MOISSY : des policiers de l’urgence

 MOISSY : des policiers de l’urgence

    Moissy-Cramayel. Une zone de la grande couronne parisienne en plein développement urbain. La banlieue sans les tours. Ici, une prison en construction. A deux pas, un immense complexe commercial. « On n'a pas les ghettos, pas l'horizontal, mais le même type de délinquance, l'effet masse en moins », décrivent les policiers. « Ce qui me frappe, c'est qu'ils font face sans arrêt à la misère humaine, avec très peu de moyens », jauge Philippe, 56 ans, un ancien de la PJ parisienne à la retraite qui officie depuis peu comme « délégué police-population » dans la région.

    Fiers mais mal aimés
    « On fait le chaud, le tout-venant. On est les urgentistes », définit l'un d'eux. Des urgentistes qui ont le sentiment que leur uniforme n'est jamais bien accueilli. « Moi, je suis fier de ma profession », affirme Cédric, 33 ans, fils de policier, qui a eu tôt « la vocation ». « Le problème, c'est les gens, dit-il. C'est toujours la tenue qui bloque. » Arnaud, 37 ans, brigadier-chef des patrouilles police secours, un « Ch'ti du Nord ». « Je suis d'un village de 1 000 habitants. Avec l'école, j'avais côtoyé la ZUP à Dunkerque. J'avais pas peur de travailler en banlieue, ni d'a priori. Policier, où que tu sois, le boulot est le même. Mais en banlieue, c'est plus dur. C'est l'image de la police. Elle est pas bien vue. »
    Cyrille, 30 ans, qui a grandi non loin de Moissy, évoque ces « repas de famille » où fusent les préjugés. « On est des racistes, des alcooliques, on ne sait que taper sur les gens, les faire ch… Les gens ne se rendent pas compte des risques qu'on prend. Le policier qui part sur un différend familial, ils connaissent pas. Et pourtant, des interventions, y en a ! » Pour Christophe, « l'aléatoire, l'imprévu permanent » font justement « l'intérêt du métier ». « On voit beaucoup de choses, les gens peuvent pas s'imaginer… » Ces « choses », c'est l'intervenante sociale depuis peu associée au travail du commissariat qui en parle : « Des parents désespérés et dépassés, des violences conjugales permanentes… » Et des policiers, dit-elle, « tout le temps dans le jus, confrontés à des situations pour lesquelles ils n'ont pas été formés ».

    Ils ont choisi la Seine-et-Marne
    Pourtant, en sortie d'école, la plupart des jeunes gardiens du commissariat ont fait le choix de la Seine-et-Marne. Avec un ouf d'atterrir dans une zone « où il y a du vert ». « De ma section, une dizaine, qui avaient atterri sur des postes à réputation difficile, ont démissionné », remarque Christophe.
    Céline, fille d'agriculteur de la Nièvre, gardien de la paix depuis un an, n'aurait jamais voulu travailler dans une vraie « banlieue béton » : « Les collègues qui y sont, c'est vraiment dur pour eux. Il y a un fossé avec la population. » Même s'ils considèrent la zone comme moins difficile, la question du « où on habite/où on intervient » se pose pour chacun. Sarah*, 31 ans, vient d'être aidée à déménager par les services sociaux de la préfecture. « Sur une intervention pour agression sexuelle, je me suis retrouvée… face à mon voisin de palier ! Avant, personne ne savait que j'étais policière. Après, j'ai été accostée : Ah tiens, voilà la keuf ! Ça a débuté par la parole, puis on a commencé à démonter ma voiture. Je ne me sentais plus en sécurité. » Son nouveau logement se trouve à 6 km.

    Travail de nuit, patrouilles de jour
    Nombre de policiers, quand ils en ont les moyens, ont fait le choix de vivre loin, voire très loin, de là où ils travaillent. Cédric, gardien de la paix : 100 km. Le commandant, 50 km. Jean-René, gardien de la paix, né à la Réunion : Melun « pour pas être trop près du boulot ». Cédric, gardien de la paix, trois enfants : 10 km. Même Cyrille, père de deux enfants, qui a grandi ici et « habite à 2 minutes » avec des collègues pour voisins, et dont tout le quartier connaît le métier, assure : « Je suis quand même sur la défensive quand je rentre tard. J'ai les yeux partout. Ce qui m'inquiète surtout, c'est ma famille. » Horaires décalés, travail de nuit, patrouilles de jour… La plupart évoquent un conjoint compréhensif. Et pour cause : « Beaucoup d'entre nous ont épousé un policier », sourit la commandante. L'arrivée du premier enfant marque « un changement radical », selon eux. « Sur une intervention, on y va moins tête baissée », affirme Cyrille. « Avec plus de maturité et de sérénité. Et pas le même regard sur les problèmes de la société », confie Cédric, dont la dernière a 7 mois.

    * Le prénom a été changé.

    CLÉS
    Moissy-Cramayel (Seine-et-Marne) est une commune de 17 000 habitants.

    Le commissariat compte 150 policiers en tenue, dont le champ d'action couvre 12 communes, représentant 118 000 habitants et 4 gares RER.