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Société

Affaire Telegram : Quand la liberté des messageries cryptées alimente les dérives

RÉSEAUX. L’affaire Telegram illustre les dérives des messageries cryptées face aux contenus illégaux. Pourtant, des outils de prévention existent.

Adrien Baget
Pavel Durov, fondateur de Telegram.
Pavel Durov, fondateur de Telegram. © Durov/Instagram

Fondée par le milliardaire russe récemment naturalisé français Pavel Durov, Telegram met en avant son offre d’échanges possiblement cryptés et effaçables. Aujourd’hui pointée du doigt pour son absence de modération – alors qu’elle abrite des adeptes du terrorisme, de pédopornographie ou d’escroqueries en bande organisée –, la messagerie aux 900 millions d’utilisateurs a pourtant un fonctionnement similaire à d’autres plateformes comme WhatsApp ou Signal.

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Toutes utilisent le cryptage « de bout en bout », avec lequel les échanges ne peuvent être lus que par l’émetteur et son destinataire. Il existe pourtant une distinction : Telegram ne propose pas de chiffrement par défaut. C’est donc à l’utilisateur d’activer lui-même le cryptage de ses données, ce qu’il ne peut faire que pour une conversation à deux, et non dans des groupes. Une différence qui rend en théorie cette messagerie moins sûre et plus accessible aux autorités et renseignements. En théorie seulement.

La messagerie annonce régulièrement bloquer des canaux de discussions djihadistes par exemple, mais le nombre total de comptes à supprimer est très difficile à mesurer – certaines boucles peuvent accueillir jusqu’à 200 000 membres. Or une conversation supprimée peut être recréée très rapidement. Des groupes pullulent et disparaissent, rendant toute traçabilité difficile.

Telegram annonce régulièrement bloquer des canaux de discussions djihadistes

La récente bataille qui oppose la justice française au patron de Telegram vise donc un point précis : la plateforme identifie parfois des contenus qui tombent sous le coup de la loi, sans les transmettre systématiquement à la justice. « Cette messagerie n’est pas soumise au Cloud Act, qui oblige tous les services de communication américains à fournir aux autorités les informations dont ils disposent sur un individu suspecté d’infractions graves, explique maître Alexandre Lazarègue, avocat spécialisé en droit du numérique. N’étant pas une entreprise américaine, elle offre ainsi une confidentialité supplémentaire à son presque milliard d’utilisateurs. »

Or les États-Unis ne sont pas les seuls à tenter d’agir. L’Union européenne et ses États membres s’y sont mis aussi. « Le meilleur outil que le droit a à sa disposition est la qualification d’hébergeur, ajoute l’avocat. La loi de 2004 sur la confiance dans l’économie numérique oblige ces réseaux sociaux à signaler tous les contenus illicites et à les identifier. »

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À l’échelle européenne, le nouveau Digital Services Act, entré en vigueur en début d’année, impose à son tour un certain nombre de règles, avec sanctions financières à la clef. « Elles commencent à se chiffrer, constate Alexandre Lazarègue. Petit à petit, certains réseaux comme Meta commencent à se plier à la réglementation. » Ce que refuse Telegram. Non seulement pour une question de moyens, mais également en raison de la philosophie libertarienne de Pavel Durov, qui prône une liberté totale dans les échanges sans risque d’être lu par un tiers, et refuse donc par principe toute réglementation étatique.

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