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Jardin ethnobotanique

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Un jardin ethnobotanique est un jardin botanique qui accueille des plantes connues pour leur relation étroite avec l’homme. Il a une importance pédagogique et culturelle, dans la mesure où il raconte l’histoire de l’homme[1].

Le jardin ethnobotanique accompagne la naissance du champ d'étude ethnobotanique dès la fin du XIXe siècle.

Sa vocation est diverse : conservatoire de plantes, redécouverte et protection de savoirs ancestraux, jardin-musée à visée culturelle ou pédagogique.

L'histoire du développement des jardins ethnobotanique accompagne le développement de cette discipline.

Dès 1895, lors de la naissance du concept d'ethnobotanique, John William Harshberger associe aux départements d'ethnobotanique la création d'un jardin destiné à fournir les plantes servant de support aux études sur ce sujet[2],[3]

En France, en 1943, les botanistes André-Georges Haudricourt et Louis Hédin promeuvent l'ethnobotanique dans leur ouvrage L'homme et les plantes cultivées et conseillent la création de jardins d'études dans lesquels seraient cultivées les plantes pour analyser leur écologie et leur génétique[4]. Pour Roland Portères (1963) le jardin ethnobotanique est aussi un lieu de rassemblement de plantes vivantes[5]. En 1995, Gary J. Martin (en), dans son ouvrage Ethnobotany, leur confère en outre une vocation de sauvetage des plantes utiles et de préservation des savoirs ancestraux[6].

En France, l'ethnobotanique se développe à partir des années 1960[7], notamment avec l'établissement d'un laboratoire d’ethnobotanique au Muséum national d'histoire naturelle en 1967[8]. Le musée de Salagon dans les Alpes-de-Haute-Provence, à la fois musée ethnologique et jardins ethnobotaniques, organise à partir de 2001 un séminaire annuel d’ethnobotanique[9].

Le principal objectif d'un jardin ethnobotanique est de présenter et conserver des plantes qui ont une utilité et/ou signification pour une population donnée. Son rôle est multiple et s'articule souvent dans plusieurs directions

Recherche scientifique

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La recherche est une part importante de l'activité d'un jardin ethnobotanique. Regroupant des équipes pluri-disciplinaire d'anthropologistes, de botanistes et d'écologistes, ces recherches visent à étudier le rôle des plantes pour les populations locales, leur capacité acclimatation, leurs interactions avec l'écosystème local. le jardin ethnobotanique est alors un laboratoire à ciel ouvert permettant des observations et des expérimentations[10].

Conservation de plantes et de savoir traditionnel

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Le jardin ethnobotanique joue un grand rôle dans la conservation des plantes menacées et la préservation des milieux dans lesquelles elles peuvent se développer.

En direction des populations locales, le jardin ethnobotanique est un laboratoire de conservation de plantes indigènes adaptées à la région et utiles à la population. Il permet aussi de conserver et transmettre des savoirs ancestraux aux jeunes générations. Grâce à la participation active des populations locales à l'exploitation du jardin ethnobotanique, il leurs offre la possibilité d'être les premières bénéficiaires de son implantation. Ainsi se mettent en place, principalement en asie, Afrique et Amérique latine[11], des programmes de réimplantation de cultures ancestrales (plantes médicinales, artisanales, alimentaires, ...) permettant à celles-ci de vivre de manière autonome[12]. En favorisant le dialogue entre populations locales, scientifiques et aménageurs du territoire, il permet de redonner à ces dernières une voix plus importante dans les décisions touchant l'aménagement et l'exploitation de ces ressources[13].

Exposé culturel ou historique

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C'est l'orientation principale dans la plupart des jardins ethnologiques d'Europe ou d'Amérique du Nord[14]. Il s'agit de présenter, à travers les plantes, les savoirs d'une population présente ou ancienne dont on cherche à découvrir la culture[15]. En Europe, on trouve principalement des jardin médiévaux ou de plantes anciennes. Dans d'autres régions du monde, le jardin ethnobotanique tend à présenter la culture des peuples natifs (peuple mexicain pour le jardin ethnobotanique d'Oaxaca (en)[16], quechua pour le projet ethnobotanique Ruta sagrada del Cóndor-Wiracocha[17], hawaiien pour le jardin ethnobotanique Amy B. H. Greenwell (en),...).

Un jardin ethnobotanique se construit donc en répondant à diverses questions : quel peuple est mis en valeur, quel aspect de sa culture, quelles plantes utilisaient-ils, comment, à quels usages[18]: nourriture, médicament, culture, cérémonie, construction, art, outils...[18]?. Il ne s'agit pas d'un exposé scientifique ou taxonomique des plantes. Comme le souligne Lieutaghi et Musset[19],« la plante ne se raconte pas, il lui faut donc des traducteurs ». Le jardin ethnobotanique doit donc se préoccuper de définir quelle histoire raconter, exposer les façons de vivre, présenter un parcours clair, balisé et immersif[20].

Le jardin ethnobotanique développe souvent également un volet pédagogique avec accueil de scolaires souvent éloignés des préoccupations écologiques et botaniques, avec ateliers de découvertes, comme les jardins ethnobotaniques de la Gardie à Rousson[21], du domaine du Rayol [22] ou d'Assise[23].

Son statut de jardin ethnobotanique l'amène naturellement à questionner le rôle de l'économie dans la culture et l'utilisation des plantes exposées[24]. De plus, par son rôle de conservatoire de plantes et de savoirs ancestraux, il est conduit à se positionner sur le partage et l'accès à ses collections[25].

Comme toute entreprise touristique et tout jardin botanique, le jardin ethnobotanique est confronté à des contraintes de survie économique obligeant à développer des stratégies pour rendre viable l'entreprise (organisation d’événements, partenariat éducatifs, etc.)[26]. Mais les spécialistes mettent en gardent contre l'usage abusif du terme d'ethnobotanique pour une entreprise commerciale qui ne serait que la vente de produits dit «authentiques» dans des «ethnoshops»[27].

Jardins ethnobotaniques en France

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Les jardins du musée de Salagon à Mane (Alpes-de-Haute-Provence) sont organisés en plusieurs thèmes ethnobotaniques : plantes médiévales, plantes aromatiques, plantes médicinales, plantes des temps modernes[28].

Les jardins créoles dans les îles des Caraïbes sont réhabilités dans la veine des recherches locales en ethnobotanique[29].

Le Jardin des plantes d'Amiens, présente des collections de plantes en les activités agro-industrielles et agro-alimentaires de la Picardie à retracer au travers le thème de « l'homme et l'industrie », l'histoire de l'agriculture avec des plantes cultivées autrefois et aujourd'hui connues grâce aux apports de l'archéologie qui permet de connaître l’histoire des plantes consommées et l'évolution des pratiques agraires.

Bibliographie

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  • Pierre Lieutaghi, « L'ethnobotanique : une entrée simple au jardin savant », Alliage : Culture - Science - Technique, no 3,‎ , p. 8-17 (lire en ligne).
  • Pierre Lieutaghi (dir.), Danielle Musset (dir.) et al., Jardins et médiation des savoirs en ethnobotanique : actes du colloque organisé les 27 et 28 septembre 2007, à Forcalquier, C'est-à-dire éditions, (ISBN 978-2952-75645-7, lire en ligne)
  • (en) Maria Luisa Cohen, « An ethnobotanic garden », Environmentalist, vol. 17, no 3,‎ , p. 159–162 (ISSN 1573-2991, DOI 10.1023/A:1018564303377, lire en ligne, consulté le )
  • Susan Bahnick Jones et Mark Elison Hoversten, « Attributes of a Successful Ethnobotanical Garden », Landscape Journal, vol. 23, no 2,‎ , p. 153–169 (ISSN 0277-2426, lire en ligne, consulté le )
  • J. W. Harshberger, « Ethno-Botanic Gardens », Science, vol. 3, no 58,‎ , p. 203–205 (ISSN 0036-8075, lire en ligne, consulté le )
  • (en) V. H. Heywood et Peter Wyse Jackson, Tropical Botanic Gardens: Their Role in Conservation and Development, Academic Press, (ISBN 978-0-08-098417-9, lire en ligne)
    • Brien A. Meilleur, « The ethnobotanical garden and tropical plant conservation », dans Heywood et Jackson 2012, p. 79-89
  • (en) Susanne Innerhofer et Karl-Georg Bernhardt, « Ethnobotanic garden design in the Ecuadorian Amazon », Biodiversity and Conservation, vol. 20, no 2,‎ , p. 429–439 (ISSN 1572-9710, DOI 10.1007/s10531-010-9984-9, lire en ligne, consulté le )
  • Denis Barabé, Alain Guerrier et Angélique Quilichini, « Les jardins botaniques : entre sciences et commercialisation », Natures, Sciences, Sociétés, vol. 20, no 3,‎ , p. 334-342 (DOI 10.1051/nss/2012040)

Notes et références

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  1. Lucas HEITZ, Le Jardinier Curieux, « Le Jardin Ethnobotanique, késako ? », sur Alsagarden, (consulté le )
  2. Harshberger 1896, p. 153, note 6.
  3. Métailié 2007, p. 22.
  4. Métailié 2007, p. 22-23.
  5. Métailié 2007, p. 23-25.
  6. Métailié 2007, p. 24-25.
  7. Roland Portères, « L'ethnobotanique : Place - Objet - Méthode - Philosophie », Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, vol. 8, no 4,‎ , p. 102–109 (DOI 10.3406/jatba.1961.6902, lire en ligne, consulté le )
  8. Carole Brousse, « L’ethnobotanique au carrefour du Muséum national d’Histoire naturelle et du Musée ethnologique de Salagon (Alpes-de-Haute-Provence) », Revue d’ethnoécologie, no 7,‎ (ISSN 2267-2419, DOI 10.4000/ethnoecologie.2157, lire en ligne, consulté le )
  9. Carole Brousse, « Les racines de l'ethnobotanique », Quatorzième séminaire annuel d'ethnobotanique du domaine européen, plantes, sociétés, savoirs, symboles. Les racines ou la métaphore des origines,‎ , p. 189–210 (lire en ligne, consulté le )
  10. Meilleur 2012, p. 80.
  11. Durand 2007, p. 26.
  12. Métailié 2007, p. 26.
  13. Meilleur 2012, p. 81.
  14. Lieutaghi, Musset et al. 2008, p. 11.
  15. Durand 2007, p. 19.
  16. (en) Elizabeth Barlow Rogers, « The botanical Garden (introduction », SiteLines, vol. 11, no 1,‎ , p. 4 (lire en ligne)
  17. (en) Jessica Brown, Nora J. Mitchell et Michael Beresford, The Protected Landscape Approach : Linking Nature, Culture and Community, IUCN, World commission on protected area, (lire en ligne)
  18. a et b Jones et Hoversten 2004, p. 153.
  19. Lieutaghi, Musset et al. 2008, p. 9.
  20. Jones et Hoversten 2004, p. 163.
  21. Lieutaghi, Musset et al. 2008, p. 100.
  22. Lieutaghi, Musset et al. 2008, p. 130.
  23. Cohen 1997, p. 161.
  24. Voir à ce propos l'exposition « Business Plantes - la vraie nature de l'économie » au jardin botanique de Neuchâtel
  25. Barabé et Guerrier Quilichini.
  26. Barabé, Guerrier et Quilichini 2012, § 16;18.
  27. Lieutaghi, Musset et al. 2008, p. 10.
  28. « À la découverte de jardins remarquables », sur musee-de-salagon.com (consulté le )
  29. Jean-Valéry Marc, « Le jardin créole à Fort-de-France : stratégie de résistance face à la pauvreté ? », VertigO : la revue électronique en sciences de l’environnement, vol. 11, no 1,‎ (ISSN 1492-8442, lire en ligne, consulté le )