« L’Ukraine doit pouvoir se défendre », a estimé, mercredi 19 juin, Jordan Bardella, confirmant ainsi le repositionnement du Rassemblement national (RN) qui s’efforce, depuis deux ans, de gommer ses sympathies à l’égard d’une Russie devenue infréquentable, sans parvenir à s’affranchir totalement du soupçon entretenu par une ambiguïté persistante du parti sur la question.
Le président de la formation d’extrême droite, qui s’exprimait à l’occasion d’une visite au salon mondial de la défense Eurosatory, à Villepinte (Seine-Saint-Denis), n’a d’ailleurs pas précisé la forme que pourrait prendre l’aide accordée à Kiev s’il était appelé aux affaires à l’issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet. Il a, cependant, pris soin d’en définir les « lignes rouges ». Hors de question pour lui de fournir des missiles à longue portée et des armes susceptibles de « frapper le territoire russe », pour « éviter tout risque d’escalade ». Sans surprise, il a par ailleurs réitéré l’opposition du mouvement d’extrême droite au déploiement de soldats français sur place, régulièrement évoqué depuis février par Emmanuel Macron.
Autre signe de la « normalisation » du discours diplomatique du RN, Jordan Bardella « n’entend pas remettre en cause les engagements » internationaux de la France en matière de défense. « Il y a un enjeu de crédibilité à l’égard de nos partenaires européens et de nos alliés de l’OTAN », a-t-il souligné à Villepinte, revenant sur la promesse de Marine Le Pen, qui, dans le cadre de la campagne présidentielle de 2022, disait vouloir quitter le commandement intégré de l’Alliance au nom de « l’indépendance » de la France.
Plus gênant, la candidate du RN, qui, jusqu’à l’offensive russe en Ukraine, ne cachait pas son « admiration » pour Vladimir Poutine, prônait alors le « dialogue » et la recherche d’une « alliance avec la Russie sur certains sujets de fond », tels que la sécurité européenne, « qui ne peut exister sans elle », ou la lutte contre le terrorisme, « qu’elle a assurée avec plus de constance que toute autre puissance ». Le livret thématique de son programme consacré à la défense, où figuraient ces engagements, a d’ailleurs disparu tout récemment du site du RN. Archivé, il reste toutefois consultable.
« Des liens privilégiés avec le Kremlin »
Jordan Bardella avait déjà rectifié le tir, dans un entretien accordé en février 2023 à L’Opinion, déplorant la « naïveté collective » dont le RN avait, selon lui, fait preuve à l’égard du président russe jusqu’à l’offensive du 24 février 2022. Le surlendemain, à l’occasion du premier anniversaire du conflit, Marine Le Pen lui emboîtait le pas, dénonçant à son tour, dans une « lettre aux Français », une « violation manifeste de tous les principes du droit » doublée d’une « faute politique et morale », sans toutefois cautionner l’ensemble des mesures de rétorsion infligées à Moscou. Si elle en jugeait certaines « légitimes », celles concernant l’énergie, pièces essentielles du dispositif, lui semblaient « précipitées et quelque peu irréfléchies » pour des raisons économiques. L’évolution était malgré tout notable, puisque, six mois plus tôt, elle en réclamait l’abandon pur et simple.
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