |présentation en ligne=https://www.jstor.org/stable/511090?seq=1#page_scan_tab_contents}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Julia Marshall |titre=Mary Shelley, Author of ''Frankenstein'' |lieu=Westport |éditeur=[[Greenwood Publishing Group|Greenwood Press]] |année=1953 }}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=P. Davendra Varma |titre=The Gothic Flame |lieu=Londres |éditeur=Arthur Baker |année=1957 }}.
* {{Ouvrage |auteur1=[[Jean de Palacio]] |titre=Mary Shelley dans son œuvre |sous-titre=contribution aux études sheleyiennes |lieu=Paris |éditeur=Klinksieck |année=1969 |pages totales=720 }}
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Robert M. Philmus |titre=Into the Unknown, the Evolution of Science Fiction from Francis Godwin to H. G. Wells |lieu=Berkeley |éditeur=[[University of California Press]] |année=1970 |isbn=}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Norman Sylvia |titre=Shelley and His Circle |lieu=Cambridge |éditeur=[[Harvard University Press]] (Kenneth Neill Cameron) |année=1970 |isbn= |titre chapitre=Mary W. Shelley}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Robert Kiely |titre=The Romantic Novel in England |lieu=Cambridge |éditeur=[[Harvard University Press]] |année=1972 |pages totales={{XII}}-275 |isbn=}}
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Brian W. Aldriss |titre=Billion Year Spree |lieu=Londres |éditeur=Weidenfeld and Nicholson |année=1973 |isbn=}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Robert Scholes |auteur2=Eric S. Rabkin |titre=Science Fiction History, Science Vision |lieu=New York |éditeur=[[Oxford University Press]] |année=1977 |isbn=}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Margaret Drabble |titre=The Oxford Companion to English Literature |lieu=Londres et Oxford |éditeur=Guild Publishing et Oxford University Press |année=1985 |isbn= |plume=oui}}
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=William Veeder |titre=Mary Shelley and ''Frankenstein'' |sous-titre=The Fate of Androgyny |lieu=Chicago |éditeur=[[University of Chicago Press]] |année=1986 |pages totales={{IX}}-277 |isbn=0-226-85225-3 |présentation en ligne=https://www.jstor.org/stable/29532533?seq=1#page_scan_tab_contents}}.
* {{Ouvrage |auteur1=Cathy Bernheim |titre=Mary Shelley, qui êtes-vous ? |lieu=Lyon |éditeur=La Manufacture |année=1988 |isbn=}}, {{p.|83-102}}.{{plume}}
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Annik Mellor |titre=Mary Shelley, Her Life, Her Fiction, Her Monsters |lieu=New York |éditeur=[[Methuen (maison d'édition)|Methuen]] |année=1988 |pages totales={{XX}}-276 |isbn= |présentation en ligne=https://www.jstor.org/stable/24042547?seq=1#page_scan_tab_contents}}, {{lire en ligne|lien=https://www.jstor.org/stable/30210320?seq=1#page_scan_tab_contents|texte=présentation en ligne}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Muriel Spark |titre=Mary Shelley |lieu=Londres |éditeur=Constable |année=1988 |isbn=}}, chapitre 11 sur ''Frankenstein''.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Emily Sunstein |titre=Mary Shelley |sous-titre=Romance and Reality |lieu=Boston |éditeur=[[Little, Brown and Company|Little]] |année=1989 |pages totales={{XII}}-478 |isbn= |présentation en ligne=https://www.jstor.org/stable/24042582?seq=1#page_scan_tab_contents}}, {{lire en ligne|lien=https://www.jstor.org/stable/30210319?seq=1#page_scan_tab_contents|texte=présentation en ligne}}.
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Monette Vacquin |titre=''Frankenstein'' ou les délires de la raison |sous-titre=essai |lieu=Paris |éditeur=François Bourin |année=1989 |pages totales=230 |isbn=2-87686-028-7}}.
{{Fin de colonnes}}

==== Ouvrages et articles spécifiques ====
{{Début de colonnes|taille=30}}
* {{Ouvrage |auteur1=Gustave Moeckli |titre=Un Genevois méconnu |sous-titre=Frankenstein |lieu=Genève |éditeur=Musée de Genève, 111 |année=1962 |mois=novembre et décembre }}, {{p.|10-13}}.
* {{article|langue=en| prénom1=James |nom1=Rieger|lien auteur1= |titre= Dr. Polidori and the Genesis of ''Frankenstein''| périodique= Studies in English Literature 1500-1900 |numéro= 3|lieu=Houston|éditeur=Rice University MS-46|date= hiver 1963|passage= 461-472| lire en ligne= http://knarf.english.upenn.edu/Articles/rieger.html|plume= oui}}
* {{article|langue=en|prénom1=Burton R. |nom1=Pollin |titre=Philosophical and Literary Sources of ''Frankenstein'' | périodique=Comparative Literature|lieu=|éditeur=|volume=17 |numéro= 2|date= printemps 1965|passage=97-108|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/1769997?seq=1#page_scan_tab_contents}}.
* {{article|langue=en|prénom1=Robert D. |nom1=Hume|titre=Gothic versus Romantic|sous-titre=A Revaluation of the Gothic Novel | périodique=PMLA|lieu=Los Angeles|éditeur=Modern Language Association|volume=84 |numéro= 2|mois= mars|année=1969|passage=282-290|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/1261285?seq=1#page_scan_tab_contents|commentaire= {{fr}} trad. dans ''Romantisme noir'', Paris, L'Herne, {{p.|37-51}}.}}
* {{article|langue=en|prénom1=Wilfred |nom1=Cude|titre=Mary Shelley's Modern Prometheus|sous-titre=A Study in the Ethics of Scientific Creativity | périodique=The Dalhousie Review|lieu=Dalhousie|éditeur=Dalhousie University|année=1969|passage=212-225|lire en ligne=http://dalspace.library.dal.ca:8080/bitstream/handle/10222/59493/dalrev_vol52_iss2_pp212_225.pdf?sequence=1&isAllowed=y}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Robert Scholes |auteur2=Eric S. Rabkin |titre=Science Fiction |sous-titre=History-Science-Vision |lieu=Londres |éditeur=Weidenfeld & Nicholson |année=1972 |passage=182-183 |isbn=}}.
* {{article|langue=en| prénom1=Richard J. |nom1=Dunn|lien auteur1= |titre= Narrative Distance in ''Frankenstein''| périodique= Studies in the Novel| lien périodique= |numéro= 6| année= 1974|passage= 408-417| lire en ligne=http://knarf.english.upenn.edu/Articles/dunn.html|plume= oui}}
* {{article|langue=en| prénom1=Marc A.|nom1=Rubenstein|lien auteur1= |titre= "My Accurs'd Origin"|sous-titre= The Search for the Mother in ''Frankenstein''| périodique= Studies in Romanticism| lien périodique= |numéro= 15| date= printemps 1976|passage= 165-94| lire en ligne= http://knarf.english.upenn.edu/Articles/rubenst.html|plume= oui}}
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Hubert Teyssandier |titre=Les formes de la création romanesque à l'époque de Walter Scott et de Jane Austen (1814-1820) |lieu=Paris |éditeur=[[Didier (maison d'édition)|Didier]] |collection=Études anglaises |numéro dans collection=64 |année=1977 |pages totales=430 |isbn=2-208-03031-1}}.
* {{Ouvrage |auteur1=Liliane Abensour |auteur2=Françoise Charras |titre=Romantisme noir |lieu=Paris |éditeur=[[L'Herne]] |année=1978 |isbn= |titre chapitre=Gothique au féminin}}, {{p.|244-252}}.
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=David Ketterer|titre=Frankenstein's Creation, The Book, The Monster and the Human Reality|lieu=Victoria|éditeur=Victoria University Press|année=1979|isbn=}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=David Punter |titre=The Literature of Terror |sous-titre=A History of Gothic Fictions from 1765 to the present day |lieu=Londres |éditeur=Longman |année=1980 |isbn=}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Rosemary Jackson |titre=Fantasy, The Literature of Subversion |lieu=Londres et New York |éditeur=[[Methuen (maison d'édition)|Methuen]] |collection=New Accents |année=1981 |isbn= |titre chapitre=Gothic Tales and Novels}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Mary Poovey |titre=The Proper Lady and the Woman Writer |sous-titre=Ideology as Style in the Works of Mary Wollstonecraft, Mary Shelley, and Jane Austen |lieu=Chicago |éditeur=Chicago University Press |collection=Women in Culture and Society Series |année=1985 |pages totales=290 |isbn=0-226-67528-9 |isbn2=978-0226675282 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=VdKA862gUtUC&printsec=frontcover |plume=oui}}
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Chris Baldick |titre=In Frankenstein's Shadow |sous-titre=Myth, Monstrosity and 19th Century Writing |lieu=Oxford |éditeur=[[Oxford University Press|Clarendon Press]] |année=1987 |isbn=}}, {{p.|1-63}}.
* {{Ouvrage |prénom1=Jean-Jacques |nom1=Lecercle |titre=''Frankenstein'' |sous-titre=mythe et philosophie |lieu=Paris |éditeur=[[Presses universitaires de France]] |collection=Philosophies |numéro dans collection=17 |année=1988 |pages totales=124 |isbn=2-13-041872-4 |présentation en ligne=http://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_1989_num_21_1_1729_t1_0543_0000_3}}{{Commentaire biblio|Réédition corrigée : {{Ouvrage|prénom1=Jean-Jacques|nom1=Lecercle|titre=''Frankenstein''|sous-titre=mythe et philosophie|lieu=Paris|éditeur=[[Presses universitaires de France]]|collection=Philosophies|numéro dans collection=17|année=1994|pages totales=124|isbn=2-13-041872-4}}{{plume}}}}
* {{article|langue=en| prénom1=Rand |nom1=Miller|lien auteur1= |titre= The Being and Becoming of ''Frankenstein''| périodique=SubStance | éditeur= University of Wisconsin Press | volume= 18|numéro=60 ({{vol.|18}}, {{n.|3}})|titre numéro= Writing the Real| année= 1989|passage= 60-74| lire en ligne= https://www.jstor.org/stable/3685251?seq=1#page_scan_tab_contents|plume= oui}}
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Neil Cornwell |titre=The Literary Fantastic from Gothic to Postmodernism |lieu=New York et Toronto |éditeur=Harvester Wheatsheaf |année=1990 |isbn=}}.
* {{Ouvrage |auteur1=Francis Lacassin |titre=Mythologie et fantastique |sous-titre=les rivages de la nuit |lieu=Paris |éditeur=Les Rivages de la nuit, jean-Pierre Bertrand éd.1991 |année=1991 |isbn= |titre chapitre=''Frankenstein'' ou l'hygiène du macabre}}, {{p.|29-51}}.{{plume}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Johanna Smith|titre=''Frankenstein'', A Case Study in Contemporary Criticism|lieu=Boston|éditeur=Bedford Books of st Martin's Press|année=1992|isbn=}}.
* {{article|langue=en| prénom1=George |nom1=Levine|lien auteur1= |titre= ''Frankenstein'' and the Tradition of Realism| périodique=Novel | lien périodique= |numéro= 7| date= automne 1973|passage= 14-30| lire en ligne= http://knarf.english.upenn.edu/Articles/levine3.html|plume= oui}}
* {{Ouvrage |auteur1=Gwenhaël Ponneau |titre=Le mythe de Frankenstein et le retour aux images |lieu=Paris |éditeur=Trames |année=1976 |isbn=}}, collection : Littérature comparée, {{p.|3-16}}.
* {{Ouvrage |auteur1=Jean-Claude Petit |titre=Frankenstein, Dracula, Elephant Man |sous-titre=Terreur, Solitude, Esthétique |lieu=Paris |éditeur=Université de Paris VII |année=1988 |isbn=}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Max Duperray |titre=Mary Shelley, ''Frankenstein'' |lieu=Vanves |éditeur=CNED |année=1994 |pages totales=80 |isbn= |plume=oui}}
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Robert Ferrieux |titre=Mary Shelley, ''Frankenstein'' |lieu=Perpignan |éditeur=Université de Perpignan Via Domitia |année=1994 |pages totales=102 |isbn= |plume=oui}}
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* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Laura |nom1=Kreyder |titre=La passion des petites filles |sous-titre=histoire de l'enfance féminine de la Terreur à ''Lolita'' |lieu=Arras |éditeur=Artois presses université |collection=Études littéraires |année=2004 |pages totales=324 |passage=88-107 |isbn=2-84832-002-8 |lire en ligne=https://books.openedition.org/apu/2132 |titre chapitre=Une naissance monstrueuse}}.
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Alain |nom1=Morvan |lien auteur1=Alain Morvan |titre=Mary Shelley et ''Frankenstein'' |sous-titre=itinéraires romanesques |lieu=Paris |éditeur=[[Presses universitaires de France]] |collection=Essais |année=2005 |pages totales=348 |isbn=2-13-053550-X |présentation en ligne=http://www.puf.com/Autres_Collections:Mary_Shelley_et_Frankenstein_itinéraires_romanesques}}.
* {{Ouvrage |prénom1=Radu |nom1=Florescu |prénom2=Matei |nom2=Cazacu |lien auteur2=Matei Cazacu |titre=Frankenstein |titre original=In search of Frankenstein |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Tallandier|Tallandier]] |année=2011 |pages totales=294 |isbn=978-2-84734-812-5 |présentation en ligne={{NooSFere édition|id=2146580757|texte=présentation en ligne}}}}.
* {{Ouvrage |prénom1=Claire-Éliane |nom1=Engel |titre=Byron et Shelley en Suisse et en Savoie (mai-octobre 1816) |lieu=Chambéry |éditeur=Victor Attinger / Librairie Dardel |année=1930 |pages totales=111 }}
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Paul Arthur |nom1=Cantor |titre=Creature and Creator |sous-titre=Myth-making and English Romanticism |lieu=Cambridge |éditeur=[[Cambridge University Press]] |année=1984 |pages totales={{XXI}}-223 |isbn=0-521-25831-6 |présentation en ligne=https://www.jstor.org/stable/3731701?seq=1#page_scan_tab_contents}}.
* {{Ouvrage |langue=fr |langue originale=en |prénom1=Julia V. |nom1=Douthwaite |traducteur=Pierre André et Alexane Bébin |préface=[[Jean-Clément Martin]] |titre=Le Frankenstein français et la littérature de l'ère révolutionnaire |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Classiques Garnier|Classiques Garnier]] |collection=Littérature, histoire, politique |numéro dans collection=24 |année=2016 |pages totales=385 |isbn=978-2-8124-4605-4 |présentation en ligne=http://resf.revues.org/419}}, {{lire en ligne|lien=https://ahrf.revues.org/13231|texte=présentation en ligne}}, {{lire en ligne|lien=https://www.classiques-garnier.com/editions/index.php?option=com_virtuemart&page=shop.product_details&flypage=flypage_garnier.tpl&product_id=2494&vmcchk=1&Itemid=1|texte=présentation en ligne}}.
* {{Ouvrage |prénom1=André |nom1=Caron |titre=Frankenstein lui a échappé. Les tourments cinématographiques d’un mythe moderne |lieu=Longueuil (Québec) |éditeur=L’instant même |année=2018 |pages totales=188 |isbn=}}
* {{Chapitre|prénom1=Olivier|nom1=Larizza|lien auteur1= |titre chapitre=Mary Shelley dans la main de son mari ? L'ombre de Percy Shelley dans ''Frankenstein'' |auteurs ouvrage=Hélène Maurel-Indart (dir.)|titre ouvrage=Femmes artistes et écrivaines dans l'ombre des grands hommes |lieu=Paris|éditeur=Classiques Garnier |collection=Masculin-féminin dans l'Europe moderne |numéro dans collection=27 |année=2019 |isbn=978-2-406-08990-2 |pages totales=283 |passage=213-235}}.
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* [http://www.frankensteinfilms.com www.frankensteinfilms.com] - Frankenstein : films et roman et jeux (en anglais)
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* Lire en Français [http://www.diogene.ch/IMG/pdf/shelley_frankenstein.pdf Frankenstein, éditions Diogène Ebooks libres et gratuits (fr)]
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* [http://bcs.fltr.ucl.ac.be/FE/02/Promethee.html De l'âge d'or à Prométhée : le choix mythique entre le bonheur naturel et le progrès technique]
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Frankenstein ou le Prométhée moderne
Image illustrative de l’article Frankenstein ou le Prométhée moderne
Frontispice de l'édition de 1831.

Auteur Mary Shelley
Pays Drapeau du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande Royaume-Uni
Genre Gothique, science-fiction
Horreur
Version originale
Langue Anglais
Titre Frankenstein; or, The Modern Prometheus
Éditeur Lackington, Hughes, Harding, Marvor & Jones.
Date de parution 1818 (édition révisée : 1831)
Version française
Traducteur Jules Saladin
Éditeur Corréard[1]
Lieu de parution Paris
Date de parution 1821
Chronologie

Frankenstein ou le Prométhée moderne (Frankenstein; or, The Modern Prometheus) est un roman épistolaire publié anonymement le par Mary Shelley, et traduit pour la première fois en français par Jules Saladin, en 1821. Il relate la création par un jeune savant suisse, Victor Frankenstein, d'un être vivant assemblé avec des parties de chairs mortes. Horrifié par l'aspect hideux de l'être auquel il a donné la vie, Frankenstein abandonne son « monstre ». Mais ce dernier, doué d'intelligence, se venge par la suite d'avoir été rejeté par son créateur et persécuté par la société.

Le système narratif est fondé sur une série de récits en abyme enchâssés les uns dans les autres. Le cadre général est celui d'une tentative d'exploration polaire par Robert Walton ; à l'intérieur se situe l'histoire de la vie de Victor Frankenstein, recueilli par l'explorateur sur la banquise ; enfin, cette dernière recèle la narration faite à Frankenstein par le monstre, en particulier des tourments qu'il a endurés.

Le roman trouve son origine dans le séjour en Suisse, en juin 1816, d'un groupe de jeunes romantiques, parmi lesquels Mary Wollstonecraft Godwin, son amant et futur mari Percy Bysshe Shelley, et leur ami Lord Byron. Ce dernier propose, pour passer le temps, que chacun écrive une histoire d'épouvante. Byron entame un brouillon qui sera repris par John Polidori et publié sous le titre Le Vampire, un court récit qui lance le thème du vampirisme en littérature ; c'est cependant Mary — alors âgée de dix-neuf ans — qui signe avec Frankenstein ou le Prométhée moderne le texte le plus élaboré et le plus abouti.

Dès sa parution, Frankenstein est catalogué en roman gothique ; tiré à 500 exemplaires seulement, il est ensuite considéré par la plupart des critiques comme un chef-d'œuvre de ce genre littéraire qui était auparavant décrié. Récit à la fois horrifique et philosophique, l'œuvre de Mary Shelley est également l'un des textes précurseurs de la science-fiction.

Le succès immédiat et continu de Frankenstein[2] repose sur des fondations différentes de celles des précédents romans gothiques, sinon dans leur aspect, du moins dans leur essence. Substituant l'horreur à la terreur, le roman de Mary Shelley se déleste de tout merveilleux, privilégie l'intériorisation et s'ancre dans la rationalité, au point que son gothique en devient presque réaliste[3].

Depuis sa publication, Frankenstein a suscité de très nombreuses adaptations, tant pour la scène du théâtre ou du music-hall que pour le cinéma et la télévision : d'autres supports comme la bande dessinée ou les jeux vidéo se sont également emparés du sujet, quitte à le déformer. Après avoir été un « mythe » littéraire, Frankenstein devient un mythe cinématographique, et plus largement un élément de la culture populaire. Bien que souvent représentés sous des formes très éloignées du récit originel de Mary Shelley, l'histoire de Frankenstein et les personnages qui y sont associés demeurent des archétypes, voire des stéréotypes, du fantastique et de l'épouvante.

Frankenstein est un roman épistolaire, genre littéraire populaire au XVIIIe siècle[4]. Il est composé de plusieurs couches de récits emboîtés émanant de différents correspondants et, enchâssées dans l'ensemble, plusieurs histoires de vie.

Introduction : récit-cadre de Robert Walton

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Le premier et principal correspondant, Robert Walton, raconte à sa sœur, Margaret Walton Saville, les aventures qu'il vit lors de son expédition maritime vers le pôle Nord. Il aperçoit un traîneau conduit par un géant (qui est le monstre), puis rencontre un homme et son traîneau, identique au précédent, à la dérive sur un bloc de glace. C'est Victor Frankenstein qui, désespéré et désabusé, lui raconte la raison de ses malheurs.

Récit enchâssé de Victor Frankenstein

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Il est issu d'une famille relativement nombreuse qui s'est fixée à Genève. D'abord étudiant en philosophie naturelle, il s'est découvert une passion pour la pierre philosophale et est parti poursuivre ses travaux à Ingolstadt. Ses progrès lui ayant rapidement permis de découvrir le moyen de donner la vie, il se consacre corps et âme à ce projet qui l'occupe pendant des mois, et réussit à assembler un être surhumain mais d'aspect très repoussant. Lorsque cette créature accède à la vie, Frankenstein, horrifié, prend la fuite. Le lendemain, il rencontre son ami d'enfance, Clerval, et tombe gravement malade. Terrassé par le mal pendant de longs mois, il finit par recouvrer la santé et, alors qu'il se prépare à retourner à Genève, il apprend que son frère William a été assassiné par un "voleur". Il se rend sur place et, près du lieu du crime, aperçoit son monstre. Justine Moritz, la servante de la famille Frankenstein, est accusée du meurtre et, bien que Victor soit convaincu de son innocence, elle est condamnée à mort et exécutée. En proie au plus grand désarroi, Frankenstein part à Chamonix où il rencontre son monstre, envers lequel il éprouve une haine féroce.

C'est alors que la créature lui conte son histoire.

Histoire dans l'histoire : récit du monstre

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Livré à lui-même, le monstre a appris seul à survivre. Il est vite entré en contact avec des humains, mais s'est vu repoussé et chassé tant son aspect difforme les a effrayés. Il en vient à observer une famille où l'éducation d'une étrangère nouvellement arrivée et la découverte des livres lui permettent d'apprendre à parler et à lire. Au bout de quelque temps, il entre en contact avec le père, aveugle, mais se trouve chassé par le reste de la famille. Il s'enfuit, décide de se rendre à Genève pour rencontrer son créateur, dont il sait qu'il l'a abandonné ; mûrissant une sourde vengeance contre l'espèce humaine qui le rejette, il y croise William, le jeune frère de Victor Frankenstein, qui le moque pour sa laideur et lui apprend qu'il est lui-même un Frankenstein ; sur quoi il le tue en l'étranglant et camoufle la scène de façon qu'une tierce personne, en l'occurrence Justine Moritz, puisse être accusée du meurtre de William.

Reprise du récit enchâssé de Victor Frankenstein

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Le monstre demande à Frankenstein de lui concevoir une compagne avec laquelle il pourrait vivre à l'écart de la société dans l'isolement et le bonheur. Frankenstein accepte à contrecœur et, sachant que le monstre a le projet de le suivre et de le surveiller, part pour l'Angleterre avec Clerval qui choisit de résider chez des amis. Lui se rend aux Îles Orcades pour s'y installer un laboratoire et mettre son nouveau projet en œuvre. Alors qu'il est en plein travail et que sa deuxième créature est en voie d'achèvement, il prend soudain conscience qu'il est en train de générer une lignée monstrueuse représentant un grave péril pour l'espèce humaine. Au moment même où il s'acharne à détruire sa création inachevée, le monstre apparaît et, avant de prendre la fuite, lui annonce que désormais, il va s'employer à faire de son existence un enfer. Frankenstein jette ses instruments de chimie à l'eau, mais est entraîné vers le rivage irlandais où il apprend le meurtre de Clerval, son meilleur ami, forfait dont il se voit à tort accusé.

À nouveau terrassé par une grave maladie, il finit par prendre le chemin de la guérison et son innocence est reconnue grâce à l'action de son père venu le soutenir en Angleterre. De retour en sa patrie, il se prépare à épouser sa sœur adoptive, Elizabeth. Cependant, ce projet est connu du monstre déterminé à poursuivre sa vengeance qui assassine la jeune femme dans la nuit suivant la cérémonie. Horrifié, Frankenstein s'en va apprendre la nouvelle à son père qui, sous le choc, s'effondre et meurt. Désormais, il dédie sa vie à la traque à mort du monstre qu'il a créé et qui, s'amusant de ce jeu morbide et tout à fait conscient de sa supériorité, l'emmène vers le Nord dont le froid glacé n'a pas de prise sur lui. Frankenstein, malgré l'aide des esprits des victimes, perd sa trace et s'égare.

Conclusion : récit-cadre de Robert Walton

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Forcé par l'équipage à rebrousser chemin, Walton assiste, impuissant, à la mort de son nouvel ami, trop affaibli pour poursuivre sa traque. Le monstre se présente peu après et apprenant la disparition de son créateur, exprime son dégoût de lui-même. La vengeance qu'il a perpétrée envers un créateur irresponsable, père indigne ayant abandonné son enfant, lui a répugné car il a été doté d'une aspiration innée au bien dont la méchanceté humaine a fini par avoir raison. Désormais, la gravité des crimes qu'il a commis lui devient insoutenable. Le monstre annonce à Walton qu'il va se donner la mort en s'immolant sur un bûcher. Puis, fuyant le bateau, il disparaît dans le brouillard.

Personnages

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  • Victor Frankenstein, éponyme du roman, protagoniste et narrateur de la plus grande partie de l'histoire. Lors de ses études à Ingolstadt, il découvre le secret de la vie et, dans les profondeurs d'un laboratoire, fabrique un monstre d'aspect hideux, mais doué d'intelligence. Il éprouve d'emblée du dégoût envers sa créature et l'abandonne, tout en ne révélant à personne son existence. Un sentiment de culpabilité l'accable irrémédiablement lorsqu'il se rend compte de son impuissance à empêcher son « enfant » de répandre la terreur et de représenter une menace pour l'espèce humaine[5],[6].
  • Cornelius Agrippa, un Allemand passionné par les sciences occultes et considéré savant ésotériste. À l'âge de 13 ans, Victor commencera à s'intéresser à ses ouvrages
  • Le monstre, géant de huit pieds[N 1], hideux mais sensible et intelligent, tente de s'intégrer dans la communauté humaine dont il acquiert par imitation les habitudes et les rites. Cependant, son aspect grotesque et terrifiant éloigne toutes les personnes qu'il rencontre. Ulcéré par sa solitude forcée, aigri par l'abandon dont il est l'objet, il cherche à se venger de son créateur et sème la terreur dans l'entourage de ce dernier[5],[6].
  • Robert Walton, explorateur de l'Arctique, ses lettres servent d'introduction et de conclusion au roman. Lors de sa traversée vers le Nord, il rencontre Victor à la dérive sur la banquise, le recueille et le soigne. C'est à lui que Victor confie l'incroyable histoire qui suit, dont ses lettres à sa sœur Mrs Margaret Saville, restée en Angleterre, rendent compte fidèlement[5],[6].
  • Alphonse Frankenstein, père de Victor, qui soutient son fils jusqu'au bout de ses forces, lui prodiguant conseils et encouragements, lui rappelle sans cesse l'importance des liens familiaux[5],[6].
  • Elizabeth Lavenza, orpheline qui n'a pas tout à fait un an de différence avec Victor, a été adoptée par les Frankenstein. Il existe une variante entre les éditions quant à son véritable statut : en 1818, elle est présentée comme la cousine de Victor, fille de la sœur d'Alphonse ; en 1831, elle est sauvée de la misère d'une masure italienne par la mère de Victor. C'est un modèle de femme au foyer qui demeure très attentionnée envers son frère adoptif[5],[6].
  • Henry Clerval, ami d'enfance de Victor, qui l'a soigné lors d'une grave maladie à Ingolstadt. D'abord malheureux dans son travail auprès de son père, il suit le chemin tracé par Victor et se consacre aux sciences. Tout au long du roman, il affiche un optimisme à tout crin qui fait pendant à la morosité de son ami. Il est assassiné par le monstre, crime dont est accusé Victor lui-même[5],[6].
  • Ernest Frankenstein, le cadet des frères Frankenstein, il sera le dernier survivant de la famille Frankenstein.
  • William Frankenstein, le benjamin des frères de Victor, c'est le chéri de la famille Frankenstein. Le monstre l'étranglera dans les bois jouxtant Genève pour punir Victor de l'avoir abandonné, meurtre qui exacerbe la culpabilité de Victor[5],[6].
  • Justine Moritz, jeune fille elle aussi adoptée par les Frankenstein pendant l'enfance de Victor, qui se voit accusée du meurtre de William, est condamnée à tort puis exécutée.
  • Caroline Beaufort, fille de Beaufort. Après le décès de son père, elle est recueillie par Alphonse Frankenstein, puis devient sa femme. Elle meurt de la scarlatine après avoir été contaminée par Elizabeth juste avant que Victor ne quitte le foyer à dix-sept ans pour rejoindre Ingolstadt[5],[6].
  • Beaufort, négociant, ami du père de Victor.
  • De Lacey, famille de paysans dont le patriarche est un vieil homme aveugle qui vit avec ses enfants, Felix et Agatha, et une étrangère appelée Safie. C'est en les observant par une fissure que le monstre apprend à parler et se comporter en société. Cependant, lorsque enfin il ose se présenter à eux dans l'espoir de gagner leur amitié, il est repoussé et chassé avec horreur[5],[6].
  • M. Waldman, professeur de chimie ayant éveillé la vocation de Victor pour les sciences. Convaincu que la science peut expliquer les « grandes questions », par exemple celle de l'origine de la vie, et fustigeant les conclusions jugées fantaisistes des alchimistes, il incite Victor à préférer une approche rationaliste des choses.
  • M. Krempe, professeur de « philosophie naturelle » à Ingolstadt, qui lui aussi juge qu'étudier l'alchimie est une perte de temps[5],[6].
  • Mr Kirwin, magistrat qui accuse Victor du meurtre d'Henry Clerval.
La villa Diodati, lieu de création du roman
La Villa Diodati.

Les événements ayant conduit à la genèse de Frankenstein ou le Prométhée moderne sont racontés par Mary Shelley dans sa préface à la réédition du roman en 1831, soit treize ans après la première publication. Pendant ce laps de temps, elle n'a cessé de revoir et d'amender son texte avant de le présenter à nouveau au public[7].

Les sources d'inspiration de Mary Shelley

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D'après le critique littéraire Max Duperray[N 2], la première source du roman serait à trouver dans le désir inconscient de l'auteur de réanimer un être mort[11] : dans son journal de 1815, en effet, Mary Shelley raconte la perte de son bébé de sept mois, le deuil qu'elle a porté et, dans un rêve échevelé, la folle impulsion de rendre le petit cadavre à la vie en le massant frénétiquement. Cette renaissance par le rêve annoncerait les termes mêmes de la préface de 1831, en particulier la référence au « pâle étudiant […] agenouillé »[11]. Ce rêve serait dans l'air du temps : les sources en étant à la fois intimes et objectives, reflèteraient une âme troublée ainsi que les turbulences d'un siècle basculant dans une autre modernité[12].

De manière plus générale, en effet, Frankenstein puise ses sources dans une période historique tourmentée. Jean-Jacques Lecercle, auteur de l'ouvrage Frankenstein : mythe et philosophie, rappelle que l'enfance de Mary Shelley et celle de « la seconde génération romantique » se déroulent dans une époque « de bouleversements, d'aventures et d'héroïsme ; mais aussi période douloureuse pour ces radicaux anglais à la fois horrifiés et fascinés par les violences de la Révolution, et par celles de son héritier illicite, Napoléon »[13]. Il est possible, par ailleurs, que Mary Shelley ait eu à l'esprit l'affaire de George Forster — un meurtrier exécuté dont le cadavre avait fait l'objet, en public, d'une expérience de galvanisme — lorsqu'elle a imaginé un savant qui redonnerait la vie à des chairs mortes[14]. Selon des recherches publiées dans le Journal of the Royal Society of Medecine, le personnage du Dr Frankenstein, aurait été inspiré par un ami proche de Percy Shelley. Celui-ci avait partagé avec elle son enthousiasme pour les expériences électriques sur des êtres vivants de son ancien professeur de physique d'Eton, l'Écossais James Lind[15].

Une nouvelle publiée par François-Félix Nogaret en 1790, Le Miroir des événemens actuels ou la Belle au plus offrant[16], préfigure, tant par son intrigue (une fable d'invention scientifique) que par l'un de ses protagonistes — un inventeur nommé Frankésteïn qui crée un « homme artificiel » (un automate) —, le chef-d'œuvre de Mary Shelley[17],[18].

Proposition de Byron

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portrait de Byron
Lord Byron en 1824.

En juin 1816, John William Polidori, médecin italien ayant grandi dans le milieu des expatriés de Soho, et Lord Byron, chef de file du mouvement romantique et déjà une célébrité internationale[12], résident à la Villa Diodati à Cologny près de Genève sur le bord du Léman. Ils y reçoivent la visite de Shelley, Mary Godwin et sa demi-sœur Claire Clairmont.

C'est un groupe de jeunes romantiques que lient des relations illicites : Mary s'est enfuie avec Shelley, qui s'est brouillé avec son père ; Claire Clairmont a séduit Byron[12].

Tous ont à voir avec la littérature, mais aussi avec le deuil et la mort. Polidori, outre ses ouvrages jamais terminés, partage avec Shelley les interrogations scientifiques, conduisant Mary à rêver l'homme artificiel. Quant à Shelley, c'est la deuxième fois qu'il prend la fuite avec une jeune fille de seize ans : en 1811, il avait séduit Harriet Westbrook, puis, alors qu'elle était enceinte, l'avait quittée en 1814 pour Mary Godwin.

Harriet perdit la vie en se jetant dans la Serpentine en décembre 1816, son suicide suivant celui de la demi-sœur de Mary, Fanny, en octobre de la même année. Par la suite, deux enfants de Mary mourront, Clara en septembre 1818 à Venise, et William en juin 1819 à Rome, avant que Shelley ne périsse tragiquement par noyade en 1822 dans le golfe de Spezia[19]. Polidori se verra expulsé d'Italie après une bagarre à Milan et finira par se donner la mort en 1821. Sa sœur Frances Polidori épousera le poète Gabriele Rossetti, père de Dante Gabriel Rossetti, le chef de file des Préraphaélites. Claire Clairmont aura une autre vie mythique dans la fiction de Henry James, qui reprendra son personnage sous les traits de Juliana Bordereau dans The Aspern Papers (1888)[20].

Étant retenus à l'intérieur par la pluie incessante de l'« année sans été » ou de « l'été perdu »[N 3], que décrit son poème Darkness, thème que reprend Mary dans sa préface de 1831 lorsqu'elle évoque the ungenial summer (« l'été inclément »), Byron propose le 16 à ses hôtes d'écrire chacun une « histoire de fantôme » (ghost-story)[12].

Un cauchemar fondateur et un environnement propice

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Le mont Blanc
Le mont Blanc vu de l'aiguille du Midi.

Chacun s'acquitte plus ou moins de sa tâche. Byron rédige un scénario fragmentaire dont Polidori s'inspire pour écrire, « en deux ou trois matinées », Le Vampire (The Vampyre), un court roman à l'origine du genre qui inspirera Dracula. Shelley compose une historiette dont il se désintéresse rapidement et qui n'a pas été conservée. Mary Shelley, quant à elle, s'estime d'abord incapable d'en inventer une, mais les circonstances vont lui être favorables. Ainsi, l'auteur du Moine, M. G. Lewis, rend visite au couple Shelley et fait grande impression sur la jeune femme[21], ce qu'elle confirmera dans son article Des Fantômes publié dans le London Magazine en 1824[19]. Puis la lecture, entre le 10 et le , des Fantasmagoriana allemandes[12], dans leur version française[22], et du Vathek de William Beckford imprègnent son imagination. Après une discussion animée sur les découvertes d'Erasmus Darwin, et avoir absorbé de l'opium, elle fait un cauchemar où elle a la vision du « pâle étudiant des arts profanes agenouillé aux côtés de la chose qu'il avait assemblée » (the pale student of unhallowed arts kneeling beside the thing he had put together)[23].

Les expériences locales se sont également avérées déterminantes dans la mise en forme géographique et sentimentale du roman : une excursion à Chamonix pour contempler le mont Blanc est à l'origine de la scène au cours de laquelle Victor rencontre le monstre, la « cabane dans la montagne » étant inspirée du refuge de Blair[24] ; le voyage de Frankenstein en Angleterre emprunte aussi à la fuite du couple Shelley en Suisse, puis dans la vallée du Rhin[25].

Préface de Shelley et publication

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alignement de différentes éditions de Frankenstein
Différentes éditions actuelles en anglais de Frankenstein.

Le , l'épouse enceinte de Percy Shelley, Harriet, se suicide. Le 30 décembre, Mary Godwin et lui se marient et le père Godwin accepte de revoir sa fille qui avait quitté le domicile paternel à dix-sept ans[26]. Devenue Mary Shelley, elle termine Frankenstein pendant l'été 1817[26]. Percy Shelley rédige une courte préface datée « Marlowe, septembre 1817 », dans laquelle il souligne l'originalité de l'œuvre, la déclare irréaliste en dépit des opinions exprimées par Erasmus Darwin et « les écrivains physiologistes allemands »[27][réf. incomplète]. Il montre également que son intérêt principal ne réside pas dans les « terreurs surnaturelles, […] des spectres et de la magie », mais dans sa révélation des « vérités des principes premiers de la nature humaine »[28].

Le livre est d'abord refusé par l'éditeur de Byron et celui de Shelley, puis accepté par Lackington, Allen & Co. et enfin publié anonymement le [29],[30].

Des variantes importantes entre les deux éditions

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portrait du poète Percy Shelley
Percy Shelley par Alfred Clint en 1819.

Mary Shelley reste réservée sur cette première version et son journal témoigne que huit mois après sa publication, elle en révise déjà le texte. Les premières modifications, et le succès de la pièce Presumption or the Fate of Frankenstein de Richard Brinsley Peake, conduisent à une nouvelle édition en 1823, cette fois signée par Mary Shelley[31], mais ce n'est qu'avec la publication de 1831 qu'elle est satisfaite de son travail[32]. La version définitive en un seul volume, vendue à Colburn & Bentley pour leur collection Standard Novels, présente de nombreuses variantes par rapport au texte original, en particulier une plus grande importance est attribuée à la poésie de Shelley, au poème Mont Blanc, surtout, composé en juillet 1816[33], et à celle de Coleridge[32].

En fait, bien que Mary Shelley se soit démarquée de son mari dans sa préface de 1831, James Rieger a montré qu'il avait supervisé le manuscrit pendant sa rédaction, avec des annotations, des suggestions de digression, toutes aussitôt adoptées ; c'est lui qui a l'idée d'envoyer Frankenstein à Londres pour la création d'une compagne, qui suscite la comparaison entre la Suisse et les nations dites « autoritaires », qui révise l'épilogue, etc.[34]. Cependant, les variantes de la version de 1831 révèlent que Mary Shelley s'est bien éloignée de son radicalisme de naguère : Victor y décrit sa créature comme « un monument d'orgueil et d'ignorance », qualifie sa manipulation de vie artificielle d'« éloignée du sacré » (unhallowed) et le galvanisme de « transgression »[35]. Max Duperray ajoute que Walton y évoque ses illusions d'explorateur, ce qui souligne le caractère transgressif lui aussi de ses aventures. Du coup, la morale que porte le livre apparaît encore plus clairement que dans l'original[36].

Premières critiques

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Les premières critiques du livre sont favorables, et le rangent toutes dans la catégorie du roman gothique. Avant sa parution, ce courant littéraire, que beaucoup de critiques jugeaient de mauvais goût, voire franchement risible, avait pourtant mauvaise réputation : en conformité avec les mises en garde d'Edmund Burke[37], on avait alors, semble-t-il, franchi la limite entre le fantastique et le ridicule[38].

L'accueil de Frankenstein est au contraire très positif, la majorité des critiques faisant l'éloge de son pouvoir imaginatif et mélodramatique[39]. Seul, le Quarterly Review se montre réellement hostile et dénonce ce qu'il qualifie de « tissu d'absurdités aussi horribles que répugnantes », tout en admettant qu'il y avait « quelque chose de formidablement puissant dans le vide dépourvu de sens de son chant et la vague obscurité de ses images »[40]. Walter Scott consacre un article au roman dans le Blackwood's Edinburgh Magazine, dans lequel il conclut que « le fantastique peut avoir du mérite dans la mesure où les personnages se comportent en êtres humains ». Il loue également « l'humanisation du monstre » au contact de la famille De Lacey, ce qui ne l'empêche pas de recommander à l'auteur d'« écrire quelque chose de plus sérieux la prochaine fois »[41],[42].

Selon Max Duperray, en le rangeant aussitôt dans le genre gothique, la critique de l'époque ne relève pas l'importance de l'acte de création de Victor Frankenstein, acte qui fait de lui, outre un inventeur scientifique, un artiste romantique, typique des turbulences agitant la fin d'un siècle et basculant dans la modernité[11].

Deux autres comptes rendus de l'époque, où l'auteure est identifiée comme « la fille de William Godwin », s'en prennent au fait que Mary Shelley est une femme : le British Critic déplore qu'elle ait pu oublier la « douceur inhérente à son sexe »[43], et le The Literary Panorama and National Register voit en Frankenstein « une pâle imitation des romans de Mr Godwin […] par la fille même du célèbre romancier »[44].

Critique contemporaine

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Au XXe siècle la critique continue de juger favorablement ce roman. Depuis le milieu du siècle[45], et au cours des dernières décennies, le roman s'est vu accaparé par les mouvances psychanalytique et féministe. Aujourd'hui, il apparaît comme un jalon entre la littérature gothique et le Romantisme[46].

Dans son ouvrage de 1981, Danse Macabre, Stephen King considère que le monstre de Frankenstein, tout comme Dracula et le loup-garou, représentent les prototypes de la veine de l'horreur ayant saisi tant la littérature que le film. Si, pense-t-il, le roman est un vrai drame shakespearien, « son unité classique n'est brisée que par l'incertitude de l'auteur quant à sa faille originelle : est-elle à trouver dans l’hubris de Victor usurpant un pouvoir n'appartenant qu'à Dieu ou dans son déficit de responsabilité après qu'il a octroyé à sa créature l'étincelle de vie ? »[47].

portrait de Mary Shelley
Mary Shelley, par Reginald Easton.

Selon Francis Lacassin en 1991, Frankenstein se lit aujourd'hui « par malentendu »[48]. Ce malentendu risque de faire découvrir au lecteur « au lieu d'un monstre dont la laideur déclenche des réactions apeurées et hurlantes, un être mystérieux qui se manifeste peu »[49]. Max Duperray ajoute que le texte peut en effet paraître « primaire », les personnages « diserts », l'intrigue « échevelée », et le monstre « larmoyant »[50], alors que, sous cette primarité apparente, Frankenstein est « un nœud complexe de connotations et de références » : c'est « au pays de Rousseau », autrement dit en Suisse, que Mary Shelley en rédige la version initiale, « à la fois produit du hasard […] et celui d'une nécessité historique ». Passent en effet à travers ce récit, d'abord pastiche des histoires à faire peur, un souffle de révolte et une inquiétude devant ses conséquences[51]. L'universitaire Siv Jansson évoque dans la préface du la mise en scène d'« une mise au monde, un texte, un sujet qui s'implique dans une écriture, une interrogation sur la création »[52] :

« Everything must have a beginning […] and that beginning must be linked to something that went before […] Invention, it must be humbly admitted, does not consist in creating out of the void, but out of chaos; the materials must, in the first place, be afforded; it can give form to dark, shapeless substances, but cannot bring into being the substance itself. »

« Chaque chose doit avoir un commencement […] et ce commencement doit être lié à quelque chose l'ayant précédé […] L'invention, admettons-le dans l'humilité, ne consiste pas à créer à partir du vide, mais du chaos ; le matériau doit d'abord être apporté, il peut donner forme à des substances obscures et informes, mais ne saurait mettre au monde cette substance. »

Ainsi se souligne le poids de l'histoire et affleure, quoique discrètement, l'angoisse de la création où se conjuguent écriture et naissance[51]. Le parallélisme entre la fabrication du monstre vivant et la composition du roman s'impose d'abord, mais l'interrogation sur la substance, soit l'essence des choses, indique d'emblée le fil conducteur à ceux qui l'accompagnent, en particulier William Godwin son père, l'auteur de Caleb Williams et St Leon, tous les deux préoccupés par le secret de la vie[3]. Ces romans ouvrent déjà une perspective psychologique et y pointe la question ontologique sur l'origine des choses, doublée d'une question épistémologique : les choses sont-elles conformes à leur apparence[3] ?

D'autre part, la fréquentation intime de l'auteur avec les grands poètes romantiques incite à penser qu'elle a partagé leur désir d'émancipation par rapport à la tyrannie sociale de la convention et aussi au déterminisme biologique[53]. L'éducation occupe le cœur du roman et cette nourriture spirituelle par laquelle la créature accède à la civilisation peut inciter à faire de Frankenstein un roman à thèse célébrant la promotion sociale par la lecture[53]. De plus, Max Duperray écrit que « la folle ambition romantique vis-à-vis du monde projette Mary Shelley dans une fiction du solipsisme[N 4],[54] : solitude partagée du créateur et de sa créature ; […] espoir démesuré de s'affranchir […] du réel et de dévoiler le secret de la vie, […] avec quoi flirtaient les recherches scientifiques de l'époque »[53]. Chacun des narrateurs est habité d'un mystère qui l'isole et l'enferme dans une claustrophobie monstrueusement paradoxale puisqu'ils n'ont de cesse de voyager jusqu'aux extrêmes. Il y a là cohabitation d'un discours scientifique et d'un autre, poétique, conjuguant leur prétention à repousser les frontières du savoir[55].

Ainsi, ce n'est ni dans le sensationnel, ni dans le dramatique, voire le mélodramatique (le roman est porté à la scène dès 1823) que se situerait l'intérêt de Frankenstein, mais dans le concept de monstruosité, l'animation de l'inanimé, la transgression morale, « l'aventure faustienne laïcisée », la modernité d'un mythe ancien[55]. Frankenstein se lirait donc comme un texte pluriel, offrant une « variété des niveaux d'interprétation », selon les termes de Muriel Spark[56].

Structure narrative

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brouillon de Frankenstein
Brouillon de Frankenstein.

Réduit à sa plus simple expression, le schéma narratif ressemble à une course de relais, chaque participant se passant le témoin tour à tour : Walton écrit à sa sœur ; sur son bateau, l'équipage aperçoit et recueille un naufragé en train de se noyer ; lorsque ce nouveau venu reprend ses esprits, il raconte son histoire à Walton, la création, le monstre, la trahison, l'évasion, la réunion. Puis le récit du monstre, rapporté par Victor, occupe l'espace diégétique, avant d'être relayé par celui de Frankenstein, lequel redonne le témoin à l'explorateur qui termine sa lettre. Ainsi, la boucle est bouclée : aventurier, savant, monstre, savant, aventurier, Walton demeurant le narrateur central, présent au départ et à l'arrivée, et rapportant l'ensemble pour Mrs Saville et la postérité[57].

De façon plus détaillée, Jean-Jacques Lecercle y découvre une démarche linéaire avec une série de voyages et de poursuites, combinée à une autre d'inversions et d'échanges de rôles, le tout orienté selon un système de symétries en miroir[58]. « Devant tant de complexité, le lecteur peut se poser la question de savoir qui parle, qui détient l'autorité auctoriale, qui même est l'ultime destinataire »[59] ? Walton, qui certes fait profession d'exactitude et survit assez pour dire le dernier mot[N 5], mais semble, bien que rien ne se sache sans lui, n'être là qu'en médiateur des autres voix ? Mrs Saville, sa bienveillante mais lointaine lectrice, qui ne répond pas bien qu'« il ne connaisse [avec elle] aucune espèce de désunion et de dispute », à qui la correspondance parvient, qu'elle conserve et même divulgue, sinon comment l'histoire peut-elle être rapportée[57] ?

La critique littéraire Mary Poovey (en) observe que la structure narrative constitue, pour l'auteur du roman, un paravent derrière lequel se dissimuler aux yeux du public, s'exprimer tout en s'effaçant, s'affirmer sans risquer le rejet social en raison de son âge et de sa condition féminine[60].

Une série de récits en miroir

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les glaces arctiques
Les glaces arctiques, où se situent le début et la fin du roman.

Trois récits concentriques, donc, émanant d'interlocuteurs très semblables, se succédant en même temps qu'ils se reflètent[58]. C'est Walton qui pilote le récit, le documente et le transmet : trois lettres introductives rendant compte de cinq mois de voyage, puis une quatrième qui enclenche l'intrigue. La section médiane, consacrée au monstre, occupe à elle seule six chapitres, d'abord explicatifs du meurtre du jeune frère de Victor, puis objets de digressions emboîtées les unes dans les autres relatant les expériences vécues après sa sortie du laboratoire. Ainsi, ses vagabondages, ses cachettes, puis son regard porté sur une famille, les De Lacey, si insistant et fouillé que l'épisode en devient un récit quasi autonome, et où, de surcroît, se niche celui d'une jeune visiteuse arabe, Safie, qui, à son tour, narre l'histoire de sa mère ; successions de « je », donc, qui tous, en ce que Max Duperray appelle une « régression vers les origines »[61], en reviennent au même thème : la création, puis l'abandon.

Walton s'exprime en une langue châtiée, un style soutenu, un rythme et un phrasé qui, eux aussi, se transmettent aux autres narrateurs. Il rappelle à sa sœur qu'elle est éprise de beau langage et l'assure du bonheur qu'elle éprouvera à lire sa retranscription fidèle du récit de Victor, tant en illuminent « la clarté et la précision, puis une grande facilité d’expression, et une voix dont la richesse d’intonations est une musique qui plie l’âme »[62]. Personne, au cours de cette succession, ne fait preuve de singularité expressive[57], et il semble qu'à chaque passage de témoin, l'auteur, Mary Shelley, s'éloigne de plus en plus, jusqu'à, du moins en apparence, abandonner la responsabilité narrative à ses délégués qui, chacun à son tour, occupent le devant de la scène, avant que les rênes ne soient reprises par le narrateur principal[57].

En un parallélisme rigoureux, en effet, ces récits se préfigurent l'un l'autre : l'entreprise de Walton, audacieuse et transgressive en soi, annonce les passages à l'acte, puis les errances de Frankenstein en des terres de désolation ; le premier a outrepassé l'injonction de son père tout comme le fera Victor, et le monstre lui aussi arpentera les pics et les plaines avant de semer la terreur et la désolation. Telle la mélopée du chœur antique, tous, souffrant de la même aliénation vis-à-vis de la chaîne humaine, se lamentent de leur solitude, Walton dès sa deuxième lettre, Victor après sa rencontre avec lui, le monstre lors de sa prise de parole. Tous échouent aussi à communiquer, d'où les catastrophes qui se succèdent et, sans doute, les constants transferts de la responsabilité narrative[63].

Au cœur du récit, en sa « matrice » (womb), comme l'écrit Gregory Schneider, demeure le monstre[57], ce que comprend et révèle Walton dans sa dernière lettre :

« Vous avez lu, Margaret, cette étrange et effrayante histoire ; ne sentez-vous pas votre sang se glacer de la même horreur qui, en ce moment même, glace le mien ? Parfois, en proie à une souffrance atroce et soudaine, il ne pouvait continuer son histoire ; parfois, d’une voix brisée, mais perçante, il prononçait avec peine ces paroles si chargées de souffrance. Ses yeux nobles et charmants tantôt s’enflammaient d’indignation, tantôt exprimaient l’abattement du chagrin, éteints en une infinie misère. Parfois, il commandait à ses traits et à ses intonations, et racontait d’une voix calme les incidents les plus horribles en supprimant toute marque d’agitation ; puis, comme un volcan qui éclate, soudain sa physionomie exprimait la rage la plus effrénée, au milieu d’imprécations perçantes adressées à son persécuteur.
Son récit est coordonné, et fait avec l’apparence d’une sincérité la plus simple ; je vous avoue cependant que les lettres de Félix et de Safie, qu’il m’a montrées, et, d’autre part, l’apparition du monstre aperçu de notre navire m’ont convaincu davantage de la véracité de son histoire que ses protestations elles-mêmes, si énergiques et si coordonnées qu’elles aient été. Il est donc vrai qu’un monstre semblable existe ! Je ne peux en douter ; et, pourtant, je suis éperdu de surprise et d’admiration. J’ai parfois essayé de savoir de Frankenstein les détails mêmes de sa création ; mais il est, sur ce point, resté impénétrable[64]. »

La lettre comme vecteur du récit

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Max Duperray écrit que la dynamique épistolaire du roman le structure de différentes façons[59]. Le lecteur prend plusieurs masques, Mrs Margaret Saville au loin, Robert Walton hypnotisé, Victor Frankenstein, à la fois acteur et jouet, le monstre bientôt redoutable rhétoricien. D'autres lettres se présentent à souhait pour un témoignage approprié. Cette multiplicité de correspondants implique une certaine compétition quant à l'autorité narrative : avec eux, le roman fluctue en un va-et-vient de multiples versions de la même histoire[65].

Cependant, le modèle épistolaire s'avère insuffisant à rendre compte de tout : Walton se réfugie dans le journal[N 6], et après avoir sauvé Victor des eaux glacées, ses lettres se font confessions autobiographiques. Puis, le récit du monstre fait irruption dans l'espace narratif et l'occupe tout entier. Lorsque Walton reprend les rênes pour conclure, les formalités épistolaires disparaissent, comme si, écrit M. A. Favret, « le roman épistolaire restait impuissant à s'accommoder de la difformité qu'il [le monstre] représente »[66].

Selon Duperray, Frankenstein « inclut plusieurs genres littéraires : épistolaire, rhétorique, lyrique, sentimental, mêlant adroitement le discours politique de l'époque, ceux de Godwin, Byron, Burke, au stéréotype gothique et à l'épopée chrétienne de la Bible, avec une touche orientaliste[N 7] alors populaire et qu'on retrouve dans Vathek de Beckford »[67].

Métaphore ou parodie

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Cette structure en récits emboîtés, qui donnent naissance à d'autres, qui eux-mêmes portent puis libèrent des histoires enfantant à leur tour, apparaît comme une métaphore de la grossesse et de l'accouchement, thème dominant du roman[68]. D'après Dunn, le cœur en serait l'idylle domestique des De Lacey, modèle d'idéal domestique diffusant après coup sa bienveillance à travers les différentes couches narratives[69], relié aux nostalgies de piété filiale, de sentiment fraternel et de bonheur domestique qu'exprime Victor, au besoin d'harmonie familiale que Walton recherche par lettres interposées auprès de sa sœur, à la quête désespérée d'un lien parental menée par le monstre. Pourtant, les De Lacey sont des exilés vivant d'expédients, bénéficiant de la générosité cachée du monstre, et leur bonheur représente une exception au sein d'une société oppressive : le bonheur serait pour Mary Shelley une retraite passive loin de la tyrannie d'un monde sans pitié ou elle se livre ici à une parodie de la fiction sentimentale[70]. Gregory Schneider souligne que la méthode de narration adoptée est à l'image même de ce que cette narration expose, qu'il considère comme « son propre monstre, un être littéraire organique, complet, avec son ensemble de forces et de failles »[57].

Au sujet des faiblesses, Rand Miller remarque qu'il est impossible d'établir une chronologie serrée[71] : bien que l'histoire soit dite se dérouler au XVIIIe siècle, les anachronismes restent légion : Walton se réfère à La Complainte du vieux marin de Coleridge qui date de 1798, Frankenstein cite Mutability de Shelley, publié en 1816, et Tintern Abbey de Wordsworth, compris dans les Ballades lyriques de 1798. Il en est d'autres, Leigh Hunt, Charles Lamb, Byron, auteurs contemporains de Mary Shelley se trouvant placés dans un contexte relatif au siècle précédent. C'est là un cas d'« asymétrie temporelle »[72] qui, ajoute Rand Miller, reflète la dualité du texte faite d'illusion réaliste et d'angélisme (otherworldliness)[71]. Et pendant la poursuite, temps et espace se brouillent : Victor prétend être arrivé Outre-Manche en octobre et décembre de la même année, si bien qu'il se trouve à la fois, dit-il, « à l'intérieur et à l'extérieur de l'Angleterre »[72].

La « figure en forme de huit » (Muriel Spark)

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paysage des Orcades
Dans les Orcades.

À partir du chapitre V, le monstre prend le rôle de poursuivant et erre dans les régions où réside son créateur, massacrant ses proches faute de pouvoir le localiser ; puis, le savant voyage jusqu'aux Orcades où il est à nouveau débusqué. Muriel Spark présente cela comme des « huit » (figure-of-eight)[73] exécutés par deux partenaires virtuoses qui se déplacent en des directions opposées tout en se suivant : la collision se situe à l'intersection des deux boucles du huit, quand Frankenstein se décide à supprimer la créature femelle qu'il a assemblée, puis le ballet reprend de plus belle. Alors les rôles s'inversent, tout comme les vitesses de déplacement, le poursuivant devenant le poursuivi et vice-versa, le monstre ralentissant tandis que Victor accélère sa cadence jusqu'à la frénésie. Et nouvel avatar ironique, la « délectation fanatique de la poursuite », comme la nomme Muriel Spark, s'est emparée de Victor, désormais convaincu, lui qui s'est pris pour le Créateur, que Dieu l'a choisi pour annihiler la créature qu'il a créée[74].

En somme, l'architecture narrative du roman apparaît comme un jeu entre le probable et le déterminé, la liberté et le destin[75], autant d'impulsions contradictoires chez des personnages en face de situations incontrôlables, éveillant la sympathie tout en encourant le blâme, acteurs d'un drame épouvantable secoués par des interprétations antagonistes : une oscillation entre ce que Rand Miller appelle « l'évolution et l'entropie »[76].

Sources du récit

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Les sources du récit sont multiples, comprenant à la fois des éléments biographiques et ce que Max Duperray appelle « la nébuleuse intellectuelle et philosophique qui en entoure la genèse »[77].

Sources subjectives

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Frankenstein, écrit-il, « est une histoire de famille […] tous les personnages [se trouvant] être parents par la naissance ou par l'adoption et beaucoup [étant] aussi orphelins »[77].

Origines de Mary Shelley
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portrait de Willian Godwin
William Godwin en 1802.

Selon Cathy Bernheim, l'ascendance de Mary Shelley est exceptionnelle : portant successivement plusieurs noms, elle hérite chaque fois d'une histoire de famille et grandit sous le signe du radicalisme intellectuel et du Romantisme littéraire : poursuivie par la gloire ambiguë d'une mère de passion et de liberté, Mary Wollstonecraft, la première féministe anglaise, elle est élevée par un père, William Godwin, qui, à la fin du XVIIIe siècle, est le penseur le plus radical du pays et le chantre éclairé de la Révolution française ; enfant, elle fréquente des écrivains de renom, le poète Coleridge et l'essayiste Charles Lamb[77] ; et elle s'éprend de Shelley qui pratique un véritable mysticisme de la raison[78] et préfigure l'homme révolté[79].

Pour autant, « ce cadre stupéfiant pour une enfance d'exception guidée par des esprits d'avant-garde »[80] prélude à une existence tragique. En effet, sa foi dans les idées novatrices, par exemple celle, godwinienne, de la perfectibilité des choses, entraîne une volonté de libération immédiate et le passage à l'acte, ce qui fonde d'ailleurs l'histoire de Frankenstein puisque « de la métaphore de la création on passe à sa réalisation concrète et pseudo-scientifique »[80], cette réalisation totale du désir se heurte à la barrière du réel et aux impératifs de la loi. Comme Mary et Percy Bysshe Shelley eux-mêmes, en butte, dès leur première escapade, à la colère des pères, l'inflexible patriarche Timothy Shelley, soucieux d'éviter toute souillure, et William Godwin se sentant outragé par tant de déraison, Walton, le premier narrateur qui encadre le récit, passe outre les interdits familiaux pour poursuivre une folle ambition[80].

Thème du deuil
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Mary Shelley a perdu trois enfants, le bébé qu'elle rêve de réanimer en 1815, puis Clara (née en 1817) en septembre 1818, et William (né en 1816) en juin 1819[N 8]. C'est en 1816, lors de l'été suivant son premier deuil que le couple qu'elle forme avec Shelley rejoint Byron aux bords du Léman. Groupe d'adolescents immatures et révoltés, des « monstres », écrit-elle dans son journal[81], tous sont empreints d'un rêve de renaissance, de recommencement, car l'arrière-fond reste morbide : tentatives de suicide au laudanum (réussie avec Fanny Imlay), noyade volontaire de Harriet, garde de ses enfants retirée à Shelley, puis veuvage prématuré. Mary Shelley est « comme poursuivie par une fatalité »[82] et son premier roman est marqué par un destin funeste et expiatoire, avec des disparitions, des meurtres en série, des condamnations infâmes, un suicide. Frankenstein devient donc, selon la formulation de Monette Vacquin, « le premier acte de contention de la dépression […] Ce que Mary [Shelley] fait accomplir au monstre, elle le redoute pour elle-même ; le vide qu'il creuse tout autour de Victor, c'est celui dont la perspective l'épouvante »[83]. De fait, comme l'a noté Jean-Jacques Lecercle, tous les personnages présentés dans la première phase du roman sont voués à un destin tragique ou à la solitude dans la deuxième[84].

« Deux impulsions antagonistes » (Max Duperray)
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Mary Poovey, d'après le journal intime de Mary Shelley et un chapitre écrit en 1838, note qu'une contradiction profonde la marque en tant qu'auteur face à son milieu[85]. Si elle tient à figurer dans une lignée de femmes écrivains, elle cherche aussi dans l'expression artistique une identité propre. Issue d'une grande famille littéraire où chacun rivalise de talent créatif[N 9],[85], elle fait de l'écriture un exutoire et une expression de soi[86].

De plus, bien que consciente de l'hostilité rencontrée par les idées de sa mère, elle les met en pratique, en transgressant l'ordre établi, par sa fugue avec un radical godwinien, dont le maître à penser, son propre père, n'approuve pas cette liaison, ce qui « [pèse] sans doute lourd dans [son] univers mental ». D'ailleurs, Frankenstein a été publié anonymement, « […] par crainte du qu'en-dira-t-on et peut-être aussi pour ne pas voir son œuvre écartée d'avance parce que celle d'une femme »[87]. Aussi la critique féministe souligne que le roman trahit un certain conservatisme : narrateurs masculins, femmes réduites à un rôle secondaire, vertus domestiques exaltées[88].

Thème du subconscient
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Mary Shelley manifeste partout sa foi dans la connaissance par le rêve, clef, chez elle, d'une vérité seconde, déterminant la marche des événements tel un oracle[89]. De fait, Frankenstein est fondé sur un songe[N 10]. Selon Jean de Palacio, plus qu'une forme de superstition, ce respect pour le sens des songes et la lecture de leurs signes correspond profondément à la personnalité de l'auteur[90].

Si le terme « rêve » a dans le roman plusieurs significations (songe d'une nuit, rêverie éveillée, méditation sur la création), c'est d'une plongée dans l'irréel que procède la fabrication du monstre[89], l'expression « comme dans un rêve » (as in a dream) revenant, tel un leitmotiv. De la métaphore, on passe ensuite dans le rêve en tant que tel, prémonitoire, cauchemardesque, compensatoire, renvoyant toujours à celui, fondateur, de Mary, présent dans le hors-texte de l'introduction, et à celui de Victor après l'apparition de la créature (the wildest dream)[89]. Ainsi, l'onirisme s'avère essentiel pour le déchiffrement de ce conte situé au confluent de diverses sources : tendance visionnaire à la lecture des signes, utilisation de l'écriture comme révélation, présence du genre gothique[91], d'où « la tension profonde entre l’hubris et la révolte, entre Prométhée et Faust, entre la nature et la société »[92].

Sources objectives

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Illustration de La Complainte du vieux marin de Coleridge
Illustration de La Complainte du vieux marin.

D'après Muriel Spark, deux forces sont à l'œuvre pour pourvoir au matériau du roman, la force subjective liée au surnaturel et le concept scientifique de la réanimation[93]. Max Duperray ajoute que cette double corde appelle la comparaison avec La Complainte du vieux marin de Coleridge, référence permanente au surnaturel, qu'il soit réel ou imaginaire, mais aussi celle de l'empirisme de Godwin[91].

Fascination pour les sciences naturelles
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Mary Shelley s'intéresse particulièrement aux sciences naturelles, auxquelles elle fait constamment allusion dans le livre : la chimie de Humphry Davy, la botanique d'Erasmus Darwin, la physique de Galvani[94]. D'ailleurs, la seconde préface, écrite de sa main, évoque la possibilité que le galvanisme réanime un corps mort, et la première, rédigée par Shelley, insiste sur la « vérité dont dépend l'histoire sans les inconvénients des contes de spectres et de magie »[95]. Max Duperray lie cette foi en l'électricité à la fascination pour la nature, ses terrifiantes potentialités, ses tempêtes et ses éclairs[94]. Si Frankenstein n'en doit pas pour autant être considéré comme annonçant la science-fiction, « les redoutables pouvoirs à l'œuvre dans la recherche scientifique [permettent à Mary], selon le schéma miltonien, de réactiver le vieux mythe de l'usurpation de la divinité comme agent de création »[94].

Influence de l'œuvre de John Milton
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La référence au mythe de Prométhée que contient le titre va de pair avec l'épigraphe issue du Paradis perdu : « Did I request thee, Maker, from my clay / To mould a man? Did I solicit thee? / From darkness to promote me? » (« T'ai-je demandé, Créateur, de façonner mon argile en homme / T'ai-je sollicité de me promouvoir à la lumière ? »[96],[N 11]. L'épopée de Milton fascinait la maison Godwin et Mary parle dans son journal de l'influence qu'elle en a reçue, en particulier le thème de « la tentation du savoir et le châtiment de l'aliénation » (« the temptation of knowledge and the punishment of estrangement »)[97]. De plus, le poème devient l'une des lectures préférées du monstre, et tel le Dieu de Milton, Victor a l'ambition de créer une nouvelle espèce, tandis qu'ironiquement, la créature laissée sans soin se transforme en un second Satan[98], rebelle parce que désespéré[97].

Le poème de Milton présente le thème chrétien de la Création, recoupant en partie, outre le mythe fondateur d'Icare, l'homme-oiseau détruit par l'ordre physique de l'univers[99], la légende prométhéenne du Titan victime de la colère de Zeus, très prisée des Romantiques[97], en particulier de Shelley qui célèbre le Prométhée délivré[N 12], et rappelant aussi le mythe de Faust[100] que la soif du savoir conduit au blasphème[92]. En effet, les références morales abondent pour accompagner le processus de la fabrication d'un être artificiel, monté à partir de chairs mortes exhumées de charniers, qui s'humanise jusqu'à éveiller la sympathie et s'avère capable de raconter le désastre de sa rencontre avec le monde dans lequel il a été lâché[97].

Cependant, le schéma chrétien dépasse le thème de la création et, au lieu de distribuer des rôles bien définis, Mary Shelley fait en sorte que ses deux personnages principaux, Victor et sa créature, se comparent ou font appel aux mêmes personnages du Paradis perdu. Frankenstein se déclare un nouvel ange déchu à la fois Adam et Ange déchus, homme et Satan : « the apple was already easten and the angel's arm bared to drive me from all hope » (« la pomme avait déjà été croquée et le bras de l'ange dénudé pour me chasser de tout espoir »)[101], ou encore « like an archangel who aspired to omnipotence, I am chained in eternal hell » (tel l'archange qui aspirait à la toute-puissance, me voici enchaîné dans l'éternel enfer »)[102]. James Rieger en tire la conclusion qu'il s'agit là d'une morale miltonienne selon laquelle les êtres déchus sont « leur propre tentation, leur propre dépravation […] la conscience se crée et se détruit »[103]. Dans Frankenstein, l'enfer de soi réapparaît dans les terres arctiques, mais inversé : cette fois, c'est la proie qui devient le prédateur et le prédateur la proie[104].

Ainsi, l'influence miltonienne de Frankenstein se résume essentiellement à trois composants : le concept faustien de l'ivresse mortifère du savoir, la « nouvelle espèce » se métamorphosant en un « nouveau Satan » et l'intériorisation de l'Enfer[50].

Le Romantisme
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Le monstre raconte son histoire et, en particulier celle de son éveil à la conscience sociale jusqu'à sa rencontre avec son créateur dans les Alpes. Par lui affleurent ainsi les sources philosophiques et toute la dimension intellectuelle propres à son histoire d'épouvante[50]. En quelque sorte, cette créature, d'abord nimbée d'innocence vierge, représente le type même de « l'homme naturel », son récit récapitulant les différentes phases de son ascension à la civilisation[104]. En cela, malgré le risque narratif inhérent à toute digression didactique[50], Mary Shelley puise abondamment dans son patrimoine culturel, surtout dans les écrits des philosophes du XVIIIe siècle et aussi de ses proches, son père et son mari. Ainsi, elle se fait, par monstre interposé, le porte-parole d'idées empruntées à Locke et Rousseau, puis Godwin et Shelley[104].

Les théoriciens du XVIIIe siècle
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portrait de John Locke
John Locke par Sir Godfrey Kneller (1697).

L'Essai sur l'entendement humain (Essay concerning Human Understanding) de John Locke (1632-1704)[N 13], publié en 1689, s'est vu complété en 1693 par Pensées sur l'éducation (Essay on Education). Le fondement de toute idée est l'expérience, c'est-à-dire « l'observation des choses extérieures et des opérations internes de l'esprit », soit « sensation » ou « réflexion »[104].

La sensation ressortit à la « qualité », soit « primaire » (taille, mobilité, nombre) ou « secondaire », attribuée par l'esprit selon la perception qu'il en a. Les idées se présentant souvent en groupe, l'esprit leur présuppose un substrat dit « substance » dont l'origine reste inconnue. Le savoir, intuitif, c'est-à-dire direct, ou « démonstratif », soit par l'intermédiaire d'une autre idée, consiste en la perception de l'accord ou du désaccord entre les idées. Ainsi, l'intuition perçoit l'existence individuelle, la démonstration, celle de Dieu ; en tout état de cause, le savoir reste limité au hic and nunc et s'avère impuissant à prouver la nécessité de la coexistence des idées perçues[104].

couverture de l'Émile de Rousseau
Émile ou De l'éducation, édition hollandaise.

L'Émile, publié en 1762 par Jean-Jacques Rousseau se présente comme un traité d'éducation des jeunes garçons divisé en quatre livres : « Le nourrisson », « L'âge de la nature », « La puberté », « L’âge adulte : le mariage, la famille, et l’éducation des femmes »[105].

Il fonde sa doctrine éducative sur le retour à la nature : né et élevé dans la campagne, nourri au sein, libéré des langes, l'homme reçoit une éducation qui se fixe comme but la libération par l'exemple du cœur et de l'intelligence. L'instruction s'opère par l'observation des phénomènes naturels et de la solidarité sociale. L'éducation morale, fondée sur le respect et l'estime de soi, est confiée à l'étude de l'histoire ancienne et de la vie des hommes célèbres du passé, puis par le voyage. La religion est d'ordre naturel et non révélée, avec une divinité bienveillante régulant l'univers, une âme immortelle, la justice et la vertu innées. Quant à la femme, elle se doit d'être élevée pour servir et consoler l'homme, auquel elle doit docilité et soumission[104].

Les premiers chapitres du récit du monstre présentent des éléments empruntés à Locke comme à Rousseau. Deux grandes étapes sont distinguées : l'éveil à la conscience cognitive et l'accession à la conscience morale. La première s'effectue par paliers, l'accès au souvenir, ce qui implique une pensée préalable à l'acquisition du langage, l'apprentissage des sensations et des perceptions, lumière, plaisir, cause et effet, etc.[106] ; la seconde s'effectue d'abord négativement face à « la barbarie humaine », puis positivement grâce à la famille De Lacey, pourvoyeuse de beauté (musique), de douceur (la fille du logis), permettant la compréhension des relations familiales et aussi de la différence entre les classes de la société ; enfin vient l'apprentissage de la lecture (Werther, Plutarque, Milton, Volney) et de l'écriture[107].

Cependant, Mary Shelley s'efforce de dissocier l'impression qu'a Victor de sa créature de celle qu'elle souhaite faire naître chez le lecteur : si le premier se convainc que le monstre est l'incarnation du mal, il appartient au second de comprendre que cette méchanceté ne lui est pas innée mais le résultat du contact avec la société, le mépris, le rejet provoquant sa métamorphose en être vengeur et meurtrier. En cela, Mary Shelley reste fidèle aux enseignements de Locke qu'elle a lu en 1815[3], de Rousseau, également mentionné dans son journal, et de William Godwin[108]. La plaidoirie pour l'obtention d'une compagne renvoie au Paradis perdu de Milton : bien que Mary Shelley ne fasse aucune allusion à des besoins sexuels, la réalisation de cet être femelle par le même créateur (géniteur en quelque sorte) implique une possible relation incestueuse, ce qui ajoute à la violence faite à la mère-nature et aggrave le blasphème[108],[N 14].

La Révolution française et les Romantiques
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Aussi bien Godwin que Wordsworth ont été convaincus que la Révolution française ouvrait une nouvelle ère d'espoir : débarrassée du despotisme, la société pouvait désormais se rénover par la raison universelle, le nouvel ordre se fondant sur les droits de l'homme[51]. D'ailleurs la préface des Ballades lyriques, rédigée pour l'édition de 1798 par Wordsworth prévoit l'avènement d'un homme nouveau. Le héros de Mary Shelley, Frankenstein, agit en conformité avec ce principe, soucieux dès le départ de créer une version parfaite de l'être humain et, tout comme Walton, le premier narrateur, cet explorateur idéaliste, il se voit en héros prométhéen défiant le législateur attardé dans la tradition et la réaction[51]. En cela, Mary suit son mari qui, dans son pamphlet A Defence of Poetry souligne le rôle primordial de l'art et décrit l'artiste comme « le législateur du monde »[109].

Thématique

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Si Frankenstein peut apparaître comme une œuvre littéraire fabriquée avec d'autres écrits, procédé que certains critiques appellent « bibliogénèse », s'il est serti de références croisées à la littérature de l'époque et inspiré par la poésie romantique, si enfin il reste écrit à la manière gothique, le résultat, tels les travaux de Victor, diffère notablement de ces modèles[110].

Son thème principal est celui de la transgression, à la fois prométhéenne dans l'acte de création et esthétique par son culte du sublime, certains critiques n'y voyant d'ailleurs, mais à tort puisque le sublime, loin d'y servir d'ornement, y assure un rôle fonctionnel, qu'un récit de voyage avec une intrigue (a travelogue with a plot)[111]. De plus, l'association du sublime à la terreur le relie au roman gothique, qui atteint avec lui sa culmination et bascule dans un au-delà littéraire[112].

Mythe de Prométhée

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sculpture de Prométhée par Eduard Müller
Prométhée par Eduard Müller.

Mary Shelley a d'emblée mis l'accent sur la rénovation de la vieille légende de Prométhée, qu'elle a surtout connue en lisant Ovide, d'autant que la quête du savoir interdit est centrale à la poésie romantique, en particulier chez Byron et Shelley elle-même[113]. Max Duperray note que le sens du nom « Prométhée » (« celui qui réfléchit avant »), s'avère aussitôt ironique car c'est justement la qualité dont manque Victor, créateur inconscient des implications morales de son acte et des besoins éprouvés par sa créature[114]. Son histoire est celle d'une progressive destruction, comme si, à la manière romantique, il courtisait la torture de soi : il transgresse la loi naturelle en déchiffrant le secret de l'univers, et sa création, résultat pourtant techniquement fructueux de ses recherches, annihile sa famille et ses amis, tout en l'aliénant de ses frères[114].

Le traitement que Mary Shelley lui fait subir emprunte à la fois au mythe grec, le voleur de feu, et au mythe latin, le créateur d'un homme, ce qui l'entraîne, écrit Jean-Jacques Lecercle, à une certaine ambiguïté dans sa sanction des quêtes respectives de Walton et de Victor. « Le contraste n'est pas entre ces deux figures, écrit-il, mais à l'intérieur de chacune d'elles »[115]. Ainsi, d'abord d'un point de vue scientifique, chacun franchit une limite de l'interdit, l'un géographiquement en s'obstinant à forcer un passage vers le Nord, l'autre d'abord moralement en bafouant le tabou de l'étincelle de vie, puis socialement vu le désastre du résultat. Cependant, la première leçon que semble tirer Mary Shelley est que si le paravent des bonnes intentions reste impuissant à dissimuler le désir de gloire personnelle, il n'en demeure pas moins que le projet animant les deux aventuriers garde sa noblesse, même si sa réalisation ne l'est plus[116].

portrait de Edmund Burke
Edmund Burke.

Inhérent à l'idée prométhéenne se dégage aussi dans le livre un questionnement esthétique fondé sur la notion de sublime, tel qu'il s'est vu exposé par Edmund Burke en 1756[117]. Selon Burke, sublime et terreur sont liés et naissent de l'obscurité, de la grandeur, du vaste, bref de l'étonnement (astonishment)[118]. Ainsi, lorsque Frankenstein entreprend son funeste voyage dans les Alpes, il décrit sa contemplation du Mont Blanc en une langue extatique rappelant la poésie shelleyenne[119] : « le bruit de la rivière […], puissance proche de l'omnipotence, […] beauté singulière […], qu'intensifiaient jusqu'au sublime les grandioses Alpes » ou « la sublimité et la magnificence de ces scènes me comblaient d'extase jusqu'au sublime »[120]. « Contrairement aux effets scéniques sensationnels d'une Mrs Radcliffe, écrit Rieger, les immensités arctiques de Mary Shelley possèdent une nudité (starkness) à laquelle les romanciers gothiques ne se risquaient que rarement »[121].

La notion de sublime s'installe progressivement dans Frankenstein : d'abord associée à une magnificence et une douceur héritées de Rousseau et aussi de Shelley[N 15],[122], elle se focalise ensuite sur la grandeur et l'inquiétude que suscite la tempête, alors véritable leitmotiv du roman. L'extérieur génère bientôt son écho intérieur : « Au fond de mon être, je sentais passer le souffle de l'insurrection et du bouleversement », s'exclame le jeune Victor après avoir vu l'éclair lézarder les grands arbres[123].

En définitive, outre le grandiose des pics et des ravins[N 16],[124], comme l'explique Lecercle, contrairement au classique qui privilégie la beauté[123], par sa hideur physique puis morale, la créature que crée Victor finit par générer lui-même le sublime : « On y aura reconnu, écrit-il, son univers habituel : orages, glaciers, ténèbres. On y reconnaîtra aussi son caractère : colérique, mais aussi porté vers la mélancolie »[125].

Il y a là, certes mâtinés de Romantisme[N 17], de fort relents du genre gothique[126].

Influence gothique

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Mary Shelley avait une grande curiosité pour le bizarre[N 18], le démoniaque ou le surnaturel[127] ; aussi, c'est naturellement qu'elle a continué la veine sensationnaliste de la littérature dite « frénétique »[128]. Elle a donc hérité d'une panoplie de ténèbres, d'orages, de clairs de lune, tous nimbés d'un merveilleux d'essence magique, avec pour interprètes « des nonnes cloîtrées, des armures géantes, des spectres enchaînés, des femmes sans tête »[48], bref, une « machinerie à faire peur, dessinant une typographie de la frayeur » (fear)[128].

Substitution de la terreur par l'horreur
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Frontispice du roman Le Moine de Lewis
Fronstispice du Moine (tome I).

L'un des débats de l'époque portant sur la place du mal et du bien dans l'esprit humain, et par là sur la nature d'une esthétique de la terreur, elle choisit par opposition l'« horreur »[129], impliquant davantage le lecteur dans les profondeurs transgressives des héros. De ce fait, elle se coule dans une nouvelle vague du gothique qu'illustrent déjà l'un des visiteurs de la Villa Diodati, M. G. Lewis, avec Le Moine, et l'aristocrate Beckford avec Vathek. Il s'agit désormais d'intérioriser l'épouvante[130], et à ce titre, Frankenstein « témoigne d'une maturation du genre gothique »[131], ce que Muriel Spark décrit comme à la fois « un sommet et un arrêt de mort, les mystères étant résolus par le questionnement rationnel »[132] et, ajoute Francis Lacassin, le surnaturel interprété « de façon matérialiste »[133].

D'ailleurs, la facture du roman, avec pour cadre du récit un échange épistolaire « de bon aloi »[134], se trouve bien loin du roman dit terrifiant. Nous sommes entre gens de bonne compagnie, Mrs Saville lit les lettres de son frère (Walton) dans son salon huppé de Londres ; les ancêtres de Victor sont des notables de la ville de Genève, les De Lacey des paysans plutôt raffinés, pétris de vertus domestiques[135]. Frankenstein, privilégiant le sérieux du rationnel aux divagations de l'imaginaire[135], obéit à des réflexes de conduite inculqués par son éducation. Rien d'étonnant, donc, que sa créature soit elle-même dotée d'une curiosité scientifique proche de l'avidité culturelle et s'éveille par l'intellect aux beautés du monde[134]. En somme, tous ces personnages vivent dans les livres[135], ouvrages de voyage comme Walton, de philosophie pour Victor, de littérature surtout pour le monstre[136]. Vibrant aux beautés de la nature, attendris par le « bonheur terrestre », enthousiasmés par le grandiose des sommets, ils ont foi dans les « vertus réparatrices de l'ordre naturel »[136].

Dans cet ordre bourgeois, l'excès devient suspect, la hâte nocive, la frénésie répréhensible. Aussi voit-on se dessiner en sous-main un procédé ironique latent qui vise à miner l'éloquence lyrique des personnages, en particulier les élans de Victor. Le passage à peine marqué au « grotesque » (ludicrous) par excès devient comme une punition littéraire que Mary Shelley inflige à son personnage ; pour lui, le rêve devient l'existence réelle et, d'ailleurs, après la mort d'Elizabeth, c'est uniquement pendant le sommeil qu'il peut « goûter la joie »[135] : l'auteur semble mettre le lecteur en garde contre la tromperie des apparences. Alors, les agissements du monstre deviennent une véritable leçon par l'exemple, exemple a contrario des conséquences d'un acte irréfléchi, donc perturbateur et transgressif[137].

L'ironie fondatrice du texte

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Tel est d'ailleurs l'argument développé par George Levine dans sa lecture de la tradition réaliste de Frankenstein : les conventions du langage gothique sont utilisées, mais pour mieux fonder l'ironie fondatrice du texte : à l'opposé de Melmoth, Frankenstein n'a pas pactisé avec le Diable[138]. Son acte relève d'une impulsion généreuse (le monstre lui-même en convient), et il est possédé par le désir obsessionnel du savant qui « s'acharne à créer comme plus tard il s'acharnera à détruire »[139].

Ainsi, ce roman conjugue le réalisme avec l'esthétique du sublime pour ce que Max Duperray appelle « un face-à-face avec le monstrueux »[140] qui affiche sa sémantique du regard (monstare) et les dangers qui l'accompagnent : tromperie des apparences, conviction kantienne que la beauté est symbole de bien et la laideur physique, ipso facto, son inverse. Et l'éloquence - cette apparence des mots - devient suspecte, à la mesure de la rhétorique romantique nourrissant le sublime[140], d'où, conclut-il, « l'autre sens de « monstre », monstrum, le signe, la prophétie, la mise en garde »[140], non plus véhicule de la réalité mais entrée en matière de l'irreprésentable : le monstre est lui-même avertissement, signe des dieux, vivant reproche[104].

Le motif du double

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Frankenstein illustre, selon Masao Miyoshi, la tradition romantique de la personnalité divisée (the divided self)[141].

L'ambivalence constitutive

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Même pour ses proches, Mary Shelley est restée plutôt mystérieuse. Lord Dillion, par exemple, souligne la différence existant entre ses écrits et sa façon d'être : « À la lire, écrivait-il, on la jugerait enthousiaste, assez indiscrète et même extravagante » ; alors que dans sa vie de femme, elle était « décontractée, calme et féminine au plus haut point »[142]. Simple décalage entre l'art et la vie ou plutôt, selon Mary Poovey, une « division du soi » (self-division)[143] ? Fille de deux célèbres rebelles romantiques, épouse d'un troisième, elle s'est vue, dès sa prime jeunesse, encouragée à « s'inscrire sur le registre de la gloire », à se prouver à elle-même par son imagination et sa plume. Ce faisant, elle n'a pas renoncé à se conformer au modèle prévalant de la femme dévouée à sa famille, effacée et non carriériste. D'où cette forme d'ambivalence, voire d'ambiguïté caractérisant son expression. Ainsi, la préface à Frankenstein de 1818 critique l'imagination égoïste ayant donné vie à une monstruosité hideuse, certes, mais attachante. En 1831, cependant, elle applique ce même jugement à sa propre transgression, tout en ajoutant que tout artiste est victime d'un implacable destin, ce qui élève d'autant l'expression artistique d'une femme à la hauteur d'un mythe[144].

Caliban peint par William Hogarth
Caliban, vu par William Hogarth.

Cette ambivalence constitutive, se dramatisant en des scènes, confrontations ou tableaux, se retrouve tout au long du texte.

Au chapitre VII, Victor s'écrie à propos du monstre : « Je ne voyais, en cet être que j’avais déchaîné au milieu des hommes, doué de la volonté et de la puissance de réaliser des projets horribles, tel que l’acte qu’il venait d’accomplir, que mon propre vampire, mon propre fantôme libéré de la tombe »[49]. Ainsi, lorsque le monstre agit, c'est lui, reconnaît-il, qui est coupable : si le savant téméraire qu'il a été s'en est d'emblée écarté, son ombre le suit où qu'il aille, à l'image du démon s'accrochant au vieux marin dans le poème de Coleridge[145]. Transparaît ici une sympathie cachée entre le créateur et sa créature, mais qui éclate au grand jour dans le chagrin du monstre lors du décès du savant.

Les images de naissance, d'héritier et de mort de l'ascendant qui parsèment le texte tracent le chemin régressif de Victor qui, niant la part obscure de son être, refuse son double monstrueux, à l'inverse de Prospero reconnaissant Caliban[146],[N 19]. D'après George Levine, ce motif du Doppelgänger[N 20], variation sur le thème de l'aliénation identitaire, s'étend au-delà de Frankenstein, par exemple à Elizabeth et Justine qui s'accusent de crimes non commis. Aussi « le trouble est-il jeté sur l'autonomie des personnes au profit du nœud œdipien sous-tendant le roman »[147].

« Œdipe ou la mère macabre ? » (Claire Kahane)

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En créant dans la douleur, Victor usurpe le rôle de la femme qui, absente de la sphère sociale et des sentiments, « n'en est pas moins le sujet nodal ou l'objet imaginaire que problématise le récit »[148]. Il se soustrait progressivement à l'ordre diurne qui ne lui convient pas, celui de son père, patriarche défenseur de la loi, qui condamne, incarcère et exécute, pour se réfugier dans le régime nocturne où les lois de la reproduction échappent au schéma des successions. C'est une retraite régressive, où domine le secret désir de conférer la vie et où règne l'ordre maternel[149]. D'ailleurs, à Walton, Frankenstein évoque ce secret, l'impossible à dire, « celui de la naissance des enfants, ce dont on ne peut parler, qu'on peut seulement rêver dans l'isolement d'un univers matriciel, comme celui d'un laboratoire[150]. »

Il est un songe de Frankenstein sans doute lourd de signification : alors que son travail est accompli, il y embrasse Elizabeth, sa sœur adoptive et future épouse, qui, dans l'étreinte, se mue en corps de la mère morte. L'ambition de posséder le formidable secret de l'univers et de créer la vie serait-elle associée au spectacle de la mère perdue ? Pour reprendre la formulation de Max Duperray, « l'acte créateur […] peut se lire comme concomitant de la disparition de la mère, quasiment compensatoire »[149]. Selon J. M. Hill, l'introspection qu'il pratique, d'abord lucide mais bientôt maladive, remonte le mécanisme fatal ayant conduit du bonheur familial au drame, de la lumière aux ténèbres ; et il en arrive au mariage du père qui, en l'épousant, a sauvé une orpheline, schéma réitéré avec Elizabeth[151]. D'où une contradiction flagrante du récit, horreur née d'intentions touchantes, crime perpétré au nom de grands sentiments, désir auto-détruit dans sa réalisation[152].

Comme le rappelle Claire Kahane, si le lecteur masculin voit plutôt l'intrigue œdipienne et l'affleurement incestueux, « la critique féministe articule le texte sur le rôle de la « mère macabre », présence spectrale dont le corps devient synonyme du secret où se confondent mère et fille dans des reflets en miroir »[153]. La terreur gothique de ce roman serait-elle celle de la procréation ?

L'inscription dans l'ordre du langage

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Le monstre affiche sans cesse son désir de s'inscrire dans l'ordre du langage, le seul dont il dispose impunément. En cela, il poursuit l'ambition de son créateur alter ego, comme d'ailleurs tous les narrateurs du récit qui peuvent « disséquer, analyser, donner des noms »[154]. Chacun d'eux appartient à la chaîne signifiante à quoi le monstre aspire et pour mettre son désir en pratique, il acquiert la « science divine »[155] et ses premiers mots désignent les liens familiaux. Cependant, souligne Peter Brooks, « son initiation linguistique […] lui apprend sans faute que le langage est du côté de la culture et non de celui de la nature […], découverte vitale, car le côté de la nature est irrémédiablement marqué par l'absence, le monstrueux »[156].

Ainsi, le roman se sépare des attendus rousseauistes d'une nature édénique[157]. Plutôt force démoniaque et amorale, c'est en elle que Frankenstein trouve les ingrédients « naturels » de son ambition « contre nature ». Comme l'écrit Max Duperray, « les objets sont là, mais c'est leur mise en relation qui pose problème, leur interrelation et le système de signification que cela implique, autrement dit le langage »[157].

La non-résolution du texte

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David Collins reprend deux des trois ordres lacaniens, l'imaginaire et le symbolique : le premier correspond au stade primaire du développement, celui, spéculaire, du miroir, où le sujet se voit illusoirement comme autre ; le second, ultérieur, décrit le stade où il accède au système symbolique organisant la relation avec autrui, c'est-à-dire le langage[158]. Victor, selon lui, se situe entre cet ordre second qu'incarne la société patriarcale dont il est issu - c'est son côté diurne –, et le premier qui l'enferme dans la solitude de la nuit et l'écarte des études sur le langage, ce qu'il explique au chapitre II. Il choisit de s'abîmer dans l'ésotérisme des sciences magiques, « par où il compte retrouver le pôle maternel perdu […] recréant la mère par l'artifice du corps reconstitué »[159]. Ainsi, Victor fabriquerait le monstre en réaction contre l'ordre symbolique, mais ce dernier refuse sa condamnation à l'ordre imaginaire : chez lui, l'exil devient ontologique[160].

À ce compte, ni la métaphore du paradis perdu, ni le surnaturel gothique, ni l'esprit de progrès, ni même l'élan révolutionnaire ne peuvent cerner la nature du roman. Situé, selon Rosemary Jackson, entre l'étrangeté et le familier, il fait du mal, non un absolu, mais un échec des ambitions humaines : futilité des rêves rationalistes, inanité de la sur-nature romantique ; ne reste à contempler que « le moi comme autre, grotesque métamorphose dénuée de gratification »[161]. Et, ajoute Max Duperray, en reprenant la formulation de Rand Miller[76], « la fiction inaugurale de l'homme nouveau s'abîme en une entropie, l'indifférenciation du pôle, la confusion entre l'homme et le monstre, préfigurant la fiction terminale, un roman de l'apocalypse, Le Dernier Homme (The Last Man) »[162],[N 21].

Adaptations

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Le roman de Mary Shelley a été adapté de multiples façons, au théâtre, au ballet, en bande dessinée, ou sous forme de jeu vidéo. Mais c'est surtout au cinéma et à la télévision que l'histoire de Frankenstein est représentée, dans de grosses productions comme dans des séries B.

Les lecteurs français découvrent le texte en 1821. Il faut attendre 1922 pour une traduction de l'édition anglaise de 1831[163].

Théâtre et littérature

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dessin d'un passage d'une adaptation théâtrale de 1823
L'acteur T. P. Cooke interprétant le rôle du monstre dans la pièce de théâtre Presumption or the Fate of Frankenstein, en 1823.

Le triomphe de Frankenstein lui vaut d'être adapté au théâtre dès 1823 par Richard Brinsley Peake, dans la pièce Presumption or the Fate of Frankenstein. À Paris, dès 1826 le sujet est transposé dans Le Monstre et le Magicien, mélodrame-féérie en trois actes, à grand spectacle de Jean-Toussaint Merle et Antony Béraud, (théâtre de la porte Saint Martin, première le , avec la célèbre actrice Marie Dorval). La pièce sera reprise en 1861 à l'Ambigu[164].

En 1927, Peggy Webling signe une nouvelle version théâtrale, simplement intitulée Frankenstein. Ces pièces, qui remportent des grands succès en leur temps, contribueront à inspirer les films adaptés plus ou moins fidèlement du roman. Le livre de Mary Shelley a par ailleurs fait l'objet de plus d'une centaine d'adaptations au théâtre[165]. Récemment encore, Kornél Mundruczó en a proposé une adaptation libre dans Tender Son: The Frankenstein Project qu'il a portée au cinéma en 2010 et en 2011[166], puis que Danny Boyle a mis en scène cette même année pour le théâtre sous le titre Frankenstein (2011), avec Benedict Cumberbatch et Jonny Lee Miller jouant alternativement le rôle de la créature et de Victor Frankenstein[167].

Des adaptations pour le ballet ont été créés, comme en 1986 avec Frankenstein, the modern Prometheus par Wayne Eagling à Covent Garden[168], et en 2007 avec Frankenstein par Guilhermo Botelho au Grand Théâtre de Genève[169].

En littérature, divers écrivains ont signé des variations autour du mythe, comme Jean-Claude Carrière — auteur chez Fleuve noir, entre 1957 et 1959, de six romans Frankenstein censés être la suite de celui de Mary Shelley — ou Brian Aldiss, auteur en 1973 du roman de science-fiction Frankenstein délivré, qui mêle les personnages de Frankenstein ou le Prométhée moderne — ainsi que Mary Shelley elle-même — à une histoire de voyage dans le temps. Entre 2005 et 2011, Dean Koontz a publié cinq romans constituant une suite de l'œuvre de Mary Shelley. L'écrivain André-François Ruaud a écrit les essais Les Nombreuses vies de Frankenstein en 2008 et Sur les traces de Frankenstein en 2017 dans lesquels il mêle fiction littéraire et histoire.

Cinéma et télévision

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affiche de la première adaptation cinématographique de Frankenstein en 1910
Affiche du film muet de 1910.
Boris Karloff grimé en monstre de Frankenstein
Boris Karloff dans le rôle du monstre (photo publicitaire pour le film La Fiancée de Frankenstein, 1935).
affiche du film La fiancée de Frankenstein
La Fiancée de Frankenstein, 1935.

La première adaptation du roman au cinéma est réalisée dès 1910 par J. Searle Dawley. C'est cependant avec le film sorti en 1931, adapté de la pièce de Peggy Webling[170] et réalisé par James Whale pour Universal Pictures avec Boris Karloff dans le rôle de la créature, que le roman de Mary Shelley donne naissance à un véritable filon cinématographique. Le maquillage créé par Jack Pierce reste célèbre, de même que divers aspects du film qui marquent suffisamment le public pour devenir des stéréotypes de l'épouvante. En 1935, James Whale réalise une suite, La Fiancée de Frankenstein (The Bride of Frankenstein), généralement considéré comme un grand classique du genre, supérieur à son prédécesseur[171]. Ce second film, tout en s'écartant encore plus du roman que le précédent, rend néanmoins hommage à sa genèse littéraire en faisant apparaître, dans un prologue, les époux Shelley et lord Byron. Boris Karloff reprend à nouveau son rôle en 1939 dans un troisième film, Le Fils de Frankenstein. Le monstre — interprété par d'autres acteurs, dont Lon Chaney Jr. et Béla Lugosi — apparaît dans d'autres productions de la Universal, jusqu'à ce que la mode des Universal Monsters décline à la fin des années 1940.

À la fin de la décennie suivante, le studio britannique Hammer lance une nouvelle série de films, qui mettent en vedette non plus le monstre mais le docteur Frankenstein, interprété la plupart du temps par Peter Cushing et présenté cette fois comme un savant fou. Le mythe de Frankenstein, devenu l'un des archétypes du cinéma d'horreur, est abordé dans de très nombreux films ou téléfilms, dont la plupart n'ont qu'un lointain rapport avec le texte d'origine. En 1994, Kenneth Branagh réalise Frankenstein — avec lui-même dans le rôle de Victor Frankenstein et Robert De Niro dans celui du monstre — qui, contrairement à la majorité des autres films, adapte directement le roman de Mary Shelley (son titre original étant d'ailleurs Mary Shelley's Frankenstein). On peut également citer la mini-série télévisée Frankenstein (2004) ou le film Docteur Frankenstein (2015). Plus de cent films s'inspirent de manière plus ou moins directe du roman de Mary Shelley — ou des films de James Whale — qu'il s'agisse d'en adapter l'histoire ou simplement de mettre en scène ses personnages[172].

Par ailleurs, une confusion s'opère avec le temps dans l'esprit du public entre Victor Frankenstein et le monstre qu'il a créé. La méprise, qui date de la pièce de Peggy Webling, est renforcée par les films de James Whale, et notamment La Fiancée de Frankenstein, où le monstre et le savant ont tous deux une « fiancée » : la créature, qui n'a à l'origine pas de nom, tend fréquemment à être appelée Frankenstein, apparaissant parfois dans des œuvres qui continuent d'utiliser le nom de Frankenstein bien que le personnage de Victor Frankenstein n'y figure pas.

Diverses autres adaptations font parfois se rencontrer la créature — et/ou son créateur — et d'autres personnages de fiction, comme Dracula, voire Sherlock Holmes. Cette tendance débute dès 1943 avec Frankenstein rencontre le loup-garou, où Universal organise l'affrontement de deux de ses monstres-vedettes. Parmi les variations — parfois fantaisistes — autour de Frankenstein, on peut citer Frankenstein vs. Baragon (qui mêle le mythe de Frankenstein avec le genre des monstres géants japonais) réalisé en 1965 par Ishirō Honda, Dracula, prisonnier de Frankenstein (Drácula contra Frankenstein) et Les Expériences érotiques de Frankenstein (La Maldición de Frankenstein) tous deux réalisés par Jesús Franco en 1972, La Résurrection de Frankenstein (adaptation de Frankenstein délivré) de Roger Corman en 1990, Van Helsing de Stephen Sommers en 2004, etc.

Des films comiques ou parodiques ont aussi mis en scène Frankenstein (et/ou sa créature) comme Deux Nigauds contre Frankenstein (Abbott & Costello Meet Frankenstein) de Charles Barton en 1948 ou Frankenstein Junior (Young Frankenstein) de Mel Brooks en 1974.

On peut également citer Gothic de Ken Russell, sorti en 1986, et Un été en enfer (Haunted summer) de Ivan Passer, sorti en 1988[173], deux films qui s'inspirent non pas du roman mais de sa genèse, en dépeignant le séjour des Shelley et de leurs amis au lac Léman[174]. Le film biographique Mary Shelley (2018) revient également sur cet épisode.

Bande dessinée

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Des auteurs de bande dessinée se sont aussi intéressés à l'histoire de Frankenstein, qu'ils soient européens, asiatiques ou américains. Comme pour les adaptations filmiques, ces bandes dessinées racontent plus ou moins fidèlement le roman (par exemple Frankenstein de Marion Mousse et Marie Galopin en 2007 chez Delcourt), ou reprennent seulement les grands thèmes du roman pour raconter une toute nouvelle histoire (tel Frankenstein encore et toujours d'Alex Baladi publié en 2001 par Atrabile). L'Italien Guido Crepax signe en 2002 un Frankenstein qui adapte directement le roman de Mary Shelley[175]. En 2021, c'est l'auteur Georges Bess qui adapte l'histoire de Frankenstein, dans un ouvrage publié par les éditions Glénat[2].

Outre la bande dessinée européenne, le mythe est présent aussi bien dans les comics américains (dès 1940 dans le comic book Prize Comics édité par Prize Publications écrit et dessiné par Dick Briefer) que dans les mangas japonais (ainsi Frankenstein de Junji Itō ou Embalming - Une autre histoire de Frankenstein de Nobuhiro Watsuki[176]). Les deux plus importants éditeurs américains de comics, Marvel et DC, ont inclus le monstre de Frankenstein parmi leurs personnages. Le premier en 1973 dans une série de comic books scénarisée par Gary Friedrich et dessinée par Mike Ploog, dont la créature est la vedette[177] ; le second en 2005, dans la maxi-série Seven Soldiers de Grant Morrison qui remporte un Prix Eisner en 2006 dans la catégorie « Meilleure série limitée »[178]. Marvel a par ailleurs publié en 1983 une édition intégrale du roman illustrée par Bernie Wrightson[179].

Le monstre a inspiré plusieurs chansons, œuvres surtout influencées par le film sorti en 1931 et réalisé par James Whale. Boris Vian crée en 1959 un morceau intitulé Frankenstein (« ...Frankenstein est le grand ami de Fantômas ! ») dans lequel il met en scène le monstre de façon plutôt farfelue. Ce titre est interprété par Louis Massis et Roland Gerbeau. Nicole Paquin enregistre en 1961, avec Mon Mari C'est Frankenstein, l'un de ses plus grands succès. Jean-Claude Massoulier écrit et interprète Frankenstein et Dracula (« L'un était affreux, l'autre était atroce ») en 1964. Sur une musique parodiant celles des films d'horreur, Serge Gainsbourg compose le titre Frankenstein interprété par France Gall en 1972 (« Fallait un cerveau aussi grand qu'Einstein / Pour en greffer un autre à Frankenstein / Faire de plusieurs cadavres en un instant / Un mort vivant). La Créature est l'objet de nombreuses autres musiques et chansons : Frankenstein par The Edgar Winter Group (1972), Frankenstein par Louis Chedid (1976), UrUr Enkel von Frankenstein par Frank Zander (1974 et 2006), Feed My Frankenstein par Alice Cooper (1991), Frankenstei par Iced Earth (2001), Frankenstein par Marcus Miller (2005)[180].

Notes et références

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  1. Soit environ 2,44 mètres.
  2. Enseignant-chercheur, spécialiste de la littérature fantastique et du roman gothique, Max Duperray a été le premier directeur du Laboratoire d’Études et de Recherche sur le Monde Anglophone (LERMA, université d'Aix-Marseille)[8],[9],[10].
  3. « Perdu » parce que le mauvais temps est censé résulter d'éruptions volcaniques secouant l'hémisphère sud.
  4. Le solipsisme (du latin solus, seul et ipse (soi-même) est une attitude générale, pouvant, le cas échéant, être théorisée sous une forme philosophique et non métaphysique, « […] d'après laquelle il n'y aurait pour le sujet pensant d'autre réalité que lui-même […] ».
  5. La correspondance à sens unique de Walton s'étend sur 15 mois.
  6. Il existe une différence en anglais entre journal et diary : le premier ressortit plus à la chronique, le second penche davantage vers l'intimité de soi. En français, on parle de « journal » et de « journal intime ».
  7. Il s'agit de l'histoire de Safie et de sa mère.
  8. Clara meurt de dysenterie à Venise à l'âge d'un an, et William de malaria à Rome à trois ans et demi.
  9. Claire Clairmont écrit à ce sujet : « Dans notre famille […] si on ne peut écrire une épopée ou un roman dont l'originalité assène un grand coup à tous les autres, on n'est que digne de mépris ».
  10. Comme le seront d'autres de ses romans, en particulier Mathilda.
  11. Il s'agit là de la plainte d'Adam pleurant sa chute.
  12. Voir son Prometheus Unbound.
  13. Qualifié par John Stuart Mill d'« indubitable fondateur de la philosophie analytique de l'esprit », l'essai de John Locke a été traduit en français. Les plus récentes éditions sont : Essai philosophique sur l'entendement humain : Livres I et II, traduction par Jean-Michel Vienne, Paris, Vrin, 2002 et Essai philosophique sur l'entendement humain : Livres III et IV, traduction par Jean-Michel Vienne, Paris, Vrin, 2006.
  14. Le mode d'éducation choisi par Mary Shelley trouve également son origine dans la mode du XVIIIe siècle mettant en scène un observateur naïf des mœurs de la société, cette naïveté servant d'arme pour en dénoncer les abus ; ainsi, les Lettres persanes de Montesquieu et L'Ingénu de Voltaire.
  15. Citation : « Il semble qu'en s'élevant au-dessus du séjour des hommes, on y laisse tous les sentiments bas et terrestres ».
  16. « Les montagnes et les précipices immenses qui me surplombaient de tous côtés, le bruit de la rivière mugissant à travers les rocs et les chutes d’eau qui se précipitaient tout alentour, chantaient une puissance égale à l’Omnipotence, et je cessai de craindre, ou de me courber devant un être quelconque moins redoutable que celui qui avait créé et qui gouvernait les éléments, dont la force se manifestait ici sous sa forme la plus terrifiante (chapitre IX) ».
  17. Voir l'image du daim blessé au chapitre IX, rappelant le poème The Task (III, vers 108-109) de William Cowper, ou le Manfred de Byron avec un héros dont l'orgueil démesuré engendre le mal, ou encore The Rime of the Ancient Mariner de Coleridge où le marin, par le meurtre de l'albatros, bouleverse l'ordre de l'univers et est laissé à l'abandon sur un océan déserté.
  18. Dans son Journal de 1815, Mary Shelley rappelle la mort de son bébé de sept mois, et a la vision de son retour à la vie par les frictions qu'elle lui administre.
  19. Il s'agit d'un personnage monstrueux et vil, esclave du mage Prospero et fils de la sorcière Sycorax. Son nom serait une anagramme de canibal. Il aurait été inspiré par la lecture de l'essai de Montaigne Des cannibales (Dictionnaire International des Termes Littéraires).
  20. Doppelgänger est un mot d'origine allemande signifiant « sosie », employé dans le domaine du paranormal pour désigner le double fantomatique d'une personne vivante, le plus souvent un jumeau maléfique, ou le phénomène de bilocation (ou ubiquité), ou bien encore le fait d'apercevoir fugitivement sa propre image du coin de l'œil.
  21. Dix ans après Frankenstein, qui stigmatisait l'orgueil impie de l'homme prétendant s'égaler à Dieu, Le Dernier Homme est une nouvelle variation sur le thème du châtiment d'une espèce condamnable et condamnée. Il n'y a aucune vraisemblance dans ce conte dont l'intérêt réside dans son aspect philosophique très noir, reflet de l'état d'âme de la première génération romantique en Europe, pessimiste et nihiliste, y compris chez certains auteurs français comme Musset ou Nerval.

Références

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Bibliographie

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  • Document utilisé pour la rédaction de l’article Textes utilisés pour rédiger l'article.
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Traductions françaises

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Présentation
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Il existe une dizaine de traductions françaises de ce roman[B 1].

La première traduction française, par Jules Saladin, est publiée chez Corréard seulement trois ans après la publication originale du roman, le [B 2].

Ce n'est qu'un siècle plus tard, en 1922, que parait une deuxième traduction française, par Germain d'Hangest, puis en 1932, une troisième traduction, aux Éditions Cosmopolites, dont l'auteur n'est pas mentionné.

Dans les années 1940, se succèdent trois nouvelles traductions : Eugène Rocartel et Georges Cuvelier (1945), Henry Langon (1946), Hannah Betjeman (1947).

Puis, entre 1947 et 1964, tout comme pour le roman Dracula de Bram Stoker, il ne semble pas y avoir de nouvelles rééditions françaises de ces deux romans, y compris pendant les cinq années qui suivirent le succès des films de la Hammer portant sur ces deux personnages mythiques, sortis en 1957 et 1958.

Il faut attendre 1964, pour que l'éditeur Marabout, à la suite du succès de la publication de la traduction de Lucienne Molitor pour Dracula en 1963 dans sa collection Marabout Géant, publie une nouvelle traduction de Frankenstein, par Joe Ceurvorst, toutes deux rééditées de nombreuses fois par la suite.

Les anciennes traductions commencent alors à être rééditées progressivement, excepté celle de Henry Langon, uniquement parue au Scribe en 1946, et celle parue aux Éditions Cosmopolites en 1932, dont le nom du traducteur n'est pas connu.

Si l'on excepte les trois traductions parues dans les années 1970, par Raymonde de Gans (Famot, Crémille, Ferni), Guy Abadia (Hachette, coll. Poche Rouge), Jean-Marie Mellet (Le Masque Fantastique), pour la plupart jamais rééditées, seules se distinguent ensuite celles de Paul Couturiau, parue en 1988, puis d'Alain Morvan et Marc Porée parue aux Éditions Gallimard dans la Bibliothèque de la Pléiade en 2014.

Chronologie
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1821 - Traduction de Jules Saladin

  • 1821 - Corréard, 3 volumes.
  • ...
  • 1975 - Cercle Européen du Livre,
  • 1984 - Albin Michel, illustré par Bernie Wrightson, préface de Stephen King, 180 p.
  • 2001 - Éditions Biotop, collection 3/2 Le Mini-Livre (3,2 cm x 2,5 cm) (extraits), 74p.
  • 2010 - Soleil, illustré par Bernie Wrightson, 235 p.
  • 2012 - Éditions Archipoche, La bibliothèque du collectionneur, 286 p.
  • 2015 - Éditions Pages Ouvertes, 256 p. (traduction révisée par Pierre Bouvet)

1922 - Traduction de Germain d'Hangest

  • 1922 - La Renaissance du Livre, 248 p.
  • 1979 - GF-Flammarion, no 320, 382 p. (rééd. 1989, 1999)
  • 2000 - Garnier, L'Homme fabriqué (anthologie)
  • 2001 - Flammarion, Étonnants classiques, no 2128 (extraits) (rééd.2007, 2012)
  • 2003 - Le Soir, La Bibliothèque du Soir, no 4

1932 - Traducteur non mentionné

  • 1932 - Éditions Cosmopolites, collection du lecteur, no 91[B 3], Paris, 1932, 248 p.

1945 - Traduction d'Eugène Rocartel et Georges Cuvelier

  • 1945 - Éditions La Boétie, 237 p.
  • 1967 - Les Éditions de la Renaissance, coll. Club du Livre Sélectionné (limité à 3000 ex.)
  • 1967 - Les Éditions de la Renaissance, coll. Club Géant, 494 p. préface d'Hubert Juin « Au Pays des monstres », p. 473-483.
  • 1994 - France Loisirs, 256 p.
  • 1995 - Pocket Cinéma, no 3252, 358 p. (rééd. 2002, 2006)

1946 - Traduction de Henry Langon

  • 1946 - Le Scribe, 132 p.

1947 - Traduction de Hannah Betjeman

  • 1947 - Éditions du Rocher, 232 p.
  • 1963 - Éditions Rencontre, 250 p.
  • 1964 - UGE (Union Générale d'Éditions), coll 10-18, no 219-220, 320 p. (rééd. 1971)
  • 1968 - Edito-Service, Les Chefs-d'œuvre du roman fantastique, no 4
  • 1982 - Gallimard Jeunesse, 1000 soleils Or, 256 p.
  • 1987 - Gallimard Jeunesse, Folio junior, no 407, 256 p. (rééd. 1989)
  • 1992 - Gallimard Jeunesse, Folio junior Édition Spéciale, no 675, 288 p. (rééd. 1999)
  • 1994 - Omnibus, Les Savants fous (anthologie)
  • 2010 - Folio Junior

1964 - Traduction de Joe Ceurvorst

  • 1964 - Marabout Géant no 203, 416 p. (rééd. 1971, 1976, 1978, 1982, 1984, 1988 - Marabout, Les chefs-d'œuvre de l'épouvante, no 34, 1993 - Marabout no 9002, 1994 - Marabout, Littérature, no 9010, 2009 - Marabout, Marabout fantastic).
  • 1967 - Éditions Baudelaire, Livre-club des Champs-Élysées, 408 p.
  • 1979 - Prodifu, Les Cent un chefs-d'œuvre du génie humain, 432 p.
  • 1989 - Robert Laffont, Bouquins, Les Évadés des ténèbres (anthologie)
  • 1994 - J'ai Lu, Épouvante, no 3567, 284 p. (réed. 1997, 1999, 2005)
  • 1996 - Livre de Poche Jeunesse, no 1108, 320 p.
  • 1997 - Livre de Poche, Classiques de poche, no 3147, 256 p. (rééd. 2001, 2008, 2009 : Classiques de poche, no 31266, 352 p.)

1968 - Traduction de Raymonde de Gans

  • 1968 - Éditions de l'Érable, Les Chefs-d'œuvre du Mystère et du Fantastique, 276 p.
  • 1974 - Famot, Les Chefs-d'œuvre du mystère et du fantastique, 276 p.
  • 1978 - Ferni, coll. Les Cent livres, 268 p.
  • 1992 - Crémille, 276 p.

1976 - Traduction de Guy Abadia

  • 1976 - Hachette, coll. Poche Rouge, Illustration Tibor Csernus, 184 p.

1979 - Traduction de Jean-Marie Mellet

  • 1979 - Le Masque Fantastique, 2e série, no 22, 320 p.

1988 - Traduction de Paul Couturiau

  • 1988 - Éditions du Rocher, Grand Livre du Mois, 256 p.
  • 1994 - Éditions du Rocher, Les Grands classiques, no 1, 252 p.
  • 1997 - Gallimard Jeunesse, Chefs-d'Œuvre Universels, no 8, 256 p.
  • 1997 - Gallimard, Folioplus, no 29, 374 p. (rééd. 2008)
  • 2000 - Gallimard, Folio SF, no 5, 320 p. (rééd. 2005)
  • 2001 - Éditions Hemma, Livre club jeunesse, no 75
  • 2005 - Maxi poche, 224 p.

2014 - Traduction d'Alain Morvan et Marc Porée

  • 2014 - Gallimard, coll. "Bibliothèque de la Pléiade" no 599, Frankenstein et autres romans gothiques (anthologie), 1440 p.
  • 2015 - Gallimard, Folio SF, no 533, 336 p.

Ouvrages généraux

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  • Claude Aziza, Dictionnaire Frankenstein, Paris, Omnibus, coll. « Bibliomnibus », , 205 p. (ISBN 978-2-258-15040-9, présentation en ligne sur le site NooSFere).
  • Michel Faucheux, Frankenstein : une biographie, Paris, Archipel, , 280 p.
  • (en) N. H. Brailsford, Shelley, Godwin and Their Circle, New York, H. Holi and Co., , réédition Londres, Williams and Norgate, 1951.
  • (en) Muriel Spark, Child of light, a Reassessment of Mary Wollstonecraft Shelley, Hadleigh, Essex, Tower Bridge Publications, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Elizabeth Nitchie, Mary Shelley : Author of Frankenstein, New Brunswick, Rutgers University Press, , XIV-255 p. (présentation en ligne).
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  • Cathy Bernheim, Mary Shelley, qui êtes-vous ?, Lyon, La Manufacture, , p. 83-102.Document utilisé pour la rédaction de l’article
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  • Monette Vacquin, Frankenstein ou les délires de la raison : essai, Paris, François Bourin, , 230 p. (ISBN 2-87686-028-7).

Ouvrages et articles spécifiques

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    (fr) trad. dans Romantisme noir, Paris, L'Herne, p. 37-51.
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  • Julia V. Douthwaite (trad. de l'anglais par Pierre André et Alexane Bébin, préf. Jean-Clément Martin), Le Frankenstein français et la littérature de l'ère révolutionnaire, Paris, Classiques Garnier, coll. « Littérature, histoire, politique » (no 24), , 385 p. (ISBN 978-2-8124-4605-4, présentation en ligne), [présentation en ligne], [présentation en ligne].
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Références bibliographiques

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  3. Certains exemplaires portent par erreur le no 96.

Articles connexes

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Liens externes

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