Commençons par un paradoxe : la relique la plus précieuse du trésor de la cathédrale de Chartres ne figure pas dans sa nouvelle présentation ! La « Sancta Camisia », le voile que la Vierge aurait porté lors de l’Annonciation ou à la Nativité, reste exposée dans une chapelle du déambulatoire comme elle l’est de façon permanente depuis 2000. Le rectorat de la cathédrale a souhaité que cet objet de dévotion, de la part de nombreux pèlerins depuis le IXe siècle, demeure accessible au public.

Il faut dire que le trésor était fermé depuis vingt-quatre ans, pour cause d’humidité excessive. Un quart de siècle plus tard, il renaît dans un écrin à sa mesure et toujours fidèle à Notre-Dame. C’est une Vierge à l’enfant, sculpture du XVIe siècle au beau drapé conservant de larges traces de polychromie ancienne, qui accueille le visiteur dans la chapelle Saint-Piat.

Un trésor vivant

Située au chevet de la cathédrale, cette belle salle du XIVe siècle a fait l’objet d’une restauration soignée pendant sept ans. Elle est ornée de vitraux au dessin très expressif d’époque, mais aussi des XVe, XVI et XXe siècles, que l’on peut admirer de plus près depuis une tribune créée à l’occasion du chantier. Une galerie haute qui donne aussi accès à deux tourelles où sont exposées des pièces fragiles, comme ce tissu liturgique rouge ne supportant pas une exposition prolongée à la lumière. Un ornement d’ailleurs employé lors du pèlerinage annuel.

Car certaines des pièces continuent à servir pour des cérémonies religieuses. Ainsi du magnifique tabernacle de Saint-Aignan du XIIIe siècle, rarissime châsse d’émaillerie limousine présentant sur sa façade une étonnante Descente du Saint-Esprit, deux mains dorées dont partent des raies de peinture rouge, sur les Apôtres. D’autres très beaux objets liturgiques du XXe siècle, signés de l’orfèvre Goudji, sont utilisés dans le même cadre par les prêtres comme, lors de la Semaine sainte, cette colombe eucharistique argentée aux formes épurées.

Cathédrale de Chartres : la double renaissance du trésor et de son écrin

« C’est un trésor vivant, même si son emploi liturgique peut poser des questions sur sa préservation… », sourit l’une des conservatrices de la Direction des affaires culturelles (Drac) Centre-Val de Loire, Fabienne Audebrand. « C’est aussi un trésor élargi, mais encore en devenir, enrichi de dépôts d’autres sites et musées, comme le retable du XIIIe siècle représentant la Naissance de la Vierge prêté par le Louvre. »

Une découverte sous le badigeon à la chaux

Éclectique, le trésor offre d’autres nouveautés étonnantes par rapport à sa précédente présentation, datant des années 1970, comme ces ceintures en wampums du XVIIe siècle, émouvants colliers traditionnels en perles de coquillage des Hurons et Abénaquis d’Amérique du Nord, ici dédiés à la Vierge. Et dans la troisième partie du trésor, installée dans la salle capitulaire, des sculptures de toute beauté magnifiées par un éclairage élégant, notamment sur les six majestueuses statues-colonnes du portail royal de la cathédrale.

Cette salle présente également de surprenants chapiteaux à « têtes de feuilles », figures fantastiques à la Arcimboldo sculptées dans le calcaire au XIIe siècle, auxquelles s’ajoutent des animaux réels ou rêvés, escargot ou dragon, finement gravés dans les rosaces provenant du parapet du jubé du XIIIe siècle. Un ensemble retrouvé dans le sol de la cathédrale au XIXe siècle, après la destruction du jubé deux cents ans auparavant !

Cathédrale de Chartres : la double renaissance du trésor et de son écrin

Enfin, outre les belles verrières réalisées en 2016 par l’artiste coréenne Bang Hai Ja, abstractions bleu irisé de couleurs vives, la salle capitulaire réserve aux visiteurs une belle surprise. Les restaurateurs ont découvert, en grattant le badigeon à la chaux, une vaste fresque polychrome du XIVe siècle. Encore indéterminés sur la nature de cette peinture, représentant sans doute le mariage de la Vierge, les conservateurs sont toutefois certains d’y voir un dessin inédit de la cathédrale encore ornée de sa flèche nord, détruite au XVIe siècle.

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Un chantier archéologique autour de la cathédrale

Dans le cadre du réaménagement des pourtours de la cathédrale de Chartres, une importante campagne de fouilles archéologiques préventives a été entreprise depuis le début des travaux, en 2023, et doit durer jusqu’en 2025. Dirigée par Mathias Dupuis, une équipe d’une quarantaine d’archéologues cherche à mieux comprendre la construction de la cathédrale, mais aussi à mettre en valeur les vestiges de la ville médiévale et gallo-romaine, à travers un centre d’interprétation en cours de définition.