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Peine de mort en Suisse

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Recours en grâce d'Étienne Chatton, dernière personne exécutée civilement en Suisse romande (en 1902)[1], adressé au Grand Conseil du canton de Fribourg.

En Suisse, la peine de mort est interdite par la Constitution fédérale.

Histoire et abolition

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La peine de mort en Suisse était exécutée par décapitation (généralement à la guillotine[Quand ?])[2]. La peine de mort pour les crimes de droit commun a été une première fois abolie en 1874, puis réintroduite dans la Constitution à la suite d'un référendum en 1879, la proposition ayant recueilli 52,5 % des voix[3],[4]. L'universitaire Paolo Passaglia relève que « le sujet resta, toutefois, très débattu, et les réserves contre l'application de la peine de mort restèrent très fortes, ce qui est prouvé par le nombre restreint (neuf, au total) des exécutions entre 1879 et 1940 »[4].

En 1938, le peuple adopte par 53,5 % des voix, un nouveau code pénal qui prévoit, entre autres, l'abolition de la peine de mort pour les crimes de droit commun, et entrera en vigueur le [5],[4]. Paolo Passaglia relève que « la majorité était claire, mais loin d'être plébiscitaire, surtout en raison du fait que les rétentionnistes étaient en majorité dans un bon nombre de Cantons, voire dans la plupart de ceux-ci »[4]. La dernière exécution, celle d'Hans Vollenweider, intervient le dans le canton d'Obwald — où la cause rétentionniste avait obtenu près des quatre cinquièmes des suffrages lors du référendum —, plus d'un an avant l'entrée en vigueur de la réforme du Code pénal[4],[6]. Selon Paolo Passaglia, l'abolition de la peine de mort en Suisse « a été le résultat d'une majorité populaire étroite qui a basculé au cours des décennies, grâce à plusieurs facteurs, parmi lesquels figure certainement la raréfaction des exécutions, qui a progressivement privé les rétentionnistes de l'argument selon lequel la peine capitale est un instrument indispensable pour lutter contre la criminalité »[4].

Durant la Seconde Guerre mondiale, 17 personnes, parmi eux des membres de l'armée suisse, des civils ainsi que des étrangers, sont fusillés pour trahison. Cette dernière clause punissable de la peine de mort (droit pénal militaire) est à son tour abolie en 1992[7].

Situation actuelle

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Aujourd'hui la Suisse est signataire de divers traités interdisant la peine de mort, notamment :

  • Pacte international relatif aux droits civils et politiques - ratifié le
  • Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort - ratifié le
    • Troisième rapport présenté par la Suisse au Comité des droits de l'homme (extraits) le .
  • Convention relative aux droits de l'enfant - ratifiée le (signée le )
    • Rapport initial présenté par la Suisse au Comité des droits de l'enfant (extraits) le
  • Les protocoles n°6 (ratifié le , signé le ) et 13 (ratifié le , signé le ) de la Convention européenne des droits de l'homme, relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances ;

La Suisse a voté en 2007 et en 2008 une résolution de l'assemblée générale de l'Organisation des Nations unies appelant à l'abolition universelle de la peine de mort.

En , Genève a accueilli le quatrième Congrès mondial contre la peine de mort.

Le , Paul Koller (ambassadeur suisse pour les questions de droits humains) prend la présidence tournante de la Commission internationale contre la peine de mort.

À l'initiative de la Belgique, du Bénin, du Costa Rica, de la France, du Mexique, de la Mongolie, de la République de Moldova et de la Suisse, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU adopte une résolution sur la question de la peine de mort le .

Tentatives de rétablissement

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En 1979, le Conseil national rejette par 131 voix contre 3 une initiative parlementaire de Valentin Oehen réclamant la réintroduction de la peine de mort pour l'assassinat et la prise d'otages[8].

En 1985, une initiative populaire visant à rétablir la peine de mort pour les trafiquants de drogue n'avait pas recueilli le nombre nécessaire de signatures pour être soumise au vote du peuple[9].

En , une nouvelle initiative populaire visant à rétablir la peine de mort en cas de meurtre ou assassinat accompagné de violences sexuelles est retirée par ses proposants quelques jours après avoir été validée par la Chancellerie fédérale[10].

Exécutions depuis 1848

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Liste non exhaustive
nom âge date lieu méthode(s) crime(s) présidence
Louis-Frédéric Richard 43 GE Guillotine Meurtre en 1848 d’un vieillard, propriétaire au Grand-Saconnex (mentionné par Dostoïevski)[11],[12] Ernest Cramer[13]
Claude Vary 40 GE Meurtre d’un homme, de sa femme et de leur enfant[14],[15] Jean-Élisée Massé[16]
Maurice Elcy (de) 20 GE* Détrousse des messieurs, menace de dénoncer leurs pratiques intimes, tue l’un d'eux avec une canne-épée[14],[17]
Joseph Felber 27 ? Epée Meurtre en ? [réf. nécessaire] Constant Fornerod
Heinrich Götti 37 ZH* Meurtre par empoisonnement, entre 1849 et 1865, de six enfants qu'il a eu avec sa femme[18],[19] Karl Schenk
Niklaus Emmenegger 37 LU Meurtre en ? d'un berger d’un alpage isolé, pour le voler[20] Constant Fornerod
Héli Freymond ? VD* Meurtre de sa femme en 1867, afin de refaire sa vie avec son amante[21] Jakob Dubs
Ferdinand Gatti 24 LU Guillotine Meurtre en 1890 d'une institutrice après l'avoir mutilée et violée [réf. nécessaire] Walter Hauser
Johann Keller 26 LU Meurtre en 1893 de sa maîtresse de vingt-et-un ans à coup de marteau [réf. nécessaire] Karl Schenk
Dominik Abegg 48 SZ Meurtre entre 1874 et 1894 de deux femmes après les avoir violées [réf. nécessaire] Emil Frey
Etienne Chatton (de) 28 FR* Meurtre en 1901 de sa cousine de dix-sept ans d'un coup de hache dans la tête [réf. nécessaire] Joseph Zemp
Matthias Muff 36 LU Meurtre en 1909 de deux fermiers et de deux domestiques pour effacer ses dettes [réf. nécessaire] Robert Comtesse
Anselme Wütschert (de) 33 LU* Meurtre en 1914 d'une femme de vingt-deux ans en l'égorgeant après l'avoir violée [réf. nécessaire] Giuseppe Motta
Clément Bernet 42 UR Meurtre en 1924 d'une adolescente de quinze-ans lors d'un cambriolage [réf. nécessaire] Ernest Chuard
Paul Irniger (de) 25 ZG* Meurtre en 1933 de deux chauffeurs de taxi et du gendarme venu l'arrêter [réf. nécessaire] Philipp Etter
Hans Vollenweider 32 OW* Meurtre en 1939 d'un chauffeur de taxi, d'un facteur et du policier venu l'arrêter [réf. nécessaire] Marcel Pilet-Golaz
Hermann Grimm (ZH) 47 7 décembre 1944 ZH Peloton
d'exécution
Trahison, collaboration avec l'Allemagne. Exécution au Katzensee (de)[22] Walther Stampfli
Walter Laubscher (BE) 47

(*) : dernières exécutions capitales civiles dans les cantons concernés. Canton d'Obwald en 1940 : dernière exécution civile en Suisse.

Références

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  1. Stéphanie Buchs, « Fribourg contre la peine de mort », La Liberté, (consulté le )
  2. (de) « Die Geschichte der Todesstrafe in der Schweiz », sur kuhnert.ch (consulté le )
  3. « Votation populaire du 18 mai 1879 », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  4. a b c d e et f Paolo Passaglia, L'abolition de la peine de mort : une étude comparée, Mnemosyne, , 192 p. (lire en ligne), p. 36.
  5. « Votation populaire du 3 juillet 1938 », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  6. « Hans Vollenweider, le dernier exécuté de Suisse », sur rts.ch, (consulté le ).
  7. Lukas Gschwend, « Peine de mort » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
  8. Jean-Pierre Gattoni, « Le National balaie l'initiative Oehen pour le rétablissement de la peine de mort », Journal de Genève,‎ (lire en ligne)
  9. « Droits politiques », sur admin.ch (consulté le ).
  10. « Fedlex », sur admin.ch (consulté le ).
  11. www.interroge.ch (service de référence en ligne des bibliothèques de la Ville de Genève), « Dans "Les Frères Karamazov" de Dostoïevski, Ivan Karamazov fait référence à un criminel nommé Richard, condamné à la guillotine à Genève », Questions-réponses, Ville de Genève, (consulté le ).
  12. Roskopf et Weibel 1991.
  13. Roskopf et Weibel 1991, p. 269.
  14. a et b Benjamin Chaix, « En 1862, Genève tolère une dernière mise à mort », Tribune de Genève,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  15. « Grand Conseil », Journal de Genève,‎ , p. 1 (lire en ligne, consulté le ). Et autres articles dans le Journal de Genève du 31 mars au .
  16. Massé, Jean-Élisée (1791–1870). Avocat, député, juge, historien, lieutenant-colonel. Archives d’État de Genève : manuscrits historiques n° 338.
  17. Jean-Noël Cuénod et Colas Weber (illustrateur), « Un témoin muet expédie à la guillotine l’ultime condamné à mort genevois : Procès en Mémoire », La Lettre du Conseil, no 67,‎ , p. 22-31 (lire en ligne, consulté le ). Publication de l’Ordre des avocats de Genève.
  18. (de) Werner Sabitzer, « Sechs Neugeborene vergiftet », Kriminalgeschichte, Öffentliche Sicherheit - Das Magazin des Innenministeriums (Österreich), (consulté le ).
  19. (de) « Der Kindermörder Heinrich Götti, Zürich 1865 », dans Julius Eduard Hitzig und Willibald Alexis, Der neue Pitaval : eine Sammlung der interessantesten Criminalgeschichten aller Länder aus älterer und neuerer Zeit, Band 2, Leipzig, Brockhaus, (lire en ligne), p. 399-422
  20. (de) « Anrede bei der Hinrichtung des Niklaus Emmenegger von Flühli, den 6. Juli 1867, gehalten von Nikl. Schürch, Stadtpfarrer », Luzern, bei Gebrüder Räber, (consulté le ).
  21. Pierre Correvon, « L'affaire Freymond : La dernière exécution capitale dans le canton de Vaud », Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique (RICPTS), vol. 1, no 1,‎ , p. 42-64 (lire en ligne, consulté le ).
  22. (de) « Die Toten von Regensdorf: Erschiessung frühmorgens am Katzensee », .

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Bibliographie

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  • Liliane Roskopf et Luc Weibel (postface), Le pasteur vous accompagne toujours à l'échafaud, Genève, Zoé, , 279 p. (ISBN 2-88182-084-0)
    La postface de Luc Weibel (p. 257-281) présente le contexte historique et donne des informations sur le cas de Louis-Frédéric Richard exécuté en 1850.

Liens externes

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