1. Je ne voulais pas quitter Bali sans l'avoir rencontré. Je ne sais pas pourquoi. Je n'étais pas malade ; j'ai même toujours été en excellente santé. Je m'étais renseigné sur ses honoraires car, mon séjour touchant à sa fin, mon...
more1. Je ne voulais pas quitter Bali sans l'avoir rencontré. Je ne sais pas pourquoi. Je n'étais pas malade ; j'ai même toujours été en excellente santé. Je m'étais renseigné sur ses honoraires car, mon séjour touchant à sa fin, mon portefeuille était quasiment vide. Je n'osais même plus consulter mon compte en banque à distance. Les gens qui le connaissaient m'avaient répondu : «Tu donnes ce que tu veux, tu le lui glisses dans une petite boîte posée sur l'étagère.» Bon, cela m'avait rassuré, même si j'angoissais un peu à l'idée de laisser un tout petit billet à quelqu'un qui avait, disait-on, soigné le Premier ministre du Japon. Ce fut difficile de trouver sa maison, perdue dans un petit village à quelques kilomètres d'Ubud, au centre de l'île. Je ne sais pas pourquoi, dans ce pays, il n'y a pratiquement pas de panneaux indicateurs. Lire une carte, c'est possible quand on a des points de repère, sinon c'est aussi inutile qu'un téléphone portable dans une zone où l'on ne capte pas. Restait, bien sûr, la solution de facilité : demander à des passants. J'ai beau être un homme, cela ne m'a jamais posé de problème. Il me semble parfois que la plupart des hommes auraient l'impression de perdre leur virilité s'ils devaient s'abaisser à ça. Ils préfèrent se murer dans un silence signifiant « Je sais », feignent de se repérer, jusqu'à ce qu'ils soient complètement perdus et que leur femme leur dise « Je t'avais bien dit qu'on aurait dû demander. » L'ennui, à Bali, c'est que les gens sont si gentils qu'ils disent toujours oui. Vraiment. Si vous dites à une fille « Je vous trouve très jolie », elle vous regardera avec un beau sourire et vous répondra « Oui. » Et quand vous demandez votre chemin, ils sont tellement désireux de vous aider qu'il leur est insupportable de vous avouer qu'ils n'en sont pas capables. Alors, ils vous indiquent une direction, sans doute au hasard. J'étais donc un peu énervé lorsque je me suis retrouvé devant l'entrée du jardin. Je ne sais pas pourquoi, mais j'avais imaginé une maison assez luxueuse, comme on en voit parfois à Bali, avec des bassins couverts de fleurs de lotus, sous l'ombre bienveillante des frangipaniers exhibant de grosses fleurs blanches au parfum tellement enivrant que c'en est presque impudique. En fait de maison, c'était une succession de campans, sortes de maisonnettes sans murs qui communiquent les unes avec les autres. A l'image du jardin, ils étaient d'une grande simplicité, assez dépouillés, sans faire pauvres pour autant. Une jeune femme vint à ma rencontre, enroulée dans son sarong, ses cheveux noirs relevés en chignon, le teint hâlé, un petit nez régulier et des yeux non bridés, traits qui m'ont toujours étonné chez cette population enfouie au coeur de l'Asie.-Bonjour, que voulez-vous ? me demanda-t-elle, s'exprimant d'entrée de jeu dans un anglais approximatif. Mon mètre quatre-vingt-dix et mes cheveux blonds laissaient peu d'ambiguïté sur mes origines occidentales.-Je viens voir monsieur... euh... maître... Samtyang.-Il va venir, m'informa-t-elle avant de disparaître entre les arbustes et la succession de petites colonnes qui soutenaient les toits des campans. Je restai un peu bête, debout, en attendant que Son Excellence daigne venir accueillir l'humble visiteur que j'étais. Au bout de cinq minutes, qui me parurent suffisamment longues pour m'amener à m'interroger sur la pertinence de ma présence ici. je vis s'avancer un homme d'au