Exposition : Vasarely, la star des Trente Glorieuses

Le maître de l’art optique, déjà passé de mode avant sa mort en 1997, a droit à sa rétrospective au Centre Pompidou à Paris.

 Centre Pompidou (Paris 4e), le 5 janvier 2019. Vasarely (1906-1997) est exposé à Beaubourg jusqu’au 6 mai prochain.
Centre Pompidou (Paris 4e), le 5 janvier 2019. Vasarely (1906-1997) est exposé à Beaubourg jusqu’au 6 mai prochain. AFP/François Guillot

    Vasarely, mais c'est qui ? C'est quoi ? Pour ceux qui ont atteint le demi-siècle, un souvenir d'enfance, une star des années Pompidou et Giscard devenue une étoile morte. Le champion de l'op art, un mouvement artistique lui aussi oublié, basé sur les illusions d'optique, avec des couleurs qui pètent, des images qui vibrent, ont l'air légèrement clignotantes, donnant à la peinture une impression de volume, de troisième dimension et de déformation.

    Victor Vasarely (1906-1997), auquel le Centre Pompidou rend hommage depuis ce mercredi, a mis au point un alphabet plastique, géométrique, réservoir de formes qui feront naître des tableaux mais aussi des jeux de société vendus dans le commerce, des intérieurs très design, des projets architecturaux… « C'est l'artiste des Trente Glorieuses. Il croit au progrès technique, son succès vient de là », rappellent Michel Gauthier et Arnauld Pierre, les commissaires de l'exposition consacrée à ce peintre né hongrois et devenu français, qui rassemble environ 300 pièces, dont une centaine de peintures.

    Des torchons, des livres et une gare

    À sa mort, Vasarely était déjà passé de mode. Dans sa nécrologie, Le Monde écrit qu'il incarne le style des années Pompidou « au même titre que la DS de Citroën ». En matière de voiture, l'artiste était plutôt Renault. Il avait dessiné le logo en losange de la marque : il était d'abord un génie du signe au sens publicitaire du terme. À 24 ans, à son arrivée en France, il est immédiatement engagé comme graphiste chez Havas. En Hongrie, après une enfance et une jeunesse très pauvres, il avait déjà vécu de commandes publicitaires.

    Victor Vasarely./Polymnia/Leemage
    Victor Vasarely./Polymnia/Leemage AFP/François Guillot

    Toute sa vie, Vasarely s'est fichu du grand art. Il ne peignait pas lui-même, élaborant des formules scientifiques et des nuanciers dont il confiait l'exécution à ses assistants. Tout comme de nombreux produits dérivés, de la vaisselle aux montres. « Du Vasarely sur des kilomètres de torchon, ça ne le gênait pas. Il n'est pas peintre, mais plasticien. Il n'attache aucune importance au travail de la main », décrypte Michel Gauthier.

    Vasarely met ses ronds et ses carrés partout, sur les murs des décors télés dans une émission de Michel Drucker - en 1968, déjà -, sur des couvertures de livres, sur sa fresque murale du hall de la gare Montparnasse, et sur la pochette de « Space Oddity » de David Bowie en 1969. La rock-star, fan de science-fiction comme l'artiste, a visité son atelier lors de leur collaboration. Au cinéma, dans « Peur sur la ville » de Henri Verneuil, un tueur sonne à l'interphone devant un tableau du maître, en 1975.

    « Un grand coloriste »

    La fin des Trente Glorieuses : le début du purgatoire pour Vasarely. « L'époque moderne se clôt avec le choc pétrolier, la fin des lendemains qui chantent, la crise. Vasarely, artiste-ingénieur qui rêvait d'une société polychrome du bonheur, n'est plus l'homme de cette période-là », expliquent les commissaires. D'accord, mais un grand artiste résiste à tout. Alors ? « C'est un grand coloriste », défend Michel Gauthier. Vrai. Et pas seulement.

    «Orion Noir N°2», au Centre Pompidou./AFP/François Guillot
    «Orion Noir N°2», au Centre Pompidou./AFP/François Guillot AFP/François Guillot

    On s'est un moment demandé si c'était de l'art ou du cochon, avant de rester bouche bée devant « Vonam Zold », un tableau magnifique, aux couleurs pourtant sourdes, vert et gris pâle, une sorte de labyrinthe à la profondeur infinie, qui fait penser à David Lynch. Un « Lost Highway » de la peinture. Ces infinités colorées gardent une puissance hypnotique. Vasarely clignote toujours. Et parfois très fort.

    «Vasarely, le partage des formes», au Centre Pompidou (Paris 4e), jusqu'au 6 mai. 11 heures-21 heures sauf le mardi, 11-14€.