Tabagisme : «Il faudrait que le paquet passe le seuil de 10 euros»

 

Illustration. La députée PS Michèle Delaunay plaide pour une augmentation radicale du prix du paquet de cigarettes.
Illustration. La députée PS Michèle Delaunay plaide pour une augmentation radicale du prix du paquet de cigarettes.
(LP/Yann Foreix.)

    Très engagée dans la lutte contre le tabagisme, Michèle Delaunay, députée socialiste de Gironde, est aussi cancérologue. L'ex-ministre du gouvernement Ayrault milite pour des mesures radicales.

    Le regain de tabagisme vous surprend-il ?

    MICHÈLE DELAUNAY. Pas totalement. S'il y a une baisse relative parmi les gros fumeurs qui se sont mis à vapoter, on sait en revanche que le tabagisme féminin augmente de façon épidémique, en particulier chez les plus jeunes qui pensent que fumer permet de rester mince ! Les cigarettiers exercent une très forte pression sur ce public, avec des formats slims, notamment, qui entretiennent cette idée de minceur et d'élégance. Il existe aussi un sponsoring caché de l'industrie du cinéma par celle du tabac : le nombre de scènes où des acteurs fument a augmenté. Aujourd'hui le tabac est présent dans 80 % des films !

    Paquet neutre, interdiction de fumer en voiture quand un enfant s'y trouve... Ces mesures peuvent-elles infléchir la tendance ?
    Elles permettent de débanaliser l'image du tabac, notamment auprès des enfants. Mais elles sont insuffisantes. La seule façon efficace de diminuer la consommation et de lutter contre l'entrée en tabagisme des jeunes est l'augmentation du prix en une seule fois et de façon significative. Les petites hausses successives comme ces dernières années n'amènent pas de baisse. Il faudrait que le paquet passe le seuil symbolique de 10 €. Or il n'a pas augmenté cette année. Le gouvernement m'a promis que ce serait le cas en 2016. J'y veillerai.

    Quelles autres décisions permettraient de faire baisser la consommation ?
    Il est aussi nécessaire de lutter contre le commerce illicite et d'harmoniser la fiscalité au niveau européen. Je souhaite aussi que l'action de groupe soit possible contre les cigarettiers, comme aux Etats-Unis ou au Canada. Actuellement, 78 000 personnes meurent du tabac en France chaque année et il faudrait que les familles puissent obtenir réparation. Il est aussi nécessaire d'aligner la fiscalité du tabac à rouler sur celle du tabac classique. Son prix est aujourd'hui de 30 % inférieur et sa consommation augmente régulièrement, notamment parce qu'il est prisé des jeunes. Il est également indispensable d'harmoniser le prix du tabac en France : en Corse il est toujours 25 % moins cher. L'Europe nous a sommés d'aligner les prix corses à ceux du continent et j'espère que ce sera bien le cas d'ici à janvier 2016.

    Lutter contre le tabac, c'est aussi des recettes en moins pour l'Etat...
    Je n'accuse personne. Cette situation est la même dans tous les pays européens : il existe une réelle schizophrénie. D'un côté, les recettes du tabac représentent 14 MdsEUR chaque année. De l'autre, les dépenses sanitaires et sociales pèsent 47 Mds. Mais, si on lutte aujourd'hui contre le tabac, on ne mesurera les bénéfices financiers que dans vingt ans. Le ministre qui portera le combat de la lutte contre le tabagisme entrera dans l'histoire. Il faut lutter contre le tabac comme on lutte contre la peine de mort.