La viande de synthèse s'invite au menu d'un restaurant aux Etats-Unis, le début d'une nouvelle ère ?

Début juillet, une croquette de poulet de synthèse a été mise au menu d'un restaurant branché de San Francisco, aux Etats-Unis. De nombreuses start-up lorgnent ce marché prometteur outre-Atlantique mais des freins à son développement demeurent.

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La viande de synthèse s'invite au menu d'un restaurant aux Etats-Unis, le début d'une nouvelle ère ?
Dans ce tempura sophistiqué se cache une croquette de poulet de synthèse de la start-up Upside Foods.

C’est une prouesse technologique servie comme un mets de roi. Niché dans un ramequin à motifs aztèques, relevé d’un succulent aïoli de piments brulés, ce «tempura» pané chic et cosmopolite proposé le 1er juillet par la célèbre cheffe française Dominique Crenn dans l’un de ses trois restaurants renommés de San Francisco, le Bar Crenn, glorifiait avant tout sa matière première : une croquette de poulet de synthèse entièrement conçue en laboratoire par la start up californienne Upside Foods à partir de cellules prélevées par biopsie sur un volatile toujours vivant, et offerte ce soir-là aux heureux gagnants d’un concours sur Internet.

L’événement célébrait une nouvelle étape décisive pour ce labo de biotech fondé en 2015 à Berkeley, après deux approbations successives par la scrupuleuse Food and Drug Administration en janvier et en mars : le feu vert, le 12 juin par le département de l’agriculture, pour son étiquetage commercial officiel de «cultured meat», viande de culture cellulaire. Mais la concurrence n’est pas en reste. Good Meat, filiale de la start up de biotechnologie de San Francisco Eat Just, rappelle dans un communiqué agacé qu’elle a obtenu la première cet agrément officiel, le 8 juin, ajoutant que ses propres nuggets de poulet de culture seront bientôt au menu à Washington, dans l’un des trente restaurants du célèbre grand cuisinier José Andres.

Faut-il voir dans cette guerre des «promos» la consécration de la vraie fausse viande, alternative à l’élevage animal responsable de 15% des émissions à effet de serre ? La promesse d’un marché pour la mythique «Clean Meat» (viande propre en VF), et du salut pour une part des 70 milliards de gallinacés exécutés pour notre alimentation sur la planète chaque année ?

Certes, en 2022, une vingtaine de nouvelles start up spécialisées sont apparues, portant leur nombre total mondial à 156, bénéficiaires d’un total de 2,9 milliards d’investissements dans la viande alternative, à base de protéines végétales, ou de plus en plus produite par culture cellulaire de chair animale. Cette somme est certes en retrait comparée au pic de 5 milliards de dollars atteint en 2021 et dénote le doute des bailleurs de fonds envers la réception de la viande végétale par les consommateurs. Mais la «clean meat» cellulaire progresse pour sa part, occupant une centaine de startups destinataires de près de la moitié des investissements.

Une difficile industrialisation

Adoubée par Bill Gates, le milliardaire Richard Branson et le géant agro alimentaire Cargill, Upside Foods apparait comme une des valeurs sures du secteur et, fort de 400 millions de dollars levés en 2022, vient d’ouvrir une usine de 5000 mètres carrés près de San Francisco, réputée capable de produire 200 tonnes de viande de synthèse par an. Eat Just produit déjà depuis un an son poulet cellulaire à Singapour et vient d’y ouvrir un site de près de 9 000 mètres carrés. Aux Etats-Unis, son unité d’Alameda, en Californie, jusqu’alors dévolue à toute une gamme de produits imitant les œufs, comme des mayonnaises à base de haricots mungo, participera à la montée en production du poulet cellulaire. Mais jusqu’à quel niveau ? Nous sommes loin aujourd’hui du tarif unitaire du premier hamburger de laboratoire, estimé en 2013 à quelques 330 000 dollars, mais le prix de la viande de synthèse est toujours 3 à 6 fois supérieur à celui du produit de l’élevage classique, et ne peut être abaissé que par la montée en échelle de la production.

Or l’industrie butte toujours sur un obstacle de taille, le manque chronique du vecteur biologique dans lequel les cellules animales se multiplient à l’intérieur des bioréacteurs semblables à des cuves de fermentation. Longtemps composé de sérum bovin, prélevé à un prix exorbitant, et en contradiction avec l’éthique de la «clean meat», sur des fœtus de veaux, ce vecteur peut aujourd’hui être remplacé par un mélange d’acides aminés, de sucre et de sel. Mais même cette version de synthèse ne peut encore être produite en quantité suffisante. Upside Foods, par exemple, reconnait devoir encore recourir en partie au vecteur bovin. La viande de synthèse peut faire sensation dans quelques restaurants de luxe, ou à prix promotionnel, pour l’équivalent de seulement 23 dollars le nugget dans un bar de Singapour, mais il n’emplira pas avant longtemps les rayons des supermarchés...

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