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Open d'Australie: le pénible quotidien des joueurs isolés pendant 14 jours

Plusieurs joueurs ou coachs devant participer à l'Open d'Australie début février ont été déclarés cas contacts à leur arrivée à Melbourne, à cause d'un passager positif au coronavirus dans le même vol. Résultat: ils doivent respecter un isolement ultra-strict dans leur chambre d'hôtel pendant 14 jours. Plongée dans ces prisons dorées.

Depuis jeudi, les 18 avions spécialement affrétés par l’organisation de l’Open d’Australie (8-21 février) pour acheminer les joueurs et leur entourage vers Melbourne ont décollé des quatre coins du monde. Au total, ce sont plus de 1.200 personnes qui ont voyagé dans des conditions sanitaires strictes (avions remplis à 20% de leur capacité, dossiers médicaux à remplir, test négatif avant le décollage…).

Mais ces dernières heures, les cas positifs s’accumulent et contraignent l’organisation à déclarer tous les passagers cas contacts avec ordre d’isolement. Les joueurs arrivés en provenance de Doha vendredi ont de fait été isolés. Ils ont donc pu - ou dû - profiter de leur chambre, seul endroit qu’ils connaîtront pendant les 12 prochains jours. Certains nous racontent leur quotidien dans leur prison dorée australienne.

Un policier sur les dents à chaque étage

A leur arrivée à Melbourne, après l’étape formalités à l’aéroport, les passagers ont été acheminés par bus à leur hôtel de quarantaine. "A l’hôtel cela a été très strict, raconte Dorian Descloix, entraineur de Viktoria Azarenka. On ne pouvait sortir qu'un par un du bus pour aller au check-in, ensuite un par un du check-in à l’ascenseur. Cela a pris énormément de temps, on est sorti de l’aéroport il devait être 6h30, et je n'étais dans ma chambre que vers 10h du matin. Après plus de 20h de vol, c’était assez épuisant."

En ce qui concerne le respect de l'isolement, l’organisation avait prévenu: 20.000 dollars australiens d’amende en cas d’infraction au protocole sanitaire. Les alarmes sur les sorties de secours ne semblant pas suffire, les potentiels déserteurs sont très surveillés. "J’entrouvre un peu ma porte pour parler à Quentin Halys pour lui demander si on avait un autre dépistage aujourd’hui (dimanche), décrit Alexandre Muller, 208e mondial venu à Melbourne en tant que potentiel lucky loser en cas de défection d’un joueur pour le premier tour. Et au bout du couloir, je découvre un policier assis sur sa chaise qui vérifie que personne ne sorte de sa chambre. Il est venu noter le numéro de ma chambre, etc. Je crois que j’ai pris un carton jaune."

Même impression pour Dorian Descloix: "J’ai commandé à manger ce soir, la personne a toqué à ma porte et a laissé mon repas devant la porte. Il faut attendre qu’il parte pour ensuite avoir le droit d’ouvrir et prendre notre nourriture. J’ai attendu 5 minutes, j’ouvre la porte, je prends mon sac et au même moment je vois une policière qui me regarde, qui passe la tête pour voir ce qui se passait. Ils sont très stricts et réactifs!"

"Garder le contact avec la raquette", un enjeu majeur malgré deux semaines d'enfermement

Le vol au départ de Los Angeles a été concerné par l’un des cas positifs. Résultat: tous les passagers sont déclarés cas contact. C’est le cas de Victoria Azarenka. Son coach Dorian Descloix a lui voyagé sur un autre vol qui n’avait pas eu de problème, mais il a été assimilé à sa joueuse et est donc contraint lui aussi à l’isolement pendant 14 jours.

A l’hôtel, la double vainqueur de l’Open d’Australie et son préparateur physique sont dans des chambres situées sur le même palier, mais ils n’ont pas le droit de se voir. Malgré le peu de mètres les séparant, ils doivent donc garder le contact par messages et téléphone, et toutes les séances se font en vidéo. "On va s’adapter! Elle peut faire du physique un peu tous les jours, elle a un vélo, et un peu de matériel, décrit Descloix. Tennistiquement, j’essaie de lui montrer ce qu’elle peut faire raquette en main, taper contre le mur, contre un matelas, essayer de faire quelques volées, garder le contact avec la raquette pour ne pas trop perdre en sensations car 14 jours cela reste quand même conséquent. Mais je pense que cela va aller mieux jour après jour. Elle était un peu sonnée en apprenant la nouvelle (de son isolement, ndlr), puis petit à petit elle va se dire 'je n’ai pas le choix, je ne peux pas sortir donc je vais m’entrainer'."

Pour Alexandre Muller, seul dans sa chambre, en dehors de l’entrainement qu’il met en place, toutes les occupations seront bonnes à prendre: "Netflix, beaucoup de Netflix. Malheureusement je n’ai pas pris la Playstation, regrette-t-il. Il n'y a pas grand-chose à faire, donc je vais demander pourquoi pas des livres, je prends tout ce que je peux pour pouvoir m’occuper. On va trouver." Ah oui: dans les chambres, pas de fenêtre qui s'ouvre. Les joueurs isolés ne pourront même pas respirer à l'air libre. S'ils ont de la chance, comme Aryna Sabalenka, ils pourront juste admirer la vue sur Melbourne...

Tous les objets deviennent des outils d’entrainement

Certains joueurs isolés ont mis l’un de leur matelas à la verticale pour "taper" dans la balle, d’autres ont transformé leur couloir de chambre en mini-stade d’athlétisme pour faire quelques exercices physiques. Mais le problème, c’est la durée de l’isolement. Deux jours d’exercices atypiques, ça change. Ensuite, cela peut devenir plus compliqué. "C’est ma première expérience en tant que joueur isolé on va dire, on va essayer de s’occuper comme on peut, confie Alexandre Muller. Au bout du deuxième jour, si je commence déjà à faire des gestes à blanc, je me demande ce que cela va être dans dix jours. Malheureusement, je n’ai pas la chance d’avoir une grande chambre comme beaucoup de joueurs, comme on peut le voir sur les réseaux sociaux. Je vais essayer de m’organiser un mini-terrain de tennis pour faire un peu de physique, des gestes à blanc et puis on verra."

L’autre problème pour certains joueurs est qu'ils risquent d’arriver sur les tournois préparatoires à l’Open d’Australie, qui débutent dans 15 jours, sans avoir joué avant. Au cours d’une réunion en visioconférence avec la direction du tournoi ce dimanche, les joueurs contraints à l’isolement à la suite du nouveau cas de Covid dans le vol au départ de Doha ont demandé du matériel pour leurs exercices et une possibilité d’entrainement sur le court, à condition qu’ils bénéficient de cinq tests négatifs consécutifs.

Anthony Rech