Thierry Estrémé, éleveur : «Quand on retrouve nos bêtes mortes, le moral prend un coup»

  • La réalité de la transhumance est parfois plus cruelle.
    La réalité de la transhumance est parfois plus cruelle.
Publié le , mis à jour
Propos recueillis par Alain Arbogast.

Après la décision du ministre Nicolas Hulot de réintroduire deux ourses dans le massif pyrénéen à l'automne 2018, Daniel Chertier et Thierry Estrémé, deux éleveurs du groupement pastoral Urets-Bentaillou, ont eu la même réaction indignée : «C'est une véritable provocation, sachant que le nombre d'ours augmente chaque année avec les naissances.»L'été dernier, Thierry Estrémé avait 1 450 brebis sur l'estive d'Urets, il en a perdu 148. La procédure d'indemnisation a été effective pour 40 brebis, mais pas pour les bêtes victimes de dérochement ou celles dont le cadavre a été dévoré par les charognards.

Thierry, pour quelles raisons les attaques ont-elles été si nombreuses ?

Nous sommes dans une zone boisée où l'ours trouve facilement refuge ; côté espagnol, dans le Val d'Aran, les attaques ne sont pas aussi fréquentes car les bois sont moins étendus. Nous avions cette année trois patous pour protéger le troupeau, la saison prochaine nous allons embaucher un jeune berger pour aider notre pâtre.

Le pastoralisme est-il en danger ?

Il risque de disparaître, les plus anciens vont continuer encore un peu, mais j'ai peur que les jeunes, malgré leur motivation, rencontrent trop de difficultés. Quand nous retrouvons nos bêtes mortes, le moral prend un coup.

Pour les 750 moutons de Daniel Chertier, la fin du séjour dans les estives du Bentaillou a été dure et l'éleveur en donne les raisons : «À cause des attaques incessantes dans le secteur d'Urets, le troupeau de Thierry Estrémé est descendu plus tôt que prévu dans la vallée, les ours ont alors migré vers le Bentaillou».

Daniel, comment expliquer ce grand nombre d'attaques surtout en Couserans ?

Le climat, le relief, la végétation conviennent parfaitement à l'ours et 80 % de la population pyrénéenne est quasiment concentrée dans notre région. Malgré toute notre volonté et nos efforts, la cohabitation est impossible. L'ours s'adapte aux mesures de sécurité que nous mettons en place. Il prend maintenant l'habitude d'attaquer par temps de brouillard quand la visibilité est mauvaise

Faut-il envisager le cantonnement de l'ours ?

L'ours pourrait très bien vivre dans une sorte d'immense grand parc clôturé où il serait même possible d'organiser des safaris photos pour les touristes. Il est facile d'envoyer des directives parisiennes mais ici nous devons vivre avec l'ours. Ces décisions sont un manque de respect pour les éleveurs et surtout pour les jeunes qui investissent et qui doivent rembourser des prêts.

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Les commentaires (5)
Gattaca Il y a 6 années Le 12/04/2018 à 12:34

Ah ça, on s'en doute bien que ce n'est pas bon pour le moral! Mais est-ce aussi le cas lorsque des bêtes sont tuées par des chiens errants? Parce que là on les entend moins les éleveurs, alors que les chiens errants font beaucoup plus de dégâts.

@lurone: et encore, c'est cadeau, parce qu'il n'y a eu aucune preuve démontrant que l'ours a eu un rôle dans ce dérochement.

Marc0 Il y a 6 années Le 06/04/2018 à 20:45

"Quand nous retrouvons nos bêtes mortes, le moral prend un coup"
Et oui, pour trouver le gigot chez le boucher, il faut d'abord égorger l'agneau à l'abattoir après quelques heures de voyage en bétaillère.
C'est sûr, le moral en prend un coup, quand on aime ses bêtes comme ses enfants...

Il y a 6 années Le 06/04/2018 à 14:48

Arrêtez de vous plaindre les éleveurs, vous n'avez qu'à élever des ours comme le faisaient vos aïeux. Si vous n'avez pas encore compris que l'avenir c'est l'ours, c'est le macron, c'est le hulot, retournez vivre au 20ème siècle avec votre SNCF déficitaire. Le progrès c'est en marche et pas en marche arrière en marchant dedans ça porte bonheur.