Aller au contenu

Histoire du renseignement français

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Cet article traite de l'histoire du renseignement en France et des services de renseignement français.

Les services secrets chez les Normands

[modifier | modifier le code]

Les sources rapportent que les Normands employèrent en plusieurs occasions des méthodes assimilables à l'espionnage et à la désinformation[1].

Chrétienté et Islam

[modifier | modifier le code]

Les relations entre l'Occident chrétien et l'Orient musulman par le biais des pèlerinages à Jérusalem furent fréquemment marquées par des soupçons d'espionnage envers les pèlerins.

En 720, Willibald, prêtre anglo-saxon en pèlerinage en Terre sainte, se fait arrêter à Homs sous accusation d'espionnage.

En 865, Bernard, un moine breton également parti en Terre sainte, est également étroitement surveillé par les autorités musulmanes. En 1217, maître Thietmar, frère mineur de Westphalie, subit à son tour des contrôles et la captivité. En 1323, Symon Semeonis, un frère mineur irlandais, est également suspecté d'espionnage.

En dehors de ces simples affaires de suspicion, il y eut effectivement des Occidentaux à voyager en territoire musulman pour recueillir des informations en vue d'organiser de nouvelles croisades. Ainsi dans la première moitié du XVe siècle, Emmanuel Piloti, traverse différents territoires de l'Islam (Égypte, Palestine, etc.) et à son retour adresse à son maître Philippe le Bon, duc de Bourgogne — qui en , s'était engagé par les Vœux du faisan à partir en croisade — un traité intitulé Traité sur le passage en Terre sainte et selon le propre aveu de son éditrice en 1997, son titre devrait être corrigé en Traité d’Emmanuel Piloti sur l’Égypte et les moyens de conquérir la Terre sainte[2].

Entre France et Angleterre

[modifier | modifier le code]

La guerre de Cent Ans

[modifier | modifier le code]

Les conflits entre les Capétiens et Plantagenêt, notamment la guerre de Cent Ans, furent des périodes d'emploi fréquent d'observateurs, souvent des gens du cru stipendiés et qualifiés dans les sources d'« espié ».

Charles de Blois, assiégeant Quimper, fut espionné au profit des Anglais par une pauvresse à laquelle pourtant il avait offert des aumônes. Dans les années 1425-1429, le duc de Bretagne dispose d'un espion chez son allié anglais, à Londres. Son réseau était, semble-t-il, dirigé par le sire du Juch en plusieurs occasions ambassadeur de Bretagne en Angleterre.

Dans les années 1430 et 1440 les Anglais emploient différents habitants du Cotentin pour surveiller les mouvements de troupes françaises[3].

Les toiles de l’« Universelle aragne »

[modifier | modifier le code]

C'est avec Louis XI de France que se développent réellement l'espionnage et l'action subversive : refusant systématiquement l'affrontement militaire avec son ennemi Charles le Téméraire, il l'emportera finalement en lui suscitant sans fin des ennemis, de la révolte de Liège en 1468 (provoquée par des agents français, et dont Louis XI devra publiquement soutenir la répression par Charles) jusqu'à la guerre déclarée à Charles par la Confédération des cantons suisses en 1474, encouragée et financée par Louis XI, guerre où Charles et l'état bourguignon périront[4][source insuffisante].

Époque moderne

[modifier | modifier le code]

Au XVIIIe siècle, le prince de Conti dirige un service de renseignements appelé le « Secret du Roi » dont l'un des agents les plus célèbres est le chevalier d'Éon, transformiste de talent[5].

Révolution française

[modifier | modifier le code]

Le Comité de sûreté générale, créé par la Convention le lors de la Révolution Française, reçut et encouragea les dénonciations. Il établit des dossiers contre des hommes politiques et les transmit au Ministère Public. Il recruta des « espions », appelés des « mouches », et particulièrement des indicateurs de prison comme Jean-Baptiste Dubois dit Dossonville, Louis-Guillaume Armand et Louis-François de Ferrières-Sauvebeuf. Il monta toutes les grandes affaires politiques de l’époque, notamment les amalgames tels que les procès des Girondins, celui des Hébertistes ou Exagérés, celui des Dantonistes ou Modérés et celui dit des chemises rouges.

Empire napoléonien

[modifier | modifier le code]

Méhée de Latouche, Galon-Boyer, Mme de Bonneuil, Mme de Rochechouart, Sandillaud du Bouchet, tous les ambassadeurs de Napoléon dont Bourrienne, Sémonville, Otto et Beurnonville, le préfet de police Desmarets et son parent le banquier Perrégaux, et surtout Charles-Maurice de Talleyrand et Joseph Fouché eurent à connaître de l'espionnage et du contre-espionnage du Directoire à l'Empire.

Charles Louis Schulmeister fut réputé être un agent au service de l'empereur Napoléon Ier[6].

Restauration et monarchie de juillet

[modifier | modifier le code]

La Troisième République

[modifier | modifier le code]

France-Allemagne

[modifier | modifier le code]
Loi du tendant à établir des pénalités contre l’espionnage. Archives nationales de France.

Après la guerre franco-prussienne de 1870, les relations entre la France et l'Allemagne sont entremaillées d'accusations d'espionnage, il y eut d'abord l'affaire Schnaebelé en 1887, mais surtout l'affaire Dreyfus en 1894, qui débuta par une affaire d'espionnage.

Cela se poursuit jusqu'à la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle Mata Hari est fusillée pour délit d'espionnage.

Troisième République

[modifier | modifier le code]

Le premier des grands services de renseignement français est le Deuxième Bureau, le service de renseignement de la Troisième République. Ce service met en place les premières capacités d'interceptions technologiques de la France. Il constitue le patrimoine clandestin qui a été transmis à tous les services de renseignement extérieurs depuis.

La Seconde Guerre mondiale

[modifier | modifier le code]

Service du régime de Vichy

[modifier | modifier le code]

Le Deuxième Bureau est, officiellement, dissous après l'armistice de 1940. Les services de renseignements militaires sont clandestinement restructurés pour échapper au régime de Vichy, qui met la main sur le Bureau et réorganise le renseignement.

Le colonel Louis Rivet dirige une partie des renseignements avec Paul Paillole sous son autorité au contre-espionnage militaire offensif. En août 1942, sous la pression allemande, les BMA sont dissous par Pierre Laval, aussitôt remplacés par un Service de Sécurité Militaire (SSM) par décret signé du même Laval ; Rivet démissionne et rejoint Alger.

Service de la France libre

[modifier | modifier le code]

Simultanément, la France libre met en place, à Londres, son propre service de renseignement, le « 2e Bureau » puis le Bureau central de renseignements et d'action (BCRA), sous la direction du colonel Passy (André Dewavrin).

Tous les agents du 2e bureau prirent pour pseudonymes des noms de stations de métro parisien. Le producteur de cinéma Gilbert Renault (colonel Rémy) crée le réseau le plus important et le plus actif en France, la Confrérie Notre Dame. L'ampleur de la tâche nécessite une organisation des services. Ainsi est créé le Bureau central de renseignement et d'action (BCRA), dont Passy demeure le chef et qui se transformera à mesure que ses activités et ses responsabilités s'étendront. mais le souci central reste celui des liaisons et des transmissions. Parachutages, atterrissages et débarquements sur les côtes ne sont possibles que dans des périodes où la lune le permet. Sur les dix-neuf opérations organisées par le BCRA au second semestre de 1942, une seule réussira. Les liaisons radio sont également difficiles et risquées.

En , l'Angleterre pense, à juste titre, être menacée d'une invasion de l'armée allemande. Winston Churchill, premier ministre britannique, exige des renseignements précis sur son dispositifs et ses plans. Le chef de l'Intelligence Service alla trouver de Gaulle pour lui demander ses services. Il le renvoya au chef de son 2e bureau, le capitaine Dewavrin (Passy). Ainsi débutait l'action que la France libre allait mener. Parallèlement se développait au sein de l'Etat français de Vichy une action de contre-espionnage 1940-45 en AFN et en France occupée[7].

Le rapprochement entre Giraud et de Gaulle permet une fusion des deux services. Le décret du 19 novembre 1943 du comité français de la Libération nationale ordonne la fusion du BCRA et des services de renseignement de Rivet dans une nouvelle structure, la Direction générale des services spéciaux (DGSS), dirigée par Jacques Soustelle. La DGSS reprend la forme du Deuxième Bureau. Le 26 octobre, 1944, la DGSS est renommée en Direction générale des études et recherches.

De Gaulle crée le le Comité national de la France libre, qui avait déjà une structure de gouvernement. Il fut décidé que toutes les missions d'ordre militaire, de renseignement et d'action dépendrait de son état-major et du BCRA, et que toute l'action politique en France serait de la responsabilité du commissaire à l'intérieur, André Diethelm.

Jean Moulin, ancien préfet, va être considéré comme le représentant de Gaulle en vue d'unifier la résistance intérieure. C'est par le réseau que dirige Rémy que sont pris les contacts les plus importants. Le journaliste socialiste Pierre Brossolette devient le plus proche collaborateur de Passy au BCRA.

Depuis la Libération

[modifier | modifier le code]

La Guerre froide

[modifier | modifier le code]

Période contemporaine

[modifier | modifier le code]

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Jean Deuve, Les Services secrets normands (le renseignement au Moyen Âge), Condé-sur-Noireau, 1990.
  2. Christiane Deluz, « Pèlerin ou espion ? Les difficultés des pèlerins avec les autorités musulmanes au Moyen Âge », dans L’image du pèlerin au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, p. 55-63 ; Emmanuel Piloti, Danielle Régnier-Bolher (éditrice), « Traité sur le passage en Terre sainte », dans Croisades et Pèlerinages, Laffont, 1997, p. 1233-1278 ; « Les services secrets au Moyen Âge », Les Archives des Temps médiévaux, no 28, avril 2007.
  3. Philippe Contamine, Azincourt, Paris, Juillard, 1964, p. 139-140 ; Jean-Christophe Cassard, Charles de Blois, CRBC, Brest, p. 113 ; R. A. Griffiths, « Un espion breton à Londres, 1425-1429 », dans Annales de Bretagne, 1979, p. 399-403 ; M. Lantier, Cent cinquante textes sur la guerre de Cent Ans dans le bailliage de Cotentin, 1978, p. 125 ; G. A. Knowlson, Jean V, duc de Bretagne, et l’Angleterre, 1399-1449, Rennes, 1964, p. 122.
  4. André Leguai, « Espions et propagandistes de Louis XI arrêtés à Dijon », Annales de Bourgogne, 1952 (?), p. 50-55.
  5. J. W. Thompson et S. K. Padover, La Diplomatie secrète. L'espionnage politique en Europe de 1500 à 1815, Paris, Payot, 1938 ; Sylvain Fortin, Stratèges, diplomates et espions : la politique étrangère franco-indienne, 1667-1701, Sillery (Québec), Septentrion, 2002 ; Olivier Blanc, Les espions de la Révolution et de l'Empire, Paris, Perrin, 1995, 374 p. (Première étude largement basée sur des archives diplomatiques françaises et étrangères - notamment anglaises, espagnoles et suisses - retraçant l'histoire des services secrets français depuis la Révolution jusqu'à la fin du Consulat et le début de l'Empire).
  6. Abel Douay et Gérard Hertault, Schulmeister, dans les coulisses de la grande armée. (ISBN 2-84736-013-1)
  7. www.France Libre.fr
  8. Loi no 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
  9. Arrêté du 29 octobre 2007 portant création d'un service à compétence nationale dénommé " direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières "
  10. Loi no 2007-1443 du 9 octobre 2007 portant création d'une délégation parlementaire au renseignement
  11. Décret no 2008-609 du 27 juin 2008 relatif aux missions et à l'organisation de la direction centrale du renseignement intérieur
  12. Décret no 2010-800 du 13 juillet 2010 portant création de l'académie du renseignement
  13. Décret no 2009-1657 du 24 décembre 2009 relatif au conseil de défense et de sécurité nationale et au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale
  14. Chapitre III « Dispositions relatives au renseignement » de la loi no 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
  15. Article 12 de la loi de programmation militaire et Décret no 2014-833 du 24 juillet 2014 relatif à l'inspection des services de renseignement
  16. Décret no 2014-445 du 30 avril 2014 relatif aux missions et à l'organisation de la direction générale de la sécurité intérieure
  17. Décret no 2014-466 du 9 mai 2014 modifiant le décret no 2008-633 du 27 juin 2008 modifié relatif à l'organisation déconcentrée de la direction centrale de la sécurité publique
  18. Loi no 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement
  19. Article 2 de la loi relative au renseignement
  20. Décret no 2017-1095 du 14 juin 2017 relatif au coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, à la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme et au centre national de contre-terrorisme
  21. Chapitre II « Techniques de renseignement » de la loi no 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme
  22. Chapitre IV et V du titre II de la loi no 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
  23. Chapitre II de la loi no 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement
  24. Arrêté du 29 juin 2023 portant organisation de l'administration centrale de la direction générale de la police nationale (lire en ligne)

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • Claude Faure, « Bref historique des services de renseignement et de sécurité français contemporains », Revue historiques des armées, no 247 « Le renseignement »,‎ , p. 70-81 (lire en ligne).
  • Olivier Forcade, « Considération sur le renseignement, la défense nationale et l'État secret en France aux XIXe et XXe siècles », Revue historiques des armées, no 247 « Le renseignement »,‎ , p. 4-12 (lire en ligne).
  • Olivier Forcade, « Objets, approches et problématiques d'une histoire française du renseignement : un champ historiographique en construction », Histoire, économie & société,‎ , p. 99-110 (lire en ligne).
  • Olivier Forcade, La république secrète. Histoire des services spéciaux français de 1918 à 1939, Nouveau Monde Éditions, Paris, 2008.
  • Simon Kitson, Vichy et la chasse aux espions 1940-1942. Complexités de la politique de collaboration, Autrement, Paris, 2005.
  • Hughes Moutouh et Jérôme Poirot (dir.), Dictionnaire du renseignement, Perrin, 2018, 848 p.
  • Bertrand Warusfel, Contre-espionnage et protection du secret : histoire, droit et organisation de la sécurité nationale en France, Lavauzelle, Paris, 2000.

Article connexe

[modifier | modifier le code]