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Anthony de Mello

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Anthony de Mello dit Tony de Mello, né le 4 septembre 1931 à Santa-Cruz, Bombay (Inde) et décédé le 1er juin 1987 à New York, est un prêtre jésuite indien, guide spirituel et psychothérapeute, connu pour ses ouvrages populaires de spiritualité.

Biographie

Famille et jeunesse

Ses parents, Franck et Louisa Castellino, originaires de Goa, colonie portugaise sur la côte sud-ouest de l'Inde, appartenaient à une lignée de ferventes familles catholiques. Franck de Mello travaillant pour les chemins de fer, la famille vit à Santa Cruz (Bombay), dans une enclave réservée à leurs employés. On y parlait l’anglais.

Anthony, fils ainé de quatre enfants, fait ses études secondaires au collège jésuite Saint-Stanislas de Bandra (Bombay). Il prend une part active à la vie du collège et aux services, activités et dévotions traditionnelles de l’église paroissiale : mouvement de jeunesse, chemins de croix, neuvaines. En famille ce sont les litanies et le chapelet. Très tôt Tony souhaite devenir prêtre et jésuite.

Formation religieuse

Tony entre au noviciat des jésuites le 1 juillet 1947. Au contact des 'Exercices spirituels' il prend goût à la prière personnelle et à la vie spirituelle. Cependant la rigidité des règles de vie au noviciat lui pèse. Au juvénat (1949-1951) il acquiert une grande facilité en latin et grec, au point d’être ‘guide’ pour ses compagnons.

Le juvénat terminé, Tony est envoyé à Barcelone, en Espagne pour y faire ses études de philosophie (1952-1955). Il y passe plus de temps à lire les mystiques espagnols, Thérèse d'Avila, Jean de la Croix et d’autres, qu’à étudier la philosophie scolastique qui y est enseignée en latin. Au contact du père José Calveras, un maître spirituel, Tony découvre une dimension qui lui était inconnue des 'Exercices spirituels' de Saint Ignace, celle de ‘sentir’ et goûter’ les choses de Dieu. Après un an d’expérience apostolique passée au collège de Byculla (Bombay) Tony entame les études de théologie préparatoires au sacerdoce au théologat jésuite de Pune. Bien qu’à l’aise dans l’étude de la théologie comme d’autres sujets il n’y montre pas un intérêt particulier. Ce sont les années 1958-1962. Quelques signes avant-coureurs du Concile Vatican II sont perceptibles. Il est ordonné prêtre dans sa paroisse de baptême, Saint-Pierre, à Bandra, le 23 mars 1961.

Spiritualité et psychologie

Tony est envoyé faire une maitrise en psychologie et counselling à l'Université Loyola de Chicago (1963-1964). Au delà du diplôme acquis Tony découvre un monde très différent de celui qui lui était familier. Beaucoup de ses professeurs sont laïcs, plusieurs ne sont pas chrétiens. Il est particulièrement proche de Carl Rogers qu’il fréquente. De lui il adopte les attitudes d’acceptation (de l’Autre tel qu’il est) d’empathie (‘sentir’ comme l’Autre sent) et de congruence (conscience exacte de son sentiment vis-à-vis d’un Autre) qui seront centraux à son approche thérapeutique future. Des États-Unis, sans renoncer à son héritage ignacien il revient thérapeute.

Il complète sa formation avec une année d’études à l’université grégorienne de Rome. Il y trouve l’enseignement de la spiritualité trop théorique, et peu utile à ce qu’il cherche. Tony fait sa profession religieuse définitive, comme jésuite, le 2 février 1965, à Rome. Peu après il est de retour en Inde.

Premiers engagements apostolique

Bien qu’il se soit offert lors de son ordination sacerdotale à être missionnaire dans un poste reculé de la mission, il reçoit avec surprise et ressentiment (à son propre dire) sa nomination, en 1966, comme supérieur à Manmad et Shirpur, dans le Maharashtra rural, loin de Bombay. Il y acquiert, par détermination personnelle, une manière de vie plus inculturée et moins occidentale. Enseignant à la faculté de théologie de Poona il y introduit des groupes d’intégration psychologie-spiritualité.

En 1968 il est de retour à Bombay comme maître des novices et recteur du scolasticat d’Andheri (Bombay). Sous son impulsion des changements sont introduits dans la formation des jeunes jésuites : un style de vie plus simple et proche des gens ordinaires de Bombay et un enseignement (pratique) de la prière qui donne du goût et un vrai désir de rencontrer Dieu : importance de ‘faire l’expérience de Dieu vivant’. Il donne les ‘Exercices spirituels complets non seulement aux novices mais, plusieurs fois par an, en Inde et ailleurs en Asie. Sa manière de faire non conventionnelle commence à être connue et appréciée.

Spiritualité orientale

Vers 1970 Tony commence à s’intéresser aux maitres spirituels orientaux, anciens et contemporains, particulièrement de la tradition bouddhiste. Il découvre la voie méditative ‘Vipassana’ de S.N.Goenka. Il recommande également la lecture de Krishnamurti. Il rencontre plusieurs fois l’ermite bénédictin Swami Abhishiktananda. Une amitié se noue, mais les deux hommes sont très différents et ne travailleront pas ensemble.

Fondation de l’Institut Sadhana’

En 1972 il fonde l’Institut Sadhana', d’abord rattaché au De Nobili College de Pune puis, en 1978, transféré à Lonavla. Tony de Mello renonce à donner les Exercices spirituels selon la méthode de Ignace de Loyola, mais par cet institut de formation spirituelle et pastorale (et ‘counselling’) il développe et enseigne des exercices spirituels d’un genre différent. Pressé par des disciples il met cela par écrit: c’est son livre ’Sadhana: a way to God’ (en français : ‘Un chemin vers Dieu: Sadhana)’ publié en juin 1978. Il le regrette presque aussitôt. La parole écrite lui parait ‘pétrifiée’ et toujours en deçà de sa recherche spirituelle et de l’évolution de sa pensée. Le livre - une série d’exercices de méditations et contemplations combinant exercices ignaciens, applications psychologiques et méthodes spirituelles orientales - est un grand succès. Il est aujourd’hui traduit en une cinquantaine de langues.

Sa recherche le conduit vers une liberté spirituelle toujours plus grande, mais sans renoncer aux engagements religieux qu’il a pris: il y trouve sa liberté. Il surprend, même parmi ses plus fidèles disciples. Dans sa vie règles et règlements n’ont plus guère de place. Pour provoquer la réflexion, il n’hésite pas à choquer ses auditeurs, surtout lorsqu’il estime qu’ils sont installés dans des traditions et attitudes religieuses ‘acquises’ à jamais, et devenues immuables.

Durant les dix dernières années de sa vie il se donne entièrement aux groupes qui fréquentent l’Institut Sadhana, ce qui ne l’empêche pas de faire de fréquents voyages à l’étranger, surtout en Espagne et aux États-Unis, sa réputation de thérapeute spirituel et sage oriental ayant largement dépassé les frontières de l’Inde. A l’Institut Sadhana il organise chaque année un programme de formation de formateurs religieux (neuf mois de ‘maxi-sadhana’) et des séminaires de renouvellement spirituel de trois semaines (‘mini-sadhana’). Peu de cours théoriques mais beaucoup de pratique de ‘cas’ et jeux de rôles avec direction spirituelle mutuelle. Avec en sus, des rencontres personnelles avec Tony, et une célébration eucharistique qu’il présidait lui-même en fin de journée.

Désencombré de structures, règles et traditions il cherche toujours plus ce qui est au cœur de toute personne et tout acte: l’amour. Il découvre une vie de plus en plus simple et proche de la nature. La vision de simples phénomènes naturels - feuilles sur les arbres, brise légère - le transportent. Dans une lettre du 14 avril 1987, quelques semaines avant sa mort, il écrit : « (Devant ce spectacle)... je suis plus heureux que tout autre jour de ma vie ». Mais il ajoute, comme il exhorte un compagnon : « Ne verbalise pas cette scène. Regarde, et laisse les couleurs venir et partir ».

Derniers mois et fin

Dans les années 1985 il sent le besoin d’aller de l’avant. L’Institut Sadhana commence à lui peser. Il souhaite apporter des paroles de libérations à d’autres groupes, plus larges et faits de personnes plus simples, de laïcs et de pauvres en recherche religieuse, et pas seulement à une élite de personnes consacrées et ayant autorité dans l’Église.

Il est en bonne santé, même s’il fait état occasionnellement de malaises de poitrine. Il pense cependant à la mort, avec sérénité. Le 29 avril 1987 il répond à une personne qui demande un rendez-vous : « Je ne sais quand nous nous reverrons ». Fin mai 1987 il met la dernière main au manuscrit de son livre ‘The Prayer of the Frog’ et prend l’avion pour New York. Il meurt la nuit du 1 juin 1987, à peine arrivé à New York, dans la communauté des jésuites de l’université Fordham. Son corps est ramené à Bombay, où il est enterré dans le caveau des jésuites à Bandra (Bombay).

Notifications de la Congrégation pour la doctrine de la foi

Le 24 juin 1998, une ‘Notification concernant les écrits du père Anthony de Melo’ est publiée par la Congrégation pour la doctrine de la foi au Vatican. Celui qui était alors son préfet, le cardinal Joseph Ratzinger (devenu le pape Benoît XVI) écrivait alors :

« Dans certains passages de ses premiers ouvrages, et de plus en plus dans ses dernières publications, on peut constater la distance prise avec les contenus essentiels de la foi chrétienne... Par la présente notification, et de façon à protéger les chrétiens fervents, cette congrégation déclare que les positions mentionnées ci-dessus sont incompatibles avec la foi catholique et peuvent lui causer du tort[1]. »

Il fut découvert que l’analyse des écrits de Tony de Mello avait pris en considération deux livres dont il n’était pas l’auteur mais qui avaient été publiés (en Espagne) sous son nom. Cette condamnation fut annulée et remplacée par une ‘mise en garde’ qui serait insérée dans toute nouvelle édition de ses livres :

« Les livres du Père Anthony de Mello ont été écrits dans un contexte multireligieux afin d'aider dans leur quête spirituelle les adeptes d'autres religions, les agnostiques et les athées, mais n'étaient pas destinés à devenir des manuels d'instruction pour les catholiques dévoués à la doctrine chrétienne et à ses dogmes. »

Selon certains, ses ouvrages intègrent la notion d'éveil spirituel tel qu'il est compris dans les spiritualités orientales plutôt que dans le Christianisme. Pour d'autres, il s'inspire de figures chrétiennes telles que le Pseudo-Denys l'Aréopagite, Maître Eckhart ou Nicolas de Cues. Les anecdotes, aphorismes et contes de Tony de Mello, se présentant souvent comme des dialogues entre un maître et ses disciples, lui permettaient de faire passer son message.

Analyse critique

Le père Carlos Vallès, une des personnes qui connaissait le mieux de Mello, le présente comme celui qui « était la bonne personne avec le bon programme au bon moment pour les chercheurs spirituels »[2]. Il rapporte également que de Mello lui aurait confié « Voilà mon secret, j'enseigne du pur bouddhisme, mais en citant la Bible constamment et en plaçant Jésus comme modèle »[2]. Le père Aizpun déclare : « Lorsqu'il était intéressé par les exercices spirituels de Saint Ignace, le seul auteur valable était José Calveras, quand il s'est investi dans des activités de conseil, son guru était Carl Rogers, quand il a découvert Krishnamurti, il n'y avait pas de penseur comparable à lui »[2]

Les critiques de Tony de Mello ne manquent pas. Particulièrement parmi ses confrères jésuites. Sa thérapie et conception de vie spirituelle qui invite à se libérer d’un mode de vie religieuse sclérosé et prisonnier de règles et coutumes tatillonnes inquiète les supérieurs religieux. Les activistes sociaux critiquent une spiritualité entièrement centrée sur la personne même, négligeant la dimension sociale. D’autres estiment que cette nouvelle liberté a des conséquences graves sur la manière de vie la chasteté consacrée. On lui reproche d’encourager l’expression physique de sentiments de tendresse entre religieux, ce que certains ont appelé la ‘Troisième voie’. Des théologiens chevronnés considèrent qu’il substitue, dans la Compagnie de Jésus, la spiritualité ignacienne par une autre, hindou-bouddhiste. Mais personne ne met en doute sa foi ni son engagement religieux comme son attachement à l’Église, dont il critique cependant très librement les autorités.

Citation

« À un groupe de disciples qui veulent absolument faire un pèlerinage, le maître dit : Emportez ce fruit amer avec vous, plongez-le dans toutes les rivières saintes et emmenez-le dans tous les lieux saints.. Lorsque les disciples reviennent, le fruit est devenu une nourriture consacrée. Le maître le goûte alors et dit d'un air espiègle : Comme c'est curieux, l'eau bénite et les lieux saints ne lui ont pas donné un goût plus sucré ! »

— La Conversion (extrait de Une Minute de sagesse)

Écrits

  • Un chemin vers Dieu: Sadhana (Sadhana ; a way to God, 1978), Albin Michel, 2006.
  • Comme un chant d'oiseau (The song of the bird), Gujarat Sahitya Pprakash, Anand , 1982.
  • Quand la conscience s'éveille (Awareness. The perils and opportunities of reality, 1990), Albin Michel, 2002.
  • Une minute d'humour (One minute wisdom, 1985), Bellarmin-Desclée.
  • The prayer of the frog, (2 vol.), Gujarat Sahitya Prakash, Anand, , 1988 et 1989 (posthume).

Deux autres manuscrits préparés par Tony de Mello furent publiés après sa mort:

  • Contact with God, Gujarat Sahitya Prakash, Anand , 1990.
  • One minute nonsense, Gujarat Sahitya Prakash, Anand, 1992.

Bibliographie

  • Anand Nayak: Le faiseur de feu: la vie et les enseignements spirituels d’Anthony de Mello, Paris, Sully, 2006, 263 p.
  • Bill de Mello: Anthony de Mello SJ, The Happy Wanderer. (A tribute to my Brother), Anand, Gujarat Sahitya Prakash, 2012.
  • Eugene Fatima: The Awareness Guru: Tony De Mello : a New Assessment, Dawn Books, 2009
  • Carlos G. Vallès: Sans arme ni bagage: Tony De Mello, un prophète pour notre temps, Les Editions Fides, 1999
  • J. Francis Stroud: Praying Naked: The Spirituality of Anthony de Mello, Random House LLC, 2007

Lien externe

Site en français sur Anthony de Mello

Références

  1. CDF - Writings of Fr. De Mello, SJ
  2. a b et c Spiritual Masters for All Seasons par Michael Ford, Paulist Press, 2009, p. 122