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« Irrédentisme russe » : différence entre les versions

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L’'''irrédentisme russe''' fait généralement référence aux revendications [[Irrédentisme|irrédentistes]] de certaines parties de l’ancien [[Empire russe]] ou de l’[[URSS]] formulées au {{s-|XXI}} en [[fédération de Russie]], dans le cadre de la [[Émergence de la Russie comme superpuissance|réemergence de la Russie comme superpuissance]].
L’'''irrédentisme russe''' fait généralement référence aux revendications [[Irrédentisme|irrédentistes]] de certaines parties de l’ancien [[Empire russe]] ou de l’[[URSS]] formulées au {{s-|XXI}} en [[Fédération de Russie]], dans le cadre de la [[Émergence de la Russie comme superpuissance|réémergence de la Russie comme superpuissance]].


L’[[Annexion de la Crimée par la Russie en 2014|annexion de la Crimée en 2014]] puis [[Annexion russe du sud et de l'est de l'Ukraine|des oblasts du sud et l'est de l'Ukraine en 2022]] ont été partiellement expliqués comme revendications irrédentistes. Les autres [[conflits post-soviétiques]] sont des affrontements entre les forces favorables à de [[Géopolitique de la Russie|nouvelles formes d’union]] autour de la [[Russie]] ([[Communauté des États indépendants]], [[Union économique eurasiatique]] ou [[Organisation du traité de sécurité collective]]) et celles qui s’y opposent, mais sans revendication territoriale explicite de la part de la Russie<ref>{{Ouvrage|langue=|auteur1=Martine Couderc|titre=Chronologie : CEI 1991-2002|passage=296-315|lieu=|éditeur=Outre-Terre|date=2003|pages totales=|isbn=|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2003-3-page-296.htm|id=CAIRN 2003}}.</ref>{{,}}<ref>[https://www.franceculture.fr/emissions/affaires-etrangeres/les-secousses-du-monde-post-sovietique Les secousses du monde post-soviétique], ''[[France Culture]]'', 10 octobre 2020.</ref>.
L’[[Annexion de la Crimée par la Russie en 2014|annexion de la Crimée en 2014]] puis [[Annexion russe du sud et de l'est de l'Ukraine|des oblasts du sud et l'est de l'Ukraine en 2022]] ont été partiellement expliqués comme revendications irrédentistes. Les autres [[conflits post-soviétiques]] sont des affrontements entre les forces favorables à de [[Géopolitique de la Russie|nouvelles formes d’union]] autour de la [[Russie]] ([[Communauté des États indépendants]], [[Union économique eurasiatique]] ou [[Organisation du traité de sécurité collective]]) et celles qui s’y opposent, mais sans revendication territoriale explicite de la part de la Russie<ref>{{Ouvrage|langue=|auteur1=Martine Couderc|titre=Chronologie : CEI 1991-2002|passage=296-315|lieu=|éditeur=Outre-Terre|date=2003|pages totales=|isbn=|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2003-3-page-296.htm|id=CAIRN 2003}}.</ref>{{,}}<ref>[https://www.franceculture.fr/emissions/affaires-etrangeres/les-secousses-du-monde-post-sovietique Les secousses du monde post-soviétique], ''[[France Culture]]'', 10 octobre 2020.</ref>.
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== Histoire ==
== Histoire ==
=== Empire russe ===
=== Empire russe ===
Du {{sp-|XVI|au|XX}} environ, l’[[Empire russe]] suivit une politique expansionniste sans justifications irrédentistes, mais plutôt religieuses : l’expansion [[Partages de la Pologne|au détriment de la Pologne-Lituanie]] « délivrait » les [[Église orthodoxe russe|orthodoxes russes, biélorusses et ukrainiens]] de la domination de l'[[Noblesse polonaise|aristocratie catholique]] [[République des Deux-Nations|polono-lituanienne]], et la conquête de parties de l’[[Empire ottoman]] dans les [[Balkans]] et le [[Caucase]] permit de placer les [[Église orthodoxe|chrétiens orthodoxes]] ([[arméniens]], [[bulgares]], [[géorgiens]], [[grecs]], [[roumains]], [[serbes]]) sous la protection du tsar<ref>Saideman & Ayres 2008, p. 96.</ref>{{,}}<ref>Georges Florovsky, ''Les Voies de la théologie russe'', Paris 1937, en français par J.C. Roberti, Desclée de Brouwer Eds., Paris 1991, p. 150.</ref>.
Du {{sp-|XVI|au|XX}} environ, l’[[Empire russe]] suivit une politique expansionniste sans justifications irrédentistes, mais plutôt religieuses : l’expansion [[Partages de la Pologne|au détriment de la Pologne-Lituanie]] « délivrait » les [[Église orthodoxe russe|orthodoxes russes, biélorusses et ukrainiens]] de la domination de l'[[Noblesse polonaise|aristocratie catholique]] [[République des Deux-Nations|polono-lituanienne]], et la conquête de parties de l’[[Empire ottoman]] dans les [[Balkans]] et le [[Caucase]] permit de placer les [[Église orthodoxe|chrétiens orthodoxes]] ([[arméniens]], [[bulgares]], [[géorgiens]], [[grecs]], [[roumains]], [[serbes]]) sous la protection du Tsar<ref>Saideman & Ayres 2008, p. 96.</ref>{{,}}<ref>Georges Florovsky, ''Les Voies de la théologie russe'', Paris 1937, en français par J.C. Roberti, Desclée de Brouwer Eds., Paris 1991, p. 150.</ref>.


=== Union soviétique ===
=== Union soviétique ===
Au {{s-|XX}}, c’est la « délivrance » du [[prolétariat]] de l’ex-[[Empire russe]] et des [[Bloc de l'Est|nations voisines]] qui justifia la politique expansionniste [[soviétique]], l’URSS s’auto-définissant comme un « [[état ouvrier]] »<ref>[[Andrea Graziosi]] (trad. de l'italien), ''Histoire de l'URSS'', P.U.F., coll. « Nouvelle Clio », Paris 2010, {{ISBN|978-2-13-051813-6}}).</ref>{{,}}<ref>[[Hélène Carrère d'Encausse]], ''L'Union soviétique de Lénine à Staline'', éd. Richelieu 1972, et ''L'URSS de la Révolution à la mort de Staline, 1917-1953'', Seuil, Paris 1993.</ref>.
Au {{s-|XX}}, c’est la « délivrance » du [[prolétariat]] de l’ex-[[Empire russe]] et des [[Bloc de l'Est|nations voisines]] qui justifia la politique expansionniste [[soviétique]], l’URSS s’auto-définissant comme un « [[État ouvrier]] »<ref>[[Andrea Graziosi]] (trad. de l'italien), ''Histoire de l'URSS'', P.U.F., coll. « Nouvelle Clio », Paris 2010, {{ISBN|978-2-13-051813-6}}).</ref>{{,}}<ref>[[Hélène Carrère d'Encausse]], ''L'Union soviétique de Lénine à Staline'', éd. Richelieu 1972, et ''L'URSS de la Révolution à la mort de Staline, 1917-1953'', Seuil, Paris 1993.</ref>.


=== Post-URSS ===
=== Post-URSS ===
Après la [[dislocation de l'URSS]] en 1991, la [[fédération de Russie]] sembla aux yeux du public international avoir renoncé à l’expansion territoriale ou à l’irrédentisme, malgré les quelque {{nobr|25 millions}} de [[Russes]] ethniques et de russophones [[Diaspora russe|vivant dans des pays voisins]]<ref>{{en}} Tristan James Mabry, John McGarry, Margaret Moore et Brendan O'Leary, {{en}} ''Divided Nations and European Integration: National and Ethnic Conflict in the 21st Century'', University of Pennsylvania Press, 2013, p. 365.</ref>. Stephen M. Saideman et R. William Ayres affirment que la Russie a suivi une politique non-irrédentiste dans les années 1990, un facteur défavorable à l’irrédentisme étant la focalisation de l’intérêt des gouvernants, en grande majorité issus de la ''[[nomenklatura]]'' soviétique, pour la consolidation de leur pouvoir et de leur emprise sur l’économie en Russie même pendant la [[Économie de transition|difficile période de transition]]<ref>Saideman & Ayres 2008, p. 197.</ref>. En outre, aucune politique efficace d’irrédentisme populaire séduisant l’électorat n’avait encore été trouvée et les personnalités politiques proposant de telles idées n’ont pas eu de succès électoraux<ref>Saideman & Ayres 2008, p. 199.</ref>. Les personnalités politiques [[Nationalisme russe|nationalistes russes]] avaient tendance à se concentrer sur les menaces internes (« étrangers ») plutôt que sur les intérêts des Russes extérieurs à la fédération<ref>{{en}} Saideman et Ayres, 2008, p. 196.</ref>.
Après la [[dislocation de l'URSS]] en 1991, la [[Fédération de Russie]] sembla aux yeux du public international avoir renoncé à l’expansion territoriale ou à l’irrédentisme, malgré les quelque {{nobr|25 millions}} de [[Russes]] ethniques et de russophones [[Diaspora russe|vivant dans des pays voisins]]<ref>{{en}} Tristan James Mabry, John McGarry, Margaret Moore et Brendan O'Leary, {{en}} ''Divided Nations and European Integration: National and Ethnic Conflict in the 21st Century'', University of Pennsylvania Press, 2013, p. 365.</ref>. Stephen M. Saideman et R. William Ayres affirment que la Russie a suivi une politique non-irrédentiste dans les années 1990, un facteur défavorable à l’irrédentisme étant la focalisation de l’intérêt des gouvernants, en grande majorité issus de la ''[[nomenklatura]]'' soviétique, pour la consolidation de leur pouvoir et de leur emprise sur l’économie en Russie même pendant la [[Économie de transition|difficile période de transition]]<ref>Saideman & Ayres 2008, p. 197.</ref>. En outre, aucune politique efficace d’irrédentisme populaire séduisant l’électorat n’avait encore été trouvée et les personnalités politiques proposant de telles idées n’ont pas eu de succès électoraux<ref>Saideman & Ayres 2008, p. 199.</ref>. Les personnalités politiques [[Nationalisme russe|nationalistes russes]] avaient tendance à se concentrer sur les menaces internes (« étrangers ») plutôt que sur les intérêts des Russes extérieurs à la fédération<ref>{{en}} Saideman et Ayres, 2008, p. 196.</ref>.


L’[[Annexion de la Crimée par la Russie en 2014|annexion de la Crimée en 2014]] prouverait, selon plusieurs experts, que depuis le début du {{s-|XXI}} la [[Russie]] adhère à l’irrédentisme<ref>Armando Navarro (2015). ''Mexicano and Latino Politics and the Quest for Self-Determination: What Needs to Be Done''. Lexington Books. p. 536.</ref>{{,}}<ref>{{en}} Joseph J. Hobbs, ''Fundamentals of World Regional Geography'', Cengage Learning, 2016, p. 183.</ref>.
L’[[Annexion de la Crimée par la Russie en 2014|annexion de la Crimée en 2014]] prouverait, selon plusieurs experts, que depuis le début du {{s-|XXI}} la [[Russie]] adhère à l’irrédentisme<ref>Armando Navarro (2015). ''Mexicano and Latino Politics and the Quest for Self-Determination: What Needs to Be Done''. Lexington Books. p. 536.</ref>{{,}}<ref>{{en}} Joseph J. Hobbs, ''Fundamentals of World Regional Geography'', Cengage Learning, 2016, p. 183.</ref>.

Version du 6 septembre 2023 à 05:16

L’irrédentisme russe fait généralement référence aux revendications irrédentistes de certaines parties de l’ancien Empire russe ou de l’URSS formulées au XXIe siècle en Fédération de Russie, dans le cadre de la réémergence de la Russie comme superpuissance.

L’annexion de la Crimée en 2014 puis des oblasts du sud et l'est de l'Ukraine en 2022 ont été partiellement expliqués comme revendications irrédentistes. Les autres conflits post-soviétiques sont des affrontements entre les forces favorables à de nouvelles formes d’union autour de la Russie (Communauté des États indépendants, Union économique eurasiatique ou Organisation du traité de sécurité collective) et celles qui s’y opposent, mais sans revendication territoriale explicite de la part de la Russie[1],[2].

Histoire

Empire russe

Du XVIe au XXe siècle environ, l’Empire russe suivit une politique expansionniste sans justifications irrédentistes, mais plutôt religieuses : l’expansion au détriment de la Pologne-Lituanie « délivrait » les orthodoxes russes, biélorusses et ukrainiens de la domination de l'aristocratie catholique polono-lituanienne, et la conquête de parties de l’Empire ottoman dans les Balkans et le Caucase permit de placer les chrétiens orthodoxes (arméniens, bulgares, géorgiens, grecs, roumains, serbes) sous la protection du Tsar[3],[4].

Union soviétique

Au XXe siècle, c’est la « délivrance » du prolétariat de l’ex-Empire russe et des nations voisines qui justifia la politique expansionniste soviétique, l’URSS s’auto-définissant comme un « État ouvrier »[5],[6].

Post-URSS

Après la dislocation de l'URSS en 1991, la Fédération de Russie sembla aux yeux du public international avoir renoncé à l’expansion territoriale ou à l’irrédentisme, malgré les quelque 25 millions de Russes ethniques et de russophones vivant dans des pays voisins[7]. Stephen M. Saideman et R. William Ayres affirment que la Russie a suivi une politique non-irrédentiste dans les années 1990, un facteur défavorable à l’irrédentisme étant la focalisation de l’intérêt des gouvernants, en grande majorité issus de la nomenklatura soviétique, pour la consolidation de leur pouvoir et de leur emprise sur l’économie en Russie même pendant la difficile période de transition[8]. En outre, aucune politique efficace d’irrédentisme populaire séduisant l’électorat n’avait encore été trouvée et les personnalités politiques proposant de telles idées n’ont pas eu de succès électoraux[9]. Les personnalités politiques nationalistes russes avaient tendance à se concentrer sur les menaces internes (« étrangers ») plutôt que sur les intérêts des Russes extérieurs à la fédération[10].

L’annexion de la Crimée en 2014 prouverait, selon plusieurs experts, que depuis le début du XXIe siècle la Russie adhère à l’irrédentisme[11],[12].

L’annexion de la Crimée a donné lieu à une nouvelle vague de nationalisme russe désormais appelé « patriotisme », une grande partie du mouvement d’extrême droite russe aspirant à annexer encore plus de terres au détriment de l’Ukraine, notamment la Novorossiya[13]. Vladimir Socor a interprété le discours de Vladimir Poutine après l’annexion de la Crimée comme un « manifeste de l'irrédentisme de la Grande-Russie »[14] de facto.

Notes et références

  1. Martine Couderc, Chronologie : CEI 1991-2002, Outre-Terre, (lire en ligne), p. 296-315.
  2. Les secousses du monde post-soviétique, France Culture, 10 octobre 2020.
  3. Saideman & Ayres 2008, p. 96.
  4. Georges Florovsky, Les Voies de la théologie russe, Paris 1937, en français par J.C. Roberti, Desclée de Brouwer Eds., Paris 1991, p. 150.
  5. Andrea Graziosi (trad. de l'italien), Histoire de l'URSS, P.U.F., coll. « Nouvelle Clio », Paris 2010, (ISBN 978-2-13-051813-6)).
  6. Hélène Carrère d'Encausse, L'Union soviétique de Lénine à Staline, éd. Richelieu 1972, et L'URSS de la Révolution à la mort de Staline, 1917-1953, Seuil, Paris 1993.
  7. (en) Tristan James Mabry, John McGarry, Margaret Moore et Brendan O'Leary, (en) Divided Nations and European Integration: National and Ethnic Conflict in the 21st Century, University of Pennsylvania Press, 2013, p. 365.
  8. Saideman & Ayres 2008, p. 197.
  9. Saideman & Ayres 2008, p. 199.
  10. (en) Saideman et Ayres, 2008, p. 196.
  11. Armando Navarro (2015). Mexicano and Latino Politics and the Quest for Self-Determination: What Needs to Be Done. Lexington Books. p. 536.
  12. (en) Joseph J. Hobbs, Fundamentals of World Regional Geography, Cengage Learning, 2016, p. 183.
  13. https://thediplomat.com/2015/06/pew-survey-irredentism-alive-and-well-in-russia/
  14. [1]

Articles connexes