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Basse continue

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En musique baroque, la basse continue est une technique d'improvisation et d'accompagnement d'une partie à partir d'une basse chiffrée[1]. Les instruments utilisés pour réaliser cette partie forment le continuo[1].

Extrait de la Française des Nations de François Couperin. On peut voir sur cet exemple que les chiffres ne sont pas toujours notés. Ils n'indiquent que les accords un tant soit peu inattendus ; les accords parfaits en position fondamentale et appartenant à la tonalité ne sont pas chiffrés. Dans l'exemple ci-dessus, les chiffres indiquent soit que l'accord doit être rendu majeur (3 dièse), soit qu'il n'est pas en position fondamentale (6 ou 65), soit qu'il comporte un retard (4 – 3 dièse).

Historique

Caccini, basse continue non chiffrée, et réalisation par Dowland.
(play)

Les compositeurs de l'époque baroque écrivaient rarement l'accompagnement musical complet de la composition. Les artistes devaient en réaliser une adaptation, simplement guidés par un simple schéma appelé basse chiffrée. La basse chiffrée consistait en une ligne de basse écrite en notation de portée normale, mais marquée de chiffres ou d'autres symboles pour indiquer les harmonies.

Le terme « basse continue » provient de l'obligation où se trouvaient les organistes accompagnant des chœurs, à la fin du XVIe siècle, alors que les œuvres chorales n'étaient disponibles qu'en plusieurs livrets de parties séparées, de se constituer une partie de basse ininterrompue, reprenant par exemple la voix de ténor au moment où la basse se taisait, et à partir de laquelle ils pouvaient improviser un accompagnement. Certaines basses continues de cette époque reproduisent même la voix de soprano, aux moments où toutes les autres voix se taisent.

Les chiffres n'étaient ajoutés à ces basses que si les harmonies n'étaient pas celles qu'on aurait attendues : l'organiste se donnait alors à lui-même une indication chiffrée de l'accord à réaliser. Au début du baroque, la basse n'était généralement pas chiffrée. Cependant, en considérant également la partie soliste, le réalisateur pouvait généralement deviner les harmonies.

La basse continue, bien qu'un élément structurel et identitaire essentiel de la période baroque, a continué à être utilisée dans de nombreuses œuvres, principalement (mais pas uniquement) des œuvres chorales sacrées, de la période classique (jusqu'à environ 1800). Un exemple en est le Concerto en ré mineur de C. P. E. Bach pour flûte, cordes et basse continue. Les exemples de son utilisation au XIXe siècle sont plus rares, mais ils existent : les messes d'Anton Bruckner, Ludwig van Beethoven et Franz Schubert, par exemple, comportent une partie de basse continue destinée à un organiste.

Étant donné que peu de réalisations ont été écrites, sauf par les élèves, peu ont survécu (un mouvement de sonate de Bach est considéré comme une rare exception pour ce compositeur majeur.) La notation avait ce défaut intrinsèque « que sans avoir entendu un compositeur jouer ses propres basses continues, personne ne pouvait connaître les effets précis qu'il souhaitait » (car les styles et les conventions d'interprétation variaient beaucoup, non seulement de pays en pays, mais suivant les époques). En 1959, Benjamin Britten écrivait ainsi :

« [E]n Angleterre... la musique de Purcell est encore scandaleusement inconnue. Il est inconnu parce qu'une grande partie est introuvable sous forme imprimée, et qu'une grande partie de ce qui est disponible se trouve dans des réalisations franchement ennuyeuses et dépassées. Parce que toutes les chansons solos de Purcell... doivent être réalisées. Nous avons ces merveilleuses parties vocales et ces belles basses puissantes, mais rien entre les deux (même les chiffrages d'harmonie manquent souvent). Si la tradition de l'improvisation à partir d'une basse chiffrée n'était pas perdue, cela ne serait pas si grave, mais pour la plupart des gens maintenant, jusqu'à ce qu'une édition élaborée soit disponible, ces lignes froides et vides ne signifient rien, et l'incroyable beauté et la vitalité et la variété infinie de ces centaines de chansons restent méconnues. »

Continuo

La composition du continuo, ensemble qui accompagne le chant, est souvent laissée à la discrétion des interprètes (ou, dans le cas d'une grande représentation, du chef d'orchestre), et la pratique variait énormément au cours de la période baroque. Le continuo est constitué d'un ou plusieurs instruments monodiques gravesvioloncelle, viole de gambe, basson... — qui jouent la ligne de basse écrite, et un ou plusieurs instruments harmoniques capable de jouer des accords — clavecin, orgue, théorbe, luth, guitare baroque... — qui « réalisent », c'est-à-dire qui complètent l'harmonie.

Les instruments monodiques graves (cordes et bassons) jouent la partie de basse telle qu'elle est écrite, mais les instruments jouant des accords utilisent souvent des basses chiffrées.

Réalisation

Le joueur de clavier (ou d'un autre instrument jouant des accords) « réalise » (c'est-à-dire ajoute de manière improvisée) une partie de basse continue en jouant, au-dessus de la ligne de basse notée, des notes permettant de compléter les accords, qui peuvent être déterminées à l'avance, ou improvisée pour une interprétation. Les musiciens expérimentés intègrent parfois des motifs trouvés dans les autres parties instrumentales dans leur accompagnement d'accords improvisé.

La réalisation d’une basse chiffrée présente un défi supplémentaire. Il ne suffit pas que les harmonies correctes (considérées comme des notes empilées verticalement) soient jouées ; les notes doivent se succéder horizontalement selon certaines règles de conduite des voix, qui à l'époque baroque étaient assez strictes[2]. Le réalisateur, tout en suivant généralement le schéma harmonique indiqué, a le choix sur l'effet rythmique, l'ouverture des accords, l'ornementation, l'arpégiation, l'imitation et le contrepoint.

La notation en basse chiffrée est un guide, mais les interprètes doivent également utiliser leur jugement musical et les voix des autres instruments ou voix (notamment la mélodie principale et les altérations qui pourraient y être présentes) comme guide. L'harmonie peut également être jouée en fonction de la « règle des octaves ». Une absence de chiffrage ne signifie donc pas nécessairement un accord naturel, comme pour le chiffrage moderne. L'expression tasto solo indique que seule la ligne de basse (sans aucun accord supérieur) doit être jouée pendant une courte période, généralement jusqu'à ce que le chiffrage suivant soit rencontré. Cela demande à l'instrumentiste qui joue des accords de ne jouer aucun accord improvisé pendant un certain temps.

Les partitions de l'époque baroque étaient truffées d'erreurs de copiste ou d'imprimeur, et parfois d'erreurs de jugement de la part du compositeur lui-même. En conséquence, le réalisateur devait être prêt à les repérer et à les corriger. Ainsi, non seulement les harmonies figurées, mais même la ligne de basse explicite peuvent occasionnellement être modifiées. Comme le soulignait C.P.E. Bach :

« Lorsque le continuo n'est pas doublé par d'autres instruments, et que la nature de la pièce le permet, l'accompagnateur peut apporter des modifications impromptues à la ligne de basse en vue d'assurer des progressions correctes et douces des parties intérieures, tout comme il modifierait une figure défectueuse. Et combien de fois cela doit-il être fait ! »

Les éditions modernes de pièces en basse continue fournissent généralement une partie de clavier entièrement réalisée, au lieu de laisser une improvisation libre. Cependant, avec l'essor des reconstitutions historique, on rencontre de plus en plus d'interprètes capables d'improviser leurs parties, comme l'auraient fait les musiciens baroques.

Ostinato

Un ostinato, également appelé basse obstinée, est un cas particulier de basse continue : un motif est répété par la basse tout le long du morceau. Le procédé apparaît dans des pièces telles que des chaconne, passacaille et les grounds (en Angleterre), etc. Un exemple célèbre de son utilisation est le Canon en ré majeur de Johann Pachelbel.

Bibliographie

Principaux traités rédigés en français

  • Nicolas Fleury, Méthode pour apprendre facilement à toucher le théorbe sur la basse continue, Paris, 1660/R.
  • Guillaume-Gabriel Nivers, L'Art d'Accompagner sur la Basse Continue, Paris, 1689.
  • Jean-Henry d'Anglebert, « Principes de l'accompagnement », Pièces de clavecin, I, Paris, 1689.
  • Étienne Denis Delair, Traité d'accompagnement pour le théorbe et le clavessin (sic), Paris, 1690/R.
  • François Couperin, Règles pour l'accompagnement [c 1698] ; ed. Œuvres complètes, Paris, 1933.
  • Jacques Boyvin, « Traité abrégé d'accompagnement pour l'orgue et pour le clavessin », Second livre d'orgue, Paris, 1700, 2/c1705.
  • Sébastien de Brossard, Dictionnaire de musique, Paris, 1703/R, 3/c1708/R.
  • Michel de Saint-Lambert, Nouveau traité de l'accompagnement du clavecin, de l'orgue, Paris, 1707.
  • François Campion, Traité d'accompagnement, Paris, 1716/R.
  • Louis-Nicolas Clérambault, Règles d'accompagnement, 1716, MS.
  • Jean-François Dandrieu, Principes de l'accompagnement du clavecin, Paris, 1718.
  • Jean-Philippe Rameau, Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels, Paris, 1722/R.
  • François Campion, Addition au traité d'accompagnement, Paris, 1730/R.
  • Laurent Gervais, Méthode pour l'accompagnement du clavecin…, Paris, 1733.
  • Michel Corrette, Le Maître de clavecin pour l'accompagnement : méthode théorique et pratique, Paris, 1753/R.
  • Cl. de La Porte, Traité théorique et pratique de l’accompagnement du clavecin…, Paris, 1753/ R Genève, 1972.
  • Charles François Clément, Essai sur l'accompagnement du clavecin, Paris, 1758.
  • Jean-Philippe Rameau, Code de musique pratique, Paris, 1760/R.
  • P.J. Roussier, Traité des accords et de leur succession selon le système de la basse fondamentale, pour servir de principes d’harmonie à ceux qui étudient la composition ou l’accompagnement du clavecin, Paris, 1764.
  • H. Garnier, Nouvelle méthode pour l'accompagnement du clavecin…, Paris, [1767].
  • Anton Bemetzrieder, Leçons de clavecin et principes d'harmonie, Paris, 1771.

Méthodes modernes

  • Hermann Keller, Schule des Generalbass Spiels, éd. Bärenreiter, Kassel, 1931-1955.
  • Erich Wolf, Exercices de la Basse continue, éd. Breitkopf, Wiesbaden, 1971.
  • Jesper Bøje Christensen, Les Fondements de la Basse Continue au XVIIIe siècle, Bärenreiter, Bâle, 1995.
  • Louise Bourmayan et Jacques Frisch, Méthode de basse continue à l’usage des amateurs, éd. Les Cahiers du Tourdion, Strasbourg, 1996.
  • Michel Laizé, La Basse continue pour Petits et Grands, Strasbourg, Les Cahiers du Tourdion, 2001.
  • Martial Morand, Méthode de basse chiffrée, trois volumes, 2006-2012[3].

Bibliographie

  • Philippe Gouttenoire et Jean-Philippe Guye, Vocabulaire pratique d'analyse musicale, Delatour France, , 128 p. (ISBN 978-2-7521-0020-7)

Notes et références

Références

  1. a et b Gouttenoire 2006, p. 20
  2. Les interprètes sont censés éviter les quintes ou octaves consécutives, la duplication de la sensible, et bien d'autres d'autres pièges.
  3. « Methodes de basse-chiffrée par Martial Morand », sur jacques.duphly.free.fr (consulté le ).

Articles connexes