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Un '''condensat fermionique''' est un ensemble des [[Fermion|fermions]] [[Particules indiscernables|identiques]] qui présente une phase de [[superfluidité]] à basse température.
Un '''[[gaz]] de [[fermion]]s [[dégénérescence (physique quantique)|dégénéré]]''' possède un comportement qui n'est plus décrit par la physique classique mais par la physique quantique. Un gaz entre dans ce régime purement quantique lorsque sa température est suffisamment basse. Par définition, la température en dessous de laquelle la physique classique n'est plus pertinente est appelée la température de Fermi.


En 1995 furent produits les premiers [[condensat de Bose-Einstein|condensats de Bose-Einstein]] gazeux, ouvrant la voie à l'étude des gaz quantiques. En 1999, l'équipe de [[Deborah S. Jin|Deborah Jin]], du ''Joint Institute for Laboratory Astrophysics'' (JILA) du [[National Institute of Standards and Technology|NIST]] et de l'Université du Colorado à [[Boulder]], refroidit pour la première fois un gaz de fermions dans le régime de dégénérescence quantique<ref>{{article|langue=en|titre= Onset of Fermi Degeneracy in a Trapped Atomic Gas|auteur1= Brian L. DeMarco|auteur2= [[Deborah S. Jin]]|périodique=[[Science]]|volume=285|pages= 1703-1706|année=1999|url=http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.692.7483&rep=rep1&type=pdf}}</ref>.
En 1995 furent produits les premiers [[condensat de Bose-Einstein|condensats de Bose-Einstein]] moléculaires, ouvrant la voie à l'étude des condensats quantiques. En 1999, l'équipe de [[Deborah S. Jin|Deborah Jin]], du ''Joint Institute for Laboratory Astrophysics'' (JILA) du [[National Institute of Standards and Technology|NIST]] et de l'Université du Colorado à [[Boulder]], refroidit pour la première fois un gaz de fermions dans le régime de [[Dégénérescence (physique quantique)|dégénérescence quantique]], ainsi formant un condensat fermionique<ref>{{article|langue=en|auteur1=Brian L. DeMarco|auteur2=[[Deborah S. Jin]]|titre=Onset of Fermi Degeneracy in a Trapped Atomic Gas|périodique=[[Science]]|volume=285|année=1999|url=http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.692.7483&rep=rep1&type=pdf|pages=1703-1706}}</ref>.


== Dégénérescence d'un gaz de fermions ==
== Gaz de fermions idéal ==
[[Image:FD_e_mu.svg|right|thumb|300px|<center>Distribution de Fermi-Dirac.</center>]]
[[Image:FD_e_mu.svg|right|thumb|300px|<center>Distribution de Fermi-Dirac.</center>]]


Un [[gaz]] de [[fermion]]s [[dégénérescence (physique quantique)|dégénéré]] possède un comportement qui n'est plus décrit par la physique classique mais par la physique quantique.
Un gaz de fermions est un [[système thermodynamique]] de [[Fermion|particules fermioniques]] caractérisées par leur [[spin]] demi-entier, telles que [[électrons]], [[neutrons]], [[protons]], [[neutrinos]], [[quarks]], etc. Ces particules obéissent à la [[statistique de Fermi-Dirac]]
::<math>\overline{n}=\frac{N}{g}=\frac{1}{e^{\frac{\varepsilon-1}{\alpha}}+1}\,,\quad \varepsilon=\frac{E}{\mu}\,,\quad \alpha=\frac{k_BT}{\mu}</math>
où N est la population de particules d'énergie E dans un volume de référence V, μ le [[potentiel chimique]], g la [[dégénérescence]] et k<sub>B</sub> la [[constante de Boltzmann]].


Dû au [[principe d'exclusion de Pauli]], les fermions identiques, caractérisées par leur [[spin]] demi-entier, telles que [[électrons]], [[neutrons]], [[protons]], [[neutrinos]], [[quarks]], etc. ne peuvent pas occuper le même état quantique. Il est clair qu'à suffisamment basse température les prédictions de la physique classique ([[Statistique de Maxwell-Boltzmann|distribution statistique de Maxwell-Boltzmann]]) perdent leur sens, puisqu'elles prévoient que les états de plus basse énergie sont occupés par plusieurs particules.
Pour les faibles températures α < 1 (voir figure) seul l'état fondamental est peuplé : il y a dégénérescence et le système est décrit par la mécanique quantique. ε = 1 définit l'énergie de Fermi E<sub>F</sub> = μ correspondante à limite d'énergie.

Un gaz entre dans ce régime purement quantique lorsque sa température est suffisamment basse et la [[densité numérique]] est large. Par définition, la température en dessous de laquelle la physique classique n'est plus pertinente est appelée la [[Énergie de Fermi|température de Ferm]]<nowiki/>i.

Le modèle du gaz de fermions idéal est un [[système thermodynamique]] composé [[Fermion|particules fermioniques]] qui n'interagissent pas, Ces particules obéissent à la [[statistique de Fermi-Dirac]].

::<math>\overline{n}=\frac{N}{g}=\frac{1}{e^{\frac{\varepsilon-1}{\alpha}}+1}\,,\quad \varepsilon=\frac{E}{\mu}\,,\quad \alpha=\frac{k_{\rm B}T}{\mu}</math>;

''N'' est la population de particules d'énergie ''E'' dans un volume de référence ''V'', ''μ'' le [[potentiel chimique]], ''g'' la [[dégénérescence]] et ''k''<sub>B</sub> la [[constante de Boltzmann]].

Pour les faibles températures ''α'' < 1 (voir figure) seul l'état fondamental est peuplé : il y a dégénérescence et le système est décrit par la mécanique quantique. ''ε'' = 1 définit l'énergie de Fermi ''E''<sub>F</sub> = ''μ'' correspondante à limite d'énergie.


On peut calculer la quantité de mouvement correspondant à cette limite<ref name="Landau">{{ouvrage|langue=en|auteur1=[[Lev Landau|L. D. Landau]]|auteur2= [[Evgueni Lifchits|E. M. Lifshitz]]|titre=Course of Theoretical Physics volume 5|sous-titre=Statistical Physics|éditeur=[[Pergamon Press]]|année=1969|url=https://ia600709.us.archive.org/19/items/ost-physics-landaulifshitz-statisticalphysics/LandauLifshitz-StatisticalPhysics.pdf}}</ref>
On peut calculer la quantité de mouvement correspondant à cette limite<ref name="Landau">{{ouvrage|langue=en|auteur1=[[Lev Landau|L. D. Landau]]|auteur2= [[Evgueni Lifchits|E. M. Lifshitz]]|titre=Course of Theoretical Physics volume 5|sous-titre=Statistical Physics|éditeur=[[Pergamon Press]]|année=1969|url=https://ia600709.us.archive.org/19/items/ost-physics-landaulifshitz-statisticalphysics/LandauLifshitz-StatisticalPhysics.pdf}}</ref>
::<math>q_F=\hbar \left(\frac{6\pi^2n}{g}\right)^\frac{1}{3}\,,\quad n=\frac{N}{V}</math>
La pression est obtenue par intégration dans l'intervalle (0, q<sub>F</sub>)
::<math>p=\frac{\hbar^2}{5m}\left(\frac{6\pi^2}{g}\right)^\frac{2}{3}n^\frac{5}{3}</math>
où m est la masse de la particule. La pression est indépendante de la température.


::<math>p_{\rm F}=\hbar \left(\frac{6\pi^2n}{g}\right)^\frac{1}{3}\,,\quad n=\frac{N}{V}</math>.
== Refroidissement d'un gaz de fermions ==


La pression ''P'' est obtenue par intégration dans l'intervalle (0, ''p''<sub>F</sub>) est
Refroidir un gaz de fermions est plus difficile que pour un gaz de bosons<ref>{{lien web|titre=Les gaz de fermions ultra-froids|url=http://www.cnrs.fr/publications/imagesdelaphysique/couv-PDF/IdP2005/15Chevy.pdf|site=CNRS}}</ref>. En effet, en dessous d'une température de l'ordre du mK, c'est-à-dire bien avant d'entrer dans le régime dégénéré, les collisions entre fermions identiques dans le même état interne sont fortement inhibées par le [[principe de Pauli]], ce qui limite l'efficacité du [[refroidissement par évaporation]]. Deux voies ont été empruntées pour contourner cette limitation : on prépare le gaz dans un mélange d'états internes avant l'évaporation, et les collisions se font entre atomes d'états internes différents, ou bien on refroidit le gaz par thermalisation avec un gaz de bosons simultanément présent. On parle alors de « refroidissement sympathique ».


::<math>P=\frac{\hbar^2}{5m}\left(\frac{6\pi^2}{g}\right)^\frac{2}{3}n^\frac{5}{3}</math>,
On parvient ainsi à produire un gaz de 10<sup>4</sup> à 10<sup>6</sup> atomes fermioniques à une température de l'ordre de 0.2 T<sub>F</sub>, où T<sub>F</sub> est la température de Fermi.


''m'' est la masse de la particule. La pression est indépendante de la température.
== Effets de la statistique fermionique ==


La théorie quantique prévoit qu'à température nulle, si le gaz contient ''N'' particules, les ''N'' états de plus basse énergie sont chacun occupés par un fermion exactement, et les autres sont vides. L'énergie seuil à partir de laquelle l'occupation des états devient nulle est par définition l'[[énergie de Fermi]] ''E''<sub>F</sub> ; la température de Fermi ''T''<sub>F</sub> est simplement l'énergie de Fermi divisée par la constante de Boltzmann.
Deux fermions identiques ne pouvant être dans le même état, il est clair qu'à suffisamment basse température les prédictions de la physique classique ([[Statistique de Maxwell-Boltzmann|distribution statistique de Maxwell-Boltzmann]]) perdent leur sens, puisqu'elles prévoient que les états de plus basse énergie sont occupés par plusieurs particules.


Un gaz de fermions idéal ne peux pas souffrir un condensation où changement de phase. Les interactions sont donc importantes pour obtenir un condensat fermionique.
La théorie quantique prévoit qu'à température nulle, si le gaz contient N particules, les N états de plus basse énergie sont chacun occupés par un fermion exactement, et les autres sont vides. L'énergie seuil à partir de laquelle l'occupation des états devient nulle est par définition l'[[énergie de Fermi]] E<sub>F</sub> ; la température de Fermi T<sub>F</sub> est simplement l'énergie de Fermi divisée par la [[constante de Boltzmann]].


Pour un gaz de fermions identiques sans interaction, piégé dans un potentiel harmonique de pulsation <math>\omega</math>, on a
=== Gaz idéal dans un potentiel harmonique ===


Pour un gaz de fermions identiques, piégé dans un [[Oscillateur harmonique quantique|potentiel harmonique]] de pulsation <math>\omega</math>, on a
:<math>E_F=k_BT_F=(6N)^{1/3}\hbar\omega.</math>

:<math>E_{\rm F}=k_{\rm B}T_{\rm F}=(6N)^{1/3}\hbar\omega.</math>


Les gaz de fermions ultrafroids produits actuellement contiennent typiquement 10<sup>5</sup> atomes piégés à une fréquence de l'ordre de 100&nbsp;Hz. La température de Fermi est alors de l'ordre du microkelvin.
Les gaz de fermions ultrafroids produits actuellement contiennent typiquement 10<sup>5</sup> atomes piégés à une fréquence de l'ordre de 100&nbsp;Hz. La température de Fermi est alors de l'ordre du microkelvin.


== Interactions dans un gaz de fermions dégénéré ==
== Refroidissement d'un gaz de fermions ==

Refroidir un gaz de fermions est plus difficile que pour un gaz de bosons<ref>{{lien web|titre=Les gaz de fermions ultra-froids|url=http://www.cnrs.fr/publications/imagesdelaphysique/couv-PDF/IdP2005/15Chevy.pdf|site=CNRS}}</ref>. En effet, en dessous d'une température de l'ordre du milikelvins, c'est-à-dire bien avant d'entrer dans le régime dégénéré, les collisions entre fermions identiques dans le même état interne sont fortement inhibées par le principe d'exclusion de Pauli, ce qui limite l'efficacité du [[refroidissement par évaporation]]. Deux voies ont été empruntées pour contourner cette limitation : on prépare le gaz dans un mélange d'états internes avant l'évaporation, et les collisions se font entre atomes d'états internes différents, ou bien on refroidit le gaz par thermalisation avec un gaz de bosons simultanément présent. On parle alors de « refroidissement sympathique ».

On parvient ainsi à produire un gaz de 10<sup>4</sup> à 10<sup>6</sup> atomes fermioniques à une température de l'ordre de 0.2 ''T''<sub>F</sub>.

=== Interactions ===


Les interactions entre fermions identiques dans le même état interne sont fortement inhibées à basse température. Cependant on peut préparer un mélange ultra-froid de fermions identiques dans deux états de spin différents ; les collisions entre atomes de spins différents sont alors autorisées. La plupart des études faites à ce jour concernent des gaz à deux espèces de spin en proportions égales.
Les interactions entre fermions identiques dans le même état interne sont fortement inhibées à basse température. Cependant on peut préparer un mélange ultra-froid de fermions identiques dans deux états de spin différents ; les collisions entre atomes de spins différents sont alors autorisées. La plupart des études faites à ce jour concernent des gaz à deux espèces de spin en proportions égales.


De plus, on peut exploiter le phénomène de [[résonance de Feshbach]] pour varier à souhait la force des interactions en plongeant le gaz dans un champ magnétique ajustable. Selon la valeur des interactions, les atomes peuvent s'apparier en molécules qui forment alors un [[condensat de Bose-Einstein]], s'apparier en paires de Cooper pour former un état BCS (Bardeen-Cooper-Schrieffer, voir ci-dessous), et, dans le cas intermédiaire, former un état à N corps complexe qui résiste aux études théoriques et qui pourrait s'avérer intéressant pour l'étude de la supraconductivité à haute température critique.
De plus, on peut exploiter le phénomène de [[résonance de Feshbach]] pour varier à souhait la force des interactions en plongeant le gaz dans un [[champ magnétique]] ajustable. Selon la valeur des interactions, les atomes peuvent s'apparier en molécules qui forment alors un [[condensat de Bose-Einstein]], s'apparier en paires de Cooper pour former un état BCS (Bardeen-Cooper-Schrieffer, voir ci-dessous), et, dans le cas intermédiaire, former un état à ''N'' corps complexe qui résiste aux études théoriques et qui pourrait s'avérer intéressant pour l'étude de la supraconductivité à haute température critique.


== Condensat de Bose-Einstein de molécules ==
== Condensat de Bose-Einstein de molécules ==


[[Image:Fermionic condensate peak.jpg|right|thumb|800px|Images par absorption après expansion libre d'un gaz de fermions en interaction forte : aux plus basses températures, on observe un pic caractéristique d'un condensat de Bose-Einstein.]]
[[Image:Fermionic condensate peak.jpg|right|thumb|800px|Images par absorption après expansion libre d'un ensemble de fermions en interaction forte : aux plus basses températures, on observe un pic caractéristique d'un condensat de Bose-Einstein.]]


En 2003, l'équipe de Deborah Jin parvint à refroidir un gaz de fermions (du [[potassium 40|<sup>40</sup>K]]) en deçà de la température de dégénérescence dans le régime d'interaction forte<ref>{{article|langue=en|titre= Emergence of a molecular Bose-Einstein condensate from a Fermi gas|auteur1= Markus Greiner|auteur2= Cindy A. Regal|auteur3= [[Deborah S. Jin]]|périodique= [[Nature]]|volume=426|numéro=537|année=2003|url=http://greiner.physics.harvard.edu/PDF%20Files/Nature426.pdf}}</ref>. Les atomes se regroupent alors en paires, c'est-à-dire forment des « molécules ». Ces dernières ont un comportement [[boson]]ique et peuvent donc former un condensat de Bose-Einstein (''Bose-Einstein condensate'' ou BEC), comprenant environ {{formatnum:500000}} molécules à une température de 50 nK.
En 2003, l'équipe de Deborah Jin parvint à refroidir un gaz de fermions (du [[potassium 40|<sup>40</sup>K]]) en deçà de la température de dégénérescence dans le régime d'interaction forte<ref>{{article|langue=en|titre= Emergence of a molecular Bose-Einstein condensate from a Fermi gas|auteur1= Markus Greiner|auteur2= Cindy A. Regal|auteur3= [[Deborah S. Jin]]|périodique= [[Nature]]|volume=426|numéro=537|année=2003|url=http://greiner.physics.harvard.edu/PDF%20Files/Nature426.pdf}}</ref>. Les atomes se regroupent alors en paires, c'est-à-dire forment des « molécules ». Ces dernières ont un comportement [[boson]]ique et peuvent donc former un condensat de Bose-Einstein (BEC), comprenant environ {{formatnum:500000}} molécules à une température de 50 nK.


== Phase Bardeen-Cooper-Schrieffer ==
== Condensat de phase Bardeen-Cooper-Schrieffer ==


Lorsque les atomes d'états internes s'attirent faiblement, ils s'apparient en [[paires de Cooper]], un objet très différent d'une molécule. Chaque paire est constituée de deux atomes d'impulsions opposées, et est délocalisée dans l'espace des positions. Le gaz dans son ensemble forme un état proposé théoriquement par Bardeen, Cooper et Schrieffer<ref>{{article|langue=en|titre= Theory of Superconductivity|auteur1= [[John Bardeen|J. Bardeen]]|auteur2= [[Leon Neil Cooper|L. N. Cooper]]|auteur3= [[John Robert Schrieffer|J. R. Schrieffer]]|périodique= [[Physical Review]]|volume=108|numéro=5|pages= 1175-1204 |année=1957|url=https://journals.aps.org/pr/pdf/10.1103/PhysRev.108.1175}}</ref>{{,}}<ref>{{lien web|langue=en|auteur1=[[Leon Neil Cooper|Leon Cooper]]|auteur2=Dmitri Feldman|titre=Bardeen-Cooper-Schrieffer theory|url=http://www.scholarpedia.org/article/Bardeen-Cooper-Schrieffer_theory|année=2009|site=[[Scholarpedia]]}}</ref> afin d'expliquer la supraconductivité de certains métaux à basse température. Un gap est ouvert dans le spectre des excitations possibles, c'est-à-dire qu'on ne peut créer une excitation dans le gaz dont l'énergie est inférieure à une valeur strictement positive, appelée le gap. Ce dernier est directement relié au caractère superfluide du gaz.
Lorsque les atomes d'états internes s'attirent faiblement, ils s'apparient en [[paires de Cooper]], un objet très différent d'une molécule. Chaque paire est constituée de deux atomes d'impulsions opposées, et est délocalisée dans l'espace des positions. Le condensat dans son ensemble forme un état proposé théoriquement par [[John Bardeen]], [[Leon Neil Cooper|Leon N. Cooper]] et [[John Robert Schrieffer|John R. Schrieffer]], aussi connue comme la [[théorie BCS]] <ref>{{article|langue=en|titre= Theory of Superconductivity|auteur1= [[John Bardeen|J. Bardeen]]|auteur2= [[Leon Neil Cooper|L. N. Cooper]]|auteur3= [[John Robert Schrieffer|J. R. Schrieffer]]|périodique= [[Physical Review]]|volume=108|numéro=5|pages= 1175-1204 |année=1957|url=https://journals.aps.org/pr/pdf/10.1103/PhysRev.108.1175}}</ref>{{,}}<ref>{{lien web|langue=en|auteur1=[[Leon Neil Cooper|Leon Cooper]]|auteur2=Dmitri Feldman|titre=Bardeen-Cooper-Schrieffer theory|url=http://www.scholarpedia.org/article/Bardeen-Cooper-Schrieffer_theory|année=2009|site=[[Scholarpedia]]}}</ref> afin d'expliquer la [[supraconductivité]] de certains métaux à basse température. Un gap est ouvert dans le spectre des excitations possibles, c'est-à-dire qu'on ne peut créer une excitation dans le système dont l'énergie est inférieure à une valeur strictement positive, appelée la bande interdite ou gap. Ce dernière bande est directement relié au caractère supra du condensat.


== La transition BEC-BCS ==
== La transition BEC-BCS ==


Dans le régime intermédiaire entre le condensat de molécules et l'état BCS qui sont deux cas limites simplement descriptibles, le gaz forme un état complexe à N corps fortement intriqué. Les théories de type champ moyen décrivent qualitativement le comportement du gaz mais échouent à faire des prédictions quantitatives. Seules les simulations numériques de type Monte Carlo parviennent à décrire précisément les propriétés du gaz.
Dans le régime intermédiaire entre le condensat de molécules et l'état BCS qui sont deux cas limites simplement descriptibles, le système forme un état complexe à ''N'' corps fortement intriqué. Les théories de type champ moyen décrivent qualitativement le comportement de l'ensemble de fermions mais échouent à faire des prédictions quantitatives. Seules les simulations numériques de type [[méthode de Monte-Carlo]] parviennent à décrire précisément les propriétés du système.


Ce régime est atteint expérimentalement en exploitant le phénomène de [[résonance de Feshbach]]. En plongeant le gaz dans un champ magnétique adéquat, la force des interactions entre atomes est choisie par l'expérimentateur. Selon le champ imposé, on peut se placer dans le régime BEC, BCS, ou intermédiaire.
Ce régime est atteint expérimentalement en exploitant le phénomène de résonance de Feshbach. En plongeant le gaz dans un champ magnétique adéquat, la force des interactions entre atomes est choisie par l'expérimentateur. Selon le champ imposé, on peut se placer dans le régime BEC, BCS, ou intermédiaire.


A basse température on observe une transition de phase vers un état superfluide et l'apparition d'un gap dans les excitations possibles du fluide ; cependant, contrairement à la transition BCS, le gap apparaît à une température plus haute que la superfluidité. Ces deux notions sont donc clairement distinctes.
A basse température on observe une transition de phase vers un état [[Superfluidité|superfluide]] et l'apparition d'un gap dans les excitations possibles du fluide ; cependant, contrairement à la transition BCS, le gap apparaît à une température plus haute que la superfluidité. Ces deux notions sont donc clairement distinctes.


En plus de la motivation théorique de compréhension d'un système quantique complexe modèle, ce système présente un caractère superfluide particulièrement robuste. En effet, la température de transition de phase entre l'état normal et l'état superfluide est haute, de l'ordre de la température de Fermi, et la vitesse critique de Landau, vitesse limite du superfluide avant de perdre sa superfluidité, l'est aussi. Son étude pourrait donc éclaircir la physique des superfluides à haute température critique, comme les [[supraconducteur à haute température|supraconducteurs à haute température critique]]. Elle pourrait aussi s'appliquer à d'autres systèmes contenant des fermions en interaction forte, comme les [[étoile à neutrons|étoiles à neutrons]] et les [[noyau atomique|noyaux atomiques]].
En plus de la motivation théorique de compréhension d'un système quantique complexe modèle, ce système présente un caractère superfluide particulièrement robuste. En effet, la température de transition de phase entre l'état normal et l'état superfluide est haute, de l'ordre de la température de Fermi, et la vitesse critique de Landau, vitesse limite du superfluide avant de perdre sa superfluidité, l'est aussi. Son étude pourrait donc éclaircir la physique des superfluides à haute température critique, comme les [[supraconducteur à haute température|supraconducteurs à haute température critique]]. Elle pourrait aussi s'appliquer à d'autres systèmes contenant des fermions en interaction forte, comme les [[étoile à neutrons|étoiles à neutrons]] et les [[noyau atomique|noyaux atomiques]].


== Les gaz de fermions déséquilibrés ==
== Ensembles de fermions déséquilibrés ==


Le cas où le nombre d'atomes dans un état de spin diffère du nombre d'atomes dans l'autre état de spin est encore plus complexe, étant donné que la plupart des théories existantes concernant les gaz de fermions en interaction reposent sur la possibilité d'apparier les fermions d'états internes différents. Le groupe de W. Ketterle a mis en évidence la limite de Chandrasekhar-Clogston, c'est-à-dire le déséquilibre de populations critique qui détruit la superfluidité du gaz, même à température nulle<ref>{{article|langue=en|auteur1= M. W. Zwierlein|auteur2= A. Schirotzek|auteur3= C. H. Schunck|auteur4= [[Wolfgang Ketterle|W. Ketterle]]|titre=Fermionic Superfluidity with Imbalanced Spin Populations|périodique=[[Science]]|volume=311|numéro=5760|pages=492-496|année=2006|url=https://arxiv.org/pdf/cond-mat/0511197.pdf}}</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=en|auteur1=I. Bausmerth|auteur2=A. Recati|auteur3=S. Stringari|titre=Chandrasekhar-Clogston limit and phase separation in Fermi mixtures at Unitarity|url=https://arxiv.org/pdf/0901.2842.pdf|année=2009|périodique=[[Physical Review]] A|volume=79|numéro=4|pages= 043622}}</ref>.
Le cas où le nombre d'atomes dans un état de spin diffère du nombre d'atomes dans l'autre état de spin est encore plus complexe, étant donné que la plupart des théories existantes concernant les ensembles de fermions en interaction reposent sur la possibilité d'apparier les fermions d'états internes différents. Le groupe de W. Ketterle a mis en évidence la limite de Chandrasekhar-Clogston, c'est-à-dire le déséquilibre de populations critique qui détruit la superfluidité du condensat, même à température nulle<ref>{{article|langue=en|auteur1= M. W. Zwierlein|auteur2= A. Schirotzek|auteur3= C. H. Schunck|auteur4= [[Wolfgang Ketterle|W. Ketterle]]|titre=Fermionic Superfluidity with Imbalanced Spin Populations|périodique=[[Science]]|volume=311|numéro=5760|pages=492-496|année=2006|url=https://arxiv.org/pdf/cond-mat/0511197.pdf}}</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=en|auteur1=I. Bausmerth|auteur2=A. Recati|auteur3=S. Stringari|titre=Chandrasekhar-Clogston limit and phase separation in Fermi mixtures at Unitarity|url=https://arxiv.org/pdf/0901.2842.pdf|année=2009|périodique=[[Physical Review]] A|volume=79|numéro=4|pages= 043622}}</ref>.


== Annexes ==
== Annexes ==

Version du 9 octobre 2018 à 10:59

Un condensat fermionique est un ensemble des fermions identiques qui présente une phase de superfluidité à basse température.

En 1995 furent produits les premiers condensats de Bose-Einstein moléculaires, ouvrant la voie à l'étude des condensats quantiques. En 1999, l'équipe de Deborah Jin, du Joint Institute for Laboratory Astrophysics (JILA) du NIST et de l'Université du Colorado à Boulder, refroidit pour la première fois un gaz de fermions dans le régime de dégénérescence quantique, ainsi formant un condensat fermionique[1].

Gaz de fermions idéal

Distribution de Fermi-Dirac.

Un gaz de fermions dégénéré possède un comportement qui n'est plus décrit par la physique classique mais par la physique quantique.

Dû au principe d'exclusion de Pauli, les fermions identiques, caractérisées par leur spin demi-entier, telles que électrons, neutrons, protons, neutrinos, quarks, etc. ne peuvent pas occuper le même état quantique. Il est clair qu'à suffisamment basse température les prédictions de la physique classique (distribution statistique de Maxwell-Boltzmann) perdent leur sens, puisqu'elles prévoient que les états de plus basse énergie sont occupés par plusieurs particules.

Un gaz entre dans ce régime purement quantique lorsque sa température est suffisamment basse et la densité numérique est large. Par définition, la température en dessous de laquelle la physique classique n'est plus pertinente est appelée la température de Fermi.

Le modèle du gaz de fermions idéal est un système thermodynamique composé particules fermioniques qui n'interagissent pas, Ces particules obéissent à la statistique de Fermi-Dirac.

;

N est la population de particules d'énergie E dans un volume de référence V, μ le potentiel chimique, g la dégénérescence et kB la constante de Boltzmann.

Pour les faibles températures α < 1 (voir figure) seul l'état fondamental est peuplé : il y a dégénérescence et le système est décrit par la mécanique quantique. ε = 1 définit l'énergie de Fermi EF = μ correspondante à limite d'énergie.

On peut calculer la quantité de mouvement correspondant à cette limite[2]

.

La pression P est obtenue par intégration dans l'intervalle (0, pF) est

,

m est la masse de la particule. La pression est indépendante de la température.

La théorie quantique prévoit qu'à température nulle, si le gaz contient N particules, les N états de plus basse énergie sont chacun occupés par un fermion exactement, et les autres sont vides. L'énergie seuil à partir de laquelle l'occupation des états devient nulle est par définition l'énergie de Fermi EF ; la température de Fermi TF est simplement l'énergie de Fermi divisée par la constante de Boltzmann.

Un gaz de fermions idéal ne peux pas souffrir un condensation où changement de phase. Les interactions sont donc importantes pour obtenir un condensat fermionique.

Gaz idéal dans un potentiel harmonique

Pour un gaz de fermions identiques, piégé dans un potentiel harmonique de pulsation , on a

Les gaz de fermions ultrafroids produits actuellement contiennent typiquement 105 atomes piégés à une fréquence de l'ordre de 100 Hz. La température de Fermi est alors de l'ordre du microkelvin.

Refroidissement d'un gaz de fermions

Refroidir un gaz de fermions est plus difficile que pour un gaz de bosons[3]. En effet, en dessous d'une température de l'ordre du milikelvins, c'est-à-dire bien avant d'entrer dans le régime dégénéré, les collisions entre fermions identiques dans le même état interne sont fortement inhibées par le principe d'exclusion de Pauli, ce qui limite l'efficacité du refroidissement par évaporation. Deux voies ont été empruntées pour contourner cette limitation : on prépare le gaz dans un mélange d'états internes avant l'évaporation, et les collisions se font entre atomes d'états internes différents, ou bien on refroidit le gaz par thermalisation avec un gaz de bosons simultanément présent. On parle alors de « refroidissement sympathique ».

On parvient ainsi à produire un gaz de 104 à 106 atomes fermioniques à une température de l'ordre de 0.2 TF.

Interactions

Les interactions entre fermions identiques dans le même état interne sont fortement inhibées à basse température. Cependant on peut préparer un mélange ultra-froid de fermions identiques dans deux états de spin différents ; les collisions entre atomes de spins différents sont alors autorisées. La plupart des études faites à ce jour concernent des gaz à deux espèces de spin en proportions égales.

De plus, on peut exploiter le phénomène de résonance de Feshbach pour varier à souhait la force des interactions en plongeant le gaz dans un champ magnétique ajustable. Selon la valeur des interactions, les atomes peuvent s'apparier en molécules qui forment alors un condensat de Bose-Einstein, s'apparier en paires de Cooper pour former un état BCS (Bardeen-Cooper-Schrieffer, voir ci-dessous), et, dans le cas intermédiaire, former un état à N corps complexe qui résiste aux études théoriques et qui pourrait s'avérer intéressant pour l'étude de la supraconductivité à haute température critique.

Condensat de Bose-Einstein de molécules

Images par absorption après expansion libre d'un ensemble de fermions en interaction forte : aux plus basses températures, on observe un pic caractéristique d'un condensat de Bose-Einstein.

En 2003, l'équipe de Deborah Jin parvint à refroidir un gaz de fermions (du 40K) en deçà de la température de dégénérescence dans le régime d'interaction forte[4]. Les atomes se regroupent alors en paires, c'est-à-dire forment des « molécules ». Ces dernières ont un comportement bosonique et peuvent donc former un condensat de Bose-Einstein (BEC), comprenant environ 500 000 molécules à une température de 50 nK.

Condensat de phase Bardeen-Cooper-Schrieffer

Lorsque les atomes d'états internes s'attirent faiblement, ils s'apparient en paires de Cooper, un objet très différent d'une molécule. Chaque paire est constituée de deux atomes d'impulsions opposées, et est délocalisée dans l'espace des positions. Le condensat dans son ensemble forme un état proposé théoriquement par John Bardeen, Leon N. Cooper et John R. Schrieffer, aussi connue comme la théorie BCS [5],[6] afin d'expliquer la supraconductivité de certains métaux à basse température. Un gap est ouvert dans le spectre des excitations possibles, c'est-à-dire qu'on ne peut créer une excitation dans le système dont l'énergie est inférieure à une valeur strictement positive, appelée la bande interdite ou gap. Ce dernière bande est directement relié au caractère supra du condensat.

La transition BEC-BCS

Dans le régime intermédiaire entre le condensat de molécules et l'état BCS qui sont deux cas limites simplement descriptibles, le système forme un état complexe à N corps fortement intriqué. Les théories de type champ moyen décrivent qualitativement le comportement de l'ensemble de fermions mais échouent à faire des prédictions quantitatives. Seules les simulations numériques de type méthode de Monte-Carlo parviennent à décrire précisément les propriétés du système.

Ce régime est atteint expérimentalement en exploitant le phénomène de résonance de Feshbach. En plongeant le gaz dans un champ magnétique adéquat, la force des interactions entre atomes est choisie par l'expérimentateur. Selon le champ imposé, on peut se placer dans le régime BEC, BCS, ou intermédiaire.

A basse température on observe une transition de phase vers un état superfluide et l'apparition d'un gap dans les excitations possibles du fluide ; cependant, contrairement à la transition BCS, le gap apparaît à une température plus haute que la superfluidité. Ces deux notions sont donc clairement distinctes.

En plus de la motivation théorique de compréhension d'un système quantique complexe modèle, ce système présente un caractère superfluide particulièrement robuste. En effet, la température de transition de phase entre l'état normal et l'état superfluide est haute, de l'ordre de la température de Fermi, et la vitesse critique de Landau, vitesse limite du superfluide avant de perdre sa superfluidité, l'est aussi. Son étude pourrait donc éclaircir la physique des superfluides à haute température critique, comme les supraconducteurs à haute température critique. Elle pourrait aussi s'appliquer à d'autres systèmes contenant des fermions en interaction forte, comme les étoiles à neutrons et les noyaux atomiques.

Ensembles de fermions déséquilibrés

Le cas où le nombre d'atomes dans un état de spin diffère du nombre d'atomes dans l'autre état de spin est encore plus complexe, étant donné que la plupart des théories existantes concernant les ensembles de fermions en interaction reposent sur la possibilité d'apparier les fermions d'états internes différents. Le groupe de W. Ketterle a mis en évidence la limite de Chandrasekhar-Clogston, c'est-à-dire le déséquilibre de populations critique qui détruit la superfluidité du condensat, même à température nulle[7],[8].

Annexes

Notes et références

  1. (en) Brian L. DeMarco et Deborah S. Jin, « Onset of Fermi Degeneracy in a Trapped Atomic Gas », Science, vol. 285,‎ , p. 1703-1706 (lire en ligne)
  2. (en) L. D. Landau et E. M. Lifshitz, Course of Theoretical Physics volume 5 : Statistical Physics, Pergamon Press, (lire en ligne)
  3. « Les gaz de fermions ultra-froids », sur CNRS
  4. (en) Markus Greiner, Cindy A. Regal et Deborah S. Jin, « Emergence of a molecular Bose-Einstein condensate from a Fermi gas », Nature, vol. 426, no 537,‎ (lire en ligne)
  5. (en) J. Bardeen, L. N. Cooper et J. R. Schrieffer, « Theory of Superconductivity », Physical Review, vol. 108, no 5,‎ , p. 1175-1204 (lire en ligne)
  6. (en) Leon Cooper et Dmitri Feldman, « Bardeen-Cooper-Schrieffer theory », sur Scholarpedia,
  7. (en) M. W. Zwierlein, A. Schirotzek, C. H. Schunck et W. Ketterle, « Fermionic Superfluidity with Imbalanced Spin Populations », Science, vol. 311, no 5760,‎ , p. 492-496 (lire en ligne)
  8. (en) I. Bausmerth, A. Recati et S. Stringari, « Chandrasekhar-Clogston limit and phase separation in Fermi mixtures at Unitarity », Physical Review A, vol. 79, no 4,‎ , p. 043622 (lire en ligne)

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