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Citadelle de Kowloon

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Citadelle de Kowloon
Une photo aérienne de la citadelle prise en 1989. La naissance du nouveau parc est visible au sud des murs.
Nom local
(zh-HK) 九龍寨城Voir et modifier les données sur Wikidata
Géographie
Pays
État souverain
Région administrative spéciale
District
Coordonnées
Démographie
Population
50 000 hab. ()Voir et modifier les données sur Wikidata
Histoire
Fondation
Remplacé par
Dissolution
Carte

La citadelle de Kowloon (en chinois simplifié : 九龙城寨 ; chinois traditionnel : 九龍城寨), dans la péninsule de Kowloon, était une enclave chinoise au milieu de la colonie de Hong Kong, jusqu'à sa démolition au début des années 1990. Un parc lui a succédé. Le lieu était célèbre pour la densité exceptionnelle de sa population (pas moins de 1,9 million hab./km2 en 1987) et de son bâti, qui laissait à peine pénétrer la lumière.

La citadelle, dénommée Kowloon lors de sa création, fut établie pendant la dynastie Song, pendant laquelle elle servit de poste d'observation de la région contre les pirates et de centre de gestion de la production de sel. Elle a été reconstruite en tant que forteresse au milieu du XIXe siècle sur le même site. Après la cession de l'île de Hong Kong à la Grande-Bretagne en 1842 prévue dans le Traité de Nankin signée par les Qing, les autorités chinoises y établirent un poste militaire et administratif afin de contrebalancer l'influence des Britanniques dans le secteur.

Citadelle de Kowloon en 1915.

En vertu de la convention pour l'extension du territoire de Hong Kong signée en 1898, le Royaume-Uni obtint les « Nouveaux Territoires » en bail pendant 99 années, à l'exception de la ville murée. Celle-ci avait alors une population d'environ 700 habitants. Il fut convenu officieusement que la Chine pourrait continuer d’y garder des troupes, à condition que celles-ci n'interfèrent pas avec l'administration provisoire britannique.

Le Royaume-Uni est rapidement revenu sur le traité, attaquant la ville murée en 1899. Les Britanniques la trouvèrent abandonnée et ne firent rien par la suite de la citadelle et de son avant-poste, laissant ainsi en suspens la question de la propriété et de la nationalité du lieu. Entre les années 1890 et 1940, l'enclave était composée d'un yamen, ainsi que d'autres bâtiments, qui finirent par devenir un ensemble de constructions de faible hauteur mais extrêmement denses en population. Finalement, la citadelle resta une enclave chinoise en dépit des événements turbulents du début du XXe siècle qui entraînèrent la chute de la dynastie Qing, et l'établissement de la république de Chine en 1911, puis de la république populaire de Chine en 1949. La ville murée est restée une curiosité et une attraction pour les touristes et les coloniaux, où l'on pouvait voir « les vestiges de la vieille Chine » à Hong Kong, et ce jusqu'en 1940.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée d’occupation japonaise expulsa les habitants de la citadelle, et la démolit en grande partie – notamment son mur d'enceinte – afin d'utiliser les matériaux dans la construction de l’aéroport voisin, Kai Tak.

Après la Seconde Guerre mondiale

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Vue aérienne de la citadelle et le village adjacent en 1973.
Construction des bâtiments hauts, 1975.
Images externes
Schéma architectural — Vue latérale
Schéma architectural — Vue du dessus
Vue d'une facade extérieure, photo de fin du XXe siècle
Vue aérienne, photo de fin du XXe siècle

Après la capitulation du Japon, les squatters (soit des anciens résidents, soit plus probablement des nouveaux venus) commencèrent à habiter la citadelle, résistant à plusieurs tentatives par le Royaume-Uni en 1948 de les en expulser. Désormais sans mur pour la protéger, la citadelle devint un asile pour escrocs et toxicomanes, car la Hong Kong Police Force n'avait aucun droit d'y entrer, et aucune autorité chinoise en Chine continentale, ni seigneur de guerre, ni communiste, ou Kuomintang, ne souhaitait en prendre la responsabilité.

En 1949, la république populaire de Chine fut établie, et des milliers de réfugiés supplémentaires affluèrent, beaucoup en provenance de Guangdong, se rajoutant à la population déjà présente. L'administration coloniale britannique adopta une politique de laisser-faire. Un meurtre commis dans la citadelle en 1959 provoqua une mini-crise diplomatique entre le Royaume-Uni et la Chine. Les deux nations tentèrent de pousser l'autre à accepter la responsabilité de cette vaste parcelle de terrain pratiquement sans règle ni loi, dominée par les triades chinoises.

En tant que syndicats de crime organisé, les triades y ont été puissantes jusqu'au milieu des années 1970. En 1973-1974, une série de plus de 3 000 incursions de police ciblant les triades au sein de la citadelle les ont affaiblies. Bien que la citadelle ait été décrite comme un foyer de criminalité, la vie quotidienne y était en grande partie organisée par les habitants plutôt que par les triades. La plupart des résidents y vivaient paisiblement, et n'avaient aucun lien avec des activités criminelles. De nombreuses associations caritatives et groupes religieux aidaient à améliorer la vie des habitants, gérant des écoles et d'autres services sociaux. Le Gouvernement de Hong Kong a également fourni des services tels que l'eau et la distribution du courrier.

La puissance des triades ayant diminué, la ville murée a commencé à se développer de façon presque organique. Il n’y avait que deux règles de construction : être raccordé à l'électricité, et se limiter à quatorze étages en hauteur, pour ne pas gêner l'aéroport voisin.

La citadelle en 1989, vue d'un avion.
Une ruelle dans la citadelle, en 1993.

Les bâtiments bâtis les uns dans les autres ont transformé le quartier en un monolithe de rapiéçage de centaines de mètres carrés, à la suite de milliers de modifications et d’extensions, pratiquement sans aucune intervention d'architectes ou d'ingénieurs.

Des couloirs labyrinthiques traversaient le monolithe, certains étant d'anciennes rues au niveau du sol, souvent obstruées par les détritus, et d'autres parcourant les niveaux supérieurs, pratiquement entre les bâtiments. Les ruelles étaient éclairées par des lumières fluorescentes, car la lumière du jour y pénétrait à peine, sauf juste sous les toits. Seules huit canalisations municipales approvisionnaient en eau la structure entière (malgré la présence de puits)[1].

Au début des années 1980, la citadelle avait une population estimée à 35 000 habitants. Quartier anarchique, elle était réputée pour sa profusion de maisons closes, casinos, salons d'opium et de cocaïne, ses restaurateurs qui servaient de la viande de chien, et pour ses usines clandestines. Elle était également connue pour son nombre très élevé de cliniques de dentisterie à l'hygiène déplorable, puisque les dentistes non autorisés pouvaient y pratiquer sans risque de poursuites.

Évacuation et démolition

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Rue au bord de la citadelle pendant la nuit, en 1993.
Vue de la citadelle juste avant sa démolition, en septembre 1991.

Au fil du temps, les deux gouvernements, britannique et chinois, considéraient l'anarchie de la citadelle comme de plus en plus insupportable, malgré une criminalité en baisse dans les statistiques de la police[2]. La qualité de la vie, et les conditions sanitaires en particulier, étaient très en retard sur le reste de Hong Kong, qui devenait une cité riche et moderne.

Après la Déclaration commune sino-britannique de 1984, les autorités britanniques, avec l'accord de la Chine, décidèrent de démolir la ville et de reloger ses habitants en 1987. À ce moment-là, elle avait 50 000 habitants sur 0,026 km2. À cette densité (équivalente à 1 923 076 habitants/km2), la citadelle fut considérée jusqu'à sa destruction au début des années 1990 comme le quartier le plus densément peuplé au monde[3],[4],[5].

L'évacuation, commencée en 1991, fut achevée en 1992. Le gouvernement dépensa jusqu'à 3 milliards de dollars de Hong Kong pour reclasser les résidents et les commerçants. Quelques résidents, parmi ceux qui n'étaient pas satisfaits de la compensation, ont tenté en vain d'empêcher la démolition en usant de tous les moyens à leur disposition.

Avant sa démolition définitive, un groupe d'explorateurs japonais mit environ une semaine pour voyager dans la ville murée déserte, établissant une sorte de carte et une coupe de la ville[6]. Le film Crime Story (1993) avec Jackie Chan a été en partie tourné dans la citadelle abandonnée, et de vraies scènes d'explosions de bâtiments faisaient partie du montage final.

Après la démolition en 1993, la construction d'un parc démarra en sur le site.

Le parc de la citadelle

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Le parc de la citadelle, vestiges de la porte Sud en premier plan.

L'ancien site de la citadelle se trouve dans la zone administrative de Kowloon City. Achevé en , le parc de la citadelle de Kowloon (九龍寨城公園), qui fait partie du parc de la Carpenter Road, est un parc préservant l'héritage historique de la citadelle d'origine.

Le parc fut conçu dans le style d'un jardin chinois Jiangnan (江南園林) du début de l'époque Qing. Il est divisé en huit zones, la pièce maîtresse étant le Yamen, un bâtiment comportant trois salles, entièrement restauré dans le style de la dynastie Qing et hébergeant une exposition de photos et quelques reliques utilisées ou retrouvées dans la ville murée.

Il y a aussi deux canons, cinq inscriptions en pierre et trois vieux puits préservés dans divers endroits dans le parc.

Les huit parties du parc sont :

  • Le Yamen
  • La vieille porte Sud
  • Les huit circuits de promenade
  • Le jardin des Quatre Saisons
  • Le jardin d'astrologie
  • Le jardin des échecs – avec 4 échiquiers chinois géants
  • Le Pavillon de la vue de la Montagne
  • Les Pavillons Guibi et Fui Sing

À l'origine, le bâtiment du Yamen était le bureau administratif et la résidence du magistrat adjoint de Kowloon. Le bâtiment est une structure à trois halls conçue de manière simple et fonctionnelle, sans ornements élaborés. Le hall du milieu servait comme bureau tandis que le hall arrière servait de résidence de l'officier.

Après le départ des fonctionnaires de Qing en 1899, le bâtiment du Yamen a été employé par divers organismes chrétiens, comprenant une maison de la vieillesse, la maison pour veuves et orphelins, une école et une clinique. En 1996, le Yamen a été reconstitué pour témoigner de son passé historique.

Vestiges de la porte Sud de la citadelle

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Les recherches archéologiques ont été menés par le bureau des antiquités et monuments en 1993 et 1994[7].

Des vestiges culturels tels que deux plaques (de la porte sud originale) en pierre portant les inscriptions « 南門 » (porte Sud) et « 九龍寨城 » (citadelle de Kowloon) ont été retrouvées. Les fondations du mur de la ville, un fossé d’évacuation et un chemin dallé ont été découverts. Par ailleurs, les fondations des portes Sud et Est originales ont été retrouvées en particulièrement bon état de préservation.

Le yamen et ce qui reste du vieux portail sud de la citadelle ont été conservés tels quels. Ils furent classés aux monuments déclarés de Hong Kong en 1996.

Référence dans la culture populaire

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Jeux vidéo

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  • La ville de Kowloon apparaît dans le jeu vidéo Shenmue 2, sorti sur Dreamcast[réf. nécessaire].
  • La citadelle apparaît dans la mission « Numbers » du jeu vidéo Call of Duty: Black Ops sorti en 2010.
  • La citadelle est au centre du jeu vidéo Kowloon's Gate (en) développé par Zeque sur PlayStation en 1997.
  • La ville de Golem City dans Deus Ex: Mankind Divided est inspirée de Kowloon.
  • La citadelle a inspiré l'univers du jeu Stray sorti en 2022.
  • Dans les jeux vidéos Digimon Story: Cyber Sleuth, les zones abandonnées d'Eden, le cyber espace en ligne dans lequel se déroule l'histoire, s'appellent Kowloon. Il s'agit de zones modifiées et développées par des hackers au fil du temps et on y trouve toute sorte de choses : des clubs aux arènes de combat en passant par les commerces, etc. C'est un réseau labyrinthique de morceaux de codes et constructions inachevées, repaire de toutes sortes de personnages parfois peu fréquentables.
  • Le jeu d'horreur Welcome to Kowloon se déroule dans la citadelle de Kowloon.
  • Une partie de l'intrigue du jeu Shadowrun: Hong Kong est liée à la Citadelle de Kowloon.

Littérature

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Notes et références

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  1. « City of shadow(cat)s ».
  2. Pamela Owen, « Kowloon Walled City: A rare insight into one of the most densely populated places on earth which housed 50,000 people », sur Mail Online, (consulté le )
  3. « Kowloon : la citadelle de l'ombre », .
  4. Marc Durel, « Kowloon Walled City : l'histoire du quartier sans lois de Hong-kong, le plus densément peuplé du monde », sur gentside.com (consulté le ).
  5. (en) Wilfred Chan, « Kowloon Walled City: In Hong Kong, it was the densest place on Earth », sur edition.cnn.com, (consulté le ).
  6. « Internet Kowloon Walled City », .
  7. « Geographical Information System on Hong Kong Heritage », sur www5.lcsd.gov.hk.
  8. Clémence Leleu, « Ghost in the Shell”, une architecture entre deux mondes », sur Pen Magazine International, (consulté le ).

Bibliographie

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  • Ian Lambot et Greg Girard, City of Darkness: Life In Kowloon Walled City, Watermark, 1999.

Liens externes

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