Révéler et sublimer les arbres dans la ville, ceux qui s’imposent par leur présence majestueuse comme ceux qui s’épanouissent à l’abri des regards. Le thème de cette nouvelle édition du Voyage à Nantes – la dernière sous la houlette de son fondateur Jean Blaise – donne aux artistes mille et une occasions de questionner le rapport de l’homme à la nature.

D’abord, en venant souligner notre irrépressible besoin de végétal sur les deux places les plus emblématiques du centre-ville, qui sont aussi les plus minérales. Face à la célèbre fontaine de la place Royale, le sculpteur Jean-François Fourtou est venu poser un enfant géant vêtu d’un pyjama et de pantoufles verts, dont la tête n’est autre qu’un (vrai) palmier.

L’artiste, qui vit dans la palmeraie de Marrakech, souhaitait « ramener de la vie » sur cette place très artificialisée à travers la présence de son Enfant hybridus un peu recroquevillé, presque impressionné par les lieux. Une rue plus loin, l’élégante place Graslin se retrouve cette fois envahie par d’immenses racines surgissant des pavés, allant jusqu’à menacer les escaliers et colonnes de l’opéra. Cette œuvre de 20 mètres par 30 du sculpteur Henrique Oliveira offre une vision inversée du film Fitzcarraldo de Werner Herzog (1982) qui mettait en scène un personnage voulant construire un opéra en pleine jungle.

Des spécimens remarquables

Ces racines tentaculaires, recouvertes de lambeaux de bois récupérés à Sao Paulo au Brésil et surmontées de branches retrouvées le long de la Loire, offrent à la fois une ombre bienvenue et une présence inquiétante, venant souligner la force du végétal que l’homme cherche à domestiquer. Dans le passage Sainte-Croix, lieu culturel du diocèse de Nantes au cœur de la ville, l’artiste David Claerbout vient au contraire souligner la grande fragilité des arbres, à travers une installation vidéo de vingt-quatre minutes (Wildfire). Une forêt aussi dense que sereine se met peu à peu à rougir pour figurer les ravages d’un incendie (fictif), rappelant leur triste montée en puissance sous l’effet du changement climatique.

Ce parcours artistique vient aussi mettre en lumière les spécimens remarquables de cette ville aux 100 jardins et 150 000 arbres. À l’image de cet immense araucaria, vieux de 150 ans, qui trône au milieu d’un ancien couvent abritant une résidence pour personnes âgées habituellement fermée au public. Le sculpteur Sébastien Gouju a installé tout autour des ouvrages de ferronnerie d’art en forme de plantes, surmontées d’une douzaine de singes iridescents tout en courbures, rappelant les branches épineuses de cet arbre surnommé… « le désespoir des singes ».

Entre poésie et méditation

Le duo d’artistes Pelletier-Ferruel, habitué à travailler le verre dans son atelier de la Meuse, a quant à lui conçu des bijoux d’arbres pour mieux en souligner la beauté, obligeant le visiteur à lever les yeux pour observer ces branches décorées. Dans le très chic cours Cambronne, où de luxueux appartements entourent un square, deux designers ont imaginé un escalier à double entrée en bois, menant à un belvédère permettant d’atteindre la canopée d’un magnolia. Ses généreuses fleurs blanches vont éclore tout au long de l’été. L’occasion rêvée de découvrir l’odeur acidulée de cette plante qui a débarqué pour la première fois à Nantes en 1711, depuis un bateau venu d’Amérique.

De la poésie au manga, il suffit d’un pas. Au pied du château, un pin parasol couché est enserré par une immense main en bois rouge, sculptée dans un séquoia de la Sarthe, mort à cause de la sécheresse. « Serait-ce pour le catapulter sur le château ou simplement le redresser ? Toutes les interprétations sont possibles », glisse l’artiste Max Coulon, qui fait référence à Luffy, personnage du manga One Piece capable d’étirer son corps.

En haut de la butte Sainte-Anne qui surplombe la Loire, l’artiste taïwanaise Yuhsin U Chang délivre un message plus méditatif. Elle est venue suspendre au milieu d’un pin parasol de 80 ans une sculpture représentant une tranche de son tronc quand il atteindra l’âge vénérable de 250 ans. L’écorce et les cernes de bois (130, tracés à la défonceuse) semblent plus vrais que nature. De quoi souligner la puissance tranquille des arbres, qui vivent bien plus longtemps que les hommes…

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Quatre nouvelles fontaines Wallace

Le Voyage à Nantes a confié à l’artiste Cyril Pedrosa le soin d’imaginer quatre nouvelles fontaines Wallace pour augmenter les points d’eau potable dans la ville. Ces fontaines s’étaient déployées au XIXe siècle grâce au philanthrope anglais Richard Wallace, sculptées – on le sait moins – par le Nantais Charles-Auguste Lebourg. L’auteur de BD en propose une version renouvelée, dans laquelle les quatre cariatides (figures féminines allégoriques) soutenant ces fontaines parviennent à planter des arbres pour les remplacer et ainsi reprendre leur liberté. La fontaine située dans le parc du Muséum d’histoire naturelle voit ainsi les quatre cariatides sorties de leur socle…

Du 6 juillet au 8 septembre 2024. Site : levoyageanantes.fr