Festival de Cannes : un record de réalisatrices en compétition, mais toujours du chemin à parcourir

Sur les 21 films sélectionnés en compétition officielle cette année, sept sont signés par des femmes cinéastes. Un record, même si la parité est encore loin.

La réalisatrice française Julia Ducournau est la deuxième femme récompensée par la Palme d'or en 2021, après Jane Campion en 1993. LP/Fred Dugit.
La réalisatrice française Julia Ducournau est la deuxième femme récompensée par la Palme d'or en 2021, après Jane Campion en 1993. LP/Fred Dugit.

    Trente ans après Jane Campion et deux ans après Julia Ducournau, une femme remportera peut-être la Palme d’or. Cette année, sept réalisatrices sont en lice, parmi les 21 films sélectionnés en compétition officielle du Festival de Cannes. Soit un tiers de la sélection. Jamais la Croisette n’en a compté autant. L’an dernier, elles n’étaient que cinq à prétendre au prestigieux trophée et quatre en 2021 et 2019.

    Entre 1946, date de la première édition, et 2018, sur les 1 727 films en compétition officielle, seuls 82 étaient réalisés par des femmes, soit 5 % des longs-métrages, relève même le collectif 50/50, association qui œuvre pour l’égalité dans le cinéma.

    « Je me réjouis, parce que les chiffres sont clairement à la hausse », confirme Fabienne Silvestre, cofondatrice et directrice du Lab « Femmes de cinéma », think tank qui planche sur la parité et la mixité dans le cinéma et l’audiovisuel. « S’il y a des femmes mises à l’honneur dans le palmarès, cela crée des modèles d’inspiration au féminin, c’est très important », poursuit-elle.

    Trois Françaises en compétition officielle

    Parmi les longs-métrages dans la course pour la Palme d’or, figurent Club Zero de la réalisatrice autrichienne Jessica Hausner, La Chimère de l’Italienne Alice Rohrwacher et le premier film de la Sénégalaise Ramata-Toulaye Sy, Banel et Adama. Déjà nommée dans la sélection parallèle du Festival de Cannes « Un certain regard » en 2017, la Tunisienne Kaouther Ben Hania est désormais en compétition officielle pour son documentaire Les Filles d’Olfa.

    Trois réalisatrices françaises briguent également le prestigieux trophée, Catherine Breillat avec son film L’été dernier et Justine Triet pour Anatomie d’une chute. Le film de Catherine Corsini, Le Retour, n’a été retenu que plus tardivement après des soupçons de harcèlement sur le tournage.

    Dans l’histoire du festival, seules deux réalisatrices ont remporté le prestigieux trophée, la Néo-zélandaise Jane Campion en 1993 pour La Leçon de piano et la Française Julia Ducournau en 2021 pour Titane. Un collage féministe dans une rue de Nice dénonce d’ailleurs ce déséquilibre, relatait Nice-Matin lundi : « 76 Palmes d’or, seules 2 réalisatrices primées ».

    « Un festival est une vitrine de ce que produit le cinéma, tempère Fabienne Silvestre. Vu la moyenne européenne de femmes cinéastes, c’est très difficile d’arriver à 50 % en compétition. » De fait, les femmes ne représentent qu’un quart des réalisateurs en Europe, selon les chiffres de l’Observatoire européen de l’audiovisuel. « Les choses ne peuvent pas être parfaites à Cannes, alors que le milieu n’est pas parfait », estime la directrice du Lab « Femmes de cinéma ».

    De son côté, l’institution cannoise, qui n’a pas donné suite à nos sollicitations, dit s’engager « pour la liberté d’expression, la parité et la diversité » sur son site Internet : « Le Festival compose chaque année une sélection officielle aussi exigeante qu’attentive à la diversité et à la parité ». En 2018, il a signé la Charte pour la parité et la diversité dans les festivals de cinéma du collectif 50/50. Celle-ci engage notamment à « rendre transparente la liste des membres des comités de sélection et programmateurs » pour « écarter toute suspicion de manque de diversité et de parité ».

    Les « positionnements politiques » du festival critiqués

    L’institution est pourtant vivement critiquée cette année pour avoir choisi Jeanne du Barry de Maïwenn en film d’ouverture, malgré les accusations de violences conjugales dont Johnny Depp, sa tête d’affiche, a fait l’objet. La sélection du film de Catherine Corsini, Le Retour, est aussi pointée du doigt.

    Dans une tribune parue dans Libération mardi, jour de la cérémonie d’ouverture, plus de 100 actrices et acteurs dénoncent les « positionnements politiques affichés par le Festival de Cannes » : « En déroulant le tapis rouge aux hommes et aux femmes qui agressent, le festival envoie le message que dans notre pays nous pouvons continuer d’exercer des violences en toute impunité, que la violence est acceptable dans les lieux de création. »

    Le délégué général du Festival de Cannes Thierry Frémaux s’est défendu en disant ne pas avoir suivi le procès médiatique de l’acteur, lors d’une conférence de presse lundi : « Je ne sais pas de quoi il s’agit, je m’intéresse à Depp comme acteur. »