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CumEx Files

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CumEx Files
Publication Voir et modifier les données sur Wikidata
Éditeurs clés Correctiv, Reuters, Le Monde et Die ZeitVoir et modifier les données sur Wikidata
Objet Fraude fiscale
Arbitrage de dividendesVoir et modifier les données sur Wikidata
Seite web cumex-files.com
cumex-files.com/enVoir et modifier les données sur Wikidata
Les pays concernés par la fraude.

CumEx Files est le nom de l'enquête menée par plusieurs médias internationaux (dont le quotidien français Le Monde) publiée le sur une optimisation fiscale à la limite de la légalité, via un mécanisme d'arbitrage de dividendes entre banques et investisseurs financiers « opérant en bande organisée sur les marchés ».

Un total de 55 milliards d'euros en quinze ans a été subtilisé aux fiscs nationaux de plusieurs États européens dont la France. En 2021, le vol a été réévalué à 140 milliards d'euros en 20 ans[1].

Cette optimisation fiscale poussée aux limites, nommée « Cumcum », pose la question d'un abus de droit. Ce mécanisme a été amplifié par une évolution à grande échelle, nommée « CumEx » menant à des remboursements fiscaux multiples et indus dans plusieurs pays qui sont des fraudes fiscales.

Définition de la fraude CumCum

Le Parquet national financier a précisé que « La fraude CumCum consiste pour un actionnaire étranger d'une société cotée en France à transférer temporairement, les jours qui précèdent et suivent le versement du dividende de l'entreprise, les titres qu'il détient à un établissement bancaire français », afin d'« éluder le paiement de la retenue à la source appliquée sur le paiement du dividende »[2].

L'affaire de fraude fiscale

En 2012, une affaire de fraude fiscale, nommée « CumEx », est révélée en Allemagne, après la découverte par le service des impôts allemand de nombreuses demandes indues de remboursement d'impôts. Le ministère fédéral des Finances estime le montant de la perte fiscale à 5,3 milliards d'euros[3],[4]. Le , une enquête réalisée par 19 médias européens, dont le quotidien français Le Monde[5], l'hebdomadaire allemand Die Zeit, le journal italien La Repubblica, l'agence de presse internationale Reuters et le quotidien danois Politiken, établit l'ampleur de la fraude[6]. En effet, elle dévoile l'existence d'une escroquerie à l'impôt qui a permis le détournement d'une somme avoisinant les 55 milliards d'euros.

La fraude des CumEx Files repose sur deux pratiques fisco-financières : le CumCum et le CumEx[7].

  • Le Cumcum, anglicisme pour arbitrage de dividendes. C'est une opération d'optimisation fiscale qui joue sur la différence de fiscalité entre investisseurs nationaux et étrangers. Elle consiste pour un investisseur étranger à vendre ses actions, de manière temporaire, à une banque du pays qui touche les dividendes avant imposition. La banque bénéficie ensuite du remboursement par le fisc de l'impôt sur les dividendes[8] et rétrocéde à l'investisseur, moyennant une commission, les actions et les dividendes associés et touchés par la banque. Le CumCum est une pratique à la frontière de la légalité[9],[10].
  • Le CumEx consiste, lui, à déclarer des dividendes sur des sociétés dont les actions sont échangées à haute fréquence entre plusieurs établissements bancaires mondiaux qui vont tous se déclarer propriétaires dans leur pays et bénéficiaires des dividendes associés. Les fraudeurs parviennent à se faire rembourser plusieurs fois la taxe afférente aux dividendes des actions[9],[11].

Le préjudice est estimé de l'ordre de 31,8 milliards d'euros pour l'Allemagne, de 17 milliards d'euros pour la France, de 4,5 milliards pour l'Italie, de 1,7 milliard pour le Danemark et de 201 millions d'euros pour la Belgique[12]. Entre 2005 et 2012, l'Allemagne aurait perdu entre 7 et 12 milliards d'euros. Le Danemark aurait perdu 1,4 milliard d'euros entre 2012 et 2015[13].

D'après une nouvelle évaluation réalisée en 2021, prenant en compte une plus large période (2000-2020) et une zone géographique plus importante, les journalistes arrivent à une estimation de 140 milliards d'euros[1].

Créateur et organismes financiers impliqués

Créé par Hanno Berger, un avocat fiscaliste allemand établi en Suisse et assujetti à une demande d'extradition en 2021, le montage financier et fiscal qu'il a mis au point[14] a été exploité par une cinquantaine d'établissements du secteur de la finance, dont les groupes bancaires européens Santander, Macquarie Bank, Deutsche Bank[15], mais aussi HypoVereinsbank, HSH Nordbank[16], J. Safra Sarasin[17], Commerzbank[18] ou encore BNP Paribas, Société générale, Natixis[19] et Crédit agricole [20], dans onze États européens : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, la Norvège, les Pays-Bas et la Suisse[3],[4].

Suites judiciaires

Poursuites contre le lanceur d'alerte en Allemagne

En Allemagne, le rédacteur en chef de Correctiv, Oliver Schröm, est poursuivi en justice pour avoir enfreint le secret des affaires en révélant cette affaire de fraude fiscale. Le journal réagit en dénonçant « une attaque à la liberté de la presse »[21],[22].

Poursuites diverses en Allemagne

La première ligne de défense des fraudeurs est généralement qu’ils ont simplement profité d'une faille du système juridique, mais pour le gouvernement allemand, il n'y a aucune base légale pour justifier cette idée[23] ; le 28 juillet 2021, la Cour suprême fédérale allemande a confirmé par un jugement que le remboursement d'un impôt sur les plus-values qui n'a jamais été payé est une évasion fiscale pénalement condamnable[24]. Les transactions cum-ex sont donc une infraction pénale. Et d'autres formes (dites « accords cum-cum ») de dépouillement des dividendes à la charge du contribuable allemand sont connues.

En mars 2020, les premières condamnations ont été prononcées en Allemagne. Deux anciens banquiers de HypoVereinsbank (filiale d'Unicredit), Martin Shields et Nicholas Diable, ont été condamnés à des amendes et des peines de prison[25].

L'avocat Hanno Berger a été condamné en première instance le 13 décembre 2022 à huit ans de prison par la cour de Bonn. Il devra par ailleurs rembourser la somme de 13,7 millions d'euros gagnés dans cette affaire[26].

Poursuites en France

Fin octobre 2018, le député socialiste Boris Vallaud dépose une plainte contre X pour escroquerie et blanchiment de fraude fiscale aggravées auprès du Parquet national financier[27],[28]. Une mission d’information parlementaire sur l’évasion fiscale[29] de l’Assemblée nationale a par ailleurs publié un rapport sur le bilan de la lutte contre les montages transfrontaliers[30].

Le 28 mars 2023, la Société générale, BNP Paribas, Exane, Natixis et HSBC ont fait l'objet de perquisitions dans le cadre des investigations du parquet national financier (PNF)[31]. Selon l'enquête de 16 medias internationaux, depuis 20 ans, 33 milliards d'impôts n'auraient pas été recouverts par le fisc français (140 milliards en Europe) par la pratique d'évitement fiscal qualifiée d'abus de droit[32],[33].

Poursuites au Danemark

Le trader et homme d'affaires Sanjay Shah[34] a fait l'objet de poursuites aux niveaux civil et pénal, le fisc danois a gelé l'équivalent de 470 millions d'euros sur les sept cents millions d'euros appartenant au trader et une demeure valant quinze millions de livres sterling[35]. Sanjay Shah s'est depuis réfugié à Dubaï (où il a finalement été arrêté en 2022) afin d'échapper à une possible sanction pénale et nie que ses activités liées au Cum-ex aient été illégales.

Notes et références

  1. a et b Maxime Vaudano , Jérémie Baruch, Anne Michel, « « CumEx Files » : un casse fiscal à 140 milliards, des banques françaises dans le viseur », sur LeMonde.fr, (consulté le )
  2. Martin Pereira, « Qu’est-ce que le « CumCum », cette escroquerie dont sont soupçonnées cinq banques françaises ? », sur Le Point, (consulté le )
  3. a et b AFP, « « CumEx Files » : la fraude fiscale à 55 milliards d'euros », Le Point, (consulté le ).
  4. a et b AFP, « Qu’est-ce que la "CumEx", la fraude fiscale de 55 milliards d’euros ? », Sud Ouest, (consulté le ).
  5. Jérémie Baruch, Anne Michel et Maxime Vaudano, « « CumEx Files » : l’histoire secrète du casse du siècle », Le Monde, (consulté le )
  6. (en) The Cumex files, « The Cooperation », sur cumex-files.com, (consulté le ).
  7. Agathe Dahyot, « « CumCum », « CumEx » : le scandale des dividendes expliqué simplement », sur LeMonde.fr, (consulté le )
  8. Le casse du siècle : l'énorme fraude fiscale à 55 milliards d'euros des "CumEx", La Tribune, , consulté le .
  9. a et b CUMEX : quelle responsabilité pour l’Union européenne dans la lutte contre la fraude fiscale ?, Taurillon, , consulté le .
  10. « CumEx Files" : ce que l'on sait du "pillage fiscal à 140 milliards d’euros" révélé par plusieurs médias », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
  11. Montages financiers « Cum-Ex » : déi Lénk s’interroge sur le rôle du Luxembourg sur Le Quotidien - Indépendant Luxembourgeois daté du 6 novembre 2018 et consulté le 6 novembre 2018
  12. « Le casse du siècle : l'énorme fraude fiscale à 55 milliards d'euros des "CumEx" », sur La Tribune,
  13. Anne Michel, Maxime Vaudano et Jérémie Baruch, « Comment des financiers européens ont soustrait 55 milliards au fisc », sur Le Temps,
  14. « CumEx Files" : Hanno Berger, le cerveau présumé du scandale aux 140 milliards d'euros », sur france24.com, (consulté le )
  15. John O'Donnell et Tom Sims, « Dividend windfall: Santander latest target in Germany's giant fraud probe », sur Reuters,
  16. « German bank HVB says it did "cum-ex" tax trades until 2008 », sur Reuters,
  17. « Swiss officials search Sarasin bank in German tax probe », sur Reuters,
  18. « Dividend tax scandal: how banks short-changed Germany », sur Reuters,
  19. « CumEx Files » : un pillage fiscal à 140 milliards d’euros, quatre banques françaises dans le viseur du fisc, lemonde.fr, 21 octobre 2021
  20. « CumEx Files » : les banques françaises empêtrées dans le scandale des dividendes, Le Monde, 18 octobre 2018
  21. Rachel Knaebel, « Secret des affaires : un journaliste allemand poursuivi pour avoir révélé une énorme fraude fiscale », sur Basta (consulté le )
  22. Maxime Vaudano, « La justice allemande enquête sur le journaliste à l’origine des « CumEx Files » pour violation du secret des affaires », LeMonde.fr, (consulté le )
  23. Bundestag-Drucksache 18/27000. (PDF) S. 326, consulté 26 décembre 2018
  24. Corinna Budras (2021) Strafbare Steuerdeals, Frankfurter Allgemeine Zeitung, 29 Juillet, S.19
  25. Nathalie Steiwer, « Fraude fiscale : première condamnation en Allemagne dans l'affaire « Cum-ex » », Les Echos, (consulté le ).
  26. Nathalie Steiwer, « Fraude au dividende : l'avocat au centre de l'affaire CumEx condamné à huit ans de prison » Accès libre, Les Échos, (consulté le )
  27. Enora Ollivier, « « CumEx Files » : une plainte déposée au Parquet national financier », sur LeMonde.fr, (consulté le )
  28. "CumEx Files" : un collectif citoyen porte plainte auprès du parquet national financier sur La Tribune daté du 30 octobre 2018 et consulté le 6 novembre 2018
  29. http://www2.assemblee-nationale.fr/15/missions-d-information/missions-d-information-communes/bilan-de-la-lutte-contre-les-montages-transfrontaliers
  30. http://www.assemblee-nationale.fr/15/rap-info/i2252.asp
  31. Anne Michel, Jérémie Baruch, Maxime Vaudano, « La Société générale, BNP Paribas, Exane, Natixis et HSBC visées par des perquisitions dans un scandale de fraude fiscale hors norme », sur LeMonde.fr, (consulté le )
  32. H.M, « Raid fiscal en piqué sur les banques », Le Canard enchaîné,‎
  33. Joël Carassio, « Justice. Fraude fiscale : qu'est-ce que le « CumCum » dont sont accusées de grandes banques ? », sur Le Journal de Saône et Loire, (consulté le )
  34. (en) Ellen Milligan, Donal Griffin et Karin Matussek, « The Unemployed Trader Who Became a $700 Million Exile », Bloomberg LP,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  35. (en) Richard Milne, « Danish prosecutors seize £15m London property over tax probe », sur www.ft.com, Financial Times (consulté le ).

Voir aussi

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Articles connexes

Scandales de l'évasion fiscale et blanchiment d’argent via paradis fiscaux :

Vidéographie

Liens externes