Aller au contenu

Pierre Manent

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Pierre Manent
Pierre Manent en 2011.
Fonction
Président
Société des amis de Raymond Aron (d)
Biographie
Naissance
Voir et modifier les données sur Wikidata (75 ans)
ToulouseVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activités
Autres informations
A travaillé pour
Membre de
Maître
Influencé par
Distinctions

Pierre Manent, né le à Toulouse[1], est un philosophe français.

Normalien, agrégé de philosophie (1971), spécialisé en philosophie politique, il est d'abord l'assistant de Raymond Aron au Collège de France.

Il a longtemps été directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et développe une œuvre philosophique dense, principalement influencée par les pensées thomiste et straussienne et la politique libérale.

Attachée à la démocratie libérale, sa philosophie est considérée comme un élément central de la redécouverte des libéraux français (dont Tocqueville) mais intègre également une critique d'ampleur de la logique des droits de l'homme et de la tentation de la dépolitisation des régimes contemporains.

Jeunesse et études

[modifier | modifier le code]

Pierre Manent naît à Toulouse dans une famille communiste[2]. Son père est professeur de l'enseignement technique[3].

Il effectue ses études secondaires à Toulouse. Il fait une hypokhâgne au lycée Pierre-de-Fermat, où il suit l'enseignement de Louis Jugnet, qui participe à sa conversion au catholicisme[3]. Il est admis à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm en 1968, voie littéraire[4]. Il est agrégé de philosophie en 1971[5].

Parcours professionnel

[modifier | modifier le code]

Il enseigne à l'Institut d'études politiques de Paris[6].

Il est depuis 1992[1] directeur d'études à l'EHESS, aujourd'hui au Centre d'études sociologiques et politiques Raymond Aron.

Assistant auprès de Raymond Aron au Collège de France, il a participé à la création de la revue Commentaire en 1978 et fait toujours partie du comité de rédaction. Il participe alors au séminaire de François Furet, qui constitua la base de la création du Centre Raymond Aron. Il y croise notamment Claude Lefort, Cornelius Castoriadis, Pierre Rosanvallon, Marcel Gauchet ou Vincent Descombes[7],[3].

Distinctions

[modifier | modifier le code]

En 2002, il reçoit le prix Victor-Delbos de l'Académie des sciences morales et politiques pour son ouvrage Cours familier de philosophie politique et, le 23 juin 2016, l'Académie française lui décerne le prix du cardinal Lustiger pour l'ensemble de son œuvre[8].

L'essentiel de sa réflexion politique se structure autour de deux questions fondamentales. D'abord, son travail tente de retracer la genèse de la pensée politique moderne. Manent a contribué, dans le cadre du centre Raymond Aron, à un mouvement de redécouverte des grands textes libéraux français (Benjamin Constant, François Guizot et surtout Alexis de Tocqueville[9]).

Après cette interrogation sur la politique, Manent entreprend de comprendre ce qu'est devenu l'homme, ou plutôt de comprendre la disparition de la question de l'homme à l'intérieur de la philosophie moderne et de penser philosophiquement le rapport entre les sciences sociales et la philosophie politique. Influencé à la fois par Aristote, Raymond Aron et Leo Strauss, il tente de faire valoir l'importance de la vie politique dans l'expérience humaine[10].

Dans son ouvrage La Raison des nations, Manent livre ses réflexions sur la construction européenne et l'avenir de la nation, après le rejet français lors du référendum sur l'adoption d'un traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Il a enseigné pendant plusieurs années à l'EHESS le séminaire « La Question des formes politiques », au cours duquel il a étudié les formes de la philosophie politique en Grèce antique, dans la Rome républicaine et impériale et les transformations dues au christianisme (avec l'apport de saint Augustin), ainsi que les problématiques modernes introduites dans les représentations modernes de la vie politique par Machiavel, Montesquieu et Rousseau. Parmi ses étudiants Guillaume de Thieulloy, Émile Perreau-Saussine et Guillaume Barrera.

Pierre Manent est revenu sur sa biographie et son parcours intellectuel dans un livre d'entretiens, Le Regard politique, publié en 2010[11],[12].

Prises de positions

[modifier | modifier le code]

Cristallisation communautaire et contrat social

[modifier | modifier le code]

S'interrogeant sur la place des citoyens musulmans dans la société française, il avance que « la cristallisation communautaire se confirme plutôt qu’elle ne tend à disparaître[13]. » Il propose un contrat social qui permettrait à ceux-ci de conserver leurs mœurs en échange de quoi ils devraient accepter « une totale liberté de critique et de pensée relative à [leur] religion[14]. »

Pour Gilles Kepel, « dans l'absolu, le raisonnement se tient mais ce n'est guère crédible. » Un clergé musulman partenaire du « deal » n'existe pas. « Le livre de Pierre Manent pèche par méconnaissance du terrain[15]. » Dans Philosophie magazine, Martin Legros affirme en revanche que le livre de Manent a le mérite de rebattre les cartes du problème[14].

Liberté intellectuelle

[modifier | modifier le code]

En 2022, il déclare : « Je n'ai jamais vu aussi peu de liberté intellectuelle qu'à notre époque. Avant, certes, le communisme régnait dans l'université, mais le pouvoir était à droite. Aujourd'hui, toutes les institutions, les universités, les médias d'État sont en proie à la même idéologie progressiste. L'opinion dominante n'a plus d'ennemis. Nous n'existons que comme quelque chose qui doit disparaître. Un homme de droite des années 1960 recevait plus de respect de la part des communistes que de la part des progressistes libéraux d'aujourd'hui ». Jugeant a posteriori sa carrière à l'EHESS, il considère : « Je ne sais pas si je pourrais y entrer aujourd'hui »[3].

Pierre Manent est critiqué dès le début des années 2000 par Daniel Lindenberg dans son pamphlet controversé Le Rappel à l'ordre (enquête sur les nouveaux réactionnaires)[16]. Par la suite, Lindenberg avouera avoir commis une erreur en incluant Manent dans son essai[17].

Publications

[modifier | modifier le code]
  • Allan Bloom, L'Amour et l'amitié, Paris, de Fallois, 1996 ; rééd. Paris, Librairie générale française, coll. « Le Livre de Poche », 2003

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. a et b Interview de Pierre Manent, page Idées, Le Point, no 1984, 23 septembre 2010.
  2. (en-US) « Biography », sur Pierre Manent (consulté le ).
  3. a b c et d Eugénie Bastié, « Pierre Manent ou l'esprit de finesse », Le Figaro, supplément Le Figaro et vous,‎ 15-16 octobre 2022, p. 38 (lire en ligne).
  4. « L'annuaire », sur archicubes.ens.fr (consulté le ).
  5. « Pierre Manent, grammairien de l’action », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. Marie Scot, Sciences Po, le roman vrai, Sciences Po, les presses, (ISBN 978-2-7246-3915-5)
  7. « Pierre Manent, grammairien de l’action », Le Monde des livres, 24 mars 2018.
  8. « Académie française », sur academie-française.fr, (consulté le ).
  9. Cf. Les Libéraux et Tocqueville et la nature de la démocratie.
  10. Cf. La Cité de l'Homme.
  11. Transcription de l'entretien sur son livre avec Alain Finkielkraut dans Répliques du 2 octobre 2010.
  12. « Pierre Manent, un regard intensément politique » par Carl Bergeron, sur causeur.fr, le 27 novembre 2010.
  13. Pierre Manent : "Il faut faciliter l'engagement des musulmans dans l'aventure française", entretien, liberation.fr, 23 octobre 2015.
  14. a et b Situation de la France, compte-rendu par Martin Legros, philomag.com.
  15. « La géopolitique de la guerre civile », entretien avec Gilles Kepel, Conflits, no 9, avril-mai-juin 2016.
  16. Daniel Lindenberg, Le Rappel à l'ordre, La république des idées/Le Seuil, 2002.
  17. « Néoréacs : piqûre de “Rappel” », libération.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  18. https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1977_num_27_6_393755_t1_0967_0000_002
  19. https://www.senscritique.com/livre/tocqueville_et_la_nature_de_la_democratie/104851/details
  20. https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1987_num_37_3_411616_t1_0379_0000_000
  21. https://www.babelio.com/livres/Manent-La-cite-de-lhomme/139438

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • Emmanuel Fournier, « Pierre Manent découvre l'Occident », L'Histoire, no 360, p. 18-19, janvier 2011 (lien)
  • « Pierre Manent, grammairien de l’action », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • Compte-rendu par Blaise Bachofen de l'ouvrage Les Métamorphoses de la Cité, sur le site de La Vie des idées
  • Compte rendu par Tanguy Wuillème, « Pierre Manent, Les Métamorphoses de la Cité. Essai sur la dynamique de l’Occident », dans la revue Questions de communication, 19 - 2011
  • Daniel Tanguay, « Pierre Manent et la question de l'homme », Politique et Sociétés, 22 (3), pages 71–98, 2003.

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]