Dernier 14 juillet du quinquennat : ménage à trois au sommet de l'Etat

LE FAIT DU JOUR. Entre la provoc de Macron, le salaire du coiffeur et la défaite des Bleus, la dernière Fête nationale du mandat de François Hollande est gâchée.

L’attitude d’Emmanuel Macron  (au centre) irrite au plus haut point
Manuel Valls (à droite) — alors que François Hollande, selon un proche, « soupèse les choses ».
L’attitude d’Emmanuel Macron (au centre) irrite au plus haut point
Manuel Valls (à droite) — alors que François Hollande, selon un proche, « soupèse les choses ». (EPA/Ian Langsdon.)

    Autour de la grande table ovale du salon des ambassadeurs, à l'Elysée, l'ambiance est lourde. Les membres du gouvernement se sont interrogés mercredi matin sur la tournure de ce Conseil des ministres. Manuel Valls affiche la mine des mauvais jours. « Il était ostensiblement de méchante humeur », confie l'un des participants. La veille, ignorant les appels du Premier ministre à ce que « tout cela s'arrête », Emmanuel Macron a clamé ses ambitions, lors d'un meeting à la Mutualité, à Paris (V e). Aux micros des matinales télé et radio, plusieurs ministres ont fustigé cette échappée solitaire. L'air est électrique, le silence de plomb... Mais il n'y aura pas de clash. Rien. François Hollande ne dit mot de cette provocation qui agite la classe politique. « Il n'y a pas eu de rappel à l'ordre, et c'est d'ailleurs un problème », confirme un ministre. « C'est le coup de l'édredon ! » s'étouffe un parlementaire, gêné par le silence du chef de l'Etat. Est-ce parce que celui-ci estime que le ministre de l'Economie, aussi remuant soit-il, a pris soin de ne pas aller trop loin ? « Macron a fait applaudir le président. Il a veillé à ne pas franchir de ligne. Chacun a le droit de faire de la politique. Les règles sont celles du collectif », juge-t-on à l'Elysée. « On n'était pas dans l'irrévérence », abonde un ministre.

    C'est plus tard, à l'hôtel Matignon, que l'exaspération a jailli. Les verres tintent dans les salons du rez-de-chaussée : Manuel Valls accueille les députés et sénateurs de la majorité pour la traditionnelle réception de fin d'année. L'occasion, selon un participant, de « manger un bout de fromage, de boire un verre ». Et, pour le Premier ministre, de taper du poing sur la table. Le chef du gouvernement, comme les hollandais historiques, Stéphane Le Foll et Michel Sapin, sont ulcérés par les embardées de Macron. « Ce que nous devons aux Français, c'est de la clarté, du travail, de la loyauté, de l'engagement, et pas l'entretien d'un climat où l'ambiguïté règne », lâche Valls devant les parlementaires.

    « On ne peut pas faire comme si de rien n'était », appuie son entourage. La veille, Macron s'est, sans jamais le citer, ostensiblement démarqué du Premier ministre. « On ne peut pas dénoncer un prétendu système en cédant aux sirènes du populisme quand, circonstance aggravante, on est soi-même le produit le plus méritant de l'élite de la République », réplique Manuel Valls à distance. Indicateur du degré de rivalité entre les deux hommes, un proche de Macron commente ainsi les mises en garde du Premier ministre : « Un fusil, ça ne parle pas, ça tire. »

    Le turbulent cadet finira-t-il par être sanctionné ? Le Premier ministre se tourne vers le président de la République. « Il y a un sujet. Et c'est celui du président de la République », martèle l'entourage de Manuel Valls. En clair, il revient à François Hollande de mettre un terme à cette situation « psychédélique », selon les termes d'un vallsiste. « Le vrai problème ne touche pas le gouvernement. Ce qui est en cause, c'est la relation entre le président et son ministre. Cela crée des tensions, des interrogations », convient un membre du gouvernement.

    Pour l'heure, Macron, qui a fait un point hier soir avec sa garde rapprochée, s'attend à être recadré publiquement par le chef de l'Etat, lors de la traditionnelle intervention du 14 Juillet. Mais après ? « François Hollande soupèse les choses », confie l'un de ses proches. Le chef de l'Etat ne peut ignorer que les ambitions affichées par Macron entament son autorité, ni qu'elles provoquent de fortes tensions avec le Premier ministre et les autres membres du gouvernement. Mais Hollande sait aussi que le ministre de l'Economie pourrait pour de bon se lancer dans la course à l'Elysée s'il était débarqué. Ou, a contrario, qu'il pourrait booster une possible campagne de réélection en restant à ses côtés. Commentaire d'un conseiller du pouvoir : « Le problème, c'est qu'on se demande qui est le cocu dans l'histoire ! »

    Paris (Ve), mardi.