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Patine (aspect)

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La patine est l'altération des couleurs des objets et matériaux sous l'effet du temps. Elle peut être naturelle ou artificielle (action humaine directe, intentionnelle ou non).

Une patine intentionnelle peut être un traitement de surface en vue d'imiter le vieillissement naturel d'un objet.

Une patine artificielle peut être une peinture transparente destinée à harmoniser la couleur et les nuances d'un objet. Lorsqu'on utilise une peinture (éventuellement plus ou moins transparente) ou un vernis en guise de patine, on cherche à reproduire l'effet du temps. Les meubles peuvent être patinés, le marbre, le plâtre (en sculpture), le bois, mais aussi le cuir (chaussure), et surtout les métaux.

La patine d'utilisation d'un objet désigne les usures, polissages, salissures dues à un usage habituel.

Métaux

Le mot patine, de l'italien patina, s'appliquait à l'origine à la coloration, souvent verte, des bronzes antiques. Son sens s'est étendu aux traitements de surface chimiques ou par application de vernis, et aux autres métaux[1].

La patine des métaux résulte d'une interaction chimique entre la surface et l'extérieur. On peut distinguer les patines selon leur effet sur l'apparence de l'objet. Des traitements appelés patines intentionnelles sont destinées à privilégier un vieillissement qui préserve la beauté de l'objet[2].

Bronze

Bacchus-Richard Ohmann - 1880- Bronze patiné vert-de-gris

Le vert-de-gris est une des patines du bronze les plus connues ; c'est la couleur verte qui se voit souvent sur les statues.

Le bronze est un métal qui est souvent patiné (dans le domaine de l'art) : le patineur chauffe au moyen d'un chalumeau la surface du bronze tout en appliquant (par un pinceau en tamponnant) à chaud des oxydes métalliques (sel de cuivre, fer, potasse, chrome, nitrates). La succession de couches d'oxydes acides attaque la pièce (une éponge à l'eau permet d'en enlever les excès), obtenant ainsi des effets de transparence et des couleurs traditionnelles (vert, brun) ou modernes (bleu, noir, rouge - acajou, ocre)[3].

Cratère de Derveni, Musée archéologique de Thessalonique

Il est difficile de connaître la couleur originale de beaucoup de bronzes antiques vu l'état de corrosion dans lequel ils se trouvent. Des études tendent à prouver que des patines étaient recherchées par les bronziers antiques par modification des alliages. La teinte générale de l’alliage de base des statues et de la vaisselle recherchée par le bronzier était proche de celle de l’or, comme en témoigne le cratère de Derveni, alliage à 15 % d’étain. Les bronzes la plupart du temps se patinaient naturellement en vert-de-gris à moins - comme le relate Pline - qu'on ne les enduise d’huile, de bitume ou de poix, solution provisoire qui devait être renouvelée régulièrement par nettoyage - enduisage. Il n'est pas exclu que certains bronziers ont dès lors opté pour une patine sombre obtenue à partir d'un alliage incorporant or ou argent. Une patine noire - appelée « cuivre noir » ou « bronze noir » - a été relevée sur plusieurs bronzes incorporant cuivre, or et argent. Le très célèbre bronze de Corinthe était probablement de cette patine, réputée inaltérable[4]. (Cette patine est recherchée d'une manière semblable dans le Shakudō)

Fer

Les objets en fonte de fer sont également sujets à la patine, qui leur donne un aspect noir mat.

Une mince couche de rouille rouge-orangée qui ne déforme pas l'objet est une patine fréquente.

Peinture

La patine de la peinture se manifeste par un assombrissement et un jaunissement général. Elle est le résultat du vieillissement des vernis et du liant de la peinture, qui jaunissent par oxydation, et du dépôt de graisses et de poussières qui s'accumulent dans les creux. Les artistes, notamment du milieu du XIXe siècle, ont souvent recherché l'aspect patiné pour donner un aspect ancien à un tableau. Dans ce cas, on l'obtient avec des vernis résineux jaunissants ; on utilise aussi des glacis de teintes chaudes rompues sur les fonds froids, et réciproquement. On peut aussi patiner avec le pistolet à peinture ou l'aérographe[5].

Du point de vue de la conservation des œuvres, la patine est l'ensemble des effets normaux du passage du temps, concernant toutes les parties de l'ouvrage y compris le support. Elle comprend les craquelures, le léger fléchissement des bois, et toutes les transformations qui ne constituent pas des dégradations[1]. Le respect de la patine fait la différence entre une restauration, qui vise à remédier aux dégradations que l'œuvre a pu subir, et une rénovation, qui privilégie la valeur artistique de l'œuvre par rapport à sa valeur d'ancienneté[6]. Cette nuance délicate a fait l'objet de nombreuses discussions entre professionnels.

Ameublement

Les antiquaires amenés à nettoyer et réparer les meubles anciens veillent à en conserver ou à recréer la patine sur les parties nouvelles. Les faussaires y attachent encore plus d'intérêt. Les mêmes procédés peuvent s'appliquer, sans intention de tromperie, à des répliques ou à du mobilier neuf.

La patine à la chaux est une technique de peinture à la chaux sur bois.

Décoration

Les décorateurs de théâtre et de cinéma appliquent aux objets une patine artificielle afin d'éviter que l'action semble se dérouler dans des locaux et avec des objets absolument neufs, ce qui pourrait porter préjudice à la crédibilité du récit.

Maroquinerie

La patine appliquée au cuir est une technique spécifique de coloration des produits utilisée en botterie et maroquinerie.

Pierre

La patine d'une pierre exposée à l'atmosphère est une couche superficielle ; dans un premier temps elle peut avoir un rôle protecteur, mais elle perturbe la circulation des fluides dans la masse, et devient ainsi un facteur de dégradation[7].

Sculpture

Les sculpteurs sur pierre peuvent patiner la pierre pour lui donner l'aspect « plus harmonieux[8] » de l'ancien[réf. souhaitée].

Architecture

Intérieur du cloître de l'abbaye du Thoronet : les pierres exposées aux pluies et au ruissellement montrent des croûtes de lichens épilithiques et des biofilms de cyanobactéries responsables de la patine noire qui ne doit pas être confondue avec un encroûtement de salissure (sulfin)[9].

La patine des pierres en œuvre correspond à une évolution superficielle de couleur ou de texture sans changement de la forme ou de la résistance de la pierre. Elle se distingue des dégradations qui regroupent toutes les modifications comportant une perte de matière ou un affaiblissement de la cohérence du matériau, et qui font intervenir les conditions d'exposition (possibilité pour une pierre de rester sèche, imbibée (en) ou soumise à un lessivage superficiel, en fonction des facteurs climatiques, de l'orientation des pierres et de leur situation sur les ouvrages et les bâtiments — intérieur ou extérieur, haut ou bas —) ainsi que de la structure dans laquelle elles sont impliquées — soubassement, faîte, corniches, murs verticaux ou inclinés, sculptures… —, le cheminement des solutions dans les pierres (transferts capillaires, évaporation à la surface — la localisation des surfaces d'évaporation et leur cinétique dépendent de l'exposition, milieu ventilé ou confiné, températures variables ou stables) et des caractéristiques de chaque qualité de pierre — ou dans le réseau poreux des pierres, les origines possibles des constituants des sels et le rôle des propriétés physiques des pierres[10].

Annexes

Bibliographie

  • Marc Aucouturier, Patinage et patine, Techniques de l'ingénieur, (lire en ligne).

Articles connexes

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Notes et références

  1. a et b Ségolène Bergeon-Langle et Pierre Curie, Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique, Paris, Editions du patrimoine, (ISBN 978-2-7577-0065-5), p. 1108.
  2. Aucouturier 2007.
  3. Marianne-Durand Lacaze, Le sculpteur Pierre Edouard à la fonderie d’art Godard : la lumière du bronze, Canal Académie, 30 octobre 2011.
  4. Sophie Descamps-Lequime. Couleurs originelles des bronzes grecs et romains. Analyse de laboratoire et patines intentionnelles antiques.Sur mediachimie.org
  5. André Béguin, Dictionnaire technique de la peinture,
  6. Bergeon-Langle et Curie 2099, p. 1135.
  7. Kévin Beck, M Al-Mukhtar et Olivier Rozenbaum, Pierres des Monuments Historiques: Caractérisations et mécanismes d'altération du Tuffeau, (lire en ligne).
  8. Jules Adeline, Lexique des termes d'art, nouvelle ed., (1re éd. 1884) (lire en ligne), p. 323.
  9. Philippe Bromblet, Mémento sur les altérations de la pierre, CICRP, (lire en ligne), p. 10
  10. Jacques Philippon, La conservation de la pierre monumentale en France, CNRS Éditions, , p. 63-73