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Royaume de Bourgogne (534-843)

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Royaume de Bourgogne
Burgondie

561––687

Blason
Description de cette image, également commentée ci-après
Royaume burgonde au Ve siècle.
Informations générales
Statut Monarchie
Capitale Arles[1]
Orléans[2]
Lyon[3]
Vienne[4]
Langue(s) burgonde, latin
Religion catholicisme
Histoire et événements
561 À la mort de Clotaire Ier, les royaumes francs sont à nouveau divisé. Son fils Gontran Ier hérite du royaume franc burgonde.
687 Bataille de Tertry : échec face au royaume franc d'Austrasie. Les royaumes francs sont réunifiés.
Royaume franc de Bourgogne
561 – 592 Gontran Ier
675 – 691 Thierry III

Entités suivantes :

Armoiries attribuées au Royaume d'Arles par des héraldistes médiévaux au XVe siècle.

Un premier royaume de Bourgogne, la Burgondie (en allemand Burgund), fut créé par le peuple burgonde après son installation sur les bords du lac Léman, en Sapaudie, au Ve siècle. Son souverain le plus glorieux, Gondebaud, gouverna alors un territoire qui s'étend de Langres à Marseille et du Rhin à la Loire.

Pendant les six siècles qui suivent l'installation de ce peuple, les remous de l’histoire font naître successivement différentes entités géopolitiques aux limites territoriales toujours changeantes qui prennent le nom de Bourgogne. Le traité de Verdun de 843 divise la Bourgogne en deux grandes entités territoriales : une Bourgogne franque à l'ouest (futur duché, dont l'actuelle région Bourgogne est issue), et une Bourgogne impériale à l'est dans laquelle se trouve notamment la future franche comté de Bourgogne ou Franche-Comté.

Au IXe siècle, la Bourgogne impériale voit naître, en son sein, deux royaumes :

  • le premier, au sud, touchant les rives de la Méditerranée, qui prend le nom de « Bourgogne-Provence » appelé aussi « royaume d'Arles » ;
  • le second, appelé « royaume de Bourgogne », situé à l'origine en Helvétie (en Transjurane, au-delà des monts du Jura), intègre rapidement d'autres domaines, dont les terres du diocèse de Besançon[Note 1].

Vers 933, sous le règne de Rodolphe II, roi de Bourgogne transjurane, le royaume de Bourgogne et le royaume d'Arles s'unissent. Le royaume ainsi formé prend le nom de « royaume de Bourgogne et d'Arles », et se place sous la suzeraineté des souverains germaniques.

Le royaume des Burgondes

Le royaume des Burgondes (regnum Burgondionum), que l’on peut considérer comme le premier royaume de Bourgogne, doit son nom au peuple burgonde, venu s’installer en 443 sur les bords du lac Léman. Gondebaud et son fils Sigismond sont les souverains les plus marquants de ce royaume. À son apogée, ce royaume occupa un espace considérable : il trouvait ses limites, au nord à Langres, au midi jusqu'à Cavaillon, voire Marseille[Note 2]. À l’ouest il s'étendait jusqu’à Nevers, et au nord-est jusque sur les bords du lac de Constance. Son existence fut éphémère : de 444 à 534. Les visées franques de Clovis Ier, en 500 ou 501, furent poursuivies par ses fils, Clodomir, roi d'Orléans ; lors de plusieurs campagnes militaires qui se sont déroulées entre 532 et 534, Childebert, roi de Paris, et Clotaire, roi de Soissons, finissent par mettre un terme au Royaume burgonde.



Le royaume de Bourgogne mérovingien

Les Mérovingiens intègrent le Royaume burgonde aux différents royaumes mérovingiens mais lui conservent son individualité. La Burgondie apparaît toujours comme une entité géopolitique, au même titre que la Neustrie et l'Austrasie, les Mérovingiens y installent un roi dont les plus connus furent Gontran, et Dagobert. C’est à Chalon-sur-Saône que Gontran réside le plus souvent. Il y réunit des conciles et fait ériger en 577 à Saint-Marcel une basilique et un monastère. Mais en 613, après la capture et la mise à mort à Renève de la reine Brunehilde, il n'y a plus de roi résidant en Bourgogne. Le roi de Neustrie Clotaire II réunit la Bourgogne à ses États. En 687, au lendemain de la bataille de Tertry, le royaume de Bourgogne-Neustrie disparaît à son tour. Le vainqueur, l'Austrasien Pépin de Herstal fait l'unité des royaumes francs. En 751, le règne des Mérovingiens s'achève et Pépin le Bref couronné roi des Francs ouvre l'ère des souverains carolingiens.

La reine Brunehilde et l'évêque d'Autun Léger ont été les personnages bourguignons les plus marquants des temps mérovingiens.

Les comtés bourguignons sous les Carolingiens

Les pagi carolingiens en « Bourgogne franque » (IXe siècle)
Les pagi carolingiens en « Bourgogne de Vienne » (IXe siècle)

Le royaume de Bourgogne cesse d'apparaître en tant qu’entité géopolitique avec les Carolingiens. Le vaste territoire de l’ancien regnum Burgundiæ est réparti par Charles Martel en quatre commandements, ayant chacun son gouverneur : une Bourgogne d’Arles, une Bourgogne de Vienne, une Bourgogne alémanique et une Bourgogne franque[5].

Certains textes de cette époque parlent encore de Burgundia ou de regnum Burgundiæ, mais ces appellations n'ont plus qu'un simple caractère géographique. L'œuvre des Carolingiens, marquée par une forte centralisation, a consisté à mettre en place des comtés bourguignons, qui sont des nouvelles circonscriptions administratives, appelées aussi pagi, calquées sur les anciennes civitates gallo-romaines. À la tête de ces comtés, un comte, dépendant directement du palais, l'égal de son voisin. Les grands de Bourgogne réfractaires à toute autorité centralisée, sont « mis au pas » et réduits à l'obéissance.

Mais la dynastie carolingienne porte en elle les germes de sa destruction. Les partages successifs du royaume entre les héritiers détruisent l'unité de la monarchie que Charlemagne et ses aïeux avaient construite. Les compétitions et les rivalités, faisant le lit de la féodalité, vont permettre l'émergence de dynasties comtales avides de se pousser au premier plan.

Le royaume de Bourgogne et d'Arles ou de Vienne

Royaume de Haute-Bourgogne (888 – 1032).

Le traité de Verdun de 843 déchire à jamais l'unité du vieil empire de Charlemagne. Son œuvre politique s'écroule. La mutilation que le traité fait subir à la Bourgogne, donne naissance, à l’ouest de la Saône, à une Bourgogne française (ou Bourgogne franque) et à l’est de cette même rivière, à une Bourgogne impériale, lot de l’empereur Lothaire. Les héritiers de Lothaire disparaissent les uns après les autres sans laisser de descendants, et chacun des oncles et des frères tente de dépouiller son parent. Les Normands ravagent le nord, les Sarrasins menacent le midi, partout règne l'anarchie, le trône des Francs se soutient à grand-peine. La mort de Louis II le Bègue en 879, donne le signal.

Le royaume de Provence 879-928

Les quatre Bourgognes :
duché de Bourgogne, comté de Bourgogne, Bourgogne transjurane, Bourgogne cisjurane avec la Provence ; les trois dernières sont terres d'Empire à partir de 1032.

Le , une assemblée de notables et de prélats réunis à Mantaille élit comme roi le beau-frère de Charles II le Chauve, Boson, comte d'Autun, exerçant les fonctions ducales dans le Lyonnais, le Viennois, et en Provence. Le couronnement du bivinide Boson fut à l'origine du royaume de Provence. S'il reçoit le titre royal, Boson ne prend toutefois pas la qualité de roi de Bourgogne cisjurane. Son « royaume de Provence », appelé aussi « royaume d’Arles ou de Vienne », s’étend au nord depuis les rives du Doubs jusqu’aux rives de la Méditerranée au sud ; il déborde sur l’Helvétie et l’Italie. Sous sa couronne se trouvent réunis une partie de la Bourgogne, le Bugey, la Bresse, le Dauphiné, le Forez, la Tarentaise, la Provence et une partie du Languedoc. Boson prend Vienne pour capitale et se dote d’une chancellerie dirigée par Adalgaire, l’abbé de Flavigny[6].

Le roi Boson et saint Étienne, fragment des fresques de l'abbaye de Charlieu, XIIe siècle.

Son élection au titre royal réalise contre lui l’union des Carolingiens dont la réaction ne tarde pas. Les princes carolingiens, dont le roi Carloman fiancé à sa fille, et Richard le Justicier son propre frère[Note 3], s'empressent de marcher contre Boson. Boson parvient néanmoins à maintenir son autorité sur une partie de ses domaines et conserve son titre ainsi que des territoires en Provence. Le nord de la Bourgogne, ayant échappé à son autorité, est totalement étranger à ce royaume.

En 887, à la mort de Boson, son fils Louis III lui succède. Il est reconnu « roi de Provence » à Valence en 890 sous la tutelle de sa mère Ermengarde ; il réunit pour une courte période les titres d'empereur et de roi d'Italie. Mais son compétiteur Béranger, duc de Frioul, lui fait crever les yeux[Note 4]. Louis III, infirme, délègue son autorité à Hugues d'Arles, comte de Provence jusqu'à l'année 926, date à laquelle ce dernier occupe le trône d'Italie. Vers 928/930 éclate une crise successorale autour du royaume du souverain infirme.

Le royaume de Bourgogne transjurane des Welf (888-933)

En 888, la mort du dernier successeur de Charlemagne, Charles III le Gros, déconsidéré par sa faiblesse face aux Normands, incapable de réprimer l'audace des grands vassaux, abandonné de tous, donne le signal de la dislocation générale des divers royaumes qui s'étaient trouvés sous sa coupe. En Germanie, Arnulf est proclamé roi, les seigneurs français élisent Eudes.

L'Helvétie est le berceau d'une monarchie nouvelle qui forme un nouveau royaume bourguignon. Les Bourguignons de la Transjurane, le pays situé entre le mont Jura et les Alpes pennines ont à leur tête le duc Rodolphe. Rodolphe appartient à la dynastie des Welf ; il n'est pas bourguignon. Les hasards de la politique ont permis à son père, Conrad II de Bourgogne, comte d'Auxerre, de s'emparer du gouvernement du duché de la Transjurane.

Dès qu'est connue la fin de Charles le Gros, des grands laïcs et ecclésiastiques, appartenant à l'ancien duché de Transjurane, se réunissent dans la basilique de Saint-Maurice d'Agaune. En janvier 888, ils proclament roi Rodolphe Ier.

Le nouveau royaume de Bourgogne qui naît se maintient malgré une fidélité bien chancelante des grands et l'hostilité d'Arnulf. Ce royaume, formé à l'origine des comtés sur lesquels s'exerce l'autorité de Rodolphe, s'agrandit rapidement des comtés de l'archidiocèse de Besançon (le futur comté de Bourgogne), après un accord conclu en octobre 888 à Ratisbonne entre Rodolphe et Arnulf (encore que la souveraineté de l'Escuens subit des fluctuations). La mort d'Arnulf en 899, puis de son fils Zwentibold (en 900) permet à Rodolphe d'être débarrassé de la pression que le roi de Germanie exerçait sur lui. Rodolphe meurt le . Son fils Rodolphe II de Bourgogne lui succède.

La succession de Louis l'Aveugle (930-942) et l'annexion au royaume de Bourgogne transjurane (942-1032)

Le souverain franc Raoul de France appartenait à la famille royale de Vienne.
Les royaumes de Bourgogne et de France sous Hugues Capet.

En 928, à la mort de Louis l'Aveugle la souveraineté sur le royaume de Provence fut très incertaine. Les négociations entamées dans le courant de l'année entre Raoul de France (fils de Richard le Justicier et donc cousin de feu Louis l'Aveugle) et Hugues d'Arles, qui tentait alors d'évincer Charles-Constantin, restèrent sans effet.

En 933, le roi de Bourgogne transjurane Rodolphe II (régnant alors sur la Souabe, le Brisgau, l'Alsace et l'Helvétie) en compétition avec Hugues d'Arles pour la couronne d'Italie, aurait obtenu de ce dernier la cession de l'ancien royaume de Provence en échange de l'abandon des ambitions italienne. Poupardin cite Liutprand de Crémone[7] : « Quand le roi Hugues l’apprit, il lui envoya des députés, et donna à Rodolphe toute la terre qu’il avait tenue en Gaule avant de monter sur le trône, en même temps qu’il recevait de lui le serment qu’il ne rentrerait jamais en Italie ». Cet accord, dont l'existence est discutée[8], aurait écarté définitivement Charles-Constantin de Vienne de la succession de son père, aurait conduit le fils de Louis l'Aveugle à faire appel au roi des Francs.

Malgré l'intervention de Raoul de France qui apparaît à Anse dès juin 932[9],[10], Charles-Constantin ne parvint à conserver que le gouvernement de Vienne et du Viennois. Celle d'Otton Ier contre Hugues d'Arles, qui tenta un dernier retour à la mort de Rodolphe II en 937 en épousant Berthe de Souabe, permit finalement au jeune Conrad III d'accéder au trône.

Le Saint Empire romain germanique vers l'an mil (en jaune : le Royaume de Bourgogne).

La paix revenue après 940, un accord tripartite entre Français, Ottoniens et Bosonides conforta la position du nouveau roi de Bourgogne par une série de mariages royaux : Conrad épousa Mathilde, la sœur du roi de France. Parallèlement, le puissant marquis-comte Hugues le Noir apparaît alors comme le gardien de l'héritage bivinide aux marges du royaume de France et du royaume de Conrad.

Par l'accord de Visé-sur-Meuse en 942, Louis IV d'Outremer rétrocéda l'ancien duché de Vienne et donc l'ancien royaume de Provence à Conrad de Bourgogne[11].

Par la suite le titre comtal de Charles-Constantin de Vienne, pour lequel il dut rendre hommage au jeune souverain de Bourgogne, réapparaît ponctuellement, au gré des stratégies matrimoniales de l'aristocratie régionale, donnant vraisemblablement naissance aux maisons comtales qui émergent un peu avant l'an mil (comtes de Lyon et de Forez, comtes d'Albon, comtes de Savoie[12], etc.).

En 1032, à la mort sans postérité de Rodolphe III, Conrad II, dit Le Salique, duc de Franconie et empereur romain germanique, hérite du trône de Bourgogne qui est alors annexé au Saint-Empire, suscitant la révolte de l'aristocratie de la région.

Le royaume d'Arles au sein du Saint-Empire

La royauté d'Arles effectivement assurée par les empereurs (1032-1250)

Le château de l'Empéri, résidence des archevêques d'Arles et des empereurs germaniques.

L'empereur prend possession du royaume de Bourgogne et d'Arles et le royaume devient un membre du Saint-Empire romain. Dès lors, les Empereurs se regardent constamment comme roi d'Arles, en vertu de la donation de Rodolphe. Mais leur domination est plus nominale que réelle. Ils y firent de temps à autre des actes de souveraineté.

Les empereurs Conrad II (le Salique) et Henri III[Note 5], son fils, sont successivement couronnés en 1033 et 1038 rois de Bourgogne et d’Arles. Au XIIe siècle, Lothaire de Supplinbourg (1075-1137), successeur de la maison de Franconie prend le titre de roi d'Arles et nomme Conrad, duc de Zähringen, gouverneur. Au XIIe siècle, les comtes de Provence et de Toulouse, même s'ils sont censés tenir leurs comtés de l'Empire, consentent à grand-peine à rendre hommage à l'Empereur. Par des empiétements successifs, le royaume est réduit à sa plus simple expression : quelques châteaux en Provence et dans le Comtat.

L'ancienne cathédrale Saint-Trophime d'Arles.

Les empereurs Conrad III (1093-1152) et Frédéric Barberousse (1122-1190) tentent de restaurer une suzerainté que l'éloignement affaiblit. Conrad III inféode en 1144 à l'archevêque d'Arles les quelques châteaux qui lui restent ; les archevêques d'Arles deviennent les représentants des empereurs en Provence. Conrad III et Frédéric Barberousse profitent des dissensions entre les familles des Baux et celle des Béranger pour faire acte de suzeraineté sur la Provence et se faire rendre hommage de la Provence. En 1162, Frédéric Barberousse, par une charte datée de Turin, confirme à Hugues des Baux l'investiture que Conrad III avait accordée à Raymond de Baux et donne le comté de Provence et d’Arles à titre de fief à Raymond, en réservant les droits de l’empire. En 1178, Frédéric Barberousse se fait couronner roi de Bourgogne dans la cathédrale Saint-Trophime d'Arles par l'archevêque Raimon de Bollène.

Henri VI (1165-1197), Otton IV (1177-1212) et Frédéric II (1194-1250) succèdent à Frédéric Barberousse. À peine parvenu à l'Empire, de Bâle où il tient sa cour, Frédéric II se déclare roi d'Arles et tente de relever le royaume. Trop occupés à des guerres lointaines, les successeurs de Frédéric Barberousse, se trouvent hors d'état de maintenir leur souveraineté sur la Bourgogne. Frédéric II, est le dernier des empereurs à s'immiscer avec quelques succès dans les affaires de Provence.

Affaiblissement de l'autorité impériale

L’autorité de l’Empire sur le « royaume de Bourgogne et d’Arles » est plus honorifique que directe et réelle. La suzeraineté n'est efficace qu'entre les mains des empereurs puissants qui peuvent intervenir dans l’Est et le Midi de la France, mais elle s'éclipse facilement avec des princes faibles, pour les territoires trop éloignés des frontières impériales.

Après Frédéric II, l'autorité impériale sur le royaume arlésien n'est plus qu'une ombre. La puissance des archevêques d'Arles, privés de tout appui matériel, suit dans son déclin la chute de l'autorité impériale en Provence pendant que la puissance des comtes se renforce. Charles Ier (1226-1285), de la maison d'Anjou, succède à celle de Barcelone. Charles d'Anjou est plus puissant qu'aucun de ses prédécesseurs. Pendant près d'un demi-siècle la royauté arlésienne reste en sommeil.

Les sursauts du royaume d'Arles

Les prétentions de la veuve de Saint Louis, la reine Marguerite, l'une des filles de Raimond-Bérenger IV (v. 1198-1245), comte de Provence, en réveillent le souvenir. À la mort de sa sœur, Béatrice, l'épouse de Charles d'Anjou, Marguerite tente de récupérer le comté de Provence. Elle fait assigner son beau-frère, Charles d'Anjou, devant le pape et l'empereur, Rodolphe d'Habsbourg, dont elle reconnaît formellement la suzeraineté sur la Provence. L'Empereur ne s'immisce pas dans la querelle mais, Charles d'Anjou étant resté sourd à l'appel, Rodolphe d'Habsbourg saisit l'occasion pour affermir ses droits, et inféode la Provence à Marguerite jusqu'à ce que Charles consente à s'entendre avec lui. L'empereur lui accorde alors l'investiture des comtés de Provence et de Forcalquier, et lui confirme tous les privilèges accordés par ses prédécesseurs aux Bérangers (1280).

En 1312, le royaume d'Arles refait surface. Henri VII du Saint-Empire, empereur, tient à affirmer les droits de l'Empire sur le royaume d'Arles. L'empereur, mécontent du parti pris en Italie par Robert d'Anjou, roi de Naples et comte de Provence, en faveur des guelfe contre lui, condamne à mort Robert d'Anjou et le déchoit de ses terres de Provence qu'il offre à Frédéric, roi de Sicile, à condition que ce dernier les conquiert. Il confirme également tous les droits et privilèges de l'archevêque d'Arles. La menace reste sans effet.

À nouveau, le royaume d'Arles n'entendit plus parler des empereurs germaniques jusqu'à ce que Charles IV du Saint-Empire retrouve en 1355[13], le chemin de la Provence et confirme une fois encore, tous les privilèges de l'Église d'Arles.

Jeanne d'Anjou et son mari Louis de Tarente, mis en danger à Naples par Louis le Grand, le roi de Hongrie, reviennent en Provence. Jeanne consent à rendre hommage à Charles IV, pour le gouvernement de la Provence, et ce dernier lui accorde par diplôme daté du à Aix-en-Provence, l'investiture du comté. Charles IV est de retour en Provence en 1365, et se faire couronner dans l'église Saint-Trophime d'Arles.

La fin du royaume d'Arles

Des affaires plus importantes dans l'Empire, auxquelles il préfère donner la primeur, rappellent l'empereur Charles IV en Allemagne. Ne pouvant plus songer à la Provence, il prend la décision de s'en débarrasser et cède ses droits sur la couronne d'Arles à Louis d'Anjou en 1366, qui se voit là, affranchi de toute suzeraineté.

La réunion de la Provence à la couronne de France, en 1483 mit fin à toute idée de rétablissement de ce royaume, dont il ne fut plus question[Note 6].

Tentative de recréation d'un royaume de Bourgogne sous Charles le Téméraire

En novembre 1471, le duc de Bourgogne Charles le Téméraire se déclare affranchi de la suzeraineté du roi de France. De cette volonté de ne plus être le vassal même théorique de deux souverains européens, le roi de France et l'empereur du Saint-Empire romain germanique, témoigne par exemple le fait que Charles se fit confectionner un diadème d'une richesse prodigieuse, composé d'or orné de saphirs et de rubis balais surmonté d'une forme de velours jaune brodée de perles et au sommet duquel se trouvait un énorme rubis enchâssé dans un ornement d'or[14],[Note 7].

Charles reprit donc à son compte le projet de son père de ceindre une couronne royale. Mais alors que celui-ci se fondait sur le souvenir du royaume carolingien de Lotharingie, Charles se réfère davantage aux différents royaumes de Bourgogne : des Burgondes, des Mérovingiens, des Bivinides et des Welfs. Si l'existence du royaume de Lotharingie entre 855 et 900 avait été oubliée, le souvenir des différents royaumes de Bourgogne était encore présent et il avait l'avantage de rappeler par son nom le titre principal des détenteurs des États bourguignons.

Aussi, en 1473, lors de la conférence de Trèves qui se déroula entre le 30 septembre et le 25 novembre, l'empereur Frédéric III du Saint-Empire, qui avait refusé d'aider Charles le Téméraire à se faire élire roi des Romains pour en faire son successeur, accepta d'ériger ses possessions en terre d'empire en un royaume de Bourgogne indépendant. L'empereur avait accepté également de faire entrer dans la souveraineté de ce royaume de Bourgogne le duché de Lorraine, le duché de Savoie (qui incluait alors le Piémont, la Bresse, le Bugey, l'Ouest de l'actuelle Suisse, avec Genève et Lausanne), le duché de Clèves, les évêchés d'Utrecht, Liège, Toul et Verdun[15]. Les ducs de Savoie, de Lorraine, de Clèves et les quatre évêques seraient devenus les vassaux du roi de Bourgogne. Charles exigea également la souveraineté de la Bourgogne sur les cantons suisses[16]. Cependant, l'empereur rompit les pourparlers la veille même du couronnement[17] et s'enfuit nuitamment à cheval puis en barque sur la Moselle avec son fils Maximilien qui, dans le cadre de l'accord, devait épouser Marie de Bourgogne.

Ce projet inspira les plans de démantèlement de la France que firent Hitler et Himmler pendant la Seconde Guerre mondiale : un État de Bourgogne, allié de l'Allemagne nationale-socialiste aurait été créé et confié à Léon Degrelle qui aurait été chancelier de Bourgogne ; ce projet fut évoqué après la guerre par Léon Degrelle mais aussi par Felix Kersten[18],[Note 8].

Notes et références

Notes

  1. Ces terres correspondent approximativement aux terres comtoises.
  2. Marseille a été occupée par les Burgondes de Gondebaud contre Alaric II, roi des Wisigoths. Joseph Calmette, Les grands ducs de Bourgogne, , p. 15 et r. p. 349.
  3. Lors de la prise de Vienne par Bernard Plantevelue, Richard le Justicier serait intervenu pour protéger Ermengarde, l'épouse de Boson et Engelberge sa fille qu'il conduit dans son comté d'Autun. Voir F. de Gingins-la-Sarra, Mémoires pour servir à l'histoire des royaumes de Provence et de Bourgogne jurane, Lausanne, 1851, p. 101.
  4. Louis III roi de Provence est rendu aveugle à Vérone en 905.
  5. Henri III se fit couronné roi d'Arles en 1038.
  6. E.-F. Grasset, auteur de la Notice sur les chartes impériales du royaume d'Arles ajoute encore : « Il est vrai qu'en 1532 Charles-Quint, ayant envahi la Provence, prétendit revendiquer le royaume de Bourgogne et fit même, dit-on, des actes de souveraineté à Aix et à Marseille en qualité de roi d'Arles ; mais on ne peut regarder cela comme une entreprise sérieuse de relever ce trône qui s'était écroulé pour toujours. Quant aux actes de ce prince, il n'en reste pas de traces dans nos archives. »
  7. Charles ne se fit cependant jamais représenter sur son sceau assis sur un trône. Il utilisa un sceau équestre.
  8. Selon Felix Kersten, qui affirmait en détenir l'information d'Himmler, Hitler hésitait entre Dijon et Gand comme capitale de cet État de Bourgogne.

Références

  1. Louis Hachette, Dictionnaire universel d'histoire et de géographie, L. Hachette et Cie., 1863.
  2. Isabelle Crété-Protin, Église et vie chrétienne dans le diocèse de Troyes du IVe au IXe siècle, Presses Univ. Septentrion, 2002.
  3. Revue du Lyonnais, chez Aimé Vingtrinier, 1859.
  4. Thomas Mermet, Chronique religieuse de la ville de Vienne, chez les principaux libraires, 1856.
  5. Joseph Calmette, Les Grands Ducs de Bourgogne, Albin Michel, coll. « Club des librairies de France », , 396 p., p. 15
    En raison de sa date de publication, cet ouvrage ne dispose pas d'isbn
    son demi-frère Childebrand devient gouverneur de la Bourgogne franque.
    .
  6. « Le haut Moyen Âge » dans Bourgogne, (textes rédigés avec la collaboration de Julie Roux), éditions MSN, 2002, (ISBN 2-911515-39-0), p. 95.
  7. Liutprand de Crémone, Antapodosis, l. III, c. 48.
  8. Carlrichard Bruhl, Naissance de deux peuples : Français et Allemands, IXeXIe siècle, Fayard, 1995, 387 p.
  9. Cart. de Cluny, no 396. Lire en ligne.
  10. Jean Dufour, Recueil des actes de Robert Ier et de Raoul, rois de France (922 – 936), Paris 1978, no 17 et 18.
  11. Étienne Fournial, « Les origines du comté et les premiers comtes de Forez », « La souveraineté du Lyonnais au Xe siècle », dans Le Moyen Âge, t. 62, (1956). p. 436. Lire en ligne.
  12. Laurent Ripart, Les fondements idéologiques du pouvoir des comtes de la maison de Savoie (de la fin du Xe au début du XIIIe siècle), vol. 3, Université de Nice, coll. « thèse sous la dir. de Henri Bresc », , 833 p. (lire en ligne), p. 178 – 180, « Une autre hypothèse semble donc plus simple et plus probable : le comte Humbert pourrait bien être le fils de Charles-Constantin, ce qui permettrait de résoudre le vieux problème de la mystérieuse disparition de la descendance de la lignée de Louis l'Aveugle. […] il existe une très forte probabilité pour que notre comte Humbert soit le fils de Charles-Constantin ».
  13. E.-F. Grasset, Notice sur les chartes impériales du royaume d'Arles, existant aux archives départementales des Bouches-du-Rhône, parue dans le Répertoire des travaux de la société de statistique de Marseille.
  14. Anne Le Cam, Charles le Téméraire, un homme et son rêve, éd. In Fine, 1992, p. 134.
  15. Anne Le Cam, Charles le Téméraire, un homme et son rêve, éd. In Fine, 1992, p. 258.
  16. Jean Favier, Louis XI, Fayard, 2001, p. 653.
  17. Klaus Schelle, Charles le Téméraire – La Bourgogne entre les lys de France et l'aigle de l'Empire, traduit de l'allemand par Denise Meunier, Fayard, 1979, p. 194 – 200.
  18. Article du journal Le Figaro du 21 mai 1947, page 3, présenté par André François-Poncet.

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • René Poupardin :
    • Le royaume de Provence sous les Carolingiens (855 – 933), É. Bouillon, 1901.
    • Le royaume de Bourgogne (888 – 1038) : étude sur les origines du royaume d'Arles, Librairie Honoré Champion, Paris, 1907 (lire en ligne).
  • Honoré Bouche, Histoire de Provence.
  • Frédéric Charles Jean Gingins de la Sarraz, Mémoires pour servir à l'histoire des royaumes de Provence et de Bourgogne jurane, Lausanne, 1851.
  • E.-F. Grasset, Notice sur les chartes impériales du royaume d'Arles, existant aux archives départementales des Bouches-du-Rhône, parue dans : Répertoire des travaux de la société de statistique de Marseille.
  • François Demotz :
    • L’An 888. Le Royaume de Bourgogne. Une puissance européenne au bord du Léman, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, coll. « Le savoir suisse », , 142 p., chap. 83.
    • La Bourgogne, dernier des royaumes carolingiens, Lausanne, Société d'histoire de la Suisse romande, 2008.
  • Bertrand Schnerb, L'État bourguignon 1363 – 1477, Éditions Perrin, 1999.
  • Paul Bonenfant :
    • Philippe le Bon : sa politique, son action, De Boeck Université, 1996, 476 p., (ISBN 2804121151).
    • « La persistance des souvenirs lotharingiens », dans Bulletin de l'Institut Historique Belge de Rome, fascicule XXVII, 1952, p. 53 – 64.
    • « Les projets d'érection des Pays-Bas en royaume du XVe au XVIIIe siècle », dans Revue de l'Université de Bruxelles, tome XLI, 1935-1936, p. 151 – 169.
  • Chaume (Abbé), « Le sentiment national bourguignon de Gondebaud à Charles le Téméraire », 1922, dans Mémoires de l'Académie de Dijon, p. 195 – 308.
  • Yves Cazaux, L'idée de Bourgogne, fondement de la politique du duc Charles, « 10e rencontre du Centre Européen d'Études Burgondo-médianes », Fribourg, 1967, Actes publiés en 1968, p. 85 – 91.
  • « État bourguignon et Lotharingie », Académie royale de Belgique, dans Bulletin de la classe des lettres et des sciences morales et politiques, 5e série, tome XLI, 1955, p. 266 – 282.

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