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Ernest Fourneau

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Ernest FOURNEAU est le fondateur de la chimie thérapeutique française. Directeur du service de recherche scientifique des Établissements POULENC Frères (1903-1911), chef de service du Laboratoire de chimie thérapeutique de l'Institut Pasteur (1911-1944), directeur d'un laboratoire de recherches de Rhône-Poulenc (1946-1949), on lui doit, entre autres, la découverte de la stovaïne (du nom anglicisé de son inventeur), premier anesthésique local de synthèse, la mise au point du Stovarsol, antisyphilitique dérivé de l’arsenic, et l’élucidation de la structure du 205 Bayer, efficace contre la maladie du sommeil. Il faut encore porter à son crédit la découverte des sulfamides, aboutissement de recherches menées sous sa direction.

Chronologie

1872. Naissance à Biarritz, le 4 octobre, de Jean FOURNEAU et Marie-Pauline BORDES, hôteliers à l’Hôtel de France puis propriétaires de l’Hôtel Victoria.

1882-1889. Études secondaires au Lycée de Bayonne.

1889. Baccalauréat de l’Enseignement spécial, à Bordeaux.

1889-1892. Stage chez Félix MOUREU, pharmacien à Biarritz.

1892. Examen de validation de stage, à Paris.

1892-93. Service militaire.

1893-1898. Études à l'École supérieure de pharmacie à Paris. Il suit le cours libre de chimie organique que dispense BÉHAL, basé sur la théorie et la notation atomique.

1895. Est reçu au concours de l'internat de Pharmacie.

1895-1896. Suit le cours de microbiologie de l'Institut Pasteur.

1898. Diplôme de Pharmacien.

1899 Stage auprès de Charles MOUREU, pharmacien en chef des asiles de la Seine, qui lui enseigne les méthodes de la chimie organique.

1899-1902. Séjour en Allemagne, d'abord à Heidelberg, chez CURTIUS et GATTERMAN, afin de perfectionner ses connaissances en chimie organique, puis à Berlin, chez Emil FISCHER, spécialiste de la chimie des sucres et de celle des purines, enfin chez Richard WILLSTÄTTER, à Munich, où il s'initie à la chimie des alcaloïdes.

1900-1907. Exploite une officine rue de Lyon, à Paris, avec R. FERDINAND, l'un de ses anciens condisciples à la faculté de Pharmacie.

1903. Découvre un anesthésique local de synthèse, la stovaïne. Fonde avec M. TIFFENEAU un groupe-ment de jeunes chimistes : La molécule. Marcel DELÉPINE, BLAISE, SOMMELET, Justin DUPONT, DELANGE, G. BERTRAND, VALEUR, Henri MASSON, STOFFEL en sont les premiers membres. Au début de la guerre 1914, de jeunes industriels les rejoignent, comme Camille POULENC, Francis BILLON ou ALBERT-BUISSON.

1903-1911. Crée et dirige le service de recherche scientifique des Établissements Poulenc Frères (Ivry) qui ont entrepris de se diversifier vers la recherche et la fabrication de médicaments organiques de synthèse.

1904. Reçoit le Prix GOBLEY (partagé avec Léon BRUNEL), pour une « Étude sur les amino-alcools et les éphédrines synthétiques ».

1906. Épouse Claudie SEGOND, fille du chirurgien Paul SEGOND et petite-fille de la femme de lettres Juliette ADAM. Le couple aura trois fils.

1907. Premiers travaux sur les arsenicaux et l'atoxyl, que FOURNEAU identifie à l'arsénanilide de BÉCHAMP.

1910. Reçoit le prix NATIVELLE de l'Académie de médecine.

1911. Mise au point de la fabrication d'un antiparasitaire puissant, le néosalvarsan, que Francis BILLON développera à grande échelle pendant la guerre de 1914-1918.

1911-1944. Crée et dirige à l'Institut Pasteur, à la demande de E. ROUX, un laboratoire de chimie thérapeutique. Viennent y travailler notamment : J. et Th. TRÉFOUËL, G. BENOIT, Y. DE LESTRANGE, D. BOVET, F. NITTI, Ph. NITTI-BOVET. De grands médicaments voient le jour, développés en collaboration avec les Ets Poulenc Frères.

1913. Reçoit le prix BERTHELOT de l'Académie des sciences.

1914-1918. Mobilisé comme pharmacien aide-major de 2e classe au laboratoire d'analyses de la Pharmacie centrale, puis attaché comme chimiste à la direction des Inventions, études et expériences techniques.

1917. Donne un cours de chimie pharmaceutique à la faculté de Pharmacie de Madrid, où il met en place le laboratoire des travaux pratiques de synthèse des médicaments, confié à CASARES GIL. Cours et travaux pratiques sont réunis dans un ouvrage paru en 1921 et traduit en plusieurs langues.

1919. Est élu membre de l'Académie de médecine.

1919-1933. Est secrétaire général de la Société chimique de France.

1920. Devient membre titulaire de la Société de biologie.

1920-1921. Crée un cours de Chimiothérapie à l’Université de Madrid, et le professe pendant deux ans.

1921. Met au point un médicament dérivé de l'arsenic, le Stovarsol, dont C. LEVADITI teste l'efficacité contre la syphilis.

1923. Prend l'initiative, au nom de la Société chimique de France, de renouer des relations intellectuel-les avec les chimistes d'URSS, auxquels il adresse d'abord une aide matérielle, puis l'envoi gratuit de la collection du Bulletin de la Société chimique de France.

1924. Réussit à élucider la structure chimique complexe d'un médicament efficace contre la maladie du sommeil, le 205 Bayer ou Germanine, dont la formule est tenue secrète par les allemands. Baptisé par FOURNEAU 309 F, il est fabriqué par Rhône-Poulenc sous le nom de Moranyl.

1924. Devient membre titulaire de la Société de pathologie exotique.

1926. Devient membre de la section française du Comité franco-allemand d'information et de documentation, fondé par l'industriel luxembourgeois Émile MAYRISCH.

1935. Dirige les recherches de D. BOVET, F. NITTI et des époux TRÉFOUËL sur une matière colorante, le prontosil, étudiée par le chimiste allemand R. DOMAGK, et capable de guérir des affections à streptocoques. Ce travail aboutit à la découverte des sulfamides, dont l'usage va bouleverser la thérapeutique des maladies infectieuses microbiennes.

1935-1939 Vice-présidence française du Comité France-Allemagne, dont Otto ABETZ est le vice-président allemand. Milite dans les salons parisiens pour une entente économique, scientifique et culturelle avec l'Allemagne, seule capable, selon lui, d'assurer une paix durable en Europe.

1938-1939. Vice-présidence de la Société de pathologie exotique, dont E. ROUBAUD est le président.

1939-1940. Est chargé par l'État-major de l'Armée de la direction d'un laboratoire de recherche pour la découverte de substances agressives et pour la protection contre les gaz de combat allemands.

1942. Se rend à ses frais en Espagne pour obtenir la libération du chimiste MOLÉS, arrêté et menacé de mort pour avoir combattu dans les rangs républicains.

1942-1944. Préside le Comité consultatif de la littérature et de la documentation scientifiques du Groupement de la presse périodique.

12/1945. Est interné à la caserne des Tourelles à la Libération, puis relâché à la suite d'une pétition signée par de nombreux scientifiques français ou étrangers, dont F. JOLIOT-CURIE.

1946-1949. Prend la direction du laboratoire de recherche que Rhône-Poulenc a créé pour lui dans l'ancien hôtel du duc de Chartres, rue Jean-Goujon, à Paris.

07/07/1948. Présente sa dernière communication à l'Académie de pharmacie, une étude sur les curares, qu'il signe avec Maurice-Marie JANOT.

1949. Meurt le 5 août à Ascain.

Apports scientifiques

Pour donner une idée de l’ampleur des contributions de FOURNEAU aux progrès de la chimie thérapeutique, on peut introduire ce trop bref exposé par la simple énumération des domaines qu’il a explorés : Les amino-alcools et oxydes d’éthylène ; les éphédrines ; les acides aminoalcools ou acides oxyami-nés ; les alcaloïdes ; la stéréochimie ; les uréides hypnotiques ; les urées complexes (avec M. et Mme TRÉFOUËL et VALLÉE) ; les composés arsenicaux ; le mercure ; le paludisme ; les sulfamides (avec les TRÉFOUËL, F. NITTI et D. BOVET) ; et enfin la chimiothérapie du système Sympathique.

Nous ne retiendrons, pour simplifier, que les deux axes principaux des recherches de FOURNEAU :

Le premier de ces axes concerne l’étude des amino-alcools et de leurs dérivés :

FOURNEAU inaugure ses travaux dans ce domaine par la découverte de la stovaïne, ester d’amino-alcool, le premier anesthésique local de synthèse. En collaboration avec BOVET, il poursuit dans cette voie et aboutit, entre autres, aux premiers adrénolytiques (antihypertenseurs) et aux premiers antihistaminiques (antiallergiques) de synthèse. Ces molécules vont conduire les chimistes de Rhône-Poulenc au Phénergan puis, par DECOURT et LABORIT, au premier tranquillisant majeur, le Largactil (chlorpromazine) qui, avec ses successeurs, révolutionnera le traitement des maladies nerveuses.

L’autre grand axe des recherches de FOURNEAU est celui de la chimiothérapie infectieuse :

Depuis la découverte par EHRLICH du premier antisyphilitique efficace, le Salvarsan, ce domaine était réservé à l’Allemagne, tant grâce aux puissants moyens que son industrie mettait à la disposition des chercheurs de haut niveau, qu’à cause du secret dont elle entourait jalousement leurs principales dé-couvertes.

Or en 1921, FOURNEAU met au point le Stovarsol, médicament efficace contre la syphilis, l’amibiase et d’autres maladies parasitaires. C’est un dérivé de l’arsenic, comme le Salvarsan, mais, contraire-ment au Salvarsan, il est stable et il est actif par voie buccale.

En 1924, il réussit à élucider la structure chimique, tenue en effet rigoureusement secrète par les Allemands, du 205 Bayer ou Germanine, médicament très efficace contre la maladie du sommeil, qui de-vient alors le 309 F ou Moranyl de Rhône-Poulenc.

Mais la plus importante des découvertes de FOURNEAU concerne les sulfamides. En 1935, dans son laboratoire de l’Institut Pasteur, M. et Mme TRÉFOUËL, NITTI et BOVET isolent l’agent actif du prontosil de DOMAGK. Ils prouvent que ce p-aminobenzène-sulfamide (appelé 1162 F pour marquer son origine) agit contre les infections à streptocoques du lapin et de la souris. Ils annoncent que de nombreux dérivés voisins, déjà préparés au laboratoire de FOURNEAU, possèdent la même action protectrice. La voie vient d’être ouverte, de la sulfamidothérapie et de ses prolongements : les sulfones antilépreux et les sulfamides diurétiques et antidiabétiques. Par souci de mettre en valeur ses jeunes collaborateurs, FOURNEAU ne signe pas la publication.

À propos de cette découverte capitale, aux retombées considérables, il faut citer Marcel DELÉPINE, membre de l’Académie des sciences, membre de l’Académie de médecine et de l’Académie de pharmacie (Ernest Fourneau (1872-1949). Sa vie son œuvre. Paris, Masson et Cie, SD) : « On est véritablement stupéfait que tous les bénéfices moraux et matériels d’une telle découverte aient été concentrés sur DOMAGK seul, par l’attribution du prix Nobel, alors que les applications et les bienfaits in-nombrables de la thérapeutique sulfamidée dérivent uniquement de la découverte faite à l’Institut Pasteur. »

Publications

On trouvera dans Marcel Delépine, Ernest Fourneau (1872-1949). Sa vie son œuvre. Extrait du « Bulletin de la Société chimique de France (Paris, Masson et Cie, SD, pp. 74-87), une liste des « Travaux et Publications » d’Ernest Fourneau.

La Médiathèque scientifique de l’Institut Pasteur publie en ligne une bibliographie d’Ernest FOURNEAU.

Récompenses

1893. Prix de Travaux pratiques de l’École de pharmacie de Paris. (Mince honneur, mais qui révèle, dans l’art de manipuler, une maîtrise que les années ne démentiront pas.)

1905. Prix GOBLEY de l’École de pharmacie de Paris (partagé avec BRUNEL).

1909. Prix de la Chambre syndicale de la Société chimique de France.

1910. Prix NATIVELLE de l’Académie de médecine.

1913. Prix BERTHELOT de l’Académie des sciences (accompagné de la médaille BERTHELOT).

1919. Prix JECKER de l’Académie des sciences.

1924. Prix PARKIN de l’Académie des sciences.

1931. Prix JECKER de l’Académie des sciences.

1941. Prix Laura MOUNIER DE SARIDAKIS de l’Académie des sciences (L’Académie, qui venait à très juste titre de récompenser les travaux si importants des TRÉFOUËL, de BOVET et de NITTI par le prix du Général MUTEAU, tint à souligner, par l’attribution du prix MOUNIER à FOURNEAU, que leur dé-couverte avait été faite sous sa direction.)

Sociétés et Académies

Françaises

1895. Membre de la Société chimique de France.

1905. Membre de la Société de pharmacie de Paris.

1919-32. Secrétaire général de la Société chimique de France.

1919. Membre de l’Académie de médecine.

1920. Membre de la Société de biologie.

1924. Membre de la Société de pathologie exotique.

1926. Membre du Comité de la section française du Comité franco-allemand d’information et de documentation.

1931. Président de la Société de pharmacie de Paris.

1935-1939. Vice-président français du Comité France-Allemagne.

1938-1939. Vice-président de la Société de pathologie exotique.

1942-1944. Président du Comité consultatif de la littérature et de la documentation scientifiques du Groupement de la presse périodique.

Étrangères

Membre d’honneur:

Société royale de pharmacie de Londres

Société de pharmacie de Grande-Bretagne

Société de chimie industrielle de Londres

Société des chimistes autrichiens Société de pharmacologie et de thérapeutique de l’Association médicale argentine

Membre:

Académie royale des sciences espagnole

Académie allemande de Léopold Caroline

Académie royale de médecine de Belgique

Académie royale de pharmacie de Madrid

Société italienne des sciences (dite Academia Dei XL)

Décorations

Françaises

Chevalier du Mérite agricole (1907)

Chevalier de la Légion d’Honneur (1916)

Officier de la Légion d’Honneur (1923)

Étrangères

Officier de l’ordre Odrodzenia Polaki (en l’honneur de la reconstitution de la Pologne)

Officier de l’ordre Seaua Romania

Officier de l’ordre de Saint-Sava

Commandeur de la Croix d’Alphonse XII

Sources

DELÉPINE Marcel, Ernest Fourneau (1872-1949). Sa vie et son œuvre. Extrait du Bulletin de la Société chimique de France, Paris, Masson & Cie, SD.

DELABY R., « E. Fourneau ». In Figures pharmaceutiques françaises. Notes historiques et portraits. 1803-1953. Masson et Cie, Paris, 1953.

FOURNEAU Jean-Pierre, « Ernest Fourneau (1872-1949) ». In Compte rendu de la séance publique annuelle de l’Académie nationale de Pharmacie, 1986.

FOURNEAU Jean-Pierre, « Ernest Fourneau, fondateur de la chimie thérapeutique française ». In Revue d'Histoire de la Pharmacie, t. XXXIV, n° 275, pp. 335-355.