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Refroidissement d'atomes par laser

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Le refroidissement d'atomes par laser est une technique de refroidissement qui permet d'atteindre dans certaines conditions des températures ultra-basses de l'ordre du nanokelvin (10-9 K).

Les plasmas ultra-froids ainsi obtenus ont permis d'accomplir de nombreuses expériences qui n'étaient jusque-là que des expériences de pensée, comme celles portant sur le condensat de Bose-Einstein.

Refroidissement

Principe

La température d’une assemblée d’atomes correspond à l’agitation, dite thermique, qui y règne : elle est liée aux vitesses microscopiques que conservent les atomes, malgré l’immobilité apparente de l’assemblée à l’échelle macroscopique. Selon le modèle des gaz parfaits, une description de la répartition des vitesses des atomes par la statistique de Maxwell-Boltzmann permet d’obtenir le résultat suivant (où est la vitesse quadratique des atomes de l’assemblée et la constante de Boltzmann):

Atteindre des températures proches du zéro absolu (0 K) consiste donc à faire tendre vers zéro les vitesses des atomes. Il suffit en conséquence d’exercer sur chaque atome de l’assemblée une force proportionnelle à sa vitesse , opposée à elle, de la forme:

En effet, en négligeant l’action de la pesanteur, il s’ensuit d’après l’équation de la dynamique:

Soit:

Il s’en déduit un temps de refroidissement ? caractéristique :

Remarque : a priori, selon la relation dynamique ci-dessus, il n’y a pas de limite à la diminution de la vitesse des atomes, donc de la température. Nous verrons qu’il existe en réalité un autre terme constant dans la relation régissant l’évolution de la vitesse quadratique et donc de la température, qui entraîne l’existence d’un seuil des températures accessibles.

Interaction d’un atome avec un rayonnement incident résonant

Considérons un atome dans un faisceau laser incident résonant: sa fréquence peut permettre une transition atomique entre deux niveaux d'énergie et , soit . Nous allons ici voir comment les phénomènes d'absorption et d'émission spontanée peuvent donner naissance à une force qui pousse l'atome dans le sens de propagation de l'onde, et permet donc de le manipuler.

Vitesse de recul

Que se passe-t-il lorsqu'un atome absorbe un photon? Celui-ci arrive avec une quantité de mouvement

Lors du choc, l'atome recule dans le sens de propagation de l'onde incidente. La conservation de la quantité de mouvement donne . Puis il se désexcite par émission spontanée. L'atome va de nouveau reculer, avec , mais cette fois dans une direction aléatoire.

Pour mesurer l'importance de ce phénomène, on introduit une vitesse caractéristique, dite vitesse de recul. Elle représente la vitesse qu'acquiert un atome initialement au repos par absorption ou émission d'un photon, soit . Par exemple pour l'atome de rubidium couramment utilisé lors de la manipulation d'atomes froids, et , . Or à température ambiante, l'agitation thermique confère aux molécules d'un gaz une vitesse de l'ordre de . L'action d'une absorption perturbe donc peu le mouvement d'un atome. Seule l'utilisation de lumière laser résonante permet de cumuler l'effet d'un cycle de fluorescence (absorption/émission spontanée) et d'utiliser efficacement ce phénomène pour agir sur un atome.

Pression de radiation

En effet, que se passe t-il lorsqu'on soumet un atome à un rayonnement laser incident résonant? L'atome absorbe un photon, donc recule dans le sens de propagation de l'onde. Puis il se désexcite, reculant encore de , mais dans une direction aléatoire. L'atome étant toujours soumis au rayonnement incident, il va ainsi sans cesse absorber puis émettre des photons. Pour l'isotope 87 du Rubidium, comme la durée de vie d'un état excité est de l'ordre de , un atome restant à la résonance effectue en moyenne cycles en une seconde! Dans une première approche, seule l'action de l'absorption intervient, puisqu'elle s'effectue toujours dans le même sens tandis que l'effet de l'émission spontanée est en moyenne nul. On peut alors évaluer l'accélération de l'atome. La variation de sa vitesse en une seconde vaut , le nombre d'absorptions en une seconde, fois la variation de sa vitesse lors d'une absorption, environ . Au final, l'atome subit une accélération de l'ordre de !

Ceci permet d'arrêter des atomes ayant une vitesse initiale de quelques centaines de mètres par seconde en quelques millisecondes, sur quelques mètres, et rend les manipulations d'atomes lents en laboratoire possibles! Par exemple, un atome de Rubidium passe d'une vitesse initiale de 300 à environ 10 en absorbant 50 000 photons. Comme la durée de vie du niveau excité utilisé est petite, 27 ns, ceci prend 3 ms, et l'atome est arrêté sur 1 mètre.


La force qui résulte du cumul de tous ces cycles de fluorescence successifs est appelée action de pression résonante.

Refroidissement Doppler

Nous allons voir comment l'utilisation de la force de pression de radiation, couplée à l'Effet Doppler-Fizeau, permet de refroidir une assemblée d'atomes.


On va utiliser des lasers qui, dans le laboratoire, auront une pulsation . Comme l'atome est en mouvement, se déplaçant à la vitesse (négligeable devant c) par rapport au laboratoire, l'onde lui apparaîtra avec une fréquence légèrement différente, (plus grande s'il se rapproche du laser, plus petite s'il s'en éloigne).

Considérons deux lasers face-à-face, contre-propageants, accordés sur une même fréquence plus petite que la fréquence de résonance , et un atome entre les deux. Si l'atome est immobile, la situation est symétrique, la force de pression est nulle. Imaginons que l'atome se déplace vers la droite. Le laser de droite lui apparaîtra comme ayant une fréquence , donc plus proche de la résonance que . D'autre part, le laser de gauche semblera avoir une pulsation , plus éloignée de la résonance. L'atome va donc absorber beaucoup plus de photons venant de la droite que de la gauche, et sera donc globalement repoussé vers la gauche et freiné.

Il suffit ensuite d'installer 6 faisceaux, accordés deux par deux comme dit précédemment, suivant les trois directions de l'espace pour faire une mélasse optique dans lequel un atome subit une force de frottement fluide .



Piégeage

Pour obtenir de meilleurs résultats expérimentaux, il est nécessaire de concentrer l’assemblée d’atomes dans un volume restreint. C’est le piégeage. Le piégeage consiste à exercer une force de rappel sur les atomes, de la forme (où est le vecteur position de l’atome) :

L’objet des sections suivantes consiste à montrer comment imposer de telles forces sur chaque atome d’une assemblée, déterminer les constantes et et finalement en déduire une estimation de la température minimale accessible grâce aux diverses techniques exposées.

Voir aussi