Élection du Bureau de l’Assemblée : selon la députée Annie Genevard (LR), le barrage au RN est “totalement contraire à l’esprit et à la lettre de nos institutions”

Création : 19 juillet 2024

Autrice : Clotilde Jégousse, journaliste

Relectrices : Clara Robert-Motta et Lili Pillot, journalistes

Source : Compte X d'Annie Genevard, le 16 juillet 2024

Le Règlement du Palais-Bourbon prévoit que l’élection du Bureau doit “s’efforcer de reproduire la configuration politique de l’Assemblée”. Mais l’esprit de l’Assemblée est aussi celui de la République, que certaines mesures proposées par le RN pourraient compromettre.

Dans une lettre ouverte aux présidents de groupe de la droite et du bloc central publiée mardi 16 juillet, les représentants du Nouveau Front Populaire (NFP), appellent à la mise en place d’un “barrage républicain” en vue de l’élection du bureau de l’Assemblée nationale le 19 juillet. “Nous considérons que le Rassemblement National n’a pas sa place au bureau de l’une des plus hautes instances de notre République”, ont écrit les présidents de groupe André Chassaigne (PC), Cyrielle Chatelain (EELV), Mathilde Panot (LFI) et Boris Vallaud (PS). 

La démarche n’a pas manqué de faire réagir. Sur X (ex Twitter), la députée du Doubs et secrétaire générale des Républicains, Annie Genevard, a estimé : “Cet appel est totalement contraire à l’esprit et à la lettre de notre institution”. D’un point de vue strictement juridique, elle a raison : quoi que l’on pense des idées portées par le Rassemblement National (RN), il est devenu, depuis les dernières élections législatives, le premier groupe parlementaire en matière d’effectifs, avec 126 députés, devant Ensemble pour la République (99 députés). Ce résultat est donc censé être pris en compte dans l’attribution des responsabilités au sein de l’hémicycle. 

Pluralisme et liberté d’opinion

L’article 10 alinéa 2 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit en effet que “l’élection des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires a lieu en s’efforçant de reproduire au sein du Bureau la configuration politique de l’Assemblée”. Les alinéas 5 et 6 du même article précisent qu’il est attribué à chaque poste une valeur exprimée en points, et que le total doit être réparti entre les groupes “à la représentation proportionnelle sur la base de leurs effectifs respectifs”

En 2022, le Rassemblement National, avec 89 députés, avait obtenu deux des six postes de vice-président. Il apparaît donc difficile d’imaginer que le parti lepéniste n’obtienne, à la faveur d’une alliance entre les autres formations politiques, aucun de ces postes stratégiques le 19 juillet.

Toutefois, “le Règlement fixe un objectif, et non une obligation, nuance Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’université de Poitiers. En dernière analyse, rien ne s’oppose formellement à ce qu’un groupe d’opposition ne se trouve finalement pas représenté au Bureau”. Et d’ajouter : “Par conséquent, la députée a tort de considérer que le barrage au RN serait ‘totalement contraire […] à la lettre de nos institutions.’”

“Esprit de la République”

“L’esprit de nos institutions” évoqué par Annie Genevard est également sujet à interprétation, selon le juriste. “L’esprit de l’Assemblée, c’est le pluralisme et la liberté d’opinion, mais c’est aussi celui de la République”, estime-t-il.

À ce titre, plusieurs dispositions de la Constitution pourrait légitimer l’appel du Nouveau Front Populaire, selon Bertrand-Léo Combrade. L’article 1er prévoit que la République est “indivisible, laïque, démocratique et sociale” et qu’elle “assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion”. L’article 89 précise qu’il est interdit de porter atteinte à cette forme républicaine. Or, pour le spécialiste de droit constitutionnel, plusieurs mesures portées par le Rassemblement National peuvent être interprétées comme étant en contradiction avec cet article. “Le principe d’égalité s’applique entre tous les citoyens. Prévoir une distinction entre nationaux et binationaux, comme le RN l’a fait pendant sa campagne, c’est aller à l’encontre de ce principe, rappelle-t-il. 

Même chose au sujet du caractère “démocratique” de la République : “il implique de respecter la Constitution, qui fixe les règles du jeu démocratique. Or, le RN ne les respecte pas quand il annonce dans son programme qu’il va réviser la Constitution par l’article 11 pour mettre en place le principe de priorité nationale, alors qu’il faudrait passer par l’article 89”. Et d’ajouter : “De ce point de vue, la démarche des représentants du NFP peut s’entendre. D’une certaine manière, elle se justifie par leur attachement aux principes de la République défendus par la Constitution.”

L’appel se traduira-t-il dans les faits ? Réponse ce 19 juillet après-midi : faute d’accord entre les présidents de groupe ce matin, un vote pour l’attribution des six vice-présidents, trois questeurs et douze secrétaires de l’Assemblée va se tenir dans l’hémicycle.

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