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« Lois de Manu » : différence entre les versions

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La '''Manusmṛti''' ({{lang-sa|मनुस्मृति}}), aussi appelée '''Mānava-Dharmaśāstra''' ({{lang-sa|मानवधर्मशास्त्र}}), traduit par '''Lois de Manu''', est un [[dharmaśāstra]], un traité de loi qui est daté environ du {{s-|II}} de notre ère<ref>{{ouvrage |langue=en |titre=Encyclopedia of Hinduism |auteur1=C.A. Jones |auteur2=J.D. Ryan |éditeur=Checkmark Books |passage=259 |isbn=0816073368}}</ref> (bien que les questions de datation, concernant l'hindouisme, soient loin de faire l'unanimité). Il s'agit d'un texte en vers le plus important et le plus ancien de la tradition [[Hindouisme|hindoue]] du [[dharma]]<ref>{{ouvrage |langue=en |auteur=Patrick Olivelle |titre=Manu's Code of Law: A Critical Edition and Translation of the Mānava-Dharmaśāstra |lieu=Oxford |éditeur=Oxford University Press |année=2005 |isbn=978-0195171464}}.</ref>. Il a été traduit en anglais en 1794 par le philologue orientaliste [[William Jones (linguiste)|Sir William Jones]], qui était juge à la cour suprême britannique de Calcutta<ref>{{ouvrage |langue=en |auteur1=Manu (Lawgiver) |auteur2=Kullūkabhaṭṭa |présentation en ligne={{Google Livres |id=4caNTgBa6oEC}} |titre=The Institutes of Hindu Law |sous-titre=Or, The Ordinances of Manu}}</ref>.
La '''Manusmṛti''' ({{lang-sa|मनुस्मृति}}), aussi appelée '''Mānava-Dharmaśāstra''' ({{lang-sa|मानवधर्मशास्त्र}}), traduit par '''Lois de Manu''', est un [[dharmaśāstra]], un traité de loi qui est daté environ du {{s-|II}} de notre ère<ref>{{ouvrage |langue=en |titre=Encyclopedia of Hinduism |auteur1=C.A. Jones |auteur2=J.D. Ryan |éditeur=Checkmark Books |passage=259 |isbn=0816073368}}</ref> (bien que les questions de datation, concernant l'hindouisme, soient loin de faire l'unanimité). Il s'agit d'un texte en vers le plus important et le plus ancien de la tradition [[Hindouisme|hindoue]] du [[dharma]]<ref>{{ouvrage |langue=en |auteur=Patrick Olivelle |titre=Manu's Code of Law: A Critical Edition and Translation of the Mānava-Dharmaśāstra |lieu=Oxford |éditeur=Oxford University Press |année=2005 |isbn=978-0195171464}}.</ref>. Il a été traduit en anglais en 1794 par le philologue orientaliste [[William Jones (linguiste)|Sir William Jones]], qui était juge à la cour suprême britannique de Calcutta<ref>{{ouvrage |langue=en |auteur1=Manu (Lawgiver) |auteur2=Kullūkabhaṭṭa |présentation en ligne={{Google Livres |id=4caNTgBa6oEC}} |titre=The Institutes of Hindu Law |sous-titre=Or, The Ordinances of Manu}}</ref>.


Le texte se présente sous la forme d'un discours prononcé par le sage [[Manu (védisme)|Manu]] à un groupe de voyants, ou [[rishi]]s, qui le prient de leur dire « l'Ordre de toutes les Couleurs [hiérarchie sociocosmique] » (1.2). Ainsi il parle des devoirs des [[brahmane]]s et des autres castes.
Le texte, en douze chapitres, se présente sous la forme d'un discours prononcé par le sage [[Manu (védisme)|Manu]] à un groupe de voyants, ou [[rishi]]s, qui le prient de leur expliquer « l'ordre [''[[dharma]]''] de toutes les [[Castes en Inde|castes]]/classes [''{{lien|trad=Varna (Hinduism)|fr=Varna (hindouisme)|texte=varṇa}}''] » (1.2<ref>{{Lien web|nom1={{lien|Ganganath Jha}}|titre=Manusmriti Verse 1.2|url=https://www.wisdomlib.org/hinduism/book/manusmriti-with-the-commentary-of-medhatithi/d/doc145373.html|site=www.wisdomlib.org|consulté le=2019-12-28}}</ref>). Ainsi il parle des devoirs des [[brahmane]]s et des autres castes.


Il est à noter que les ''Lois de Manu'' est un « traité relatif au [[dharma]] » (''dharmashâstra'') parmi d'autres traités dharmiques qui apportent ou soustraient d'autres lois ou contredisent les ''Lois de Manu'' : les ''Lois de Manu'' n'ont donc jamais eu une valeur absolue en Inde (et n'étaient jadis connues que d'un cercle limité), puisque d'autres traités dharmiques composés par différents brâhmanes ont élaboré d'autres règles impératives, sensiblement ou complètement différentes des ''Lois de Manu'', les lois étant vues comme la réponse à un contexte particulier qui demande des lois spécifiques (même si tous les traités brahmaniques s'accordent sur le fait que l'[[ahimsâ]], « non-violence », demeure toujours le principe premier du [[dharma]], de l'« ordre »)<ref>''Le Râmâyana'' de Vâlmîki, éditions Gallimard, bibliothèque de la Pléiade, page 1779, {{ISBN|2-07-011294-2}}</ref>.
Les ''Lois de Manu'' est, parmi les « traités relatifs au dharma » ([[dharmashastra]]), celui qui a traditionnellement le plus d’autorité en Inde<ref>{{Lien web|langue=en|titre=Manu-smriti|url=https://www.britannica.com/topic/Manu-smriti|site=Encyclopedia Britannica|consulté le=2019-12-28}}</ref>, bien que d'autres traités dharmiques apportent ou soustraient d'autres lois, voire le contredisent. Les ''Lois de Manu'' n'ont toutefois pas une valeur absolue en Inde (et n'étaient jadis connues que d'un cercle limité), puisque d'autres traités dharmiques composés par différents brâhmanes ont élaboré d'autres règles impératives, sensiblement ou complètement différentes des ''Lois de Manu'', les lois étant vues comme la réponse à un contexte particulier qui demande des lois spécifiques (même si tous les traités brahmaniques s'accordent sur le fait que l'[[ahimsâ]], « non-violence », demeure toujours le principe premier du [[dharma]], de l'« ordre »)<ref>''Le Râmâyana'' de Vâlmîki, éditions Gallimard, bibliothèque de la Pléiade, page 1779, {{ISBN|2-07-011294-2}}</ref>.


== Datation ==
== Datation ==
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Ces lois sont un traité didactique rédigé par des brahmanes. Loin d'être un reflet de la société de l'époque, elles ne représentent que l'opinion de certains milieux brahmaniques sur la façon dont une société idéale doit être ordonnée<ref name="Dupuis p.85">Dupuis, 2005, {{p.|85}}</ref>. C'est l'idéologie des lois de Manu qui met au premier plan la « pureté » de la caste (en principe une femme est ''[[shûdra]]'' tant qu'elle n'est pas mariée et adopte la caste de son époux), ce qui aura pour conséquence pour chaque communauté sociale la pratique de l'[[endogamie]]. Celle-ci impose aux différentes communautés des emplois plus ou moins honorables appropriés à leur rang. Elle rejette au bas de l'échelle sociale ceux qui tuent des animaux (chasseurs, pêcheurs, bouchers...) et ceux qui sont en contact avec la mort<ref name="Dupuis p.85" /> ou les [[bourreau]]x ; ainsi, les ''Lois de Manu'' déclarent que le ''chândâla'' (le « mangeur de chien », le chasseur) est le résultat de l'union sexuelle entre un homme [[shudra]] et une femme née de parents [[brahmane]]s. Il est donc d'origine impure selon l'hindouisme, qui se définit en [[sanskrit]] comme l’''Arya Dharma'', la « religion noble » ; l'[[hindouisme]] considère qu'il est impossible de se délivrer seul de son conditionnement : il faut, soit la Grâce de la Divinité, soit que la communauté – dont on dépend – se purifie aussi <ref>''Approche de l'hindouisme'', Alain Daniélou, éditions Kailash.</ref>. Mais l'impureté du chândâla est avant tout liée à son comportement, un comportement refusant les valeurs brahmaniques (comme l'[[Ahimsâ]], etc.), et pas du tout par rapport à son apparence physique :
Ces lois sont un traité didactique rédigé par des brahmanes. Loin d'être un reflet de la société de l'époque, elles ne représentent que l'opinion de certains milieux brahmaniques sur la façon dont une société idéale doit être ordonnée<ref name="Dupuis p.85">Dupuis, 2005, {{p.|85}}</ref>. C'est l'idéologie des lois de Manu qui met au premier plan la « pureté » de la caste (en principe une femme est ''[[shûdra]]'' tant qu'elle n'est pas mariée et adopte la caste de son époux), ce qui aura pour conséquence pour chaque communauté sociale la pratique de l'[[endogamie]]. Celle-ci impose aux différentes communautés des emplois plus ou moins honorables appropriés à leur rang. Elle rejette au bas de l'échelle sociale ceux qui tuent des animaux (chasseurs, pêcheurs, bouchers...) et ceux qui sont en contact avec la mort<ref name="Dupuis p.85" /> ou les [[bourreau]]x ; ainsi, les ''Lois de Manu'' déclarent que le ''chândâla'' (le « mangeur de chien », le chasseur) est le résultat de l'union sexuelle entre un homme [[shudra]] et une femme née de parents [[brahmane]]s. Il est donc d'origine impure selon l'hindouisme, qui se définit en [[sanskrit]] comme l’''Arya Dharma'', la « religion noble » ; l'[[hindouisme]] considère qu'il est impossible de se délivrer seul de son conditionnement : il faut, soit la Grâce de la Divinité, soit que la communauté – dont on dépend – se purifie aussi <ref>''Approche de l'hindouisme'', Alain Daniélou, éditions Kailash.</ref>. Mais l'impureté du chândâla est avant tout liée à son comportement, un comportement refusant les valeurs brahmaniques (comme l'[[Ahimsâ]], etc.), et pas du tout par rapport à son apparence physique :


{{Citation bloc|57 Un homme d'origine impure, n'appartenant à aucune caste (''[[Castes en Inde|varna]]''), mais dont le caractère n'est pas connu, qui n'est pas ''Arya'' (« Noble »), mais à l'apparence d'un ''Arya'' (« Noble »), on peut découvrir ce qu'il est par ses actes. 58. Le comportement indigne d'un ''Arya'' (« Noble ») : la grossièreté, la dureté, la cruauté, la négligence des devoirs prescrits trahissent en ce monde un homme d'origine impure.|''Lois de Manu, livre 10''<ref name="sacred-texts.com">http://www.sacred-texts.com/hin/manu/manu10.htm</ref>.}}
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Les ''Lois de Manu'' considèrent qu'en sept générations une lignée de « hors caste » peut retrouver une caste, la plus élevée (celle des brâhmanes), grâce aux pratiques purificatrices collectives :
Les ''Lois de Manu'' considèrent qu'en sept générations une lignée de « hors caste » peut retrouver une caste, la plus élevée (celle des brâhmanes), grâce aux pratiques purificatrices collectives :


{{Citation bloc|63. L'[[Ahimsâ]] (refus de violenter, nuire aux créatures), la véracité, le non-vol, la pureté et le contrôle des sens, Manu a déclaré être le résumé du [[Dharma]] (« loi ») pour les quatre castes (''varna'', « couleurs »). 64. Si une femme, issue d'un homme [[Brahmane]] et d'une femme [[Shudra]], porte l'enfant d'un membre d'une plus haute caste, les inférieurs atteignent la plus haute caste au sein de la septième génération. 65. Ainsi, un [[Shudra]] atteint le rang d'un [[Brahmane]], et (d'une manière similaire) un Brahmane choit au niveau d'un Shudra ; mais sachez qu'il en est de même avec la progéniture d'un [[Kshatriya]] ou d'un [[Vaishya]]. (...) 67. La décision est la suivante : « Celui qui a été engendré par un ''Arya'' (« Noble ») avec une femme non-noble, peut devenir ''Arya'' par ses vertus ; celui qui a été porté par une mère ''arya'' (« noble »), mais qui a pour père un non-noble, est et reste l'opposé d'un ''Arya'' ».|''Lois de Manu, livre 10''<ref name="sacred-texts.com"/>.}}
{{Citation bloc|63. L'[[Ahimsâ]] (refus de violenter, nuire aux créatures), la véracité, le non-vol, la pureté et le contrôle des sens, Manu a déclaré être le résumé du [[Dharma]] (« loi ») pour les quatre castes (''varṇa''). 64. Si une femme, issue d'un homme [[Brahmane]] et d'une femme [[Shudra]], porte l'enfant d'un membre d'une plus haute caste, les inférieurs atteignent la plus haute caste au sein de la septième génération. 65. Ainsi, un [[Shudra]] atteint le rang d'un [[Brahmane]], et (d'une manière similaire) un Brahmane choit au niveau d'un Shudra ; mais sachez qu'il en est de même avec la progéniture d'un [[Kshatriya]] ou d'un [[Vaishya]]. (...) 67. La décision est la suivante : « Celui qui a été engendré par un ''Arya'' (« Noble ») avec une femme non-noble, peut devenir ''Arya'' par ses vertus ; celui qui a été porté par une mère ''arya'' (« noble »), mais qui a pour père un non-noble, est et reste l'opposé d'un ''Arya'' ».|''Lois de Manu, livre 10''<ref name="sacred-texts.com"/>.}}


Les devoirs généraux des quatre castes sacrées, considérés comme constituant la société « noble », ''arya'', y sont dictés (dont l'ordre premier est l'[[Ahimsâ]], l'honnêteté et le contrôle des sens), ainsi que les devoirs particuliers de chacune les unes par rapport aux autres (Les Lois de Manu précisent qu'il y en a quatre : [[Brahmane]]/Savant, [[Kshatriya]]/Guerrier, [[Vaishya]]/Paysan-artisan et [[Shudra]]/Serviteur rétribué).
Les devoirs généraux des quatre castes sacrées, considérés comme constituant la société « noble », ''arya'', y sont dictés (dont l'ordre premier est l'[[Ahimsâ]], l'honnêteté et le contrôle des sens), ainsi que les devoirs particuliers de chacune les unes par rapport aux autres (Les Lois de Manu précisent qu'il y en a quatre : [[Brahmane]]/Savant, [[Kshatriya]]/Guerrier, [[Vaishya]]/Paysan-artisan et [[Shudra]]/Serviteur rétribué).

Version du 28 décembre 2019 à 15:21

La Manusmṛti (sanskrit : मनुस्मृति), aussi appelée Mānava-Dharmaśāstra (sanskrit : मानवधर्मशास्त्र), traduit par Lois de Manu, est un dharmaśāstra, un traité de loi qui est daté environ du IIe siècle de notre ère[1] (bien que les questions de datation, concernant l'hindouisme, soient loin de faire l'unanimité). Il s'agit d'un texte en vers le plus important et le plus ancien de la tradition hindoue du dharma[2]. Il a été traduit en anglais en 1794 par le philologue orientaliste Sir William Jones, qui était juge à la cour suprême britannique de Calcutta[3].

Le texte, en douze chapitres, se présente sous la forme d'un discours prononcé par le sage Manu à un groupe de voyants, ou rishis, qui le prient de leur expliquer « l'ordre [dharma] de toutes les castes/classes [varṇa (en)] » (1.2[4]). Ainsi il parle des devoirs des brahmanes et des autres castes.

Les Lois de Manu est, parmi les « traités relatifs au dharma » (dharmashastra), celui qui a traditionnellement le plus d’autorité en Inde[5], bien que d'autres traités dharmiques apportent ou soustraient d'autres lois, voire le contredisent. Les Lois de Manu n'ont toutefois pas une valeur absolue en Inde (et n'étaient jadis connues que d'un cercle limité), puisque d'autres traités dharmiques composés par différents brâhmanes ont élaboré d'autres règles impératives, sensiblement ou complètement différentes des Lois de Manu, les lois étant vues comme la réponse à un contexte particulier qui demande des lois spécifiques (même si tous les traités brahmaniques s'accordent sur le fait que l'ahimsâ, « non-violence », demeure toujours le principe premier du dharma, de l'« ordre »)[6].

Datation

Les philologues du dix-huitième siècle ont daté le texte entre 1250 et 1000 avant notre ère, ce qui est aujourd'hui considéré après les développements ultérieurs de la linguistique comme une opinion intenable en raison du langage du texte qui doit être daté plus tard que les textes védiques tardifs tels que les Upanishads qui sont eux-mêmes datés vers 500 avant notre ère. La recherche a ainsi déplacé la chronologie du texte entre 200 avant notre ère et 200 après. L'indianiste Patrick Olivelle ajoute que les preuves numismatiques et la mention de pièces d'or comme amende, suggèrent que le texte pourrait être daté du IIe ou IIIe siècle de notre ère[7].

La plupart des chercheurs considèrent le texte comme un ensemble composite produit par de nombreux auteurs assemblé sur une longue période de temps. Les différents textes indiens anciens et médiévaux prétendent que les révisions et les éditions ont été tirées du texte original avec 100.000 versets et 1.080 chapitres. Cependant, la version texte à usage moderne, selon Olivelle, est probablement le travail d'un seul auteur ou d'un auteur principal avec des assistants[8].

Contenu

Les Lois de Manu sont un traité du dharma, c'est-à-dire de l'ordre cosmique, naturel, social, englobant les lois et les règles de conduite[9]. Manu n'est pas un personnage défini. Il est le révélateur du dharma dont l'auteur de l'ouvrage se fait le porte-parole[10].

Ces lois sont un traité didactique rédigé par des brahmanes. Loin d'être un reflet de la société de l'époque, elles ne représentent que l'opinion de certains milieux brahmaniques sur la façon dont une société idéale doit être ordonnée[11]. C'est l'idéologie des lois de Manu qui met au premier plan la « pureté » de la caste (en principe une femme est shûdra tant qu'elle n'est pas mariée et adopte la caste de son époux), ce qui aura pour conséquence pour chaque communauté sociale la pratique de l'endogamie. Celle-ci impose aux différentes communautés des emplois plus ou moins honorables appropriés à leur rang. Elle rejette au bas de l'échelle sociale ceux qui tuent des animaux (chasseurs, pêcheurs, bouchers...) et ceux qui sont en contact avec la mort[11] ou les bourreaux ; ainsi, les Lois de Manu déclarent que le chândâla (le « mangeur de chien », le chasseur) est le résultat de l'union sexuelle entre un homme shudra et une femme née de parents brahmanes. Il est donc d'origine impure selon l'hindouisme, qui se définit en sanskrit comme l’Arya Dharma, la « religion noble » ; l'hindouisme considère qu'il est impossible de se délivrer seul de son conditionnement : il faut, soit la Grâce de la Divinité, soit que la communauté – dont on dépend – se purifie aussi [12]. Mais l'impureté du chândâla est avant tout liée à son comportement, un comportement refusant les valeurs brahmaniques (comme l'Ahimsâ, etc.), et pas du tout par rapport à son apparence physique :

« 57 Un homme d'origine impure, n'appartenant à aucune caste (varṇa), mais dont le caractère n'est pas connu, qui n'est pas Arya (« Noble »), mais à l'apparence d'un Arya (« Noble »), on peut découvrir ce qu'il est par ses actes. 58. Le comportement indigne d'un Arya (« Noble ») : la grossièreté, la dureté, la cruauté, la négligence des devoirs prescrits trahissent en ce monde un homme d'origine impure. »

— Lois de Manu, livre 10[13].

Les Lois de Manu considèrent qu'en sept générations une lignée de « hors caste » peut retrouver une caste, la plus élevée (celle des brâhmanes), grâce aux pratiques purificatrices collectives :

« 63. L'Ahimsâ (refus de violenter, nuire aux créatures), la véracité, le non-vol, la pureté et le contrôle des sens, Manu a déclaré être le résumé du Dharma (« loi ») pour les quatre castes (varṇa). 64. Si une femme, issue d'un homme Brahmane et d'une femme Shudra, porte l'enfant d'un membre d'une plus haute caste, les inférieurs atteignent la plus haute caste au sein de la septième génération. 65. Ainsi, un Shudra atteint le rang d'un Brahmane, et (d'une manière similaire) un Brahmane choit au niveau d'un Shudra ; mais sachez qu'il en est de même avec la progéniture d'un Kshatriya ou d'un Vaishya. (...) 67. La décision est la suivante : « Celui qui a été engendré par un Arya (« Noble ») avec une femme non-noble, peut devenir Arya par ses vertus ; celui qui a été porté par une mère arya (« noble »), mais qui a pour père un non-noble, est et reste l'opposé d'un Arya ». »

— Lois de Manu, livre 10[13].

Les devoirs généraux des quatre castes sacrées, considérés comme constituant la société « noble », arya, y sont dictés (dont l'ordre premier est l'Ahimsâ, l'honnêteté et le contrôle des sens), ainsi que les devoirs particuliers de chacune les unes par rapport aux autres (Les Lois de Manu précisent qu'il y en a quatre : Brahmane/Savant, Kshatriya/Guerrier, Vaishya/Paysan-artisan et Shudra/Serviteur rétribué).

Les nourritures comestibles sont aussi données dans ce livre. Les purifications à faire pour des actes impurs, les punitions pour les crimes y sont également prescrits[14].

Ces règles religieuses deviendront un texte fondamental de la société brahmanique, seront largement diffusées dans une grande partie de l'Inde et, passant dans l'usage, détermineront la fragmentation de la société indienne en castes[11].

Bibliographie

  • Mânava dharma çâstra - Lois de Manou. Traduites du sanskrit par G. Strehly, 1893
  • Manava-dharma-sastra. Lois de Manou, comprenant les institutions religieuses et civiles des Indiens ; tr. du sanscrit et accompagnées de notes explicatives. Traduites par Loiseleur-Deslongchamps, Auguste Louis Armand, 1833
  • Jean Haudry, « Les origines de la conception indienne des âges du monde », in Tempus et tempestas, P.-S. Filliozat et Michel Zink éd., Actes du colloque international organisé par l’AIBL, la Société asiatique et l’INALCO les 30 et 31 janvier 2014, Avant-propos de P.-S. Filliozat, 428 p., 2016
  • (en) Patrick Olivelle, The Law Code of Manu, New York, OUP, 2004, (ISBN 0192802712).
  • (en) Patrick Olivelle, Manu's Code of Law: A Critical Edition and Translation of the Mānava-Dharmaśāstra, Oxford: Oxford University Press, 2005 (ISBN 0-195-17146-2).
  • (en) Koenraad Elst, « Manu as a Weapon against Egalitarianism. Nietzsche and Hindu Political Philosophy », in: Siemens, Herman W. / Roodt, Vasti (Hg.): Nietzsche, Power and Politics. Rethinking Nietzsche’s Legacy for Political Thought, Berlin / New York 2008, 543-582.

Références

  1. (en) C.A. Jones et J.D. Ryan, Encyclopedia of Hinduism, Checkmark Books (ISBN 0816073368), p. 259
  2. (en) Patrick Olivelle, Manu's Code of Law: A Critical Edition and Translation of the Mānava-Dharmaśāstra, Oxford, Oxford University Press, (ISBN 978-0195171464).
  3. (en) Manu (Lawgiver) et Kullūkabhaṭṭa, The Institutes of Hindu Law : Or, The Ordinances of Manu (présentation en ligne)
  4. Ganganath Jha (en), « Manusmriti Verse 1.2 », sur www.wisdomlib.org (consulté le )
  5. (en) « Manu-smriti », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  6. Le Râmâyana de Vâlmîki, éditions Gallimard, bibliothèque de la Pléiade, page 1779, (ISBN 2-07-011294-2)
  7. (en) Patrick Olivelle, Manu's Code of Law: A Critical Edition and Translation of the Mānava-Dharmaśāstra, Oxford, Oxford University Press, (ISBN 978-0195171464), p. 24-25
  8. (en) Patrick Olivelle, Manu's Code of Law: A Critical Edition and Translation of the Mānava-Dharmaśāstra, Oxford, Oxford University Press, (ISBN 978-0195171464), p. 19
  9. Jacques Dupuis, Histoire de l'Inde, Éditions Kailash, , 2e éd., p. 148-149
  10. Dupuis, 2005, p. 149
  11. a b et c Dupuis, 2005, p. 85
  12. Approche de l'hindouisme, Alain Daniélou, éditions Kailash.
  13. a et b http://www.sacred-texts.com/hin/manu/manu10.htm
  14. The A to Z of Hinduism par B.M. Sullivan publié par Vision Books, page 128, (ISBN 8170945216)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Lois de Manou, traduites par G. Strehly [1] et [2]
  • Lois de Manou, traduites par Loiseleur-Deslongchamps[3]