Quand l’art entre en guerre contre la violence du monde

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  • Nikita Kratsov (au centre)aux côtés de Misha Zavalnyet de Guillaume Soulatges(à gauche), devant une œuvre collective.
    Nikita Kratsov (au centre)aux côtés de Misha Zavalnyet de Guillaume Soulatges(à gauche), devant une œuvre collective.
  • Des artistes qui puisent leur inspiration dans divers univers.
    Des artistes qui puisent leur inspiration dans divers univers.
Publié le
joël born

l'essentiel Réunis autour de Nikita Kratsov, à la galerie de la Cascade, à Salles-la-Source, une dizaine d’artistes ukrainiens et français mêlent différents styles pour raconter cette violence trop souvent banalisée.

De nombreux artistes ont exprimé leurs ressentis et leur dégoût face aux monstruosités de la guerre, effroyable machine à broyer de l’humain. Il y a eu, bien sûr, Picasso et son célèbre Guernica, Rubens, Goya, Otto Dix, David Olère, qui a vécu l’horreur des camps de la mort, et tant d’autres. "Non, la peinture n’est pas faite pour décorer les appartements, c’est un instrument de guerre offensif et défensif contre l’ennemi", écrivait Pablo Picasso dans les Lettres Françaises du 24 mars 1945. Le combat des artistes n’est malheureusement pas suffisant. Et la guerre continue de produire ses ravages. Aux quatre coins de la planète. Comme si rien ne pouvait arrêter la folie des hommes. Tant et si bien d’ailleurs que l’on finit par s’y habituer. À faire avec ces images parfois insoutenables que l’on nous sert à longueur de journaux télévisés. Presque comme si de rien n’était. Presque comme si c’était normal.

Chiens enragés

Invité par l’association de la galerie de la Cascade, l’artiste ukrainien Nikita Kratsov, un "monstre de puissance créatrice", dont la compagne Camille Sagnes Kratsova est Aveyronnaise, a décidé de regrouper une dizaine d’artistes ukrainiens et français autour de cette thématique de l’accoutumance à la violence. Cette exposition collective sur les "chiens enragés" (Mad dogs) réunit ainsi les œuvres de Nikita Kratsov, Winshluss, Moolinex, Tymur Postovyï, Alina Yakubenko, Aliocha Say, David Chichkan, Misha Zavalny, Martes Bathori et Guillaume Soulatges. "Chaque jour nous voyons des images et lisons des articles sur les horreurs qui se produisent à quelques heures de chez nous, et progressivement notre sensibilité s’émousse à mesure que l’horreur grandit. Les artistes présentés dans cette exposition ont tous en commun dans leur travail ou du moins une partie de leur œuvre une réflexion, une histoire ou une obsession particulière de la guerre et de la violence", dira Jean-Luc Fau, à l’heure du vernissage, qui s’est déroulé, le week-end dernier, en présence de nombreux invités, dont le conservateur du musée Soulages, Benoit Decron. "De l’histoire ancienne et récente, le monde n’a rien appris", insistera ce dernier. Écoutons-le : "L’affiche de Mad Dogs de Nikita Kravtsov est évocatrice, effrayante, en technicolor, imagée presque enfantine. Le collage nous gratifie d’une typo d’affiche de cirque, d’emballage de pétards à mèche, une iconographie comme tirée du Petit Journal : fond orangé, plaisant, luminescent. Des chiens (des loups ?) assiègent un pauvre type déjà pendu à un arbre étêté. Au second plan, des chevaux au galop, affolés… Kravtsov déroule une perspective dévastée, une iconographie littérale que le second degré tente de rendre moins désespérante. Les artistes de l’exposition sont d’une génération qui mêle l’esthétique punk et gothique, l’imagerie morale, celle d’Épinal et des calendriers, ou celle de l’union soviétique, les scénarios de films gore, de série B, les gimmicks de la presse underground, les fragments d’histoire de l’art (que dire de Jérôme Bosch et de Pieter Brueghel ?). C’est la force de ces artistes, plus ou moins diplômés, de s’affranchir à la fois de l’académisme néoréaliste et du formalisme desséché des écoles d’art, de prélever de la culture tous azimuts. Un nouveau monde naît d’un mélange de sources : la gravité du moment ne se départit jamais du second degré, dans un grincement d’humour noir." Et si l’art nous permettait une bonne fois pour toutes de faire la paix…

Exposition visible jusqu’au 25 août, ouvert du jeudi au dimanche, de 14 h 30 à 18 heures, galerie de la Cascade, 111 route de Conques 12330 Salles-la-Source. Galeriedelacascade.com

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