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Espace métrique

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En mathématiques, un espace métrique est un ensemble au sein duquel une notion de distance entre les éléments de l'ensemble est définie. Les éléments seront, en général, appelés des points[1].

Tout espace métrique est canoniquement muni d'une topologie. Les espaces métrisables sont les espaces topologiques obtenus de cette manière.

L'exemple correspondant le plus à notre expérience intuitive de l'espace est l'espace euclidien à trois dimensions. La métrique euclidienne de cet espace définit la distance entre deux points comme la longueur du segment les reliant.

La classe d'isométrie d'un espace métrique (c'est-à-dire l'ensemble de tous les espaces de même structure métrique) est beaucoup plus petite que sa classe d'homéomorphie. Par exemple, un carré, un triangle, un cercle et n'importe quelle courbe de Jordan sont homéomorphes, par contre ils ne sont pas isométriques. Ainsi une structure métrique code beaucoup plus d'information sur la forme géométrique des objets qu'une simple structure topologique ; ce qui n'a rien de surprenant, car la notion de distance entre deux points est centrale pour la géométrie usuelle.

Topologie d'un espace métrique

  • On appelle boule ouverte (resp. fermée) centrée en un point a de E et de rayon r (un élément de ℝ+), l'ensemble des points x situés à une distance de a strictement plus petite que r (resp. inférieure ou égale à r) :
    .
  • On définit la topologie associée à la distance d sur E comme celle dont une base d'ouverts est l'ensemble des boules ouvertes. Les ouverts de cette topologie sont donc les réunions de boules ouvertes.
    • Les boules ouvertes centrées en un point x constituent alors une base de voisinages de x[2]. Une partie A de E est donc un voisinage d'un point x si et seulement si A contient une boule ouverte de centre x.
    • Pour cette topologie, toute boule ouverte est un ouvert, toute boule fermée est un fermé et toute sphère est donc un fermé.
  • Un espace topologique est dit métrisable s'il existe une distance induisant sa topologie. La topologie usuelle sur la droite réelle, sur le plan, etc. sont des exemples de topologies métrisables. Les notions de boule, de partie bornée, de suite de Cauchy, de continuité uniforme, etc. ne sont pas des notions topologiques mais métriques, susceptibles de varier selon la distance choisie.

Remarques

Exemples

  • Une norme N sur un espace vectoriel réel ou complexe[5] induit de manière naturelle une distance d(x, y) = N(x – y).
  • Diverses distances usuelles sur ℝn sont déduites d'une norme, ainsi, par exemple :
    • (pour n = 1) la distance usuelle sur l'ensemble des réels est celle associée à la valeur absolue ;
    • (pour n = 2) la distance de Manhattan sur le plan ℝ2 : d(a, b) = |xb – xa| + |yb – ya|. C'est la distance induite par la norme 1 ;
    • (pour n = 2) la distance aux échecs permet de connaître le nombre minimum de coups au jeu d'échecs pour aller avec le roi d'une case a = (xa, ya) à une case b = (xb, yb) et se définit par : d(a, b) = max(|xb – xa|, |yb – ya|) ;
  • Le module de la différence entre deux nombres complexes est une distance[4].
  • La distance triviale (ou encore distance discrète ou métrique discrète) est définie sur tout ensemble par : d(x, y) = 1 si x ≠ y et d(x, x) = 0. La topologie associée est la topologie discrète.
  • La distance de Hamming est utilisée en théorie des codes correcteurs.
  • Les espaces topologiques ℝ et ]0, 1[ sont homéomorphes mais, munis de la distance usuelle, ils ne sont pas isomorphes en tant qu'espaces métriques ; par exemple, ℝ est complet mais ]0, 1[ ne l'est pas.
  • Si l'on munit ℝ+ de la distance d(x, y) = |ex – ey|, on retrouve la topologie usuelle sur ℝ+ mais maintenant toutes les fonctions polynomiales sont uniformément continues.

Produit d'espaces métriques

Tout produit fini ou dénombrable d'espaces métriques peut être muni d'une distance qui induit la structure uniforme produit et a fortiori la topologie produit : pour cela, si les (Ek, dk) (k∈ℕ) sont des espaces métriques, on peut par exemple munir E1×…×En de la distance dN définie par

N est une norme ℓp arbitraire sur ℝn (ou toute autre norme croissante sur (ℝ+)n pour l'ordre produit) et munir E = ∏k∈ℕEk de la distance d définie par

où chaque distance sur Ek est au préalable remplacée si nécessaire par une distance équivalente dk majorée par une constante indépendante de k. On vérifie facilement[2] que dN et d sont bien des distances sur les ensembles correspondants et que les topologies qu'elles définissent sur ces ensembles coïncident avec les topologies produit (les calculs montrent même que non seulement les deux topologies coïncident, mais aussi les deux structures uniformes dont elles sont issues, sous réserve d'avoir choisi, dans le remplacement préalable des dk, des distances équivalentes uniformément et pas seulement topologiquement)[6].

Si chaque dk est la distance discrète, ce choix de d donne : si xy, d(x, y) = 2kk est le plus petit n tel que xnyn. Des exemples sont l'espace de Baire et les anneaux topologiques de séries formelles.

En revanche, un produit non dénombrable d'espaces topologiques non grossiers n'est jamais métrisable, ni même séquentiel.

Équivalence d'espaces métriques

En comparant deux espaces métriques il est possible de distinguer différents degrés d'équivalence. Pour préserver au moins la structure topologique induite par la métrique, une fonction continue entre les deux est requise.

Deux espaces métriques (M1, d1) et (M2, d2) sont dits :

  • topologiquement isomorphes (ou homéomorphes) s'il existe un homéomorphisme entre eux ;
  • uniformément isomorphes s'il existe entre eux une bijection uniformément continue dont la réciproque est uniformément continue.
  • Lipschitz-équivalents s'il existe une bijection de l'un sur l'autre qui est lipschitzienne ainsi que son application réciproque.
  • isométriquement isomorphes s'il existe une isométrie bijective entre eux. Dans ce cas les deux espaces sont essentiellement identiques. Une isométrie est une fonction f : M1M2 qui préserve les distances : d2(f(x), f(y)) = d1(x, y) pour tout x, y dans M1. Les isométries sont forcément injectives.
  • semblables s'il existe une constante positive k > 0 et une bijection f : M1M2, appelée similitude, telle que d2(f(x), f(y)) = k d1(x, y) pour tout x, y dans M1.
  • similaires s'il existe une bijection f : M1M2, appelée similarité, telle que d2(f(x), f(y)) = d2(f(u), f(v)) si et seulement si d1(x, y) = d1(u, v) pour tous x, y, u, v dans M1.[réf. souhaitée]

Deux espaces euclidiens similaires sont nécessairement homéomorphes, donc de même dimension et par conséquent isométriques.

Espaces métrisables

Partant d'un espace topologique, on peut se demander s'il est métrisable. Plusieurs conditions suffisantes pour cela ont été trouvées.

  • La première réellement utile est due à Urysohn ; elle dit que tout espace régulier à base dénombrable est métrisable (cette forme de la condition a en fait été prouvée par Tychonov en 1926. Ce qu'Urysohn avait trouvé, dans un article publié en 1925, était que tout espace normal à base dénombrable est métrisable). Par exemple, toute variété à base dénombrable est métrisable. Également un compact est métrisable si et seulement s'il est à base dénombrable.
  • Cette condition suffisante d'Urysohn (régularité + base dénombrable) a été transformée en une condition nécessaire et suffisante (régularité + base dénombrablement localement finie) par Bing, Nagata et Smirnov.
  • Smirnov a aussi prouvé qu'un espace est métrisable si et seulement s'il est paracompact et localement métrisable (un espace est dit localement métrisable si chaque point a un voisinage métrisable). En particulier, une variété est métrisable si et seulement si elle est paracompacte.

Notes et références

  1. Jean Dieudonné, Éléments d'analyse, t. I : Fondements de l'analyse moderne [détail des éditions], 3e éd., p. 34.
  2. a et b Pour plus de détails, suivre par exemple le lien en bas de page vers Wikiversité.
  3. Laurent Schwartz, Analyse, vol. 1 : Théorie des ensembles et topologie, Paris, Hermann, , 404 p. (ISBN 2-7056-6161-1), p. 162.
  4. a et b Georges Skandalis, Topologie et analyse 3e année : cours et exercices avec solutions, vol. 3, Paris, Dunod, , 324 p. (ISBN 2-10-048886-4, OCLC 492144889), p. 4, 21.
  5. Jacques Dixmier, Topologie générale, PUF, p. 107.
  6. Henri Bourlès, Précis de mathématiques approfondies et fondamentales, vol. 2 : Extensions de corps, topologie et espaces vectoriels topologiques, espaces fonctionnels, faisceaux, Londres, ISTE, , 316 p. (ISBN 978-1-78405-416-8, lire en ligne), p. 101-102.

Voir aussi

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