Le réseau social X, propriété du milliardaire Elon Musk, a commencé à être bloqué samedi à l’aube au Brésil, quelques heures après qu’un juge de la Cour suprême a ordonné sa suspension en raison d’infractions judiciaires. Selon la presse locale, la coupure de X a commencé chez certains fournisseurs d’accès à Internet et devrait être complètement réalisée dans la journée.

Un juge de la Cour suprême a ordonné vendredi, après un long bras de fer, la suspension de X dans les 24 heures, provoquant la colère d’Elon Musk. « La liberté d’expression est le fondement de la démocratie et, au Brésil, un pseudo-juge non élu est en train de la détruire à cause de motivations politiques », a-t-il dénoncé.

C’est le dernier épisode en date de la joute entre Alexandre de Moraes, juge du Tribunal fédéral suprême (STF) et figure de la lutte contre la désinformation au Brésil, et le milliardaire américain. Il intervient un peu plus d’un mois avant des élections municipales qui permettront de mesurer le rapport de force entre le camp du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva et la droite, qui fait volontiers d’Elon Musk son champion. Très prisé au Brésil des politiques comme des journalistes, X y est une arène privilégiée de l’intense polarisation entre droite et gauche.

« Dictateur »

Le juge Moraes avait ouvert en avril une enquête sur le milliardaire en l’accusant d’avoir réactivé des comptes suspendus sur décision de la justice brésilienne. X avait admis que des utilisateurs avaient réussi à contourner les restrictions. Le 17 août, Elon Musk avait annoncé la fermeture des bureaux de X au Brésil en invoquant les actions du haut magistrat, tout en y maintenant le service disponible.

Le juge a ordonné ces dernières années le blocage des comptes de figures influentes des mouvements ultra-conservateurs brésiliens pour avoir disséminé des « fake news ». En particulier depuis les tentatives de partisans de l’ancien président d’extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022) de discréditer le système de vote électronique lors de l’élection remportée par Lula en 2022.

Elon Musk fait également l’objet au Brésil d’une enquête dans l’affaire des « milices numériques », soupçonnées d’avoir utilisé de l’argent public pour orchestrer des campagnes de désinformation en faveur de Jair Bolsonaro et de ses proches.

Le juge Moraes avait donné mercredi soir 24 heures à la plateforme pour nommer un représentant légal dans le pays, sous peine de blocage. Après le rejet par le réseau social de l’ultimatum, le juge a décidé sa « suspension immédiate, complète et intégrale » et ordonné à l’Agence nationale des télécommunications (Anatel) d’« adopter toutes les mesures nécessaires » pour qu’elle entre en vigueur dans les 24 heures dans le plus grand pays d’Amérique latine.

« Impunité et anarchie sur les réseaux sociaux »

Le juge a également demandé aux géants de la tech Google et Apple, ainsi qu’aux fournisseurs d’accès Internet, d’« introduire des obstacles technologiques capables d’empêcher l’utilisation » de X. Il a en outre menacé d’amendes de 50 000 reais (environ 8 000 €) par jour les personnes qui recourraient à des « subterfuges technologiques » pour contourner le blocage, comme l’usage de réseaux privés virtuels (VPN).

Le magistrat a dénoncé la « tentative » de X d’échapper à « l’ordre juridique et au pouvoir judiciaire brésiliens, pour instaurer un climat de totale impunité et d’anarchie sur les réseaux sociaux brésiliens, notamment durant les élections municipales de 2024 ». La suspension doit rester en vigueur jusqu’à ce que la plateforme obtempère, paie les amendes qui lui ont été infligées et nomme un représentant légal.

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Alexandre de Moraes a aussi bloqué récemment les comptes de Starlink, fournisseur d’accès à Internet par satellite dont Elon Musk est propriétaire, pour récupérer le montant d’amendes non payées par X. L’homme d’affaires a multiplié les attaques contre Alexandre de Moraes cette semaine, le traitant de « dictateur ».

« Pour qui se prend-il ?, a réagi vendredi le président Lula, en évoquant Elon Musk. Tout citoyen de n’importe quelle partie du monde qui a des investissements au Brésil est soumis à la Constitution et aux lois brésiliennes. »