Eugène Delacroix au Louvre : des chefs-d’oeuvre venus du monde entier
200 peintures et documents composent la première grande rétrospective de l’artiste-peintre depuis 1963. Et le public y découvrira un Delacroix très différent de celui de « La liberté guidant le peuple ».
On croit tout savoir, et l'on ne sait rien. Oubliez les manuels scolaires et les souvenirs d'enfance. Parmi les près de 200 peintures et documents (comme les extraordinaires carnets de son journal intime) présentés au Louvre, venus des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, du Canada, de Belgique, de Hongrie, qui composent sa première grande rétrospective depuis 1963, on découvre un autre Delacroix que celui de « La liberté guidant le peuple ».
Comme Picasso, Delacroix, dépassé par sa propre virtuosité, déjà célèbre à 25 ans, change de style tous les dix ans, pour ne pas être pétrifié vivant. Il casse les formats, alterne l'immense et le tout petit, surprend, voire dérange ses contemporains en peignant par exemple un tigre en majesté, immense comme une peinture d'histoire. Il accumule des scènes d'action au premier plan, avec l'efficacité d'un plan de cinéma. Ses effets spéciaux, c'est l'enchevêtrement des corps, à couteaux tirés, ses cavalcades en gros plan jusqu'à l'immersion du spectateur.
L'exposition, très rythmée, alterne les séquences furieuses et douces, les guerres ou combats entre guerriers et fauves au Maroc, des nus suaves, des fleurs même, et enfin des paysages : aucun genre ne lui échappe.
Non croyant, Delacroix est fasciné par Jésus
On se bat presque toujours, on lutte, comme le Christ, dont Delacroix a peint de nombreuses versions, si humaines : Jésus rampe, seul. Non croyant, le peintre est fasciné par la spiritualité de Jésus et sa mise à mort. On dévore, au sens propre quand un fauve attaque une proie, ou des yeux, ses modèles féminins très érotisés. Quand les chevaux ne sont pas attaqués par un lion, ils se battent entre eux.
A la fin de sa vie et de l'expo apparaissent des marines, les nus reviennent aussi, comme un apaisement et une célébration du désir. Moins de deux mois avant de mourir des suites d'une tuberculose à l'été 1863, à 65 ans, Delacroix écrit ses derniers mots dans son cher journal intime : « Le premier mérite d'un tableau est d'être une fête pour l'oeil ». L'exposition, historique, rend magnifiquement justice à ce voeu ultime.
Delacroix, musée du Louvre (Paris Ier), à partir d'aujourd'hui, et jusqu'au 23 juillet, 9h-18h, www.louvre.fr.
A lire : le catalogue est une véritable somme, variée et prenante (Hazan, 45€).
A voir : « Eugène Delacroix, d'Orient et d'Occident », Arte, dimanche 1er avril, 16h20.