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Denis-Paul Bourg (discuter | contributions)
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=== Accélération du programme sous la direction de Kim Jong-un ===
=== Accélération du programme sous la direction de Kim Jong-un ===
[[Kim Jong-un]] succède à son père le {{Date|17 décembre 2011}}. Les programmes nucléaire et balistique nord-coréens connaissent depuis une accélération spectaculaire. Entre 2013 et 2017, la Corée du Nord effectue [[Liste d'essais d'armes nucléaires de la Corée du Nord|quatre essais nucléaires]]. Depuis l'arrivée au pouvoir de [[Kim Jong-un]], la Corée du Nord a dévoilé plusieurs nouveaux missiles et effectué près de trois fois plus de tests de missiles balistiques que pendant tout le règne de son père, [[Kim Jong-il]]. Les efforts nord-coréens portent nos seulement sur des missiles à courte ou moyenne portée, comme le {{Lien|langue=en|trad=KN-02 Toksa|fr=Hwasong-11|texte=KN-02 Toksa}}<ref name=":23">{{Lien web |langue=en |auteur= |titre=KN-02 “Toksa” |url=https://missilethreat.csis.org/missile/kn-02/ |site=Missile Threat, Center for Strategic and International Studies |date=15 juin 2018 |consulté le=20 juin 2020}}</ref>{{,}}<ref name=":24">{{Lien web |langue=en |auteur= |titre=KN-02 (Toksa) |url=https://missiledefenseadvocacy.org/missile-threat-and-proliferation/todays-missile-threat/north-korea/kn-02-toksa/ |site=Missile Defense Advocacy Alliance |date=2020 |consulté le=20 juin 2020}}</ref> apparemment dérivé du [[OTR-21 Tochka|SS-21 Scarab]] soviétique, mais aussi pour la première fois sur des [[Missile balistique intercontinental|missiles intercontinentaux]] (ICBM) capables d'atteindre les États-Unis et sur des [[Missile mer-sol balistique stratégique|missiles pouvant être lancés en plongée]] (MSBS)<ref name=":3">{{Harvsp|Missile Threat - Missiles of North Korea||p=|id=CSIS MIS NOKO 2020}}</ref>{{,}}<ref name=":2" />.
[[Kim Jong-un]] succède à son père le {{Date|17 décembre 2011}}. Les programmes nucléaire et balistique nord-coréens connaissent depuis une accélération spectaculaire. Entre 2013 et 2017, la Corée du Nord effectue [[Liste d'essais d'armes nucléaires de la Corée du Nord|quatre essais nucléaires]]. Depuis l'arrivée au pouvoir de [[Kim Jong-un]], la Corée du Nord a dévoilé plusieurs nouveaux missiles et effectué près de trois fois plus de tests de missiles balistiques que pendant tout le règne de son père, [[Kim Jong-il]]. Les efforts nord-coréens portent nos seulement sur des missiles à courte ou moyenne portée, comme le {{Lien|langue=en|trad=KN-02 Toksa|fr=Hwasong-11|texte=KN-02 Toksa}}<ref name=":23">{{Lien web |langue=en |auteur= |titre=KN-02 “Toksa” |url=https://missilethreat.csis.org/missile/kn-02/ |site=Missile Threat, Center for Strategic and International Studies |date=15 juin 2018 |consulté le=20 juin 2020}}</ref>{{,}}<ref name=":24">{{Lien web |langue=en |auteur= |titre=KN-02 (Toksa) |url=https://missiledefenseadvocacy.org/missile-threat-and-proliferation/todays-missile-threat/north-korea/kn-02-toksa/ |site=Missile Defense Advocacy Alliance |date=2020 |consulté le=20 juin 2020}}</ref> apparemment dérivé du [[OTR-21 Tochka|SS-21 Scarab]] soviétique, ou comme le KN-18 Scud MaRV<ref name=":25">{{Lien web |langue=en |auteur= |titre=KN-18 (Scud MaRV Variant) |url=https://missilethreat.csis.org/missile/kn-18-marv-scud-variant/ |site=Missile Threat, Center for Strategic and International Studies |date=1 novembre 2019 |consulté le=20 juin 2020}}</ref> version modernisée des Scud B/C dotée d'une tête de rentrée manœuvrable et donc plus précise, mais aussi pour la première fois sur des [[Missile balistique intercontinental|missiles intercontinentaux]] (ICBM) capables d'atteindre les États-Unis et sur des [[Missile mer-sol balistique stratégique|missiles pouvant être lancés en plongée]] (MSBS)<ref name=":3">{{Harvsp|Missile Threat - Missiles of North Korea||p=|id=CSIS MIS NOKO 2020}}</ref>{{,}}<ref name=":2" />.


Le lancement du satellite [[Kwangmyŏngsŏng 3 numéro 2]] par une fusée [[Unha|Unha-3]] / [[Taepodong-2]] le 12 décembre 2012 et l'[[Essai nucléaire nord-coréen du 12 février 2013|essai nucléaire du 12 février 2013]], largement condamnés par la [[communauté internationale]], provoquent une [[Crise des missiles nord-coréens de 2013|crise diplomatique]] qui conduit le [[Conseil de sécurité des Nations unies]] à se saisir à nouveau de ce sujet. La {{Lien|langue=en|trad=United Nations Security Council Resolution 2094|fr=Résolution 2094 du Conseil de sécurité des Nations unies|texte=résolution 2094}} votée le {{Date-|7 mars 2013}} à l'unanimité par le [[Conseil de sécurité des Nations unies|Conseil de sécurité]] impose de nouvelles [[sanctions contre la Corée du Nord]] et {{Citation|réaffirme [la] décision selon laquelle la RPDC doit abandonner tous autres programmes existants d’armes de destruction massive et de missiles balistiques, de façon complète, vérifiable et irréversible}}<ref>{{Lien web |langue= |auteur= |titre=Le Conseil de sécurité impose à l’unanimité de nouvelles sanctions contre la République populaire démocratique de Corée |url=https://www.un.org/press/fr/2013/CS10934.doc.htm |site=ONU |date=7 mars 2013 |consulté le=28 juin 2020}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue= |auteur= |titre=Résolution 2094 (2013) adoptée par le Conseil de sécurité à sa 6932e séance, le 7 mars 2013 |url=https://undocs.org/fr/S/RES/2094(2013) |site=ONU |date= |consulté le=28 juin 2020}}</ref>. Pourtant, en tant qu'[[Missile balistique intercontinental|ICBM]], la valeur militaire du Taepodong-2 est très limitée en raison de son mode de lancement depuis un pas de tir non protégé et du délai de plusieurs jours requis pour préparer son lancement<ref>{{Lien web |langue=en |auteur= |titre=Chronology of U.S.-North Korean Nuclear and Missile Diplomacy |url=https://www.armscontrol.org/factsheets/dprkchron#2019 |site=Arms Control Association |date=mai 2020 |consulté le=20 juin 2020}}</ref>.
Le lancement du satellite [[Kwangmyŏngsŏng 3 numéro 2]] par une fusée [[Unha|Unha-3]] / [[Taepodong-2]] le 12 décembre 2012 et l'[[Essai nucléaire nord-coréen du 12 février 2013|essai nucléaire du 12 février 2013]], largement condamnés par la [[communauté internationale]], provoquent une [[Crise des missiles nord-coréens de 2013|crise diplomatique]] qui conduit le [[Conseil de sécurité des Nations unies]] à se saisir à nouveau de ce sujet. La {{Lien|langue=en|trad=United Nations Security Council Resolution 2094|fr=Résolution 2094 du Conseil de sécurité des Nations unies|texte=résolution 2094}} votée le {{Date-|7 mars 2013}} à l'unanimité par le [[Conseil de sécurité des Nations unies|Conseil de sécurité]] impose de nouvelles [[sanctions contre la Corée du Nord]] et {{Citation|réaffirme [la] décision selon laquelle la RPDC doit abandonner tous autres programmes existants d’armes de destruction massive et de missiles balistiques, de façon complète, vérifiable et irréversible}}<ref>{{Lien web |langue= |auteur= |titre=Le Conseil de sécurité impose à l’unanimité de nouvelles sanctions contre la République populaire démocratique de Corée |url=https://www.un.org/press/fr/2013/CS10934.doc.htm |site=ONU |date=7 mars 2013 |consulté le=28 juin 2020}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue= |auteur= |titre=Résolution 2094 (2013) adoptée par le Conseil de sécurité à sa 6932e séance, le 7 mars 2013 |url=https://undocs.org/fr/S/RES/2094(2013) |site=ONU |date= |consulté le=28 juin 2020}}</ref>. Pourtant, en tant qu'[[Missile balistique intercontinental|ICBM]], la valeur militaire du Taepodong-2 est très limitée en raison de son mode de lancement depuis un pas de tir non protégé et du délai de plusieurs jours requis pour préparer son lancement<ref>{{Lien web |langue=en |auteur= |titre=Chronology of U.S.-North Korean Nuclear and Missile Diplomacy |url=https://www.armscontrol.org/factsheets/dprkchron#2019 |site=Arms Control Association |date=mai 2020 |consulté le=20 juin 2020}}</ref>.
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Les tirs de missiles effectués par la Corée du Nord revêtent le plus souvent une forte dimension politique. C'est à nouveau le cas avec ces tirs de missiles à courte portée. Il s'agit pour les nord-coréens, sans recourir à des provocations majeures aux conséquences plus imprévisibles que constitueraient de nouveaux essais nucléaires ou de nouveaux tirs de missiles intercontinentaux, de continuer de faire pression sur la Corée du Sud et les États-Unis alors que les négociations sur les programmes nucléaires et de missiles nord-coréens et la levée des sanctions sont dans l'impasse. Ces démonstrations limitées de force ont aussi pour objet de renforcer la cohésion interne des dirigeants nord-coréens<ref name=":14" />.
Les tirs de missiles effectués par la Corée du Nord revêtent le plus souvent une forte dimension politique. C'est à nouveau le cas avec ces tirs de missiles à courte portée. Il s'agit pour les nord-coréens, sans recourir à des provocations majeures aux conséquences plus imprévisibles que constitueraient de nouveaux essais nucléaires ou de nouveaux tirs de missiles intercontinentaux, de continuer de faire pression sur la Corée du Sud et les États-Unis alors que les négociations sur les programmes nucléaires et de missiles nord-coréens et la levée des sanctions sont dans l'impasse. Ces démonstrations limitées de force ont aussi pour objet de renforcer la cohésion interne des dirigeants nord-coréens<ref name=":14" />.


La RPDC cherche aussi à développer une composante sous-marine afin d'améliorer la capacité de survie de ses forces nucléaires à des frappes préemptives et de faire peser sur ses ennemis potentiels une nouvelle forme de menace plus difficile à évaluer en permanence. Un premier [[Missile mer-sol balistique stratégique|MSBS]] (ou SLBM) de type [[KN-11|KN-11 Pukguksong-1]] est lancé en 2016 depuis une barge sous-marine. Un deuxième modèle, le KN-26 [[Pukguksong-3]], est lancé en 2019. Il parcourt {{Unité|450 km}} après avoir atteint son apogée à {{Unité|910 km}} d'altitude. Avec une trajectoire balistique optimale, sa portée est estimée à {{Unité|1900 km}}<ref>{{Lien web |langue=en |auteur= |titre=Pukguksong-1 (KN-11) |url=https://missilethreat.csis.org/missile/kn-11/ |site=Missile Threat, Center for Strategic and International Studies |date=1 novembre 2019 |consulté le=24 juin 2020}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en |auteur= |titre=Pukguksong-3 (KN-26) |url=https://missilethreat.csis.org/missile/pukguksong-3/ |site=Missile Threat, Center for Strategic and International Studies |date=23 juin 2020 |consulté le=24 juin 2020}}</ref>.
La RPDC cherche aussi à développer une composante sous-marine afin d'améliorer la capacité de survie de ses forces nucléaires à des frappes préemptives et de faire peser sur ses ennemis potentiels une nouvelle forme de menace plus difficile à évaluer en permanence. Un premier [[Missile mer-sol balistique stratégique|MSBS]] (ou SLBM) de type [[KN-11|KN-11 Pukguksong-1]]<ref name=":26">{{Lien web |langue=en |auteur= |titre=Pukguksong-1 (KN-11) |url=https://missilethreat.csis.org/missile/kn-11/ |site=Missile Threat, Center for Strategic and International Studies |date=1 novembre 2019 |consulté le=20 juin 2020}}</ref> est lancé en 2016 depuis une barge sous-marine. Un deuxième modèle, le KN-26 [[Pukguksong-3]]<ref name=":27">{{Lien web |langue=en |auteur= |titre=Pukguksong-3 (KN-26) |url=https://missilethreat.csis.org/missile/pukguksong-3/ |site=Missile Threat, Center for Strategic and International Studies |date=23 juin 2020 |consulté le=29 juin 2020}}</ref>, est lancé en 2019. Il parcourt {{Unité|450 km}} après avoir atteint son apogée à {{Unité|910 km}} d'altitude. Avec une trajectoire balistique optimale, sa portée est estimée à {{Unité|1900 km}}<ref>{{Lien web |langue=en |auteur= |titre=Pukguksong-1 (KN-11) |url=https://missilethreat.csis.org/missile/kn-11/ |site=Missile Threat, Center for Strategic and International Studies |date=1 novembre 2019 |consulté le=24 juin 2020}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en |auteur= |titre=Pukguksong-3 (KN-26) |url=https://missilethreat.csis.org/missile/pukguksong-3/ |site=Missile Threat, Center for Strategic and International Studies |date=23 juin 2020 |consulté le=24 juin 2020}}</ref>.


== Principaux missiles en développement ou opérationnels ==
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|[[Missile mer-sol balistique stratégique|SLBM]]
|[[Missile mer-sol balistique stratégique|SLBM]]

Version du 29 juin 2020 à 17:46

Forces de missiles stratégiques
Chosŏn'gŭl : 조선 인민군 전략 로케트 군
Hanja : 朝鮮人民軍 戰略로케트軍
Drapeau des forces de missiles stratégiques
Drapeau des forces de missiles stratégiques
Fondation 1999
Quartier-général Pyongyang, Drapeau de la Corée du Nord Corée du Nord
Commandement
Commandant en chef Maréchal Kim Jong-un
Ministre de la Défense Géneral Pak Yong-sik
Chef d'état-major Géneral Ri Myong-su

Les Forces de missiles stratégiques de la Corée du Nord (Chosŏn'gŭl: 조선 인민군 전략 로케트 군, Hanja: 朝鮮 人民 軍 戰略 로케트 軍), également connues sous le nom de Bureau des missiles (Chosŏn'gŭl : 미사일 지도국; Hanja : 미사일 指導 局) est un branche militaire de l'Armée populaire de Corée qui supervise les missiles stratégiques nucléaires et conventionnels de la Corée du Nord. Elles développent et opèrent principalement des missiles sol-sol de conception nationale ainsi que d'anciens modèles soviétiques et chinois. Les Forces de missiles stratégiques ont été créées en 1999 lorsque plusieurs unités d'artillerie sont regroupées au sein d'un Bureau des missiles relevant directement du Commandant suprême de l'Armée populaire. Ce n'est qu'en 2012 que Kim Jong-un appelle pour la première fois cette unité Forces de missiles stratégiques, lors de son discours commémoratif célébrant le centenaire de la naissance de Kim Il-sung.

Historique

Les origines : réutilisation de technologies soviétiques et chinoises

Kim Il-Sung a probablement pris la décision politique d'établir une capacité de production de missiles indigènes en 1965, après l'échec des négociations d'acquisition de missiles menées avec l'Union soviétique en vue d'acquérir des missiles. Comme au cours des années 1960, l'Union soviétique a néanmoins fourni des roquettes sol-sol (Frog-7), des missiles sol-air et des missiles sol-mer antinavire, les ingénieurs nord-coréens commencent à acquérir la maîtrise des technologies de base relatives à la propulsion, au guidage et aux systèmes de missiles. En 1965, la Corée du Nord fonde l'Académie militaire de Hamhŭng pour former le personnel de défense nord-coréen à la recherche et au développement de missiles[1].

En 1970, la Corée du Nord achète des missiles antinavire et sol-air à la Chine, et lui demande de l'aide pour établir son propre programme de développement d'une défense antimissile nationale. En septembre 1971, la Corée du Nord signe un accord de défense avec la Chine pour l'achat, le développement et la production de missiles balistiques. La coopération bilatérale porte notamment sur un programme de développement conjoint du DF-61 qui devait être un missile balistique à propulsion liquide d'une portée d'environ 600 km et doté d'une ogive de 1 000 kg ; mais ce programme est annulé en 1978 par les Chinois. En parallèle, la Corée du Nord cherche à nouveau à acquérir des missiles et des technologies soviétiques. Elle parvient finalement à obtenir des missiles balistiques R-17 (SS-1c Scud-B) de fabrication soviétique, via l'Égypte, à la fin des années 1970[1].

Le programme national nord-coréen de production de missiles balistiques peut alors véritablement prendre corps au début des années 1980. Le travail de rétro-ingénierie mené à partir des R-17/Scud B aboutit en 1984 avec les essais du Hwasong-5 (en) et sa production en série à partir de 1987. Le Hwasong-5 aurait une portée de 320 km par rapport aux 300 km du Scud-B ; les 20 km supplémentaires sont attribués à des améliorations du système de propulsion du missile et non à une réduction de la masse de l'ogive. Au moment où la Corée du Nord commence à fabriquer le Hwasong-5, elle est approchée par l'Iran qui achète le missile pour l'employer dans la guerre avec l'Irak[2],[1].

Le développement de nouveaux missiles balistiques par la Corée du Nord se poursuit dès lors sans relâche. Dès que la production de série du Hwasŏng-5 est lancée, la Corée du Nord commence à développer le Hwasong-6 (en)[3], puis le Hwasong-9 (Scud-ER) de portée nettement accrue[4], et surtout le Rodong-1[5] (communément appelé Nodong-1 ou Hwasong-7) et le Taepodong-1[6],[7],[1]. Le processus de rétro-ingénierie du Hwasong-5/Scud B soviétique nécessita trois ans et la mise sur pied de la production en série encore trois autres années. Le développement du Hwasong-6/Scud C a pris entre trois et sept ans aux Nord-Coréens (M3), et celui du Rodong-1 entre cinq et dix ans. Pour le Taepodong I, la Corée du Nord eut besoin de huit ans de développement[8]. Le Rodong-1 semble dérivé du Scud par augmentation de ses dimensions d'un facteur 2 et bénéficie aussi de technologies développées par le bureau d'études Makeïev soviétique, concepteur d'origine des Scud et d'autres missiles comme le R-27/SS-N-6. Le moteur du Rodong-1 est de conception soviétique, réalisée par le bureau d'études Isayev (en) pour le compte de Makeïev[8]. Sans qu'il ne soit possible d'en faire l'exact partage, les avancées de cette première phase du programme balistique nord-coréen, jusqu'au milieu des années 1990, résultent de la combinaison de travaux de rétro-ingénierie menés par les Nord-Coréens et de l'assistance directe d'ingénieurs de bureaux d'étude soviétiques, de façon officielle, ou de leur initiative à un moment où l'Union soviétique s'effondre laissant le champ libre[9].

Le Rodong-1 a très probablement été réalisé en collaboration avec l'Iran et le Pakistan. L'Iran développe à la fin des années 1990 le MRBM Shahab-3 à partir de missiles Rodong-1 complets livrés par la Corée du Nord ou de certains de ses composants[10]. Le Pakistan se procure 12 à 25 missiles Rodong-1 dont il produit localement sa propre version, le MRBM Hatf 5 Ghauri (en), testé à partir de 1998[11]. On pense que l'Irak, l'Égypte, la Syrie et la Libye ont négocié l'acquisition du Rodong-1, mais que ces contrats n'ont pas abouti[5]. Le Taepodong-1 est le résultat de l'assemblage d'un Rodong-1, en tant que premier étage, et d'un Hwasong-5 ou 6 en tant que deuxième étage, surmonté d'un troisième étage à poudre[6],[7].

Des progrès lents mais inquiétants de par les tests d'armes nucléaires

Lorsque Kim Jong-il arrive au pouvoir à la mort de son père en 1994, l'arsenal nord-coréen de missiles balistiques repose sur des versions améliorées et produites localement des Scud, et sur un missile à moyenne portée, le Nodong-1, qui n'a été testé que trois fois dont une seule fois avec succès en 1993, ce qui n'empêche pas son déploiement opérationnel en nombre à partir de 1994-1995. En 2006, les États-Unis estiment que la Corée du Nord déploie environ 200 missiles Nodong-1 ; en 2009, les estimations américaines font état d'un inventaire d'environ 300 missiles de ce type[5].

La Corée du Nord cherche aussi à devenir une puissance spatiale capable de mettre en orbite des satellites à usage civil ou militaire. Les lanceurs spatiaux nord-coréens sont des versions modifiées de missiles balistiques militaires. En 1998, la Corée du Nord procède au lancement d'un satellite par un missile Taepodong-1 modifié par l'ajout d'un troisième étage à propulsion solide. L'unique tir de ce lanceur est un demi-succès : le satellite est bien placé sur une orbite basse, mais il est détruit par l'explosion de troisième étage[7]. Ce test, le premier effectué sous le règne de Kim Jong Il, est la première tentative de la Corée du Nord de lancer un missile à plusieurs étages. Il conduit à des négociations entre les États-Unis et la Corée du Nord qui aboutissent à un moratoire sur les essais de missiles qui dure jusqu'en 2006. Il a également donné des arguments aux tenants du développement de la défense antimissile balistique des États-Unis. Le survol du Japon a causé suffisamment de problèmes diplomatiques pour que la Corée du Nord commence la construction de la base de lancement de Sohae sur la côte Ouest de la Corée du Nord. Depuis la fin de sa construction en 2012, les tentatives de lancement de satellites ont toutes été effectuées depuis Sohae selon des trajectoires qui ne survolent pas le Japon[12].

Il est probable que le Taepodong-1 n'ait été qu'un démonstrateur technologique dans le processus de mise au point d'un lanceur aux capacités très supérieures et développé dans une optique duale, civile sous l'appellation Unha et militaire sous l'appellation Taepodong-2. Tous les tirs effectués entre 2006 et 2016 le sont dans sa version de lanceur spatial à trois étages La version militaire est créditée d'une portée supérieure à 10 000 km avec une charge utile de 750 à 1 000 kg[13],[14].

Mais l'évènement majeur sous la direction de Kim Jong-il est que la Corée du Nord procède à essai nucléaire le 9 octobre 2006. Faisant suite au tir de 7 missiles le , dont le Taepodong-1 de portée intercontinentale, qui avait déjà provoqué une crise diplomatique, cette explosion nucléaire a pour conséquence le vote de la résolution 1718 par le Conseil de sécurité de l'ONU. Cette résolution « exige de la République populaire démocratique de Corée qu’elle ne procède à aucun nouvel essai nucléaire ou tir de missiles balistiques » et met en place un ensemble de sanctions économiques et financières visant à l'empêcher de poursuivre ses programmes nucléaires et balistiques[15],[12],[16].

Accélération du programme sous la direction de Kim Jong-un

Kim Jong-un succède à son père le . Les programmes nucléaire et balistique nord-coréens connaissent depuis une accélération spectaculaire. Entre 2013 et 2017, la Corée du Nord effectue quatre essais nucléaires. Depuis l'arrivée au pouvoir de Kim Jong-un, la Corée du Nord a dévoilé plusieurs nouveaux missiles et effectué près de trois fois plus de tests de missiles balistiques que pendant tout le règne de son père, Kim Jong-il. Les efforts nord-coréens portent nos seulement sur des missiles à courte ou moyenne portée, comme le KN-02 Toksa (en)[17],[18] apparemment dérivé du SS-21 Scarab soviétique, ou comme le KN-18 Scud MaRV[19] version modernisée des Scud B/C dotée d'une tête de rentrée manœuvrable et donc plus précise, mais aussi pour la première fois sur des missiles intercontinentaux (ICBM) capables d'atteindre les États-Unis et sur des missiles pouvant être lancés en plongée (MSBS)[20],[12].

Le lancement du satellite Kwangmyŏngsŏng 3 numéro 2 par une fusée Unha-3 / Taepodong-2 le 12 décembre 2012 et l'essai nucléaire du 12 février 2013, largement condamnés par la communauté internationale, provoquent une crise diplomatique qui conduit le Conseil de sécurité des Nations unies à se saisir à nouveau de ce sujet. La résolution 2094 (en) votée le à l'unanimité par le Conseil de sécurité impose de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord et « réaffirme [la] décision selon laquelle la RPDC doit abandonner tous autres programmes existants d’armes de destruction massive et de missiles balistiques, de façon complète, vérifiable et irréversible »[21],[22]. Pourtant, en tant qu'ICBM, la valeur militaire du Taepodong-2 est très limitée en raison de son mode de lancement depuis un pas de tir non protégé et du délai de plusieurs jours requis pour préparer son lancement[23].

Pour atteindre son objectif de disposer in fine d'un ICBM moderne, la Corée du Nord mène en parallèle le développement de plusieurs missiles, qui utilisent pour partie des composants communs, et organise une campagne de tests en 2016 et 2017 au cours de laquelle s'enchaînent à un rythme rapide les lancements de missiles de portée croissante. Cette mise en scène minimise les risques politiques interne comme externe, et en cas de succès maximise l'effet d'image de ce qui peut apparaître comme une progression spectaculaire de la technologie des missiles par la Corée du Nord. La campagne de tests commence entre avril et octobre 2016 par six tirs d'essai du Hwasong-10/ Musudan dont un seulement avec succès sur la base duquel sa portée maximale a pu être estimée à environ 4 000 km. Ces tirs montrent que ce missile n'est pas seulement la maquette montrée en public pour la première fois en 2010 et qu'il peut atteindre les bases américaines dans le Pacifique (y compris celle de Guam) et tout le territoire japonais[24]. Deux autres missiles, présumés utiliser les mêmes moteurs mais à plus longue portée que le Musudan, les KN-08[25] et KN-14[26], semblent ne jamais avoir été testés en vol[12]. L'absence de ces trois types de missiles lors de la grande parade militaire du incite à penser que les difficultés rencontrées dans leur mise au point ont conduit à leur abandon dès lors que d'autres modèles d'IRBM et d'ICBM ont pu être testés avec succès en 2017[27].

Deux ICBM sont ensuite testés au cours du second semestre de 2017. Le , la Corée du Nord teste avec succès son premier véritable ICBM, le Hwasong-14 (en)[28],[29]. Le missile, tiré à un angle élevé, atteint une altitude d'environ 2 800 km avant de s'abimer dans la mer du Japon, à environ 930 km de son pas de tir. La portée de ce missile serait comprise entre 6 700 km et 8 000 km s'il était lancé sur une trajectoire plus efficace. La communauté internationale condamne le test, et les États-Unis et la Corée du Sud mènent un exercice militaire conjoint en réponse. La Corée du Nord teste le Hwasong-14 une deuxième fois le , avec des performances améliorées, indicatives d'une portée optimale de plus de 10 000 km[30].

Le , la Corée du Nord teste avec succès le Hwasong-15[31], un ICBM capable selon elle de délivrer une ogive nucléaire n'importe où aux États-Unis, grâce à une portée estimée de 13 000 km. Des officiels américains déclarent toutefois que la tête du missile s'est désintégrée lors de la rentrée dans l'atmosphère[32]. L’agence de presse officielle nord-coréenne KCNA affirme que « le système d’armes de type ICBM Hwasong-15 est un missile intercontinental équipé d’une ogive lourde extra-large capable de frapper la totalité du continent américain »[33]. Kim Jong-un déclare que la Corée du Nord a « enfin réalisé le grand dessein historique d'achever le développement d'une force nucléaire d'État et de ses missiles ». Un dégel diplomatique s'ensuit, au cours duquel Kim Jong-un propose en « d'arrêter les essais nucléaires et les lancements de missiles balistiques intercontinentaux ». Il rencontre Donald Trump le à Singapour[30],[34].

La reprise du dialogue entre la Corée du Nord et les États-Unis, et en parallèle entre les deux Corées, se traduit par une pose dans les essais de missiles. Mais, après un deuxième sommet infructueux entre les deux dirigeants le au Viêt Nam, la Corée du Nord reprend ses essais de missiles. Les 4 mai et 9 mai 2019, la Corée du Nord lance trois missiles balistiques à courte portée KN-23[35], qui avaient été présentés pour la première fois lors d'un défilé militaire à Pyongyang en février 2018. Entre mai 2019 et mars 2020, 30 essais de SRBM des modèles KN-23, KN-24[36] et KN-25 (en)[37] sont effectués, tous avec succès sauf un[12]. Ces trois nouveaux types de missiles à propulsion solide et dont la bonne précision est mise en évidence par leur tir sur des ilots rocheux et non plus en pleine mer, démontrent les progrès technologiques accomplis ces dernières années par la Corée du Nord et améliorent les capacités de frappe conventionnelle du pays[38].

Les tirs de missiles effectués par la Corée du Nord revêtent le plus souvent une forte dimension politique. C'est à nouveau le cas avec ces tirs de missiles à courte portée. Il s'agit pour les nord-coréens, sans recourir à des provocations majeures aux conséquences plus imprévisibles que constitueraient de nouveaux essais nucléaires ou de nouveaux tirs de missiles intercontinentaux, de continuer de faire pression sur la Corée du Sud et les États-Unis alors que les négociations sur les programmes nucléaires et de missiles nord-coréens et la levée des sanctions sont dans l'impasse. Ces démonstrations limitées de force ont aussi pour objet de renforcer la cohésion interne des dirigeants nord-coréens[38].

La RPDC cherche aussi à développer une composante sous-marine afin d'améliorer la capacité de survie de ses forces nucléaires à des frappes préemptives et de faire peser sur ses ennemis potentiels une nouvelle forme de menace plus difficile à évaluer en permanence. Un premier MSBS (ou SLBM) de type KN-11 Pukguksong-1[39] est lancé en 2016 depuis une barge sous-marine. Un deuxième modèle, le KN-26 Pukguksong-3[40], est lancé en 2019. Il parcourt 450 km après avoir atteint son apogée à 910 km d'altitude. Avec une trajectoire balistique optimale, sa portée est estimée à 1 900 km[41],[42].

Principaux missiles en développement ou opérationnels

Tableau des missiles

Le tableau ci-dessous présente les caractéristiques techniques des missiles balistiques nord-coréens à partir de sources publiques[20],[30],[43]. En l'absence d'informations précises fournies par la Corée du Nord, ces données comportent un degré élevé d'incertitude. Les données suivantes figurent dans ce tableau :

  • Désignation : nom du missile le plus couramment employé par les sources occidentales.
  • Autre appellation : autres noms utilisés pour désigner le missile.
  • Type : classification du missile en fonction de sa portée ou de son milieu de lancement (SRBM : courte portée ; MRBM : moyenne portée ; IRBM : portée intermédiaire ; ICBM : intercontinental ; SLBM lancé depuis un sous-marin).
  • Tests / An : année du premier test connu.
  • Tests / Nb : nombre de tests effectués, réussis ou non.
  • Et. : nombre d'étages.
  • Pr. : mode propulsion (L : liquide ; S : solide ; S/L : solide ou liquide selon les étages).
  • Masse : masse au décollage incluant l'ogive militaire.
  • Portée : portée maximale de tir (en km).
  • Charge utile : masse de la charge militaire (en kg).
  • Lanc; : site de lancement (TEL : missile mobile lancé depuis un tracteur-érecteur-lanceur ; SIL : silo enterré ; TIR : pas de tir non protégé ; SLE : sous-marin lanceur d'engins).
  • Stat. : statut (DEV : en développement ; OPE : opérationnel ; OBS : obsolète ; NC : non connu).
  • Nbre. : nombre estimé de missiles opérationnels.
Désignation Autre appellation Typ Tests[12] Caractéristiques techniques Caractéristiques militaires
An Nb Et. Pr. Masse
(t)
Portée
(km)
Charge utile
(kg)
Lanc. Stat. Nbre.
(unités)
Hwasong-5 (en)[2] R-17/8K14/SS-1c/Scud B SRBM 1984 10 1 L 5,9 285330 770950 TEL OPE ~200
Hwasong-6 (en)[3] R-17M/8K14M/SS-1d/Scud C SRBM 1989 27 1 L 6,1 500600 700 TEL OPE ~300
Hwasong-9 (en)[4] R-17MU/Scud-D/Scud-ER SRBM 1993 8 1 L 6,4 8001 000 500 TEL OPE
Hwasong-11 (en)[17],[18] KN-02 Toksa SRBM 2004 20 1 S 2,0 120140 485 TEL OPE ~100
KN-18 Scud MaRV[19] Scud B MaRV, Scud C MaRV SRBM 2017 4 1 L 450 TEL DEV
KN-23[35] SRBM 2019 8 1 S 3,4 450 500 TEL DEV
KN-24[36] SRBM 2019 6 1 S 410 400500 TEL DEV
KN-25 (en)[37] SRBM 2019 16 1 S 3,0 380 TEL DEV
Nodong-1[5] Rodong-1, Hwasong-7 MRBM 1993 16 1 L 16,5 1 300 500650 TEL OPE ~200
Pukguksong-2 KN-15 MRBM 2017 2 2 S 1 2002 000 TEL OPE
Taepodong-1[6],[7] Paeutudan-1, TD-1 IRBM 1998 1 2 L/S 20,7 2 2002 900 7501 000 TIR OBS
Hwasong-10[24] Nodong B, BM-25, Musudan IRBM 2016 8 1 L 2 5004 000 9501 000 TEL OPE ~50
Hwasong-12 (en) KN-17 IRBM 2017 6 1 L 3 3004 500 1 000 TEL DEV
Taepodong-2 Variante du SLV Unha-3 ICBM 2012 5 3 L/S 64 10 000 1 0001 500 TIR OBS
Hwasong-13[25],[26] KN-08, KN-08 Mod2, KN-14 ICBM 3 L 5 50011 500 TEL OBS
Hwasong-14 (en)[29] KN-20 ICBM 2017 2 2 L 10 000 1 000 TEL DEV
Hwasong-15[31] KN-22 ICBM 2017 1 2 L 8 50013 000 1 000 TEL DEV
Pukguksong-1[39] KN-11 SLBM 2016 6 1 S 1 200 SLE DEV
Pukguksong-3[40] KN-26 SLBM 2019 1 2 S 1 900 SLE DEV

De façon générale, le niveau de fiabilité des missiles nord-coréens et leur précision sont généralement considérés comme faibles. Ils constituent toutefois une menace prise au sérieux par la Corée du Sud et le Japon qui renforcent dans les années 2010 leur défense antimissile et plus globalement consacrent davantage de moyens à leur défense. De leur côté, les États-Unis continuent de renforcer leur capacités de défense contre les missiles nord-coréens.

Tests effectués entre 1984 et juin 2020

Selon la base de données gérée par le James Martin Center for Nonproliferation Studies, la Corée du Nord a procédé entre 1984 et mi-2020 à 149 tests de missiles balistiques[12].

Entre 2011 et fin 2016, la Corée du Nord a lancé 42 missiles balistiques : 20 missiles à courte portée, 10 missiles No Dong à moyenne portée, huit missiles Hwasong 10 (Musudan) à portée intermédiaire, et quatre missiles lancés de sous-marins (MSBS). Ces tests peuvent être divisés en trois catégories : les tests de missiles opérationnels, les tests de missiles que la Corée du Nord considère comme opérationnels mais qui n'avaient pas été testés (comme le Musudan), et ceux qui sont encore en développement (comme la famille de missiles à combustible solide Pukkuksong)[12].

Nombre de tests de missiles par la Corée du Nord (données juin 2020)[12]

Déploiement et armement des missiles

L'absence de publications officielles publiques rend très difficile l'évaluation du potentiel militaire des forces de missiles de la Corée du Nord.

Les efforts de la Corée du Nord pour disposer d'une force de dissuasion nucléaire crédible, en mesure de garantir la survie du régime, dépendent pour une large part des capacités de ses missiles balistiques et de croisière[44].

Jusqu'en 2015, les vecteurs nord-coréens comprenaient moins d'un millier de missiles balistiques à courte ou moyenne portée basés sur de vieilles technologies soviétiques et quelques dizaines de bombardiers anciens Il-28 capables d'atteindre la Corée du Sud et la plupart des cibles potentielles au Japon. Selon un rapport publié en 2015 par l'U.S.-Korea Institute at the Johns Hopkins School of Advanced International Studies, l'inventaire des vecteurs nord-coréens comprend[44] :

  • ~ 500 à 600 missiles balistiques mobiles à courte portée Hwasong-5 (en), Hwasong-6 (en) (dérivés des Scud et pouvant transporter une charge militaire entre 300 et 600 km), et Hwasong-9 (Scud-ER) de plus grande portée ;
  • ~ 200 missiles balistiques à moyenne portée Nodong-1, un missile mobile à carburant liquide d'une portée de 1 200 à 1 500 km et suffisamment précis pour attaquer des villes, des ports et des bases militaires ;
  • ~ 100 missiles balistiques mobiles à courte portée Hwasong-11 (en) (KN-02 Toksa), basés sur l'ancien SRBM SS-21 Scarab soviétique, plus modernes que les Scud ;
  • ~ 40 à 60 bombardiers légers Il-28 construits sur un modèle soviétique des années 50.

Le rapport Ballistic and Cruise Missile Threat publié en 2017 par le Département de la Défense américain fournit des estimations du nombre de lanceurs[45] : la Corée du Nord posséderait moins de 100 TEL de missiles à courte portée dérivés des Scud B/C, et un nombre équivalent de TEL pour ses missiles à moyenne portée Nodong-1. Ce rapport estime à 50 le nombre de lanceurs du missile de portée intermédiaire Hwasong-10 Musudan, dont les difficultés de mise au point font douter de son déploiement opérationnel[27].

Cet inventaire de 2015 ne comprend volontairement pas le Taepodong-2 (Unha 3), lanceur spatial testé avec succès en 2012, qui pourrait dans une version militarisée emporter une charge utile de 500 à 1 000 kg à une distance supérieure à 10 000 km, mais dont la faible fiabilité et la vulnérabilité durant la préparation du tir obèrent fortement la valeur militaire[44].

Entre 2015 et 2017, la situation évolue considérablement : d'une part, la Corée du Nord réalise trois nouveaux essais nucléaires et d'autre part elle procède à des tests en grand nombre de nouveaux missiles plus modernes et de portée intermédiaire ou intercontinentale, capables pour certains d'atteindre les États-Unis, et aussi pour la première fois d'un missile mer-sol, le Pukguksong-1[12].

Fin 2017, la Corée du Nord dispose d'un sous-marin à propulsion diésel-électrique de la classe Sinpo équipé d'un tube de lancement de missile. Un deuxième sous-marin, plus grand, serait en cours de construction[46],[47]. En juillet 2019, l'agence KCNA publie des photos de Kim-Jong-un en train d'inspecter un sous-marin qui semble être une version modifiée de la classe Romeo pour intégrer dans le kiosque trois lanceurs de SLBM Pukguksong-1 ou Pukguksong-3[48],[49]. Le déploiement opérationnel de ces missiles à bord de sous-marins, même largement obsolètes, renforcerait la capacité de survie à une première frappe des forces nucléaires nord-coréennes[44].

Dès que la Corée du Nord maîtrisera la fabrication de véhicules de rentrée dans l'atmosphère capables de résister aux très hautes températures[50] et la miniaturisation de ses armes nucléaires, ces vecteurs dont le développement a été entrepris en avance de phase par rapport aux armes nucléaires, et donc en nombre très supérieur au nombre d'ogives nucléaires que les Coréens sont capables de produire, auront la capacité à porter une politique de dissuasion nucléaire crédible en Asie du Nord-Est[43],[44]. À cet égard, l'incertitude demeure forte. Selon l'étude North Korean nuclear capabilities publiée en 2018 par la Federation of American Scientists, les Nord-coréens auraient à cette date produits assez de matière fissile pour fabriquer de 30 à 60 armes nucléaires et en auraient déjà assemblés de 10 à 20, mais aucune information de source fiable ne confirme ni n'infirme que les Nord-coréens ont pu en équiper dans des conditions opérationnelles les missiles Nodong-1[43].

Outre la possession certaine d'armes nucléaires, le développement d'autres types d'armes de destruction massive par la Corée du Nord est considéré comme étant très probable. Peu d'informations sont disponibles concernant la nature exacte des ogives dont les différents types de missiles sont dotés.

La Corée du Nord possède des stocks d'armes chimiques, notamment de Gaz VX.

Notes

Sources

Références

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Voir aussi

Articles connexes

Liens externes