« Prison à vie » pour les terroristes : une idée déjà condamnée

Alors que Manuel Valls semblait ouvert à la proposition de Nathalie Kosciusko-Morizet d'instaurer une perpétuité incompressible, le porte-parole du gouvernement l'a clairement exclu hier.

L’extension de l’incompressibilité des peines pour acte de terrorisme pourrait être portée de vingt-deux à trente ans dans le cadre de la réforme pénale en cours d’élaboration.
L’extension de l’incompressibilité des peines pour acte de terrorisme pourrait être portée de vingt-deux à trente ans dans le cadre de la réforme pénale en cours d’élaboration. (LP/Aurélie Audureau.)

    Manuel Valls isolé dans son camp. Hier, à la sortie du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a exclu tout emprisonnement à vie pour les terroristes, à peine vingt-quatre heures après que le Premier ministre s'est dit prêt à examiner un possible renforcement des sanctions contre des personnes condamnées pour actes terroristes.

    Sur fond d' attentats à Bruxelles et d'émotion nationale, la députée LR Nathalie Kosciusko-Morizet proposait mardi un nouveau tour de vis : pas question de laisser sortir de prison un terroriste comme Salah Abdeslam même au bout d'une peine de sûreté de trente ans (lire encadré). Le lendemain, sur Europe 1, le Premier ministre affirmait qu'il fallait « sans doute que les condamnations » pour terrorisme « soient encore plus lourdes ».

    Problème juridique et politique

    Mais hier, le porte-parole du gouvernement a fermé le ban. « Il ne peut pas y avoir de peine qui condamne un prisonnier jusqu'à sa mort », a expliqué Le Foll. Officiellement, François Hollande n'en a pas parlé devant ses ministres. Mais dans les rangs des députés PS bruisse l'idée que le président ne voyait pas cette proposition d'un bon œil. Il y a d'abord un problème de compatibilité juridique puisque la Cour européenne des droits de l'homme prévoit un « droit au réexamen de la peine » pour n'importe quel type de condamné. « Ici, ce n'est pas l'Arabie saoudite, dit Olivier Faure. Là-bas, si tu voles, on te coupe la main parce qu'ils considèrent que tu voleras tout le temps. En France, on considère qu'il est possible de changer. »

    Mais il y a surtout un problème politique. Car, à gauche, cette proposition réveille de vieux démons. « C'est la peine de mort lente en fin de compte », a ainsi dénoncé Bruno Le Roux, le chef de file des députés PS. A la faveur de la proposition de NKM, la peine de mort pour les terroristes revient dans le débat. Sur RMC, Xavier Bertrand n'a ainsi pas caché sa nostalgie, entraînant une vague de réactions sur les réseaux sociaux. « A l'époque (en 1981), si j'avais été député, je crois que je n'aurais pas voté l'abolition de la peine de mort », a affirmé le président LR de la région Nord-Pas-de-Calais - Picardie. Echaudés par le feuilleton de la déchéance de nationalité qui les a profondément heurtés, les parlementaires de la majorité ne veulent pas d'un nouveau coup de canif dans « les valeurs de gauche ». D'autant que les socialistes ont déjà adopté dans le cadre de la réforme pénale un amendement déposé par le député LR Guillaume Larrivé prévoyant d'étendre la possibilité d'une peine de sûreté de trente ans aux auteurs d'actes terroristes.

    « Tout l'arsenal est déjà dans le Code pénal, estime Dominique Raimbourg, le président PS de la commission des Lois de l'Assemblée. Inutile de se lancer dans la surenchère. » Quitte à laisser Manuel Valls seul au front. « Il a cherché le deal avec l'opposition : la perpétuité incompressible pour les terroristes contre la déchéance de nationalité », estime un député. Le tout sur fond d'« union nationale ». Pour l'instant, c'est raté.